MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LA SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT ÉLECTRIQUE DE LA FRANCE ET LES MOYENS DE LA PRÉSERVER

Mercredi 2 mai 2007

- Présidence de M. Bruno Sido, président.

Audition de M. Bertrand Barré, conseiller scientifique auprès de la présidente du directoire d'AREVA

La mission commune d'information a d'abord procédé à l'audition de M. Bertrand Barré, conseiller scientifique auprès de la présidente du directoire d'AREVA.

A titre liminaire, M. Bertrand Barré a brièvement présenté le groupe AREVA, qui compte 60.000 collaborateurs, dont la moitié en France, recrute actuellement environ 5.000 personnes par an en raison d'investissements massifs, principalement en amont du cycle de combustion et de la relance de la prospection d'uranium, réalise un chiffre d'affaire de 5 milliards d'euros et un résultat opérationnel de 500 millions d'euros, et consacre 600 millions d'euros à la recherche et au développement. Indiquant qu'AREVA avait pour conviction que « nos sociétés ont un avenir, un avenir sans CO2 », il a estimé que le risque climatique lié à la combustion des énergies fossiles, qui représente aujourd'hui 80 % de la production énergétique mondiale, est une réalité planétaire et impose le défi d'assortir le doublement prévisible de la consommation d'énergie d'une diminution de moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES). A cette fin, il a identifié deux priorités : d'une part, une action sur la demande par l'amélioration de l'efficacité énergétique, qui présente le double avantage de pouvoir être immédiatement mise en oeuvre et de donner des résultats très importants, et, d'autre part, une action sur l'offre, par la croissance des sources non émissives de GES telles que le nucléaire et les énergies renouvelables (ENR), ainsi que, dans un avenir plus lointain, par la mise au point industrielle des techniques de capture et de stockage du CO2, dès lors que le recours au charbon et au lignite ne peut être écarté pour un grand nombre de pays. AREVA entend se situer sur le segment du nucléaire et des ENR, le nucléaire représente 70 % de l'activité du groupe, l'essentiel du solde relevant du pôle Transmission et Distribution (T&D), issu de l'absorption d'Alstom, qui fournit des systèmes et des services pour la transmission et la distribution d'électricité. La société s'engage, de manière encore discrète mais néanmoins ferme, dans le domaine des ENR : l'éolien principalement, mais aussi la biomasse et la recherche sur la pile à combustible.

Abordant ensuite la question des interconnexions, si M. Bertrand Barré les a estimées essentielles pour mutualiser les réserves et les secours entre les différents pays européens, afin de jouer sur les décalages entre leurs pics de consommation, il a relevé qu'elles constituent aussi une source potentielle de vulnérabilité globale du système. Il a jugé que la libéralisation du marché de l'énergie avait ainsi été un facteur de complication causant des surcharges de réseaux difficilement gérables pour les opérateurs, soulignant que les appels de courant d'un pays à l'autre répondent plus aux lois de la physique qu'à celles du marché. Observant par ailleurs que les exigences de voltage des réseaux sont pointues, il a rappelé l'obligation, en cas de surcharge, d'interrompre la fourniture précisément parce qu'il n'y a pas de stockage de l'électricité. A cet égard, il s'est interrogé sur la pertinence de la transformation du courant alternatif en courant continu aux connexions internationales, par l'intermédiaire de redresseurs-ondulateurs, remarquant que la Sardaigne avait été épargnée par le black-out italien de 2003 et que la Grande Bretagne n'avait pas été touchée par la panne du 4 novembre 2006, ces deux îles étant connectées au continent par un câble sous-marin en courant continu.

Puis, examinant la problématique nucléaire, M. Bertrand Barré a expliqué qu'AREVA offrait l'éventail complet des services aux électriciens souhaitant utiliser l'énergie nucléaire (mines d'uranium, enrichissement du combustible, conception et construction du réacteur, recyclage du combustible, traitement des déchets). Le groupe est le leader mondial sur l'ensemble de cette chaîne et entend le rester en ayant pour objectif d'occuper 30 % du marché, notamment en consolidant sa présence en Asie. A cet égard, il a indiqué que l'EPR, réacteur de troisième génération de 1.600 mégawatt en version de base, constituait le « vaisseau amiral » du groupe dont l'apport essentiel était le renouvellement du concept de la sûreté, tous les systèmes de sécurité étant conçus pour renforcer la protection vis-à-vis des agressions extérieures et circonscrire strictement la radioactivité dans l'hypothèse -hautement improbable- de fusion du coeur du réacteur. Il a ajouté que le groupe proposait également d'autres modèles de centrales à l'attention des clients pour qui un EPR est un outil de trop forte capacité, en particulier lorsque le réseau électrique est trop faiblement interconnecté.

En ce qui concerne l'enrichissement du combustible, il a ensuite indiqué que si l'usine Georges Besse I (GB I) d'Eurodif représente le quart du marché, sa consommation excessive d'énergie avait conduit AREVA à projeter son remplacement en 2012 par une nouvelle unité (GB II) fondée sur la centrifugation, qui permettra de réduire de cinquante fois la consommation d'électricité et, dès lors, de libérer une partie significative de la production de la centrale nucléaire du Tricastin, qui lui est actuellement dédiée aux deux tiers. S'agissant du retraitement des déchets nucléaires, il a précisé qu'AREVA en est aussi le leader mondial avec l'usine de la Hague. Il a par ailleurs expliqué que la société travaille actuellement avec le CEA sur la quatrième génération de réacteur, avec une approche-système permettant une optimisation globale de l'ensemble du cycle, dans le respect notamment de la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

En ce qui concerne le combustible lui-même, M. Bertrand Barré a estimé que les turbulences actuelles du marché de l'uranium témoignent d'une crise d'anticipation et d'un déphasage conjoncturel entre l'offre et la demande. Entre 1984 et 2004, les prix de marché de l'uranium ont été excessivement bas, autour de 10 dollars par livre d'oxyde d'uranium, en raison notamment de l'effondrement des projections nucléaires après le contre-choc pétrolier et la catastrophe de Tchernobyl, d'une part, et de la fin de la guerre froide, d'autre part. Ces trois circonstances ont eu pour conséquences une réduction de la demande civile et militaire et un accroissement de l'offre d'uranium, les réserves des électriciens et les stocks militaires constitués par les États-Unis et l'ancienne URSS étant remis sur le marché. Au début des années 2000, la moitié de la consommation mondiale d'uranium provenait du déstockage militaire et civil, ainsi que du retraitement, et non pas de minerai extrait. Pendant vingt ans, beaucoup de producteurs d'uranium ont disparu et le secteur a connu une forte consolidation, de nombreuses mines ont été fermées par anticipation, comme en 2001 en France, en raison de coûts d'exploitation devenus supérieurs aux prix de marché, la prospection et les explorations ayant été interrompues. Tout ceci permet d'ailleurs de penser que les chiffres actuellement disponibles sur les réserves potentielles, datant de quinze à vingt ans, sont probablement sous-estimés.

Puis M. Bertrand Barré a souligné que, beaucoup de signaux laissant entrevoir depuis 2000 un retour du nucléaire dans le monde. Le marché a connu en 2004 un retournement brutal de situation, anticipé aux États-Unis dès 1997 par des demandes de prolongation d'exploitation des centrales en activité. Soulignant que la loi « Energy policy act » de 2005 a facilité le redémarrage du nucléaire aux États-Unis après trente ans de mise en veille, si bien que l'EPR fait l'objet de demandes de pré-certification sur le marché américain, Il a fait état de la relance des efforts nucléaires au niveau mondial notamment en Asie, en Russie, avec la reprise des chantiers nucléaires en 2001, et même en Europe occidentale, dont la situation est paradoxale, puisque cette énergie y est très contestée, surtout par l'Autriche, le Danemark ou le Luxembourg, voire au plan national, en Espagne, alors qu'elle représente aujourd'hui 30 % de la production nucléaire mondiale. Il a considéré que l'ensemble de ces considérations constitue une forte anticipation au redémarrage du nucléaire, et donc à la demande de minerai, alors même que l'industrie de l'uranium n'était pas en mesure d'y répondre rapidement. Il a ainsi relevé que les énergéticiens ne vendaient plus leurs stocks d'uranium et que, depuis la brutale augmentation de la livre d'oxyde d'uranium de 10 à 30 dollars en 2004, ils avaient réactivé leurs efforts de prospection. Toutefois, il a estimé que si la récente envolée spéculative des « prix spot » sur les marchés, ayant porté la livre de produit à plus de 100 dollars, s'explique par le décalage de quinze ans entre l'exploration d'une mine et sa mise en exploitation, cette situation de pic est temporaire, observant au demeurant qu'elle ne touche qu'une faible partie des échanges réels, l'essentiel d'entre eux relevant de contrats à long terme. Du reste, il a relevé que le marché de l'uranium avait déjà connu une situation similaire d'envolée temporaire des prix après le choc pétrolier de 1974, qui avait fait prévoir un développement massif du nucléaire.

Puis, jugeant qu'au delà de ces variations conjoncturelles de prix, la question stratégique restait celle des réserves d'uranium, M. Bertrand Barré a fait état des ressources identifiées dont le coût d'extraction varie entre 40 et 130 dollars le kilo, distinguant les « ressources assurées » ou prouvées et les « ressources déduites » ou probables. Rappelant que les besoins en minerai représentaient 67.000 tonnes par an, il a estimé que les « ressources ultimes » ou spéculatives comprises entre 15 et 22 millions de tonnes autorisaient deux siècles de consommation de 70.000 tonnes d'uranium par an. Estimant enfin que l'exploitation durable de l'uranium passait par le recyclage complet issu de la quatrième génération de réacteur, il a indiqué la surgénération permettrait de multiplier par cinquante à cent la quantité d'énergie extraite à partir d'une tonne d'uranium, et que la France disposerait d'un véritable trésor à travers les 5.000 tonnes d'uranium appauvri dont elle est propriétaire et qu'elle pourrait ainsi enrichir. Au regard de ce contrat, il a conclu que ce n'était pas les ressources naturelles qui limitaient le recours au nucléaire, mais bien d'autres facteurs, à commencer par l'acceptation de l'opinion publique, où il a jugé nécessaire de continuer à faire porter les efforts.

A Mme Nicole Bricq qui, après avoir fait remarquer qu'en attendant le miracle de la surgénération, l'équilibrage de l'offre et de la demande d'uranium est aujourd'hui réalisé par les réserves, s'était interrogée sur la configuration actuelle du secteur nucléaire, marquée par une forte concentration et un contrôle vigilant de l'Etat, M. Bertrand Barré a répondu qu'AREVA était aujourd'hui le troisième producteur mondial, possédant 20 % des réserves (exploration et production au Canada, Niger et Kazakhstan), et ambitionnait de devenir numéro deux grâce à des efforts d'investissement et de relance de l'exploration au Niger, en Ouzbékistan et en Mongolie, voire éventuellement en Australie. Il a en outre fait remarquer que l'exploitation de l'uranium est facilitée par une répartition géographique équilibrée du minerai, et géopolitiquement favorable, précisant à cet égard que les plus grandes réserves prouvées se situent en Australie.

Puis, à M. Bruno Sido, président, qui s'interrogeait sur la pertinence, en termes de sécurité d'approvisionnement, du passage du courant alternatif en courant continu aux interconnexions, malgré le coût que cela impliquerait, M. Bertrand Barré, après avoir observé qu'AREVA n'avait en ce domaine aucun pouvoir de décision, a convenu que cette rupture de chaîne semblait efficace et méritait d'être envisagée, mais qu'un tel changement nécessiterait des investissements considérables pour moduler et démoduler le courant.

Enfin, M. Michel Billout, rapporteur, s'est inquiété de la dégradation des relations entre EDF et AREVA, entreprises dont l'Etat est actionnaire majoritaire, en raison de la modification des tarifs de l'électricité fournie par la centrale de Tricastin au site d'Eurodif, et s'est demandé si cette situation avait pour origine la délocalisation d'une partie de l'activité de retraitement d'AREVA en Russie. En réponse, M. Bertrand Barré a indiqué que son groupe avait effectivement mal perçu l'ajout au tarif d'EDF d'une taxe de transport pour deux sites séparés de seulement 150 mètres, ajoutant que de simples raisons techniques justifiaient le transfert d'une partie du retraitement d'uranium en Russie, la configuration de GB I ne permettant pas le réenrichissement du combustible issu du retraitement. Il a conclu en indiquant que cette opération serait en revanche possible dans la future unité GB II.

Audition de M. Olivier Darrason, président de la Compagnie européenne d'intelligence stratégique (CEIS)

La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Olivier Darrason, président de la Compagnie européenne d'intelligence stratégique (CEIS).

En préambule, M. Bruno Sido, président, après avoir rappelé l'objet de la mission commune d'information, a estimé essentiel d'avoir l'avis d'un spécialiste sur certains aspects de la sécurité du système électrique, en particulier sur la sécurité des réseaux informatiques qui en régulent le fonctionnement.

Soulignant qu'il ne limiterait pas son propos au seul aspect informatique, M. Olivier Darrason, président de la CEIS, a expliqué que l'attaque des moyens de production faisait partie, depuis longtemps, de l'histoire des conflits. Il a cependant constaté une évolution récente avec, d'une part, l'émergence d'activistes contestataires, notamment anti-nucléaires, souhaitant démontrer que la protection des installations et des systèmes comportait des failles compromettant leur sécurité propre ou celle d'un ensemble plus large, et d'autre part la montée en puissance de terroristes et de maîtres-chanteurs essayant de profiter d'éventuelles vulnérabilités. Sur un plan militaire, il a relevé que, lors de la guerre du Kosovo, en 1999, la réflexion des alliés européens et américains avait consisté, en application de la théorie du colonel John Warden III, à analyser le système électrique serbe afin d'en identifier les points névralgiques et les cibles les plus facilement accessibles, dont la destruction serait la plus rapide et la moins coûteuse entraînant les plus faibles dégâts collatéraux, ce qui a conduit à la neutralisation de quelques sous-stations électriques.

M. Olivier Darrason a ensuite souligné qu'un réseau de distribution pouvait être rendu vulnérable par la connaissance éventuellement acquise par le public grâce aux nouveaux moyens de communication. Ainsi, après avoir évoqué le récent scandale aux Etats-Unis de la reconstitution d'un réseau électrique par un étudiant, grâce aux images de Google Earth, il s'est interrogé sur l'exposition des installations françaises sensibles provoquée par ce type d'outil, regrettant que les demandes de « floutage » des autorités françaises pour des impératifs de sécurité nationale n'aient pas été satisfaites.

Puis il a abordé la question de la sécurité informatique, observant, si elle se posait aux électriciens dans les mêmes termes qu'à l'ensemble des organisations, qu'elle concernait cependant un réseau de production et de transport considérable, voisinant avec des systèmes commerciaux tournés vers le public. Il a évoqué les dangers qui existent lorsque les réseaux informatiques de production sont connectés à ceux de la gestion, généralement moins protégés, et les risques résultant de l'accès à Internet, de l'utilisation en réseau des outils professionnels à des fins qui ne le sont pas, et de l'importation de « softwares » extérieurs par les utilisateurs du système. Les pirates informatiques utilisent de nouvelles techniques informatiques consistant à pénétrer les réseaux sans fil (« wifi »), souvent fragiles s'ils ne font pas l'objet d'une protection adéquate. De plus, les travaux de l'observatoire de la criminalité informatique, créé en 2004 auprès du ministère de la défense montrent que les pirates, auparavant souvent des étudiants ou des scientifiques au profil marginal voire libertaire, deviennent de plus en plus de vrais professionnels, prêts à vendre leurs services aux plus offrants. La vulnérabilité peut parfois se trouver au sein même des entreprises, notamment en raison du développement de réseaux sectaires.

M. Olivier Darrason a conclu en abordant les parades à mettre en oeuvre afin de contrecarrer les menaces contre les systèmes. Il a ainsi expliqué que la « concentricité », consistant à établir des lignes de défense successives (barrières, signaux d'alerte, matériels de repérage...), s'avérait efficace pour la sécurité physique des sites, le temps nécessaire pour atteindre le coeur de la cible devant suffire à contrecarrer les assaillants. Puis, après avoir mis en garde contre les dangers que pouvait comporter, de ce point de vue, l'externalisation de certaines tâches, il a souligné l'importance, pour les entreprises, de porter une plus grande attention à leurs propres collaborateurs, en particulier à ceux ayant accès à des données sensibles.

Pour ce qui concerne la protection de l'information, il a conseillé d'opérer une sélection, tout n'ayant pas vocation à être protégé, et d'utiliser, lorsque nécessaire, les techniques de cryptologie avancée. Ayant relevé que cette science demeurait, à ce jour, l'apanage d'un tout petit nombre de grandes nations, et précisé à M. Bruno Sido, président, qui s'en inquiétait, que la France est l'une des toutes premières en la matière, il s'est déclaré préoccupé par le succès grandissant des sollicitations que certains Etats ou organisations adressent aux spécialistes de l'ex-Union soviétique pour obtenir leur savoir-faire.

Puis, après avoir rappelé le débat sur le niveau de cryptage utilisable par des entités non étatiques, suscité par la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, il a estimé que les entreprises françaises n'utilisaient globalement pas suffisamment cette technique, contrairement à EDF et RTE, même si la CEIS n'avait pas mené d'audit précis sur ce point.

A M. René Beaumont qui demandait les règles que pouvait imposer l'Etat en matière de sécurité des installations électriques à l'heure de la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz au sein de l'Union européenne, M. Olivier Darrason a fait valoir que, quel que soit leur propriétaire, les centrales nucléaires installées sur le territoire français devaient répondre, pour leur sécurité physique, aux normes sévères régissant les installations à risques, dites « Seveso », et étaient soumises à des contrôles réguliers très rigoureux. Il a en revanche reconnu qu'il n'existait pas, à ce jour, de normes relatives à leur sécurité numérique, expliquant que l'élaboration en cours de telles règles, nécessairement complexes, relevait de la double compétence du Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) et du ministère de l'industrie, et appelant de ses voeux une mobilisation plus intense pour parvenir à raccourcir le délai de deux ans prévu pour achever ce travail et rendre ces normes rapidement applicables. S'agissant des installations situées dans d'autres Etats, il a relevé que, s'il convenait de faire confiance auxdits Etats, nécessairement soucieux de la protection de leur population, rien ne permettait aujourd'hui d'avoir des assurances sur la qualité des mesures de sécurité et de sûreté, et de leur contrôle, instituées dans certains des pays concernés.

Enfin, M. Eric Doligé ayant souhaité savoir quel était le niveau d'habilitation de structures non étatiques s'occupant d'intelligence stratégique, comme la CEIS, M. Olivier Darrason a indiqué que les organismes privés devaient être habilités par l'Etat - en pratique, selon le cas, le ministère de l'industrie ou le ministère de la défense - afin de travailler avec certains clients sensibles. Il a ainsi précisé que les sociétés intervenantes étaient soumises à des procédures très exigeantes d'habilitation ainsi que leurs collaborateurs.

Audition de M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la Confédération générale du travail (CGT), accompagné de MM. Jean Barra, spécialiste des questions énergétiques à la CGT, et Dominique Loret, membre du conseil de surveillance de Réseau de transport d'électricité (RTE)

La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la Confédération générale du travail (CGT), accompagné de MM. Jean Barra, spécialiste des questions énergétiques à la CGT, et Dominique Loret, membre du conseil de surveillance de Réseau de transport d'électricité (RTE).

Après avoir rappelé que la sécurité d'approvisionnement en électricité reposait sur trois piliers que sont des moyens de production aptes à répondre à la consommation à tout instant et en tout point du territoire, des réseaux d'acheminement d'électricité bien dimensionnés, et une gestion efficace de l'équilibre entre l'offre et la demande, M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT, a estimé que trois phénomènes fragilisent l'équilibre du système électrique : la faiblesse des investissements, la déréglementation du secteur de l'énergie et les nouvelles propositions présentées par la Commission européenne dans le cadre du « paquet énergie ».

Sur le premier point, il a observé que le fonctionnement actuel du marché de l'énergie ne permet pas la réalisation d'investissements de production à un niveau suffisant pour satisfaire la demande d'électricité. Une étude réalisée par le cabinet Energie et Développement, pour le compte du conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production (CSC - CMP) d'EDF-GDF, met en évidence la nécessité d'investissements importants dans la production électrique pour assurer l'équilibre entre l'offre et la demande, tant en base qu'en pointe. Aussi, face aux choix politiques lourds qui s'imposent aujourd'hui à l'Union européenne (UE), il a préconisé la coordination des politiques énergétiques des Etats-membres au niveau européen, grâce notamment à la création d'une Agence européenne de l'énergie. Par ailleurs, il a affirmé que si la CGT était favorable à la construction d'un second réacteur nucléaire de troisième génération, elle souhaite également une intensification des efforts en matière tant d'économies d'énergie et d'efficacité énergétique que de développement des énergies renouvelables (ENR).

Sur le deuxième point, M. Jean-Pierre Sotura a estimé que le processus de déréglementation du secteur de l'énergie au sein de l'UE est de nature à fragiliser la sécurité du système. Lors de la panne européenne d'électricité du 4 novembre 2006 et du black-out du 28 septembre 2003 en Italie, la consommation n'était pas particulièrement élevée mais les échanges d'électricité entre les pays interconnectés étaient en revanche importants. Il a ainsi considéré que l'augmentation des échanges transfrontaliers d'électricité implique un coût pour le système électrique et une complexité croissante de gestion des réseaux qu'il convenait de comparer aux effets positifs attendus de la libéralisation. Aussi a-t-il déploré que la Commission européenne défende avec autant de force la nécessité de développer les interconnexions entre les pays membres afin de favoriser la recherche permanente par les consommateurs de la fourniture d'électricité au prix le plus bas possible. Il a en outre noté que la gestion du système électrique est plus aisée dans le cadre d'une entreprise intégrée puisqu'en cas d'incident, le dispacheur peut intervenir plus rapidement que lorsque les sociétés sont différentes et nombreuses.

Enfin, développant le troisième et dernier point de sa présentation, M. Jean-Pierre Sotura a jugé que l'adoption par les Etats-membres du « paquet énergie » va renforcer les effets pervers décrits précédemment au moment même où devient évidente la nécessité d'améliorer la coordination entre les gestionnaires des réseaux de transport (GRT) et d'harmoniser les règles de sécurité des réseaux. Jugeant indispensable la tenue d'un débat sur l'opportunité de la déréglementation du secteur de l'énergie, il a estimé que les principes fondamentaux de la concurrence libre et non faussée, qui favorise l'entrée de nouveaux concurrents sur les marchés de l'énergie, sont en contradiction avec les impératifs de sécurité du réseau. Il a cité la situation du GRT qui, pour équilibrer l'offre et la demande, devrait déconnecter du réseau un producteur éolien, alors que le régime de l'obligation d'achat interdit aujourd'hui toute déconnection imposée.

Il a ensuite évoqué l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'énergie, prévue pour le 1er juillet 2007, en soulignant que les directives européennes ne sont pas encore totalement applicables faute de mesures réglementaires d'application. Réaffirmant l'opposition de la CGT à cette évolution ainsi qu'à la disparition programmée des tarifs réglementés de vente d'énergie, il a jugé inacceptable que le Conseil supérieur de l'énergie ait été réuni entre les deux tours de l'élection présidentielle pour émettre son avis sur le décret d'application prévoyant l'ouverture totale à la concurrence.

Puis relevant que la Commission européenne préconise l'augmentation des échanges d'électricité à des fins commerciales entre les différents pays grâce au développement des interconnexions, il a réaffirmé qu'une augmentation des flux rend plus délicate la gestion des réseaux et est de nature à multiplier les pannes et jugé préférable de chercher à rapprocher les lieux de production d'électricité des lieux de consommation.

En conclusion, M. Jean-Pierre Sotura a indiqué que la CGT défendait cinq grandes orientations stratégiques en matière énergétique : amplifier les efforts de maîtrise de la demande d'énergie ; mobiliser les atouts de la filière nucléaire française à un moment où de nombreux pays redécouvrent les vertus de cette énergie et où la Commission européenne les reconnaît ; développer les ENR afin de contribuer à diminuer les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ; créer, en France, un pôle public de l'énergie regroupant EDF et GDF, et, au niveau communautaire, une Agence européenne de l'énergie ; maintenir les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz.

Notant qu'une partie non négligeable des échanges transfrontaliers d'électricité est consacrée aux pointes de consommation, qui n'interviennent pas, selon les pays, aux mêmes périodes de l'année, M. Bruno Sido, président, a demandé si la part des échanges obéissant à des logiques strictement commerciales était aussi importante que ce que venait d'indiquer l'orateur.

En réponse, M. Jean Barra, spécialiste des questions énergétiques à la CGT, reconnaissant que les périodes de pointe de consommation étaient différentes selon les pays, a relevé que les échanges d'électricité visant à y répondre existaient avant la déréglementation du secteur de l'énergie en Europe, citant en exemple l'importation par la France d'électricité hydraulique suisse depuis longtemps. Il a en revanche constaté qu'avec la déréglementation, les échanges internationaux d'électricité augmentent régulièrement et plaçent la France dans une situation d'exportateur net d'électricité, pour un volume annuel compris entre 60 et 70 térawattheures (TWh), la plupart des pays européens étant importateurs nets, à l'exception de l'Allemagne, de la République tchèque et de l'Ukraine, qui exportent tous trois quelque 25 TWh chaque année, soit environ le tiers des exportations françaises.

Puis il a indiqué que si cette évolution n'était pas directement liée à la panne du 4 novembre 2006, elle en constituait néanmoins la toile de fond. Cet incident résulte de l'incapacité des transporteurs allemands, suite à la mise hors service d'une ligne à très haute tension, d'acheminer l'électricité d'est en ouest de l'Europe, plus particulièrement de l'Allemagne vers les Pays-Bas, la partie orientale de l'Europe se trouvant alors en situation de surproduction et la partie occidentale en surconsommation. Il a considéré qu'il aurait été vraisemblablement possible de l'éviter en agissant auprès des producteurs situés dans la partie est de l'Allemagne. Pour lui, cet incident, comme celui de 2003 en Italie, démontre que les lois de la physique qui régissent le fonctionnement des réseaux électriques ne sont pas compatibles avec la déréglementation du secteur électrique.

Mme Nicole Bricq a souhaité obtenir des précisions sur la proposition de création d'une Agence européenne de l'énergie, se demandant si la CGT, ce faisant, souscrit à l'idée défendue par M. Jean-Paul Fitoussi d'instituer une « CECA de l'énergie » et préconise la mise en place d'une politique européenne intégrée de l'énergie. Elle s'est également interrogée sur la position de la CGT vis-à-vis du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TRTAM), dont l'extinction est programmée pour la mi-2009, ainsi que sur la viabilité à long terme du mécanisme de compensation prévu par la loi du 7 décembre 2006 pour le financer.

M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT, a estimé que la question des tarifs met en lumière les difficultés à rendre compatibles, d'une part, les objectifs en matière de maîtrise de la demande d'énergie et, d'autre part, la mise en adéquation des moyens de production avec la demande. Il a contesté le postulat des partisans de la déréglementation selon lequel l'électricité, à l'instar de toute marchandise, peut faire l'objet d'une régulation par le marché, estimant qu'au contraire l'une des spécificités de ce bien est la très grande inélasticité de sa demande aux prix. Il en a déduit que la régulation de l'électricité par le marché est économiquement inefficace et porteuse d'injustices sociales :

- il a ainsi souligné que la conception du système tarifaire français, qui garantit que les tarifs couvrent tous les coûts, y compris ceux liés aux investissements, avait permis de développer des outils de production bien dimensionnés pour répondre à la demande ;

- il a par ailleurs jugé injuste que l'avantage compétitif lié au parc nucléaire dont bénéficient actuellement les consommateurs français soit appelé à disparaître avec la libéralisation puisque celle-ci conduit à aligner les prix français de l'électricité sur ceux des pays ne disposant pas de capacités de production nucléaires.

Mme Nicole Bricq l'a alors réinterrogé sur les modifications à apporter au système de compensation du TRTAM afin de le clarifier et d'éviter les distorsions de concurrence.

S'agissant de l'Agence européenne de l'énergie, M. Jean-Pierre Sotura a indiqué que la CGT réfléchit actuellement aux moyens de favoriser l'émergence d'une politique européenne de l'énergie. Tout en précisant que son organisation juge nécessaire de mieux coordonner les différentes politiques énergétiques des Etats membres, il a considéré indispensable d'aller plus loin pour harmoniser l'action des GRT et la recherche sur les nouvelles techniques de production d'électricité. Il a également souligné que la CGT est favorable aux dispositions du « paquet énergie » relatives à la réduction des gaz à effet de serre (GES), à l'amplification des politiques de maîtrise de la demande d'énergie, au développement des ENR et à la reconnaissance des effets positifs de l'électricité d'origine nucléaire, même si cette dernière avancée était sûrement insuffisante. Quant à la forme et aux compétences précises de l'Agence européenne, il a considéré qu'il s'agissait d'un débat à approfondir, l'objectif de cette proposition étant de s'interroger sur le mouvement de déréglementation et sur la nécessité de promouvoir une coopération européenne plus efficace dans le domaine des politiques énergétiques.

M. Jean Barra, spécialiste des questions énergétiques à la CGT, a poursuivi en estimant que l'Europe se trouve à la veille de difficultés réelles dans le domaine énergétique. Les pays européens entendent conserver le contrôle de leurs énergéticiens nationaux, comme le démontrent les développements récents de la tentative d'offre publique d'achat d'E.ON sur ENDESA ; plus largement, ils souhaitent à la fois maintenir une politique énergétique nationale et pouvoir recourir au marché en cas de difficulté d'approvisionnement. Ainsi, les échanges transfrontaliers d'électricité ont augmenté sans qu'aucune instance communautaire ne réfléchisse à la cohérence d'ensemble du système. Estimant au contraire que la situation européenne mérite une analyse globale pour prévenir toute crise de l'offre, il a indiqué que la création d'une Agence européenne n'aurait pas pour objectif d'exporter le modèle français mais permettrait de définir une nouvelle organisation garantissant aux consommateurs une énergie de qualité à un prix compétitif.

Soulignant que les différents déplacements effectués par la mission d'information dans plusieurs pays européens avaient fait évoluer ses analyses du secteur de l'électricité, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, tout en se déclarant favorable à l'adoption d'un nouveau « paquet énergie » au niveau européen, a jugé nécessaire de promouvoir un rapprochement des visions des différents acteurs du système électrique européen. Les esprits ne sont aujourd'hui pas prêts à mettre en oeuvre une approche cohérente de la politique énergétique à cet échelon. Une telle évolution réclamant du temps, il s'est interrogé sur la manière de gérer la transition. Dans ce contexte, il s'est demandé si la CGT avait l'occasion de partager ses analyses avec d'autres syndicats européens. Puis il a souhaité connaître l'avis des représentants de la CGT sur le choix fait par un grand nombre de pays européens d'accroître le recours au gaz naturel pour produire de l'électricité, cette option lui semblant de nature à affaiblir leur indépendance énergétique en les rendant dépendant du gaz russe et du producteur principal qu'est Gazprom. Enfin, après avoir rappelé que certains experts estimaient qu'à l'horizon 2030-2040, le charbon pourrait représenter 30 à 40 % de la production de l'électricité européenne et qu'à cette échéance, les centrales à charbon seraient sûrement moins polluantes, il s'est interrogé sur la pertinence de l'abandon par la France de l'exploitation charbonnière, observant que des sociétés espagnoles ou britanniques rachetaient actuellement des sites potentiels d'extraction de charbon situés sur le territoire français.

Indiquant que la CGT était membre de la Confédération européenne des syndicats (CES) et de la Fédération européenne des syndicats de service public (EPSU), M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT, a tout d'abord relevé que la plupart des syndicats regroupés dans ces organisations établissent un constat d'échec de la déréglementation du secteur de l'énergie, l'EPSU défendant même l'idée de permettre à chaque Etat-membre de ne pas ouvrir totalement les marchés de l'énergie à la concurrence le 1er juillet prochain (procédure « d'opt-out »). Des études montreraient que cette déréglementation et les opérations de concentration capitalistique qui en résultent ont détruit 300.000 emplois au niveau européen. Il a de plus regretté que les importantes ressources financières mobilisées dans ces fusions entre énergéticiens ne s'investissent pas dans les moyens de production et dans les réseaux.

Evoquant ensuite les choix énergétiques qui font débat entre les différents pays, il a relevé que la nécessité d'agir rapidement sur les causes du changement climatique faisait l'objet d'un consensus permettant de progresser au niveau européen. En ce qui concerne le recours plus massif au gaz pour produire de l'électricité, il a jugé que la question de l'approvisionnement en gaz de l'Europe suppose une réponse politique à l'échelon communautaire, justifiant l'opposition de la CGT au projet de fusion entre Gaz de France et Suez. Enfin, il a considéré que le développement de centrales à charbon propres constitue un enjeu technologique important, qui pourrait faire l'objet de coopérations au niveau européen. La CGT soutient l'utilisation du charbon en France, même si le pays n'a pas vocation à y recourir massivement pour sa production électrique ; le rachat de sites charbonniers par des compagnies étrangères confirme l'analyse de son organisation quant à l'avenir de cette source d'énergie primaire, mais cette stratégie suppose de répondre à des questions de plusieurs ordres telles que la situation des salariés, l'acceptation des populations et l'absence actuelle d'entreprises françaises disposant de compétences en la matière.

Rappelant que, dans le cadre du « paquet énergie », la Commission européenne avait reconnu les atouts du nucléaire civil, M. Michel Billout, rapporteur, a relevé que de nombreux pays européens manifestent de fortes réticences à développer cette technologie sur leur territoire. Citant ainsi les cas allemand, polonais, anglais, italien et espagnol, il a souligné que les consommateurs souhaitent dans le même temps bénéficier de l'avantage compétitif de l'électricité d'origine nucléaire en s'interconnectant avec des pays l'ayant développée. Déduisant de ce constat que ces Etats étaient favorables à ce que la France devienne le producteur nucléaire européen et leur permette de s'alimenter en électricité à bas prix et peu émettrice de CO2, il a demandé si la CGT partageait cette analyse. Puis, après avoir rappelé que les entreprises privées, à l'exception notable de Suez et d'E.ON, ne sont pas intéressées par la construction de centrales nucléaires compte tenu de l'importance des capitaux à mobiliser, il a souligné que dans certains pays, comme en Suisse ou en Belgique, des centrales nucléaires étaient aujourd'hui exploitées par des entreprises privées. Il s'est donc interrogé sur la position de la CGT sur cette situation, se demandant notamment si le nucléaire devait nécessairement être exploité par des acteurs publics et si des partenariats public-privé ne seraient pas opportuns en la matière.

En réponse, M. Jean-Pierre Sotura a indiqué que la CGT considère que, tout en n'ayant pas vocation à devenir le « poumon nucléaire » de l'Europe, la France doit développer l'énergie nucléaire compte tenu de ses atouts intrinsèques, parmi lesquels sa compétitivité très importante pour alimenter les industries électro-intensives nationales. Aussi a-t-il jugé indispensable la construction d'un réacteur de troisième génération pour préparer la relève de l'actuelle génération de centrales. De plus, tout en convenant que la décision d'y recourir relevait de chaque Etat, il a estimé que la France doit d'autant plus conserver son rôle de leader que la Commission européenne a reconnu l'intérêt potentiel de cette énergie dans le « paquet énergie ». Enfin, l'efficacité de la gestion des 56 tranches du parc nucléaire français tenant, selon lui, à son exploitation par un unique opérateur public, il a affirmé clairement l'opposition de la CGT à toute forme de privatisation du nucléaire, estimant que le caractère public de la filière est un gage de son acceptabilité sociale en France.

M. Jean Barra, spécialiste des questions énergétiques à la CGT, a ajouté que la capacité pour la France de fournir les autres pays européens en électricité d'origine nucléaire buterait sur des contraintes techniques des réseaux, l'Europe ne disposant pas de lignes de transport à très haut voltage comme au Canada. En outre, il s'est appuyé sur l'exemple de la Pologne, qui importe massivement de l'électricité venant de Russie, pour démontrer que la politique consistant à fonder la satisfaction de la demande nationale d'électricité sur des importations posait un problème d'indépendance énergétique.

M. Dominique Loret, membre du conseil de surveillance de RTE, a quant à lui évoqué la question de l'échelon le plus pertinent pour gérer l'équilibre entre l'offre et la demande - le niveau européen ou le niveau régional, voire national - selon qu'on mettait en exergue soit l'intérêt pouvant être trouvé, grâce aux échanges d'électricité, à tirer profit des différences entre les mix énergétiques des pays interconnectés, soit les risques d'instabilité des réseaux résultant de leur surcharge, la panne du 4 novembre 2006 ayant démontré que plus le réseau électrique était chargé, plus il était sensible aux aléas.

Enfin, à Mme Nicole Bricq qui s'interrogeait sur la position de la CGT quant à la création d'un régulateur unique européen, M. Jean-Pierre Sotura, responsable des questions économiques et industrielles à la Fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT, à répondu que si la CGT défendait le principe d'une coordination accrue des politiques énergétiques des différents Etats-membres au niveau européen, elle ne le faisait pas dans une logique de régulation du marché mais dans le souci de fixer des objectifs à la politique européenne et de mieux harmoniser les règles techniques d'exploitation des réseaux. Il a conclu en estimant que la situation actuelle ne militait pas en faveur de la création d'un régulateur unique européen.