Mardi 5 mai 2009

- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente -

Table ronde sur l'autonomie des jeunes : logement et revenus

La mission d'information a organisé la tenue d'une table ronde sur l'autonomie des jeunes en matière de logement et de revenus avec MM. François Fondard, président, et Rémi Guilleux, administrateur chargé de l'éducation à l'Union nationale des associations familiales (UNAF), Pierre Berton, administrateur à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), Jean-François Cervel, directeur, et Alexandre Aumis, sous-directeur chargé de l'immobilier au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), Mme Fanélie Carrey-Conte, déléguée à la vie associative à l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ), MM. Olivier Balmont, chargé de mission pour la Fédération bancaire française (FBF), et Michel Gayan, responsable du marché des jeunes et des étudiants à la direction du développement de la Banque fédérale des banques populaires.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, a introduit la table ronde en rappelant quelques données sur le chômage des jeunes (+32 % sur les 12 derniers mois), leur niveau de vie (un cinquième d'entre eux sous le seuil de pauvreté) et leur stabilité professionnelle (phase moyenne de stabilisation de 10 ans).

M. Christian Demuynck, rapporteur, a souhaité connaître, au-delà des statistiques relatives à la pauvreté des jeunes, le sentiment des organisations sur les caractéristiques de cette pauvreté. Il leur a également demandé si les services d'orientation et de formation leur semblaient adaptés à la prise en charge des jeunes en très grande difficulté. Enfin, s'agissant des revenus et de l'accès à l'emprunt, il les a interrogés sur le bilan du « prêt jeune avenir ».

M. Pierre Berton, administrateur à la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), a indiqué, à titre liminaire, que les jeunes constituent 20 % de la population des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) alors qu'ils ne représentent que 10 % de la population. Un certain nombre de jeunes sont ainsi mis en situation d'assumer leur autonomie alors qu'ils n'en ont pas les moyens. C'est la raison pour laquelle la FNARS demande une allocation d'autonomie qui permettrait aux jeunes les plus démunis de se réinsérer.

M. François Fondard, président de l'union des associations familiales (UNAF), a considéré qu'une allocation d'autonomie généralisée ne serait pas une solution adaptée et que la priorité doit être de résoudre les problèmes du logement des jeunes et de leur qualification professionnelle. En outre, famille et autonomie ne s'opposent pas et il peut être pernicieux que les aides familiales spécifiques disparaissent lorsque les enfants commencent à peine à s'émanciper.

M. Rémi Guilleux, administrateur chargé de l'éducation à l'UNAF, a tenu à souligner que la véritable autonomie ne s'acquiert que dans l'insertion professionnelle. La question de l'autonomie des jeunes ne peut être traitée de manière uniforme selon les catégories de jeunes. Le revenu de solidarité active (RSA) serait un complément de revenu très intéressant pour les étudiants et les jeunes travailleurs. Mais pour les jeunes sans qualification, c'est un soutien particulier qui devrait être envisagé afin qu'ils rejoignent les dispositifs d'insertion efficaces.

Bien que cet organisme ne dispose pas de service statistique, M. Jean-François Cervel, directeur du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), a rappelé que la France compte 2,2 millions d'étudiants, dont 525 000 boursiers. L'Observatoire de la vie étudiante a estimé entre 50 000 et 70 000 le nombre d'étudiants en situation de pauvreté. Les 28 centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) disposent d'informations sur ces jeunes via les bourses qu'ils octroient, l'aide d'urgence qu'ils distribuent et les services sociaux qu'ils dirigent. Les catégories qui lui semblent les plus en difficulté sont :

- les boursiers bénéficiant des bourses les plus élevées (échelons 5 et 6) ;

- les jeunes dont les parents se situent juste au-dessus du seuil des premières bourses, qui peuvent rencontrer des difficultés, notamment pour payer le logement ;

- et enfin les étudiants étrangers non européens, susceptibles d'être dans des situations sociales très difficiles.

M. Michel Gayan, responsable du marché des jeunes et des étudiants à la direction du développement de la Banque fédérale des banques populaires, a considéré que le prêt étudiant garanti par l'Etat n'est pas un succès en raison des démarches administratives liées à son obtention. Il a plutôt préconisé que les banques renforcent la pédagogie de l'offre de prêts et que la réflexion de principe porte sur l'accès au logement sans caution parentale, enjeu majeur.

Aux questions de M. Christian Demuynck, rapporteur, et de Mme Nicole Bonnefoy relatives aux conditions de prêts bancaires aux jeunes, M. Michel Gayan a répondu qu'une période de dix ans et un montant maximal de 25 000 euros étaient en général prévus, avec un taux moyen de 4 %, le taux fluctuant en fonction des situations personnelles.

M. Olivier Balmont, chargé de mission à la fédération bancaire française (FBF), a observé que la crise économique rendait la sortie du prêt très délicate. Il a confirmé l'échec des dispositifs mis en place par l'Etat.

Après avoir présenté l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ), Mme Fanélie Carrey-Conte, déléguée à la vie associative au sein de cet organisme, a souligné la dégradation de la situation des jeunes qui se caractérise par des difficultés à se loger et à accéder à un emploi et, plus globalement, par des trajectoires chaotiques, appelant une sécurisation des parcours.

M. Jacques Mahéas a préconisé :

- de refonder les politiques en faveur de la jeunesse sur le principe d'autonomie, en mettant en place un dispositif globalisé, car les bourses sont actuellement insuffisantes ;

- d'utiliser des instruments qui ont fait leurs preuves, comme les emplois-jeunes : ceux-ci ont en effet permis de stabiliser les parcours puis d'insérer de nombreux jeunes.

M. Michel Thiollière a demandé si l'augmentation des loyers devait être considérée comme conjoncturelle, en lien avec la bulle immobilière, ou plutôt comme structurelle, en conséquence du déficit de construction de logements.

M. Jean-Léonce Dupont a souhaité que soit précisées les modalités du prêt étudiant garanti par l'Etat, et notamment la mise en oeuvre de la garantie publique. Il a évoqué l'exemple du prêt étudiant existant en Nouvelle-Zélande, à taux unique, garanti par l'État, que le jeune ne rembourse que lorsqu'il a trouvé un emploi. Il a demandé si les banques françaises seraient susceptibles de soutenir un tel système.

M. Olivier Balmont, chargé de mission à la Fédération des banques françaises, a indiqué que la garantie publique était mise en oeuvre au deuxième impayé, tant pour le prêt étudiant garanti par l'Etat que pour le « prêt jeunes avenir », garanti par le Fonds de cohésion sociale. En pratique, un rééchelonnement du prêt est envisagé avant la mise en oeuvre de la garantie.

M. Michel Gayan, responsable du marché des jeunes et des étudiants de la Banque fédérale des banques populaires, s'est prononcé en faveur de périodes de franchise partielle, plutôt que totale, de remboursement, afin d'éviter que le choc financier ne soit trop rude pour le bénéficiaire du prêt à la sortie de la période de franchise. Il a confirmé que la mise en oeuvre de la garantie publique ne se faisait qu'in fine, après recherche d'une solution de rééchelonnement. A propos du prêt néo-zélandais, il a jugé que la capacité d'une économie donnée à accueillir ses jeunes sur le marché de l'emploi devait aussi être prise en compte. Dans le contexte d'une entrée tardive dans la vie active, une franchise totale paraît risquée. A tout le moins faudrait-il envisager un plafond de durée et se demander comment prendre en charge l'allongement éventuel des études du jeune titulaire d'un prêt.

M. Olivier Balmont, chargé de mission à la Fédération bancaire française, a également mis en garde contre les mécanismes de franchise totale de remboursement, estimant qu'un début de remboursement des intérêts était utile avant l'entrée dans l'emploi, afin d'éviter à terme les « mauvaises surprises ».

Évoquant le prêt immobilier à taux zéro, M. Jacques Mahéas s'est demandé si un prêt étudiant à taux zéro serait envisageable.

Indiquant que son réseau s'était engagé à pratiquer les mêmes taux, toutes choses égales par ailleurs, quelle que soit la garantie (familiale ou publique) de l'étudiant, M. Michel Gayan, responsable du marché des jeunes et des étudiants de la Banque fédérale des banques populaires, s'est en revanche inquiété des conséquences d'un taux unique, qui soulèverait des problèmes d'éligibilité au prêt.

M. François Fondard, président de l'UNAF, a jugé que les allocations logement permettaient de rendre la demande solvable dans le logement social mais pas dans le parc privé, où elles ont entraîné des hausses de loyers. Les carences du parc privé rendent nécessaires un développement des foyers et logements destinés aux jeunes travailleurs et aux étudiants. Les logements actuellement disponibles sont en effet inaccessibles à de nombreux jeunes, en raison de montants de loyers trop élevés. D'après la Fondation Abbé Pierre, il manque aujourd'hui 400.000 logements sociaux. Le déficit structurel est donc patent, au-delà des difficultés conjoncturelles actuelles. Le plan de relance, fondé sur l'investissement, devrait se préoccuper davantage de ce sujet. Dans cette attente, le recours à la solidarité intergénérationnelle se renforce et pèse lourdement sur les familles.

Regrettant que la construction de logements sociaux se heurte à l'insuffisance de foncier disponible, M. Jean-Léonce Dupont a estimé qu'il fallait inscrire cette compétence au nombre des compétences intercommunales obligatoires et adapter la loi « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU) en conséquence.

M. François Fondard s'est par ailleurs interrogé sur les avantages fiscaux accordés dans le cadre de la construction des logements privés, qui demeurent pourtant financièrement difficilement accessibles à la location.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, a ajouté que les programmes de construction de logements devraient comporter un minimum de logements de petite taille, destinés notamment aux jeunes.

S'agissant du logement des étudiants, M. Jean-François Cervel, directeur du CNOUS, a distingué deux problématiques :

- dans les grandes agglomérations, la question du nombre de logements est prioritaire. A Paris par exemple, il existe 3 800 logements étudiants pour 300 000 étudiants. Le déficit est particulièrement aigu dans trois régions : Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

- dans les autres régions, le problème est plus qualitatif que quantitatif.

M. Pierre Berton, administrateur de la FNARS, a déploré les inégalités existant entre jeunes en fonction de leurs contextes familiaux respectifs. En Europe du nord, on raisonne moins en termes de prêt qu'en termes de capital à faire fructifier dès la naissance de l'enfant, en vue d'assurer l'autonomie du jeune adulte. En France, ces mécanismes sont aujourd'hui réservés aux familles disposant de moyens suffisants. Il serait toutefois envisageable de prévoir un abondement en capital par l'Etat, afin de faire fonctionner ce type d'instrument de façon égalitaire. Les banques y trouveraient également leur compte.

M. Jean-François Cervel, directeur du CNOUS, s'est demandé s'il ne serait pas possible de refondre l'ensemble des mécanismes existant en faveur des étudiants, dont le coût total est estimé à 4,5 milliards d'euros par an, en une bourse unique.

Mme Maryvonne Blondin a appelé de ses voeux des solutions transitoires et imaginatives pour pallier la carence de logements. La sous-location est une piste à explorer, notamment dans un cadre intergénérationnel. Elle a ensuite demandé des précisions sur les compétences et la réorganisation de l'UNHAJ.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a ensuite introduit la seconde partie de la table ronde, portant plus précisément sur le logement. Il a posé les questions suivantes :

- faut-il développer les mécanismes de financement du premier loyer et du dépôt de garantie locative des jeunes ?

- quelles solutions proposer aux jeunes apprentis qui doivent souvent financer deux logements, l'un à proximité de leur lieu de stage et l'autre près de leur centre de formation ?

- les allocations logement sont-elles équitables et efficaces ou ont-elles entraîné des effets d'aubaine et stimulé la hausse des loyers ?

- faut-il encourager la cohabitation intergénérationnelle et, plus généralement, la sous-location et la colocation ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, déléguée à la vie associative de l'UNHAJ, a précisé les missions de cet organisme, qui a récemment développé ses compétences en matière d'accueil, d'information et d'orientation, au travers des Comités locaux pour le logement autonome des jeunes (CLLAJ) et des Services logement, pour améliorer la prospection auprès des bailleurs publics et privés. L'UNHAJ ne bénéficie pas de financement européen.

Elle a ensuite suggéré plusieurs orientations :

- en premier lieu, la construction et la réhabilitation de logements doivent être soutenues. S'agissant de la réhabilitation, la suppression de la prime à l'amélioration des logements à usage locatif (PALULOS) a été préjudiciable ;

- l'intermédiation locative, qui permet la sous-location de logements par des associations, doit être développée ;

- la visibilité des actions conduites en faveur du logement des jeunes doit être améliorée grâce à des instruments tels que les programmes locaux de l'habitat (PLH) ou les plans départementaux pour le logement des jeunes (PDLJ) ;

- les programmes de construction de logements sociaux doivent intégrer davantage de petits logements financés par des PLA-I (prêt locatif aidé d'intégration), afin que leurs loyers soient accessibles aux jeunes ;

- dans le parc privé, l'augmentation des loyers appelle un mécanisme d'encadrement. ;

- s'agissant des allocations logement, il faut supprimer le mois de carence existant avant leur perception et prévoir des modalités particulières de versement pour les apprentis qui doivent financer plusieurs lieux de résidence. Il leur serait utile de pouvoir percevoir les aides pour des durées inférieures à un mois ;

- en ce qui concerne la cohabitation intergénérationnelle, celle-ci ne doit pas être considérée comme une solution globale, mais plutôt ponctuelle, s'inscrivant de part et d'autre dans un véritable projet, afin d'éviter des demandes de service abusives.

Partageant cette dernière réflexion, Mme Raymonde Le Texier, présidente, a évoqué la possibilité d'aider les personnes souhaitant partager leur logement à le rénover dans cette perspective.

M. Michel Gayan, responsable du marché des jeunes et des étudiants de la Banque fédérale des banques populaires, s'est déclaré favorable à une plus grande surveillance des demandes des propriétaires et des agences préalablement à la signature d'un bail, s'agissant notamment des cautions et revenus exigés. Dans le cas de la colocation, il est souvent demandé à chaque colocataire de disposer de garanties équivalentes à celles qui seraient exigées d'un locataire unique, ce qui est aberrant.

M. Alexandre Aumis, sous-directeur chargé de l'immobilier au CNOUS, a signalé une différenciation introduite par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement, concernant le cautionnement. D'après celle-ci, dans les anciens logements-foyers, les bailleurs ne peuvent cumuler la garantie des risques locatifs (GRL) avec un cautionnement par le locataire. Ce dispositif introduit une inégalité regrettable entre étudiants, en fonction de la nécessité ou non pour eux de fournir un cautionnement.

Par ailleurs, il a évoqué quelques pistes de développement de l'offre de logement étudiant :

- une prise en compte effective de cet aspect dans les PLH, ainsi que le prévoit la loi du 30 août 2004, serait utile ;

- la comptabilisation du logement étudiant comme logement social, au titre de la loi SRU, constituerait une incitation forte ;

- dans les zones tendues, le lancement d'opérations financées par des prêts locatifs à usage social (PLUS) contribuerait à répondre à la demande.

Rappelant que le bouclage du financement d'une opération de logement social restait très difficile, il a précisé que les solutions de logements mixtes, entre étudiants et actifs, étaient actuellement les mieux à même d'aboutir.

M. Rémi Guilleux, administrateur chargé de l'éducation à l'UNAF, a signalé la tenue prochaine d'un colloque sur le logement intergénérationnel, sous l'égide de l'UNAF. Il s'est déclaré favorable à une plus grande mixité des logements, afin de mieux intégrer les jeunes à la vie collective.

Signalant qu'il fallait en moyenne un an, en région parisienne, pour sortir d'un Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), M. Pierre Berton, administrateur de la FNARS, s'est déclaré favorable à une plus grande territorialisation des politiques pour répondre à la réalité des besoins et à un reciblage des aides vers les plus démunis.

Il a enfin constaté que les opérations de rénovation urbaine conduisaient à un déficit supplémentaire de logements, car le nombre de logements construits était inférieur au nombre de logements détruits.

Table ronde sur les politiques publiques de la jeunesse conduites par les collectivités territoriales

Puis la mission a procédé à une table ronde sur les politiques publiques de la jeunesse conduites par les collectivités territoriales avec Mme Arielle Piazza, adjointe au maire de Bordeaux, représentant l'Association des maires de France, M. Frédéric Bierry, conseiller général du Bas-Rhin, représentant l'Assemblée des départements de France, Mme Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Ile-de-France, représentant l'Association des régions de France, et M. Michel Fournier, maire de la commune de Les Voires, vice-président de l'Association des maires ruraux de France.

M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est d'abord interrogé sur l'efficacité de notre système d'orientation et sur les moyens de l'améliorer.

Mme Marie-Laure Meyer, représentant l'association des régions de France (ARF), a souligné que la notion « d'orientation » pouvait renvoyer à des réalités très différentes : simple information du jeune, affectation à une formation ou véritable accompagnement de projet. Elle a déploré que l'orientation consiste, trop souvent, en France à affecter le jeune dans telle ou telle formation en fonction de ses résultats scolaires ou du nombre de places disponibles, alors qu'il faudrait définir avec lui un projet puis travailler à la manière de le concrétiser, comme le font certaines missions locales ou des conseillers d'orientation de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Elle a ensuite insisté sur la perte d'estime de soi dont souffrent les jeunes qui ont été confrontés à l'échec scolaire et a souhaité que ces jeunes puissent plus facilement se réorienter lorsqu'ils n'ont pas trouvé leur voie. Elle a enfin indiqué qu'une orientation réussie suppose de combiner une prospective sur l'avenir des métiers, une évaluation des aptitudes du jeune et une ingénierie des parcours de formation.

M. Frédéric Bierry, représentant l'Assemblée des départements de France (ADF), a estimé que le système actuel souffrait de trois lacunes principales : on ne compte qu'un conseiller d'orientation pour 2000 jeunes, ce qui ne permet pas de consacrer suffisamment de temps à chacun d'entre eux ; la famille et le professeur principal jouent un rôle important de conseil auprès du jeune pour l'aider à arrêter son choix, mais ils ne connaissent pas toujours les filières et les métiers ; enfin, les centres d'information et d'orientation (CIO) sont trop éloignés des territoires ruraux et un nombre croissant de Points d'information jeunesse (Pij) ferment leurs portes.

Il a plaidé pour que les situations de « décrochage » scolaire soient repérées le plus tôt possible, ce qui suppose un travail partenarial entre les établissements scolaires, la mission générale d'insertion (MGI) de l'éducation nationale et les missions locales.

Il a proposé que, dans les territoires dépourvus de CIO, les jeunes puissent trouver de l'information auprès du centre de documentation et d'information (CDI) ou à la médiathèque, où les brochures de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) devraient être disponibles. Pour les lycéens, une information plus spécialisée devrait être élaborée en lien avec les chambres consulaires, les entreprises et Pôle emploi, qui connaissent les besoins de recrutement dans le bassin d'emploi. Il a indiqué que des expériences intéressantes avaient été menées dans le département du Bas-Rhin, dont il est l'élu, afin que les chefs d'entreprise et les enseignants aient la possibilité de se rencontrer.

M. Michel Fournier, représentant l'association des maires ruraux de France (AMRF), a d'abord relevé que les maires ruraux se montrent, de façon générale, frileux vis-à-vis des jeunes. Il a ensuite fait observer que la moitié seulement des jeunes en situation d'échec s'adressaient aux missions locales : les autres ne bénéficient d'aucun suivi et leur situation est mal connue. Pour leur redonner confiance, il a suggéré que les missions locales s'impliquent dans des animations de groupe, qui offriraient à ces jeunes un environnement porteur.

Mme Arielle Piazza, représentant l'association des maires de France (AMF), a fait état des actions conduites par la ville de Bordeaux, où elle exerce les fonctions d'adjointe au maire chargée de la jeunesse, des sports et de la vie étudiante : la ville dispose d'une maison de l'emploi, dotée d'un espace réservé aux moins de vingt-cinq ans, ainsi que d'une mission locale très active. Un centre d'information des jeunes en Aquitaine a été créé et la municipalité finance une partie du permis de conduire de certains jeunes.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a demandé des précisions sur ce dispositif de prise en charge partielle du coût du permis de conduire.

Mme Arielle Piazza a répondu que cette prise en charge, à hauteur de 50%, était accordée en fonction de plusieurs critères : d'une part, la situation financière du jeune doit le justifier ; d'autre part, l'obtention du permis doit s'inscrire dans un parcours d'accès à l'emploi. Ce dispositif ne concerne, pour l'instant, qu'une cinquantaine de jeunes mais sera certainement reconduit, après évaluation.

Mme Marie-Laure Meyer a indiqué que la maison de l'emploi de Nanterre, dont elle assure la présidence, a mis en place un dispositif de « permis à vingt euros », financé grâce à des crédits issus des fonds de revitalisation urbaine. L'obtention du permis s'inscrit dans un parcours d'insertion professionnelle, de sorte que 80% des bénéficiaires de la mesure trouvent un emploi dans les deux mois suivant l'obtention du permis.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, a souligné que de nombreux jeunes étaient confrontés à des problèmes de mobilité, liés à l'insuffisance des transports en commun et au coût du permis de conduire, mais aussi à des blocages psychologiques. Elle a ajouté que certains jeunes rencontraient des difficultés pour réussir l'épreuve du code et qu'un accompagnement pouvait, dans ce cas, s'avérer nécessaire.

M. Michel Fournier a fait observer que l'obtention du permis de conduire était souvent le premier succès enregistré par ces jeunes.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a ensuite abordé la question de l'alternance et souhaité savoir quel rôle les collectivités territoriales pouvaient jouer dans ce domaine.

Mme Marie-Laure Meyer a rappelé que les lois de décentralisation avaient confié la responsabilité de la formation professionnelle aux conseils régionaux, qui ont réussi à augmenter le nombre d'apprentis, à tous les niveaux de qualification, et à diversifier les métiers auxquels l'apprentissage donne accès, notamment dans le secteur tertiaire.

Elle a cependant souligné que le taux de rupture des contrats d'apprentissage était élevé - 25 % dans les premiers mois suivant leur conclusion - et que 3 % seulement des jeunes passés par les missions locales étaient orientés vers l'apprentissage, faute de trouver un centre de formation des apprentis (CFA) et un employeur pour les accueillir. S'il produit de bons résultats en termes d'insertion professionnelle, l'apprentissage est en effet une voie de formation exigeante pour les jeunes, puisqu'il implique un rythme de travail soutenu et de fréquents déplacements.

Elle a déploré que la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage se traduise par une augmentation des financements consacrés aux niveaux de formation les plus élevés, au détriment des niveaux de formation inférieurs. Elle a ensuite affirmé que le passage de deux à trois du nombre d'années d'études requises pour obtenir le baccalauréat professionnel posait de sérieux problèmes de mise en oeuvre, les employeurs hésitant à s'engager pour une durée aussi longue. Elle a rappelé que le développement de l'apprentissage supposait de se doter d'une infrastructure de formation adéquate, mais aussi de trouver un plus grand nombre d'employeurs prêts à signer un contrat avec un jeune. Elle a suggéré que les enseignements soient organisés sur la base du semestre, ce qui permettrait d'effectuer une rentrée en janvier et de faciliter ainsi les réorientations tout en donnant plus de souplesse au dispositif.

En ce qui concerne la rémunération des apprentis, elle a souligné que le système actuel était bien accepté par les jeunes, qui perçoivent 50 % du Smic en plus d'une formation et d'une première expérience professionnelle. Elle a cependant fait observer que le salaire versé était le même quel que soit le niveau de qualification, ce qui défavorise ceux qui sont les moins bien formés, les employeurs préférant, à coût égal, choisir un apprenti plus qualifié ; il serait plus logique que le salaire de l'apprenti soit égal à la moitié du salaire d'embauche versé à un salarié possédant la qualification qu'il est en train d'acquérir. Les apprentis plus âgés, percevant une rémunération plus élevée que les plus jeunes, sont également désavantagés auprès des employeurs, à tel point qu'un jeune qui a décroché du système scolaire, et qui se tourne vers l'apprentissage vers 18 ou 19 ans, aura du mal à trouver une place d'apprenti. Peut-être faudrait-il instaurer un mécanisme qui garantisse que le coût supporté par l'entreprise est le même quel que soit l'âge de l'apprenti.

Mme Arielle Piazza a signalé que le projet Unicités, mis en oeuvre à Bordeaux, permet à des jeunes de bénéficier d'une formation en réalisant des projets d'intérêt général, par exemple dans le domaine du logement ou du développement durable.

M. Frédéric Bierry a rappelé que les départements n'étaient pas compétents en matière de formation professionnelle mais qu'ils pouvaient apporter un accompagnement social afin d'éviter les ruptures en cours de contrat. Ils peuvent, par exemple, aider le jeune à résoudre ses problèmes de transport ou de logement et un conseiller de la mission locale peut assurer un suivi au moment où l'apprenti effectue ses premiers pas dans l'entreprise. Le département du Bas-Rhin a mis en place un dispositif, géré par les missions locales, d'accompagnement dans l'accès au logement : le jeune bénéficie d'une garantie de loyer, d'un financement pour l'achat du mobilier de base et d'une aide pour faire face aux dépenses de la vie quotidienne.

Mme Marie-Laure Meyer a souligné qu'un accompagnement social permet notamment aux jeunes de mieux gérer les conflits qui surviennent dans le milieu professionnel.

M. Michel Fournier a observé que les jeunes auxquels est proposée une place d'apprentissage loin de leur domicile doivent trouver une solution pour se loger et a estimé que les communautés de communes, compétentes dans le domaine du développement économique, pourraient être l'interlocuteur le plus adapté à cette fin.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a demandé quelle évaluation pouvait être faite de l'action du service public de l'emploi (SPE), et notamment des missions locales. Il s'est ensuite interrogé sur l'utilisation que les collectivités territoriales pouvaient faire des contrats aidés pour réinsérer leurs bénéficiaires dans l'emploi durable.

M. Michel Fournier a indiqué que la commune de 350 habitants dont il est le maire était reconnue comme structure d'insertion par l'activité économique et qu'elle accueillait régulièrement, à ce titre, des personnes de tous âges qui viennent accomplir des travaux dans le village. Il a souligné que les structures d'insertion par l'activité économique étaient soumises à une obligation de résultats, appréciée au regard du nombre de salariés qui sortent du dispositif avec un contrat de travail, mais il a jugé cette obligation éloignée des réalités du terrain : la faiblesse du nombre d'offres d'emploi proposées dans son canton rend en effet aléatoire l'insertion professionnelle des salariés en insertion. Il a demandé que les politiques publiques, dans le domaine de l'insertion, soient mises en oeuvre dans la durée puis a défendu l'idée d'un droit à l'activité, qui garantirait la reconnaissance de l'utilité sociale de chaque individu.

M. Frédéric Bierry a demandé que l'on mise sur le potentiel des missions locales : elles possèdent une vraie connaissance de leur territoire et des difficultés des jeunes et fédèrent l'action des collectivités territoriales. Elles se caractérisent par une souplesse de fonctionnement et par une réactivité dont ne disposent pas les collectivités publiques. Les missions locales seraient sans doute les structures les mieux à même de gérer une éventuelle allocation d'autonomie destinée aux jeunes. Il est indispensable, cependant, qu'elles appliquent un contrat d'objectifs défini de manière coordonnée entre l'Etat et les collectivités territoriales et que leur action soit évaluée.

S'agissant des contrats aidés, il a estimé qu'ils constituaient un levier utile de la politique de l'emploi mais a regretté que certains jeunes se satisfassent de ces emplois, précaires par nature, et ne préparent pas suffisamment leur insertion professionnelle. Il a insisté sur la nécessité de dispenser une véritable formation aux titulaires de ces contrats puis a admis que certaines personnes ne parviendraient sans doute jamais à s'insérer dans le monde professionnel classique et qu'il était donc utile de financer, en permanence, un certain volant de contrats aidés.

Mme Marie-Laure Meyer a d'abord critiqué l'instabilité des dispositifs de la politique de l'emploi, trop fréquemment réformés pour que les acteurs du terrain aient le temps de se les approprier.

Après avoir précisé qu'elle siégeait au conseil d'administration de Pôle emploi en tant que représentante des régions, elle a estimé que cette institution avait une approche « industrielle » de son activité, centrée sur le respect des procédures, et non sur le service d'intermédiation qu'elle doit rendre aux usagers.

Elle a ensuite évoqué le problème posé par la difficile articulation entre les politiques publiques de l'Etat et celles conduites par les collectivités territoriales. Elle a souhaité que les collectivités territoriales puissent, à l'avenir, utiliser les outils de politique publique mis à leur disposition par l'Etat en fonction des besoins locaux.

Revenant sur le sujet des missions locales, elle a regretté que l'éducation nationale et les chambres consulaires ne soient pas obligatoirement représentées au sein de leur conseil d'administration. Elle a également indiqué que la ville de Nanterre, dont elle est l'élue, a décidé de regrouper, au sein de la maison de l'emploi, la mission locale, le plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE) et la Cité des métiers, afin d'éviter que la mission locale ne se trouve isolée et pour favoriser la mise en place d'animations communes et la rencontre entre des publics divers. La maison de l'emploi accueille 40 000 visiteurs chaque année, alors que la ville de Nanterre ne compte que 90 000 habitants, ce qui témoigne du succès de cette démarche. Elle a souligné la nécessité de mutualiser les informations et les outils à la disposition du service public de l'emploi et rappelé que la construction de ces synergies ne peut se faire que dans la durée.

Mme Maryvonne Blondin s'est interrogée sur les conséquences que pourrait avoir une réforme des collectivités locales engagée dans le prolongement des travaux de la commission présidée par M. Édouard Balladur.

Mme Marie-Laure Meyer a indiqué que les évolutions envisagées sur ce point pouvaient susciter des difficultés et ne répondaient pas aux demandes de l'ARF, qui s'était prononcée pour un renforcement de la contractualisation avec les différents acteurs des politiques publiques de la jeunesse. Elle a regretté que l'allongement de la durée du baccalauréat professionnel à trois ans n'ait pas donné lieu à une concertation approfondie entre l'État et les collectivités locales.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a ensuite invité les participants à se prononcer sur la question de l'autonomie financière des jeunes, en insistant notamment sur l'opportunité et les modalités de la création d'une allocation d'autonomie, ainsi que sur le problème du logement.

Mme Marie-Laure Meyer a souligné que les collectivités territoriales intervenaient bien souvent en force d'appoint afin de combler les carences des politiques publiques existantes. Elle a cité l'exemple des aides à la mobilité prises en charge par les régions, qui permettent aux jeunes d'obtenir des cartes de transport à des coûts avantageux, et celui des aides des collectivités à l'investissement en matière de logement. Elle a ensuite déploré qu'il soit interdit de « sous-louer » un logement du parc social.

Sur la problématique de l'autonomie financière, elle a indiqué que les pratiques en vigueur dans le monde de l'apprentissage constituaient une bonne base de réflexion. Elle a regretté que l'on ne différencie pas assez les jeunes majeurs des jeunes mineurs, tout en recommandant de ne pas instaurer d'autres critères de différenciation susceptibles d'être perçus comme des discriminations par les publics concernés.

M. Frédéric Bierry a critiqué la position de ceux qui considèrent qu'une allocation d'autonomie serait un dû de la société à l'égard des jeunes. Il a préféré l'idée de « contrat universel » ouvert à tous les jeunes, axé sur l'information, l'accompagnement et l'engagement afin que ce dispositif s'inscrive dans une logique de « donnant - donnant ».

Il a ensuite plaidé pour le recours à une multiplicité d'outils en matière de logement, en évoquant notamment les expériences de cohabitation intergénérationnelle ou les « baux glissants », qui permettent au jeune de récupérer le bail contracté par tiers lorsqu'il est en mesure de l'assumer. En revanche, il a estimé qu'il convenait d'éviter le recours aux prêts afin de ne pas aggraver le problème du surendettement des jeunes et souhaité une collaboration entre les collectivités et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la construction de petits logements.

Il a insisté sur l'impératif de souplesse de la réglementation afin de pouvoir mener à bien des expérimentations en matière de logement.

Concernant le revenu de solidarité active, M. Frédéric Bierry a admis que la différence de situation entre les jeunes travailleurs de plus et de moins de 25 ans soulevait des interrogations, tout en rappelant que l'ADF ne souhaitait pas, à l'heure actuelle, l'extension de ce dispositif en raison des difficultés de mise en oeuvre et des implications financières pour les départements.

M. Michel Fournier a partagé sa volonté d'éviter un encouragement de l'assistanat.

Mme Marie-Laure Meyer a fait remarquer que, paradoxalement, la création d'une allocation sans contrepartie était défendue par les jeunes diplômés.

Mme Arielle Piazza a souligné la nécessité de favoriser la mixité sociale et la diversité dans l'offre de logement aux jeunes et plaidé pour la promotion de la dimension européenne des politiques publiques de la jeunesse.

Enfin, Mme Marie-Laure Meyer a relevé les difficultés d'accompagnement des jeunes sortant de prison, accrues par le contexte de raréfaction de l'emploi et par l'insuffisance des moyens financiers alloués aux missions locales en la matière.

Mercredi 6 mai 2009

- Présidence de Mme Raymonde Le Texier, présidente-

Table ronde sur la santé des jeunes

La mission a tout d'abord procédé à une table ronde sur la santé des jeunes avec MM. Damien Berthilier, président, et Nicolas Leblanc, médecin conseil de la mutuelle des étudiants ; Benjamin Chkroun, délégué général de l'Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes régionales (USEM) ; Mme Pierrette Catel, chargée de mission au Conseil national des missions locales ; M. René Demeulemeester, coordonnateur des programmes à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et Mme Aude de Calan, responsable de l'Espace santé jeunes de la ville de Nanterre.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a interrogé les participants sur leur perception de l'état de santé des jeunes, et en particulier sur le « mal-être » exprimé par certains jeunes, se demandant si les conditions de vie pouvaient avoir un impact significatif.

Mme Aude de Calan, responsable de l'Espace santé jeunes de la ville de Nanterre, a rappelé que les Espaces Santé Jeunes (ESJ) sont des lieux d'accueil et de prévention anonymes, gratuits et pluridisciplinaires, destinés aux jeunes âgés de 12 à 25 ans. Si l'état de santé des jeunes est globalement bon, deux problématiques sont régulièrement traitées par les ESJ : la souffrance psychique et la santé bucco-dentaire. Mais le sujet le plus évoqué par les jeunes porte sur la sexualité. La confidentialité qu'offrent les ESJ explique le faible recours aux centres de planning familial, également accessibles aux adultes.

M. René Demeulemeester, coordonnateur des programmes de prévention de l'INPES, a confirmé le bon état de santé général des jeunes. En revanche, il a souligné l'importance, à cet âge, des comportements à risques, qui posent problème dès lors qu'ils sont cumulés et fréquents. Face à ces comportements, il s'est dit favorable à la mise en place de facteurs de protection.

Il s'est inquiété des risques de développement du « mal-être » des jeunes, du fait des difficultés croissantes à trouver un emploi et à s'insérer dans la société. L'accumulation des échecs est un facteur d'accroissement de la vulnérabilité. Il a craint une recrudescence des suicides induits par la dégradation de la situation économique et sociale des jeunes, à l'image du phénomène observé dans la période de crise de l'entre-deux guerres.

M. Benjamin Chkroun, délégué général de l'Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes régionales (USEM), reprenant les données de l'enquête conduite par l'USEM en 2007, a indiqué que 93,5 % des étudiants se disent en « bonne » ou « très bonne » santé. Ceux qui se déclarent en « mauvaise santé » sont plus souvent concernés par des consommations excessives de tabac, d'alcool ou de cannabis. Bien qu'en bonne santé physique, 35 % affirment avoir ressenti une période de déprime au cours de l'année, 12 % ont une perception négative de l'avenir et 9 % ont eu des pensées suicidaires.

Parmi ceux qui déclarent ressentir un certain « mal-être », 20 % se disent déçus de leur orientation, la filière choisie ne correspondant pas à leurs attentes. 29 % disent rencontrer des difficultés financières et une majorité d'entre eux souffre de l'éloignement familial et amical.

Alors que notre société renvoie l'image d'une période rêvée, la jeunesse n'est pas toujours bien vécue par certains étudiants qui affirment avoir du mal à exprimer leurs difficultés et leur mal-être.

En réalité, la santé doit être appréhendée dans le cadre de la notion plus large de bien-être, ainsi que le préconise l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Il doit en particulier être tenu compte des conditions de vie des étudiants : 28 % d'entre eux ont une activité salariée, qui occasionne du stress et réduit le temps consacré à leurs études et à la vie sociale avec leurs pairs. Il en résulte un taux d'échec plus élevé que pour les étudiants qui ne travaillent pas.

M. Damien Berthilier, président de la mutuelle des étudiants (MDE), a rappelé que la MDE gère la couverture complémentaire santé de 800 000 étudiants, soit un effectif conséquent, du fait de la massification de l'enseignement supérieur, et représentatif de l'enseignement des jeunes. Il a relevé la porosité croissante entre les périodes de formation et d'activité (intérim, chômage, contrats à durée déterminée).

Globalement, les enquêtes montrent que la santé physique des étudiants est plutôt bonne. En revanche, le sentiment de mal-être et la multiplication des comportements à risques sont une réalité. Il est nécessaire de mettre en place des facteurs de protection avant que les comportements se muent en habitudes. On observe que 40 % des étudiants n'ont jamais consulté un dentiste et 50 % des filles n'ont jamais recouru à des soins gynécologiques. Or, la question de la santé s'intègre à celle de l'autonomie financière des jeunes, avec le problème posé par l'acquisition d'une complémentaire santé.

Le défaut de recours aux soins bucco-dentaires peut avoir un impact délétère sur l'insertion dans l'emploi (présentation de soi) et sur le coût final pour la collectivité.

Parallèlement, les études mettent en évidence le mal-être pour 25 % des étudiants, parmi lesquels 8 % sont en état de dépression nécessitant un traitement lourd, les autres étant dans un état de fragilité qui peut les faire basculer à tout moment. A cet égard, l'état de santé ressenti se révèle être aussi important à prendre en compte que l'état de santé réel. Il est en effet essentiel que les jeunes soient capables d'apprécier par eux-mêmes la nécessité de recourir à des soins. Il faut les responsabiliser par rapport à leur santé.

M. Nicolas Leblanc, médecin conseil de la MDE, a confirmé que l'état de santé des jeunes était bon, en particulier grâce à la qualité du système de soins français. Cependant, les politiques de prévention sont encore insuffisamment développées. Il a pris l'exemple de la sexualité, domaine dans lequel la prévention (contraception classique et contraception d'urgence) n'a pas permis de réduire de façon significative le nombre d'interruption volontaire de grossesse (IVG).

L'accès aux soins et l'éducation à la santé sont les deux faiblesses de notre système de santé. Les dispositifs existent mais sont souvent méconnus. Ainsi, la distribution libre de la « pilule du lendemain » dans les pharmacies fait l'objet d'une information insuffisante. Il existe des programmes de prévention bucco-dentaire pour les jeunes âgés de moins de 18 ans qui sont sous-utilisés alors que les tarifs des actes et des consultations dans ce domaine représentent un frein pour de nombreux jeunes qui ne peuvent assumer la dépense restant à charge.

Il en est de même pour les consultations en gynécologie qui relèvent le plus souvent d'une tarification de secteur 2, à honoraires libres. Les dépassements pratiqués découragent le recours aux consultations préventives sur lesquelles les pouvoirs publics ont pourtant développé une campagne de communication intensive (vaccination des jeunes filles pour le cancer du col de l'utérus).

Mme Pierrette Catel, chargée de mission au conseil national des missions locales (CNML), a souligné l'incidence de la précarité sur l'état de santé des jeunes en insertion accueillis par les missions locales. N'ayant, pour la plupart d'entre eux, aucune vision à court ou moyen terme de leur avenir, ils ont des raisons d'être anxieux, dépressifs et de n'avoir qu'une confiance fragile en l'avenir. Il est vrai que la société leur laisse peu de place : faible taux d'emploi, taux de chômage élevé...

Au moins 20 % d'entre eux sont dans une situation de souffrance psychique. Le CNML finalise actuellement une étude sur la santé mentale avec le Centre technique d'appui et de formation des centres d'examens de santé (CETAF). A ce jour, 1 350 jeunes ont répondu au questionnaire qui leur a été adressé. Les premiers résultats sont alarmants : les taux de violences psychologiques, physiques et sexuelles sont élevés et les tentatives de suicide sont en hausse. Le premier contact est souvent décisif pour déclencher la parole et engager le dialogue avec les jeunes. La confidentialité et l'anonymat des lieux d'écoute sont essentiels. Les points d'accueil de ce type sont en nombre insuffisant.

L'étude du CETAF de 2007 sur l'impact des conditions de vie sur la santé des jeunes porte sur les réponses d'une centaine de milliers de jeunes à onze questions. Ont-ils déjà rencontré un travailleur social ? Ont-ils des difficultés financières, une assurance maladie complémentaire ? Ont-ils eu des contacts avec leurs familles dans les six derniers mois ? Ont-ils eu l'occasion de partir en vacances, de se rendre à un spectacle ? Cette étude a mis en évidence les risques relatifs des jeunes en situation de précarité par rapport aux autres jeunes. Il en ressort un impact indéniable des conditions de vie sur la régularité des recours aux soins, sur le suivi gynécologique, sur les consommations abusives de tabac,... On observe également une convergence des publics concernés par les symptômes dépressifs et la consommation abusive d'alcool et de psychotropes.

Mme Pierrette Catel a enfin indiqué une corrélation forte entre le non-recours aux soins et les difficultés financières, l'avance des frais médicaux étant problématique pour de nombreux jeunes en situation de précarité. Les centres d'examen de santé (CES) de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), bien que nombreux - 112 centres sur le territoire national - sont souvent mal répartis et absents de certaines zones rurales.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, s'est montrée particulièrement préoccupée par les problèmes posés par le manque d'information sur la sexualité.

Mme Aude de Calan a confirmé que 90 % des jeunes accueillis dans les ESJ venaient pour solliciter une aide concernant des problèmes liés à la sexualité. Les ESJ sont en effet en mesure de délivrer des contraceptifs d'urgence, des préservatifs, des gels, des tests de grossesse et surtout d'offrir un accompagnement aux jeunes. Il a été observé que de nombreux pharmaciens refusent de délivrer la pilule du lendemain en invoquant des raisons « morales ».

Mme Raymonde Le Texier, présidente, a déploré cette situation et souhaité vivement que l'on trouve une solution pour y remédier.

Mme Aude de Calan a ajouté qu'au-delà des refus de délivrance encore fréquents, le coût des moyens de contraception et leur faible niveau de remboursement constituent une véritable difficulté.

Mme Bernadette Dupont a souhaité savoir si des dispositions particulières étaient prises pour les jeunes handicapés.

M. Damien Berthilier a indiqué que la MDE s'attachait à veiller au respect des principes de la loi du 11 février 2005 et à son application. A cet égard, il a regretté que les partenariats entre l'université et les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) soient encore trop peu développés. Or, certains handicaps nécessitent un accompagnement global et pédagogique. Il a signalé la mise en place par la MDE d'un fonds d'aide à la compensation du handicap afin de favoriser l'accès au cours des étudiants handicapés. Mais la marge de progrès est considérable par rapport à ceux déjà réalisés au collège et au lycée.

Mme Maryvonne Blondin s'est enquise de la fréquence des consultations relatives aux problèmes visuels et auditifs.

Mme Pierrette Catel est convenue que le non-recours aux soins dans ces deux domaines est aussi préoccupant que pour les soins gynécologiques ou bucco-dentaires. Elle a notamment évoqué le cas d'une jeune fille pour laquelle une déficience auditive a été détectée par la mission locale mais pour laquelle il n'a pas été possible de trouver une solution de prise en charge de la prothèse auditive. Elle a rappelé que 12 % des jeunes suivis en mission locale n'ont pas de couverture complémentaire santé. Le rôle des missions locales est précisément de favoriser l'accès des jeunes aux droits auxquels ils sont éligibles.

M. Nicolas Leblanc est convenu de la fréquence des déficiences visuelles et auditives non traitées, mais il s'agit souvent de pathologies simples telles que la myopie, moins prévalentes que les problèmes gynécologiques. Il n'en demeure pas moins que l'acquisition de lunettes ou de lentilles est très onéreuse et souvent inaccessible pour des jeunes privés de complémentaire santé. Il peut, en outre, en découler des problèmes d'apprentissage (difficulté à lire au tableau, à entendre les instructions, ...) qu'on ne doit pas négliger.

Les pathologies auditives se sont beaucoup développées avec la fréquence des comportements à risques, notamment liés aux écoutes amplifiées régulières (MP3, concerts, portables, ...). 90 % des jeunes écoutent quotidiennement de la musique, 35 % disent souffrir de sifflements et 28 % ont le sentiment de moins bien entendre qu'auparavant. La mise en oeuvre d'actions de prévention dans ce domaine est plus que jamais nécessaire.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souhaité que les expériences réussies soient portées à la connaissance de la mission. Elle s'est demandé dans quelle mesure l'appareillage auditif ne pourrait pas être pris en charge par les MDPH dans le cadre de la prestation de compensation du handicap. Enfin, elle a fait état d'une expérimentation fructueuse dans son département, qui a permis à des jeunes, intégrés à des programmes TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi) ou contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), de bénéficier d'un bilan de santé.

M. Jean-Claude Etienne a demandé des précisions sur les problèmes gynécologiques spécifiques rencontrés par les jeunes filles par rapport au reste de la population ainsi que sur les pratiques addictives des jeunes.

Mme Aude de Calan a indiqué que les jeunes filles, craignant de rencontrer des membres de leurs familles ou des personnes de l'entourage de leur mère, ne souhaitent pas se rendre au centre de planning familial. A cet égard, elle a souligné l'intérêt des ESJ, réservés aux jeunes et respectueux de l'anonymat et de la confidentialité des entretiens.

Mme Pierrette Catel a précisé que le niveau scolaire et de qualification des jeunes filles est déterminant. Un faible niveau scolaire est souvent corrélé à un manque d'informations et de connaissances du corps et des rythmes biologiques féminins. Elle a en outre signalé l'augmentation préoccupante du nombre de jeunes mères en zones urbaines sensibles (ZUS), la venue d'un enfant entraînant à la fois une reconnaissance identitaire et l'acquisition d'un revenu permettant d'accéder à l'autonomie financière.

Mme Catherine Tasca a souhaité savoir si l'on observe une augmentation des dérives dans les comportements alimentaires, en particulier pour les jeunes filles.

Mme Aude de Calan a confirmé la multiplication des cas d'obésité qui nécessitent une approche comportementale approfondie (pratiques alimentaires, pratique régulière d'une activité sportive).

M. Benjamin Chkroun a souligné la forte attente des étudiants en termes d'éducation alimentaire. L'USEM est à l'origine de l'évolution et de l'équilibrage des menus des restaurants universitaires, même s'il subsiste un problème lié à l'insuffisance du temps consacré au repas.

Abordant l'accès des jeunes au système de soins et les politiques de prévention, M. Christian Demuynck, rapporteur, a tout d'abord interrogé l'ensemble des intervenants sur les mesures d'incitation pour les encourager à consulter, de manière préventive, plus régulièrement.

Il a souhaité savoir si des dispositifs jugés redondants au sein des différentes structures d'accueil et de soins ne pourraient pas être regroupés ou même supprimés.

Il a poursuivi son questionnement sur la prévention des comportements à risques et sur les préconisations qui peuvent être formulées dans ce domaine, notamment au regard des mesures figurant dans le « plan santé jeunes ».

Mme Aude de Calan a souligné que les dispositifs et les structures de prévention existants souffraient d'une faiblesse de communication, à l'exemple du programme « MT Dents » pour les jeunes qui est actuellement sous-utilisé. La visite de prévention nécessite une qualité d'écoute et des compétences à l'égard des problématiques des adolescents et des jeunes adultes. Les dispositifs de prévention doivent également s'attacher à préserver le caractère anonyme et gratuit et reposer sur une collaboration entre les différents acteurs.

Elle a regretté le manque de continuité des programmes d'éducation à la santé au sein du système d'enseignement. Déplorant des interventions trop ponctuelles, elle a plaidé pour une véritable collaboration avec le ministère de l'éducation nationale pour mettre en oeuvre une politique de prévention au sein des établissements en matière de santé des jeunes.

S'agissant du nombre de structures existantes, elle a noté que la question de leur fréquentation était la plus pertinente. La multiplication des lieux apparaît comme un élément intéressant en termes de prévention. Elle a fait remarquer qu'il était nécessaire de communiquer autour de ces structures qui sont parfois sous-utilisées.

Elle n'a pas exclu la nécessité de disposer, au niveau local, départemental ou régional, d'un diagnostic sur l'offre faite en direction des jeunes en termes de prévention. Elle a indiqué que dans le département des Hauts-de-Seine, la création d'une maison des adolescents avait été écartée, au profit d'un fonctionnement partenarial.

Elle a estimé souhaitable qu'en matière de prise de risques, les différents professionnels de santé puissent s'accorder sur des langages communs. Elle a relevé la difficulté d'évaluer le niveau d'addictions des jeunes, tout en suggérant de leur permettre de s'auto-évaluer en termes de consommation d'alcool ou de drogues.

Incitant à une éducation à la santé dès la maternelle, elle a mentionné les programmes de prévention élaborés au Canada.

M. René Demeulemeester a indiqué que les consultations de prévention feraient l'objet d'une expérimentation dans dix départements. L'INPES, en collaboration avec la caisse d'assurance maladie, est en charge de communiquer sur ce dispositif, notamment en direction des adolescents.

Relevant les insuffisances du système de prévention, il a souligné la capacité du professionnel de santé à dialoguer avec le jeune, mais aussi l'importance de s'inscrire dans un réseau de compétences. A été mis au point avec les organisations de médecins et de pharmaciens un outil destiné à leur faciliter l'ouverture du dialogue avec les jeunes. Les contrats locaux de santé, inscrits dans le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, doivent inciter les professionnels à s'organiser en réseau.

Il a mentionné la rédaction d'une revue regroupant différents articles en langue française relatifs aux comportements à risques, à laquelle ont collaboré des Suisses, des Belges et des Québécois. Il en résulte que quels que soient les comportements à risques, les facteurs de risques et de protection sont pratiquement semblables, expliquant ainsi le cumul de ces comportements. Le développement des compétences psychologiques, relationnelles et sociales apparaît pertinent en termes de protection mais suppose un apprentissage précoce, long, et l'investissement de l'ensemble de l'équipe éducative.

Enfin, il a signalé qu'une convention avait été signée avec le ministère de l'éducation nationale et les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), 600 formateurs bénéficiant d'une formation au développement de la promotion à la santé et de l'éducation pour la santé.

M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est interrogé sur les freins financiers à l'accès aux soins pour les jeunes et sur le coût d'une couverture santé complémentaire.

M. Benjamin Chkroun a déploré le manque d'information des jeunes en matière d'accès aux soins, qui est souvent considéré comme trop coûteux. Rappelant que la diffusion de l'information incombait principalement aux mutuelles étudiantes, il a considéré que l'informatisation des procédures d'inscription au régime de sécurité sociale en complexifiait la tâche.

Il a illustré ce besoin d'une meilleure information en faisant observer que seuls 25 % des étudiants avaient connaissance de l'existence des services de médecine préventive universitaire, en dépit du caractère obligatoire de la visite médicale lors de la première inscription dans l'enseignement supérieur.

Au regard du « plan santé jeunes », il a encouragé l'organisation d'actions de prévention sur le terrain. Les sociétés étudiantes mutualistes régionales organisent ainsi près de 900 actions de prévention par an, notamment dans les lycées.

Il a indiqué que 83,5 % des étudiants disposaient d'une assurance complémentaire santé, contre 92,3 % pour la moyenne nationale. Cette assurance coûte 180 à 200 euros par an. Cette moindre couverture résulte de raisons financières pour 60 % des étudiants. Une proposition de chèque santé a été formulée par l'UNSEM qui s'adresserait à tous les étudiants inscrits en première année pour un montant de 50 euros afin de les aider à accéder à une assurance complémentaire santé. Une aide de ce type a été instaurée par le conseil général des Alpes-Maritimes, qui peut s'élever jusqu'à 100 euros dans la limite de 50 % du montant de la complémentaire santé.

M. Damien Berthilier a précisé que le conseil général du Pas-de-Calais et le conseil régional de Picardie avaient mis en place des dispositifs similaires. Il a déploré l'impact négatif des mesures de responsabilisation, comme la diminution du périmètre de remboursement des soins ambulatoires et l'instauration des franchises, sur la perception des jeunes à l'égard du système de santé.

Il a estimé que les centres de santé accessibles aux jeunes n'étaient pas assez nombreux, même s'il a considéré que des synergies étaient à trouver. Les centres de santé de certaines mutuelles réalisent des efforts en termes d'accès aux soins à destination des jeunes. Il a indiqué que le « plan santé jeunes » propose la transformation des services de médecine préventive universitaire en centres de santé dans les universités, à raison d'une dizaine par an. Pour l'instant, cette mesure n'a pas encore été mise en oeuvre.

Il a rappelé que, dans les années 1990, avaient été créées des maisons des jeunes et de la santé, à l'initiative du gouvernement et d'une mutuelle étudiante, permettant de consulter dans un même lieu l'ensemble des professionnels de santé. Une dizaine de centres de ce type avaient été créés.

En réponse aux questions relatives aux addictions, il a prôné la mise en oeuvre d'actions massives de prévention. Il a souligné toutefois les contradictions de certaines dispositions figurant dans le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, avec les politiques de lutte contre l'alcoolisme, à l'exemple de la proposition d'ouvrir les sites internet généralistes à la publicité pour les boissons alcoolisées. Il a alerté, au nom des institutions de santé publique, sur l'apparition dans les établissements scolaires et universitaires de pseudo-officines de prévention qui utilisent la question de la viticulture pour favoriser la consommation de boissons issues du mélange d'une boisson alcoolisée et d'une boisson non-alcoolisée. Il a estimé que les « premix » devraient faire l'objet de mesures législatives contraignantes.

Enfin, il a indiqué que 25 % des étudiants renonçaient à certains soins de santé pour des raisons financières. Il a relevé que la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie, qui prévoyait une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, n'était pas adaptée à la population étudiante, ainsi que l'avait déjà noté le rapport d'information parlementaire sur la santé et la protection sociale des étudiants présenté en 2006 par M. Laurent Wauquiez. Il a rappelé que l'instauration d'un chèque santé, souhaitée par les mutuelles étudiantes, figurait parmi les promesses du Président de la République et constituerait une aide à la complémentaire santé pour tous.

Le docteur Nicolas Leblanc a fait savoir qu'il existait une rupture dans le dispositif de prévention entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, pour lequel il convient d'opérer une distinction entre les universités et les grandes écoles. Il a recommandé que l'accompagnement se poursuive durant la phase d'autonomie des jeunes afin de poursuivre l'action des programmes de prise de conscience.

Il a encouragé le développement de programmes de prévention conduits par les étudiants eux-mêmes, pour agir sur la prise de conscience du risque.

A propos des consultations de prévention, il a considéré que le suivi constituait le maillon faible du dispositif, et que compte tenu de l'insuffisance de l'offre médicale liée aux problèmes de démographie médicale, ces consultations ne doivent pas être obligatoirement réalisées par des médecins, sinon la mise en place d'actions de prévention demeure le plus souvent sans effet.

Tout en affirmant la nécessité d'un maillage territorial suffisant en termes d'offre de soins, il a jugé que les principales insuffisances se situaient au niveau des réponses apportés aux demandes d'information et des politiques de dépistage au regard des problématiques de santé publique des jeunes pour lesquelles tout est encore à inventer.

Mme Pierrette Catel a rappelé que l'information, l'accompagnement des jeunes et la dimension de proximité étaient des éléments essentiels à l'élaboration d'une politique de santé des jeunes.

Relevant l'importance d'une proximité de prise en charge et d'une aide financière, elle a signalé l'expérience réalisée au sein de la mission locale de Sénart qui dispose d'une permanence médicale et a mis en place une prise en charge du ticket modérateur permettant un véritable accès au parcours de soins.

Elle a indiqué que les misions locales faisaient le constat que 40 % des jeunes les fréquentant n'avaient pas de médecin traitant.

Après avoir rappelé la nécessité de former les médecins au dialogue avec les jeunes, elle a annoncé que les missions locales participeraient à une expérimentation départementale afin d'aider les jeunes à disposer d'une information sur les médecins traitants et d'assurer un service de suite.

Elle a encouragé, dans le cadre du « plan santé jeunes », la mise en oeuvre de mesures assurant une meilleure information et un accompagnement des jeunes, surtout en milieu scolaire, compte tenu des habitudes de consommation d'alcool et de drogue déjà installées chez de nombreux jeunes dès l'âge de seize ans.

Mme Maryvonne Blondin s'est interrogée sur l'état de santé des étudiants étrangers.

En réponse, M. Damien Berthillier a précisé que des dispositifs de prise en charge par les pays d'origine permettaient de leur assurer un accès aux soins.

Pour conclure, Mme Pierrette Catel a précisé que les centres d'examen de santé disposaient d'équipes mobiles permettant d'offrir un accès aux soins à des populations situées dans des territoires enclavés.

Audition de M. Luc Ferry, président délégué du Conseil d'analyse de la société

Puis la mission a entendu M. Luc Ferry, président délégué du Conseil d'analyse de la société.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, a accueilli l'intervenant en rappelant les principales préoccupations de la mission d'information.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a précisé que la mission s'interrogeait particulièrement sur les solutions à apporter à l'empilement des structures d'orientation, à la pression qu'exerce sur les jeunes le système scolaire français d'exclusion par paliers successifs et sur les perspectives en matière de service civique.

M. Luc Ferry a introduit son propos en faisant observer que, dans une perspective historique, la situation générale des jeunes pouvait apparaître comme meilleure que jamais, en particulier parce qu'ils appartiennent à des générations n'ayant pas connu, comme leurs grands-parents et arrière grands-parents, les effets dévastateurs de la guerre et vivent dans une période de relative prospérité économique.

Il s'est alors interrogé sur les causes profondes du malaise des jeunes en estimant que la véritable source d'angoisse se situe avant tout chez les parents qui la transmettent à leurs enfants. Il a ajouté que, en raison de la mondialisation, l'histoire avait changé de sens : elle n'est plus orientée vers les « causes finales » ou la réalisation d'un idéal mais se présente aujourd'hui comme le résultat d'une compétition générale et acharnée, notamment entre des entreprises qui doivent innover en permanence. Il a souligné que jamais l'histoire n'avait été aussi imprévisible sur tous les plans et qu'elle échappait très largement au pouvoir politique. Il a rappelé par exemple que personne n'avait, il y a une quinzaine d'années, prévu la révolution de l'Internet et que chacun devait désormais s'attendre à vivre plusieurs vies professionnelles ou personnelles.

Puis diagnostiquant la généralisation d'une « société de la peur », il a souligné que, auparavant honteuses et considérées comme des barrières à surmonter, les craintes de toutes sortes étaient désormais « déculpabilisées » et placées au premier plan des préoccupations, notamment environnementales, médicales, économiques ou sociales, ce qui constitue une des racines des difficultés actuelles.

S'agissant de l'orientation, il a ensuite souligné l'importance fondamentale de la revalorisation de l'enseignement professionnel en rendant hommage aux ministres de l'éducation nationale qui se sont attachés à valoriser cette filière, notamment en créant les baccalauréats professionnels. Au titre des solutions, il a évoqué la nécessité de créer des maisons de l'orientation au niveau régional rassemblant, dans un « guichet unique » de service public, les multiples dispositifs existants. Il a ensuite signalé l'erreur de principe qui avait consisté à fonder le recrutement des conseillers d'orientation sur le critère de la compétence en psychologie en négligeant le besoin de connaissances concrètes du monde du travail que requiert leur mission. Rappelant que l'orientation constitue la principale préoccupation exprimée par les jeunes, il a estimé souhaitable de réduire l'important décalage entre la réalité des métiers et leur représentation chez les jeunes en multipliant les occasions de découverte du monde du travail par les élèves.

En matière de politique scolaire, il a exprimé de sérieuses réserves à l'encontre des classes préprofessionnelles de quatrième ou de troisième technologiques, de l'institution d'un palier d'orientation en fin de cinquième et d'une orientation trop précoce vers l'apprentissage qui n'ont pas prouvé leur efficacité. En revanche, il a préconisé la mise en place généralisée de classes en alternance adaptées accessibles dès l'âge de treize ou quatorze ans dans lesquelles, en se gardant d'enfermer  les élèves dans des spécialisations étroites, deux ou trois après-midi par semaine seraient consacrées à la découverte des métiers avec l'accord des parents, de l'Inspecteur d'académie et des équipes pédagogiques, appelant, sur ce point, à s'inspirer des expérimentations réussies conduites au lycée de Corbeil-Essonnes.

En aval, il a estimé souhaitable de faire de la voie professionnelle une filière d'excellence, notamment en créant, dans le prolongement des lycées des métiers, des grandes écoles renforçant le prestige de la voie professionnelle, sans quoi les familles continueront à la considérer comme une voie de relégation.

Puis relevant le pléonasme contenu dans la formule de « sélection par l'échec », il a évoqué, à la racine des difficultés du système d'enseignement français, la coexistence entre les grandes écoles très sélectives et les universités « parkings », dans lesquelles il est particulièrement difficile de réussir, avant de rappeler que c'est, dans bien des cas, le processus de sélection qui contribue à accroître la valeur d'un diplôme.

Il a ensuite qualifié de bonne idée le service civique en estimant que la difficulté, parfois invoquée, de son financement pouvait être, en réalité, assez aisément résolue : il suffirait d'affecter à la mise en place de ce dispositif l'équivalent budgétaire de 15 000 emplois aidés sur les 350 000 prévus. Rappelant ensuite qu'il avait été initialement partisan d'un service civique obligatoire, il a expliqué qu'il avait changé d'avis sur ce point, en premier lieu parce que les associations susceptibles d'accueillir les jeunes n'y étaient pas favorables : elles ne disposent pas, en effet, de l'encadrement nécessaire pour gérer les difficultés qui naîtraient des cas de « désertion » et souhaitent, en outre, un engagement volontaire des jeunes incompatible avec la notion de service obligatoire. Il a signalé que les syndicats avaient également objecté que 700 000 « faux emplois » ainsi créés déséquilibreraient le marché du travail. M. Luc Ferry s'est par ailleurs dit favorable à une montée progressive du service civique. De plus, afin que le service civique puisse, comme le faisait le service militaire, remplir d'utiles fonctions de creuset républicain et de mixité sociale, il a estimé nécessaire de fonder le dispositif non pas sur l'engagement individuel mais sur des chantiers collectifs, en s'inspirant du modèle italien qui recense 200 000 demandes pour 50 000 places disponibles.

Se montrant pessimiste, de façon générale et en particulier dans l'éducation nationale, sur la possibilité de « changer les esprits », il a en outre estimé qu'il convenait de limiter la rénovation des structures éducatives à l'essentiel. Il a alors évoqué les réformes manquées et celles qui demeurent nécessaires. Il a tout d'abord contesté l'utilité de la réforme de l'enseignement primaire avant d'évoquer les bienfaits de la réforme des lycées. Il a précisé, à cet égard, que la filière littéraire n'était plus viable et justifiait largement la mise en place d'un tronc commun en rationalisant les options, ce qui comporte, par ailleurs, l'avantage de dégager des moyens supplémentaires pour des actions utiles. Il a par ailleurs estimé que le nombre d'heures de classe imposé aux élèves était exagéré, particulièrement au lycée.

Interrogé par M. Christian Demuynck, rapporteur, il a ensuite fait observer que l'efficacité du système scolaire finlandais, qui obtient les meilleurs résultats selon les enquêtes publiées au titre du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), reposait sur un mécanisme comparable à celui de l'aide à l'apprentissage de la lecture en cours préparatoire. À cet égard, il a estimé nécessaire de dédoubler le cours préparatoire, en faisant intervenir deux maîtres dans la classe ou en ayant recours aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ou encore à des étudiants occupant des fonctions d'assistants d'éducation : il a regretté que l'expérimentation réussie pour 70 000 élèves lancée sous son ministère n'ait pas été généralisée en doublant l'effort ce qui contribuerait à réduire le nombre des jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme. Il a également précisé que le système finlandais reposait non pas sur le soutien en dehors des classes mais sur la « remédiation » en cours de classe qui se révèle difficile à gérer par les enseignants mais très efficace pour remettre à niveau des élèves en difficulté et combattre l'échec scolaire au moment le plus adéquat, c'est-à-dire dès le plus jeune âge.

Puis M. Luc Ferry a annoncé la prochaine publication par le Conseil d'analyse de la société d'un rapport remis au Premier ministre intitulé « Face à la crise » qui propose notamment, au plan fiscal, la suppression d'une trentaine de taxes qui freinent l'embauche des jeunes par les entreprises. Il a insisté sur la recommandation tendant à la mise en place d'un fonds d'autonomie et de solidarité qui doterait, sans distinction, chaque enfant à sa naissance d'une somme de 5 000 euros, qui serait placée puis perçue par les jeunes à l'âge de dix-huit ans. Il a préconisé de financer ce mécanisme, dont le coût se chiffre à 4,5 milliards d'euros par an, en soumettant les allocations familiales à une condition de ressources. Il a souligné qu'une telle mesure permettrait de rassurer les familles sur le sort de leurs enfants et de réduire le fossé entre les générations tout en sécurisant le parcours des jeunes.

Interrogé par M. Christian Demuynck, rapporteur, sur les autres mesures à prendre en faveur de l'autonomie des jeunes, M. Luc Ferry a estimé que le fonds d'autonomie qu'il préconisait d'instituer permettrait de répondre aux préoccupations majeures dans ce domaine en rappelant que le financement de la dette publique actuelle reposait largement sur la contribution des générations futures.

Mme Françoise Laborde a fait observer, à propos du dédoublement des classes de CP, que les ATSEM étaient à la charge des communes. Elle s'est ensuite interrogée sur le sort des classes technologiques.

Mme Raymonde Le Texier, présidente, évoquant les 150 000 jeunes sortant sans diplôme du système scolaire a estimé souhaitable de recourir à des modules permettant de reconnaître les qualifications acquises par ces élèves en difficulté.

Mme Christiane Demontès a nuancé les vertus de l'apprentissage tout en se félicitant des propos de l'intervenant sur l'enseignement professionnel. Puis elle l'a interrogé sur la préparation du baccalauréat professionnel en trois ans, sur la concurrence entre l'apprentissage et la voie professionnelle sans statut scolaire, sur l'éventuelle rémunération des lycéens professionnels, sur la mutualisation des moyens pour rassembler en un seul lieu les différentes voies de formation en alternance et, enfin, sur les possibilités d'intervention du secteur marchand dans le cadre du service civique.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est interrogée sur la réforme de la formation des maîtres.

En réponse aux divers intervenants, M. Luc Ferry a tout d'abord rappelé que l'expérimentation de dédoublement des CP qu'il avait lancée s'était appuyée non pas sur les ATSEM, dont l'intervention est envisageable, mais sur l'intervention des assistants d'éducation qui sont des étudiants. S'agissant de l'enseignement professionnel, il a préconisé des parcours individualisés d'alternance pour mettre en place des filières d'excellence plutôt que de relégation. Il s'est dit fermement opposé aux paliers d'orientation précoces qui ont l'inconvénient de réduire les choix des élèves en les privant, par la suite, de la possibilité de suivre un enseignement plus général.

Il a rappelé que, au moment où son ministère l'avait publié, le chiffrage des jeunes en échec scolaire sortant sans diplôme ni qualification avait été considéré comme très largement surévalué alors que, en réalité, il se situe vraisemblablement autour de 160 000.

M. Luc Ferry a ensuite estimé que les « lycées des métiers » étaient un exemple de mutualisation des moyens et d'amélioration de la voie professionnelle qu'il conviendrait de généraliser. Il a ajouté que, afin notamment de combattre la tendance à la dévalorisation des enseignants de la filière professionnelle, il conviendrait d'inclure dans la formation de tous les maîtres une période obligatoire d'un mois dans l'enseignement professionnel. Il s'est dit plutôt opposé à la rémunération des élèves des lycées professionnels, sauf s'ils accomplissent un véritable travail, auquel cas ils pourraient être rémunérés au même titre que les apprentis. Abordant la question des baccalauréats professionnels en trois ans sous l'angle des moyens, il a rappelé que, 98 % des Français étant opposés aux suppressions de postes dans l'éducation nationale, toute réforme incorporant une telle intention était vouée à l'échec.

En réponse à une question de Mme Maryvonne Blondin sur les instituts universitaires de technologie (IUT), M. Luc Ferry a rappelé le succès des formations supérieures courtes qu'ils dispensent et s'est montré réservé à l'égard de l'allongement de leur durée qui accompagnerait l'introduction de licences universitaires de technologie, (LUT).

Enfin, M. Luc Ferry s'est dit favorable à l'introduction d'un stage en entreprise au cours de la formation des maîtres avant de s'interroger, plus généralement, sur les dispositifs prévus pour remplacer les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dont la suppression a été annoncée.