COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mercredi 13 janvier 2010

- Présidence de M. Patrick Ollier, président -

Commission mixte paritaire sur les détecteurs de fumée

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation s'est réunie le mercredi 13 janvier 2010 à l'Assemblée nationale.

Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, qui a été ainsi constitué :

- M. Patrick Ollier, député, président,

- M. Jean-Paul Emorine, sénateur, vice-président.

Puis la commission a désigné :

- M. Damien Meslot, député,

- M. Bruno Sido, sénateur,

comme rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

La commission a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion, sur la base du texte adopté par le Sénat en deuxième lecture, après que M. le président Patrick Ollier eut procédé à l'appel des membres de la commission mixte paritaire.

Après avoir souligné que cette commission mixte paritaire était issue de l'action conjointe des présidents des deux assemblées, conformément à leur nouvelle prérogative issue de la révision constitutionnelle de 2008, M. Patrick Ollier, président, a indiqué avoir, avec le président Jean-Paul Émorine, fortement insisté pour que la commission puisse se réunir.

Rappelant que la navette parlementaire avait mis en évidence des divergences d'appréciation entre les deux chambres, il a noté que ces dernières étaient parvenues à un accord en inscrivant l'obligation d'installer des détecteurs de fumée dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Ce dispositif avait cependant été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Il a estimé qu'il était désormais temps de sceller l'accord des deux assemblées dans la présente proposition de loi, l'enjeu humain était très important, et a appelé à une attitude d'ouverture de la part des membres de la commission mixte paritaire et à un vote consensuel.

Après avoir indiqué qu'une commission mixte paritaire n'était pas le lieu d'un combat d'une assemblée contre l'autre, mais de la recherche d'un compromis acceptable par tous, M. Jean-Paul Emorine, vice-président, a rendu hommage aux auteurs de la proposition de loi, Damien Meslot et Pierre Morange. Il a rappelé l'action conjointe du président Patrick Ollier et de lui-même en faveur de cette proposition de loi, cela en dépit des réserves gouvernementales. Tout en reconnaissant le désaccord existant entre l'Assemblée nationale et le Sénat quant à la responsabilité de l'installation des détecteurs de fumée, il a estimé indispensable d'avancer : tous les parlementaires se sentent en effet moralement responsables à chaque fois que se produit un incendie domestique mortel.

Evoquant - pour s'en féliciter - la campagne de sensibilisation par voie de presse lancée par le Gouvernement, conformément à une disposition de la proposition de loi, il a néanmoins pointé une certaine incohérence dans le comportement de ce dernier, étant donné son attitude très réservée vis-à-vis du texte. Il a appelé les membres de la commission mixte paritaire à achever le travail du Parlement.

Confirmant les propos du président Jean-Paul Emorine, M. Patrick Ollier, président, a rappelé que l'obligation de l'installation des détecteurs de fumée n'avait pu être inscrite dans la loi de mobilisation pour le logement qu'après son intervention au cours des débats parlementaires. Il a rappelé qu'à Rueil-Malmaison, une telle obligation aurait certainement permis de sauver des vies.

La commission a ensuite examiné un amendement de MM. Damien Meslot et Bruno Sido à l'article 2 (Obligation d'installer des détecteurs de fumée dans les logements), unique article demeurant en discussion.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que cet amendement tend à rétablir la rédaction de compromis retenue par la commission mixte paritaire de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Après que M. Patrick Ollier, président, eut salué la position constructive du Sénat, M. Damien Meslot, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a remercié, outre la Haute assemblée, les présidents des deux commissions, estimant que leur action conjointe avait seule permis que cette proposition de loi puisse être examinée dans le cadre de la présente commission mixte paritaire. Il a indiqué que l'amendement marquait un compromis entre les deux assemblées, l'opinion du Sénat prévalant sur les normes techniques applicables aux détecteurs, celle de l'Assemblée nationale sur la responsabilité de principe de l'occupant dans l'installation de ces équipements.

Après avoir rappelé l'opposition du groupe socialiste de l'Assemblée nationale depuis 2005 non pas de principe mais sur les solutions envisagées, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a rappelé que le ministre Jean-Louis Borloo avait sollicité un rapport sur le sujet, qui avait conclu à l'importance d'une politique de prévention préalable à toute obligation légale. Rappelant la catastrophe de L'Haÿ-les-Roses dans laquelle des personnes paniquées par les flammes s'étaient précipitées dans la cage d'escalier, en dépit des recommandations des pompiers, il s'est réjoui que la proposition de loi prévoie un délai de cinq années avant que l'obligation d'installation n'intervienne. Il s'est également félicité que la norme des détecteurs soit définie par décret.

Il a cependant souligné qu'un désaccord persistait sur la prise en charge de l'installation des détecteurs, estimant qu'un détecteur de fumée était un immeuble par destination et que, à ce titre, son installation devrait toujours échoir au propriétaire et sa maintenance à l'occupant. La position du groupe socialiste de l'Assemblée nationale n'a donc pas varié sur ce texte.

Souhaitant que la commission mixte paritaire ne conduise pas à reproduire les débats intervenus lors des deux lectures dans les deux assemblées, M. Patrick Ollier, président, a estimé qu'il n'était plus temps de tergiverser et que la commission devait permettre de convaincre le Gouvernement et, pour cela, lui proposer un texte applicable.

Après avoir souligné les avancées réelles du texte, M. Daniel Raoul a relevé que le propriétaire avait une assurance et qu'il lui revenait donc d'équiper un logement avant de le mettre en location. Indiquant qu'il venait d'une ville de 150 000 habitants dont 38 000 étudiants logés pour beaucoup dans le parc privé, il s'est interrogé sur l'applicabilité, à cette catégorie d'occupants, de l'obligation d'installer un détecteur de fumée.

Indiquant avoir, dès les années 1980, signé une proposition de loi créant un contrôle technique des logements à chaque transition mobilière qui n'a jamais pu être discutée, M. Jean-Pierre Chevènement a estimé que la présente proposition de loi était plus modeste et que la logique plaidait en faveur d'une responsabilité du propriétaire, eu égard à la faible somme que représente l'investissement et à des raisons pratiques évidentes.

Face à un sujet plus humain que politique, M. Jean-Claude Danglot a indiqué que la commission devait rechercher la solution la plus efficace. Il a estimé que le texte du Sénat était plus équilibré, y compris pour le parc public de logements, et que la proposition de loi devait apparaître comme une protection, non comme une contrainte. Jugeant qu'une information importante serait nécessaire, il a regretté vivement l'attitude des compagnies d'assurance dans ce dossier.

S'associant aux remerciements présentés aux présidents des assemblées et des commissions, M. Pierre Morange a déclaré souhaiter que la commission puisse aboutir à une version de compromis. Il s'est réjoui de la campagne gouvernementale en faveur des détecteurs de fumée.

S'agissant de l'opportunité de confier au propriétaire ou à l'occupant l'installation des équipements, il a rappelé que c'est à ce dernier qu'il revient d'assurer son habitation. Par ailleurs, en cas de difficultés d'ordre social, les collectivités territoriales pourraient décider d'une aide au cas par cas.

Après avoir lui aussi félicité les présidents des deux commissions d'avoir obtenu la convocation de cette commission, M. Jean-Claude Bouchet a estimé qu'il était temps de clore le débat sur ce sujet.

Soulignant que les débats de la commission illustraient les divergences qui avaient existé entre l'Assemblée nationale et le Sénat, M. Gérard Cornu a jugé un compromis nécessaire. Tout en comprenant les réticences des bailleurs sociaux devant les sommes en jeu, il a estimé que les propriétaires privés pourraient procéder aux aménagements demandés, peu coûteux et de surcroît déductibles. Il a exprimé sa crainte que les locataires n'accordent à ces équipements qu'une attention insuffisante.

Saluant le travail accompli par les deux assemblées et notamment par le Sénat, Mme Annick Lepetit a confirmé l'urgence d'une décision du Parlement. Elle a insisté sur la simplicité d'une installation effectuée par le propriétaire, facilement vérifiable, une contrainte pesant sur l'occupant lui paraissant au contraire source de contentieux. S'agissant des offices HLM, elle a relevé que la proposition de loi leur accordait un délai de cinq ans et noté que la presse se faisait l'écho de leurs « cagnottes ». Elle a donc jugé la position des parlementaires socialistes tout à fait applicable et réaliste.

Reconnaissant l'urgence et la nécessité d'un compromis, M. Daniel Dubois a cependant regretté que l'installation des détecteurs ne soit pas mise à la charge des propriétaires. Rappelant qu'au moins le dixième des locataires d'habitations à loyer modéré ne sont pas assurés malgré l'obligation imposée lors de l'entrée dans les murs, il a estimé que les détecteurs disparaîtraient rapidement du monde HLM, pourtant particulièrement exposé à ces sinistres comme à leurs retombées médiatiques. Il a en conséquence vivement regretté la position hostile des organismes HLM.

En réponse à l'ensemble des intervenants, M. Damien Meslot, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que 1 % seulement des logements français sont équipés de détecteurs de fumée. 800 personnes perdent la vie dans des incendies domestiques chaque année. 10 000 autres sont blessées. Dans les autres pays, l'obligation d'installation a fait chuter ces statistiques de moitié.

Soulignant que la présente proposition de loi avait été améliorée par l'opposition et par le Sénat et que le Gouvernement avait lancé une campagne de sécurité publique sur le sujet, il a estimé que l'amendement présenté constituait une solution de compromis qu'il convenait d'adopter.

Concédant que cette proposition de loi ne conduirait sans doute pas à l'équipement de tous les foyers français, au Royaume-Uni, pays généralement considéré comme respectueux des obligations légales, le taux d'installation étant ainsi de 80 %, il a indiqué préférer voir les deux tiers des habitations françaises protégées que pratiquement aucune dans l'attente d'une hypothétique loi parfaite.

Rappelant que la proposition de loi prévoyait un délai devant permettre aux citoyens d'appréhender les enjeux, il a indiqué que certaines compagnies d'assurance, convaincues de l'utilité du dispositif, envisagent déjà de l'offrir à l'occasion de la signature d'un contrat multirisque habitation.

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat, a souligné que si le Sénat transigeait en admettant le principe d'une installation par l'occupant, le texte prévoyait des exceptions dans lesquelles cette obligation incombait au propriétaire, notamment pour les parties communes, les locations meublées et saisonnières, et pour une liste de cas que devrait établir un décret en Conseil d'État. Il a appelé les membres de la commission mixte paritaire à soutenir cette version de compromis.

M. Patrick Ollier, président, a insisté sur le fait que le président Jean-Paul Émorine et lui-même avaient dû imposer ce vote au Gouvernement et qu'il était nécessaire que les parlementaires se montrent unis face à ce dernier à qui la Constitution réserve seule le droit d'inscrire à l'ordre du jour du Parlement la lecture des conclusions de cette commission mixte paritaire.

Rappelant que la mise à la charge des propriétaires représenterait plus de soixante-cinq millions d'euros à la charge des bailleurs sociaux, il a estimé indispensable d'agir afin d'amorcer le mouvement.

En réponse à une question de M. Daniel Raoul, s'interrogeant sur le contenu du décret relatif aux obligations des propriétaires non occupants prévu par la loi, M. Damien Meslot, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué qu'il établirait la liste des cas dans lesquels la charge de l'installation reviendrait au propriétaire, en fonction de la durée du bail et de la nature de l'occupant.

M. Patrick Ollier, président, a estimé nécessaire de confier cette mission au pouvoir réglementaire après avis du Conseil d'État : les cas à envisager étant nombreux, l'équilibré trouvé devra être satisfaisant.

M. Daniel Raoul a déclaré comprendre qu'une position unanime de la commission mixte paritaire aiderait à obtenir l'inscription de ses conclusions à l'ordre du jour des assemblées, sur une question essentielle pour la protection des citoyens.

Après une brève suspension de séance sollicitée par M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Daniel Raoul a indiqué que les réticences des parlementaires socialistes demeuraient s'agissant du décret en Conseil d'Etat auquel renvoie la proposition de loi. Toutefois, au vu des arguments présentés, il a annoncé que les parlementaires socialistes s'abstiendraient sur l'amendement mais voteraient en faveur de la proposition de loi.

M. Jean-Claude Danglot a indiqué comprendre lui aussi l'enjeu de cette commission mixte paritaire. Il a annoncé qu'il s'abstiendrait sur les deux votes, qualifiant cette abstention de positive.

Prenant note avec émotion de ces déclarations, M. Patrick Ollier, président, a mis aux voix l'amendement et la proposition de loi ainsi modifiée.

La commission mixte paritaire a adopté l'amendement à l'unanimité des suffrages exprimés, les parlementaires socialistes et M. Jean-Claude Danglot s'abstenant.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée à l'unanimité des suffrages exprimés, M. Jean-Claude Danglot s'abstenant.