Mercredi 17 février 2010

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Audition de M. Pierre Mongin, président de la Régie Autonome des Transports parisiens

La commission spéciale a procédé à l'audition de M. Pierre Mongin, président de la régie autonome des transports parisiens (RATP).

Rappelant qu'à l'occasion du renouvellement de son mandat de président de la RATP en juillet dernier, le Président de la République lui avait assigné une feuille de route ambitieuse, il a mis en exergue trois priorités pour la RATP : demeurer une entreprise leader dans le domaine de la qualité et de l'innovation de service, être un acteur majeur de la mise en oeuvre des projets de transport du Grand Paris et jouer un rôle exemplaire en termes de développement durable.

La RATP est le témoin privilégié et l'acteur de la mobilité en Ile-de-France, qui est devenue l'une des préoccupations prioritaires des Franciliens. Disposant du troisième réseau mondial de transport après celui de New-York et Tokyo, la Régie transporte 10 millions de personnes par jour sur l'ensemble de ses réseaux et assure 80 % des voyages effectués en transports collectifs. A l'instar des autres aires urbaines de France, le temps consacré au transport demeure stable depuis 25 ans, aux environs de 80 minutes par jour, tandis que la longueur du trajet a augmenté de près de 27 %, grâce à la productivité globale du système de transport, avec environ 17 kilomètres parcourus par jour et par personne. Néanmoins, l'Ile-de-France se distingue par une proportion importante de trajets longs, puisque plus du quart des habitants ont un temps de parcours supérieur à 45 minutes, contre moins de 10 % dans les autres grandes aires urbaines. Les besoins de déplacements de banlieue à banlieue sont en forte progression et représentent 70 % des déplacements mécanisés. Compte tenu de la structure radiale du réseau francilien, près de 10 % des déplacements empruntant le métro aux heures de pointe le matin sont des liaisons banlieue-banlieue, ce taux atteignant 15 % sur la ligne 13.

Toutefois, il existe aujourd'hui une crise de la mobilité. En effet, à ces mêmes heures de pointe, plus de 15 interstations présentent des conditions de congestion (4 voyageurs par mètre carré), et près de 50 d'entre elles n'offrent que peu de marges de manoeuvre. Cette crise s'explique en grande partie par un accroissement de la distance entre le logement et l'emploi et par un déficit d'investissements dans les transports en commun depuis trente ans, comme l'a d'ailleurs reconnu le Premier ministre lui-même, le 8 janvier 2009, dans les ateliers de la RATP à Rueil-Malmaison. Par ailleurs, déplorant le retard considérable pris pour achever les projets d'autoroutes A86 et A104, M. Pierre Mongin a considéré que le déficit d'investissement en infrastructures routières avait également pénalisé la RATP et la SNCF.

En dépit de toutes ces contraintes, la RATP a répondu activement à la demande croissante de mobilité des Franciliens. Entre 2001 et 2007, le trafic a progressé de 9,3 %, soit 250 millions de voyages annuels en plus, représentant l'équivalent des voyageurs utilisant les réseaux de Bordeaux et Marseille réunis, et plusieurs solutions ont été apportées pour répondre à ces défis : densification des circulations en heure creuse, augmentation de l'offre à parc constant, ou encore prolongement des circulations le soir.

Puis il a souligné le rôle essentiel que joue la Régie depuis trois ans comme force de proposition sur le projet de transport du Grand Paris. Ce projet reprend en effet les grandes orientations esquissées par le projet dit « Métrophérique ». Le métro automatique est le seul mode qui permette, d'une part, de faire coïncider en temps réel l'offre et la demande et, d'autre part, d'optimiser la gestion des échanges grâce aux façades de quais. Mais le projet du secrétaire d'Etat offre néanmoins des potentialités de développement plus larges grâce à la « double boucle » qui crée un maillage nouveau en grande couronne. De fait, la fréquentation d'un réseau bouclé est supérieure à celle d'un réseau linéaire isolé, de l'ordre de 40 %. L'interconnexion du nouveau réseau avec le réseau existant constitue un enjeu essentiel et la ligne 14 du métro permettra de limiter la saturation croissante des autres lignes de métro et de RER. Le débat public, organisé à l'initiative du Syndicat des transports en Ile-de-France (STIF) sur le prolongement au nord de la ligne 14 pour soulager la ligne 13, prend d'ailleurs en compte le projet du Grand Paris.

S'agissant du nombre de gares sur le tracé de la double boucle, M. Pierre Mongin a estimé que le chiffre avancé de quarante constituait un minimum. Rappelant qu'un Parisien génère quotidiennement dans le cadre de ses déplacements presque deux fois moins de rejets de gaz à effet de serre qu'un habitant de petite couronne et plus de trois fois moins qu'un habitant de grande couronne, il a salué l'effet bénéfique sur l'environnement qu'induira le nouveau réseau.

Ensuite, M. Pierre Mongin a indiqué que la double boucle permettrait de rapprocher les territoires franciliens car le réseau de transport du Grand Paris n'est pas « plaqué » sur le réseau existant. Il a par exemple rappelé que le quartier de la Défense serait à moins de 30 minutes de tout le nord des Hauts-de-Seine et l'ouest de la Seine-Saint-Denis, et à moins de 15 minutes des communes de Clichy, St-Ouen, et d'une partie de la Seine Saint-Denis.

Il a également mis en exergue l'excellence des ingénieurs de la Régie, qui ne connaît pas d'équivalent à l'étranger. Jouissant d'un savoir-faire reconnu à l'international, les 1.200 ingénieurs de la RATP, spécialistes dans les différents domaines d'ingénierie du transport public, ont contribué notamment à la conception du métro de Dubaï et de la Canarsie Line à New York. Quels que soient les candidats retenus pour l'exploitation du nouveau réseau et la construction du matériel roulant, le projet du Grand Paris aura un effet éminemment positif sur l'économie française. Il a conclu son propos en indiquant que la RATP participera pleinement au débat public sur ce projet, qui est la condition de son succès, en prenant en compte les intérêts de toutes les parties prenantes.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est interrogé sur le coût prévisionnel de la double boucle, aussi bien dans son volet investissement que dans son volet exploitation. Il s'est en outre montré circonspect quant aux dispositions de l'article 14 du projet de loi qui risquent d'aboutir à conférer à la RATP un quasi-monopole pour les marchés de maîtrise d'oeuvre, d'études et d'assistance nécessaires à la réalisation des infrastructures et des matériels. Enfin, il s'est demandé si le prolongement de la ligne 14 du métro parisien était, selon la RATP, indispensable, et a souhaité connaître le rôle de cette ligne dans la double boucle.

M. Pierre Mongin a apporté les éléments de réponse suivants :

- la double boucle devrait coûter entre 22 et 25 milliards d'euros étalés sur quinze ans ;

- il ne faut pas sous-estimer les coûts de fonctionnement induits par la nouvelle infrastructure ;

- une gestion rigoureuse des politiques tarifaires dans les transports en commun conduit, quelle que soit l'orientation politique du Gouvernement en place, à une augmentation supérieure d'un point à l'évolution de l'inflation ;

- la valorisation foncière peut constituer une source de financement non négligeable, à condition de ne pas la transformer en un impôt confiscatoire. A cet égard, il convient d'explorer d'autres pistes de fiscalité spécifique, comme la taxe sur les bureaux ;

- le péage urbain ne peut pas, à court terme, être instauré en Ile-de-France ;

- la taxe sur les poids lourds, également appelée écotaxe, permettra de lever des sommes importantes ;

- toutes les nouvelles lignes de transport en Ile-de-France sont désormais ouvertes à la concurrence ;

- l'article 14 du projet de loi pose comme principe la concurrence pour l'ensemble des marchés de maîtrise d'oeuvre, d'études et d'assistance, mais il prévoit par exception que ces marchés soient passés avec la RATP, la SNCF ou Réseau ferré de France (RFF), si des raisons liées à la sécurité, à l'interopérabilité, ou à la continuité du service public l'exigent ;

- toutefois, les dispositions de cet article ne sont pas pleinement satisfaisantes pour la RATP qui souhaiterait une maîtrise d'ouvrage partagée avec la société du Grand Paris (SGP), s'inspirant du mécanisme régissant les relations entre le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) et la RATP, mis en place dans la loi du 8 décembre 2009, dite « organisation et régulation du transport ferroviaire » ;

- le prolongement de la ligne 14 du métro au nord et au sud est indispensable, et jouera un rôle essentiel dans la réussite et le bon fonctionnement de la double boucle.

Mme Nicole Bricq s'est demandé si la double boucle permettra véritablement un meilleur maillage du territoire que le système radial traditionnel. En outre, elle a craint que le nouveau réseau ne prenne pas suffisamment en compte les flux domicile-travail.

M. Denis Badré a mis en avant la nécessité d'articuler de façon cohérente les besoins à court terme des usagers franciliens (qu'il s'agisse de la rénovation du RER B, de la ligne 13 ou encore, de la desserte de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ou du plateau de Saclay) et l'ambition à long terme du projet du secrétaire d'Etat. Par ailleurs, il a déploré la confusion institutionnelle qui règne en Ile-de-France en matière de transport puisque le STIF est en relation constante avec la RATP, la SNCF, RFF et bientôt avec la Société du Grand Paris.

M. Philippe Dallier, rappelant que le tracé du projet Métrophérique de la RATP était moins éloigné du centre de Paris que celui du projet du secrétaire d'Etat, s'est interrogé sur l'intention du Gouvernement et sur le nombre pertinent de gares sur la double boucle.

M. Christian Cambon, soulignant que le Val-de-Marne n'était pas suffisamment concerné par le tracé de la double boucle, a également déploré les conditions de circulation très difficiles imposées aux usagers de la ligne 13 et du RER A. En outre, il a rappelé que le trajet entre la cité Descartes et le périphérique parisien pouvait parfois dépasser 1 h 30, voire 2 h 00, ce qui nuit à l'image de ce pôle scientifique et technique. Enfin, il a voulu connaître les projets de la RATP en matière de réseaux de surface pour les zones qui ne seront pas ou insuffisamment desservies par la double boucle.

M. Jacques Gautier, déplorant la saturation de nombreuses gares franciliennes, a voulu savoir si d'autres projets de transports seront engagés avant la réalisation de la double boucle. Il s'est également interrogé sur le futur régime juridique des lignes de rabattement, et notamment la possibilité pour les élus locaux de ne plus dépendre exclusivement de la RATP.

M. Jean-Pierre Caffet s'est interrogé sur la pertinence et l'utilité d'une telle double boucle dans une économie moderne et mondialisée, qui remplace de plus en plus les déplacements physiques par des moyens de communication dématérialisés. Par ailleurs, il a souhaité savoir si la RATP disposait de statistiques sur la proportion des trajets des franciliens consacrés aux flux domicile-travail. Enfin, il s'est interrogé sur le phasage entre les investissements de la double boucle et ceux du plan de mobilisation.

M. Yves Pozzo di Borgo a souhaité connaître les flux prévisibles entre les 40 gares de la double boucle.

M. Philippe Dominati a déploré la saturation actuelle, inquiétante, du réseau de transport pour Paris intramuros et sa petite couronne, et a souhaité connaître les investissements prévus pour y remédier. Il s'est ensuite demandé pourquoi, au lieu de créer ex nihilo la société du Grand Paris, le Gouvernement n'avait pas fait le choix de recapitaliser la RATP. Il s'est, en outre, interrogé sur le devenir du projet de liaison Paris- Roissy CDG Express.

M. Pierre Mongin a apporté les éléments de réponse suivants :

- les flux domicile-travail représentent 40 % des déplacements en Ile-de-France et seulement 25 % dans Paris intramuros ;

- les besoins urgents des usagers franciliens ne doivent pas s'opposer aux enjeux à long terme de développement et d'attractivité de la région francilienne ;

- il revient aux décideurs politiques d'établir le phasage entre les investissements liés au plan de mobilisation et ceux relatifs au Grand Paris ;

- la société du Grand Paris a une mission de projet et disparaîtra dès que le projet du Grand Paris sera réalisé ;

- la RATP porte déjà une dette très importante, qualifiée d'« orpheline » par la Cour des comptes ;

- le territoire de Seine-Saint-Denis doit être mieux desservi par les transports en commun ;

- toutes les nouvelles lignes de transport, y compris celles de bus, seront soumises à la concurrence ;

- la création d'une nouvelle infrastructure de transport en commun permet en règle générale de redéployer le parc de bus de la RATP.

Mme Bariza Khiari s'est demandé si la faiblesse du taux de trajet domicile-travail à Paris ne s'expliquait pas par le grand nombre de touristes utilisant les transports en commun dans la capitale et M. Pierre Mongin a confirmé cette hypothèse.

Audition de M. Gilles Carrez, parlementaire en mission sur le financement du projet de transports du Grand Paris

La commission spéciale a ensuite entendu M. Gilles Carrez, parlementaire en mission sur le financement du projet de transports du Grand Paris.

M. Gilles Carrez a tout d'abord souligné que le rapport qu'il a rendu, fin septembre 2009, au Premier ministre, ne concerne que la dimension « transport » du Grand Paris. Dans cette approche, toutefois, il s'est efforcé de bien prendre en compte les autres aspects du projet, opérations d'aménagement et construction de logements. Pour l'élaboration de ce rapport, il a constitué un groupe de travail associant l'ensemble des parties prenantes, notamment l'Etat, la région Ile-de-France, le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) et les opérateurs de transport, ainsi que des élus, de toutes appartenances politiques et franciliens comme provinciaux.

La rédaction du rapport a reposé sur les cinq règles de méthode suivantes :

- le projet de transport pris en considération doit répondre aux besoins urgents de l'lle-de-France en même temps qu'il engage l'avenir ;

- les besoins de financement de ce projet doivent être analysés en termes tant d'investissement que de fonctionnement, en vue d'affecter à chaque catégorie de dépenses des ressources propres ;

- toutes les ressources de financement possibles doivent être recherchées, afin de ne négliger aucune piste ;

- les efforts contributifs du monde économique, des usagers des transports en commun, des contribuables et des entreprises de transport doivent être proportionnés et équitables ;

- l'emprunt ne doit être utilisé qu'à proportion des capacités de remboursement.

Sur le fondement, d'une part, de l'identification, par les services de l'Etat, des besoins en transports et, d'autre part, du projet de nouveau métro associé au développement du Grand Paris, M. Gilles Carrez a établi un phasage des travaux à réaliser. Une première phase, pour la période 2010-2025, inclurait notamment :

- plusieurs opérations relevant des contrats de projets Etat-région (CPER), certaines se trouvant déjà inscrites dans le contrat en cours d'exécution, couvrant la période 2007-2013, dont le prolongement du réseau Eole à l'ouest ;

- la reconfiguration des lignes C et D du réseau de RER ;

- un programme de rénovation et d'acquisition du matériel roulant et la mise en accessibilité du réseau pour les personnes à mobilité réduite ;

- enfin, la réalisation d'une première partie du métro automatique, dont le bouclement de la nouvelle rocade de métro et le prolongement de la ligne 14, au sud, jusqu'à Orly et, au nord, jusqu'à Pleyel voire Le Bourget. Il n'a pas été préjugé de la solution qui sera retenue pour desservir Roissy. En outre, deux variantes possibles ont été prises en considération en ce qui concerne la partie orientale du tracé.

M. Gilles Carrez a fait valoir la cohérence de la première phase de réalisation du volet « transport » du Grand Paris ainsi conçue. D'une part, elle tend à préparer les opérations d'aménagement et de construction de logements à venir, nécessairement liés au réseau de transports. D'autre part, elle ne perd pas de vue l'objectif d'achever, au terme d'une seconde phase, soit après 2025, la « double boucle » du tracé prévu.

Le besoin de financement de cette première phase a été évalué 43,2 milliards d'euros en dépenses de fonctionnement, réparties comme suit :

- 32,2 milliards d'euros pour les charges d'exploitation, dont un besoin de 24,1 milliards induit par la seule « dérive » du socle de fonctionnement du réseau existant, sous l'hypothèse d'un rythme annuel de + 1,8 point au-dessus de l'inflation en moyenne sur la période (contre + 2,3 points entre 2000 et 2008), et un besoin complémentaire de 8,1 milliards lié aux nouvelles réalisations ;

- 9,2 milliards d'euros au titre du programme de rénovation et d'acquisition du matériel roulant et 1,8 milliard pour la mise en accessibilité du réseau.

Pour financer ces dépenses, quatre ressources pourraient être mobilisées :

- la modernisation du versement transports, par l'actualisation du zonage existant et l'augmentation des taux. La mesure, compte tenu de la croissance économique, permettrait de dégager 11,9 milliards d'euros sur la période 2010-2025. M. Gilles Carrez a reconnu le caractère « difficile » de cette réforme sur le plan politique, mais il a considéré celle-ci comme légitime, dès lors que l'amélioration de l'offre de transport contribue directement à renforcer la compétitivité des entreprises ;

- le renouvellement de la politique tarifaire des transports publics, qui passerait notamment par une revalorisation des tarifs, selon un rythme ne dépassant pas celui du pouvoir d'achat des ménages, et une révision du zonage actuel. Sur la période 2010-2025, 16,5 milliards d'euros pourraient ainsi être dégagés. M. Gilles Carrez, tout en admettant que ces mesures étaient également délicates à mettre en oeuvre, a estimé nécessaire d'enrayer la dégradation des recettes tarifaires observée ces dernières années ;

- les gains de productivité réalisés par les opérateurs, qui seraient rétrocédés à due proportion au système de transport, sur la base des contrats liant ces opérateurs au STIF ;

- le recours à l'emprunt, M. Gilles Carrez présentant l'hypothèse d'un financement intégral, par ce moyen, du matériel roulant et de la mise en accessibilité du réseau, soit 11 milliards d'euros. Le coût de l'opération, sur la période 2010-2025, serait limité à 6 milliards d'euros, l'emprunt permettant en effet de décaler dans le temps les besoins de financement.

La couverture du besoin de financement résiduel en fonctionnement (9,8 milliards d'euros) imposerait une croissance des contributions de la région Ile-de-France et des départements franciliens, donc un effort supplémentaire des contribuables, à un rythme de 4,2 points au-dessus de l'inflation sur la période considérée.

En ce qui concerne l'investissement, le besoin de financement de la première phase de réalisation a été évalué à 24,4 milliards d'euros, ainsi décomposés :

- d'une part, 12,7 milliards d'euros pour la réalisation de la première partie du métro automatique, dont 7,7 milliards pour la rocade de métro et 5 milliards pour le prolongement de la ligne 14 ;

- d'autre part, 2,8 milliards d'euros pour la reconfiguration du réseau de RER, dont 1,8 milliard pour le prolongement d'Eole et un milliard pour les lignes C et D, ainsi que 8,9 milliards d'euros au titre d'opérations inscrites dans les CPER.

Ces besoins pourraient être couverts par six catégories de ressources principalement :

- la poursuite de l'effort budgétaire consenti dans le cadre des CPER, évalué à 6,4 milliards d'euros sur la période 2010-2025 ;

- la modernisation des ressources fiscales assises sur les bureaux, notamment par l'actualisation des tarifs et du zonage. Ainsi révisée, la taxe sur les locaux à usage de bureaux, de commerce et de stockage permettrait de dégager 5,3 milliards d'euros, sur la période et la redevance sur la création de bureaux, 2 milliards d'euros ;

- l'augmentation de la contribution des usagers de la route, orientation que M. Gilles Carrez a fait valoir comme conforme aux principes fixés dans le cadre du Grenelle de l'environnement. En premier lieu, le relèvement dans la région Ile-de-France de la taxe kilométrique sur les véhicules de transport de marchandises (« éco-redevance poids lourds », qui doit entrer en vigueur en 2013), à hauteur de 30 %, justifié par la congestion du trafic automobile, engendrerait un produit de 1,3 milliard d'euros sur la période considérée. En second lieu, une revalorisation du montant des amendes de stationnement forfaitaires de 11 à 20 euros procurerait une ressource complémentaire de 0,6 milliard d'euros sur cette période. M. Gilles Carrez a rappelé que le STIF reçoit 50 % du produit de ces amendes, la région 25 % ;

- la création d'une taxe spéciale d'équipement « Grand Paris ». Calibrée pour un produit annuel de 100 millions d'euros, cette taxe représenterait un coût de 20 euros par an, en moyenne, pour un ménage francilien redevable des taxes foncières et d'habitation. Elle rapporterait 1,6 milliard d'euros sur la période 2010-2025 ;

- la création d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour en Ile-de-France. Cette ressource, estimée à 30 millions d'euros par an, engendrerait 0,5 milliard d'euros sur la période ;

- un emprunt, à hauteur de 9,3 milliards d'euros, afin de couvrir le besoin résiduel en dépenses d'investissement. Compte tenu de la proposition d'emprunter 11 milliards d'euros pour financer les dépenses de fonctionnement, le recours à l'emprunt pour le projet de transports du Grand Paris, au total, s'élèverait ainsi à 20,3 milliards d'euros.

La seconde phase de réalisation du projet, prévue après 2025, permettrait le bouclage de l'ensemble. Elle comprendrait, notamment, la construction de la liaison La Défense-Versailles-Saclay-Orly, qui représente un coût d'investissement de 4,5 milliards d'euros. M. Gilles Carrez a estimé que cette seconde phase pourrait être financée sans difficulté particulière.

Il a précisé que, dans le but d'optimiser les coûts, il conviendrait de placer le système de transport francilien dans une situation concurrentielle, afin de réaliser des gains de productivité. En outre, le recours aux contrats de partenariats public-privé sur la conception et la construction des ouvrages permet de maîtriser les coûts et les délais de réalisation.

Par ailleurs, l'articulation de l'action de l'Etat avec celle des collectivités territoriales constitue un impératif pour la réussite du projet. Pour cette raison, le plan de financement proposé n'intègre pas les ressources qui pourront être tirées de la valorisation foncière. Il faut laisser aux collectivités territoriales la liberté d'affecter cette ressource aux projets de leur choix, équipements publics ou logements sociaux en particulier ; l'Etat ne devrait pas décider unilatéralement d'une forme de « préemption » de la valorisation foncière en faveur du réseau de transport. Les futurs contrats de développement territorial, créés par le projet de loi relatif au Grand Paris, pourront constituer le cadre des accords à trouver sur ce point.

M. Jean-Pierre Fourcade a fait observer que la présentation de M. Gilles Carrez ne concernait pas directement le projet de loi. Il s'est demandé si le chiffrage du coût de fonctionnement induit par la mise en service des nouvelles infrastructures de transports, à hauteur de 8,1 milliards d'euros, n'est pas excessif.

M. Charles Revet a estimé qu'une part de l'engorgement des transports, en Ile-de-France, tient à la convergence de l'ensemble des voies du réseau ferroviaire vers la capitale. Le nouveau schéma de transport projeté permettra-t-il d'améliorer la situation ?

M. Christian Cambon a relevé que le plan de financement proposé par M. Gilles Carrez prévoit un appel à l'emprunt relativement limité, compte tenu de l'ampleur des besoins de financement identifiés. Ce choix procède-t-il de la prise en considération de l'état des finances publiques ou d'une stratégie d'optimisation financière ?

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la possibilité de rééquilibrer les contributions respectives des ménages et des entreprises dans le financement des transports collectifs franciliens, en considérant le décalage qui s'est formé, en la matière, dans le passé. En outre, elle a souhaité des précisions sur le montant des ressources qu'il est possible d'attendre de la valorisation foncière induite par le projet du Grand Paris.

M. Thierry Repentin a jugé « courageuses » les propositions de M. Gilles Carrez concernant la hausse des contributions publiques et le relèvement du versement transports. Il s'est enquis des possibilités d'employer au financement du nouveau réseau, d'une part, le produit de péages urbains et, d'autre part, une taxe spéciale d'équipement qu'institueraient les collectivités territoriales et non un établissement public foncier.

Mme Catherine Procaccia a souhaité connaître l'articulation entre elles des procédures de débat public que doit conduire, sur les différents projets de transports en commun recensés aujourd'hui en Ile-de-France, la Commission nationale du débat public.

M. Philippe Dominati s'est demandé si des gains de productivité significatifs pourraient être dégagés par les opérateurs de transport, alors que la « dérive » du socle de fonctionnement du réseau existant s'avère considérable. Par ailleurs, il a souligné le caractère discutable de la prééminence de l'Etat au sein du système de gouvernance prévu par le projet de loi, eu égard à l'importance de la contribution attendue de la part des collectivités territoriales pour le financement du Grand Paris.

M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé sur l'incidence de l'automatisation du futur réseau de métro du Grand Paris sur ses coûts de fonctionnement.

En réponse aux différents intervenants, M. Gilles Carrez a indiqué que :

- le coût du futur réseau de transport prévu par le projet du Grand Paris et celui de la mise à niveau du réseau existant ne doivent pas être dissociés. En effet, d'une part le projet de nouveau métro n'est pertinent que sous la condition d'un maillage avec le réseau actuellement en place, d'autre part, les coûts liés à l'exploitation de ces deux réseaux ne pourront être dissociés dans la pratique. Aussi, le chiffrage des besoins de financement, en matière de fonctionnement, qui figure dans son rapport au Premier ministre, intègre l'ensemble de ces coûts ;

- l'automatisation du futur réseau de métro, par rapport à un réseau qui ne serait pas automatique, permet une économie des coûts de fonctionnement de l'ordre de 50 % ;

- le recours à l'emprunt, dans la première phase de réalisation du projet de transport, couvre les trois quarts des besoins de financement du nouveau métro au stade de la première phase. Une marge existe, néanmoins, en faveur d'un appel plus important à l'emprunt ;

- les ressources qu'il sera possible de dégager, au profit du projet du Grand Paris, de la valorisation foncière, si l'Etat s'abstient de décider unilatéralement de l'affectation de celle-ci, dépendront en grande partie des choix des collectivités territoriales. Dans ce contexte, il est difficile d'estimer le produit afférent, qui pourrait être de l'ordre d'un milliard d'euros, deux milliards au plus. Les importantes réserves foncières que détient Aéroports de Paris, par exemple, pourraient être mobilisées ;

- il n'est pas envisageable, en pratique, de rattraper le décalage qui s'est instauré, avec les années, entre la contribution des ménages et celle des entreprises dans le financement des transports publics d'Ile-de-France. Cependant, dans le cadre du financement du projet du Grand Paris, l'effort demandé aux ménages et celui requis des entreprises devront être équitables l'un par rapport à l'autre. Le plan de financement proposé répond à cette exigence en prévoyant de mettre 13 milliards d'euros à la charge des usagers des transports, à partir de l'évolution des tarifs, déduction faite du remboursement de la carte orange par les employeurs et des aides directes des collectivités aux ménages, et 14,5 milliards d'euros à la charge des entreprises, à partir de l'évolution du versement transports, à laquelle viendrait s'ajouter le remboursement de la carte orange par les employeurs ;

- l'obligation d'organiser des débats publics sur les différents projets de transports franciliens existants induit, pour la Commission nationale du débat public, de réelles difficultés d'articulation et de calendrier.

Audition de MM. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et Jean-Pierre Farandou, directeur général de SNCF Proximités

La commission spéciale a enfin entendu MM. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), et Jean-Pierre Farandou, directeur général de SNCF Proximités.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a tout d'abord interrogé le président de la SNCF sur sa position concernant :

- le projet de loi tel que modifié par l'Assemblée nationale ;

- la complémentarité entre le réseau de transport automatique et les services de la SNCF en région Ile-de-France ;

- l'article 14 du projet de loi qui permet à la Société du Grand Paris de recourir aux compétences de la SNCF -mais aussi à celles de la RATP et de Réseau ferré de France (RFF)- au moyen de contrats passés de gré à gré.

Enfin, il a souhaité savoir comment la SNCF envisageait la question, très importante, de l'articulation entre le réseau à grande vitesse et celui du Grand Paris.

M. Guillaume Pepy a apporté les éléments de réponse suivants :

- le projet du Grand Paris a pour immense mérite de proposer une vision à long terme du développement de la région parisienne ;

- sur les deux enjeux de transports traités par le projet de loi -la double boucle et la desserte du plateau de Saclay-, c'est la RATP qui est concernée au premier chef, mais les deux entreprises publiques souhaitent fortement travailler ensemble dans le cadre de leur ambition commune, le service aux usagers ;

- la question de la grande vitesse, qui n'est pas abordée par le projet de loi, est essentielle, l'interconnexion des lignes à grande vitesse étant un atout essentiel de la France par rapport à d'autres pays : elle doit faciliter l'accès des Français et des européens à la région parisienne, d'une part, et permettre aux Franciliens d'accéder à la grande vitesse sans avoir à passer par Paris, d'autre part ;

- il apparaît nécessaire, à horizon de dix à quinze ans, de créer trois nouvelles gares TGV dans la région : la Défense, pour faciliter son rayonnement international, Orly, aujourd'hui très bien placée mais très mal desservie et, au Nord, le Bourget ou Pleyel ;

- le projet du Grand Paris devrait être complété par un volet sur le fret ferroviaire afin d'engager la France dans le transport écologique de marchandises ;

- la réussite du projet résidera dans la qualité du maillage, étant entendu que, comme l'a indiqué le Président de la République dans son discours du 29 avril 2009, 70 % des hausses de trafic se concentreront sur le réseau existant : les gares constituent donc un élément-clé de ce projet, de même que la qualité des interconnexions.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, ayant demandé quelle était la métropole régionale caractérisée par la meilleure articulation entre le TGV et le transport régional, M. Guillaume Pepy a estimé qu'il s'agissait en réalité de Paris, grâce au contournement de la capitale par la ligne à grande vitesse. Indiquant que, à Londres, la SNCF avait ouvert un service de banlieue sur une ligne à grande vitesse, conduisant à un raccourcissement de 60 % du temps de trajet, il a jugé essentiel que le réseau à grande vitesse soit utile aux Franciliens. Estimant indispensable le prolongement, au-delà de la Défense, de la ligne venant du Havre, il a indiqué que plusieurs solutions existaient - un tunnel jusqu'à Roissy, l'utilisation de l'infrastructure du métro automatique ou un « barreau » permettant une liaison au Nord de l'Ile-de-France jusqu'à Roissy. A cet égard, il a fait valoir que toute infrastructure construite aujourd'hui devra être utilisée par plusieurs types de train à terme.

M. Laurent Béteille s'est interrogé sur l'articulation entre les navettes rapides et le maillage des réseaux.

Après avoir souligné que le plan de transport de la région devait être caractérisé par un parfait maillage avec le réseau à grande vitesse, M. Michel Teston s'est interrogé sur les moyens de relier le futur TGV normand avec le réseau ferroviaire à grande vitesse tout en desservant la région parisienne et a estimé qu'un « barreau » situé au nord de Paris était indispensable pour relier le nord et l'ouest de la France. S'agissant de la circulation de TGV ou de TER sur le réseau à grande vitesse, il a relevé que les différences de vitesse posaient des problèmes de circulation en cas d'utilisation importante des sillons.

Après avoir demandé une estimation du nombre de personnes venant de Normandie qui seront concernées par la nouvelle ligne à grande vitesse, M. Charles Revet a souhaité savoir si la double boucle permettrait d'éviter le passage par Paris et quelles étaient les perspectives en matière de développement du transport par voie ferroviaire des marchandises en provenance du port du Havre.

M. Christian Cambon a souligné que les Franciliens avaient une image relativement dégradée de la SNCF, liée à l'état des lignes de RER, notamment la ligne D, et s'est félicité de la priorité accordée à la réhabilitation des lignes existantes.

Après avoir demandé des précisions sur la localisation prévisionnelle de la gare d'Orly, M. Denis Badré a jugé que la desserte de la Défense était une priorité et il a souhaité connaître la position de la SNCF sur la gare la plus adaptée pour l'arrivée de Charles-de-Gaulle Express, entre les gares Saint-Lazare, de l'Est ou du Nord.

Evoquant la liaison Charles-de-Gaulle Paris et Charles-de-Gaulle La Défense, M. Philippe Dallier a souhaité savoir « qui s'occupe de quoi ». Relevant l'existence de projets divergents pour la desserte de Roissy, il a évoqué celui d'une liaison spécifique, d'une part, et celui d'une liaison Normandie-Val-de-Seine, d'autre part, et a demandé quelle serait l'option retenue, entre le projet de double boucle et celui d'une liaison spéciale pour l'aéroport.

M. Yves Pozzo di Borgo a jugé que la réflexion sur la grande vitesse et celle sur le fret n'apparaissaient pas dans le projet du Grand Paris et il a souhaité connaître la position de la SNCF sur ces points.

Après avoir fait part de son attachement à la desserte d'Orly, Mme Catherine Procaccia a demandé s'il était d'ores et déjà possible que les lignes de TGV soient utilisées par différents types de trains pour mieux desservir les Franciliens.

En réponse aux différents intervenants, M. Guillaume Pepy a apporté les précisions suivantes :

- l'amélioration des trajets de la vie quotidienne, pour laquelle l'Ile-de-France a accumulé du retard par rapport aux autres régions, est une priorité de la SNCF ;

- la réalisation de la double boucle est indissociable de la mise en oeuvre d'un plan d'urgence pour améliorer les RER, réaliser les tangentielles et renouveler le matériel : la SNCF a déjà financé 100 millions d'euros et 200 à 250 millions restent à venir dans le cadre du contrat de projet Etat-région pour la rénovation du RER D et le RER B devra aussi être entièrement rénové avant 2012. En outre, le Président de la République a confirmé la prolongation du RER E vers la Défense et le Mantois, les financements consacrés à ces travaux devant impérativement être sanctuarisés ;

- la SNCF transporte chaque jour 300 000 voyageurs en TGV, pour 3 millions et demi dans des trains de la « vie quotidienne » (TER, RER ...), dont 2,8 millions en Ile-de-France ;

- le RER D a connu une hausse de 40 % de trafic en six ans, sur une ligne qui était déjà saturée ;

- le projet du Grand Paris a permis une prise de conscience de tous les problèmes existants sur le réseau francilien actuel ;

- le département des Hauts-de-Seine ne peut rester durablement à l'écart du réseau français et européen de grande vitesse ;

- l'interconnexion des TGV ne peut être utilisée, en l'état, par le fret, du fait des différences de gabarit et de règles de sécurité ;

- il est nécessaire de créer une gare d'interconnexion aéroport/réseau ferré à Orly et un pôle multimodal à la Défense ;

- le Gouvernement a demandé que la ligne Charles-de-Gaulle Express soit financée et celle-ci pourrait être ouverte en 2015-2017 ;

- le RER B doit être réservé aux utilisateurs du quotidien plutôt qu'à la desserte de Roissy et s'arrêter à toutes les gares ;

- les TGV ne peuvent aujourd'hui s'arrêter dans les gares franciliennes pour faire du cabotage, du fait d'un nombre trop réduit de quais et de la configuration des gares ; cette question pourrait opportunément être revue dans un schéma directeur de la grande vitesse en Ile-de-France ;

- la SNCF est très défavorable au terminus à La Défense d'une ligne venant de Normandie, la priorité étant au contraire son raccordement au réseau français et européen à grande vitesse.

En conclusion, M. Guillaume Pepy a souhaité insister sur les points suivants :

- il n'existe pas de lutte de compétences entre la SNCF et la RATP ;

- la priorité, s'agissant de la double boucle, réside dans son maillage ;

- la question du fret doit être examinée.

En réponse à MM. Philippe Dallier, Yves Pozzo di Borgo et Charles Revet, qui souhaitaient des précisions complémentaires, M. Guillaume Pepy a indiqué que :

- les lignes existantes de TGV ne sont pas utilisables pour les autres trains de voyageurs et ceux de marchandises mais celles à venir le seront, notamment la liaison normande dont l'utilisation pourra être mixte ;

- il n'existe pas aujourd'hui de réponse unique à la question de la pertinence à long terme du choix d'un métro automatique, au regard notamment de la vitesse ;

- le projet Charles-de-Gaulle Express préexistait à celui de la double boucle et le Gouvernement estime qu'il devrait être réalisé pour offrir une liaison directe entre l'aéroport et la ville.

En réponse à une question de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, M. Guillaume Pepy a indiqué qu'une arrivée de la liaison Charles-de-Gaulle Express en gare Saint-Lazare ou Montparnasse pouvait être une idée séduisante mais serait extrêmement coûteuse.