Mercredi 23 juin 2010

Présidence de M. Bruno Retailleau, président.

Audition de M. Jean-Marie Danjou, délégué général, et de M. Alexandre Galdin, responsable des relations institutionnelles, de l'association française des opérateurs mobiles, de M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR, et de M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom

M. Bruno Retailleau, président. - Merci de venir nous éclairer sur la sécurité des réseaux de communication en temps de crise. Nous avons tous en mémoire l'effondrement des réseaux durant l'ouragan Katrina aux États-Unis en 2005 et leur très grande fragilité lors de la tempête Xynthia. Que pensez-vous du réseau numérique ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) ? En outre, quelles leçons tirez-vous de la tempête de Xynthia et des événements survenus dans le Var pour renforcer la robustesse des réseaux mobiles ? Lors de mon déplacement en Vendée le 28 février et le 1er mars, seul fonctionnait le téléphone cellulaire que pompiers, gendarmes et élus devaient se partager...

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - Merci de nous recevoir. M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission des infrastructures vitales de France Télécom, ainsi que M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR, se chargeront de répondre à vos questions techniques portant sur les aspects opérationnels pour chacun de leurs réseaux.

Pour commencer, rappelons que le réseau mobile est constitué de 50 000 stations de base, qui couvrent chacune une cellule d'environ 1 km, reliées entre elles par des réseaux filaires. Le 27 février, la tempête Xynthia a entraîné la mise hors service de 700 à 1 000 stations de base par opérateur dans quatre zones. Le réseau a été rétabli quatre jours après quand il avait fallu une semaine pour parvenir à ce résultat lors de la tempête Klaus en Gironde, événement climatique de moindre ampleur.

M. Bruno Retailleau, président. - Cette défaillance du réseau s'expliquerait à 80-85% par la rupture de l'alimentation électrique. Vos stations de base ne sont-elles pas équipées de batteries ? En outre, prenez-vous en compte les plans de prévention des risques inondation pour déterminer la hauteur à laquelle est positionnée la batterie sur le mât ?

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - Oui, mais ces batteries ont une autonomie de 2 à 3 heures. Elles sont insuffisantes pour prendre le relais en cas de rupture du réseau électrique, contrairement aux groupes électrogènes dont nous équipons nos sites stratégiques. Quant au positionnement des batteries, celles-ci peuvent se trouver sur la terrasse de l'immeuble ou dans les caves. En fait, tout dépend de la typographie du site et de l'accord passé avec la copropriété, souvent conclu au terme d'une négociation difficile.

M. Alain Anziani, rapporteur. - Les ruptures d'alimentation électrique sont-elles localisées ou générales ?

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - Pour SFR ou Bouygues, la résilience du réseau dépend du bon fonctionnement du réseau électronique et du réseau France Télécom dans la mesure où les données sont transférées via le réseau filaire. Leurs défaillances sont respectivement causes de 75% et de 15% des incidents constatés lors de la tempête Xynthia.

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - D'où l'importance d'une meilleure coordination avec ERDF. Si les opérateurs mobiles savaient quels sont les sites stratégiques du réseau électrique, ceux où ERDF intervient en premier en cas de crise, ils pourraient mieux placer leurs groupes électrogènes et rétablir plus vite le réseau.

M. Bruno Retailleau, président. - Autrement dit, la coordination est mauvaise...

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - Non seulement nos réseaux filaires sont différents, mais nous ne connaissons pas les priorités d'ERDF si bien que nous plaçons parfois des groupes électrogènes là où le courant électrique sera rétabli dans les deux heures...

M. Ronan Kerdraon. - Après les tempêtes Klaus et Xynthia, des tables rondes entre les opérateurs mobiles et ERDF ont-elles été organisées pour remédier à cette situation ?

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - Récemment, a été fondé un groupe de travail sur ORSEC télécom, pilotée par la direction de la sécurité civile du ministère de l'intérieur. En tant qu'opérateurs, nous participons à la commission interministérielle de coordination des réseaux et des services de communications électroniques pour la défense et la sécurité publique, présidée par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité à Bercy.

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - Le problème ne se situe pas seulement dans la relation entre ERDF et les opérateurs, mais aussi dans la relation avec le préfet chargé de la gestion de la crise au niveau local. A la suite de Xynthia, la direction de la sécurité civile a créé un groupe de travail rassemblant tous les opérateurs de réseaux -eau, télécommunications, électricité, hydrocarbures- afin de définir un plan ORSEC réseaux, soit les priorités de rétablissement du réseau. La constitution de ce groupe de travail, qui se réunira pour la deuxième fois à la fin de ce mois, répond à nos attentes. Pour autant, nous en sommes seulement au début de la réflexion.

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Permettez-moi de remettre ces événements en perspective : le réseau mobile a été rétabli en un mois après la tempête de 1999, en une semaine après Klaus et en trois jours après Xynthia dont les conséquences, pour les opérateurs, ne se sont pas limitées à la Vendée et à la Charente-Maritime. Grâce à cette concertation et à une nouvelle approche de l'État en termes des secteurs d'activités d'importance vitale, nous abordons maintenant officiellement les problèmes d'interdépendance après que chacun a établi son plan de sécurité opérateur et son plan particulier de protection sur les points d'importance vitale. Il y a donc de réelles perspectives d'amélioration. Enfin, France Télécom rencontre ERDF tous les mois, comme les autres opérateurs certainement.

M. Bruno Retailleau, président. - Les équipes sont intervenues efficacement après la tempête. Toute la question est de savoir comment prévenir au mieux les difficultés en cas de crise. Comment êtes-vous associés à la gestion de crise ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Le préfet définit les priorités de rétablissement au niveau départemental. Or il ne semble pas toujours savoir hiérarchiser les priorités. Dans le cas de Xynthia, il y a eu une difficulté supplémentaire. Contrairement à ce que prévoit le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), nous avons seulement reçu des alertes locales alors que la tempête touchait l'ensemble du territoire. D'après mes informations, la cellule interministérielle de crise ne s'est pas réunie.

M. Alain Anziani, rapporteur. - Quand vous recevez une alerté météo, comment cela se passe-t-il concrètement ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Si l'événement est national, le COGIC nous alerte. Pour Xynthia, l'alerte se limitait aux zones de défense. Celles-ci étant au nombre de deux, cela a d'ailleurs posé des problèmes d'hélicoptères. En cas d'alerte, nous réquisitionnons des personnes et pré-positionnons des groupes électrogènes dans les zones rouges.

M. Bruno Retailleau, président. - Je reviens à Xynthia : quelle a été l'information déterminante vous concernant : le risque « vent » ou le risque « inondation » ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Le risque « vent », car personne ne nous avait prévenus d'une possibilité de rupture des digues.

M. Bruno Retailleau, président. - Cela aurait-il changé quelque chose ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - La noyade par eau salée est un phénomène très rare. En la matière, nous avons des leçons à tirer de Xynthia.

M. Bruno Retailleau, président. - En tirez-vous d'autres conclusions, par exemple concernant l'installation des stations de base en zone inondable ? Je prends l'exemple du centre de secours de L'Aiguillon-sur-Mer : lorsque les pompiers l'ont rejoint au milieu de la nuit, il était sous l'eau... Imaginez-vous de placer vos éléments actifs en hauteur pour éviter le risque de noyade ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Trouver des points hauts devient de plus en plus difficile... Nous le faisons dans les zones qui se trouvent en aval de barrages importants, mais nous n'avions pas anticipé d'inondation dans ces départements.

M. Alain Anziani, rapporteur. - Comment assurer la sécurité des communications mobiles en cas de crise en mobilisant l'ensemble des réseaux, notamment satellitaires et cellulaires ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Les offres de téléphone satellitaire sont très marginales. La semaine dernière, lors d'une réunion à Vienne, nous avons constaté la grande défiance des personnes chargées des premiers secours envers les opérateurs de télécommunications. Ils sont persuadés que nous sommes incapables de leur fournir un service à la hauteur de leurs besoins.

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - En outre, les secours ont leur propre réseau.

M. Bruno Retailleau, président. - Soit, mais le téléphone portable cellulaire permet de sauver des vies. Avez-vous pris des mesures pour parer aux risques de rupture et de saturation du réseau ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Pour éviter le risque de rupture, oui. En revanche, si nous voulons prévenir la saturation, il faudrait prioriser les appels de premiers secours, soit le 18 et le 15. Ce système a très bien fonctionné au Royaume-Uni pendant la crise de juillet 2007 dernier. En France, jusqu'à présent, nous n'avons pas le droit de mettre en place un tel mécanisme, de casser certains appels pour en laisser passer d'autres.

M. Alain Anziani, rapporteur. - Pourquoi cette interdiction ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Comment savoir quels appels en cours casser ? Une possibilité serait qu'il existe des offres de services de « priorisation ».

M. Ronan Kerdraon. - Au Royaume-Uni, ce dispositif a nécessité une modification législative ? (Assentiment)

M. Bruno Retailleau, président. - Bref, une modification du code des postes et des communications électroniques serait nécessaire.

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - Peut-être faudrait-il travailler sur la notion d'obligation de continuité de service public...

M. Bruno Retailleau, président. - Qu'en est-il de la mutualisation des moyens entre opérateurs en temps de crise.

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Dans ce cas, l'urgence du secours prend le pas sur la concurrence.

M. Bruno Retailleau, président. - Un client Orange, en cas de saturation, peut donc utiliser le réseau SFR, plus disponible ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Dans la plupart des cas, un réseau mobile reste opérationnel car les zones couvertes par les opérateurs se chevauchent.

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - La mutualisation est possible à partir du moment où le client conserve sa carte SIM, indispensable pour le localiser.

M. Bruno Retailleau, président. - Monsieur Danjou, pourriez-vous nous transmettre une note sur les mutualisations possibles ? Que pensez-vous du réseau ANTARES ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - La principale difficulté d'ANTARES ou de TETRAPOL est le sous-équipement des unités de secours. D'où une utilisation des GSM par la sécurité civile.

M. Bruno Retailleau, président. - Ce système serait cher...

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Oui, car il s'en vend 5 000 par an en Europe.

M. Bruno Retailleau, président. - Y a-t-il une spécificité française en la matière ?

M. Pierre-Domiminique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Il existe TETRA en Europe et TETRAPOL en France.

M. Bruno Retailleau, président. - Est-ce une technologie efficace ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Proches des premières technologies mobiles américaines, elle paraît aujourd'hui ancienne.

M. Alain Anziani, rapporteur. - Bref, ANTARES est cher, dépassé et peu utilisé...

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Mieux vaut interroger les personnes qui l'utilisent... Je vous ai simplement fait part des conclusions de la réunion de Vienne.

M. Bruno Retailleau, président. - Dans quel cadre avait lieu cette réunion ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Le groupe SPCE qui regroupe tous les acteurs de la sécurité civile en Europe. J'étais le seul représentant français.

M. Bruno Retailleau, président. - Pourriez-vous nous transmettre les conclusions de ces travaux ? (Assentiment). Quelles sont les alternatives à ANTARES ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Une piste serait de réserver des sous-cellules.

M. Bruno Retailleau, président. - Lors de l'arrêt de la télévision analogique, j'ai écrit au ministère de l'intérieur pour demander s'il ne serait pas possible de réserver cette fréquence à la sécurité civile à l'instar des Japonais.

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Au niveau européen, il est envisagé de libérer la fréquence 430-450 MHz.

M. Bruno Retailleau, président. - Soit la fréquence basse. Pourquoi celle-ci ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - En raison de sa capacité à transporter loin. Avec la norme WiMax, qui permet une couverture plus dense des cellules, il serait possible de couvrir jusqu'à 20 km.

M. Bruno Retailleau, président. - Certes. Mais, avec cette norme, il n'y a plus de réseau en cas d'obstacle, comme un immeuble ou une forêt... Cela reste une piste à creuser... Qui est responsable d'étudier les alternatives à ANTARES en France ?

M. Alain Anziani, rapporteur. - Nos voisins européens ont-ils des systèmes plus efficaces que le nôtre ?

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - La commission interministérielle de coordination des réseaux et des services de communications électroniques pour la défense et la sécurité publique qui rassemble les opérateurs de téléphones mobiles, les opérateurs de téléphones fixes, les fournisseurs de services publics. Des réflexions sont en cours sur la « priorisation » des appels d'urgence.

M. Ronan Kerdraon. - Les Japonais ont un système qui a fait la preuve de son efficacité. Y a-t-il un échange des données au niveau international ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Nous avons un système efficace, appelé le système EPLMP. Regardons de près comment s'y sont pris nos amis britanniques...

M. Bruno Retailleau, président. - J'en reviens à la phase d'alerte. Avez-vous les moyens techniques d'envoyer en masse des SMS pour prévenir les populations ?

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - Oui, techniquement, cela est possible. Nous avons été auditionnés récemment à ce sujet par un cabinet d'étude missionné par le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - Nous en sommes au début de la réflexion au sein de la commission interministérielle.

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Reste que certains opérateurs ont des solutions qu'ils vendent aux collectivités.

M. Bruno Retailleau, président. - Êtes-vous capables de transmettre l'alerte lorsque le téléphone est éteint ?

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Pour atteindre les personnes situées dans la zone rouge, mieux vaut passer par le téléphone fixe, internet, puis le mobile.

M. Bruno Retailleau, président. - Avez-vous des observations complémentaires ?

M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'AFOM. - Pour rétablir au plus vite le réseau, il faudrait améliorer le partage des informations au niveau national, entre autres, avec ERDF et adapter le niveau de pilotage à la nature de la crise, locale ou nationale.

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - Dans le cas de Xynthia, la gestion de crise a été déléguée aux préfets alors que la tempête touchait plusieurs départements. D'où une difficulté à statuer sur les priorités de rétablissement.

M. Alain Anziani, rapporteur. - Je reviens à l'envoi de messages d'alerte aux populations par SMS. La difficulté, avez-vous dit, est de localiser les personnes dans la zone rouge. Mais n'est-il pas possible d'utiliser la géo-localisation ?

M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR. - C'est techniquement faisable...

M. Pierre-Dominique Lansard, directeur de la mission infrastructures vitales de France Télécom. - Sauf si la personne a éteint son téléphone portable, puis s'est déplacée. Pour ma part, j'ajoute que nous aurions aimé avoir accès aux photos confidentielles des zones dévastées par Xynthia.

M. Bruno Retailleau, président. - Merci de votre présence. Beaucoup reste donc à faire pour assurer la sécurité des réseaux. Si vous avez besoin de nous, nous serons là pour vous aider à progresser dans cette voie !

Audition de M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, membre du Bureau de l'Association des maires de France

M. Bruno Retailleau, président, a indiqué en préambule que les membres de la mission avaient souhaité entendre l'Association nationale des élus du littoral (ANEL) en raison de sa parfaite connaissance des problématiques liées au littoral. Il a souligné la nécessité d'assurer dans le même temps la gestion du risque et l'aménagement du littoral.

M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, s'est félicité de cette initiative, précisant que le risque de submersion marine avait trop longtemps été ignoré par les divers débats et travaux consacrés aux risques naturels.

A ses yeux, le traumatisme généré par la tempête Xynthia, ayant suscité une prise de conscience, avait conduit les pouvoirs publics à réagir rapidement et de façon extrême par la détermination de zones noires qui ne prenait pas suffisamment en compte les réalités du terrain.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a précisé que l'ANEL n'avait pris officiellement position sur les « zones noires ». Il a toutefois jugé nécessaire de se donner le temps de la réflexion et de tenir compte des spécificités de chaque site, en principe bien connues par les élus locaux.

Alors que l'ANEL s'était toujours efforcée de mettre en garde les élus contre des projets d'urbanisation situés dans des zones visiblement trop exposées, il lui paraissait à présent déraisonnable de répondre au risque par le simple abandon des surfaces menacées.

M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a indiqué, en particulier, que l'aménagement des zones sensibles devait être considéré en intégrant l'existence d'un réseau de digues restauré et complété, des digues mal entretenues équivalant selon lui à une absence de digue. Il a ajouté que le principe dit « de transparence des digues », consistant à ne pas prendre en compte l'existence de digues dans la définition des zones à risque, n'était pas acceptable. Il a fait valoir que ce principe conduirait les Pays-Bas à devoir renoncer aux deux tiers de leur territoire.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les moyens d'assurer l'exploitation et le développement des territoires littoraux en prenant en compte les risques de submersion marine, M. Yvon Bonnot a préconisé une détermination et une mise en oeuvre réfléchies des plan locaux d'urbanisme (PLU) dans le cadre, bien adapté selon lui, des schémas de cohérence territoriale (SCOT) littoraux.

A M. Alain Anziani, rapporteur, qui l'interrogeait sur la gestion et le financement des digues, M. Yvon Bonnot a indiqué que l'Etat devait financer et pouvait gérer le réseau de digues, rappelant cependant qu'une gestion de proximité s'était souvent avérée plus efficace.

M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a ainsi précisé qu'une partie du territoire de sa commune menacé par la submersion marine avait pu être efficacement protégé par des travaux d'enrochement.

M. Bruno Retailleau, président, ayant regretté que l'Etat donne parfois le sentiment de se désintéresser des zones littorales, notant au passage que les élus de ces territoires n'avaient pas su s'organiser aussi efficacement que les élus des zones de montagne, puis l'ayant interrogé sur les outils de gouvernance appropriés, M. Yvon Bonnot s'est félicité du maintien du Conseil national du littoral, un moment menacé puis rebaptisé Conseil national de la mer et des littoraux.

Il a indiqué que, de par sa composition notamment, cette instance pourrait légitimement devenir une structure de pilotage sur ces questions, en collaboration avec le Secrétariat général de la mer et la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), et qu'il lui manquait simplement les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions : un secrétariat permanent permettrait en particulier de ne pas être tributaire de la bonne volonté de l'Etat, les réunions du conseil, insuffisamment nombreuses depuis sa création, n'ayant permis jusqu'à présent qu'un traitement superficiel des questions à l'ordre du jour.

A M. Ronan Kerdraon qui l'interrogeait sur la mission première d'un conseil du littoral rénové et doté de moyens d'agir, évoquant notamment la loi « littoral », M. Yvon Bonnot a indiqué que selon lui, la loi avait eu le grand mérite d'éviter le pire dans certaines zones et qu'elle devait être précisée pour mieux s'adapter aux réalités du terrain, l'application uniforme de la limite des 100 m lui paraissant inadaptée à la variété des sites. Il a souligné le cas spécifique des hameaux, pris en compte dans une directive communautaire, faisant valoir qu'une commune ayant 10 km de profondeur devrait pouvoir construire sur le littoral au bord d'un hameau.

Souhaitant donner à la mission des exemples de questions susceptibles d'être traitées par le Conseil national de la mer et des littoraux, M. Yvon Bonnot a évoqué la possibilité de mettre sous le coup de la loi « littoral » tous les espaces visibles depuis la mer, ou encore la mise en place de procédures d'articulation entre deux SCOT voisins s'étendant sur les zones de natures différentes.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui soulignait l'utilité d'outils de planification de l'espace, tels que les zones de préemption, M. Yvon Bonnot a jugé nécessaire une réflexion globale associant tous les partenaires. Il s'est dit convaincu que le maire ne peut agir tout seul. Les élus, qui connaissent bien leurs territoires, peuvent parfois ressentir le besoin d'être assisté dans leur réflexion. Ils auraient tout à gagner dans la mise en place d'un Conseil permanent, qui les aiderait à décider, dans l'intérêt général, de l'exploitation et de l'aménagement, ou au contraire de la sanctuarisation, de telle ou telle zone.

Interrogé par M. Ronan Kerdraon sur les procédures d'alerte, M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a considéré qu'en cas de danger, beaucoup restait à faire pour qu'une information compréhensible et exploitable arrive à temps jusqu'aux élus et aux populations placés en première ligne.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur le rôle des plans de prévention des risques d'inondation (PPRI), M. Yvon Bonnot a souligné leur utilité. Il a mis l'accent sur l'insuffisante conscience des risques sur le littoral et sur la nécessité de prendre plus de précaution dans la conception des constructions.

M. Bruno Retailleau, président, ayant conclu sur l'importance de conjuguer la prise en compte des risques, probablement croissants, de submersion marine et la nécessité d'aménager et de mettre en valeur les territoires du littoral, M. Yvon Bonnot, président de l'Association nationale des élus du littoral, a fait observer que les littoraux n'étaient pas tous identiques, certains exigeant plus de précaution. Il a illustré ses dires en citant les exemples du Forum de Trégastel et du centre de thalassothérapie de Douarnenez endommagés par la mer et reconstruits selon des normes plus adaptées à leur environnement.