Mardi 1er mars 2011

- Présidence de M. Serge Lagauche, président -

Audition de MM. Erick Roser, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN), et Thierry Bossard, inspecteur général, chef du service de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission commune d'information entend MM. Erick Roser, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN), et Thierry Bossard, inspecteur général, chef du service de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Thierry Bossard.- Le sujet de vos travaux qui concerne l'évolution du système éducatif, notamment dans sa dimension territoriale, met en avant le nécessaire renforcement de la collaboration entre les pratiques pédagogiques et les pratiques administratives. Dans cette perspective, j'aimerais, à titre liminaire, rappeler l'évolution récente de la répartition des compétences : d'une part, les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) bénéficient de davantage d'autonomie, d'autre part, les échelons déconcentrés, notamment les rectorats, ont de plus de responsabilités.

S'agissant des établissements scolaires, l'accroissement de leur autonomie s'est notamment traduit par l'augmentation de leurs responsabilités pédagogiques : la mise en place de l'accompagnement éducatif, ou de l'aide personnalisée, a été ainsi conduite par les établissements qui ont également une plus grande marge de manoeuvre dans l'organisation des cours. Je rappelle que dans le cadre de la réforme du lycée, dix heures d'enseignement peuvent être réparties librement par les établissements. Les nouvelles marges d'autonomie ne sont pas ainsi seulement centrées sur des actions périphériques mais aussi sur des actions centrales. En matière de gestion, une évolution s'est également produite puisque les établissements sont désormais responsables du recrutement des assistants d'éducation, de la ventilation des heures supplémentaires et, en partie, de l'organisation de la formation des maîtres via les stages d'accueil.

S'agissant de l'échelon académique, on observe une montée en puissance qui témoigne du resserrement du champ d'action de l'administration centrale, essentiellement chargée de répartir les moyens entre les académies. Le recteur a désormais un rôle crucial dans la conduite du système scolaire. La relation recteur-inspecteur d'académie a sensiblement évolué et le rectorat détient dorénavant une place importante dans la formation des personnels enseignant mais aussi des cadres administratifs. En outre, il convient de souligner la responsabilité de l'académie dans le pilotage des ressources, puisqu'elle procède à la définition des dotations horaires attribuées à chaque établissement et développe des outils contractuels grâce à son réseau d'inspecteurs d'académie.

Le rapprochement des préoccupations pédagogiques et de gestion est en cours, comme en témoigne le schéma d'emplois pour l'année scolaire 2010-2011. Toutefois, il s'agit encore d'une phase de transition que souligne la persistance d'une logique de déclinaison nationale. La question est alors de savoir si les rectorats restent de simples lieux d'application locale de schémas nationaux ou si les politiques académiques définissent, par agrégation, un schéma national, comme cela pourrait être le cas en matière de formation des enseignants.

En ce qui concerne l'expérimentation, deux champs doivent être distingués : les expérimentations d'idée conçues au niveau national et les expérimentations résultant d'initiatives locales. Sur ce dernier point, l'accroissement des compétences des académies ne peut être que le corollaire d'une plus grande autonomie des établissements : la revalorisation de l'échelon académique ne peut se justifier que par la nécessité de renforcer l'établissement en tant que tel.

M. Erick Roser.- Dans le prolongement de l'introduction faite par mon collègue, je souhaiterais insister sur l'élargissement de l'espace d'initiative pédagogique. Le caractère contraignant du cadre pédagogique est aujourd'hui moindre. Cette structure éducative qui a été pensée nationalement dans les moindres détails est aujourd'hui sensiblement assouplie. L'affirmation des marges d'autonomie a conduit les corps d'inspection à changer de posture : ils ont désormais moins un rôle de préconisation qu'un rôle de conseil, de régulation et d'accompagnement.

Pour ce qui est des expérimentations dites nationales, il convient de souligner la professionnalisation du ministère dans ce domaine. Prenons l'exemple de l'expérimentation impulsée par le pouvoir central s'agissant de l'enseignement intégré de sciences et de technologie au collège. Afin de promouvoir une certaine transdisciplinarité et d'assurer la cohérence des enseignements, trois disciplines scientifiques sont préparées collectivement par trois enseignants mais seul l'un d'entre eux dispense le cours devant une classe. La mise en place de cette opération a bénéficié de l'expertise de l'inspection générale et de l'Académie des sciences. Elle est évaluée par la direction de l'évaluation et de la prospective. Le rôle de l'inspection générale, notamment eu égard à la question de l'extension ou non de cette expérimentation, réside dans l'appréciation des conditions de réussite du dispositif et de l'opportunité de proposer ce dernier aux enseignants.

Du point de vue de l'établissement, la question de l'expérimentation est moins celle des initiatives que ce dernier prend que les réponses qu'il apporte aux difficultés rencontrées. Or, toutes ces réponses ne correspondent pas nécessairement à des initiatives innovantes. L'enjeu réside ainsi dans la capacité du système à faire connaître aux équipes pédagogiques les outils qu'elles peuvent mettre en place. Techniquement, cet accès à l'information peut se faire via des sites internet institutionnels, mais aussi par des sites personnels, ce qui est préoccupant car leur contenu n'a pas toujours fait l'objet, à nos yeux, d'une réflexion suffisamment poussée.

M. Serge Lagauche, président. - Les besoins ou les manques identifiés au niveau national qui justifient le lancement d'une expérimentation globale ne se retrouvent pas forcément dans tous les établissements. Comment choisit-on ou invite-t-on les établissements à participer à une initiative nationale ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Vous nous avez confirmé que l'autonomie des établissements allait croissante dans le secondaire. Mais qu'en est-il du primaire, où il n'existe pas d'établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) ? Est-ce que le défaut de statut juridique des écoles est un obstacle à l'expérimentation en primaire ? Y a-t-il au niveau des académies et nationalement un recensement complet des expérimentations ? Font-elles l'objet de partenariats avec les collectivités territoriales ? S'agissant spécifiquement des expérimentations relevant de l'initiative propre des établissements, procédez-vous à une évaluation systématique ?

M. Erick Roser. - Certaines des initiatives des établissements sont dès l'origine accompagnées par le rectorat et plus spécifiquement par les MAPIE (Missions académiques pédagogie innovation expérimentation) placées auprès des recteurs depuis le milieu des années 90. Elles sont alors évaluées et analysées pour en identifier les conditions de réussite et d'extension. Elles peuvent concerner une discipline particulière ou être liées à des problématiques éducatives plus larges, comme la lutte contre l'absentéisme. Elles peuvent impliquer les collectivités territoriales partenaires et font l'objet d'une remontée systématique au niveau national. Afin de permettre la reprise des expérimentations réussies dans d'autres établissements, il est procédé à un cadrage méthodologique précis afin d'économiser les errements inévitables de la mise en place empirique initiale. A côté de ces initiatives bien encadrées, il existe tout un ensemble d'initiatives non signalées qu'il appartient au recteur et aux inspecteurs de repérer a posteriori. Cette floraison d'initiatives spontanées témoigne d'une évolution importante du système scolaire où se développe une culture du travail par induction à partir du terrain plutôt que par application d'un schéma national. La mission des corps d'inspection territoriaux pourrait évoluer parallèlement, pour se concentrer sur le repérage des problématiques éducatives auxquelles répondent les expérimentations spontanées et sur la modélisation des réponses construites dans les établissements.

M. Serge Lagauche, président. - Ne constatez-vous pas parfois des effets de mode au profit de certains dispositifs qui n'apparaissent pas nécessairement, à la réflexion, très utiles ou fructueux ?

M. Thierry Bossard. - Je souhaite revenir sur le statut des écoles primaires. Les établissements du secondaire bénéficient de la personnalité juridique et disposent donc de jure de l'autonomie. Il n'appartient pas aux inspections générales de prescrire au législateur le statut qu'il devrait retenir pour les écoles. Cependant, à l'occasion de notre rapport de suivi de la réforme de l'école primaire, nous avions pointé en creux les défauts du non-statut des écoles. Si l'on souhaite donner la personnalité juridique aux écoles, il conviendra de s'interroger sur la taille des établissements. A l'évidence, toutes les écoles ne pourraient pas devenir des établissements publics, notamment en milieu rural.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je peux comprendre que la percolation progressive d'initiatives de terrain permette par capillarité de faire progresser pédagogiquement l'ensemble du système éducatif. Le cadre posé par l'éducation nationale s'est beaucoup assoupli au cours des dernières années, faut-il vraiment aller plus loin ? Selon vous, quels seraient les avantages d'une autonomie accrue ? Comment permettrait-elle de résoudre les problèmes de notre système éducatif, notamment les sorties sans qualification, l'orientation par défaut et par l'échec, les inégalités de destin scolaire encore récemment pointées par le test PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) ?

Mme Maryvonne Blondin. - L'organisation des établissements a évolué. Mais qu'en est-il des programmes ? Ils demeurent nationaux, mais sont-ils désormais bien structurés autour du socle commun de connaissances et de compétences ? Comment s'articulent-ils avec le livret de compétences ? Gardons-nous l'objectif de remplir annuellement les exigences disciplinaires des programmes ou bien commençons-nous à privilégier une approche pluriannuelle transversale et multidisciplinaire ? Les implications sur le métier d'enseignant sont potentiellement très importantes. En outre, comment les inspections générales travaillent-elles avec les chercheurs en sciences de l'éducation ? Enfin, j'aimerais dire qu'il est parfois difficile pour les collectivités territoriales de travailler avec les inspections académiques sur les projets pédagogiques des établissements. Je le regrette.

Mme Françoise Cartron. - Le déroulement de la séquence expérimentation - extension - généralisation se heurte parfois aux moyens disponibles. Nous devons rester conscients que les expérimentations qui réussissent ont souvent bénéficié de moyens supplémentaires importants. L'extension n'en est donc pas toujours possible. Je pense en particulier aux expérimentations « cours le matin, sport l'après-midi » ou aux internats d'excellence. S'agissant de l'autonomie des établissements, comment nous prémunir des effets pervers de la concurrence entre les établissements, chacun essayant de se rendre plus attractif que les autres sur le « marché » ? De plus, l'autonomie pédagogique des équipes n'est pas toujours respectée. Ainsi, il a été décrété nationalement que le soutien scolaire sous une certaine forme était la bonne méthode quel que soit l'endroit, quel que soit le niveau, sans que les équipes locales aient pu développer elles-mêmes leurs propres visions de ce dispositif. Enfin, je souhaitais vous interroger sur l'expérience du Calvados où l'inspecteur d'académie a décidé de pénaliser financièrement les établissements qui pratiquent le redoublement. Que pensez-vous de cette méthode de gestion ?

M. Thierry Bossard. - La question centrale est celle de la compatibilité de l'accroissement de l'autonomie des établissements et du maintien d'une éducation nationale. En d'autres termes, l'autonomie ne va-t-elle pas à l'encontre de l'équité ? Les inspections générales sont garantes du caractère national de l'éducation par les évaluations auxquelles elles procèdent. Nous devons cependant admettre que la diversité des établissements est déjà une réalité malgré la centralisation, l'uniformisation et le maintien de cadres nationaux très forts depuis des décennies. S'il y a bien une histoire de l'école, il faut admettre également une géographie de l'école révélant de fortes disparités. La question est donc de savoir comment maintenir la cohésion nationale. Le meilleur moyen est-il de répéter ad nauseam des préconisations nationales rigides ou de s'appuyer sur les compétences pédagogiques que recèle chaque établissement ? C'est un fait que dans les comparaisons internationales, les systèmes scolaires qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui laissent le plus d'autonomie aux établissements. L'étude récente du cabinet McKinsey sur les systèmes ayant le plus progressé ces dernières années au test PISA révèle que pour passer de résultats faibles à des résultats moyens, la centralisation est efficace, mais que pour passer de résultats moyens ou bons à de très bons résultats, la responsabilisation et l'autonomie des équipes locales sont les bonnes réponses. Il faut mettre les établissements dans les conditions où ils peuvent prendre eux-mêmes les initiatives qui correspondent le mieux aux problèmes qu'ils rencontrent. A cet égard, la réforme en cours du lycée est essentielle. Jusqu'ici, l'autonomie concernait uniquement la périphérie des enseignements, le coeur restant régi par des prescriptions très détaillées et très strictes. Maintenant, c'est sur l'enseignement des disciplines lui-même, sur les modalités pédagogiques, que l'initiative est laissée aux établissements. Dès lors, il ne faut pas s'étonner de toutes les différences entre les établissements. En revanche, il faut surveiller le moment où les différences pourraient se transformer en divergences au sein du système scolaire. La clef reste l'évaluation des performances. Il faut noter que la France est quasiment le seul pays d'Europe où il n'existe pas d'évaluation systématique, rigoureuse, transparente et publique des établissements.

M. Erick Roser.- L'inquiétude est celle d'un système qui divergerait. Or, je crois qu'aujourd'hui nous avons des garde-fous efficaces :

- premièrement, même si l'écriture des programmes a évolué - elle fait davantage place à la progressivité de l'apprentissage -, même si l'on s'est affranchi des prescriptions pédagogiques, les programmes sont assortis de documents annexes qui permettent d'accompagner les choix des enseignants en exposant certaines solutions pédagogiques ;

- deuxièmement, l'acquisition des compétences ne s'opère pas pour chacun de nos élèves au rythme de la présentation du programme. Cette disjonction a justifié, en 2005, la création du livret de compétences qui permet de s'assurer que l'élève maitrise les compétences requises à la fin d'un cycle ;

- troisièmement, les diplômes nationaux sont également un élément important de convergence, qui permet de s'assurer de l'atteinte des objectifs définis nationalement en fin de scolarité.

M. Thierry Bossard.- Comme chacun d'entre vous, nous avons pris connaissance de la décision du recteur du Calvados tendant à lier les moyens des établissements au taux de redoublement des élèves. Je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants de cette affaire ; mais je crois que si l'on souhaite faire évoluer le système et promouvoir les initiatives, il faut se garder de juger a priori.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le problème c'est la sanction...

M. Thierry Bossard.- Encore une fois, il me semble que cette décision devrait être suivie et évaluée avant d'être dénigrée...

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.- L'autonomie, qui a ses nécessités, n'a-t-elle pas aussi des limites ? La taille de l'établissement ou la pertinence de l'offre de formation ne sont-elles pas ainsi des freins à l'autonomie ? S'agissant de l'éducation nationale, l'architecture budgétaire repose sur une unité de compte qui est faiblement lisible, à savoir les heures/emploi ? Ne pourrait-on pas disposer d'une unité de compte monétaire et, par exemple, connaître précisément le budget des établissements scolaires masse salariale incluse ?

M. Thierry Bossard.- S'agissant de l'autonomie des établissements, je souhaite insister sur le fait que, selon l'OCDE, nous sommes un des pays les moins décentralisés en matière scolaire... on est loin de l'atomisation ! Et notre première garantie réside bien dans le maintien de diplômes et de programmes nationaux. En revanche, il serait opportun de modifier nos modalités pédagogiques pour atteindre les objectifs que nous nous fixons. Il est certain que la taille de l'établissement influence le degré d'autonomie qui peut lui être accordé, en particulier dans l'enseignement secondaire.

Vous faires référence à l'euro éducatif dont l'utilisation se justifie notamment par le fait qu'il peut exister une déconnexion entre le plafond d'emplois et le plafond en euros des dépenses de personnel. Je crois, comme vous, qu'une des premières évolutions à concrétiser serait que chaque établissement puisse présenter un budget global, incluant non seulement la masse salariale mais aussi la contribution des collectivités territoriales.

M. Erick Roser.- L'unité de compte en heures est particulièrement opportune car les heures d'enseignement n'ont pas toutes le même coût. A ce titre, cette unité de compte apparait comme la clé de répartition la mieux adaptée au regard du service rendu aux élèves.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.- En France, on regarde d'abord combien coûte le système scolaire ; à l'étranger, ils définissent préalablement le montant de l'investissement avant de le répartir ensuite...ce sont deux logiques différentes...

M. Thierry Bossard.- J'attire votre attention sur un point : le transfert de la masse salariale aux établissements scolaires, par exemple à l'instar de ce qui s'est passé pour les universités, impliquerait une autonomie de gestion particulièrement importante...

Audition de Mme Marion Zalay, directrice générale, et de M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique, direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission commune d'information procède à l'audition de Mme Marion Zalay, directrice générale, et de M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique, direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Serge Lagauche, président. - Nous recevrons dans un premier temps Mme Marion Zalay, directrice générale, et M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique à la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Nous vous avons préalablement fait part de nos préoccupations. Peut-être pourriez-vous nous indiquer votre opinion avant de répondre aux questions du rapporteur ainsi que de mes collègues et moi-même.

Mme Marion Zalay, directrice générale. - Tout d'abord, monsieur le président, je voudrais vous remercier de cette audition qui nous donne l'occasion d'échanger avec vous et de pouvoir faire connaître un enseignement auquel, vous l'imaginez bien, nous sommes particulièrement attachés pour toutes les spécificités qui sont les siennes et son rôle à travers les territoires.

Le champ de préoccupations de cette mission présente un grand intérêt pour nous. En effet, l'ancrage territorial de l'enseignement agricole est l'une de ses marques d'identité fortes. Il n'a évidemment pas le monopole de cette particularité puisque le grand réseau de l'éducation nationale est également présent sur les territoires. Cependant, l'enseignement agricole se caractérise par un attachement particulier à des zones qui ne sont pas forcément couvertes par l'ensemble du réseau éducatif et répond à des enjeux de territoires qui lui sont propres. A cet égard, la valeur territoriale de l'organisation française du réseau éducatif nous tient particulièrement à coeur. Nous souhaitons y répondre de la meilleure manière et cela depuis fort longtemps. Cette priorité qui est la nôtre se dément d'autant moins que M. Bruno Lemaire, ministre chargé de l'agriculture, est désormais également chargé de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Cela redonne une légitimité nouvelle à cet enseignement au sein des politiques territoriales.

L'expérimentation en matière scolaire nous tient également beaucoup à coeur. L'enseignement agricole a toujours su être un laboratoire. La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, promulguée en juillet 2010, a porté haut cette notion d'innovation et d'expérimentation puisque ces deux valences sont étroitement liées. Le droit à l'expérimentation et ses modalités ont été précisés dans le cadre de cette loi, ce qui est une forme de reconnaissance et d'ambition renouvelée de l'enseignement agricole. Celui-ci se caractérise par la taille humaine de ses établissements, son implication dans les territoires, la participation des professionnels à l'enseignement, un fort taux d'internes et un fonctionnement par équipes pédagogiques qui contribuent au caractère opérationnel de cet enseignement.

Nous devons adapter nos formations aux réalités du bassin d'emploi et préparer de manière innovante et créative le savoir que nous avons la responsabilité de transmettre aux jeunes, afin qu'ils soient les mieux armés, non seulement pour leur premier poste, mais également tout au long de leur vie. A ce titre, l'enseignement agricole présente un certain nombre de particularismes, notamment sa constitution en centres proposant à la fois la formation professionnelle, l'apprentissage mais aussi l'accès à des exploitations agricoles et des ateliers technologiques. Tous ces éléments font de l'enseignement agricole un creuset pour l'acquisition de compétences professionnelles à la fois disciplinaires et pratiques.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Vous avez parlé de la spécificité de l'enseignement agricole. Cette spécificité s'illustre notamment par les conseils d'administration des établissements, qui sont présidés non par le proviseur mais par une personnalité extérieure. Pensez-vous que cette mesure pourrait être étendue à d'autres établissements de la voie professionnelle, technologique, voire générale ? Quels sont les avantages de ce système ?

L'enseignement agricole correspond à la même mission que l'éducation nationale au niveau budgétaire. Les crédits sont exprimés sous la forme d'une monnaie qui nous semble un peu compliquée, à savoir la dotation globale horaire (DGH), l'équivalent temps plein (ETP), l'équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT), etc. Pensez-vous que ces éléments forment un ensemble cohérent ? Ne pourrions-nous pas simplifier ce système ?

Les remplacements sont un problème général pour l'éducation nationale. Êtes-vous confrontée aux mêmes problèmes que vos collègues de l'éducation nationale ? Si oui, comment essayez-vous d'y remédier ?

Mme Marion Zalay. - Le fait que les conseils d'administration des établissements agricoles soient présidés par des personnalités extérieures, issues du monde professionnel ou des collectivités locales, constitue une grande richesse. En effet, il n'est pas rare de compter à la présidence des conseils d'administration de nos établissements des responsables professionnels des différents métiers auxquels prépare l'enseignement agricole.

En outre, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a modifié le nom de l'enseignement agricole pour tenter de le rendre plus fidèle à la réalité. L'enseignement agricole est une marque ; chacun le connaît ou parfois au contraire le méconnaît avec certains a priori. C'est pourquoi il était nécessaire d'en modifier le nom afin qu'il corresponde davantage aux nombreux métiers auxquels prépare l'enseignement agricole.

A ce titre, le travail de préparation mené par la haute assemblée par l'intermédiaire de son éminente représentante Mme Françoise Férat, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par le ministre, revêt une importance particulière. L'enseignement agricole est devenu l'enseignement et la formation professionnelle aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, quelques mois avant le redécoupage administratif des différents départements ministériels. Il s'agissait ainsi de réaffirmer clairement que les différentes valences du territoire, qui s'expriment à travers différents métiers essentiels à la vie du territoire, sont appréhendées par l'enseignement agricole.

Cette grande richesse de l'enseignement agricole se trouve à la base de la construction des référentiels de la voie professionnelle. Les professionnels y sont très largement impliqués, dans le cadre d'une comitologie qui obéit à des protocoles formalisés. Il faut trouver l'équilibre entre une forte spécialisation qui répond aux nécessités du premier emploi - qui garantit un fort taux d'insertion professionnelle pour le premier emploi, supérieur à 90 % en moyenne - et la formation continue tout au long de la vie. Certains élèves sont encore en terminale mais ont déjà signé un contrat d'embauche. C'est notamment le cas dans les filières d'agroéquipement. Le taux d'insertion professionnelle se mesure 45 mois après la sortie de l'établissement. Ces performances de l'enseignement agricole sont reconnues communément bien qu'elles varient selon les années et les diplômes. Or le marché du travail est tel que les personnes occupent rarement le même emploi toute leur vie. Par conséquent, la formation continue permet d'approfondir certaines compétences.

Dans le cadre du salon international de l'agriculture, j'ai réuni tous les professionnels qui participent aux commissions nationales professionnelles afin d'échanger sur la manière dont ils effectuent leur travail, y compris en termes d'intendance et de logistique. Il s'agissait de s'assurer qu'ils se sentent suffisamment motivés et impliqués. Les échanges se sont révélés très enrichissants puisque les différentes filières étaient représentées. Il en résulte un engagement commun quant à la valeur de la formation professionnelle face aux enjeux de l'emploi des jeunes aujourd'hui.

En revanche, en ce qui concerne la voie générale ou technologique de l'enseignement, les professionnels ne participent pas en tant que tels à la formation des référentiels mais ce sont toujours des professionnels ou des élus qui président aux conseils d'administration. La participation des professionnels assure un regard opérationnel et pragmatique sur un certain nombre de sujets et une implication dans le territoire, à la différence des fonctionnaires qui, par définition, sont soumis à une mobilité plus forte. Cette caractéristique constitue l'une des différences et, ainsi, l'une des richesses de l'enseignement agricole. Toutefois je me garderais bien d'en tirer des conclusions pour déterminer le dispositif applicable à l'ensemble du système éducatif français. En effet, je ne peux juger le système que par ma propre expérience. En outre, je ne pense pas être la mieux placée pour examiner en tout point les avantages et inconvénients d'un tel dispositif.

Vous m'avez posé une question sur l'unité de compte. Étant en fonction depuis un an et demi, j'ai moi-même mis beaucoup de temps à appréhender cette unité de compte qu'est la DGH. Cette unité complexe recouvre des champs différents. C'est un mode d'évaluation et de transcription. Cependant, à la base, nos budgets opérationnels de programmes (BOP) sont construits en masses financières pour le hors titre 2 et en ETP pour ce qui relève du titre 2. Ces éléments se transcrivent de manière opérationnelle en DGH. Je ne sais pas si ce moyen d'évaluation est suffisamment fin et précis. Il convient de noter que les DGH doivent être raccrochées aux fondamentaux d'une loi de finances. Toutefois les DGH sont particulièrement adaptées au pilotage du temps de service des enseignants ainsi qu'à la gestion des établissements. Je ne suis pas sûre qu'une unité de compte différente soit adéquate.

M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique. - Cet outil technique peut parfaitement être amélioré et remplacé. Il s'agit d'une unité de conversion entre les programmes et les moyens humains et les crédits. Il permet d'évaluer de manière simple à un moment donné les besoins en heures d'un diplôme et la manière de traduire ces besoins en moyens humains qui s'expriment ou non en ETP. Les DGH constituent ainsi un outil de prévision. Il convient de noter que les DGH ne sont parfois pas complètement utilisées pour couvrir l'ensemble des besoins. Par exemple, les « autres missions » peuvent être traitées hors DGH. Cependant, les DGH présentent l'avantage de fournir un langage commun aux autorités académiques ainsi qu'aux établissements et aux enseignants.

Mme Marion Zalay. - Les DGH constituent un point de raccord entre d'une part, les masses fondamentales qui sont celles du programme et des BOP et, d'autre part, leur transcription dans la gestion des temps de cours.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Pour le citoyen et le partenaire du système éducatif, il faut tout de même avouer que les DGH sont difficiles à intégrer. Il serait préférable de simplifier le dispositif pour y instaurer une plus grande lisibilité.

Mme Marion Zalay. - Concernant les remplacements, la gestion est déconcentrée. Chaque direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAF) reçoit sur son BOP des moyens de remplacement en crédits et en ETPT. Les chefs d'établissement formulent auprès des DRAF une demande de remplacement et recherchent parallèlement le candidat pour assurer ce remplacement. L'éducation nationale utilise un système légèrement différent. Les établissements de l'enseignement agricole ne disposent pas d'un pool de titulaires. Ce système est plus souple mais il n'est pas toujours évident de trouver le professeur adéquat. L'enseignement agricole essaie de se montrer réactif par rapport aux besoins de l'emploi.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Du proviseur ou du DRAF, qui pourvoit au remplacement ?

M. Jean-Pascal Fayolle. - Le proviseur trouve le candidat et le DRAF signe le contrat. Les professeurs remplaçants ont un statut d'agents contractuels régionaux. L'établissement peut également s'adresser à Pôle emploi.

Mme Françoise Férat. - L'enseignement agricole a vécu un moment fort : les assises de la scène agricole. Compte tenu de la mission qui est la nôtre, pouvez-vous en deux ou trois points mettre en avant tel ou tel dispositif qui pouvant contribuer à notre réflexion ?

La loi de modernisation a conforté l'innovation. Vous avez parlé de laboratoire. A ce titre, nous connaissons la force de réactivité de l'enseignement agricole. Je voudrais vous questionner sur l'expérimentation. Pouvez-vous nous donner quelques exemples d'initiatives locales ou nationales ? Comment ont-elles été mises en oeuvre ? Je tiens beaucoup à l'évaluation ; or nous n'évaluons pas toujours les initiatives. Dès lors, nous ne retenons pas toujours les plus intéressantes. Compte tenu de l'organisation particulière de l'enseignement agricole, avez-vous rencontré des difficultés particulières pour mettre en place ces initiatives ? Si oui, lesquelles ?

Mme Marion Zalay. - Les assises ont été lancées par le ministre M. Bruno Le Maire, dès la rentrée 2009. Elles ont occupé tout l'automne, avec quatre ateliers qui ont réuni les acteurs de l'enseignement agricole (enseignants, professionnels), des parlementaires, les familles, les élèves et les services de l'État nationaux ou déconcentrés. L'objectif du ministre était d'établir les points cardinaux d'une nouvelle feuille de route pour l'enseignement agricole qui avait été perturbé par un certain nombre de mouvements, notamment dans le secteur public, pendant l'année scolaire 2008-2009. Ces ateliers ont été suivis d'un travail sur le terrain. Un certain nombre de déplacements en régions ont ainsi permis aux membres de ces ateliers d'échanger avec les établissements, le personnel, les élèves et les élus. Cela a permis de dégager 60 mesures qui ont contribué à articuler un pacte renouvelé pour l'enseignement agricole public. Trois priorités donc été clairement affirmées :

- replacer les défis de l'agriculture et de l'agro-alimentaire au coeur des formations de l'enseignement agricole pour réaffirmer l'enseignement agricole comme un point d'ancrage, d'anticipation et d'accompagnement des réformes de l'agriculture française et de l'agro-alimentaire. M. Bruno Le Maire a voulu replacer clairement l'enseignement agricole au coeur de ces évolutions ;

- réaffirmer la valeur territoriale de l'enseignement agricole. Cette priorité est portée par différentes mesures, telle que la construction de projets régionaux pluriannuels de l'enseignement agricole. Il s'agit redonner toute sa valeur à la discussion territoriale, par l'intermédiaire d'un dialogue de gestion formalisé et harmonisé entre la DRAF, l'autorité académique et l'établissement ;

- renforcer les liens entre l'enseignement agricole, l'enseignement technique, l'enseignement supérieur ainsi que la recherche agronomique et environnementale. D'une part, il fallait mieux asseoir l'enseignement agricole technique avec l'appui de la recherche et de l'enseignement supérieur, pour valoriser la recherche et la formation en favorisant les échanges entre les élèves, les étudiants et les chercheurs ; d'autre part, il convenait de prendre un certain nombre de mesures dans le cadre de pôles thématiques de compétences regroupant l'enseignement supérieur, la recherche et, désormais, l'enseignement technique. Des mesures très opérationnelles sont venues en appui de cette démarche, parmi lesquelles l'introduction de l'évaluation des initiatives dans les indicateurs permettant d'allouer les dotations aux établissements d'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur et la recherche, tout en s'inscrivant dans le cadre d'une politique nationale très claire, sont très proches du territoire. Il s'agit ainsi de porter haut les ambitions de l'enseignement technique pour le rattacher aux dynamiques nouvelles de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les 60 mesures qui ont été décidées viennent donc en appui de ces trois axes prioritaires.

L'expérimentation est au coeur de ces logiques. En effet, l'expérimentation, comme l'a confirmé Mme Françoise Férat, a contribué historiquement à reconnaître à l'enseignement agricole une vraie valeur de laboratoire. Cette dynamique nécessitait sans doute d'être relancée. C'est pourquoi la notion d'innovation, laquelle recouvre les innovations agricoles, agro-alimentaires et pédagogiques, a fait son entrée dans les missions de l'enseignement agricole telles que mentionnées par le code rural. De même, le droit à l'expérimentation a été formellement intégré au bénéfice de l'enseignement agricole dans le code rural, grâce à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Or, proclamer un droit à l'expérimentation ne suffit pas. Il convient de l'organiser. En ce sens, un comité d'évaluation de l'innovation et de l'expérimentation a été créé. Ce comité intègre l'inspection et un certain nombre de personnalités extérieures, pour la plupart membres de l'éducation nationale. Cette assise permettra au droit à l'expérimentation de prendre son essor au niveau régional. Nous mettons en place ce comité et avons organisé plusieurs colloques avec les directeurs des établissements pour recueillir auprès de représentants de l'éducation nationale les témoignages de ceux qui avaient mis en place des expérimentations ayant trait au rythme scolaire par exemple. Il appartient aux directeurs et à leurs partenaires extérieurs de construire ces projets. La DRAF les validera et octroiera les moyens nécessaires à leur réalisation. Ces projets feront ensuite l'objet d'une évaluation.

Par ailleurs, l'expérimentation s'effectue au quotidien sur des sujets divers, notamment dans le cadre des réformes éducatives. Par exemple, dans l'enseignement professionnel, 10 % des heures ont été laissées à l'initiative des établissements. En outre, nous avons souhaité pouvoir organiser une réflexion avec les équipes pédagogiques. C'est pourquoi la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a instauré un conseil de l'éducation et de la formation, qui diffère un peu de celui qui prévaut dans l'éducation nationale puisqu'il est commun à l'ensemble des centres constitutifs d'un établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA). Cela permet d'analyser les différentes expériences à la fois scolaires, d'apprentissage et de formation continue. Nous avons ainsi signé des conventions avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le réseau des instituts des filières animales et végétales (ACTA - association de coordination technique agricole) pour jumeler les exploitations des lycées agricoles avec des centres INRA et/ou des centres ACTA. Il s'agit de faire des lycées des lieux de démonstration et de diffusion au bénéfice des élèves et, par extension, de l'environnement professionnel des territoires.

M. Yannick Bodin. - J'ai noté avec intérêt vos réflexions sur l'organisation et la structure de fonctionnement et de direction des établissements agricoles de l'enseignement public, en particulier en ce qui concerne la présidence du conseil d'administration. Je peux d'ailleurs témoigner de conversations des proviseurs de lycées agricoles et des proviseurs de lycées de l'éducation nationale sur les avantages de présider soi-même ou de ne pas présider les conseils d'administration. La conclusion de ces échanges se trouve en suspens depuis de nombreuses années.

L'enseignement agricole présente un intérêt par rapport à l'enseignement technique en général : toutes les formations sont regroupées « sous un même toit ».

Mme Marion Zalay. - Elles sont regroupées dans une même entité mais pas nécessairement sur le même site.

M. Yannick Bodin. - C'est une manière de résumer mon propos. Par ailleurs, dans les relations profession/entreprise et formation, il convient de noter que ce n'est pas la profession qui passe commande du type d'intervenant qu'elle souhaiterait voir enseigner. J'ai cru comprendre que vos élèves ont envie d'apporter quelque chose de nouveau au monde agricole. Cette interaction est intéressante. Comment s'investissent les professeurs ? Quelle est votre politique de formation continue des personnels enseignants ?

Vous avez plusieurs fois fait référence aux rencontres avec l'éducation nationale. Existe-t-il une organisation officielle entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement agricole destinée à réfléchir aux grandes thématiques actuelles de l'enseignement technique et professionnel en France ? Au niveau régional, une telle structuration existe, par l'intermédiaire du recteur de l'éducation nationale et du directeur régional de l'agriculture. Quel est votre degré d'implication dans les relations de l'enseignement agricole avec l'éducation nationale ? Nous avons l'impression d'un fort cloisonnement entre les deux types d'enseignement. Cette situation est regrettable.

Mme Françoise Cartron. - Pour reprendre vos propos en introduction, la spécificité de l'enseignement agricole tient à son ancrage territorial et à la taille humaine des établissements. Quelle est votre définition de cette taille humaine ? Jusqu'à quel niveau maintenez-vous des établissements ? Comment conjuguez-vous l'exigence d'un ancrage territorial et les contraintes budgétaires ayant trait à la rentabilité des établissements ? Privilégie-t-on réellement la taille humaine et l'ancrage territorial, qui sont source de dynamisme pour le territoire et de réussite pour les élèves ?

Mme Fabienne Keller. - A six jours de la Journée de la femme, je souhaiterais vous féliciter pour votre poste de directrice générale.

Mme Marion Zalay. - Une femme n'avait encore jamais été directrice générale de l'enseignement et de la recherche. Je vous remercie.

Mme Fabienne Keller. - Nos félicitations sont donc redoublées !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Nous nous joignons à ces félicitations.

Mme Fabienne Keller. - Je crois savoir que vos établissements scolaires regroupent 2 000 collégiens. Pouvez-vous nous exposer rapidement la pédagogie et les méthodes adoptées ? Il semblerait que vous cibliez en particulier les collégiens en difficulté. Quels sont les leviers de la remotivation des élèves ?

En outre, parmi les facteurs de réussite, vous avez souligné la taille humaine des établissements et leur dimension territoriale. Je voudrais en savoir davantage sur le fonctionnement des équipes pédagogiques : en quoi est-il original ?

Enfin, vous avez indiqué que 10 % des heures sont laissées à l'initiative des établissements. Pouvez-vous nous le confirmer et nous indiquer comment vous répartissez ces heures entre les professeurs ?

Mme Maryvonne Blondin. - Je rejoins un peu les propos de Fabienne Keller. Vous avez évoqué le très fort taux d'insertion professionnelle. Les élèves sont-ils orientés vers les établissements de l'enseignement agricole par choix ou par défaut ?

Néanmoins, vous devez avoir des élèves en difficulté. Comment les gérez-vous et les remotivez-vous ?

Enfin, pouvez-vous nous parler davantage de la formation et de la spécificité des professeurs, ainsi que de leur travail en équipe ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je souhaiterais que vous nous exposiez plus précisément l'articulation entre le déploiement de la territorialité, dont nous avons montré les atouts, l'égalité de traitement ainsi que la carte de formation. Nous savons que le budget est restreint ; des classes ferment et certains établissements sont regroupés. Comment voyez-vous l'avenir du déploiement de cette territorialité, tout en préservant pour l'élève la possibilité de choisir entre l'accès au bassin d'emploi territorial et la mobilité ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Je souhaiterais vous poser une question complémentaire concernant la taille critique des établissements. En dessous d'un certain seuil, les frais de structure s'avèrent rédhibitoires. Pourrions-nous mettre en place des mutualisations entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale, en termes de moyens matériels, voire humains ? Ce dispositif existe-t-il déjà ?

Mme Fabienne Keller. - Nous réclamons cette mutualisation depuis quelques années.

Mme Marion Zalay. - Il convient d'insister sur la nécessité de la formation continue des enseignants. En effet, lors des assises, j'ai été très marquée par le témoignage des jeunes agriculteurs récemment installés. Ils étaient sortis de l'école depuis moins d'un an. Or, ils n'ont pas été préparés suffisamment à l'ensemble des tâches administratives requises par une exploitation. Il faut assurer la « sécularisation » des enseignants de manière à ce que leurs compétences s'accordent à la réalité économique des entreprises dans lesquelles leurs élèves ont vocation à travailler. Dans le cadre des assises, nous avons décidé d'encourager fortement la formation continue des enseignants en entreprise auprès d'un certain nombre de familles professionnelles. Nous avons également décidé de bâtir des éléments de formation continue pour les enseignants avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Je suis extrêmement attachée à ce que nos élèves sachent remplir les formulaires administratifs tels que la déclaration de vendanges. Il faut que les enseignants maintiennent ces compétences. L'anticipation des besoins de la vie économique des territoires revêt une grande importance.

Concernant nos modalités de travail avec l'éducation nationale, nos relations varient selon les époques. Notre époque est au partenariat et à la confiance. J'ai moi-même des relations très régulières avec mon homologue de l'éducation nationale. En effet, nous avons mis en place un système pour discuter des grands enjeux et des orientations stratégiques. Il existe beaucoup de témoignages de notre travail en commun, tels que les internats d'excellence. Nous avons labellisé récemment un internat d'excellence rural. L'éducation nationale nous a beaucoup soutenus dans ce projet. Nous travaillons également en partenariat sur les réformes des diplômes, comme les formations sur les services en milieu rural et les services à la personne. Un nouveau bac professionnel sera créé en 2011. Nous allons travailler ensemble pour assurer la passerelle pour les certifications intermédiaires, notamment en brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) pour laisser le choix aux élèves.

Par ailleurs, une question importante est celle de la taille humaine. Ce n'est pas qu'un seuil. Elle s'exprime dans un environnement naturel, donc en général agréable. Les établissements agricoles se caractérisent par un fort taux d'internes, de l'ordre de 58 à 100 %. La réinsertion sociale et scolaire figure parmi les missions de l'enseignement agricole. Ce sont ceux qui la réalisent qui en parlent le mieux. Cette réinsertion est possible grâce à la situation des établissements dans un milieu vivant et à la formation à des métiers ayant un très fort trait d'union avec les matières du vivant (gestion de l'eau et du territoire). A cet égard, il faut savoir replacer les élèves en contact avec la nature qui est un facteur de réapprentissage lorsque ceux-ci se trouvent en décrochage. Par des gestes extrêmement simples, les professeurs réapprennent des valeurs à leurs élèves. La taille humaine n'est pas qu'une question numérique, même si elle s'apprécie en terme numérique.

Aujourd'hui, notre logique est celle du « bottom up », à savoir la priorité au terrain. Les mesures doivent être réfléchies avant d'être institutionnalisées. Chacun connaît la situation des finances publiques. La ligne de force principale de l'enseignement agricole est celle du réseau. Un établissement doit toujours être doté de centres constitutifs mais ceux-ci doivent être mis en réseau. De même, au niveau régional, les pôles de compétences doivent bâtir des thématiques plus lisibles pour les familles. Il ne s'agit pas nécessairement d'encourager la fusion en un seul établissement. Il n'existe pas de caractère linéaire entre la santé financière d'un établissement et le nombre de ses élèves ou de ses classes. Toutefois certains effets de seuil rendent la gestion des établissements difficile.

Pour répondre à votre question sur la mutualisation des moyens, nous avons commandé un rapport sur la simplification de la gestion administrative des établissements de l'enseignement agricole. Dans ce cadre, nous avons demandé aux inspecteurs d'approfondir un certain nombre de points sur les mutualisations administratives. En effet, il faut réaliser des synergies et assurer des complémentarités avec l'éducation nationale sur les offres de formation et la manière dont nous les mettons en place. Il est de plus en plus fréquent que nous procédions à un échange de services sur des options en langues. Nous sommes très attentifs à ce qu'un élève bénéficie d'un cursus dans une proximité de lieu et de site, au moins au niveau régional. Dans le cas contraire, il faut prendre le relais avec d'autres voies de formation telles que l'apprentissage. C'est pourquoi des voies de mutualisation se mettent en place au sein de l'enseignement agricole ou avec d'autres filières.

Il convient d'actionner tous les leviers de mutualisation et de mise en réseau pour que le maillage territorial conserve sa richesse, dans le respect de l'efficacité que chacun est en droit d'attendre du système éducatif. De ce point de vue, nous avons pris un certain nombre d'initiatives, notamment en matière de centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA).

M. Jean-Pascal Fayolle. - S'agissant des collèges, dans le cadre des cursus de 4e et 3e, de nombreux stages sont prévus. Le contact avec le milieu naturel redonne aux élèves un peu goût à l'école. Ils sont souvent internes et bénéficient ainsi d'un accompagnement aux devoirs le soir. En outre, les enseignants des collèges de l'enseignement agricole sont les mêmes qu'au lycée. Dès lors, les jeunes se situent davantage dans un lycée que dans un collège et peuvent se projeter rapidement dans une poursuite d'études. C'est pourquoi les élèves ne décrochent pas. Les enseignants sont eux-mêmes plus motivés par le fait qu'ils enseignent déjà au lycée. La réussite de ces élèves ne serait peut-être pas possible si les classes étaient plus nombreuses.

Mme Marion Zalay. - Le fait de doter les établissements agricoles d'enseignants en éducation socioculturelle constitue une énorme richesse. En effet, cela permet d'ouvrir les élèves à la culture et l'établissement contribue à l'animation du territoire.

M. Serge Lagauche, président. - Je vous remercie.

Audition de MM. Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, et Laurent Cros, délégué général de l'association « Agir pour l'école »

M. Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne. - Je vous remercie de la confiance que vous nous témoignez en nous demandant de venir présenter le fruit de nos réflexions. Nous avons essayé de nous concentrer sur l'organisation territoriale et l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation.

Je souhaite rappeler quelques éléments « macro » qui caractérisent notre système éducatif et plus particulièrement l'école primaire. Ces faits, malheureusement connus, ont été rappelés au mois de décembre dernier.

Le niveau de difficultés consolidé est inquiétant à l'échelle d'une génération puisque 40 % des élèves disposent d'acquis fragiles ou très fragiles à la sortie du CM2. Nous constatons que l'école primaire ne parvient pas à réduire les difficultés rencontrées au CP. Dès lors, sur les 40 % d'élèves en grande difficulté à l'entrée en classe de sixième, 20 % ne maîtrisent pas la lecture.

Le classement PISA (« Programme for International Student Assessment ») 2009 est venu souligner ces difficultés assez spécifiques à la France et soulever des évolutions que nous considérons comme inquiétantes. Je les résumerai en deux points. Premièrement, le niveau des élèves les plus faibles continue de baisser puisqu'il s'est réduit d'un tiers en l'espace d'une décennie : nous sommes passés de 15 à 20 points de grandes difficultés dans notre pays. Deuxièmement, notre système éducatif est toujours aussi prédictif puisque notre pays est l'un de ceux où les résultats enregistrés en primaire sont les plus corrélés à la situation sociale des élèves et de leur famille.

Cependant, nous pouvons nous réjouir de l'augmentation de la part des excellents élèves entre 2000 et 2009. Néanmoins, la part des élèves en grande difficulté à 15 ans n'a cessé d'augmenter. Les conséquences de ce décrochage sont connues. Le taux de sortie sans qualification s'avère anormalement élevé pour un pays développé qui figure au cinquième rang des pays les plus riches du monde. De même, le taux de chômage des non diplômés est beaucoup plus élevé que pour ceux qui ont obtenu un diplôme. Les coûts sociaux afférents sont conséquents, en termes d'allocations chômage, de minima sociaux, mais aussi de correction de la délinquance et de l'illettrisme.

Nous considérons que l'éducation actuelle n'est pas suffisante pour une grande puissance comme la France. Il suffit de sortir du seul cadre hexagonal pour constater que certains pays ont réussi à assurer une remontée spectaculaire de leurs résultats. Par exemple, les États-Unis nous ont dépassés en lecture dans le classement PISA 2009. Plus près de nous, l'Allemagne et les Pays-Bas, mais aussi le Japon, la Corée du Sud et la Chine - dont les résultats sont excellents en mathématiques - ont ainsi réussi à inverser la tendance.

Pour conclure, les caractéristiques principales du système d'enseignement français sont les suivantes :

- des moyens financiers et humains supérieurs à la plupart des pays de l'OCDE ;

- des résultats systématiquement inférieurs à la moyenne de l'OCDE ;

- des résultats en baisse ;

- des difficultés scolaires anormalement élevées (15 % des élèves à la sortie du primaire) ;

- un système inégalitaire ;

- un fort taux de sortie sans qualification, ce qui pénalise notre pays dans l'économie de la connaissance ;

- des coûts sociaux-économiques conséquents liés à l'illettrisme.

Dès lors qu'un certain nombre de stratégies ont été tentées, nous avons le sentiment qu'il faut changer de stratégie de réformes. Nous devons accepter le regard des classements internationaux tels que PISA et PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire). Il faut désormais réfléchir à la manière dont les politiques publiques peuvent nous permettre de rejoindre le peloton de tête dans un délai le plus court possible. En effet, dans un pays où chaque année 160 000 jeunes sortent du système éducatif sans diplôme, nous ne pouvons pas nous permettre de faire attendre dix ans nos concitoyens pour améliorer les performances du système.

Nous pensons que la mesure répétée des performances permettra aux acteurs de prendre conscience des carences du système et des progrès qui restent à fournir. Nous ne devons pas nous contenter de 60 % de lecteurs à la fin du CP, mais assurer le passage de 60 à 95 %, sachant que les performances doivent être similaires en mathématiques, matière qui a le plus souffert entre 2003 et 2009 dans le classement PISA.

Comment innover dans les programmes pédagogiques ? Comment être innovant dans la généralisation de l'évaluation du niveau des élèves ou dans la généralisation par étapes des programmes les plus porteurs ? Nous entrons là dans la dimension territoriale.

M. Laurent Cros, délégué général de l'association « Agir pour l'école ». - Je représente l'association loi de 1901 « Agir pour l'école », créée à la suite des travaux de l'Institut Montaigne sur l'éducation, dont les conclusions ont été rappelées à l'instant par son directeur.

Nous voulons détecter les bons leviers de changement du système éducatif français grâce à une expérimentation locale bien évaluée. Il s'agit de diffuser les bonnes pratiques d'enseignement et, en particulier, soutenir la recherche en psychologie cognitive et en économie de l'éducation. Tout ceci n'est possible qu'en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale. Nous avons donc commencé à tisser des liens avec la direction générale de l'enseignement scolaire, que vous receviez tout à l'heure. Notre travail consiste à répondre à la question suivante : quelle(s) réforme(s) permettraient de diviser par deux la grande difficulté scolaire en CM2 ? Rappelons que la difficulté scolaire est acquise très tôt.

L'expérimentation en matière d'éducation est une matière relativement récente puisqu'elle date d'une vingtaine d'années. Elle s'inspire toutefois d'une matière plus ancienne qui est l'expérimentation médicale. La méthodologie est similaire :

- il s'agit de constituer deux groupes d'élèves identiques au départ (par tirage au sort) ;

- nous modifions une dimension, par exemple la taille des classes ou la pédagogie, dans le groupe d'intervention. Dans l'autre groupe, nous ne modifions rien ; c'est le groupe témoin ;

- nous comparons les résultats des élèves à la fin de l'expérimentation, au bout d'un à trois ans.

Nous mesurons l'ampleur de l'effet. Si nous rapportons l'ampleur de cet effet à ce que l'on attend d'une grande réforme nationale de l'éducation, nous pouvons évaluer si cette réforme est à la hauteur des enjeux. Il convient de noter que le passage à grande échelle risque de diminuer l'effet, donc nous devons nous attacher à des réformes qui, dans le cadre de l'expérimentation, donnaient lieu à des résultats supérieurs à ceux dont nous avons besoin dans des réformes à grande échelle. L'évaluation des projets porte sur une vingtaine de classes. Une fois l'expérimentation déployée sur une centaine de classes, nous pouvons la généraliser progressivement sur la base des résultats obtenus et des moyens définis au cours de l'expérimentation.

Le programme « Parler bambin » de Michel Zorman, pratiqué dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP) de l'académie de Grenoble sur la fin de maternelle et le début de primaire dans huit classes entre 2005 et 2008, a permis de réduire l'échec scolaire par deux par rapport aux classes témoins. La proportion d'élèves en grandes difficultés scolaires était extrêmement élevée ; elle a été réduite de 25 à 12 %. Quant aux élèves forts, leur nombre a doublé en volume dans l'échantillon. Les élèves avaient rattrapé la moyenne nationale, fait rare pour des élèves de ZEP. Certains ont trouvé ces résultats miraculeux : or, ils sont fondés sur vingt ans de recherches en psychologie cognitive. Le Docteur Michel Zorman s'est inspiré fortement de la plus grande synthèse de la recherche mondiale sur les compétences clés à développer chez l'enfant pour le mettre dans de meilleures conditions d'apprentissage. Cette recherche avait été menée par le National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) à la demande du Congrès américain et faisait la synthèse de plus de 100 000 recherches sur les politiques de lutte contre l'illettrisme.

Nous pouvons beaucoup apprendre de ces recherches anglo-saxonnes car le passage de l'oral à l'écrit en français au CP est très proche de l'anglais. Le programme « Parler » montre que les recherches donnent toujours les mêmes résultats sur :

- les compétences à travailler de façon prioritaire : la phonologie, le code alphabétique et la compréhension des textes ;

- la façon de travailler la plus performante : une approche structurée et le travail en petits groupes de niveaux homogènes.

Il faut intervenir le plus tôt possible. L'important est de bien réussir son CP et son CE1. Il faut donc axer le travail sur la prévention et non sur le remède. Une recherche américaine a montré qu'avec le même protocole, il fallait trois fois plus de moyens en CM2 qu'en CE1 pour parvenir aux mêmes résultats, ce qui est inaccessible à grande échelle. En France, il faut donc intervenir dès la maternelle ou le CP, voire la crèche.

Une autre recherche française a montré que les niveaux de langage pouvaient fortement évoluer grâce à une action intensive sur le langage dès l'âge de 2 ans.

Cependant une expérimentation plus ancienne est allée dans le sens contraire. Il s'agit du projet ECLEC (Action en éCriture LECture), développé en 1989 par un chercheur renommé, J. Fijalkow dans l'Aude et la Haute-Garonne. Ce projet centré sur la lecture et l'écriture reposait sur une approche hybride :

- de petits groupes d'élèves hétérogènes. Les enfants étaient regroupés en fonction de leur capacité à travailler ensemble ;

- une pédagogie fondée sur l'accompagnement plutôt que sur l'enseignement.

Ce programme a été expérimenté sur 48 classes de CP, dont 19 classes d'intervention et 29 classes témoins. Or ce dispositif, qui avait remporté une large adhésion auprès des enseignants, n'a eu que peu d'impact en dictée et en compréhension écrite. Bien qu'il n'ait pas donné de résultats probants sur les dimensions centrales de la recherche, il a montré des résultats intéressants en matière de production écrite, sur laquelle la recherche se focalise peu. Par ailleurs, ce programme a mis en évidence un résultat intéressant : les enseignants, comme les parents, ont des difficultés à évaluer le niveau des élèves. En effet, la corrélation entre l'avis des acteurs et la réalité est faible. Il est difficile d'évaluer le niveau des élèves. C'est pourquoi il faut doter les enseignants d'outils d'évaluation fidèles au niveau des élèves.

M. Serge Lagauche, président. - Merci. Il est intéressant de constater qu'une expérimentation a priori bien inspirée peut ne pas se révéler concluante. Les jugements quant aux bons ou aux mauvais résultats des expérimentations ne sont peut-être pas suffisamment cadrés. Nous étudierons ce point grâce à l'audition suivante.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Merci pour cette présentation très claire.

Vous avez dit qu'un certain nombre de pays avaient réussi à inverser la tendance. Comment y sont-ils arrivés ?

L'organisation actuelle du système éducatif vous paraît-elle optimale ? Peut-on envisager des mesures contractuelles avec les acteurs locaux, qu'il s'agisse des collectivités locales ou des autres partenaires du système éducatif ?

Nous avons beaucoup parlé d'expérimentation et d'autonomie. Elles ne posent pas de problème au niveau du secondaire. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de régler le vide juridique du primaire pour réaliser plus d'expérimentations dans le cadre d'une autonomie plus grande des établissements ?

M. Laurent Cros. - Le récent rapport McKinsey montre qu'un certain nombre de régions mondiales ont progressé. Néanmoins il convient de se méfier des raisons avancées, plus souvent issues d'entretiens que des faits. La Floride a énormément progressé en 2005 car elle a vu le niveau de ses populations minoritaires, notamment hispanophones, progresser bien plus rapidement que le niveau national. Leur niveau a ainsi rattrapé celui des populations blanches. Ce progrès a été fondé sur des leviers semblables à ceux de la recherche de Michel Zorman et la méta-étude américaine. En effet, il s'agissait de mettre à la disposition des enseignants les meilleures pédagogies (méthode structurée) et d'évaluer sans relâche les enseignants et les écoles avec des niveaux à atteindre. Ce programme mis en oeuvre sur dix ans a permis d'obtenir des résultats exceptionnels.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Qu'entendez-vous par « méthode structurée » ?

M. Laurent Bigorgne. - Une méthode structurée est une méthode qui tient compte du niveau initial de chaque élève et non du niveau moyen de la classe. Une connaissance n'est apportée que si elle repose sur la connaissance immédiatement précédente et si l'élève peut la comprendre. Le niveau de l'élève est donc contrôlé en permanence pour savoir si l'on peut aller plus loin. Cette méthode très répétitive pour les élèves de faible niveau l'est moins pour les élèves forts puisqu'elle s'adapte au niveau de chacun. Elle ne laisse rien au hasard : chaque notion doit être transmise puis évaluée. Elle est idéale pour de petits groupes de cinq élèves. Par exemple, l'expérimentation de Michel Zorman portait sur de petits groupes à raison d'une heure trente par jour répartie en trois sessions d'une demi-heure. Le reste de la classe était placé en autonomie. L'intérêt de cette méthode est de faire participer chaque élève, ce que ne permet pas l'enseignement en classe qui est sans doute adapté au centre ville mais irréalisable en ZEP. La méthode structurée s'applique parfaitement à la lecture.

Les méthodes structurées ne doivent pas être confondues avec la méthode traditionnelle de l'enseignement, qui est moins répétitive et se focalise moins sur le niveau de chaque élève. Dans le cadre de la méthode structurée, nous visons davantage les élèves qui risqueraient d'échouer si cette méthode n'était pas appliquée. Dès lors, la gratification de l'enseignant consiste en la réussite de tous les élèves.

L'Allemagne a renforcé le nombre d'heures d'enseignement en réduisant le nombre d'heures consacrées au sport l'après-midi. Cette méthode est elle-même fondée sur la recherche.

Je pense que l'exemple de la Floride est assez pertinent pour la France.

M. Laurent Cros. - Notre pays a un mal fou à penser le continuum de sa petite enfance. Le maillage complexe du passage de la crèche à la maternelle puis à l'élémentaire n'est pas en mesure aujourd'hui de mobiliser les adultes d'un territoire autour d'une cause commune.

Par ailleurs, nous manquons d'indicateurs territoriaux. Je suis frappé de constater que les maires en charge de l'enseignement scolaire avec lesquels nous discutons ignorent le taux d'illettrisme de leur territoire. En effet, il est extrêmement rare que nos interlocuteurs aient conscience de ces indicateurs, alors même qu'ils existent. Ils ne sont donc pas utilisés comme des éléments leviers de marqueurs éducatifs.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Pourquoi ne sont-ils pas utilisés ?

M. Laurent Bigorgne. - Ils ne sont pas exploités car ce sont généralement des outils statistiques aux mains de l'éducation nationale et des inspecteurs d'académie. Parfois, les inspecteurs d'académie les communiquent librement. Dans certains territoires moins marqués par les difficultés scolaires, les acteurs ont moins le sentiment d'une urgence à communiquer ces indicateurs. Or je pense que la communication est nécessaire à la mobilisation.

Enfin, l'enchevêtrement des dispositifs, déjà souligné par un certain nombre de travaux réalisés au Sénat, est ingérable pour les acteurs. Nous travaillons sur des protocoles de recherche qui sortent des domaines de l'éducation dans certaines communes de Seine-Saint-Denis. A Clichy et Montfermeil, nous nous intéressons au logement, à la sécurité, au rapport au religieux etc. Lors de mes discussions avec les acteurs en charge de la mise en oeuvre des dispositifs de rattrapage scolaire, j'ai pu constater la multiplicité des outils, voire leur enchevêtrement et le caractère parfois ubuesque des procédures à mettre en oeuvre au service de la réussite éducative. Le maillage territorial ne fonctionne pas de manière optimale. Or les maires sont les plus intéressés par la réussite de leurs élèves. Ces questions sont essentielles dans un pays où 95 % des enfants de trois ans sont scolarisés. Nous ne savons donc pas utiliser pleinement le maillage territorial dans la lutte contre l'illettrisme.

S'agissant de l'expérimentation et de l'autonomie, sachez que les établissements n'ont pas besoin d'être autonomes pour expérimenter. En tant qu'observateurs des politiques publiques, nous devons nous interroger sur la meilleure utilisation de la capacité politique de nos gouvernants. En effet, certaines réformes requièrent une capacité politique au-delà de l'imaginable. Par exemple, le problème de la place des directeurs dans le système éducatif a été soulevé depuis des décennies par des gouvernements de toutes tendances politiques mais n'est toujours pas résolu. Compte tenu de l'urgence de la situation et de la proportion de 40 % de grandes difficultés relevée à 15 ans (en cumulant les niveaux 1 et 2 de PISA) ainsi que des 20 points d'incapacité à maîtriser la lecture, l'écriture et le calcul, devons-nous passer un temps maximum à former des enseignants, initier des recherches qui nous permettront de créer des outils de lutte contre la difficulté scolaire ou devons-nous faire de la question du statut une priorité ?

Compte tenu du nombre et du rythme des réformes imposées à l'éducation depuis deux décennies, je me demande dans quelle mesure il ne serait pas utile de se fixer une seule priorité et de s'y tenir à l'échelle d'un mandat. Ma réponse est peut-être trop simpliste mais je pense que nous ne pourrons pas résoudre tous les problèmes simultanément.

M. Laurent Cros. - Les recherches ont rarement montré que le déploiement de l'autonomie des établissements permettait d'obtenir des résultats de grande ampleur. En revanche il existe des centaines d'exemples de résultats importants liés à la pédagogie. Les résultats des établissements autonomes ne sont pas nécessairement supérieurs à ceux des établissements publics.

Les États-Unis ont testé à grande échelle l'autonomie par l'intermédiaire des charter schools mais cela ne leur a pas permis de réaliser de grands progrès. L'autonomie peut certes constituer un levier de facilitation à un moment donné mais n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Mme Françoise Cartron. - Votre dernière analyse conforte les propos de certains concernant l'importance de la pédagogie par rapport à la structure et à l'organisation. Il convient de changer la pédagogie si nous voulons lutter contre l'échec scolaire.

Vous avez dit que la France dépensait plus en matière d'éducation que les autres pays, pour un résultat moindre. Or j'ai lu un rapport qui montre que la France offre un taux d'encadrement bien inférieur aux autres pays. Nous pouvions penser que ce supplément de dépense était dû à un plus grand nombre de professeurs, alors que d'autres pays ont plus d'enseignants par rapport au nombre d'élèves. Pouvez-vous nous communiquer une analyse plus fine de l'origine de notre plus forte dépense, alors que nous employons moins d'enseignants ?

En outre, je me réjouis de l'importance donnée à l'école maternelle dans l'apprentissage de la langue. En effet, il convient de s'y prendre le plus tôt possible pour rompre la spirale de l'échec en lecture. Nous sommes d'ailleurs plusieurs sénateurs à partager ce diagnostic. Nous constatons que ce sont les pédagogies les plus innovantes qui rencontrent le plus le succès. La production d'écrit et la connaissance du livre sont plus efficaces que la lecture silencieuse. Ces pratiques ne sont pourtant pas perçues comme les premières à enseigner ; l'accent est plutôt mis sur le code alphabétique.

M. Laurent Cros. - Je me suis mal exprimé. Le premier objectif de cette recherche était la lecture : or, il n'a pas été atteint puisque le résultat s'avère négatif pour la dictée et l'écrit. La recherche de Michel Zorman s'est révélée probante sur ces mêmes dimensions. Le code alphabétique est donc une dimension majeure, de même que la compréhension orale et écrite. Les autres dimensions, moins importantes, sont celles qui remportent les meilleurs résultats, à savoir la production d'écrit et la connaissance du livre. Il faut d'abord se concentrer sur la dictée et la compréhension.

Mme Françoise Cartron. - Comment accompagner les enseignants vers l'adoption de nouvelles pratiques pédagogiques ?

M. Serge Lagauche, président. - Nous recenserons une série de questions par écrit.

Mme Catherine Procaccia. - Vous dites qu'il vaudrait mieux que les élèves sortent du CP en sachant lire et écrire, plutôt que de développer des actions de rattrapage par la suite. Ne pensez-vous pas que l'étalement du CP sur un an et demi ou deux ans permettrait de résoudre le problème ?

En Floride, les difficultés sont-elles beaucoup plus nombreuses chez les enfants d'immigrés ? Que fait-on pour les enfants d'immigrés qui arrivent à l'âge de 8 ans et ne passent pas par une classe de transition ? Ils ne sont pas passés par la phase du CP. Avez-vous connaissance d'expériences réussies pour intégrer les élèves ne parlant pas français ?

Ces expérimentations sous forme de petits groupes sont-elles applicables à l'échelle de l'éducation nationale française, compte tenu de la lourdeur de son système et de la difficulté de le réformer ?

Mme Maryvonne Blondin. - Je souhaite revenir sur le taux d'encadrement. Nous comptons 5 enseignants pour 100 élèves dans le primaire, contre 7,5 enseignants au collège, tandis que certains pays disposent de 9,5 enseignants pour 100 élèves.

Concernant le socle commun et les tests d'évaluation effectués en primaire, avez-vous pu mesurer une progression ou une stagnation des résultats ? Certains enseignants ne renseignent pas toujours les évaluations ou font preuve de nombreuses réticences.

Au cours des auditions précédentes, nous avons évoqué les initiatives spécifiques à certains établissements. Ces expérimentations sont menées en lien avec l'éducation nationale.

Vous avez évoqué les difficultés liées à l'enchevêtrement territorial. Or le dispositif des contrats urbains de cohésion sociale rassemble les divers acteurs du territoire et offre un lieu unique de discussion et d'échanges. Je suppose que les contrats urbains de cohésion sociale ne fonctionnent pas de la même manière sur tous les territoires. De plus leur budget a diminué jusqu'à 50 % selon les zones. Dès lors, il deviendra très difficile de mener des actions sur la réussite éducative. L'école n'est plus le seul lieu apprenant.

M. Alain Dufaut. - J'ai beaucoup apprécié vos exposés. La généralisation de l'évaluation à toutes les classes me paraît essentielle pour fournir aux enseignants des outils d'évaluation pertinents.

Je voudrais évoquer l'échec d'une expérience partant du principe que la réussite était possible avec des classes hétérogènes. Or, il ne faut pas hésiter à maintenir les effectifs du quartier sur les établissements car les diriger vers d'autres établissements créerait des difficultés considérables pouvant mener à la fermeture des établissements. Les classes hétérogènes ne font pas progresser l'éducation.

M. Yannick Bodin. - J'ai également été très intéressé par cette présentation.

Vous avez beaucoup insisté sur l'importance qu'il faut accorder à la petite enfance. En vous écoutant j'avais l'impression de vivre dans un monde un peu virtuel puisque j'ai lu que les enfants de moins de 3 ans étaient moins nombreux dans les maternelles. Pensez-vous que cela peut avoir une répercussion sur les prochaines évaluations ?

Vous voulez éviter les ruptures. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait remettre en cause l'unité de temps basée sur neuf mois ? Faut-il continuer à parler « d'année scolaire » ? Nous pourrions passer de 9 à 15 mois par exemple.

En matière de pédagogie, vous avez dit qu'il fallait choisir une priorité. Il s'agit peut-être de la formation des maîtres. En effet, depuis des siècles, nous n'avons jamais réglé le problème. Durkheim disait qu'être savant ne signifie pas que l'on possède l'art d'enseigner.

Il ne s'agit pas d'enseigner une discipline à une classe mais d'enseigner, au sein d'une équipe pédagogique, une discipline à des élèves, c'est-à-dire à des enfants. Je pense que ce n'est pas la même logique.

M. Laurent Cros. - Concernant les moyens alloués au système éducatif, une étude intéressante de l'OCDE a montré que le coût d'un élève dans le primaire est très faible. Le coût d'encadrement est très faible : nous manquons d'enseignants. C'est le contraire au lycée, par l'intermédiaire des options. Nous avons donc misé sur le lycée, alors qu'une bonne partie de la génération s'est déjà évaporée. Miser au début de la scolarité permettrait d'obtenir les plus grands bénéfices. Je ne pense pas que nous ayons fait le bon choix historiquement. Il faut envisager une redistribution des moyens. Nous devons nous intéresser à trois dimensions : le salaire des enseignants, la taille des classes et le nombre d'heures d'enseignement par an. Nous atteignons des records en termes de temps d'enseignement, ce qui permet de compenser le manque d'enseignants.

S'agissant de la généralisation des expérimentations à une plus grande échelle, nous avions esquissé une étape intermédiaire à 100 classes. Nous devons évaluer les résultats de l'expérimentation par étape de généralisation. Toutes les maternelles de France travaillent déjà en petits groupes. Or aucun CP ne travaille selon cette méthode. Les enseignants enseignent comme les professeurs d'université, devant la classe. Il faut continuer à travailler en atelier au-delà de la maternelle, au rythme de deux heures par jour. Les enseignants savent le faire lorsqu'ils sont formés en ce sens. Les bénéfices du travail en petits groupes sont importants notamment pour les classes hétérogènes.

Nous devons déployer ces dispositifs à plus grande échelle en investissant dans la formation continue qui ne représente aujourd'hui qu'un à deux jours par an par enseignant. La demande de formation continue des enseignants est extrêmement forte. En effet, plus des deux tiers des enseignants demandent des outils nouveaux pour traiter les difficultés scolaires. Il faut donc former les enseignants aux contenus issus des nouvelles expérimentations pour faire progresser le système éducatif. La crédibilité du système éducatif repose sur celle de ses enseignants.

Les recherches ont bel et bien démontré qu'il n'existait aucun lien entre être savant dans sa discipline et être un très bon pédagogue. Or nous recherchons de très bons pédagogues, en particulier dans l'enseignement primaire. Seule l'expérience permet de savoir si un savant est bon pédagogue. Par conséquent, une formation en alternance des enseignants serait adaptée. La formation continue améliore la capacité à être un bon pédagogue. Par ailleurs, certains enseignants ne sont pas faits pour ce métier et doivent en prendre conscience.

S'agissant de l'autonomie des établissements, il ne faut pas réinventer tous les jours la manière d'enseigner mais conserver des pratiques validées. Les initiatives des établissements peuvent s'avérer intéressantes pour l'innovation si elles restent marginales. Dès lors qu'une expérimentation semble porter ses fruits, il faut rapidement la tester à plus grande échelle pour vérifier ses résultats.

Par ailleurs, l'hétérogénéité constitue sans doute un handicap pour une classe mais peut être gérée dès lors que de petits groupes de travail sont constitués. Il faut se poser une question fondamentale : peut-on réellement enseigner dans une classe qui comporte dix élèves en grande difficulté scolaire ? La réponse est négative. Si un travail important a été fourni en amont, c'est-à-dire en maternelle, il serait peut-être possible de réduire la proportion d'élèves en difficulté au CP. Dans le cas contraire, la solution est peut-être celle proposée par Luc Ferry qui consiste à donner aux enseignants un nombre d'élèves en difficulté raisonnable, à savoir trois ou quatre. Il faut donc constituer des classes plus petites lorsque les élèves sont majoritairement en difficulté. La dernière solution envisagée par les États-Unis est le busing qui consiste à amener les élèves en difficulté dans les classes des centres villes. Cette initiative a été tentée à petite échelle dans la politique de la ville mais est compliquée à mettre en oeuvre. En effet, ces élèves sont stigmatisés à leur arrivée dans l'école. C'est pourquoi cette solution est difficilement envisageable à grande échelle.

Par conséquent, il faut confier un nombre raisonnable d'élèves en difficulté aux enseignants et ne pas constituer des classes homogènes d'élèves faibles car cela diminue le niveau général d'ambition de l'école. L'enseignant qui n'a que des élèves en difficulté n'a pas d'ambition et c'est normal. Il s'habitue à la difficulté scolaire et n'atteindra plus la moyenne nationale. L'hétérogénéité est essentielle et il faut limiter le nombre d'élèves dans les classes en grande difficulté pour que leur cas puisse être traité.

La variable immigration est souvent rapportée comme un frein à la réussite scolaire dans la mesure où les élèves n'ont pas le français comme langue maternelle. Or les études contredisent cet a priori puisqu'elles montrent que la variable catégorie socio-professionnelle (CSP) est déterminante. C'est la CSP qui explique les difficultés scolaires et non l'immigration. Lorsque nous essayons de discerner les effets spécifiques de la langue parlée à la maison ou de l'origine, nous observons parfois des effets contre-intuitifs. Par exemple, les enfants d'origine maghrébine en CP progressent plus lorsqu'ils sont fils d'ouvriers que les fils d'ouvriers français de souche. Il ne faut donc pas surestimer la variable immigration. Cette variable n'apporte rien à condition d'arriver tôt dans le système scolaire. La maternelle vient contrer le fait que le français n'est pas la langue maternelle de ces enfants. Dès lors, aucune difficulté spécifique ne se posera par la suite.

Lorsque l'on évoque les CSP en difficulté, nous parlons rarement des enfants arrivés en cours de scolarité qui représentent une faible proportion des élèves en difficultés scolaires. Or tous les établissements ne sont pas suffisamment équipés pour accueillir les élèves en cours d'année.

M. Laurent Bigorgne. - Il faudra revenir à un moment donné sur le choix historique qui a été fait en faveur du lycée d'enseignement général et du baccalauréat par rapport au primaire. Il s'agit d'une vraie question politique.

La France n'a pas l'appareil de recherche nécessaire en matière d'éducation car nous avons décidé d'internaliser cette recherche auprès du ministère. De plus, nous n'avons pas jugé utile de développer les recherches scientifiques dans un grand nombre d'organismes de recherche. Or, nous avons besoin de psycho-cognitivistes. Il est étonnant que la France ne compte qu'un ou deux laboratoires en mesure de proposer des solutions.

Enfin, il faudra que nous nous posions collectivement la question de savoir jusqu'à quel point financer un système éditorial qui se contente de vendre des livres faiblement utilisés dans les écoles. Aujourd'hui, nous pouvons proposer des systèmes beaucoup plus modernes. En outre, l'appareil de la formation continue est sinistré. Nous devons investir dans un écosystème de recherche performant, financé à la fois par le public et le privé, contribuant à la diffusion des bonnes pratiques. Contribuer à la recherche dans l'éducation serait normal pour un pays comme le nôtre.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Cela signifie que le système de R&D n'est pas obligatoirement intégré à l'éducation nationale.

M. Laurent Bigorgne. - Il n'est en aucun cas intégré à l'éducation nationale car il doit pouvoir être évaluable par l'extérieur, sous peine de se stériliser.

Audition de M. Éric Charbonnier, expert à la direction éducation de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots le cadre de l'enquête PISA ? Par ailleurs, s'il y avait une réforme et une seule à mettre en place, quelle serait-elle, selon vous, par rapport à votre expérience des dispositifs existant chez nos partenaires ? Nous vous poserons d'autres questions ensuite.

M. Éric Charbonnier. - L'étude PISA a lieu tous les trois ans. La première étude PISA a eu lieu en 2000, puis en 2003 et 2006. Elle porte sur un échantillon représentatif de 4 500 élèves de 15 ans sur les 750 000 que compte la France. Trois domaines principaux sont visés par l'étude PISA, à savoir la compréhension de l'écrit, les mathématiques et les sciences. Chaque étude porte sur un domaine principal. En 2000, il s'agissait de la compréhension de l'écrit ; en 2003, les mathématiques ; en 2006, les sciences, et en 2009, de nouveau la compréhension de l'écrit. Dès lors, nous pouvons identifier les pays qui ont véritablement progressé ou régressé depuis 2000 et mesurer les différentes réformes qui ont pu être mises en place par les pays pour justifier une amélioration de leur système d'éducation.

Lors de chaque étude, le constat est le même ; la France est un élève moyen parmi les 34 pays de l'OCDE participant au programme. L'étude PISA englobe également 31 pays en dehors de l'OCDE. Deux caractéristiques frappantes peuvent être relevées concernant la performance des élèves de 15 ans en France. Premièrement, nous pouvons nous réjouir de l'existence d'une forte élite, soit un tiers des élèves de 15 ans. Deuxièmement, nous déplorons l'aggravation des inégalités sociales. Entre 2000 et 2009, la proportion d'élèves en échec scolaire est passée de 15 à 20 %, ce sui est supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE. Nous avons essayé de démontrer que le système éducatif français était devenu quelque peu dichotomique. En effet, soit l'élève a un bon niveau et suit un cursus scolaire normal, soit il a des difficultés, redouble et se trouve en échec scolaire.

Nous avons relevé des inégalités sociales entre les établissements, mais aussi en fonction du niveau socio-économique des parents. Nous devons lutter contre les inégalités sociales. Cela semble difficile mais il convient de noter que des pays voisins qui avaient des situations similaires à la France, voire beaucoup plus dramatiques, comme l'Allemagne et le Portugal, ont axé, entre 2000 et 2009, toutes leurs réformes sur la réduction des inégalités sociales pour réduire le redoublement et aider les élèves en difficulté à rattraper leur retard. Ces politiques ont porté leurs fruits. Elles ont pris différentes formes.

Par exemple, l'Allemagne a investi dans l'enseignement primaire et révisé la journée scolaire. Auparavant, les élèves travaillaient le matin et faisaient du sport l'après-midi. Depuis, la journée scolaire a été allongée pour permettre de consacrer l'après-midi au soutien scolaire et à l'aide personnalisée aux élèves. En outre, l'apprentissage de la langue allemande a été rendu obligatoire dès la maternelle pour détecter au plus tôt les difficultés et les corriger. Le Portugal, quant à lui, caractérisé comme la France par un fort taux de redoublement, a axé ses réformes sur la réduction du redoublement. La plupart des pays où les élèves redoublent beaucoup sont marqués par de fortes inégalités sociales. Le gouvernement portugais a choisi d'octroyer des subventions aux familles défavorisées pour que leurs enfants bénéficient du soutien scolaire, de cours d'anglais et d'informatique. La formation a également été adaptée et les programmes ont été révisés pour s'adapter au niveau des élèves.

En France, nous constatons que les réformes partent de bonnes idées telles que le soutien personnalisé, la réflexion sur le rythme scolaire ou encore l'aide aux écoles en difficulté. Toutefois, nous n'avons pas l'impression d'une réforme en profondeur centrée sur des priorités. Nous avons créé un « plan sciences » pour valoriser l'élite. Le gouvernement français a-t-il suffisamment de ressources pour mener les deux réformes en même temps ? Il semblerait que les pays qui ont obtenu des résultats satisfaisants ont axé leurs réformes sur une priorité et ont évalué la réussite de leurs politiques. Les établissements, les enseignants et les élèves ont été évalués pour étudier si les initiatives mises en place étaient concluantes.

La France se caractérise par de grandes inégalités entre ses établissements. Pourtant les réformes du système éducatif ont un caractère national. Une réforme efficace serait une réforme qui prendrait en compte les inégalités entre les établissements. Une dimension frappante est la formation des enseignants et leur affectation pour leur premier emploi dans le métier. Aujourd'hui, les établissements les plus difficiles comportent les enseignants les plus jeunes. Le système national d'affectation des enseignants fait qu'il n'est pas intéressant pour un enseignant expérimenté de se rendre dans un établissement difficile. Or, il faudrait que ces établissements bénéficient d'enseignants expérimentés. Deux exemples sont intéressants dans l'étude PISA. La ville de Shanghai et Singapour se caractérisent par une forte réussite et de faibles inégalités de performance entre les établissements. Cependant, ces deux pays se caractérisent par de fortes inégalités sociales. Ils ont axé leurs réformes sur l'égalité entre les établissements. Dans les établissements les plus difficiles, ce sont les meilleurs chefs d'établissement et les meilleurs enseignants qui y sont affectés. Dès lors, les élèves en difficulté bénéficient du meilleur encadrement possible.

La France doit investir massivement pour réduire les difficultés scolaires. Sur 26 pays ayant des données comparables, 15 n'ont pas connu d'amélioration de leur système éducatif alors qu'ils ont augmenté les ressources allouées à l'éducation. L'utilisation des moyens ne se réalise donc pas de manière efficace. Dans un contexte de crise économique, il convient de réfléchir à la manière d'utiliser efficacement les fonds alloués à l'éducation.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Je vous repose la question que j'avais posée précédemment. S'il fallait citer une mesure prioritaire à mettre en place, quelle serait-elle ?

Est-ce une question de moyens ou de bonne gestion de ces moyens ? Plus qu'une question de moyens, n'est-ce pas une question de méthode ? Les mesures de soutien ne peuvent pas être prises de la même manière sur tout le territoire. Ces méthodes indispensables ne relèvent-elles pas plutôt du contrat que de la loi ?

Le contrat m'amène à parler de l'autonomie des établissements. Comment concevez-vous l'autonomie des établissements ?

Les établissements d'enseignement secondaire ont un statut, peut-on envisager un système équivalent dans le primaire ?

Certains pays ont choisi de réduire le redoublement. Une telle mesure n'a pas de sens si l'on applique la même pédagogie au cours de l'année de redoublement. Existe-t-il des pédagogies différenciées à mettre en place pour ces élèves en situation difficile ?

M. Éric Charbonnier. - La réforme primordiale dans le système éducatif français est la lutte contre l'échec scolaire. La lutte contre l'échec scolaire n'emporte pas d'affaiblissement de l'élite puisque le système éducatif fonctionne pour ces élèves.

Différentes réformes permettent de lutter contre l'échec scolaire. Le soutien scolaire en est l'un des moyens. Or, nous ne savons pas comment le soutien scolaire est organisé en France. Est-il organisé par le même enseignant ? Doit-on utiliser les mêmes méthodes pédagogiques ?

Par ailleurs, le système d'éducation français sanctionne beaucoup. Or, les élèves peuvent être découragés par les mauvaises notes. Le soutien scolaire est un moyen de combler des lacunes mais ne doit pas être perçu comme une deuxième sanction. C'est pourquoi le soutien scolaire devrait être dispensé par d'autres enseignants pour que les élèves bénéficient d'une nouvelle méthode d'apprentissage. Les établissements bénéficient d'une autonomie dans leur budget mais doivent aussi être autonomes dans la gestion du programme scolaire. Nous devons accepter que certains établissements ou certaines classes aillent moins loin dans le programme que d'autres. Les difficultés mesurées à l'âge de 15 ans existent en amont. Par conséquent, les difficultés scolaires doivent être traitées dès le primaire.

En outre, le financement des établissements est très inégalitaire en France puisque le primaire reçoit beaucoup moins d'argent que la moyenne des pays de l'OCDE. Le secondaire en reçoit plus. De même, le statut des enseignants, le rythme de travail et la taille des classes diffèrent. Les dépenses d'éducation sont nettement supérieures dans le secondaire que dans le primaire. A budget constant, nous avons les moyens d'avoir un système éducatif plus efficace et axé sur un soutien scolaire encourageant. La journée scolaire en France est l'une des plus longues des pays de l'OCDE mais les semaines de cours sont peu nombreuses. Le nombre d'heures d'enseignement est également supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE. Dès lors, la journée scolaire est fatigante. Dans ce contexte, les élèves les moins performants ne bénéficient pas du soutien scolaire dans un état optimal.

Certaines réformes ont été conduites en France. Le gouvernement veut réduire la semaine de 26 à 24 heures. Cette réforme peut être efficace. Dans le même temps, les écoles sont fermées le samedi. La semaine est donc réduite de 4,5 jours à 4 jours. Dès lors, le diagnostic est le même. Je crois que l'allègement du nombre d'heures de cours par semaine répond à un objectif d'économies budgétaires. Toute réforme peut être efficace dès lors que l'on raisonne à budget constant. Aujourd'hui, l'investissement dans l'éducation est suffisant mais doit être géré de manière plus efficace afin de corriger les inégalités.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Si j'ai bien compris, la maternelle et le primaire sont plus importants que le lycée.

M. Yannick Bodin. - Vous voulez dire que les pays où les progrès sont les plus spectaculaires sont aussi ceux où les professeurs sont les mieux formés et les mieux rémunérés ?

M. Éric Charbonnier. - Les politiques des autres pays destinées à augmenter le salaire des enseignants se sont montrées en général plus efficaces que celles destinées à réduire la taille des classes. Il est vrai qu'en période de crise économique certains pays se retrouvent dans un système d'arbitrage : faut-il attirer les meilleurs enseignants en leur proposant des salaires plus élevés ou bien réduire la taille des classes ? L'association de ces deux politiques serait évidemment plus efficace mais nous avons constaté qu'il était plus efficace d'attirer les meilleurs enseignants dans les établissements les plus difficiles.

M. Yannick Bodin. - Lorsque vous parlez d'enseignants mieux formés, vous avez sans doute pu comparer les différentes méthodes de formation initiale et continue des autres pays. Qu'appelez-vous un enseignant bien formé ?

M. Éric Charbonnier. - Il faudrait exporter de la Finlande la formation des enseignants. Ils doivent avoir de bonnes connaissances académiques mais aussi être capables de transmettre leur savoir, de s'adapter au niveau des élèves et de s'intégrer à une équipe pédagogique. Ils ont une forte expérience sur le terrain grâce à leurs nombreux stages durant leur cursus.

Les pays qui réussissent bien sont aussi ceux où les enseignants sont évalués. Cette évaluation n'est pas destinée à les sanctionner mais à donner des points de repère. Elle est effectuée par les chefs d'établissement.

La notion d'équipe pédagogique est fondamentale. En France, les enseignants des ZEP sont inexpérimentés. Un turnover très important empêche le développement de politiques.

Il faut réviser plus globalement l'affectation des enseignants dans les établissements. Outre le salaire des enseignants débutants en France, qui est nettement inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE, les enseignants sont fortement découragés dans les premières années de leur carrière. En début de carrière, le salaire des enseignants français est nettement inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE. Après 15 ans, il est quasiment au niveau de la moyenne mais toujours inférieur. En fin de carrière, il se trouve au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE. Cela signifie qu'il existe une forme de rattrapage du salaire avec l'avancée dans la carrière. Toutefois, les enseignants expérimentés ne réclament pas de salaire supplémentaire après 30 années mais une évolution de leur carrière.

Mme Catherine Procaccia. - Vous avez beaucoup parlé de la rémunération des enseignants. Les moyens sont insuffisants au niveau du primaire. Pensez-vous que nous pouvons répartir les moyens et faire en sorte que les enseignants du lycée puissent enseigner en primaire ? Se verraient-ils octroyer un supplément de rémunération pour les motiver ?

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme Fillon, il a été envisagé de permettre aux enseignants de pouvoir enseigner une deuxième matière. Pourquoi cette réforme n'a-t-elle pas abouti ? Est-ce parce que l'on a refusé de rémunérer davantage les enseignants ?

Existe-t-il des comparaisons de rémunération entre un ingénieur et un enseignant ? Le rythme horaire n'est-il pas défavorable à la rémunération des enseignants ?

Vous avez parlé des rythmes scolaires et en particulier de la semaine de quatre jours. Je ne suis pas d'accord avec votre approche. Dans ma commune, j'ai mis en place la semaine de quatre jours pour permettre aux parents divorcés de voir leurs enfants. Elle ne pose pas problème lorsque les semaines de cours sont mieux étalées dans l'année. Je ne crois pas qu'elle ait été décidée pour réaliser des économies.

Mme Colette Mélot. - Vous avez dit qu'une réforme efficace doit prendre en compte les différences entre les établissements. Comment cette réforme peut-elle être organisée ? Faut-il octroyer leur autonomie aux établissements ?

Mme Françoise Cartron. - L'étude PISA a-t-elle évalué des élèves aux parcours scolaires variés, tant issus de l'enseignement général que de l'enseignement technologique ?

Les études montrent que la semaine de 4 jours n'est pas favorable au rythme de vie de l'enfant.

Le travail en équipe et l'évaluation reposent sur le rôle donné aux inspecteurs. Leur fonction doit-elle évoluer de la sanction vers l'accompagnement ?

Mme Maryvonne Blondin. - Je constate que la France a fait les choses à l'envers. Elle a misé sur le lycée avant d'investir dans la maternelle et le primaire. Le soutien scolaire a été décidé de manière brutale, laissant l'autonomie aux établissements pour gérer ce soutien, sans tenir compte du transport scolaire, du personnel des cantines, etc. Il aurait fallu discuter davantage avec les enseignants et les collectivités locales. Trop de réformes tue les réformes.

Il convient d'ajouter la pression liée à la réduction des postes dans l'éducation nationale, sûrement destinée à réaliser des économies. Or, la réforme la plus importante est celle de la formation et de la pédagogie.

La sanction semble prégnante dans le système éducatif français. On dit que les enfants ont mal au ventre lorsqu'ils vont à l'école. 45 % d'entre eux ne se sentent pas bien à l'école. Les enseignants aussi éprouvent du mal-être, en particulier ceux qui enseignent dans les établissements difficiles.

Pouvez-vous nous préciser le taux d'encadrement en France ?

M. Éric Charbonnier. - La semaine de 4 jours permettait simultanément de réaliser des économies de personnel même si ce n'était pas son objectif principal. D'autres pays ont révisé leurs rythmes scolaires. En France, les partenaires du tourisme ont été invités à participer aux négociations. La plupart des pays de l'OCDE ont une semaine comprise entre 4 jours et demi et 5 jours. Le volume horaire des Pays-Bas est semblable à celui de la France mais il est étalé sur 42 semaines contre 37 en France.

Un enseignant débutant en France est moins rémunéré que dans la moyenne des pays de l'OCDE. Je ne suis pas sûr que l'affectation des enseignants du secondaire au primaire règlerait le problème de coûts. En général, un enseignant du primaire passe beaucoup plus de temps devant sa classe qu'à préparer ses cours alors qu'un enseignant du secondaire passe beaucoup de temps à corriger ses copies. Dès lors, le coût d'un enseignant du secondaire est plus élevé que le primaire. Une deuxième explication de cette différence de rémunération tient au volume horaire. En effet, les élèves du secondaire reçoivent beaucoup plus d'heures de cours que les élèves de primaire, ce qui nécessite une augmentation du nombre d'enseignants.

Or, le salaire des enseignants n'est pas le seul moyen d'améliorer les performances du système éducatif. En Finlande, le salaire des enseignants est au même niveau que la France mais leur bien-être est supérieur. C'est pourquoi il faut cibler la politique de rémunération sur les établissements difficiles pour offrir aux enseignants une compensation par rapport à la difficulté du travail. Une politique d'éducation n'est efficace que si elle est ciblée sur une certaine population. Il faut accepter de mener des politiques qui ne sont pas nationales.

L'autonomie des établissements fonctionne et améliore les résultats à condition qu'ils rendent des comptes. Il s'agit donc d'évaluer la performance des élèves mais aussi des enseignants ainsi que des chefs d'établissement, non pour les sanctionner, mais pour agir. Les chefs d'établissement ont souvent la possibilité de recruter eux-mêmes les enseignants (Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande). L'autonomie se traduit parfois dans l'adaptation du programme scolaire au niveau de l'établissement.

PISA s'appuie sur un échantillon représentatif des élèves. Par conséquent, cet échantillon regroupe également des élèves de l'enseignement technologique et des redoublants.

Enfin, concernant les sanctions, nous avons remarqué une anxiété des élèves liée aux mathématiques en France mais un plaisir quant à l'apprentissage des sciences par l'expérimentation. Cette pression est importante car les mathématiques sont une matière déterminante pour la poursuite des études. La notation est nécessaire en tant que point de repère pour les élèves mais elle est souvent vécue comme une sanction en France. Le danger est de percevoir le soutien scolaire comme une autre sanction. Il s'agit d'encourager l'élève et de l'aider à combler ses lacunes. Aujourd'hui, je n'ai pas de vision précise de l'organisation détaillée du soutien scolaire en France. La réforme a été décidée sans être expliquée.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Le soutien scolaire ne relève-t-il pas plutôt du contrat ?

M. Éric Charbonnier. - Le soutien scolaire relève de la loi dans sa définition mais du contrat dans son application.

Mme Françoise Cartron. - Le soutien scolaire en maternelle est une hérésie. Il est organisé au moment du repas. Dès lors, l'autonomie pour le soutien scolaire s'est révélée contre-productive.

M. Éric Charbonnier. - Le taux d'encadrement ne représente pas la taille des classes mais le nombre d'élèves par enseignant. S'agissant de la taille des classes, la France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE dans le primaire et le secondaire. En revanche, le taux d'encadrement est beaucoup plus faible dans le primaire que dans le secondaire. Il faut beaucoup plus d'enseignants puisqu'un enseignant travaille moins d'heures qu'un élève n'est présent à l'école. Le taux d'encadrement révèle un manque de ressources dans le primaire par rapport au secondaire.

Audition de M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO). - Le questionnaire que vous nous avez adressé commence par la catégorie « expérimentation ». La première question posée était la suivante : « Qui décide du sujet des expérimentations ? » Notre système s'est construit sur des propositions émanant tant du terrain que de l'académie ou de l'échelle nationale. Traditionnellement, notre système est peu enclin à l'innovation et à l'expérimentation. Cependant, depuis ces dernières années, les chiffres démontrent un décollage du nombre d'innovations et d'expérimentations. Entre 2005 et 2010, cette croissance des expérimentations s'élève à 200 %.

Aujourd'hui, tout professeur est mis en situation d'être une force de proposition mais tout le monde n'en est pas conscient. D'ailleurs le grand public n'en est pas conscient. L'évolution psychologique fait son chemin. Je m'attarderai sur les expérimentations d'origine nationale puisqu'elles se sont développées ces derniers temps, souvent à partir de premières expérimentations académiques. Un certain nombre de politiques publiques se sont donc affirmées comme des expérimentations. Un département R&D, innovation et expérimentation, a ainsi été créé à la DGESCO pour professionnaliser l'approche. Il s'agit de concrétiser le fait que les expérimentations sont envisagées désormais comme une modalité des politiques publiques, comportant le principe d'évaluation dès l'origine et nous permettant d'avancer de la façon la plus scientifique possible en s'associant à des organes de recherche.

Le bilan intermédiaire montre deux réalités :

- un début de foisonnement des expérimentations ;

- des impulsions plus cadrées relevant de l'échelle académique et/ou nationale, dont la méthodologie s'avère plus rigoureuse.

Nous pouvons citer plusieurs exemples d'expérimentations, comme la mallette des parents, qui a concerné 50 collèges de l'académie de Créteil au cours de l'année scolaire 2009-2010. Cette expérimentation a été évaluée par l'école d'économie de Paris. Il s'agit d'associer les parents d'élèves aux enjeux de la scolarisation de l'élève. Cela a amélioré la présence des élèves, leur comportement et, dans une moindre mesure, leurs résultats scolaires. Cette initiative a donc été déployée dans 1 300 établissements. En outre, le projet Enseignement Intégré des Sciences et Technologies (EIST) concerne 53 collèges et est en place depuis plusieurs années avec l'Académie des sciences. L'évaluation a été réalisée conjointement par l'Académie des sciences et l'inspection générale. Nous avons donc décidé d'étendre l'EIST aux collèges Clair. Par ailleurs, les manuels scolaires numériques concernent 69 collèges. Cette expérimentation nous permettra d'évaluer pédagogiquement l'apport des tablettes numériques à l'enseignement.

L'opération « cours le matin, sport l'après-midi » concerne 121 établissements et sera évaluée à la fin de cette année scolaire. Cette expérimentation diffère d'un établissement à l'autre afin que nous puissions comparer les résultats. Les premiers résultats n'ont pas encore été stabilisés mais sont encourageants quant à l'implication des élèves dans leur scolarité.

L'ensemble du programme Clair a été réalisé sous l'angle de l'expérimentation et de l'innovation. Il convient d'insister sur ce point car le programme Clair démontre que l'innovation est à l'avant-garde du système scolaire aujourd'hui. L'éducation prioritaire se situe elle-même à l'avant-garde du système scolaire ; c'est le domaine dans lequel les expérimentations réussies doivent être déployées en priorité.

Le livret de compétences a été expérimenté dans 136 établissements dont 26 lycées agricoles.

Le programme « Parler », quant à lui, concerne le CP et parfois l'école maternelle. Il a été développé dans l'académie de Grenoble sous l'impulsion de chercheurs du CNRS. Sa méthodologie était cadrée par l'éducation nationale. Il s'agit de développer ce programme dans l'académie de Martinique et du Nord-Pas-de-Calais. Son principe est l'apprentissage de la lecture par petits groupes, en faveur des élèves identifiés comme ayant le plus de difficultés au sein d'une classe. Les premiers éléments de résultat dont nous disposons en font une expérimentation assez emblématique des politiques publiques que nous devons mener pour l'amélioration de la maîtrise de la lecture et de l'écriture en deuxième cycle du primaire.

Ces cas nationaux cités sont les plus emblématiques de l'expérimentation nationale. Par l'évaluation scientifique, ces programmes se rapprochent des expérimentations menées à l'étranger.

Pour répondre à votre question sur le levier de modernisation de l'action du ministère, je tiens à signaler que le placement du département R&D, innovation et expérimentation, auprès du directeur général vise à le positionner en avant-garde des politiques menées par le ministère, sur le plan pédagogique en particulier. Nous avons voulu, en lien avec la direction de l'éducation permanente (DEP) ainsi que l'inspection générale, travailler à cette professionnalisation et « scientificisation » de l'expérimentation.

M. Serge Lagauche, président. - Nous nous sommes rendus dans l'académie de Créteil qui nous a fait savoir que les premiers résultats de l'expérimentation « cours le matin, sport l'après-midi » seraient disponibles prochainement. Ces résultats nous intéressent fortement car les différentes manières de s'exprimer de nos interlocuteurs nous font douter de la valeur des expérimentations réalisées.

Nous souhaiterions que vous nous communiquiez les résultats, même provisoires.

M. Jean-Michel Blanquer. - Nous vous communiquerons ces éléments au cours des jours prochains.

M. Serge Lagauche, président. - Nous pourrons vous rencontrer à nouveau pour en discuter plus largement.

Mme Françoise Cartron. - Avez-vous mené une évaluation sur la suppression de la carte scolaire ?

M. Jean-Michel Blanquer. - L'assouplissement de la carte scolaire n'est pas une expérimentation mais une mesure et, en tant que telle, n'a donc pas fait l'objet d'une évaluation. Nous pourrions imaginer des expérimentations sur la carte scolaire consistant à faire travailler les établissements dans une perspective de coopération plutôt que de concurrence, c'est-à-dire dans une logique de réseau. En effet, nous souhaitons accompagner l'assouplissement de la carte scolaire d'une logique coopérative.

Quant à l'organisation du système scolaire, vous dites que l'examen des politiques récentes révèle de grandes disparités d'application des dispositifs selon les rectorats. Vous demandez si nous avons mené des enquêtes spécifiques sur l'organisation et la gestion des rectorats. Vous nous demandez également quels objectifs doivent leur être fixés en propre et comment apprécier l'efficience de leur action. A ce sujet, plusieurs remarques peuvent être formulées. Le mouvement de déconcentration des quinze dernières années est réel, profond et assumé. Il s'agit de responsabiliser l'échelon territorial en lui permettant de s'adapter aux réalités locales. Des projets académiques sont menés sur quatre années. Les effets de cette déconcentration nous semblent principalement positifs. La critique selon laquelle l'éducation nationale ne s'intéresse pas aux réalités locales et manquerait de réactivité relève, à mon sens, de l'image d'Épinal. En effet, elle revient à ne pas tenir compte des évolutions majeures de ces dernières années.

Au sein du ministère, le dialogue de gestion qui a lieu en fin d'année civile a été renforcé. Il nous permet, dans le contexte de la LOLF, de renseigner l'ensemble des indicateurs que le Parlement considère comme les plus significatifs pour le système éducatif. Nous pouvons ainsi constater les disparités entre les académies. Ces résultats transparaissent au travers du projet annuel de performances et du rapport annuel de performances transmis au Parlement. Je mène ce dialogue de gestion avec le Secrétaire général du ministère. L'exemple typique est celui des évaluations de CM1 et CM2, qui nous permettent de constater des disparités territoriales quant au niveau de français et de mathématiques, y compris à l'échelle départementale. Des politiques différentes mènent à des résultats différents. Ceci nous permet d'identifier les dispositifs efficaces et de les développer.

Le dialogue de gestion est une modalité importante de cadrage de l'exercice de gestion avec les académies. Nous pourrions imaginer des évolutions encore plus profondes, notamment dans une logique de contractualisation avec les académies, qui elle-même serait symétrique d'une démarche existante, à savoir la contractualisation des académies avec les établissements. Il s'agit de travailler sur un principe d'engagement et de responsabilisation aux différents niveaux du système, c'est-à-dire d'une part essentiellement l'établissement, l'académie et le ministère.

Le schéma d'emploi a été un exercice très difficile car nous devions procéder à 16 000 suppressions de postes. Cela nous a conduits à identifier 13 leviers d'économies et à responsabiliser l'échelle académique. A l'avenir, une formule contractuelle pluriannuelle pourrait s'avérer plus responsabilisante encore.

Vous nous avez demandé comment concevoir l'accroissement de l'autonomie des établissements. Le principe d'autonomie est en lui-même consacré mais peut être interprété de différentes manières. Cette autonomie doit être précisée de manière contractuelle. Un contrat d'objectifs peut être proposé à l'établissement afin qu'il dispose des moyens de sa politique. Nous concevons la démarche contractuelle comme l'avenir du système. Nous l'encourageons et estimons qu'elle va de pair avec une approche souple et pragmatique des moyens conférés aux établissements.

Vous nous demandez si les établissements pourraient recruter eux-mêmes les professeurs. Il convient de garantir l'équilibre du système national tout en favorisant une souplesse locale. L'exemple type est celui du remplacement des professeurs. Ce sujet relève davantage de la direction générale des ressources humaines du ministère que de ma compétence. Toutefois, je tiens à indiquer que nous avons pu encourager les chefs d'établissement à trouver des solutions locales, pour lesquelles ils ont ensuite bénéficié du soutien de l'académie. Les solutions locales constituent la voie la plus sûre pour solutionner le problème du remplacement des enseignants absents. Je ne sais pas si nous pouvons étendre l'autonomie des établissements.

S'agissant de l'obligation de service des enseignants, ce sujet relève davantage de la DGRH. Cependant, nous encourageons la personnalisation de la pédagogie. Cela peut nous conduire à réfléchir à notre conception de l'enseignement. L'accompagnement éducatif et l'aide personnalisée permettent de meilleures pratiques et une adaptation de notre système pour le rendre plus efficace.

Concernant la liberté pédagogique des enseignants et de l'établissement et, à l'instar de l'autonomie, tout le monde y est favorable mais les mots peuvent revêtir des acceptions différentes. La liberté pédagogique de l'enseignant doit servir la réussite de l'élève. Elle doit aussi être un vecteur de responsabilisation et de travail collectif. Ce n'est donc pas un encouragement à l'individualisme mais à la créativité. C'est pourquoi il est pertinent de parler de liberté pédagogique de l'établissement, laquelle doit se traduire par le conseil pédagogique. A ce titre, la réforme du lycée conduit nécessairement à une concertation collective entre les professeurs. Il importe que l'établissement ait des objectifs mesurables de réussite de ses élèves. C'est pourquoi nous travaillons à une approche cohérente de l'évaluation des élèves dans le cadre de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire de la maternelle à la troisième.

Par ailleurs, je pense qu'on peut conserver l'inspection individuelle des enseignants, à condition d'évoluer. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue ses qualités. Le risque est de supprimer les qualités du système en cherchant à résoudre des défauts réels. L'inspecteur a le mérite d'entrer dans la classe, souvent conçue comme une boîte noire dans de nombreux pays. Or, cette entrée est imparfaite ; elle doit devenir beaucoup moins normative et reposer sur un accompagnement fréquent de l'enseignant. Il faut s'attacher davantage aux résultats des élèves qu'au conformisme du professeur à l'égard d'une norme. L'évaluation du professeur doit être articulée avec celle de l'établissement dans le cadre d'un contrat d'objectifs de l'établissement.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - L'expérimentation est inscrite dans l'article 34 de la loi sur l'école de 2005 mais ne relève-t-elle pas plutôt du contrat ?

Des contractualisations se sont mises en place entre l'établissement et l'académie mais aussi avec les collectivités locales ainsi que le monde associatif et économique. L'autonomie pose problème dans le primaire en raison de l'absence de statut juridique des établissements.

L'autonomie a aussi ses limites. N'est-elle pas à géométrie variable ? L'autonomie se heurte à la taille des établissements et l'offre du bassin de formation. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas envisager une mutualisation ou une mise en réseau des établissements ?

Les concepts de dotation horaire globale (DHG) et d'équivalent temps plein (ETP) sont difficiles à comprendre. Est-il possible de clarifier ces éléments ou de les traduire en euros ?

Nous nous accordons tous sur la nécessité primordiale de réduire l'échec scolaire. Aujourd'hui, les réformes visent en priorité le lycée mais ne pourrait-on pas commencer par la maternelle et le primaire ?

Mme Maryvonne Blondin. - Vous avez évoqué l'expérimentation qui est la traduction d'une volonté locale ou d'une obligation posée par l'éducation nationale. Dans l'éducation nationale, envisagez-vous de travailler par appel à projets, à l'instar des agences régionales de santé ?

Les enseignants sont confrontés à des évolutions constantes du système éducatif. Le temps d'application des réformes sur le terrain est très variable. Comment le ministère peut-il accompagner les professeurs dans tous ces changements ? Comment les inspecteurs peuvent-ils aider les équipes pédagogiques à définir des outils pédagogiques et à les partager avec d'autres collègues ? La formation continue des enseignants résultait auparavant du Plan d'action et de formation (PAF). Pourquoi le ministère ne peut-il pas se consacrer à une seule réforme de grande ampleur ?

M. Jean-Michel Blanquer. - Vous avez demandé si nous pouvions adopter une logique de contrat pour réaliser les expérimentations. Je vous réponds par l'affirmative. Le contrat est un mode privilégié, sans pour autant le fétichiser. Nous avons la conviction que le lien entre le collège et l'école doit être renforcé. Nous réfléchissons à une école du socle commun. Il s'agit de responsabiliser les acteurs locaux et de déclencher des effets de levier plus nets et plus importants. Si les directeurs d'école voyaient leurs compétences renforcées, la question de la formation des professeurs en cycle 2 pour le CP en particulier serait plus efficacement réglée.

Vous m'avez ensuite interrogé sur la conversion de l'éducation nationale à l'euro. Notre système comporte des vertus. Cela n'est pas incompatible avec une conversion en euros qui présente l'avantage de responsabiliser les acteurs et de mesurer les efforts de l'État. Nous pratiquons parfois cette conversion en euros.

La maîtrise du français par les élèves du premier degré est primordiale. Les inégalités se jouent très tôt ; il faut donc investir les moyens nécessaires le plus tôt possible par l'intermédiaire d'une approche qualitative renforcée en cycle 2. Le programme « Parler », expérimenté à Grenoble, est une réussite. Certaines pratiques fonctionnent, d'autres non. Nous avons beaucoup insisté sur l'utilisation de l'aide personnalisée en cycle 2 pour faire en sorte que les élèves quittent le CE1 en maîtrisant ce qu'ils doivent maîtriser à cet âge.

Madame la sénatrice, vous avez demandé si nous réservions une place à l'appel à projets. Certaines expérimentations ont bel et bien fait l'objet d'un appel à projets, parmi lesquelles « Cours le matin, sport l'après-midi ». L'appel à projets, tout comme l'expérimentation, reposent sur le volontariat. Notre pratique de l'appel à projets a connu un essor considérable ces deux dernières années. Une illustration en est le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse.

Concernant l'organisation sur le terrain, vous avez insisté sur la nature de l'action des inspecteurs et leur formation. Cette question comporte des enjeux de culture de l'appel à projets et de culture de l'impulsion. Nous avons pu mener certains projets de manière rapide et efficace grâce à des impulsions très directes et engagées. L'éducation manque peut-être d'une plus grande responsabilisation des cadres intermédiaires, tant au niveau des établissements que des académies. Ces dernières ont cependant connu un développement des responsabilités intermédiaires, avec les conseillers académiques en recherche, développement, innovation et expérimentation (CARDIE). Ces correspondants ont vocation à faire vivre les innovations à l'échelle académique. Nous pourrions citer bien d'autres exemples de personnes responsabilisées à l'échelle académique pour s'assurer de la réussite des actions menées sur le terrain. En outre, des responsabilités intermédiaires doivent être développées à l'échelle de l'établissement, aux côtés du chef d'établissement. Il existe déjà un référent culture dans les lycées et un conseiller pour les technologies de l'information et de la communication pour l'éducation (CTICE).

Par ailleurs, nous devons nous assurer de la cohérence dans le temps et dans l'espace des plans académiques de formation des enseignants. Les responsables académiques de la formation sont aujourd'hui sensibilisés à cette cohérence. Par conséquent, les plans académiques de formation ne sont plus guidés par l'offre mais par la demande, qui elle-même correspond à des objectifs et des indicateurs. La formation continue doit bénéficier à un nombre plus important d'enseignants.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - S'agissant du projet « cours le matin et sport l'après-midi », n'est-on pas en retard d'une guerre, dans la mesure où l'Allemagne revient actuellement sur cette organisation pour réserver l'après-midi à des mesures individualisées de soutien scolaire ?

M. Jean-Michel Blanquer. - Cette organisation peut être pertinente dans certains cas mais ne peut pas être systématisée. Beaucoup d'établissements dispensent un enseignement sportif et culturel l'après-midi. Nous ne nous sommes pas spécifiquement inspirés du modèle allemand mais recherchions une meilleure organisation du temps scolaire tenant compte de plusieurs paramètres (activité physique, nutrition) et en donnant aux établissements les moyens pour le faire. Ces expérimentations feront l'objet d'une évaluation très stricte en juin, dont les résultats seront publiés en septembre.

M. Serge Lagauche, président. - A ce stade de nos auditions, nous observons que l'éducation nationale doit être attentive à sa communication à l'égard des parents et des enseignants. Trop de bruits circulent ; nous entendons tout et son contraire.

Il faut encourager une école du mouvement et de l'évolution. Les enseignants ne doivent pas rester dans un même établissement au-delà d'un certain nombre d'années. Ils doivent se mettre à la recherche d'un autre projet qui leur permette de se renouveler. La formation des enseignants doit leur inculquer le postulat selon lequel le changement est constructif. Il appartient à l'éducation nationale d'encourager ces changements.

Mme Maryvonne Blondin. - Nous aurions encore beaucoup de choses à dire sur la ronde des enseignants qui changent régulièrement d'établissement.