Mercredi 4 mai 2011

- Présidence de M. Serge Lagauche, président de la mission commune d'information -

Première table ronde : les expérimentations en matière scolaire : discours ou levier de réforme ?

M. Gérard Larcher, Président du Sénat. - Monsieur le président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, Jacques Legendre, Monsieur le sénateur et président de la mission, Serge Lagauche, Monsieur le sénateur et rapporteur, Jean-Claude Carle, chers collègues parlementaires, Mesdames et Messieurs les recteurs et inspecteurs d'académie, chefs d'établissements, présidents de fédérations de parents d'élèves, j'ai grand plaisir à ouvrir ce colloque qui fait un point sur les travaux de la mission commune d'information sur l'organisation territoriale du système scolaire et sur l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation.

C'est avant tout le souci citoyen de l'avenir de notre enseignement qui guide vos réflexions. Je redis à Jacques Legendre combien l'engagement du Sénat, au-delà de tous les clivages, avec un esprit d'indépendance, voire d'autonomie, est essentiel. Selon l'article 24 de la Constitution, nous sommes les représentants des collectivités territoriales. Or elles ont une responsabilité particulière concernant l'école, construite sur la base des valeurs de la République. C'est pourquoi il est totalement légitime que nous nous retrouvions aujourd'hui au Sénat pour évoquer le système scolaire.

Paradoxalement, débattre librement de notre système scolaire est un sport national et un terrain réputé miné pour les acteurs de la vie publique française. Pour un ministre, deux attitudes sont possibles: pratiquer un « lavement des mains » (à l'image de celui d'un gouverneur romain à titre provisoire), ou tenter une réforme pour laisser son nom, qui sera ensuite chassé par un autre.

Voilà le type même de discussion dans lequel chacun a ses convictions, sa sensibilité, un domaine dans lequel s'empilent parfois les légitimités et les spécialités, au risque de la confusion, comme dans certains grands congrès médicaux. Voilà surtout un thème sur lequel nous avons le devoir de réfléchir pour faire preuve d'audace, de créativité et d'anticipation, sans toutefois céder à la « réformite » systématique. Nous sommes là dans l'un des coeurs de métier du Sénat qui, outre établir la loi et contrôler le Gouvernement, a également pour mission d'appréhender la dimension prospective, selon un rapport au temps moins immédiat que celui de l'Assemblée nationale.

La thématique choisie pour ce colloque - réglementation et régulation - me semble opportune. Nul de sensé ne s'aventure à remettre en cause les fondamentaux, notamment celui d'un service public de l'Education qui constitue selon moi, en étant le vecteur essentiel des principes de liberté d'égalité et de fraternité, l'un des fleurons de notre République. S'il est intangible dans ses fondements, il apparaît clairement que notre système scolaire doit gagner en souplesse et en adaptabilité, au nom de l'équité et de l'efficacité. Il suffit de bon sens pour comprendre qu'une école élémentaire à plusieurs niveaux dans un village de montagne n'est pas soumise aux mêmes réalités que son équivalente au sein d'une grande ville. De même, qui peut nier qu'enseigner dans une cité, dans un quartier résidentiel de ville moyenne ou dans une ville rurale exige des moyens et des compétences différents ? Pour être juste et remplir sa mission, l'école doit être semblable pour tous, tout en respectant la diversité. Nous devons imaginer le véhicule du futur qui aurait la fiabilité d'une berline familiale, alliée à la souplesse d'une voiture de sport.

Les travaux que vous menez vont dans ce sens. La question que vous posez, de la compatibilité des expérimentations avec le principe de l'équité de traitement des élèves, est au coeur des enjeux. Votre méthodologie, fondée sur le partage et l'évaluation des expériences sur le terrain, me paraît la bonne. En analysant les bonnes pratiques, en définissant le rôle et les moyens de chaque acteur de notre système scolaire, en vous inspirant des micro-initiatives, nombreuses sur le terrain, en passant à la loupe les exemples performants au-delà de nos frontières, vous accomplissez un travail utile, précieux et constructif.

Le rapport final sera rendu en juin. Source d'inspiration, il nous permettra de dépasser les débats d'actualité. Je rappelle que les rapports du Sénat ne sont pas destinés à un classement vertical ou mémorial. Comme en matière législative, au-delà du vote d'un texte, nous nous donnerons les moyens d'en assurer le suivi.

Je vous souhaite une excellente journée au Sénat.

Un film de dix minutes, illustrant les travaux de la mission commune d'information sur le système scolaire, est diffusé aux participants.

Présentation des premiers travaux de la mission

M. Serge Lagauche, président de la mission commune d'information. - Nous pouvons remercier l'équipe qui a réalisé ce film, qui constitue l'une des premières expériences de communication de ce type au Sénat.

Bienvenue et merci à l'ensemble des intervenants qui ont accepté de venir débattre avec nous ce matin. Nous avons rencontré la plupart d'entre vous à l'occasion de nos auditions, des précédentes tables rondes ou des déplacements organisés par notre mission d'information. Aujourd'hui, nous souhaitons « croiser les regards » des uns et des autres, tout en ouvrant nos débats au public. Je remercie également toutes les personnes qui ont répondu positivement à notre invitation.

Nos réflexions ont déjà été très nourries par la soixantaine de personnes que nous avons entendues au Sénat au cours de nos auditions et tables rondes précédentes, ou rencontrées sur le terrain. Comme vous l'avez constaté dans le film qui vient d'être projeté, nous avons souhaité étudier la situation dans différentes régions de France, pour essayer de couvrir toute la diversité des territoires urbains et ruraux de notre pays. Nous nous sommes ainsi rendus dans le Val-de-Marne, en Haute-Savoie, dans la Somme et dans le Nord. Demain, nous irons à Marseille et bientôt à Rennes.

Mais les exemples étrangers sont également toujours instructifs, nous permettant d'enrichir le regard que nous portons sur nous-mêmes. C'est pourquoi nous avons étudié l'évolution de l'organisation territoriale et des politiques en matière d'expérimentation et de réformes conduites aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et au Portugal. Nous irons en Pologne fin mai. En outre, notre rapport comportera des informations relatives notamment au Royaume-Uni, à l'Italie, à l'Allemagne, au Danemark ou à l'Australie, grâce à une étude de législation comparée, mais aussi à la Finlande et au Canada, où la commission de la culture et de l'éducation s'est déjà rendue.

A l'issue de nos premiers travaux, nous pouvons converger sur certains constats : 160 000 élèves quittent chaque année le système éducatif sans qualification, comme l'a révélé le ministre, Luc Chatel. Ce n'est admissible ni pour les jeunes concernés ni pour notre société dans son ensemble.

L'éducation nationale a globalement réussi sa mission de démocratisation de l'enseignement, en l'espace d'une génération. Ainsi, 100 % d'une classe d'âge est désormais scolarisée jusqu'à 16 ans et 65 % parvient jusqu'au baccalauréat, soit trois fois plus qu'au début des années 80. Mais il est plus difficile de conduire au succès l'ensemble des élèves que de se consacrer, comme autrefois, exclusivement aux meilleurs. En outre, l'école se trouve non seulement témoin, mais aussi partie prenante d'évolutions de la société qui la dépassent et dont, par certains aspects, elle subit les conséquences.

Dans ce contexte, le système « patine » et ses résultats se dégradent, comme le montrent tant l'enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de l'OCDE que les évaluations nationales. Alors que nous devons développer ce que l'on appelle une « économie de la connaissance », entre 2000 et 2009, nous sommes restés dans un groupe de pays moyens, à la quinzième place sur les vingt-six pays constamment examinés. Pire encore, la dernière enquête de 2009 montre que la part des élèves en difficulté s'accroît, de même que le poids de l'origine sociale dans les inégalités scolaires, alors que notre pays était dans la moyenne en 2000. En dix ans, le creusement des inégalités scolaires d'origine sociale est indéniable. Parallèlement, le nombre de bacheliers stagne depuis quinze ans, tandis que le système entretient notre double handicap culturel. Nous valorisons insuffisamment les aptitudes et points forts de nos jeunes, et ne parvenons pas à promouvoir une orientation positive et la réussite de tous, quels que soient leurs parcours. Pourtant, si des pays tels que l'Allemagne ou le Portugal ont vécu les enquêtes PISA comme un choc presque salutaire les conduisant à prendre des mesures leur permettant d'améliorer les résultats de leurs élèves, la France peine à trouver sa voie. Nous ne manquons pourtant ni de réformes, ni d'expérimentations, ni de ministres. La multiplication des unes et la succession des autres ne semblent pas faciliter une évolution harmonieuse de notre système éducatif.

Si nous partageons tous ces constats et reconnaissons cette évolution comme nécessaire, ce terme ne recouvre toutefois pas nécessairement la même réalité pour tous les membres de notre commission. Nous n'en sommes cependant pas encore au stade des propositions, mais à celui des questions, des pistes de réflexion et d'un débat que nous souhaitons ouvert et constructif, qui s'organisera autour de deux tables rondes, la première portant sur les expérimentations en matière scolaire et la seconde sur le fonctionnement du service public de l'éducation nationale.

Pour terminer, je remercie Madame Marie-Caroline Missir, rédactrice en chef adjointe de l'agence de presse spécialisée dans l'éducation (AEF), qui va animer nos débats.

Mme Marie-Caroline Missir, rédactrice en chef adjointe à l'AEF. - Je suis très heureuse d'animer ces tables rondes.

Lors d'une interview le 19 avril à l'AEF, nous avons demandé à Luc Chatel si les expérimentations ne sont pas, pour un ministre, une façon de contourner la forte contrainte budgétaire pour parvenir à faire progresser le système. Il a répondu : « Nous ne le faisons pas du tout dans cet esprit-là. L'expérimentation, c'est rarement des moyens en moins, mais souvent des moyens en plus. Elle est là pour tester les pratiques d'organisation ou pédagogiques nouvelles et les adapter à des réalités scolaires que nous devrons ensuite évaluer pour la reproduire ou l'arrêter. ».

M. Claude Thélot, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, ancien président de la Commission du débat national sur l'avenir de l'école, chercheur. -L'expérimentation n'est pas un levier de réforme, elle permet de conduire une politique. Elle ne sert pas à contourner la contrainte budgétaire. En revanche, elle contribue à rendre cette contrainte féconde. Eduquer la jeunesse est en outre plus difficile qu'autrefois. Cela ne peut plus se faire de façon centralisée.

Concernant le contenu, la nouveauté doit être bien définie. Les acteurs choisis ne doivent pas être les plus performants, au risque de biaiser les résultats. Il faut choisir des gens normaux, se donner du temps et définir les organisations ne participant pas à l'expérimentation, mais avec lesquelles ses résultats seront comparés.

J'appelle « quasi-expérimentations », celles qui ne concernent pas des nouveautés, mais des pratiques parfois anciennes et différentes d'un lieu à un autre. Nous ne comparons pas encore suffisamment ces pratiques pour tirer parti de l'existant. Nous pourrions comparer par exemple l'efficacité des petites et des grandes structures, du secteur public et du secteur privé, ou encore les fonctionnements différenciés de certaines académies.

Il convient également d'évaluer correctement les expérimentations. Il faut renforcer les compétences de l'évaluation au sein de l'État et associer davantage les collectivités territoriales.

Enfin, notre plus grande faiblesse réside dans notre difficulté à tirer correctement les conséquences des évaluations de nos expérimentations. Soit nous le faisons trop rapidement car les ministres sont pressés, soit l'administration centrale n'ose pas prendre la responsabilité de le faire.

Pour mieux conduire la politique éducative, deux points sont importants :

- travailler sur les pratiques : l'essentiel est de tirer les conséquences au niveau des établissements et de la pratique pédagogique des enseignants, et non pas au niveau « administrativo-structurel » ;

- changer les missions de l'Inspection générale et territoriale : il faut cesser de penser que l'Inspection doit d'abord évaluer. Elle doit avant tout tirer les conséquences des évaluations. Personne ne se sent vraiment en charge de cette mission dans notre système éducatif actuel.

Mme Marie-Caroline Missir. - Monsieur le Recteur, comment répondez-vous à la contradiction entre la nécessité d'innover et celle de mettre en oeuvre les expérimentations inscrites dans les circulaires des rentrées scolaires?

M. Olivier Audéoud, recteur de l'académie de Grenoble. - L'éducation nationale a toujours pratiqué l'expérimentation. Cependant, nous sommes toujours dans une contradiction très française entre le centre qui ne veut voir qu'une tête et une seule organisation, et une velléité historique des Français de voir les décisions prises au niveau local. La vraie question est de parvenir à harmoniser les grandes expérimentations nationales. Sur le territoire français, il existe autant d'écoles que de situations différentes. Il convient de bien appréhender cette hétérogénéité. Tout ce qui est décidé nationalement ne convient pas nécessairement à toutes les académies. J'en veux pour exemple les Etablissements de réinsertion scolaire (ERS) dont l'académie de Grenoble n'a pas besoin.

L'expérimentation doit être une valorisation des situations particulières, mais elle varie selon les milieux. Par exemple, le ministère a lancé un grand débat sur les rythmes scolaires, avec une expérimentation sur les cours le matin et le sport l'après-midi. Dans mon académie, voilà trente ans que cette pratique existe en milieu montagneux, en raison des compétitions de sport de montagne. L'expérimentation dépend également des acteurs. Il est souvent possible d'expérimenter sans moyens nouveaux, à condition de trouver des personnes motivées. Il faut faire confiance aux équipes locales.

Dans l'académie de Grenoble, j'ai lancé un processus de soutien à toute expérimentation susceptible d'apporter un service meilleur pour les élèves. Cela nécessite de la souplesse bureaucratique et une réflexion collective approfondie qui n'est pas nécessairement une habitude dans l'éducation nationale.

Une condition est nécessaire : toutes les expérimentations que nous lançons doivent être compatibles avec les réformes. Celle des lycées nous ouvre, à ce titre, quelques espaces qui ne sont pas complètement normés et nous permettent d'expérimenter.

Autre question délicate : le lien entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Pour une bonne expérimentation, il faut une bonne idée, une mise en oeuvre dans la durée, avec une évaluation et des comparaisons. Il convient de ne pas tomber dans le « gadget ». Je rencontre ainsi des difficultés avec certaines municipalités qui font du « gadget ». Si ces projets sont en soi fort sympathiques, ils sont parfois inadaptés et déconnectés d'une réflexion approfondie.

J'insiste sur les personnes. A Grenoble, une expérimentation, le programme « Parler », destiné à la petite enfance, avait fait l'objet d'évaluations minutieuses pendant trois ans. Ce programme a dû être abandonné parce que les enseignants ne se le sont pas approprié, peut-être en raison de frictions relatives au côté un peu théologique des sciences de l'éducation dans le monde universitaire. Paradoxalement, il est maintenant développé dans plusieurs académies, dont celles de Lyon ou de la Martinique. Il est important de convaincre les chefs d'établissements qui, à leur tour, doivent convaincre les équipes.

Mme Marie-Caroline Missir. - L'enseignement catholique a souvent été présenté comme le champion des expérimentations, souvent en avance sur l'enseignement public pour lancer certaines innovations. Eric de Labarre, l'expérimentation est-elle facile à mener dans l'enseignement catholique ? Avez-vous mené des évaluations ? Ressentez-vous la contradiction entre les expérimentations imposées d'en haut et les innovations au sein des équipes ?

M. Eric de Labarre, secrétaire général, enseignement catholique. - L'enseignement catholique a un a priori positif sur les expérimentations. Pour l'expérimentation préalable à la réforme des lycées, 54 de nos lycées avaient été labellisés lycées expérimentaux sur environ 1 500. Nous avions reçu entre 200 et 220 demandes de labellisation. Ce goût naturel pour l'expérimentation tient à une appétence traditionnelle pour l'innovation : nous sommes attachés à l'amélioration des solutions pédagogiques ; nous aimons également la prise de risque et avons le sens des responsabilités. Enfin, nous apprécions le travail en équipe, à condition qu'il soit piloté par un chef d'établissement qui l'accompagne et le favorise.

Je recense quatre conditions optimales pour que l'expérimentation puisse finalement conduire à changer les pratiques :

- laisser les équipes libres d'innover : il ne faut pas normer l'expérimentation à l'avance, mais laisser les équipes imaginer des solutions nouvelle ;

- laisser le temps aux équipes d'expérimenter : s'il doit être validé a posteriori par l'autorité académique dans une démarche de type contractuel, le protocole d'expérimentation ne doit pas être imposé par l'extérieur mais construit par les équipes, qui ont besoin de temps pour le faire ;

- prendre le temps de l'évaluation de l'expérimentation : ce temps est difficilement compatible avec le temps gouvernemental et la culture du résultat rapide ;

- prendre le temps du transfert et de l'adaptation de l'expérimentation : si une solution retenue à un endroit peut être modélisée, elle doit cependant être réadaptée pour être mise en oeuvre ailleurs.

Au niveau des lycées, je ne suis pas certain qu'il existe un lien entre les expérimentations menées en 2009 et 2010 dans les lycées et ce qui a été décidé in fine.

Pour nous, la difficulté réside dans le lien trop systématiquement établi entre expérimentation et réforme. Comme son nom l'indique, la réforme appelle une formalisation. Or pour qu'une réforme puisse se dérouler sereinement, la formalisation ne doit pas avoir lieu avant l'expérimentation, mais après en avoir tiré les conclusions. Sont en cause les expérimentations que je qualifie d'expérimentations « alibis », qui ne servent qu'à justifier des choix posés en amont, pour des raisons de communication politique. Cette pratique discrédite complètement l'expérimentation, de trois manières possibles :

- l'appel à l'expérimentation peut provoquer une situation de blocage, les équipes refusant de servir de caution à une réforme dont elles ne savent pas - ou savent trop - ce qu'elle sera ;

- l'expérimentation peut être un leurre, consistant en réalité à mettre en évidence des initiatives anciennes ;

- enfin, l'expérimentation peut avoir lieu dans des établissements atypiques, « modèles », rendant sa généralisation peu envisageable.

Pour nous, l'expérimentation est une méthode de travail et un instrument de pilotage renouvelé du système éducatif. Le niveau critique de la décentralisation en matière scolaire est celui de l'établissement, même si je ne conteste pas la nécessité de décentraliser la compétence de l'État vers les collectivités locales, ou de l'administration centrale vers les rectorats.

Nous sommes fondamentalement convaincus que le système éducatif n'est pas réformable par le haut. Cela suppose :

- la confiance dans les équipes éducatives autour d'un chef d'établissement ;

- une allocation de moyens globale dans le cadre de conventions entre l'autorité académique et l'établissement ;

- une évaluation régulière des résultats débouchant sur un réajustement des objectifs et une réallocation des moyens en fonction des résultats.

Mme Marie-Caroline Missir. - Bénédicte Robert, de votre point de vue, l'expérimentation tient-elle lieu de politique ou de méthode de gouvernance ?

Mme Bénédicte Robert, chef du département « recherche-développement, innovation et expérimentation », direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), ministère de l'éducation nationale. - Mon intervention vise à détailler comment la DGESCO porte le dossier de l'expérimentation dans un contexte de partage des tâches entre l'administration centrale, les académies, les établissements scolaires, les équipes pédagogiques et les collectivités territoriales.

Nous recourons à l'expérimentation pour mettre en place des politiques d'éducation scientifiquement fondées. Trois notions sont importantes :

- la recherche-développement : nous travaillons par exemple étroitement avec l'Institut français de l'éducation pour développer ces politiques ;

- l'innovation et l'expérimentation : notre objectif est d'aménager la norme scolaire pour des publics diversifiés. Cela peut amener à déroger à certaines dispositions règlementaires. Nous ne nous inscrivons plus dans une logique d'égalité de traitement, mais d'égalité de résultat. De ce point de vue, l'évaluation est essentielle ;

- la recherche-expérimentation : des outils pensés par la recherche sont expérimentés pour ensuite être développés. C'était par exemple le cas du programme « Parler ».

Autre cas dans lequel l'expérimentation est une démarche de gouvernement du système éducatif : la « mallette des parents ». Expérimentée pendant deux ans dans l'académie de Créteil, évaluée très positivement par l'Ecole d'économie de Paris, elle a été étendue à 1 300 collèges et a donné lieu à une deuxième expérimentation dans l'académie de Versailles, afin d'approfondir le volet orientation en troisième.

Mon département s'attache notamment à :

- développer la professionnalisation des acteurs du système éducatif en matière d'expérimentation dans les académies ;

- être un réceptacle de nouvelles idées, pour mieux les diffuser.

Depuis sa création, a été instauré un réseau de correspondants, les CARDIE (Conseillers académiques recherche développement innovation expérimentation). Nous travaillons avec eux sur la professionnalisation, autour de cinq compétences-clés :

- savoir repérer l'innovation ;

- accompagner l'innovation et l'expérimentation ;

- communiquer et anticiper ;

- évaluer ;

- travailler en partenariat.

Pour l'évaluation, plusieurs méthodologies existent. Par exemple, des enquêtes « chefs d'établissements » sont conduites par l'administration centrale, afin de suivre la mise en place des réformes. La randomisation consiste à disposer de groupes tests et de groupes témoins totalement comparables. Nous choisissons les méthodes les mieux adaptées.

L'administration centrale a pour mission de repérer et diffuser les innovations, qui interviennent dans le cadre d'une contractualisation. Nous développons aussi des outils pour le système éducatif :

- la base de données des expérimentations, Expérithèque, en accès libre sur EduSCOL (ou EduScol) ;

- des vade-mecum (prochainement, nous développerons un vade-mecum pour la mise en oeuvre du programme CLAIR (collèges et lycées pour l'innovation, l'ambition et la réussite) et un autre sur les « Learning centers » ;

- les outils du Web 2.0, très utiles pour être en contact avec l'ensemble des acteurs du système éducatif.

Enfin, nous organiserons, les 31 mai et 1er juin prochains, les premières journées de l'innovation du ministère de l'éducation nationale, qui seront clôturées par Luc Chatel.

Mme Marie-Caroline Missir. - Je souhaiterais votre réaction sur les propos d'Eric de Labarre : l'expérimentation peut-elle être un moyen a posteriori de justifier des décisions prises en amont ?

Mme Bénédicte Robert. - L'expérimentation est l'une des sources d'inspiration des réformes, mais pas la seule. Il n'existe pas nécessairement de lien direct entre une expérimentation et une réforme.

Mme Marie-Caroline Missir. - Vous avez dit : « Nous ne nous inscrivons plus dans une politique d'égalité de traitement, mais d'égalité de résultat ». Il s'agit là d'un tournant important dans la stratégie de construction des politiques éducatives. Catherine Mercier-Benhamou, comment vivez-vous l'expérimentation au quotidien avec vos équipes ?

Mme Catherine Mercier-Benhamou, proviseur, lycée professionnel Maximilien-Perret, Alfortville. - Il faut distinguer l'expérimentation mise en place à la demande de la DGESCO et ce qui se passe pratiquement en permanence dans de nombreux établissements scolaires. Chaque établissement est différent des autres. Pour moi, l'expérimentation s'inscrit dans le cadre de la réforme du lycée, mais doit se poursuivre dans l'espace de liberté qui nous est laissé. Par exemple, nous pouvons organiser des enseignements communs aux classes de première dans de nombreuses disciplines. C'est pour nous l'occasion de décloisonner, en permettant à des élèves de profils différents de se côtoyer, leurs approches différentes contribuant à enrichir l'enseignement de ces disciplines. L'expérimentation permet, au sein d'un établissement scolaire, de fédérer des équipes, de donner une identité propre à l'établissement en dépassant la simple intention de « bien faire ». Elle permet de définir des objectifs et un plan d'action qui se base sur un projet connu de tous, enseignants, élèves, parents et collectivités territoriales. La région et la commune sont des partenaires sans lesquels il est impossible de conduire un projet avec succès. La pensée collective doit également permettre une meilleure adhésion des parents à la scolarité de leurs enfants. Expérimenter, c'est aussi expliquer ce qui est expérimenté.

L'expérimentation passe par une contractualisation, entre les différents partenaires au sein même de l'établissement, mais également avec le rectorat. Pour un chef d'établissement, il est parfois difficile de communiquer sur la nécessité de rationnaliser des moyens. Parler d'évaluation suscite aussi de la crainte chez les enseignants. Lorsque nous parvenons à faire passer le message selon lequel il ne suffit pas d'évaluer les élèves mais dans le but d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés ensemble, nous obtenons de l'équipe enseignante l'acceptation de l'évaluation de ses pratiques. Dès lors que la confiance s'installe avec l'ensemble des partenaires, l'aide apportée dans la mise en place des expérimentations est beaucoup plus probante.

Je souhaite vous présenter quelques exemples d'expérimentations au sein de mon lycée :

- les ateliers de philosophie : nous avons mis en oeuvre localement un partenariat entre des élèves de troisième et une classe de terminale L, pour alimenter la réflexion des élèves qui allaient entrer au lycée. Peu après, nous avons reçu un document nous permettant d'entrer officiellement dans l'expérimentation d'ateliers de philosophie en seconde. Nous avons immédiatement saisi cette opportunité. Notre travail va pouvoir se poursuivre en seconde, avec l'objectif d'être élargi ensuite aux classes de première. Pour moi, l'expérimentation est un espace de liberté qui doit impérativement être laissé aux établissements scolaires. Dans un lycée tel que le mien, il est impossible de n'évoluer que dans le cadre préétabli. Nous avons affaire à des élèves en plein devenir, dont le vécu est difficile. Si l'établissement reste un laboratoire pédagogique, il essaie, au fil de l'accueil de ses élèves, de toujours trouver les bonnes réponses ;

- l'atelier d'architecture : il accueille des élèves de la seconde au BTS et permet d'aborder différemment les notions de respect des lieux et des personnes, ou d'économies d'énergie ;

- un travail sur l'orientation : mon établissement a la spécificité d'accueillir des élèves de l'enseignement général, technique et professionnel. Nous travaillons sur l'orientation sous toutes ses formes et sur la fluidité des parcours. Passer d'une formation initiale à une formation en alternance, revenir d'une formation hors statut scolaire à une formation sous statut scolaire, y compris en cours d'année, doit être possible.

Mme Marie-Caroline Missir. - Vous avez évoqué une idée qui ne l'avait pas encore été : l'expérimentation est un moyen pour vous de mettre en oeuvre l'autonomie de l'établissement. Rémy Guilleux, comment réagissez-vous aux précédentes interventions ? Comment les familles vivent-elles au quotidien les changements au sein des établissements et dans l'environnement éducatif ?

M. Rémy Guilleux, vice-président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), président du département éducation de l'UNAF. - Si les parents restent les premiers éducateurs de leurs enfants, à l'UNAF, nous sommes persuadés que la qualité de la relation entre la famille est l'école est un gage d'efficacité de l'acte d'éducation et de formation. Qui, plus que les parents, a l'espoir d'un avenir meilleur pour les enfants ? Les parents s'interrogent souvent sur la manière d'agir localement pour que plus de jeunes - 15 % des jeunes quittent chaque année le système scolaire - puissent aller au bout de leurs projets. Cela peut passer par différentes étapes, parfois difficiles. Chaque étape réussie est un encouragement vers la suivante.

Nous sommes persuadés, en écoutant les associations regroupées au sein de l'UNAF, que l'ensemble des acteurs (enseignants, parents, collectivités, associations) ont la volonté d'agir pour faire réussir le maximum de jeunes. Dans la démarche d'expérimentation, il nous paraît intéressant de donner de la liberté aux acteurs locaux. Il est important de leur faire confiance. C'est en effet au niveau de l'établissement que se tisse la relation de confiance entre famille et école. Il est également important de valoriser les acteurs locaux. Donner de la liberté à l'école, c'est aussi lui permettre de s'ouvrir sur son territoire. Je suis maire d'une petite commune et sais combien la qualité de la relation entre les acteurs est porteuse de progrès.

Par ailleurs, il nous paraît important, en évaluant les expérimentations, de ne pas tuer la démarche de témoignage. Donner aux acteurs l'opportunité de témoigner contribue, je crois, à donner envie à d'autres, sans tomber dans le piège de la norme qui viendrait trop rapidement et pourrait parfois étouffer la diversité des situations et atténuer, de ce fait, l'initiative.

Pour les familles, l'expérimentation est d'autant plus partagée qu'elle est conduite dans le cadre d'un projet animé et porté par un chef d'établissement. La démarche d'expérimentation n'est pas nécessairement une réforme, mais une façon d'être au quotidien pour répondre à des situations particulières, dans des contextes spécifiques.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Claude Thélot, vous avez dit que notre grande faiblesse avec l'expérimentation était que nous en tirions insuffisamment les conséquences. C'est vrai. Mais n'en existe-t-il pas cependant une autre, consistant à ne pas faire partager suffisamment l'expérimentation par les acteurs ? L'expérimentation peut-elle encore être menée depuis la rue de Grenelle ou doit-elle partir des réalités du terrain ? Il faut sans doute partir des espaces de liberté qui ont été évoqués.

Par ailleurs, notre système fait preuve d'une grande réticence à l'égard de l'évaluation. Actuellement, l'OCDE conduit une étude sur l'évaluation dans différents pays. Pourquoi la France ne s'est-elle pas portée volontaire pour y participer ?

M. Claude Thélot. - Il existe plusieurs types d'expérimentations. Je suis réservé quant à ne penser l'expérimentation qu'avec une totale liberté des acteurs de base. Il est légitime, ayant envisagé un cadre de réforme, de souhaiter en faire expérimenter certaines dispositions pratiques. Pour qu'elles ne soient pas discréditées, les acteurs doivent comprendre que les expérimentations méritent d'être bien balisées et définies avec soin.

Dans le cadre du transfert, l'ensemble des organisations auxquelles il est prévu d'étendre certaines dispositions doivent être intéressées à l'expérimentation. Il faut accorder un soin tout particulier au passage de l'expérimentation à d'autres contextes. La difficulté est là, car un système éducatif doit parvenir à faire progresser tous les élèves et pas simplement certains d'entre eux. Les gens sont parfois démunis. Par conséquent, il faut les aider à se saisir de ce qui a été jugé positif.

Quant à votre question sur l'évaluation, je pense que la France doit définir avec soin les démarches de l'OCDE auxquelles elle désire participer. Si l'OCDE laisse entendre que la France est réticente, c'est soit une erreur d'analyse, soit un procès d'intention. La France a toujours été à la base d'une grande part de l'action de l'OCDE. Elle ne participe pas pour autant à tout, pour une question de moyens.

L'évaluation des expérimentations que nous conduisons est une autre question. L'évaluation doit être faite en dehors de l'équipe qui a travaillé, en ne se contentant pas de ses conclusions. Dès lors que nous sommes tous collectivement responsables de la politique éducative, les autres partenaires doivent en outre être parties prenantes de l'évaluation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Serge Lagauche, président de la mission commune d'information. - Il convient de rester vigilant. Les élèves ne sont pas un matériel. Toute expérimentation doit laisser entrevoir une potentialité d'amélioration de leurs résultats. Ce point est primordial. Ce qui est proposé doit être vu par l'éducation nationale dans son ensemble.

Mme Marie-Caroline Missir. - Bénédicte Robert, l'expérimentation doit-elle encore se décider rue de Grenelle ?

Mme Bénédicte Robert. - Il existe autour de cette table un consensus sur le fait que les acteurs qui se lancent dans une dynamique d'innovation et d'expérimentation ne sont pas n'importe lesquels. Or il est souhaitable que l'expérimentation puisse concerner n'importe quel enseignant ou chef d'établissement, pour éviter un effet biaisé. L'un des rôles de l'administration centrale consiste à développer les compétences dans cette logique, à l'échelle académique. Il existe des expérimentations nationales, mais également locales, appuyées par l'administration centrale. Nous travaillons en logique « top down », mais également « bottom up ».

M. Olivier Audéoud. - Les établissements sont autonomes mais pas indépendants. Ils se situent dans un cadre règlementaire et législatif, au service d'une politique globale. L'autonomie qui leur est laissée permet aux chefs d'établissements et aux équipes pédagogiques d'opérer des choix. Le partenariat entre collectivités territoriales et éducation nationale devrait être amélioré. Il existe, par exemple, des cas où fermer un établissement pour le transférer ailleurs permettrait d'améliorer considérablement la carte scolaire, au service des citoyens. Malheureusement, dès que j'évoque cette idée, les parents d'élèves, montés par les enseignants, s'y opposent et empêchent toute réflexion de fond. C'est très grave. Les élus locaux rencontrent des difficultés considérables à résister aux pressions parentales dans certaines situations éducatives.

M. Albert-Jean Mougin, Syndicat national des lycées et collèges (SNALC). - L'expérimentation est un domaine très connu des professeurs car faire un cours est une expérience permanente et quotidienne. Il serait bon de laisser à ceux qui enseignent cette liberté de construire leurs cours. A l'évidence, j'approuve le principe d'expérimentation, dès lors qu'il s'agit de l'adaptation d'un enseignement à la réalité du public.

Il est toujours très dangereux de faire une large publicité sur des idées, novatrices ou pas. Je crains donc qu'en évoquant l'expérimentation comme un élément essentiel pour la vie d'un établissement scolaire ou d'une académie, elle ne devienne une ardente obligation qui fasse oublier l'essentiel : l'école a pour mission première de transmettre à tous, par les moyens adaptés, une éducation, une langue, une culture et une histoire communes, afin de créer librement un avenir pour la communauté nationale. J'espère que cette question sera plus présente dans la suite de nos débats.

Enfin, l'expérimentation porte sur de l'humain et n'oublions pas que les enfants qui nous sont confiés ont besoin avant tout de stabilité.

M. Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE). - Si les parents d'élèves étaient aussi influents que ce que j'ai entendu, peut-être ne rencontrerions-nous pas les problèmes actuels.

Il ne faut pas confondre ce qui est du ressort de l'autonomie des établissements ou de la capacité d'équipes à travailler ensemble, par exemple pour dépasser des clivages qui ne permettent pas d'atteindre les résultats que nous souhaitons pour notre école, avec une politique d'expérimentation initiée par le ministère pour inciter à utiliser de l'innovation en fait parfois bien ancienne.

Il existe des limites à l'expérimentation.

Dès lors que l'école n'est vue que par rapport au temps politique, rien ne peut fonctionner. La transformation que nous appelons doit aller bien au-delà, se baser sur la réalité des besoins, des volontés, et bénéficier de moyens et de stabilité. Innover n'est pas nécessairement trouver une nouveauté pour faire « la Une » des médias.

Une autre limite réside dans les réticences présupposées du milieu à appliquer quelque chose. Certains souhaiteraient connaître les résultats d'une expérience avant de la mener. Une évaluation doit être faite en fonction des objectifs fixés. Or aujourd'hui, les expérimentations sont tellement « multi-objectifs » qu'elles manquent de lisibilité. Par exemple, le programme « cours le matin, sport l'après-midi » n'est en aucun cas une expérimentation sur les rythmes scolaires. Elle vise, comme l'a annoncé le ministre, à développer le nombre d'élèves pratiquant le sport dans les collèges. On ne peut l'évaluer au regard d'objectifs qui n'existent pas.

Mme Cécile Vignes, secrétaire générale de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP). - Je rejoins totalement le constat de M. Thélot. Nous pensons que l'expérimentation, quelle qu'elle soit, ne pourra progresser qu'en remettant à plat la mission fondamentale de l'école et en s'interrogeant sur les programmes. Le temps de l'expérimentation peut en effet être préjudiciable à celui de l'enseignement, en raison de la lourdeur des programmes scolaires. Certaines équipes enseignantes nous font part de leurs réticences par rapport à ce qu'exigent d'eux les programmes nationaux.

Mme Colombes Brossel, adjointe au maire de Paris chargée de la vie scolaire, représentante de l'association des maires des grandes villes de France (AMGVF). - M. Thélot a dit qu'il fallait associer les collectivités locales aux expérimentations et aux évaluations. En effet, les élus locaux ne sont pas - pardon, Monsieur le Recteur - uniquement des producteurs de gadgets ou de pauvres âmes sensibles soumises à la terrible pression des parents d'élèves. Il faut effectivement associer les collectivités locales parce que bien souvent, ce sont elles qui doivent assumer les conséquences d'expérimentations décidées par les acteurs locaux. L'autre raison de les associer est que parfois, l'expérimentation se fait sur leur dos, à bon compte. Il arrive que ce qui est présenté comme expérimentation ne soit en fait que la mise en oeuvre d'une démarche politique. Parfois, nous avons l'impression d'être « le dindon de la farce ».

Mme Béatrice Barraud, présidente de l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL). - En matière d'expérimentation, il ne faut pas craindre la réaction des parents, dès lors qu'ils sont associés aux démarches.

Je constate que le peu d'empressement du système éducatif à évaluer ses expérimentations est inversement proportionnel à l'empressement dont il fait preuve pour évaluer nos enfants.

Mme Isabelle Bourhis, secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN). - Les études comparatives sur l'organisation des systèmes éducatifs dans différents pays, montrent que les pays qui évoluent le mieux sont ceux où existe le plus fort consensus politique sur ce qui doit être mis en oeuvre. Pour nous, le facteur temps est une réelle contrainte car, parfois, nous n'avons pas le temps de mener suffisamment longtemps certaines réformes pour en tirer de réelles conséquences.

L'important n'est pas de savoir si l'expérimentation doit venir de l'administration centrale ou du terrain. En revanche - et nous ne pouvons qu'approuver Claude Thélot - l'important est de savoir évaluer les expérimentations pour en tirer les conséquences. Il s'agit de déterminer quels éléments sont éventuellement généralisables.

S'agissant du collège, nous rencontrons de multiples difficultés, preuves que des aménagements sont nécessaires. Une expérimentation importante, « La main à la pâte », est menée depuis longtemps et a donné lieu à des évaluations. Il serait bon de savoir, à un moment donné, si elle peut produire du sens dans les futures orientations relatives au collège.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, vice-présidente de la mission commune d'information. - Je souhaite souligner la complexité du travail de cette mission pour un membre de l'opposition. Nous avons le sentiment de partir d'un présupposé consistant à s'inscrire dans la réduction des dépenses publiques. Le propos de M. Thélot - « rendre les contraintes budgétaires fécondes » confirme mon impression, ceci dans un contexte de transfert de charges aux collectivités territoriales sans les financements adéquats. Les réformes et expérimentations conduites depuis quelques années dans notre pays ont pour conséquence, in fine, de réduire les moyens accordés au service public de l'éducation ainsi que le nombre d'enseignants ou de personnels médicaux ou administratifs.

Nous sommes confrontés à une contradiction : personne ne peut nier la nécessité d'élever les qualifications des jeunes et pourtant le Gouvernement confirme la poursuite du désengagement en annonçant de nouvelles suppressions de postes.

Une question n'a pas été abordée : la possibilité de revenir en arrière si une expérimentation ne s'avère pas concluante. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des dispositifs dont nous savons qu'ils posent des difficultés. Ainsi, si le passage du bac Pro de quatre à trois ans a des avantages indéniables pour certains, il présente des inconvénients pour les élèves ayant le moins de ressources. Les milieux socio-professionnels ont eux-mêmes des réticences sur cette modification du diplôme. Peut-on revenir en arrière ?

Mme Catherine Tasca, sénatrice. - Je souhaite prolonger la réflexion sur la nécessité d'offrir à l'ensemble des enfants les mêmes outils. Cependant, compte tenu de la diversité des publics et des difficultés rencontrées par certains d'entre eux, il faut utiliser les espaces d'autonomie des établissements pour ouvrir d'autres canaux, à l'image de l'atelier de philosophie présenté par Mme le Proviseur. C'est typique d'une audace qui peut permettre à certains élèves de découvrir un univers culturel auquel ils ne sont pas préparés. Autre exemple, le plan d'éducation culturelle et artistique à l'école, lancé en 2001 grâce à une impulsion nationale, avait le mérite de permettre aux élèves d'aller à la rencontre des offres culturelles des territoires. Il n'existe donc pas d'antagonisme entre une impulsion venue d'en haut et des initiatives locales. Je souhaiterais savoir ce que M. Thélot a pensé, lorsqu'il a réfléchi à l'avenir de l'école, de l'interruption brutale de ce grand projet au bout de deux ans.

M. Serge Lagauche, président de la mission commune d'information. - Nous sommes pris par le temps et ne pouvons continuer le débat. Les personnes se sentant concernées par les questions qui viennent d'être posées pourront y répondre par écrit.

Mme Françoise Cartron, vice-présidente de la mission commune d'information. - Je m'interroge à plusieurs titres. A propos de la réponse de Luc Chatel à la question qui lui avait été posée par l'AEF, sachant que la plupart des expérimentations bénéficient de moyens supplémentaires, comment parviendrons nous à les généraliser dans le contexte qui s'impose aujourd'hui à l'éducation nationale, dès lors qu'elles auront été évaluées positivement ? Comme vous l'avez dit, une expérimentation fonctionne parce qu'elle fait appel à des personnes motivées, qui s'approprient les enjeux et bénéficient de moyens. L'évaluation ne peut être, dans ces conditions, que positive. Comment faire, dans la « vraie vie », avec moins de moyens ?

Je m'interroge également sur la place de la recherche, quand injonctions et réformes vont souvent à l'encontre de ses conclusions. Ainsi, le ministre a-t-il imposé unilatéralement la semaine de quatre jours, alors que tous les chercheurs savaient que ce n'était pas la meilleure solution. Il en va de même du soutien obligatoire instauré dans les écoles maternelles et primaires.

Enfin, nous sommes aussi des élus locaux. Les élus ont souvent le sentiment d'être les dernières personnes inscrites au tour de table, dès lors qu'un financement est nécessaire, sans avoir été suffisamment associés en amont. Il est possible de faire différemment. Il est, par exemple, possible de co-construire la carte des formations en fermant des sections et en en ouvrant d'autres, à condition que le projet ait du sens et soit partagé.

Mme Marie-Caroline Missir. - Sur toutes les questions posées, je vous propose d'échanger au cours du déjeuner qui suivra ce colloque, afin que nous puissions ouvrir la deuxième table ronde.

Deuxième table ronde : fonctionnement du service public de l'éducation : du cloisonnement au partenariat

Mme Marie-Caroline Missir. - Cette deuxième table ronde est consacrée à la question de la place des partenaires de l'éducation que sont les collectivités territoriales. Pour en fixer le cadre, je rappelle deux éléments importants dans l'actualité récente :

- l'association des Régions de France (ARF) a récemment réclamé la compétence Régions, alors que pendant l'acte II de la décentralisation, le transfert de cette compétence avait suscité des hésitations. La question de l'acte III de la décentralisation se pose assez régulièrement ;

- est également souvent évoquée la convention tripartite, répondant à une volonté de faire plus travailler ensemble rectorats, collectivités et ministère. Cette convention est-elle possible ? C'est la question que nous allons aborder.

Monsieur Dubois, je vous invite à présenter l'expérience menée dans votre communauté de communes d'Ailly-le-Haut-Clocher.

M. Daniel Dubois, président de la communauté de communes d'Ailly-le-Haut-Clocher (Somme), membre de la mission commune d'information. - Je suis président de la communauté de communes d'Ailly-le-Haut-Clocher, regroupant vingt communes rurales et comptant huit mille habitants, à proximité de la Baie de Somme. Je ne sais si notre communauté a innové, mais elle a volontairement restructuré, grâce à une démarche politique majeure. Nous ne voulions pas voir nos écoles fermer les unes après les autres, ni passer à côté de la pédagogie numérique, ou subir le « turnover » des enseignants dans les petites écoles. La collectivité, quasiment unanimement, a décidé de dépenser plus pour l'école, afin d'accorder aux enfants de son territoire, avec des écoles et des équipements comparables, les mêmes chances que celles des jeunes en milieu urbain. L'évaluation de la situation dans les treize écoles de notre territoire avait fait apparaître des écarts considérables, allant de 6 à 86 euros par habitant selon les écoles.

Le travail communautaire visait à :

- construire de nouvelles écoles pour apporter de meilleures conditions matérielles ;

- garantir l'équité de traitement ;

- favoriser le travail en équipe dans l'école ;

- optimiser le lien école-collège ;

- stabiliser l'équipe enseignante ;

- mettre en place un projet éducatif.

Le projet s'est déroulé sur sept ans ; les débats ont même démarré en 2003, les premières avancées concrètes datant de 2005. La communauté de commune a pris la compétence en 2007. A la suite d'un débat long et complexe, nous avons finalement construit trois écoles en remplacement des treize existantes, pour accueillir environ 750 élèves. Elles ont ouvert en septembre 2010. De haute qualité environnementale, toutes ces écoles sont connectées à Internet en très haut débit et sont équipées de tableaux blancs interactifs, d'espaces numériques de travail, de classes mobiles de trente ordinateurs et d'un cyber-centre médiathèque ouvert aux parents à certaines plages horaires, favorisant ainsi le décloisonnement. Bien entendu, des solutions périscolaires adaptées ont également été mises en oeuvre.

La parentalité est engagée et le politique est un partenaire. C'est ainsi qu'il doit être pris en compte par l'éducation nationale.

L'école d'Ailly-le-Haut-Clocher, située à proximité immédiate du collège, de deux salles de sport et d'une salle culturelle, compte trois cents élèves répartis dans douze classes. Celle de Pont-Rémy comprend huit classes et la commune a construit un petit gymnase à côté. Enfin, celle de Saint-Riquier, au pied de l'abbatiale, compte dix classes.

Au total, le projet a coûté dix millions d'euros. La collectivité a engagé 1,5 million d'euros sur ses fonds propres et a emprunté 1,5 million d'euros. Nous avons bénéficié de l'aide de partenaires : le conseil général, la région, l'État et l'Europe se sont tous engagés à nos côtés.

Les élus se sont beaucoup investis. Plus de trois cents réunions ont eu lieu sur le territoire. Nous avons travaillé en partenariat avec l'éducation nationale. Nous considérons que le décloisonnement est cependant encore insuffisant. C'est pourquoi nous nous engageons aujourd'hui dans une convention culturelle avec le conseil général, afin que trois actions culturelles soient menées dans nos écoles. Nous nous engageons également avec lui sur une expérimentation.

Bien sûr, nous souhaitons une évaluation, dans le cadre d'un réel partenariat avec l'éducation nationale pour poursuivre la démarche engagée. Nous souhaitons qu'elle détermine si les équipements mis en place sont réellement adaptés et émette éventuellement des préconisations. Nous aimerions construire localement un conseil de l'éducation pour porter un regard croisé avec tous les acteurs (parents, conseil général avec ses services sociaux, éducation nationale, élus, caisse d'allocations familiales) sur ce que nous avons mis en oeuvre.

Mme Carla Van Cauwenberghe, inspectrice senior de l'éducation aux Pays-Bas. - Mon collègue et moi-même sommes l'exemple vivant du bon fonctionnement de la coopération entre le service public de l'éducation et le monde scolaire au Pays-Bas.

Notre pays a une longue tradition de libre choix concernant l'éducation ; c'est inscrit dans notre constitution. Les parents choisissent leur école et ont le droit d'en fonder une. Les conseils d'administration des établissements scolaires sont relativement autonomes. Ce contexte implique un système d'enseignement décentralisé : les écoles choisissent leur statut (public ou privé) et établissent leurs programmes d'enseignement. Le financement est public. En revanche, les examens de fin d'études secondaires sont centralisés. Tous les élèves passent en même temps le même examen.

Pour établir plus de transparence dans la qualité de l'éducation, nous avons défini nationalement des niveaux de base à atteindre, qui servent de cadres de référence dans les matières jugées indispensables : l'arithmétique, les mathématiques et la langue maternelle.

Dans les années 90, beaucoup de réformes ont été introduites dans notre système éducatif. Toutes les innovations ne se sont pas traduites par des succès partout. C'est pourquoi une évaluation des réussites et échecs a été lancée par le biais d'une enquête parlementaire. Il en est ressorti la nécessité d'une répartition claire des rôles et responsabilités entre l'État et les établissements scolaires. L'État détermine ce que chaque élève doit avoir appris à la fin d'un cycle, tandis que les établissements scolaires déterminent comment atteindre ces résultats. L'État peut par exemple définir des objectifs ciblés par secteur, un tronc commun, des programmes d'examen, une base de connaissances, des niveaux dans les matières prioritaires ou encore des compétences professionnelles.

Le ministre passe des accords de mise en oeuvre avec les associations employeurs du secteur et détermine des agendas de qualité par secteur avec elles et les organisations de branche.

Au niveau national les responsabilités sont partagées. Chaque année, au Parlement, l'Inspecteur général (directeur de l'Inspection nationale) présente et commente le rapport national concernant la situation qualitative du système. Dans chaque secteur (primaire ou secondaire), le ministre présente son agenda stratégique quadriennal concernant l'amélioration de la qualité de l'éducation suivant des critères de performance convenus avec les associations employeurs et les organisations de branche par secteur.

Les responsabilités sont organisées verticalement. Le conseil d'administration de l'établissement scolaire établit un rapport annuel sur les résultats obtenus, sur la base d'un protocole de contrôle établi par le ministère. Le conseil d'ordre approuve ce rapport qui est ensuite présenté au ministère. Ce document est l'un des trois supports utilisés par l'Inspection pour déterminer le niveau de « contrôle qualité annuel ». Ce niveau est la traduction opérationnelle du niveau de confiance que l'État et les citoyens peuvent avoir dans la qualité des prestations éducatives fournies. Le deuxième support utilisé par l'Inspection recense les résultats obtenus par les élèves de chaque section. Enfin, le troisième support est constitué de l'ensemble des signaux émanant de l'activité éducative, captés par l'Inspection.

M. Eugène Bernard, président du conseil d'administration d'un réseau d'établissements aux Pays-Bas (« Ons Middelbaar Onderwijs »). - Je ne suis pas fonctionnaire, mais responsable d'un groupe d'écoles qui emploie 6 000 personnes et compte environ 60 000 élèves. Notre budget annuel est d'environ un demi-milliard d'euros. Mme Van Cauwenberghe fait partie de l'Inspection et nous travaillons ensemble.

S'agissant tout d'abord du fonctionnement d'une école aux Pays-Bas, je précise que tout notre travail est en faveur des élèves. Un conseil de participation, composé d'employés, de parents et d'élèves, dispose d'un droit de veto dans certains cas. Ses membres sont élus. Nous avons également un conseil d'administration, dont je suis président. Un groupe d'écoles en regroupe une centaine. Enfin, nous sommes sous le contrôle d'un conseil d'ordre. Aucun élément de ce système ne peut opérer en totale autonomie, en raison des interdépendances. Cela crée un équilibre.

L'État nous indique ce que nous devons faire. A nous de décider comment y parvenir. J'étais surpris par les débats de la première table-ronde : aux Pays-Bas, nous expérimentons de manière simple. En l'absence de résultat, aucun crédit n'est alloué. L'État me contrôle directement. La municipalité est également un partenaire, surtout en matière immobilière. Tous les employeurs appartiennent à une association et nous traitons des conditions de travail avec les syndicats d'employés.

Vous parlez de partenariat quand nous préférons parler de copropriété. Dans mon organisation, les copropriétaires sont les parents et les entreprises. Tous les ans ou tous les deux ans, une convention collective de travail est définie. Elle peut différer d'un groupe d'écoles à un autre. S'il existe une convention collective nationale, des différences sont cependant admises, permettant aux employeurs de se distinguer les uns des autres.

La dotation des moyens est basée sur le nombre d'élèves. Un tarif différentiel est appliqué selon le type d'enseignement (professionnel ou général). La simplicité de ces financements nous permet, connaissant le nombre d'enfants que recevront nos écoles dans les années à venir, d'établir des budgets prévisionnels sur cinq à dix ans.

Dans notre bilan annuel, nous rendons compte des activités d'éducation et des données financières.

Nos cycles d'évaluation concernent les dispositifs mais surtout les résultats car l'important, ce sont les élèves.

Le degré d'autonomie dont nous disposons en tant qu'organisation existe aussi pour les écoles elles-mêmes. Lorsqu'un proviseur a une bonne idée, nous en discutons. Si elle ne présente pas de risque pour les élèves, il peut l'expérimenter. Les résultats de nos expérimentations sont systématiquement publiés.

Mme Marie-Caroline Missir. - Pour poursuivre, je propose aux intervenants de réagir sur ces trois présentations.

M. William Marois, recteur de l'académie de Créteil. - La nation confie trois grandes missions à notre école :

- transmettre les connaissances ;

- préparer l'insertion professionnelle ;

- former des citoyens responsables.

Nous y répondons dans le cadre de partenariats de deux types : liés à une coresponsabilité avec des partenaires, ou à une volonté d'ouverture du système éducatif. Les premiers peuvent s'établir avec les collectivités territoriales, mais également avec les parents. Le partenariat avec les communes date du XIXe siècle et les inspecteurs de l'éducation nationale en ont l'habitude. Plus récemment, il s'est établi avec les collèges et les lycées, dans le cadre des lois de décentralisation. A ce titre, seront par exemple signés le 1er juin prochain les contrats de plan régionaux pour le développement des formations professionnelles, entre les conseils régionaux, les préfets et les autorités académiques. Au delà de ce que la loi a confié aux collectivités, celles-ci s'engagent dans d'autres dossiers, tel celui de l'information et de la communication. C'est à ce titre que l'association des maires d'Ile-de-France a récemment signé une convention avec l'académie de Créteil pour cadrer le développement de ces technologies dans les écoles.

Plusieurs textes ont par ailleurs permis de redéfinir les relations de l'école avec les parents, au niveau des conseils de classe, d'école ou d'administration, et dans de nombreuses autres instances telles les commissions d'appel ou les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté.

Les partenariats d'ouverture concernent le monde de l'entreprise et les autres partenaires des politiques éducatives. Avec les entreprises, un partenariat traditionnel est lié à la définition des formations. La réforme du baccalauréat professionnel a ainsi fait l'objet de discussions importantes avec les branches professionnelles au niveau national. Ce partenariat est également important pour les périodes de formation des élèves en entreprise et pour la validation de diplômes. Il peut aller au-delà, par exemple avec le développement de formations sous statut d'apprenti dans les établissements scolaires, la validation des acquis de l'expérience, ou le développement de plateformes de technologie. Enfin, des conventions peuvent être signées avec la justice, la police, la gendarmerie, les mairies, centres sociaux ou conseils généraux, pour sensibiliser les jeunes à diverses thématiques comme la justice ou pour les signalements. Certaines communes et certains conseils généraux se sont en outre récemment engagés sur la prise en charge des jeunes temporairement exclus de leurs établissements.

Le partenariat est irréversible et indispensable. Le dialogue et le respect mutuel des partenaires sont garants de son bon fonctionnement.

M. Pierre Moya, inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Val-de-Marne. - Au niveau des établissements scolaires, nous sommes très largement sollicités par de nombreux acteurs souhaitant intervenir pendant le temps scolaire. Or nous devons rester vigilants pour ne pas risquer de pénaliser le temps de classe, quel que soit l'intérêt de ces interventions. En effet, notre premier engagement à l'égard des parents et des élèves consiste à garantir le temps d'apprentissage. Nous devons toujours nous demander en quoi une intervention va faciliter l'acte pédagogique et donc améliorer la performance de nos élèves. J'ai dirigé un collège. En mettant bout à bout l'ensemble des interventions qui nous étaient proposées, j'avais calculé que le temps de classe aurait été diminué d'un tiers.

Enfin, nous sommes fortement sollicités par les communes dans le cadre du développement des outils informatiques. Cela se passe dans un esprit de dialogue, les communes nous demandant de les aider à investir de façon pertinente, en évitant les effets « gadget ».

Mme Marie-Caroline Missir. - Jean Monié, vous avez mis en place un partenariat original que je vous laisse présenter.

M. Jean Monié, premier-adjoint, mairie de Scionzier. - S'associent à cette présentation Mme Chabrier et M. Cédric Mayol, directeur de l'école élémentaire située sur la commune.

En acceptant de participer à cette table ronde, je n'envisage que de témoigner d'une expérience locale pouvant éventuellement enrichir le débat. Je suis adjoint délégué aux affaires sociales et scolaires à Scionzier, qui compte sept mille habitants et a connu une progression démographique de 15 % en dix ans. La commune compte 20 % de logements sociaux sur un parc de 2 400 logements et connaît un taux de chômage de 7 à 10 %. 23 % de la population est étrangère. 1 400 élèves sont scolarisés dans cet établissement scolaire des premier et second degrés.

Depuis 1995, la commune a orienté son action en faveur de l'enfant et de son éducation, soutenant sans réserve tous les acteurs qui y contribuent. La programmation pluriannuelle des investissements s'est donc vite polarisée autour de la réhabilitation des groupes scolaires et de la construction de crèches. Entre 1998 à 2001, nous avons créé un nouveau groupe scolaire avec restauration et centre de loisirs, pour environ 3,5 millions d'euros. La période 2002 - 2001 a été consacrée à la réhabilitation d'un groupe élémentaire pour 12 millions d'euros.

Un projet d'une telle envergure n'était concevable et viable qu'à deux conditions :

- un apport budgétaire hors norme ;

- la mise en oeuvre d'une concertation avec le corps enseignant, les parents d'élèves, le personnel communal et l'ensemble des acteurs de l'éducation scolaire et périscolaire.

La stabilité des personnels et des équipes politiques, mais également des praticiens municipaux a conforté les échanges et permis une meilleure connaissance et une compréhension plus aisée de l'autre. L'évolution de la méthodologie adoptée avec le traitement des problématiques sociales impulsées par la politique de la Ville a conféré à ce partenariat une rare richesse. La transcription au secteur éducatif n'en a été que plus aisée, permettant l'essor du programme de réussite éducative. L'enfant, son éducation et son environnement, nécessitent donc une prise en charge globale des problématiques sociales, familiales et éducatives. La réponse ne peut que tendre vers la pluridisciplinarité et suggérer des partenariats multiples.

Ainsi, sur cette commune, le secteur social réunit le Centre communal d'action sociale (CCAS), les assistants sociaux, le conseil général, les associations caritatives et familiales. Le volet logement mise sur une coordination systématique avec le principal bailleur social, pour réaliser une politique de peuplement concertée et garantir la mixité sociale. Le volet éducatif privilégie un dialogue constant avec les enseignants, leur hiérarchie et les associations de parents d'élèves. L'emploi et l'orientation ont réuni en un lieu unique les permanences de Pôle emploi, la mission locale pour les jeunes et la Maison de l'emploi. Chacun de ces ensembles partenariaux est à même de dialoguer avec tout ou partie d'un autre ensemble, à tout instant, grâce à l'interface communale. L'éducation nationale peut par exemple interpeler le CCAS sur la situation financière d'une famille. L'information est alors immédiatement relayée à l'assistante sociale, voire au bailleur, pour que soient mises en place des solutions rapides et pérennes.

Un partenariat direct consiste en la mise à disposition de l'école élémentaire de deux agents municipaux ; un poste d'assistant d'éducation apporte aux enseignants un soutien en informatique, lors de sorties pédagogiques ou assure une mission de surveillance. Un partenariat indirect est assuré par deux éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives (ETAPS) en mairie, qui interviennent à l'école pour des modules sportifs. Une formatrice FLE (Français langue étrangère) est également mise à disposition du collège dans le cadre d'actions concernant les primo arrivants et le soutien socio linguistique aux mères de famille.

Le « coup de pouce » du programme de réussite éducative (PRE) à l'école est le soutien de la politique sociale de notre commune. S'il disparaît, tout le système risque de s'effondrer. Pour vingt-cinq familles identifiées en difficultés dans le cadre du PRE., le budget accordé par les services de l'État avoisine 100 000 euros, alors que la commune finance à hauteur de 60 000 euros.

Je remercie l'éducation nationale pour le maintien de la classe-passerelle à l'école maternelle du Crozet.

M. Jean-Jacques Hazan, président de la fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE). - Pour faire réussir les élèves, nous devons considérer que notre fonctionnement éducatif actuel est insuffisant. En effet, nous sommes loin de mener 85 % d'une classe d'âge au baccalauréat ou 50 % d'une autre à bac plus trois. Quant aux sorties du système éducatif sans qualifications, elles existent toujours. Nous devons organiser les convergences entre les différents acteurs publics pour atteindre ces objectifs.

Un récent rapport de l'OCDE montre que plus les collectivités interviennent dans la petite enfance, plus l'égalité entre hommes et femmes au travail est effective, et que plus la scolarisation est précoce, meilleurs sont les résultats. Nous devrions donc sans doute investir plus dans la petite enfance, et donc dans les écoles maternelles. Or, depuis de nombreuses années, alors que les dépenses publiques dédiées à la petite enfance ont largement augmenté, le service rendu s'est réduit. En effet, alors que les municipalités créaient de nombreuses places en crèches ces dernières années, le nombre de classes en écoles maternelles s'est tellement réduit que l'accueil est devenu très insuffisant.

En termes de sectorisation, nous savions qu'à Paris, l'absence de sectorisation au niveau des lycées avait entraîné une hiérarchisation des établissements. Malgré cela, la carte scolaire a été ouverte sans réflexion avec les collectivités territoriales, à qui il est maintenant demandé de mieux mailler le territoire en fermant des établissements ou en les regroupant, sachant que 200 000 élèves supplémentaires sont attendus dans les collèges d'ici quatre ans.

Il est nécessaire, pour un partenariat bien compris, que les projets et les moyens afférents soient stabilisés et ne soient pas sans cesse remis en cause. Lorsqu'il est question de regroupements d'établissements, il faut des regroupements physiques. La réflexion doit avoir lieu d'abord au niveau du territoire et en impliquant les familles, alors qu'aujourd'hui, tout est prédéterminé par les postes à l'éducation nationale.

Les collectivités territoriales investissent massivement dans l'école depuis plusieurs années et sont allées bien au-delà de leurs prérogatives. En 1990, elles contribuaient pour un peu moins de 15 % à la dépense d'éducation, contre plus de 25 % aujourd'hui, en raison du désengagement de l'État. Elles ne doivent pas être considérées que comme des payeurs ou des organismes se contentant d'appliquer des lois telles que le service minimum d'accueil.

Sur les questions relatives au bien-être à l'école, une coopération est nécessaire. Elle peut porter par exemple sur le mal de dos, qui coûte très cher en termes de santé publique. Les cartables des enfants restent très lourds. Une collaboration est possible à ce titre avec les collectivités territoriales qui pourraient par exemple inviter des kinésithérapeutes à présenter les bonnes postures. Se pose aussi une question de mobilier.

Enfin, il serait temps que l'éducation nationale fasse ce que les parlementaires ont suggéré en se concertant véritablement avec les collectivités territoriales. Comment décloisonner ? Les parents ne sont pas des partenaires mais des membres à part entière de la communauté éducative. Ils sont co-éducateurs mais il ne s'agit pas de leur demander de faire la même chose que les enseignants. La sous-traitance des devoirs aux familles est une mauvaise chose. Il faut réfléchir avec eux et leur donner les moyens de faire, chez eux, un travail complémentaire à celui de l'école.

Il existe d'autres complémentarités. Je salue la réflexion menée aujourd'hui entre l'éducation nationale et les politiques. Il peut exister des partenariats avec les quartiers. Dans les collèges, il existe des difficultés de passerelles entre la vie dans le collège et en dehors. Cela génère de nombreuses peurs. Le rapport entre un collège et la population de son quartier est primordial ; il faut une plus grande porosité entre les deux.

Par ailleurs, si la répartition entre les heures « postes » et les heures supplémentaires était meilleure pour améliorer les remplacements, sans doute n'aurions-nous pas besoin de partenariat avec Pôle emploi.

Pour que les partenariats fonctionnent, il ne faut pas oublier qu'ils se gèrent avec des humains. C'est pourquoi il faut redévelopper une vraie formation des enseignants. Enfin, il existe une colonne vertébrale nécessaire pour la mise en cohérence des projets axés sur la réussite de tous les élèves : les inspecteurs de circonscription, trop peu souvent évoqués.

Mme Marie-Caroline Missir. - Jean-Yves Rocca, comment vivez-vous les partenariats et le décloisonnement ?

M. Jean-Yves Rocca, secrétaire général du Syndicat des personnels administratifs (UNSA) de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. - Selon la loi du 13 août 2004, « l'éducation est un service national dont l'organisation et le fonctionnement sont assumés par l'État, sous réserve des compétences attribuées par le présent code de l'éducation aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public ». Cette définition rejoint les interrogations du recteur de Grenoble ce matin. Passer au partenariat, c'est sortir du discours et contractualiser sur trois niveaux : État/collectivités, État/établissements et collectivités/établissements. Cette organisation n'a de sens que pour atteindre les objectifs pédagogiques fixés. Selon une étude publiée par le Conseil d'État en août 2010, l'établissement public dispose d'une plasticité certaine pour répondre à des objectifs différents. Si l'établissement est l'unité de base de notre service public, pour répondre aux objectifs fixés par la Nation, il faut construire son autonomie en mettant en place une gouvernance en son sein. Il a fallu attendre le vingt-cinquième anniversaire de l'établissement public local d'enseignement (EPLE) pour déboucher sur un concept qui n'existait pas : une équipe de direction avec un chef d'établissement entouré de cadres dont un cadre administratif, qui est l'interlocuteur des comités de rattachement. L'intendant n'est pas seulement un agent chef. Il est le cadre administratif qui seconde le chef d'établissement dans toutes les tâches administratives et financières.

Mme Marie-Caroline Missir. - Pour conclure, la directrice de l'IFRAP va nous apporter son regard sur les débats que nous venons d'avoir.

Mme Agnès Verdier-Molinié, présidente de l'Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP). - La fondation IFRAP a pour mission d'évaluer les politiques publiques. Sa vision est très extérieure car elle ne bénéficie que de financements privés. Je vais vous faire part d'une recherche que nous sommes en train de réaliser, susceptible d'ouvrir quelques perspectives dans ce débat.

Notre étude vise à comparer les dépenses annuelles agrégées de l'État, des collectivités territoriales, des parents et des entreprises, par élève, entre les secteurs public et privé en France. Ce type d'étude n'a jamais été mené auparavant. Elle se base notamment sur les chiffres RERS (Repères et Références Statistiques) disponibles au ministère.

Nous partons du postulat que les résultats obtenus par le public et le privé sont comparables. Dans le premier degré, le secteur public dépense en moyenne 5 469 euros par an et par élève, alors que le privé n'en dépense que 3 443. Il conviendra, par la suite de l'étude, d'analyser les causes de cet écart de 2 026 euros. Dans le second degré, la dépense globale collective se monte en moyenne à 9 989 euros dans le public et à 7 201 euros dans le privé. Cet écart de 2 788 euros nous paraît considérable et il me semble nécessaire de mettre en place des indicateurs beaucoup plus fins dans la LOLF (loi d'orientation des finances publiques) pour analyser le coût des élèves dans le public et le privé. Si les quatre milliards d'euros de dépenses d'administration ne sont pas compris dans ces coûts, les dépenses d'investissement le sont.

La comparaison globale hors investissement n'a pas pu être établie. Elle l'a en revanche été au niveau des départements, comme nous le verrons ensuite.

Des comparaisons par région ont également été effectuées, sans pouvoir distinguer fonctionnement et investissement. Nous avons du mal à comprendre comment se décide le niveau de dépense. Alors que certaines régions comme le Limousin dépensent plus de 4 000 euros par élève et par an dans le public, le coût est inférieur à 700 euros dans le privé. Nous ne comprenons pas comment se font les choix politiques menant à de telles disparités par région, par élève et par an, et entre le public et le privé. Il nous semble que si le système est très centralisé par certains aspects, il existe des normes de dépenses totalement laxistes, laissées à la discrétion des décideurs locaux. Aux Pays-Bas, il existe un tarif par élève ; je souhaiterais savoir s'il est normalisé.

Enfin, au niveau des départements, si nous sommes parvenus à isoler les dépenses de fonctionnement, nous n'avons en revanche pas pu comparer les secteurs public et privé. D'un département à l'autre, les dépenses de fonctionnement sont très hétérogènes. Par exemple, le Cher a dépensé 1 478 euros annuels par élève en 2008 alors que le Loir-et-Cher n'a dépensé que 375 euros.

Il faut s'interroger sur la décentralisation, la France étant le pays le plus centralisé dans sa gestion de l'éducation. Mais dans le dernier rapport de l'OCDE, il est rappelé que la décentralisation a sans doute occasionné des pertes d'économies d'échelle. Par exemple, avoir donné aux régions la responsabilité des lycées et aux départements celle des collèges a probablement augmenté les dépenses publiques quand les deux établissements sont situés sur un même site géographique, en raison de problèmes de coordination entre ces deux collectivités. La clause générale de compétence mérite d'être questionnée pour parvenir à une gestion plus efficiente, dans le contexte difficile de la France en matière de dépenses publiques.

Il nous faut comprendre pourquoi un élève du privé peut être amené jusqu'au bac avec des dépenses tellement moindres que celles du public.

En conclusion, ne serait-il pas possible de s'inspirer de bonnes pratiques du privé ? La règle des 80/20, selon laquelle 80 % des moyens sont alloués au public et 20 % au privé ne devrait-elle pas être redéfinie ? Ne serait-il pas possible d'envisager la gestion de collèges ou de lycées en délégation de service public ? Se pose enfin la question de la transparence. Les écarts de dépenses entre le public et le privé mériteraient un examen de la Cour des comptes car nous ne savons pas les expliquer.

Mme Marie-Caroline Missir. - Avez-vous présenté cette étude au ministère ? Quel est son devenir ?

Mme Agnès Verdier-Molinié. - Il existe des échanges officieux avec le ministère. L'étude n'est pas totalement terminée. Il faut se poser la question de l'efficience de nos dépenses.

Mme Marie-Caroline Missir. - La question finale est : l'éducation restera-t-elle nationale ? Vous pointez des questions essentielles. Nous sommes très intéressés par le devenir de cette étude.

Mme Béatrice Chesnel, présidente de l'Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE). - Il a souvent été question de partenariats entre rectorats, collectivités et ministère, parfois avec les parents. M. Dubois a présenté un partenariat dans lequel les parents étaient intégrés dès l'origine du projet, ce qui est une excellente façon de les amener à accepter une nouveauté. De nombreux projets aboutiraient à des résultats beaucoup plus positifs si les parents étaient mieux associés dès le départ.

Le coût d'un enfant dans l'enseignement ne doit pas être déterminé selon qu'il s'agit du public ou du privé, mais en fonction de l'objectif à long terme de l'éducation de nos enfants. C'est un investissement national que nous consacrons à l'éducation de nos enfants, qui sont les adultes de demain et feront fonctionner le pays. En tant que parent, je suis profondément choquée d'entendre parler de coût par enfant. Nos enfants ne sont pas des marchandises.

M. Laurent Escure, secrétaire national du Syndicat des enseignants - Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA). - L'étude qui vient d'être présentée mériterait d'être plus complète et plus sérieuse. Vous annoncez des chiffres qui ne sont pas surprenants. Les écarts de dépenses entre deux régions entre le public et le privé sont normaux, dès lors que les investissements sur le second degré sont soit interdits soit plafonnés à 10 % pour le privé et que les collectivités territoriales respectent cet interdit.

Pour mesurer les performances des élèves par rapport au bac, il conviendrait de tenir compte du « zapping » existant dans le parcours des élèves : souvent, ils sont dans le public en primaire, dans le privé au collège, puis terminent leur scolarité dans des lycées publics. Enfin, le public ne choisit pas ses élèves. Les 20 % d'élèves en très grande difficulté, notamment ceux des zones d'éducation prioritaire, sont dans le public, ainsi que 97 % des élèves en situation de handicap et 97 % des primo-arrivants.

Il serait plus intéressant de comparer les investissements de la Nation pour ses élites, déjà « triées », avec ceux qui sont consacrés aux autres élèves. Ainsi, les dépenses pour les élèves en classes préparatoires sont deux à trois fois supérieures à celles destinées aux élèves en collège ou en école primaire. C'est là que nous devons nous interroger.

M. Yves Winkin, directeur de l'Institut français de l'éducation et professeur à l'Ecole normale supérieure de Lyon. - L'IFEN a remplacé l'INRP (Institut national de recherche pédagogique) fin 2010. L'INRP a été intégré dans l'Ecole normale supérieure et nous pouvons ainsi espérer que la recherche bénéficiera à l'enseignement. Pour répondre à la remarque faite sur le côté théologique des sciences de l'éducation, nous avons gardé à l'IFEN un rapport très proche avec le terrain grâce à une quarantaine d'enseignants détachés, une douzaine d'enseignants détachés à mi-temps. Nous avons en outre gardé des heures permettant de financer des travaux sur le terrain, avec les enseignants en classe. Cette articulation peut permettre de répondre à des demandes d'évaluation.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Je remercie tous nos intervenants, dont la confrontation des points de vue s'est révélée aussi enrichissante que nous l'espérions. Vous serez bien entendu tous invités lors de la présentation, en juin, du rapport de la mission.

Tout au long de ses travaux, la mission a constaté que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes et que nous devons relever le défi d'une meilleure efficacité et d'une plus grande équité. Je suis obsédé par un chiffre : un fils d'ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur. Plusieurs pays voisins, tels le Portugal ou la Suisse, sont confrontés au même défi. Pour le relever, nous devons répondre à deux questions majeures :

- jusqu'où aller dans la déconcentration, tant de gestion que pédagogique, en évitant que les rectorats ne deviennent des « mini-rues de Grenelle » ? Nous perdrions alors en cohérence nationale sans pour autant bénéficier des dynamiques locales. Peut-être faudrait il s'inspirer, au niveau des établissements, des exemples portugais, suisse ou hollandais, ces trois pays ayant des systèmes très différents et parfois opposés. Le Portugal s'engage dans la voie de l'autonomie. En Suisse, il existe autant de systèmes éducatifs que de cantons. Il convient de rester vigilant en termes d'autonomie ;

- comment articuler localement les interventions des divers services de l'État et des collectivités territoriales, tous en associant les parents d'élèves et le monde socio-économique ? Il convient de mettre en oeuvre un véritable partenariat entre tous les acteurs pour entrer dans des compétences plus partagées.

Pour terminer, comme l'a conclu la commission Thélot, « notre école va bien pour les enfants qui vont bien ». Notre mission est de faire en sorte que notre école convienne à l'ensemble de nos élèves. Comme l'a dit en ouverture le Président Larcher, il nous faut une école semblable pour tous et respectueuse de la diversité des enfants, des besoins de l'économie locale et des territoires.