COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mardi 3 juin 2014

- Présidence de Mme Annie David, sénatrice, présidente -

La réunion est ouverte à 19 h 05.

Commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, s'est réunie au Sénat le mardi 3 juin 2014.

La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué : Mme Annie David, sénatrice, présidente ; Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente ; M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires a été adoptée le 24 février à l'Assemblée nationale et le 14 mai par le Sénat. Deux articles ont été votés conformes, sept restent en discussion, dont deux avaient été ajoutés par le Sénat. L'article 1er est l'objet de la majorité des quelque quarante propositions de rédaction sur lesquelles nous avons à nous prononcer.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Le Sénat et l'Assemblée nationale sont en désaccord principalement sur deux points : le montant de la gratification et la durée de stage à partir de laquelle elle doit être obligatoire. Au risque de surprendre plusieurs d'entre vous, je dirais qu'il ne faut pas, en la réduisant trop, dissuader les employeurs de prendre des stagiaires.

MM. Dominique Tian et Gérard Cherpion, députés. - Très bien !

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Un stage n'est pas un emploi. Dans le secteur médico-social, la demande de stagiaires ne fait que croître...

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je suis confiante en notre capacité à trouver un accord qui montrera que les stagiaires ont été enfin entendus.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a adopté la proposition de loi de Mme Khirouni après avoir examiné 150 amendements en trois semaines de débats. Je suis heureux de voir l'aboutissement d'un mouvement que j'avais cherché à initier par une proposition de loi que j'avais déposée il y a sept ans mais qui avait été rejetée.

Le Sénat a enrichi le texte, pour renforcer la lutte contre la précarité des stagiaires, responsabiliser davantage les établissements d'enseignement envers leurs élèves en stage et tenir compte de la situation spécifique des maisons familiales rurales (MFR), auxquelles chacun ici est très attaché - tous les groupes politiques du Sénat y ont contribué.

Sur ma proposition, le Sénat a porté le montant minimal de la gratification des stagiaires de 12,5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros. Il a également rendu la gratification obligatoire pour tous les stages de l'enseignement supérieur d'une durée de plus d'un mois, contre deux à l'heure actuelle. Enfin, sur proposition des groupes CRC et RDSE, nous avons étendu à tous les stagiaires l'accès à la restauration collective de l'organisme d'accueil et aux titres-restaurant ainsi qu'à la prise en charge des frais de transport.

J'avais souhaité, lors de l'examen du texte en commission, limiter la durée de travail des stagiaires à la durée légale de travail, soit 35 heures par semaine, afin de rappeler que les stagiaires ne sont pas des salariés à part entière et qu'ils n'occupent pas un emploi permanent de l'entreprise. Trop souvent, des stagiaires travaillent bien plus sans que leur gratification en soit augmentée. Celle-ci ne devrait-elle pas dépendre de la durée travaillée ? Le Sénat est revenu sur cette modification, je le regrette.

Afin que les établissements d'enseignement s'impliquent davantage dans le suivi de leurs élèves, la commission des affaires sociales a confié à leur conseil d'administration, sur ma proposition, le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités de leur suivi. Le Sénat a précisé qu'il s'agira d'un suivi pédagogique et administratif constant, et qu'un décret déterminera un plafond de stagiaires par enseignant référent. Sur proposition des sénateurs du groupe UMP, un lien direct entre l'enseignant référent et le tuteur du stagiaire a été établi afin qu'ils se concertent à plusieurs reprises pour assurer le bon déroulement du stage. Les établissements seront tenus de proposer un stage obligatoire à leurs étudiants n'ayant pas réussi à en trouver dans les délais impartis, sans que ces derniers puissent le refuser. Je ne vois pas bien, toutefois, comment les établissements trouveront si facilement des offres de stage. Prévoir que les étudiants concernés ne pourront pas refuser me semble un peu radical...

A l'approche des débats au Sénat, les MFR ont fait part de leurs craintes, en particulier en matière de gratification des stagiaires. Les règles de droit commun imposant une gratification pour tous les stages et périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) de plus de deux mois, auxquelles elles sont soumises, ne semblent pas avoir été appliquées. Un amendement du Gouvernement a ouvert la possibilité de dérogations au bénéfice des PFMP et des MFR. Le projet de décret qui nous a été communiqué prévoit que la gratification sera obligatoire pour les PFMP de plus de trois mois, ce qui correspond à la demande des MFR. Je suis satisfait que tous les acteurs concernés soient parvenus à un compromis.

Enfin, sur proposition commune de l'UMP, de l'UDI et du RDSE, les stagiaires embauchés ensuite en CDI dans le même organisme devraient être comptabilisés au même titre que des jeunes en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation pour le calcul du bonus-malus apprentissage. Cette confusion est contraire à l'objectif, consensuel, de développer l'alternance et de modifier la perception qu'en ont nos concitoyens mais aussi, trop souvent, les enseignants du secondaire. Pour cette raison, je vous proposerai, en accord avec Mme Khirouni, de supprimer cet article.

Au vu de la portée de cette proposition de loi, attendue par la jeunesse, j'espère que cette commission mixte paritaire parviendra au meilleur accord possible.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Ce texte est né du constat que les dispositions régissant le recours aux stages et aux PFMP étaient parfois mal comprises ou mal appliquées, et de la volonté d'envoyer un signal fort à la jeunesse en améliorant le statut des stagiaires. Equilibré, il fait suite à de nombreuses discussions et a également pour ambition de développer l'offre de stages.

Son message le plus important est de confiance en la jeunesse, en ses talents, ses compétences, et d'espoir en sa capacité à créer de la richesse. Il renforce l'accompagnement des stagiaires, améliore leurs conditions d'accueil par la convention de stage tripartite, et leur donne certains droits, en rappelant que le stage est un outil de formation lié à un projet pédagogique. Certaines dispositions luttent contre les abus : un stage n'est pas un travail.

Nous avons trouvé un équilibre en prévoyant une revalorisation de la gratification selon des modalités qui laissent aux structures d'accueil le temps de s'adapter. Reste la question de la durée de stage y donnant droit : je crois qu'il faut revenir à deux mois, pour ne pas tarir l'offre. Tâchons d'aboutir à un texte équilibré et favorable à la jeunesse.

M. Patrick Hetzel, député. - Non, ce texte n'est pas équilibré. Le droit existant protège déjà les stagiaires en prévoyant que les stages doivent s'inscrire dans un cursus pédagogique. Le stage ne doit pas remplacer un emploi permanent, temporaire ou saisonnier et le stagiaire ne peut remplacer un salarié absent, suspendu ou licencié. La loi Cherpion, qui apportait de nombreuses avancées (délai de carence, gratification obligatoire au-delà de deux mois de stage, déduction de la durée du stage de la période d'essai en cas d'embauche, intégration de cette durée dans le calcul des droits à l'ancienneté...) résultait d'une véritable concertation avec les partenaires sociaux.

Cette proposition de loi, quant à elle, est dangereuse, parce qu'elle raréfiera l'offre de stages. Les mesures prévues en faveur des MFR montrent bien que vous prenez conscience d'un problème qui se pose partout. Le mieux est l'ennemi du bien : pour protéger les stagiaires encore faut-il qu'il y ait des stages. Alors qu'un stage est devenu un passeport pour l'emploi, n'empêchons pas les jeunes de valider leur cursus faute d'avoir pu en accomplir un.

Le texte fait des stagiaires de pseudo ou de petits salariés : inscrits au registre du personnel, leurs horaires de travail sont calqués sur ceux des salariés, et ils bénéficient des droits salariaux comme l'accès aux congés familiaux. Leurs conditions de travail seraient contrôlées par l'inspection du travail et non plus par l'autorité académique... Ne sont-ils plus des élèves en formation ? L'entreprise, qui exige d'embaucher des candidats expérimentés, doit rester un lieu de formation.

Limiter le nombre de stagiaires en fonction des effectifs et créer une amende administrative sont deux mesures dangereuses. Qu'en est-il des start-up ? Les stagiaires, qui peuvent y être proportionnellement très nombreux, y suivent une vraie formation. Nous n'avons jamais eu de réponse à cette question. L'assimilation du stage à un contrat de travail aggrave la charge administrative pour les entreprises : ce n'est pas la bonne voie.

M. Gérard Cherpion, député. - Je suis d'accord. Les propos des rapporteurs manifestent bien une certaine ambiguïté : après avoir déclaré que le stage - contrairement à l'apprentissage - ne donne pas lieu à un contrat de travail, vous indiquez que le stagiaire n'est pas un salarié à part entière. Classer ainsi les stagiaires parmi les salariés ne rend service ni aux entreprises, pour lesquelles les stagiaires sont un apport extérieur précieux, ni aux jeunes, qui ne trouveront plus de stage.

M. Denys Robiliard, député. - Certes, un stage ne donne pas lieu à un contrat de travail. Mais de nombreuses entreprises utilisent des stagiaires en lieu et place de salariés. L'unique objet de cette proposition de loi est de mettre un terme à cet abus, sans dissuader pour autant de recruter de vrais stagiaires, c'est-à-dire des personnes passant un temps limité dans l'entreprise dans le cadre d'un processus de formation.

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Nous avons voté contre ce texte en dépit de l'adoption de certains de nos amendements parce qu'il restait coercitif et susceptible d'être perçu négativement par les entreprises. Il faut plus de souplesse pour tenir compte de la spécificité des stages. Nous verrons quel sort sera réservé à nos propositions de rédaction.

Mme Françoise Férat, sénatrice. - Nous avons réussi à obtenir copie du projet de décret relatif aux MFR. Je propose d'élargir le champ des dérogations. Dans l'enseignement agricole, trouver un maître de stage est un vrai parcours du combattant. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas voté en faveur de ce texte.

M. Dominique Tian, député. - Je comprends l'inquiétude du monde agricole. Le monde médical, qui a largement recours aux stagiaires, doit aussi être anxieux, car aucun financement n'a été prévu, si ce n'est 60 millions d'euros qui ne suffiront certainement pas pour les milliers de stagiaires concernés. Le problème du nombre de stagiaires par établissement se posera également...

M. Patrick Hetzel, député. - La loi Cherpion suffit pour lutter contre les abus. S'il y en a, ils restent marginaux. Pourquoi alors créer une véritable usine à gaz ? Le discours qui les dénonce comme systématiques ne s'appuie sur aucune statistique probante, mais justifie des mesures qui portent un coup à la compétitivité de notre pays.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Nous ne croyons pas qu'il s'agisse d'une usine à gaz. Les abus sont-ils vraiment marginaux ? Je n'en suis pas certaine. La loi Cherpion a posé des bases, certes, mais il faut faire plus. Ce texte, qui n'est pas contraignant, favorisera de meilleures relations entre entreprises et stagiaires, dont les qualités méritent davantage de respect.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Dans le secteur médico-social, le coût a été évalué à 7,4 millions d'euros. D'ores et déjà, 5,3 millions d'euros sont prévus pour la rentrée 2014. Cela n'avait jamais été fait !

M. Dominique Tian, député. - C'est une dépense supplémentaire...

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Il a fallu attendre la décision de Mmes Touraine et Fioraso pour que ces stagiaires soient gratifiés comme les autres. Certes, il ne s'agit pas de 60 millions d'euros...

M. Dominique Tian, député. - Malheureusement !

M. Gérard Cherpion, député. - Une très grande entreprise française accueille chaque année 400 stagiaires, qui sont tous en fin de cycle de formation ou en doctorat. Il s'agit de stages longs, de plus de quatre mois, rémunérés au-dessus du Smic. Sur ces 400 stagiaires, 250 sont embauchés chaque année. Les entreprises savent être vertueuses... Quand j'ai été invité à débattre de ce texte sur RTL, le représentant de Génération précaire est intervenu par téléphone et n'a donné que son prénom. Cela relativise les arguments de ce groupe de pression...

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La proposition n° 1 est rédactionnelle.

La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 2 supprime l'obligation pour l'établissement d'enseignement de proposer un stage à l'étudiant qui n'en aurait pas trouvé un dans les délais, et pour celui-ci de l'accepter. Cela crée un droit opposable. Comment l'établissement trouvera-t-il les stages ? Et comment imposer à l'étudiant d'accepter un stage ?

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Parfois les élèves ont du mal. La rédaction adoptée en séance visait à les aider. Comment l'établissement trouvera-t-il les stages ? Cela lui sera toujours plus facile qu'à l'étudiant ! Celui-ci sera-t-il déresponsabilisé pour autant ? Non, s'il est obligé d'accepter le stage proposé. L'amendement était de bon sens.

M. Patrick Hetzel, député. - Soyons cohérents : nous souhaitons en rester à la loi Cherpion mais, quitte à modifier le statut juridique des stages, autant donner aux établissements d'enseignement une part de responsabilité. La loi LRU a instauré en 2007 dans les universités un bureau d'aide à l'insertion professionnelle : ils seraient ici pleinement dans leur rôle. Ne revenons pas sur une disposition ajoutée par le Sénat avec une grande sagesse.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Ceux qui ont un réseau trouvent facilement un stage. Cette disposition concerne ceux qui n'en ont pas. Obliger les établissements à leur trouver un stage, pourquoi pas ? Contraindre les étudiants à les accepter me paraît exorbitant : ils peuvent être d'intérêt très divers, ou leur poser des problèmes d'organisation insurmontables. Nous devons les protéger.

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Un organisme de formation qui proposerait un stage inintéressant mériterait une évaluation immédiate, car ce serait gravissime. Le décret déterminera les conditions dans lesquelles le stagiaire peut refuser l'offre, notamment pour des raisons géographiques. Le dispositif est équilibré.

M. Patrick Hetzel, député. - Il est légitime que les organismes de formation aident les étudiants à trouver un stage. Ils sont contrôlés, et l'Etat a le monopole de la collation des grades et diplômes. Voulons-nous déconstruire notre droit ? Prévoir un décret laisse toute latitude au Gouvernement de mener les concertations souhaitables. Votre vision de l'intérêt de l'étudiant est très orientée... Nous ne comprenons pas cette proposition de rédaction.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Le texte mentionne déjà le rôle de l'établissement d'enseignement dans la recherche du stage et dans son suivi.

M. Gérard Cherpion, député. - L'amendement concernait aussi les jeunes ayant un réseau mais ne souhaitant pas y avoir recours. Le meilleur réseau pour ceux qui n'en ont pas reste l'organisme de formation.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Tout est déjà dans le texte, hormis la contrainte. Laissons aux étudiants leur libre-arbitre !

Mme Catherine Deroche. - Il faut les responsabiliser.

La proposition de rédaction n° 2 est adoptée, ainsi que la proposition de rédaction n° 3.

M. Patrick Hetzel, député. - Quelques professions ont des règles particulières d'accès au diplôme. La proposition de rédaction n° 4 en tient compte.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Avis défavorable. Le texte définit une durée maximale de six mois. Aller au-delà nous fait sortir du cadre de la formation. Il faut réduire le nombre de dérogations.

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Nous voterons cette proposition de rédaction. Il faut tenir compte de la spécificité des métiers et des formations. L'objectif est que les jeunes trouvent un emploi à l'issue de leur cursus.

M. Dominique Tian, député. - Nous ne pouvons que regretter l'absence d'étude d'impact. Quels sont les métiers concernés ? Dans le monde sanitaire, il faut évidemment plus de six mois. S'en remettre à un décret est plein de bon sens.

M. Patrick Hetzel, député. - La commission du titre d'ingénieur, qui est placée sous l'autorité du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, préconise que les élèves-ingénieurs fassent, comme c'est la norme à l'étranger, une année de césure. Une solution est de faire un stage long. Sans ma proposition de rédaction, cela sera impossible. Ne mettez pas en difficulté l'ensemble de notre dispositif d'ingénierie.

La proposition de rédaction n° 4 n'est pas adoptée.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Ma proposition de rédaction n° 5, comme la n° 6 de M. Cherpion, revient sur les dispositions ajoutées par le Sénat concernant la gratification des stages de plus d'un mois, même si j'en comprends la logique. Je crains une raréfaction des offres de stage.

M. Gérard Cherpion, député. - Nous retournons à la loi de juillet 2011 qui avait été négociée par les partenaires sociaux, et notamment la CFDT. Revenir à deux mois est de bon sens.

M. René-Paul Savary, sénateur. - Nous soutenons cette proposition de rédaction.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je me range à l'avis de mon homologue.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Personnellement, je m'abstiendrai.

Les propositions de rédaction identiques n°s 5 et 6 sont adoptées.

M. Gérard Cherpion, député. - La proposition de rédaction n° 7 revient au texte de l'Assemblée nationale et au code de l'éducation. Déterminer la gratification minimale par décret est plus souple ; la fixer à 15 % limitera le recours aux stages.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Ma proposition de rédaction n° 8 soutient l'avancée réalisée par le Sénat, mais inclut les stagiaires du secteur public, sans figer la gratification minimale.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - L'augmentation de la gratification avait été adoptée par la commission des affaires sociales puis en séance ; je suis favorable à la proposition de rédaction de Mme Khirouni.

M. Patrick Hetzel, député. - Le plafond peut gêner le recrutement d'élèves de CAP ou de bac professionnel chez les artisans, qui sont en difficulté. Les modifications que vous engagez de façon subreptice mettront en difficulté un public particulièrement fragile. J'aurais bien voulu entendre Benoît Hamon sur ce sujet. Le mieux est l'ennemi du bien.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Seuls les stages de plus de deux mois donnent lieu à gratification.

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Nous voterons la proposition de rédaction de M. Cherpion. Les entreprises sont déjà réticentes à payer le montant actuel, elles ne le seront que davantage. Ce que les stagiaires gagneront d'un côté, ils le perdront de l'autre, avec une diminution du nombre des offres de stage. A l'heure où on entend parler de simplification, vous créez une distorsion entre la gratification à 15 % du plafond de la sécurité sociale et la franchise de cotisations sociales, qui reste limitée à 12,5 %.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Nous parlons des stages de plus de deux mois ; les CAP et les lycées professionnels ne sont pas concernés.

M. Patrick Hetzel, député. - Le delta entre 12,5 % et 15 % peut sembler anodin, mais cette centaine d'euros peut faire réfléchir les entreprises. C'est l'inverse d'une simplification administrative. Nous serons vite interrogés dans nos circonscriptions sur ce sujet.

M. René-Paul Savary, sénateur. - Vous ne pouvez pas d'un côté déclarer vouloir des entreprises compétitives...

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Nous ne parlons pas des salariés, mais des stagiaires !

M. René-Paul Savary, sénateur. - Je parle des entreprises, que vous ne pouvez pas pénaliser par une grandeur d'âme mal placée. Nous soutenons cette proposition de rédaction raisonnable.

M. Denys Robiliard, député. - Le principe est l'augmentation de la gratification à hauteur de 15 % du plafond de la sécurité sociale, avec une entrée en vigueur différée et, corrélativement, une harmonisation des exonérations par la loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Catherine Génisson, sénatrice. - Nous rencontrons tous des élèves qui cherchent des stages et des chefs d'entreprise, notamment dans le bâtiment, qui cherchent des stagiaires, car la pénibilité supposée de ces métiers effraie beaucoup de jeunes. Personne n'a le monopole de la défense des entreprises ou des stagiaires. Bien des boulangers ou des bouchers sont prêts à payer une gratification d'un montant de 15 % du plafond de la sécurité sociale.

Mme Françoise Férat, sénatrice. - Femme d'artisan, je peux vous le dire : les entreprises cherchent des apprentis, pas des stagiaires. Qui n'a pas reçu dans sa permanence des parents désespérés de trouver pour leurs enfants un stage, indispensable pour l'obtention de leur diplôme ? Chacun voudrait augmenter la gratification ; 100 euros supplémentaires par mois semble dérisoire, mais cela ne l'est pas. Les entreprises ne prennent pas des stagiaires pour en profiter, comme cela semble être sous-entendu, mais pour rendre service.

La proposition de rédaction n° 7 n'est pas adoptée.

La proposition de rédaction n° 8 est adoptée.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 9 revient sur une rédaction proposée par Catherine Procaccia qui partait d'une bonne intention : certains organismes tirent prétexte des ponts pour ne pas payer toute la gratification au mois de mai par exemple. Cependant, une telle rédaction officialise la forfaitisation de la gratification ; or il semblerait légitime d'augmenter la gratification dans le cas d'un temps de présence du stagiaire supérieur aux 35 heures. Mme Procaccia comprendra qu'il faut éviter de bloquer toute la mécanique.

M. Patrick Hetzel, député. - Cet argument vaut pour des salariés ; nous parlons de stagiaires. Cette transposition du droit du travail m'inquiète. La formule de Mme Procaccia a toute sa place.

Mme Catherine Génisson, sénatrice. - M. Cherpion nous a parlé d'une très grande entreprise qui accueille 400 stagiaires par an, les gratifie à un niveau supérieur au Smic, et en embauche 250 par an. La rédaction de Mme Procaccia serait contreproductive en ce qu'elle reconnaît la forfaitisation.

M. Gérard Cherpion, député. - Dans cet exemple, l'entreprise qui fait le choix d'une gratification supérieure, en assume les conséquences, et paye des charges. Cela ne pose pas de problème.

Mme Catherine Génisson, sénatrice. - Elle le fait car il n'y a pas de forfaitisation.

M. Gérard Cherpion, député. - Cela n'a rien à voir. Je verse à mon stagiaire à l'Assemblée nationale plus que la gratification minimale et j'assume les charges sociales conséquentes.

M. René-Paul Savary, sénateur. - C'est une question de bon sens : les stagiaires ne vont pas être payés moins en mai à cause des ponts ; en février, la gratification changera-t-elle les années bissextiles ?

M. Denys Robiliard, député. - Distinguons deux choses : la gratification minimale, qui doit être forfaitaire, et celle qui est réellement payée, et peut dépendre du nombre de jours. Le texte pourrait être interprété dans le sens d'une obligation de payer le mois de mai quel que soit le nombre de jours travaillés, ou comme imposant le forfait y compris quand le stagiaire n'a travaillé que la moitié du mois. Il serait plus clair de dire que la gratification minimale est forfaitaire, et qu'en cas de mois incomplet, elle sera prorata temporis. Il ne faut pas favoriser l'apparition de litiges, même si je les adore professionnellement.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Nous voulons obliger les entreprises non pas à confondre stagiaires et salariés, mais à traiter les premiers aussi bien que les seconds. Le temps de travail fixé par la convention de stage pourra aller bien au-delà de 35 heures. Est-il juste qu'un stagiaire présent aussi longtemps n'obtienne pas une gratification plus forte ? Je suis sûr que nous pourrons trouver un terrain d'entente.

M. Denys Robiliard, député. - Votre raisonnement repose sur l'idée que la gratification dépend du temps de travail ; or il s'agit de temps de formation. Elève avocat, j'ai été stagiaire pendant quatre mois chez un professionnel libéral : nous ne faisions pas 35 heures. Quand vous avez la chance d'accompagner votre avocat aux assises, vous êtes content de faire des journées de 15 heures... Ne revenons pas vers la notion de temps de travail, qui nous ramène vers la rentabilité : en menant jusqu'au bout votre raisonnement, il ne serait pas illégitime à l'inverse de baisser la gratification s'il y a peu de jours ouvrés. Sanctionnons les fraudeurs qui déguisent des contrats de travail en stages, mais restons dans la logique de la gratification.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Relativisons cette question du temps de présence : le droit existant fait bien le calcul des 12,5 % sur la base de 35 heures travaillées, même si en réalité un stagiaire qui travaille 39 heures ne voit pas sa gratification revalorisée.

M. Patrick Hetzel, député. - Je partage l'analyse de M. Robiliard et son approche forfaitaire, sans laquelle nous inciterions certains professionnels à renvoyer leur stagiaire à la maison contre son intérêt. Nous sommes hostiles à la proposition de rédaction.

Mme Catherine Génisson, sénatrice. - Admettre le principe d'une gratification forfaitaire n'empêchera-t-il pas d'augmenter celle-ci ?

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Mme Procaccia ne prônait pas que tous les stagiaires soient gratifiés du minimum prévu ; elle voulait qu'une entreprise ne puisse pas défalquer les ponts.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Lors de son adoption en séance, son amendement n'avait pas été loin de recueillir l'unanimité. S'il n'est pas juste de réduire les gratifications en déduisant les ponts, il n'est pas anormal que la gratification augmente quand le stagiaire travaille plus. Or il est question d'un montant fixe.

Mme Catherine Deroche, sénatrice. - Ce n'est pas ce qui est dit.

M. Gérard Cherpion, député. - Mme Procaccia sécurise la gratification minimale, qui passe d'ailleurs de 436 à 523 euros. Si l'entreprise décide de payer une gratification supérieure, c'est son choix. Pourquoi ne pas remplacer le mot fixe par le mot « forfaitaire » ?

M. Denys Robiliard, député. - Maintenons la suppression de la deuxième phrase de l'alinéa, mais ajoutons « minimale forfaitaire » dans la première après « la gratification ».

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Pour ne pas dénaturer la rédaction, nous pourrions simplement ajouter une phrase : « Son montant minimal est forfaitaire. »

M. Denys Robiliard, député. - Seul le minimum est forfaitaire ; le surplus sera soumis à cotisation. Nous pouvons ajouter « mensuelle ».

M. Jean-Patrick Gille, député. - C'est de la dentelle !

M. Gérard Cherpion, député. - Nous touchons là à un autre sujet : la gratification à compter du premier jour du premier mois de stage.

M. Patrick Hetzel, député. - La proposition de rédaction des rapporteurs sur laquelle la présidente s'est abstenue revient à la gratification à compter du deuxième mois.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Pas du tout : nous parlons des stages avec gratification. Or celle-ci démarre au premier jour dès lors que le stage dure plus de deux mois. Il n'y a pas deux mois de franchise.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Partons de la rédaction de M. Robiliard.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je n'y vois pas d'inconvénient si elle n'est pas mal interprétée.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Si elle n'empêche pas une gratification supérieure.

M. Denys Robiliard, député. - On se donne la peine de mettre minimal parce que l'entreprise d'accueil peut faire plus. Reste que la rédaction n'est pas idéale : il faudrait dire dès le premier mois, quand le stage dure plus de deux mois.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Cette rédaction vient de l'Assemblée nationale !

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Ne touchons pas à la première phrase et poursuivons par : «  Son montant minimal forfaitaire est fixe, quel que soit le nombre de jours ouvrés dans le mois ».

M. Denys Robiliard, député. - Je propose plutôt : « Son montant minimal forfaitaire n'est pas fonction du nombre de jours ouvrés dans le mois. »

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je me range à cette rédaction.

La proposition de rédaction n° 9 rectifiée est adoptée.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La proposition de rédaction n° 10 est rédactionnelle...

Mme Françoise Férat, sénatrice. - ...mais elle supprime l'alinéa 66, que je veux modifier par ma proposition de rédaction n° 28.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Elle tombera : c'est la règle.

Mme Françoise Férat, sénatrice. - J'aimerais l'expliciter. L'amendement du Gouvernement, qui institue un régime dérogatoire en matière de gratification pour les MFR n'a pas pris en compte les cycles courts de l'enseignement supérieur agricole, comme les BTS. Il n'est pas possible de mettre ainsi à l'écart tous ces étudiants.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Pourquoi cette dérogation pour le seul enseignement supérieur agricole ?

M. Patrick Hetzel, député. - La focale est légitimement mise sur les MFR ; mais la problématique est plus générale. Le milieu agricole a eu un lobbying efficace, je l'en félicite...

M. Dominique Tian, député. - Le lycée Aristide Briand de Gap me signale sa difficulté à trouver des petites entreprises accueillant des stagiaires de son BTS d'assistant manager. Ses élèves rejoindront les universités marseillaises...

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Et que feront les entreprises sans les stagiaires, qui devaient bien s'acquitter d'un travail ?

Mme Françoise Férat, sénatrice. - Ce n'est pas le problème.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Cela devrait. Mettons aux voix.

Mme Françoise Férat, sénatrice. - Je note les noms, il faudra rendre des comptes !

Mme Catherine Génisson, sénatrice. - Les MFR sont des écoles de la deuxième chance pour le milieu agricole. Nous nous en sommes tous préoccupés. Votre réaction est étrange après le débat serein et constructif que nous avons eu. N'avons-nous pas le droit de nous approprier collectivement ce sujet ?

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Si vous avez besoin de noms, prenez le mien. Le texte de l'Assemblée nationale ne réglait pas tout le problème des maisons familiales rurales ; j'ai obtenu cette mesure dérogatoire après avoir interpellé le Gouvernement.

Mme Françoise Férat, sénatrice. - Je veux que chacun assume son vote. Sans vouloir poursuivre la polémique, vous ne connaissez pas les maisons familiales rurales.

Mme Catherine Génisson, sénatrice. - Au contraire, je les connais très bien !

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La commission des affaires sociales, dont vous ne faites pas partie, travaille d'habitude dans un autre climat.

La proposition de rédaction n° 10 est adoptée.

La proposition de rédaction n° 28 devient sans objet.

M. Gérard Cherpion, député. - Les maisons familiales rurales proposent aussi des BTS ; ce sont les universités de la ruralité. Ma proposition de rédaction n° 11 supprime la limite de pourcentage de stagiaires pouvant être accueillis en même temps dans une même entreprise. Certaines, notamment dans les hautes technologies, en accueillent beaucoup, qu'en général elles rémunèrent bien, et qui seront recrutés, ou créeront de nouvelles entreprises.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Avis défavorable. Nous avons bien eu ce débat en séance ; le Sénat s'est prononcé, je n'ai pas compétence pour faire revenir le Sénat sur son vote.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Même avis.

M. Patrick Hetzel, député. - Les start-up, malgré de petits effectifs, ont un rôle éminent dans la formation des jeunes. Elles comptent parfois autant de stagiaires que de salariés, sans qu'il y ait d'abus. Le ministre faisait état d'un quota de 5 % à 10 % : c'est très faible.

M. Jean-Patrick Gille, député. - C'est déjà beaucoup !

M. Dominique Tian, député. - Cela pénaliserait l'hôpital, où il y en a largement plus. Attention à ce que vous faites.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - C'est faux.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Les internes ne sont pas des stagiaires.

M. Dominique Tian, député. - Les autres personnes en formation le sont.

La proposition de rédaction n° 11 n'est pas adoptée.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La proposition n° 12 est rédactionnelle.

La proposition de rédaction n° 12 est adoptée.

M. Patrick Hetzel, député. - La proposition de rédaction n° 13 confie aux accords de branche le soin de fixer le quota de stagiaires par organisme d'accueil plutôt qu'à un décret en Conseil d'Etat. Mieux vaut le dialogue social que l'imposition de règles par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Avis défavorable. Les accords de branche rapprochent dangereusement les stagiaires du salariat...

M. Denys Robiliard, député. - Et que faites-vous du secteur public ?

La proposition de rédaction n° 13 n'est pas adoptée.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Comme la suivante, la proposition n° 14 est rédactionnelle...

M. Dominique Tian, député. - Pas du tout !

M. Patrick Hetzel, député. - Sans corporatisme aucun - j'ai été recteur d'académie dans une autre vie - la mention du recteur n'empêche pas la délégation. C'est lui qui a des échanges avec le conseil régional à propos de la carte des formations.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit en l'occurrence de l'enseignement agricole, sur lequel il n'a pas compétence.

M. Patrick Hetzel, député. - En ce cas, la formule est « le recteur d'académie ou l'autorité académique compétente ».

Les propositions de rédaction n°s 14 et 15 sont adoptées.

M. Patrick Hetzel, député. - Les stagiaires sont des étudiants ou des élèves, et non des salariés. Pourquoi faire référence à des articles du code du travail ? La proposition de rédaction n° 16 supprime par conséquent l'alinéa 34.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Avis défavorable. Il serait regrettable de soustraire ces élèves à la protection du code du travail contre le harcèlement moral et sexuel ou les discriminations.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je ne dirais pas mieux.

La proposition de rédaction n° 16 n'est pas adoptée.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La proposition n° 17 est rédactionnelle.

La proposition de rédaction n° 17 est adoptée.

M. Patrick Hetzel, député. - La proposition de rédaction n° 18 ajoute « à l'organisation du temps de travail » à l'alinéa 38 et supprime les suivants jusqu'à l'alinéa 43. Cela a vocation à être précisé dans la convention de stage et ne relève pas du législatif.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Avis défavorable. L'idée d'une commission mixte paritaire n'est pas de refaire le match de la séance publique. Ces propositions de rédaction ont déjà été débattues. Allons à l'essentiel.

M. Patrick Hetzel, député. - Je m'étonne de ces propos un peu forts : le droit d'amendement n'est pas discuté et il vaut pour tous. La sagesse des sénateurs pourrait les rendre sensibles à mes arguments.

M. Denys Robiliard, député. - C'est la totalité des dispositions du code du travail relatives au temps de travail qui seraient rendues applicables aux stagiaires, y compris les 35 heures Ce n'est pas ce que vous recherchez...

La proposition de rédaction n° 18 n'est pas adoptée.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Ma proposition de rédaction n° 19 supprime les dispositions votées en séance publique au Sénat contre l'avis de la commission afin de revenir à un temps de présence hebdomadaire maximal de 35 heures pour les stagiaires.

M. Dominique Tian, député. - On refait le match, alors ?

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Pas du tout. Je veux revenir au texte de la commission.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Avis défavorable : il est préférable de se déterminer d'après la durée de travail des salariés de l'établissement, pour favoriser l'immersion du stagiaire. Cette loi prévoit un cadre sécurisant sur les conditions d'accueil, les autorisations d'absence ou le suivi qualitatif : revenir sur ce point la déséquilibrerait.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Certains des stagiaires, de milieu modeste, doivent travailler le week-end pour payer leurs études : s'ils sont présents 40 heures sur leur lieu de stage, quand rédigeront-ils leur mémoire ? Si celui-ci est mauvais, le stage ne sert à rien. 35 heures par semaine, c'est soit des journées équilibrées soit une journée libre pour la rédaction.

La proposition de rédaction n° 19 n'est pas adoptée.

Mme Françoise Férat, sénatrice. - Mes propos ont dépassé ma pensée, je vous prie de m'excuser. Nous aurons néanmoins à en rendre compte collectivement ! Je vous invite à visiter une maison familiale rurale de la Marne qui propose un BTS d'oenologie de grande qualité.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La proposition n° 20 est rédactionnelle.

La proposition de rédaction n° 20 est adoptée.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Avis défavorable à la proposition de rédaction n° 21.

La proposition de rédaction n° 21 n'est pas adoptée.

M. Patrick Hetzel, député. - La proposition de rédaction n° 22 inscrit la référence aux autorités académiques dans le texte : l'inspection du travail ne doit intervenir qu'en second rang.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Avis défavorable. Contrôler les conditions de travail n'est pas le coeur de métier des inspecteurs d'académie qui ne sont pas habilités à pénétrer dans tout établissement employant des salariés ni à constater des infractions.

M. Denys Robiliard, député. - Il s'agit bien de formations... en entreprise. Seule l'inspection de travail peut contrôler efficacement.

M. Patrick Hetzel, député. - Il est aberrant de confier des missions qui relèvent du code de l'éducation à des inspecteurs du travail.

La proposition de rédaction n° 22 n'est pas adoptée.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La gratification a été portée à 15 % du plafond de la sécurité sociale. Nous souhaitons que cette augmentation prenne effet le 1er septembre 2015, pour que les structures d'accueil aient le temps de s'organiser. Cela laissera le temps de relever au même niveau l'exonération de cotisations sociales.

M. Dominique Tian, député. - Ces exonérations ne figurent pas dans le texte. Le Gouvernement s'y est-il engagé ? Par ailleurs, l'objet de la proposition de rédaction souligne que la plupart des organismes rencontreront des difficultés dans l'application de ce texte. Reconnaissez que c'est inapplicable !

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Ne soyez pas de mauvaise foi ! Ces organismes feront des budgets adaptés pour l'an prochain. Je n'étais pas favorable au report de la date d'entrée en vigueur, mais me rends avec regret aux arguments des rapporteurs.

M. Gérard Cherpion, député. - S'agit-il d'un report global, pour tous les établissements ?

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Oui.

La proposition de rédaction n° 23 est adoptée.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Les propositions n°s 24 à 27 sont rédactionnelles.

La proposition de rédaction n° 24 est adoptée, ainsi que les propositions de rédaction n°s 25, 26 et 27.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 1er bis (nouveau)

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis (nouveau) dans la rédaction du Sénat.

Article 2

M. Patrick Hetzel, député. - L'article 2, qui assimile sans raison valable le stagiaire à un salarié, témoigne d'un glissement du code de l'éducation vers celui du travail. C'est pourquoi ma proposition de rédaction n° 29 le supprime.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Avis défavorable. La liste des stagiaires complètera le registre unique du personnel sans que les stagiaires soient comptés dans l'effectif de l'entreprise. Cette mesure, qui ne bouleversera nullement la vie des entreprises, rendra plus facile de vérifier qu'il n'y a pas substitution d'embauches par des stages.

M. Gérard Cherpion, député. - L'Europe demande que les apprentis soient comptés dans les effectifs des entreprises.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - C'est normal !

M. Gérard Cherpion, député. - Je ne dis pas le contraire. Lorsqu'il faudra y intégrer aussi les stagiaires, des problèmes de seuil limiteront l'offre de stage.

La proposition de rédaction n° 29 n'est pas adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans la rédaction du Sénat.

Article 4

La proposition de rédaction n° 30 n'est pas adoptée.

M. Patrick Hetzel, député. - L'objectif de la proposition de rédaction n° 31 était de rappeler que le stage a un objectif de formation et que les autorités académiques doivent y jouer un rôle.

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Avis défavorable.

Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Même avis.

La proposition de rédaction n° 31 n'est pas adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction du Sénat.

Article 5

La proposition de rédaction n° 32 n'est pas adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 5 dans la rédaction issue du Sénat.

Article 7

M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 33 étend l'application de l'article aux élèves et étudiants de l'enseignement agricole.

La proposition de rédaction n° 33 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 7 dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 8

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La proposition de rédaction n° 34 de nos deux rapporteurs supprime l'article 8.

M. Gérard Cherpion, député. - Lorsque des jeunes de moins de 26 ans sont embauchés à l'issue d'un stage long, il serait normal que l'effort de l'entreprise soit pris en compte dans le calcul du bonus-malus apprentissage. Parce qu'elle a peu d'apprentis, l'entreprise que j'ai citée est sanctionnée alors qu'elle fait des efforts pour prendre de nombreux jeunes en stage : ma proposition de rédaction n° 35 éviterait cette double peine.

La proposition de rédaction n° 34 est adoptée.

En conséquence, l'article 8 est supprimé et les propositions de rédaction n°s 35 à 39 deviennent sans objet.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Je reçois à l'instant de l'AP-HP les chiffres suivants, qui intéresseront M. Tian : pour 92 000 salariés, il y a 8 000 étudiants paramédicaux en stage, soit moins de 10 %.

M. Dominique Tian, député. - Cela fait 9 % : le décret ne doit donc pas retenir un plafond de 5 %.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Vous aviez mentionné une proportion bien supérieure à 10 %...

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je vais mettre aux voix le texte élaboré par la commission mixte paritaire, après les explications de vote éventuelles.

M. Patrick Hetzel, député. - La commission mixte paritaire n'a pas permis les évolutions que nous souhaitions. Cette réglementation, très contraignante, sera presque exclusivement à la charge des entreprises. L'équilibre de la loi Cherpion est rompu, et l'accès des jeunes aux stages s'en trouvera compromis. Aucune étude d'impact n'a été réalisée et nous n'avons guère entendu MM. Sapin puis Rebsamen lors des débats. Est-ce à dire que la loi ne sera pas promulguée ? Espérons-le ! Les partenaires sociaux redoutent les dégâts qu'elle provoquerait. Nous n'avons pas fini d'en entendre parler.

M. René-Paul Savary, sénateur. - Les quelque avancées obtenues lors des débats en séance ont été remises en cause. Comme en témoigne le sort réservé à la proposition n° 28 de Mme Férat, ce texte ne règle rien pour certains secteurs. Nous y restons opposés.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.

La réunion est levée à 21 h 40.

Mercredi 4 juin 2014

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale s'est réunie au Sénat le mercredi 4 juin 2014.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, réunie au Sénat, procède d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président, de Mme Élisabeth Guigou, députée, vice-présidente, de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, sénateurs, rapporteurs pour le Sénat, et de M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Le projet de loi adopté par le Sénat comporte quinze articles et un rapport annexé. Je propose que MM. Peyronnet et Cambon présentent les principales modifications apportées par le Sénat au texte de l'Assemblée nationale. M. Dufau donnera ensuite son sentiment sur ces modifications, puis les autres membres de la CMP pourront intervenir, avant que nous passions à l'examen des articles.

Mme Élisabeth Guigou, députée, vice-présidente. - Je souhaite faire deux observations. La première porte sur les évaluations des politiques d'aide au développement, aujourd'hui fragmentées. Nos deux assemblées ont raison, pour faire reculer l'opacité, de demander la création d'un office indépendant - même si des questions juridiques se posent s'agissant de l'AFD. Quand on me parle d'expertises indépendantes, mon réflexe républicain me fait dire : « indépendant de qui et de quoi ? ». Renforçons le contrôle du Parlement à l'occasion de la création de cet office : il doit garder la main, même si l'appel à des experts extérieurs éclaire utilement sa réflexion.

Ma deuxième observation porte sur l'expertise : regrouper les divers organismes chargés de l'expertise est un impératif, pour éviter les déperditions. Nous perdons, à cause de cette dispersion, des appels d'offre à l'international. J'attire cependant votre attention sur le fait que les expertises, pour la sécurité sociale ou les questions sociales, relèvent d'organismes gérés par les partenaires sociaux de façon paritaire. On ne peut les traiter comme des administrations. Il faudra leur accorder une attention particulière, afin qu'ils se sentent associés au projet.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a adopté ce projet de loi, la semaine dernière, à une très large majorité, 212 voix pour et une seule contre. Nous avons cherché à mieux structurer le texte, ce qui nous a conduits à déplacer certains éléments à d'autres articles que ceux initialement prévus.

Nous avons ainsi transformé le chapitre II, désormais intitulé « Cohérence et complémentarité » et composé de trois articles. Il pose d'abord l'exigence de la cohérence entre toutes les politiques publiques ayant un impact sur le développement. Il inscrit dans la loi le nouveau Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI). En outre, l'Assemblée ayant ajouté plusieurs paragraphes sur le rôle des entreprises, nous avons souhaité, par parallélisme, souligner le rôle des collectivités locales et de la société civile : c'est l'objet de l'article 3 bis. Le nouvel article 3 ter porte sur l'aide multilatérale et l'action de la France dans les enceintes internationales.

À l'article 4 bis, nous avons affirmé le principe d'une évaluation indépendante et continue de la politique de développement. Nous avons prévu, dans le rapport annexé, la fusion des trois services existant aujourd'hui dans un nouvel observatoire indépendant des donneurs d'ordre.

À l'article 5, nous avons substitué à la « responsabilité sociale et environnementale », la « responsabilité sociétale », notion plus large. Cette notion existe déjà. Le gouvernement a par exemple créé, l'an passé, une plateforme nationale d'actions sur la « responsabilité sociétale » des entreprises.

À l'article 10, nous avons renforcé le contenu du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement tous les deux ans. Nous avons placé dans cet article un ajout que l'Assemblée nationale avait inséré à l'article 4 sur l'équilibre entre les prêts et les dons et sur l'affectation du résultat de l'AFD.

Enfin, nous avons peu modifié la structure du rapport annexé, apportant tout de même quelques changements, dont nous discuterons en examinant les amendements.

M. Christian Cambon, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Nous avons voulu clarifier le texte et renforcer son caractère normatif, en adoptant quatre mesures structurantes. À l'article 5 quater, nous avons autorisé l'AFD à gérer des fonds multi-bailleurs et à déléguer si nécessaire la gestion de ses crédits à ce type de fonds, un outil essentiel pour coordonner l'aide multilatérale, particulièrement dans les pays en crise comme le Mali ou la Centrafrique.

À l'article 5 quinquies, nous facilitons les transferts de fonds des migrants, en autorisant les banques des pays en développement à commercialiser en France des produits destinés à financer des projets de développement dans le pays d'origine. L'article pose un cadre juridique et prudentiel strict.

À l'article 8 bis, à l'initiative de Jacques Berthou, qui a reçu notre entier soutien, nous avons adopté une profonde réforme de l'expertise technique, avec le regroupement de six organismes dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large au 1er janvier 2016. Depuis vingt ans, tous les rapports constatent l'éclatement du dispositif français, inadapté car les appels d'offres internationaux sont de plus en plus souvent pluridisciplinaires. Si elle veut mettre en oeuvre une diplomatie d'influence, la France doit pouvoir répondre à la demande internationale d'expertise technique, avec les meilleures chances possibles de succès.

Enfin, à l'article 9 relatif à l'action extérieure des collectivités locales, nous avons rendu les conventions avec les collectivités locales étrangères facultatives, pour ne pas entraver la coopération humanitaire ; nous avons étendu la loi « Oudin-Santini » au secteur des déchets ménagers, domaine d'expertise de nos collectivités et enjeu essentiel face à la prolifération des déchets ; nous avons prévu la déclaration par les collectivités des actions qu'elles mènent à l'international, non dans l'idée de limiter leur libre administration mais afin que chacun dispose d'un état des lieux exhaustif, pour éviter les doublons et favoriser les coopérations entre collectivités, qui parfois ignorent tout des interventions de leurs voisines. Enfin, nous avons souhaité que les collectivités et le Gouvernement mènent des campagnes de sensibilisation dans les écoles, collèges et lycées sur le thème de la coopération et du développement, qui est encore trop mal connu par l'opinion publique.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'Assemblée nationale avait déjà considérablement amendé le texte initial. Les débats en commission et en séance publique ont été denses, parfois âpres. L'Assemblée regrettait qu'aucun élément de programmation n'apparaisse. Elle a bataillé pour que l'engagement international de notre pays sur l'objectif d'une aide publique au développement de 0,7% de RNB figure expressément dans le texte ou dans le rapport. De même, le Gouvernement devra mieux informer le Parlement de sa politique de développement, notamment quant à l'utilisation des résultats de l'AFD et la répartition entre les prêts et les dons, questions auxquelles nous sommes particulièrement attachés. Nous avons également voulu insister sur la notion de « responsabilité sociale et environnementale », devenue au Sénat « sociétale ».

Nous avons pris acte du travail important de restructuration du texte réalisé par le Sénat, même si les députés ont dû se livrer à une certaine gymnastique pour retrouver le texte qu'ils avaient rédigé. Au final, le projet de loi s'en trouve conforté : le travail parlementaire a été efficace.

Le texte a également été enrichi sur des aspects sur lesquels nous n'étions pas intervenus, car le Gouvernement attendait encore les conclusions d'études d'impact, en particulier sur l'expertise et l'évaluation ; vous avez proposé une solution que nous allons examiner. Nous souhaitions également l'extension de la loi « Oudin-Santini » sur les déchets.

Quelques changements sont intervenus dans les mécanismes touchant l'évaluation indépendante, les transferts de fonds des migrants ou les fonds multi-bailleurs. Le rapport, lui, a été plus légèrement amendé. Je ne doute pas que nous parviendrons à régler les quelques points en suspens.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Mme Guigou souhaite que nous appelions en priorité la proposition de rédaction n° 9 de M. Dufau à l'alinéa 137 du rapport, qui traite de l'évaluation.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les députés et les sénateurs partagent la même volonté de disposer d'un système d'évaluation des politiques menées. Ce système doit obéir à deux critères : l'impartialité des évaluations et la garantie de leur indépendance. Dans ma proposition, les études et évaluations sont réalisées sous l'autorité d'un observatoire, émanation du CNDSI. L'observatoire définit le programme d'évaluation et assure le suivi à toutes les étapes. Pour autant, les administrations ne sont pas privées de leurs propres organismes d'évaluation en interne, car elles en ont besoin pour réaliser d'autres études. Cet observatoire serait composé de neuf membres désignés pour un mandat de trois ans renouvelable : deux parlementaires y siègeraient, ainsi que sept membres du CNDSI. La présidence reviendrait à un parlementaire.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - En alternance ?

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Pourquoi pas ? Il serait également fait appel à des experts extérieurs via des appels d'offre, afin de garantir l'indépendance des expertises. Les ressources proviendraient des opérateurs, ministères et AFD. Nous améliorons ainsi le contrôle parlementaire et la direction politique de l'institution.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Il m'arrive de siéger dans des organismes paritaires, comme la délégation au renseignement ou la commission de vérification des fonds spéciaux : députés et sénateurs y siègent ensemble et en assurent la présidence en alternance, ce qui est de bonne méthode.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Les deux premiers alinéas me conviennent, notamment en ce qu'ils fixent les règles et la composition de l'observatoire. En revanche, la suite de l'amendement me pose problème. Nous avions indiqué à la cinquième ligne de l'alinéa 137 que les services d'expertise des différents organismes et ministères cités seraient regroupés dans un « organisme unique, indépendant de ces acteurs ». Or, vous proposez que les études soient réalisées par les services de ces ministères. Comment parler encore d'indépendance ? D'autant que vous précisez un peu plus loin que les services en question « préparent » les appels d'offre. Il y a là me semble-t-il une source de confusion des genres...

M. Christian Cambon, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le Parlement réclame souvent un plus grand pouvoir de contrôle sur la façon dont le Gouvernement dépense l'argent public. S'offre ici une occasion d'avancer : n'hésitons pas ! Les évaluations doivent être réalisées par des organismes indépendants, sinon ce ne sont plus des évaluations. Noël Mamère, ici présent, et moi avons rencontré nos homologues anglais qui nous ont décrit leur dispositif d'évaluation : les appels d'offre sont confiés à des cabinets privés, devant lesquels les administrations comparaissent (c'est je crois le mot qui convient !) pour présenter leurs projets. Nous avons été très impressionnés par ce système. Nous en sommes loin. Année après année, comme rapporteurs pour avis sur les crédits, nous dénonçons des budgets flous et des comptabilisations confuses.

Dans cette nouvelle rédaction, on sent bien que les services des ministères ont tenté de reprendre ce qu'ils perdaient, mais la mise en oeuvre du programme d'évaluation et la préparation des appels d'offre ne sauraient être assurées par eux ! Je suis favorable à un observatoire réellement indépendant, le cas échéant rattaché au CNDSI, comme le propose l'Assemblée nationale.

Mme Nathalie Goulet, sénateur. - La fusion des services a disparu dans cette rédaction. Un mot aussi de la présidence : ce n'est pas parce qu'un parlementaire préside Ubifrance que nous disposons de toutes les informations souhaitées. Ces dernières années, nous évitions plutôt qu'un membre du Parlement préside un organisme extra-parlementaire, estimant que le contrôle parlementaire devait être mené à l'intérieur des assemblées.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Voici trois expressions convergentes exprimées par trois familles de pensées différentes.

M. Noël Mamère, député. - N'allons pas nous plaindre de la proposition du Sénat qui améliore l'une des fonctions essentielles du Parlement : le contrôle de l'argent public, d'autant que l'aide au développement est resté pendant longtemps d'une grande opacité. Souvenons-nous de la Françafrique ! Les observations de nos deux collègues rapporteurs du Sénat sont très justes et nous devrions nous inspirer des Britanniques qui séparent nettement le contrôleur du contrôlé. Si nous voulons être crédibles auprès de la société civile et des ONG, nous devons exercer un contrôle beaucoup plus sévère sur notre politique d'aide au développement.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le Sénat n'avait pas précisé la composition de l'observatoire, et c'est pourquoi il nous a semblé utile de le faire et d'accroître le contrôle parlementaire.

La rédaction du quatrième alinéa de mon amendement est peut-être ambigüe : mais l'organe de direction politique reste l'observatoire lui-même. Les appels d'offres sont rédigés sur la base des thèmes de référence définis par cet observatoire.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Sur la composition, nous sommes d'accord. En revanche, si le fonctionnement est piloté en sous-main par les services d'évaluation des ministères, où est l'indépendance ? Il conviendrait de revoir la rédaction sur ce point.

M. Philippe Vitel, député. - Avec cet amendement, l'observatoire serait juge et partie, ce qui est contraire au but recherché. Ne croyez-vous pas que la composition de l'observatoire doit être revue : un seul parlementaire par assemblée, cela implique que seuls des parlementaires de la majorité siègeront ?

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Une autre formule est possible.

M. Philippe Vitel, député. - Quatre parlementaires.

Mme Élisabeth Guigou, députée, vice-présidente. - Nous sommes tous d'accord sur l'indépendance de l'observatoire et la présence de parlementaires. Je ne crois pas que le fait de confier la présidence à un parlementaire empêche le Parlement de se saisir, en interne, du contrôle de la politique de développement.

La difficulté, pour moi, c'est que le texte du Sénat propose de fusionner les trois services d'évaluation, ceux des ministères des affaires étrangères et des finances et celui de l'AFD ; or le statut juridique de cette agence et les conventions internationales qu'elle a signées semblent imposer qu'elle réalise elle-même ses évaluations. Comment résoudre ce problème ? L'AFD devra conserver son autonomie en ce domaine. Les ministères, quant à eux, devront se résigner à se séparer de leurs services d'évaluation.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - L'AFD est contrainte de présenter des évaluations, mais rien ne l'oblige à les effectuer elle-même. Une structure autonome peut donc exister.

Mme Élisabeth Guigou, députée, vice-présidente. - À condition que cette structure puisse juridiquement se substituer à l'AFD dans les conventions internationales déjà conclues. Je ne sais si cette difficulté juridique peut être surmontée. Quant aux ministères, ils feront leurs propres évaluations, mais nous n'avons pas à dépendre d'eux pour réaliser les nôtres. Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que nous allons trouver une rédaction commune, car nous sommes tous venus ici dans un esprit de conciliation.

M. Jean-René Marsac, député. - En rattachant l'observatoire au Premier ministre, l'indépendance n'était pas totale. Je préfère qu'il dépende du CNDSI. Pour ce qui est de la présidence, l'alternance doit être retenue. Le texte du Sénat ne disait rien des appels d'offre : nous devons en préciser les conditions concrètes afin de veiller à l'indépendance totale des évaluateurs.

M. Gilbert Roger, sénateur. - Nous avons rencontré des représentants de l'AFD. Ils voulaient être rassurés sur le maintien du service d'évaluation au sein de l'agence, pour respecter les obligations internationales. Mais nous, parlementaires, avons besoin d'un lieu unique d'information et de suivi des politiques de développement.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Je m'inscris en faux sur ce que vous a dit l'AFD. Aucune règle écrite supérieure à la loi n'impose que les évaluations se fassent au sein de l'agence.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Les représentants de l'AFD sont habiles, ils jouent de l'ambiguïté des formulations.

M. Christian Cambon, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Dès lors que l'on accepte de soustraire des ministères leurs services d'évaluation pour les faire travailler sous l'autorité de l'observatoire, le cordon ombilical est coupé. Le secrétariat et les appels d'offre ne peuvent en aucun cas demeurer aux mains des ministères. Nous ne cessons de demander que cette politique opaque soit mieux évaluée : donnons-nous en les moyens. Et que des parlementaires siègent dans cet observatoire !

M. Noël Mamère, député. - Ne créons pas un nouveau machin ingérable. Détachons les services d'évaluation de certains ministères mais veillons à ce que leurs liens organiques soient rompus. Quant à l'AFD, il est évident qu'elle se protège, même si la transparence s'est améliorée grâce à la nouvelle direction.

Mme Nathalie Goulet, sénatrice. - La version de l'Assemblée n'exclut pas un rattachement ultérieur de tous les services à l'observatoire. La rédaction du Sénat cependant prévoit d'emblée le rattachement, ce qui évite le risque que l'observatoire soit, dans un premier temps, une coquille vide.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Nous devons arriver à un accord. Je rappelle que nous ne sommes pas dans la partie normative du texte... Pour un contrôle parlementaire digne de ce nom, il faut un membre de l'opposition et un membre de la majorité par chambre : passons à quatre représentants des assemblées.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Je vous propose qu'au début de la sixième ligne, au lieu de « rattaché au Premier ministre », il soit écrit « rattaché au CNDSI ». À la fin de cette phrase, je suggère que l'on insère les deux dernières phrases du deuxième alinéa du texte de l'Assemblée nationale, en remplaçant « neuf membres » par « onze membres ». En outre, il faut préciser qu'il s'agit de deux députés et deux sénateurs.

M. Jean-Marie Tétart, député. - Nous sommes donc d'accord sur la gouvernance de cet observatoire. Mais nous ne le sommes pas encore sur le regroupement des services d'évaluation dans un organisme unique, ce que prévoit explicitement la rédaction du Sénat, celle de l'Assemblée nationale traduisant un choix différent.

Mme Élisabeth Guigou, députée, vice-présidente. - Nous avons besoin d'un texte consolidé. Je continue à m'interroger sur l'AFD, non pas pour la protéger, mais parce qu'elle a passé des conventions avec d'autres organismes internationaux : je ne sais si l'observatoire peut se substituer à l'AFD. Je ne voudrai pas que l'agence recrée un nouveau service d'évaluation, alors que nous voulons éviter les doublons.

M. Christian Cambon, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Je vous rassure : je siège, avec d'autres, au conseil d'administration de l'AFD. Nous voyons ce qui s'y passe. J'espère du reste, au vu de son chiffre d'affaires annuel, que l'AFD a mis en place d'autres mécanismes de contrôle de son activité !

Le dispositif que nous défendons s'adresse davantage au Parlement : il lui donne les moyens de savoir ce qui se passe à l'AFD. Il n'y a pas de raisons de changer quoi que ce soit au sein de l'agence. Nous donnons simplement au CNDSI et à son observatoire la possibilité de mobiliser une force de frappe indépendante pour contrôler l'usage de ces milliards d'euros.

M. Philippe Vitel, député. - Le Sénat proposait initialement de rattacher cet observatoire au Premier ministre. Puis son rattachement au CNDSI a été évoqué. Aucune de ces deux solutions ne convient. L'observatoire doit être indépendant. Or chacun des sept collèges du CNDSI désignera un représentant pour y siéger, en sus des quatre parlementaires. Pour affirmer son indépendance, supprimons tout rattachement.

Mme Nathalie Goulet, sénatrice. - Très bien.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Pourquoi pas. L'observatoire existe en effet par lui-même, il n'a nul besoin d'être rattaché. Je propose alors de rédiger l'alinéa 137 ainsi : « Les services d'évaluation de l'aide aujourd'hui placés auprès de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères, de la direction générale du Trésor du ministère de l'économie et des finances et de l'AFD seront regroupés dans un organisme unique, indépendant de ces acteurs et ayant accès à l'ensemble des informations lui permettant d'exercer sa mission. Cet observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale permettra à la fois une mutualisation et une rationalisation des moyens et une évaluation neutre des programmes menés par la France. Il comprend onze membres, désignés pour un mandat de trois ans, renouvelable. À l'exception du collège parlementaire qui désigne deux députés et deux sénateurs, les sept autres collèges du CNDSI délèguent chacun un membre pour siéger au sein de l'observatoire, qui est présidé par un membre du Parlement ».

M. Philippe Vitel, député. - Oui, et maintenons la présidence par un parlementaire.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Je propose ensuite de maintenir la rédaction de l'alinéa telle qu'adoptée par le Sénat à partir de la phrase suivante : « Ses travaux doivent également, à terme, permettre de mieux définir ex ante la pertinence de ces programmes ».

Mme Élisabeth Guigou, députée, présidente. - Je partage les observations du sénateur Cambon et approuve la proposition du rapporteur. L'important, c'est que le Parlement voie clair dans l'activité de l'AFD, sujet qui nous mécontente tous depuis longtemps. Doter le Parlement de sa propre capacité d'expertise et de contrôle, oui. Mais encourager les services du Gouvernement à recréer les services qu'on lui aurait soustraits pour les regrouper sous notre houlette, non.

M. Christian Cambon, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Nous veillerons à ce qu'il n'en soit pas ainsi !

Mme Élisabeth Guigou, députée, présidente. - Comment résoudre alors le problème des conventions internationales ?

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Je doute qu'elles obligent à une évaluation interne.

Mme Élisabeth Guigou, députée, présidente. - Approfondissons ce point d'ici à la séance publique. Il est purement juridique : s'il peut y avoir substitution, aucun problème ne se pose.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - N'ayez crainte : votre inquiétude a bien été consignée.

M. Philippe Vitel, député. - Ne peut-on disposer que ces services « participeront », plutôt que « seront regroupés » ?

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Non, le regroupement est une idée très forte.

Mme Chantal Guittet, députée. - Est-ce à dire que ces services seront composés de fonctionnaires détachés qui se consacreront à cette seule tâche ?

M. Christian Cambon, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Il y a matière à les occuper ! L'idée est de ne pas recréer un organisme supplémentaire. Le mécanisme des fonctionnaires détachés est éprouvé.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Mme Guigou craint qu'un organisme soit créé simultanément à l'intérieur de l'AFD, par nécessité juridique. Cela poserait un vrai problème. Acceptons la formulation proposée par M. Peyronnet et approfondissons ce point.

M. Christian Cambon, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Si nous acceptions que l'AFD échappe à ce dispositif, ce serait comme nous couper une jambe.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - On ne peut balayer d'un revers de main la difficulté soulevée par Mme Guigou. Acceptons la proposition de rédaction de M. Peyronnet sous cette réserve, et sous celle de préciser que siègent au sein de l'observatoire deux députés et deux sénateurs représentant la majorité et l'opposition, en reprenant la formule communément admise en la matière.

La proposition de rédaction de l'alinéa 137 du rapport est ainsi adoptée.

Article 1er

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Je mets aux voix l'article 1er.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous y sommes favorables, même si le terme « extrême pauvreté » en a disparu pour réapparaître dans un autre article.

M. Pouria Amirshahi, député. - Une précision sur l'article 1er : son alinéa 3 dispose que la politique de développement « accorde une attention particulière à la francophonie et à la cohésion de l'espace francophone ». Dans la rédaction de l'Assemblée nationale, elle concourrait « à la politique étrangère de la France, à son rayonnement culturel, diplomatique et économique et participait à la cohésion politique et économique de l'espace francophone ». Cette dernière formulation me semble moins vague. Relever le défi éducatif, en Afrique subsaharienne par exemple, où la démographie est vigoureuse, c'est participer à la cohésion politique et économique de l'espace francophone. À défaut, la francophonie serait mise en péril. Pourrait-on revenir à la formation de l'Assemblée nationale ?

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Je n'y vois pas d'inconvénient.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Nous avions modifié cette phrase car nous ne la trouvions pas très élégante. Nous pourrions écrire que cette politique « accorde une attention particulière à la francophonie et participe à la cohésion de l'espace francophone ».

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice. - Ne supprimons pas la référence à « la cohésion politique et économique ». Ce sont des éléments importants.

Mme Leila Aïchi, sénatrice. - La « cohésion politique et économique de l'espace francophone » me gêne. J'y vois une référence à la Françafrique. La politique de développement a-t-elle vraiment une vocation politique ?

M. Pouria Amirshahi, député. - N'intériorisons pas des complexes qui n'ont pas lieu d'être. L'influence politique, c'est le dialogue des cultures, et la langue le facilite.

La proposition de rédaction est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - L'examen de l'article 2 et du rapport annexé fait l'objet d'une demande de réserve, jusqu'après l'article 10.

La réserve est décidée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 3, ainsi que les articles 3 bis, 3 ter, 4, 4 bis, 5, 5 bis, 5 ter, 5 quater, 5 quinquies et 7 dans la rédaction du Sénat.

Article 8

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 1 permet d'assurer une coordination rédactionnelle.

La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 8 dans la rédaction issue de ses travaux.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - L'article 8 bis fait l'objet d'une proposition de modification n° 9 de M. Jacques Berthou corrigeant une erreur matérielle.

La proposition de rédaction n° 9 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 8 bis dans la rédaction issue de ses travaux.

La commission mixte paritaire adopte l'article 9, ainsi que l'article 10, dans la rédaction du Sénat.

Article 2 (et rapport annexé)

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - Nous en revenons à l'article 2 et au rapport annexé dont nous avons réservé l'examen.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 2 supprime la phrase « la France prend en compte la situation particulière des pays en grande difficulté climatique dans sa politique de développement et de solidarité internationale », redondante avec la phrase suivante.

M. Jean-Claude Peyronnet, sénateur, co-rapporteur pour le Sénat. - Y a-t-il vraiment redondance ?

Mme Leila Aïchi, sénatrice. - Non, car dans la définition du GIEC, les pays en grande difficulté climatique sont notamment ceux ayant vocation à disparaître dans les vingt prochaines années. Ils ne sont pas nécessairement confondus avec les pays les plus pauvres et les plus fragiles, même si certains, comme le Bangladesh, font partie des deux catégories.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Vous m'avez convaincu.

La proposition de rédaction n° 2 est retirée.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 3 rétablit la référence internationale à la couverture sanitaire universelle, supprimée par le Sénat, et supprime de la liste des maladies à combattre la sous-nutrition, parce qu'elle est traitée à l'alinéa 51, et qu'elle n'est pas une maladie.

La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 4 précise qu'en matière énergétique, la France soutient les projets ayant pour but d'améliorer les rendements et l'efficacité, ce qui est cohérent avec la volonté du Gouvernement de s'engager dans la transition énergétique.

La proposition de rédaction n° 4 est adoptée.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 5 remplace « aux échelles européenne et mondiale » par « au niveau international ». Elle ajoute en outre une référence à la loi de 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires comme exemple des principes que la France promeut en termes de transparence financière et fiscale.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Une fois n'est pas coutume, nous inscrivons « notamment » dans la loi !

La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n°6 insère à l'alinéa 177 la phrase suivante : « dans le même esprit, le groupe AFD encourage les autorités nationales et les sociétés à rendre publics les marchés conclus dans les industries extractives et les infrastructures ainsi que tout avenant important auxdits marchés ».

La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.

M. Jean-Pierre Dufau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous nous sommes rendu compte que le terme de « charte » suscitait des interrogations et des inquiétudes. L'essentiel, c'est que les documents d'information relatifs à la politique de développement et de solidarité internationale soient clairs et lisibles par le grand public.

M. Gilbert Roger, sénateur. - Je suis d'accord.

La proposition de rédaction n°7 est adoptée.

M. Jean-Louis Carrère, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 8 complète l'alinéa 188 par cette phrase : « ce fonds a vocation, en application de l'article 8 bis de la présente loi, à rejoindre l'agence française d'expertise technique internationale, au plus tard le 1er janvier 2016 ».

La proposition de rédaction n° 8 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 et le rapport annexé dans la rédaction issue de ses travaux.

La commission mixte paritaire adopte l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

La réunion est levée à 18 h 00.

- Présidence de Mme Catherine Lemorton, députée, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale s'est réunie à l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :

- Mme Catherine Lemorton, députée, présidente ;

- Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente.

Puis ont été désignés :

- M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - A mon sens, globalement, les modifications apportées par le Sénat sont positives.

Ainsi, en commission, les sénateurs ont renforcé l'obligation de déclaration préalable de détachement en l'élevant au niveau législatif. Ils ont prévu un dispositif de sanctions administratives à l'encontre de tout donneur d'ordre ou maître d'ouvrage (DO/MO) qui ne satisferait pas les obligations de vigilance en matière de détachement.

Cette obligation générale de vérification a permis de supprimer le dispositif de double déclaration pour les contrats supérieurs à 500 000 euros introduit à l'Assemblée.

Par ailleurs, la solidarité financière des donneurs d'ordre ou maîtres d'ouvrage a également été étendue aux irrégularités commises par les entreprises de travail temporaire, par la référence à la notion de « cocontractant ».

En séance, le Sénat a supprimé le seuil de 15 000 euros au-dessus duquel le juge pourrait inscrire un prestataire sur la fameuse liste noire. Cela ne devrait pas soulever de difficultés majeures.

Nous aurons aussi à discuter de la disposition, introduite à l'initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, permettant au juge de condamner au remboursement des aides publiques perçues les 5 années précédentes par une entreprise condamnée pour travail illégal. Cette mesure, dont on comprend bien l'esprit, semble toutefois un peu excessive dans ses conséquences mais je laisserai les rapporteurs s'exprimer plus longuement sur ce sujet.

Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d'essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées et, en l'espèce, cela me semble possible. Je sais que les rapporteurs se sont rencontrés et j'ai cru comprendre que cet objectif était effectivement à notre portée.

Je conclurai en regrettant le fort taux d'abstention constaté à l'occasion des dernières élections européennes alors que notre législation est très marquée par les décisions prises au niveau européen, comme le texte que nous examinons aujourd'hui le montre. Avant que nos deux rapporteurs s'expriment, je cède la parole à Mme Annie David, vice-présidente.

Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente. - Mes chers collègues, je suis également certaine que notre commission parviendra à s'accorder sur une rédaction commune. Comme notre présidente, je regrette aussi l'important taux d'abstention enregistré lors des élections européennes tout autant que les résultats sortis des urnes, qui ne sont pas l'exact reflet de la diversité qui caractérise tant notre pays que l'Union européenne. Il nous faut davantage expliquer à nos concitoyens l'importance de l'Europe, rapprocher les institutions européennes de nos concitoyens et modifier la législation qui malmène particulièrement nos travailleurs.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été sensiblement enrichie lors de son examen en commission des affaires sociales du Sénat le 30 avril dernier, sans toutefois remettre en cause sa philosophie initiale.

En premier lieu, la commission a souhaité traiter à part entière la question de la déclaration préalable de détachement, sans la lier à la question de la solidarité financière en cas de non-paiement des salariés détachés comme le faisait l'article premier. Nous avons en effet considéré que le renforcement des règles le plus en amont possible lors de la déclaration de détachement était la condition sine qua non pour lutter efficacement contre les fraudes et les abus.

C'est pourquoi nous avons élevé au niveau législatif l'obligation actuelle pour le prestataire étranger d'effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l'inspection du travail. Outre cette déclaration, l'employeur devra indiquer les coordonnées de son représentant en France, conformément à l'article 9 de la directive d'exécution adoptée le 16 avril 2014 par le Parlement européen, qui autorise un État membre à imposer la désignation d'une personne « chargée d'assurer la liaison avec les autorités compétentes dans l'État membre d'accueil dans lequel les services sont fournis ».

Nous avons ensuite obligé le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage qui recourt à un prestataire étranger à vérifier que celui-ci s'est bien acquitté de son obligation de déclaration, quel que soit le montant de la prestation. Les particuliers sont toutefois dispensés de cette obligation de vigilance, à l'instar de ce qui était déjà prévu dans la proposition de loi initiale.

Surtout, la commission a franchi un pas décisif en prévoyant que tout manquement à ces règles, de la part du prestataire étranger mais aussi du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage français dans sa relation avec un cocontractant étranger, sera passible d'une sanction administrative. La situation actuelle n'est pas satisfaisante, chacun en conviendra : l'amende contraventionnelle de quatrième classe est peu dissuasive 750 euros et rarement appliquée. C'est pourquoi il a été proposé de créer une sanction administrative, prononcée par le directeur de la Direccte, en nous inspirant largement de celle prévue à l'article premier de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, qui a été discutée hier en commission mixte paritaire. Le montant de l'amende sera d'au plus 2 000 euros par salarié détaché et d'au plus 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende, tout en étant plafonnée à 10 000 euros. Pour fixer son montant, l'autorité administrative devra prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

En outre, la commission a supprimé la création d'une déclaration spécifique en cas de sous-traitance imposée aux maîtres d'ouvrage ou donneurs d'ordre pour les contrats supérieurs à 500 000 euros, car celle-ci devenait superfétatoire du fait de l'obligation générale de vérification imposée au donneur d'ordre ou au maître d'ouvrage « dès le premier euro ».

En deuxième lieu, la commission a retenu un dispositif unique de solidarité financière, applicable au donneur d'ordre et au maître d'ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d'un sous-traitant, qu'il soit détaché ou non. Le dispositif prévu à l'article premier, qui ne concernait que les salariés détachés, a donc été supprimé par souci de simplicité. La commission a en outre élargi le champ d'application de la solidarité financière prévue à l'article deux : d'une part, les personnes qui recourent aux services d'une entreprise de travail temporaire pourront désormais être mises à contribution, tandis que la protection de la solidarité financière s'étendra aussi aux salariés du cocontractant d'un sous-traitant. Bien entendu, cette responsabilité solidaire étendue au co-contractant d'un sous-traitant est limitée à l'objet même du contrat initial conclu en amont entre le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage et l'entreprise principale. Prenons un exemple simple : imaginons qu'un donneur d'ordre construise un hôtel et que le sous-traitant qu'il a choisi pour sa toiture ait contracté avec une entreprise de distribution de café qui ne paie plus ses salariés. Dans ce cas, le maître d'ouvrage ne sera pas tenu de payer les salariés du distributeur de café, car ce contrat ne s'inscrit pas dans le cadre du contrat principal, qui est la construction de l'hôtel. En revanche, l'article deux s'appliquera si le cocontractant du sous-traitant exerce une activité en lien direct avec le chantier principal, qui est à l'origine de la sous-traitance.

En troisième lieu, la commission a procédé à divers aménagements pour renforcer la cohérence du texte.

Elle a tout d'abord sécurisé juridiquement les dispositions relatives à l'action en justice d'un syndicat pour défendre les droits d'un salarié détaché, sans mandat de sa part. La commission a aligné les dispositions relatives au refus du salarié d'être défendu par un syndicat sur celles qui existent déjà dans le code du travail en matière notamment de marchandage, de discrimination ou de harcèlement.

Elle a ensuite prévu une amende de 3 750 euros et un emprisonnement de deux mois lorsqu'une personne, qui fait l'objet d'un procès-verbal pour travail illégal, ne respecte pas une décision administrative de remboursement d'aide publique. Enfin, la commission a donné la possibilité au juge de prononcer, à titre de peine complémentaire lorsqu'une personne est condamnée pour travail illégal, l'interdiction de recevoir une aide financière versée par une personne privée chargée d'une mission de service public. Il s'agissait pour la commission d'un amendement de cohérence juridique, et d'aller au-delà de la seule interdiction des aides publiques.

En dernier lieu, la commission a changé l'intitulé de la proposition de loi, afin de supprimer le recours à l'expression anglo-saxonne de « dumping » social et de mettre l'accent sur la problématique du détachement de travailleurs.

Lors de l'examen du texte en séance publique le 6 mai, trois modifications importantes ont été apportées à la proposition de loi.

Tout d'abord, sur proposition du groupe communiste, républicain et citoyen, le bilan social devra indiquer le nombre de salariés qu'une entreprise détache et le nombre de travailleurs détachés qu'elle accueille.

Ensuite, le Sénat a adopté à l'unanimité lors d'un scrutin public un amendement présenté par le groupe Rassemblement démocratique et social européen, qui visait à supprimer le seuil de 15 000 euros prévu pour la liste noire instituée à l'article six. J'étais initialement défavorable à cette suppression, mais je m'y suis finalement ralliée, car le ministère nous a indiqué que seule une dizaine d'amendes pour travail illégal dépassait le seuil des 15 000 euros en 2011 comme en 2012. C'est pourquoi nous vous proposerons tout à l'heure d'acter cette suppression et de procéder aux coordinations juridiques nécessaires.

Enfin, à l'initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, le Sénat a autorisé le juge à prononcer, comme peine complémentaire à l'encontre d'une personne condamnée pour travail illégal, le remboursement des aides publiques perçues les cinq années précédentes.

En conclusion, je voudrais souligner deux points.

Le premier, c'est que ce texte témoigne de la qualité du travail parlementaire, aussi bien de la part des sénateurs que des députés, qui sont à l'origine de la proposition de loi. Je voudrais en particulier saluer l'engagement de M. Gilles Savary, rapporteur, de ses collègues Mme Guittet et M. Piron, ainsi que notre collègue Éric Bocquet, dont le rapport d'information sur les travailleurs détachés a constitué un élément essentiel dans le débat public.

Le second point, c'est que ce texte, malgré des avancées incontestables, ne pourra pas à lui seul répondre à tous les abus et fraudes constatés lors des détachements de travailleurs. Il nous faudra en amont oeuvrer au niveau européen pour obtenir une harmonisation sociale par le haut, et en aval améliorer la réponse pénale et administrative, tout en renforçant les effectifs des corps de contrôle comme l'inspection du travail.

En conclusion, mes chers collègues, je souhaite que cette proposition de loi recueille le soutien le plus large possible aujourd'hui en commission mixte paritaire.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Merci Mme Emery Dumas, la parole est maintenant à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Mme la présidente, Mme la vice-présidente, Mme la rapporteure du Sénat, mes chers collègues, je vous remercie pour votre contribution absolument décisive. Je voudrais dire qu'il me semble effectivement que nous sommes tout près du but et je crois que nous devrions parvenir à un accord. Je l'espère parce que peu de choses nous séparent de la version qui a été notoirement enrichie par le Sénat.

Je souhaite simplement rappeler la genèse de cette proposition de loi. C'est, effectivement, je pense, un texte de loi qui est à l'honneur du Parlement et des deux chambres car il est né de l'initiative parlementaire. Il fait suite à un travail de vigilance des parlementaires à l'égard de la législation européenne. Je pense notamment à celui de votre collègue Éric Bocquet, sénateur, avec son rapport d'information qui nous a beaucoup nourris. Puis nous avons pris l'initiative, avec mes collègues Michel Piron et Chantal Guittet, de préparer une résolution relative à la directive d'exécution sur la directive détachement adoptée par l'Assemblée nationale le 11 juillet 2013. C'était avant que les négociations n'aboutissent à Bruxelles ; nous pensions qu'il fallait que le Parlement pèse pour en infléchir le cours. Je ne sais pas si cette initiative a été décisive mais c'est à partir de là que tout a commencé. Nous avions, après beaucoup d'auditions, constaté qu'il fallait autant que possible parvenir à une mouture de la directive finale la plus proche de ce que souhaitait la France ce qui fut le cas finalement, puisque des pays de l'Est se sont ralliés à la position française. Dans le même temps, nous avions également conclu que cette directive n'était pas suffisante et qu'il restait une très large marge de réglementation aux États membres et en particulier aux nôtres.

J'ai la faiblesse de penser, pour avoir beaucoup fréquenté les milieux bruxellois, que cette loi française fera beaucoup d'émules en Europe. Je vois les Belges s'y intéresser de près ainsi que les Allemands, géographiquement très proches eux aussi de frontières qui fournissent de la main d'oeuvre bon marché. Je pense que l'oeuvre du Parlement national est tout à fait satisfaisante pour les parlementaires et finalement met à l'honneur ce qu'un Parlement peut faire de mieux lorsqu'il travaille de la manière la plus ouverte possible. Il y a, cela ne vous a pas échappé, des contributions de tous les groupes politiques. Les textes ont été votés de manière extrêmement transversale avec très peu d'oppositions, quelques oppositions personnelles mais pas d'opposition de groupe en ce qui concerne l'Assemblée nationale.

Je voudrais remercier le Sénat pour le travail remarquable qu'il a accompli. Je pense qu'il a beaucoup apporté à ce texte notamment en termes de clarification. Je vous rappelle que ce texte anticipe l'article 12 de la directive d'application afin de mettre en oeuvre des dispositions de responsabilité solidaire du maître d'ouvrage avec ses prestataires de services. Jusqu'à maintenant on présumait que les prestataires étaient les seuls auteurs de l'infraction et donc exposés à d'éventuelles sanctions. Aujourd'hui les donneurs d'ordre et les maîtres d'ouvrage sont également concernés : ils ne peuvent plus se désintéresser des personnels présents sur leur chantier. La première différence entre la directive d'application et son article 12 avec la disposition française est que nous l'élargissons à tous les secteurs d'activité, elle n'est pas simplement confinée ou exclusivement réservée au secteur du bâtiment et des travaux publics. Cette extension, au-delà du secteur du bâtiment et des travaux publics, patronat et syndicats l'avaient demandée.

Dans le même temps, nous avons fait en sorte de ne pas transformer le maître d'ouvrage, je le dis ici avec force, en contrôleur du travail. Ce qui pèsera sur lui c'est tout simplement une obligation de vigilance assortie d'une peine d'amende si elle n'est pas exercée mais qui ne transforme pas le maître d'ouvrage en contrôleur du travail. Ce n'est pas à lui de vérifier la situation de chaque travailleur étranger employé, ce qui s'avérerait difficile pour beaucoup de métiers, je pense notamment aux agriculteurs qui n'ont pas toujours les structures administratives adaptées ou de services de gestion des ressources humaines. Ils doivent simplement s'enquérir du fait que les obligations liées au détachement ont bien été respectées dans toute la chaîne de sous-traitance.

Une deuxième différence avec la directive européenne c'est que toute la chaîne de sous-traitance sera concernée, y compris les cocontractants, ainsi que le Sénat l'a précisé d'une façon juridiquement très pertinente. Ces derniers doivent aussi, lorsqu'il y a eu un contrôle révélant une irrégularité, s'enquérir de cette irrégularité, s'assurer qu'elle est très vite levée par les prestataires de services ou bien prévenir à nouveau l'inspection du travail. Ce n'est pas lourd, c'est à la portée de tous, et cela responsabilise le maître d'ouvrage sans lui imposer des astreintes ou des contraintes procédurales considérables.

Ce texte comporte quelques développements plus sectoriels concernant en particulier le BTP ou le transport routier qui pose des problèmes beaucoup plus redoutables puisque les personnels concernés se déplacent et traversent les frontières. La notion de détachement dans le secteur du transport est particulièrement complexe, notamment parce qu'un chauffeur peut traverser plusieurs frontières dans la même journée.

Je voudrais terminer en évoquant les quelques amendements qui ont été déposés, et dont nous allons délibérer. Tout d'abord nous acceptons la suppression de la double déclaration. La rapporteure du Sénat a fini par me convaincre qu'elle était redondante avec l'obligation de vigilance que l'on instaurait au niveau du maître d'ouvrage. A partir du moment où celui-ci doit être vigilant et vérifier que la déclaration a bien été faite, il était tout à fait superfétatoire qu'il en fasse une lui-même. Vous avez également introduit la solidarité financière du cocontractant et cela je pense que c'est acceptable. Vous avez supprimé le seuil de 15 000 euros accompagnant la liste noire afin de laisser au juge la liberté d'inscrire une personne sur cette liste quel que soit le montant de l'amende. Effectivement, au-delà de 15 000 euros on se situe dans des échantillons qui sont très peu significatifs. Le mécanisme de la liste noire m'a été inspiré par celui mis en place dans les années 2000 par la Commission européenne dans le transport aérien et qui maintenant fait autorité dans le monde entier. L'impact de cette liste noire a été redoutable car vous savez qu'il s'agissait d'interdire à certaines compagnies étrangères d'atterrir sur les aéroports européens. Les flottes de pays entiers n'ont pas pu atterrir durant quelques mois ou quelques années sur les aéroports européens. C'est ainsi que l'Égypte qui était passée en liste noire a reconstitué l'intégralité de sa flotte en moins de deux ans. Le résultat a donc été extrêmement positif et j'ai donc pensé qu'on pouvait reprendre ce système dans le domaine qui nous occupe. Il s'agit d'un système plus dissuasif que punitif et qui, en cela, rejoint la philosophie de ce texte. Nous n'avons pas les moyens de multiplier les contrôleurs du travail et les bureaux d'information bilatéraux fonctionnent mal vous savez que la directive prévoit dans chaque pays un bureau bilatéral pour recueillir des informations sur tous les salariés qui seraient éventuellement en infraction. Il faut donc inciter les maîtres d'ouvrage à s'intéresser davantage aux personnels présents sur leur chantier et à leurs conditions d'emploi mais aussi approfondir les sanctions. Puisqu'on ne peut resserrer les mailles du filet, il faut que les sanctions soient exemplaires et c'est pour cela que nous avons introduit une incrimination de bande organisée qui permettra de mener des investigations extrêmement intrusives, sous contrôle du juge et avec la coopération de la force publique.

Voilà mes chers collègues ce que je voulais vous dire. Je veux vous remercier tous de l'engagement qui a été le vôtre. Je veux également remercier Richard Ferrand qui a fortement contribué à enrichir ce travail. J'espère que nous pourrons trouver un accord mais je n'en doute guère.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Merci à nos deux rapporteurs, je pense qu'au vu de ce qui vient d'être dit, nous pourrons aboutir à un texte commun.

Je donne maintenant la parole aux parlementaires qui en ont fait la demande.

Mme Véronique Louwagie, députée. - Nous vivons tous sur nos territoires des formes de perturbation de l'économie. Le recours à des salariés détachés suscite parfois un sentiment d'injustice chez nos concitoyens. Je ne voudrais pas faire un lien avec les résultats des élections européennes mais il faut prendre en compte ces sentiments. C'est en ce sens qu'il faut trouver des solutions pour agir contre la fraude et c'est dans cette perspective que cette proposition de loi pourrait trouver un intérêt. Je pense que nous sommes tous d'accord pour renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordres dans le cadre de la sous-traitance et lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

Il y a trois points aujourd'hui qui attirent particulièrement notre attention dans le cadre de la CMP.

Le premier point concerne la responsabilité solidaire et la vigilance. Au niveau de l'Assemblée nationale il avait été retenu, d'une part, un dispositif de responsabilité solidaire du donneur d'ordre dans deux cas : le paiement des salaires si l'entreprise détachant des travailleurs et réglant les salaires n'avait pas fait de déclaration de détachement auprès de l'inspection du travail. Ensuite face à des conditions d'hébergement indignes, avait été instauré un dispositif spécifique de vigilance : un devoir d'injonction du donneur d'ordre envers le sous-traitant qui se trouvait en situation d'infraction, couplé à un devoir d'information envers l'inspection du travail lorsqu'il n'y avait pas de régularisation des infractions par le sous-traitant.

Le Sénat a maintenu, d'une part, le principe de responsabilité solidaire en cas d'hébergement indigne, et, d'autre part, l'obligation de vigilance du donneur d'ordre quant au respect des droits des salariés détachés. Le mécanisme a, par ailleurs, été quelque peu simplifié, le dispositif retenu par l'Assemblée nationale pouvant sembler trop complexe. Néanmoins, ce qui peut choquer, c'est que le principe de responsabilité solidaire, qui était au coeur du texte, a quasiment disparu. Il n'existe plus du tout sur le paiement des salaires et, paradoxalement, il est maintenu pour le dispositif relatif à l'hébergement indigne, alors même que cela n'était pas prévu dans le texte initial. Si on voulait aller au bout de cette logique, il faudrait supprimer la notion de responsabilité solidaire sur les conditions d'hébergement indignes, pour lui appliquer le même traitement ainsi qu'un dispositif de vigilance du donneur d'ordre.

En ce qui concerne la liste noire et la question des seuils , j'ai bien entendu Monsieur le rapporteur, vos propos quant à un caractère plus dissuasif et pas forcément punitif. J'ai entendu également que cette mesure avait suscité beaucoup d'émoi, c'est dire s'il y avait une intention forte. L'Assemblée nationale avait abaissé le seuil de 45 000 à 15 000 euros pour l'inscription d'une entreprise condamnée sur une liste noire. Le Sénat a complètement supprimé ce seuil. Je crois que l'on pourrait revenir à une position médiane, c'est-à-dire à un seuil de 15 000 euros.

Concernant le troisième point, la peine complémentaire en cas de condamnation pour travail illégal, l'Assemblée nationale avait adopté un article additionnel en ouvrant la possibilité pour le juge de prononcer une nouvelle peine complémentaire en cas de condamnation pour travail illégal. C'est-à-dire l'interdiction de percevoir tout aide publique pour une durée maximale de cinq ans. Lorsque notre groupe était intervenu et avait demandé de réduire la peine à un an, le Sénat est intervenu et a musclé cette peine en demandant la restitution de l'ensemble des aides publiques perçu durant le temps de contrat frauduleux. On peut comprendre la logique de cet article, il est important de sanctionner lorsqu'il y a fraude mais je crois qu'il faut adapter la mesure des peines aux infractions. Il apparaît opportun de revenir à une version qui était déjà punitive qui était celle de l'Assemblée nationale. Je crois qu'il faut prendre en compte la situation économique des entreprises qui sont aujourd'hui en difficulté sur les territoires.

M. Jean Bizet, sénateur. - En tant que responsable de mon groupe lors de la discussion générale, je voudrais rappeler que pour le groupe UMP du Sénat il n'y a pas d'opposition sur le fond de ce texte parce qu'il anticipe l'application de l'article 12 de la directive, qui ne sera pas appliquée avant 2016-2017. Ce texte, nous l'avons regardé, est donc euro compatible et vise une harmonisation, tout cela est donc positif.

J'ai noté également, en écoutant tout à l'heure avec intérêt le rapporteur de l'Assemblée nationale, que vous aviez bien précisé les choses en ce qui concerne le maître d'ouvrage et le donneur d'ordre. Il y a bien une obligation de vigilance et il ne s'agit pas de le transformer en contrôleur de l'inspection du travail. Par contre, nous sommes globalement réservés sur un certain nombre de mises en oeuvre techniques.

Sur l'article 6, une liste noire présente effectivement une vertu dissuasive. J'aurais été versé sur une liste plutôt positive. Elle n'est peut-être pas aussi facile que cela à mettre en oeuvre mais elle aurait eu la vertu de permettre à chacun d'accéder à cette liste positive.

L'article 7 m'a vraiment paru curieux au regard du principe selon lequel nul ne peut plaider par procureur.

L'article 7 bis, qui exclut une entreprise condamnée pour travail illégal de toutes aides publiques pendant cinq ans, me paraît dangereux. Avons-nous vraiment mesuré ce que serait l'avenir d'une entreprise qui serait rachetée par un autre investisseur, compte tenu du discrédit que constitue une exclusion de toute aide publique pendant cinq ans ou, en l'occurrence, ce qui adviendrait des salariés ?

Vous avez rappelé que le transport routier, compte tenu de toutes ses spécificités, devait faire l'objet d'un traitement particulier. Nous sommes tout à fait d'accord mais permettez-moi une parenthèse. Il faudra bien qu'un jour on se penche aussi sur le transport aérien, parce que le problème, et c'est un autre sujet, devient de plus en plus préoccupant pour certaines entreprises.

Au final, il y aura une abstention bienveillante du groupe UMP du Sénat sur ce texte.

M. Dominique Tian, député. - Merci beaucoup et c'est aussi une abstention du groupe UMP à l'Assemblée nationale.

D'abord, fondamentalement, il s'agit d'un texte franco-français, cela vient d'être évoqué, ce n'est donc pas une directive européenne, cela malheureusement en limite la portée, il faut en être conscient.

Deuxièmement, je ne partage pas exactement le point de vue de mon collègue sénateur, notamment en ce qui concerne le transport routier qui, à mon sens, n'a rien à faire dans ce texte. C'est vrai qu'une des mesures préconisée par notre rapporteur à l'Assemblée dit qu'il faut veiller à ce que les conducteurs routiers prennent, en dehors de leurs véhicules, leurs temps de repos hebdomadaire. Nous avons consulté les entreprises de transport et elles nous ont dit que chercher un hôtel sur une aire d'autoroute un samedi soir serait quelque chose d'à la fois complexe et étrange dans la mesure où le camion est aménagé pour pouvoir y loger tous les jours de la semaine, y compris le samedi et le dimanche et que la préoccupation première du chauffeur routier c'est de ne pas se faire voler sa cargaison. J'avais déjà indiqué que cette mesure était peu opérationnelle et je persiste sur ce point.

Par ailleurs, concernant la liste noire vous avez évoqué beaucoup de problèmes et même la question de sa constitutionnalité. Tout simplement parce que cette liste noire n'impose rien à personne, elle n'est que consultative. Dire : « voilà une liste noire d'entreprises à votre disposition mais n'en tirez aucune conclusion ni pour contracter un accord avec elles ni quoi que ce soit, contentez-vous de la consulter et ensuite prenez vos responsabilités », cela ne me paraît pas, sur le plan juridique, quelque chose de très élaboré, dans la mesure où on peut toujours contracter avec cette entreprise, que l'on soit la puissance publique, une collectivité locale ou un entrepreneur. Mais qui va prendre le risque de le faire avec une entreprise déjà marquée au fer rouge de l'infamie ? Cela nous paraissait sur le plan constitutionnel assez peu probant et même dangereux. Cette liste noire nous semble soulever beaucoup de difficultés.

Il se pose ensuite la question des subventions. Le groupe UMP à l'Assemblée nationale avait attiré l'attention sur le fait qu'on interdit toute subvention à une entreprise qui aurait fauté dans un délai, que vous avez alourdi au Sénat et qui irait jusqu'à cinq ans. Cette disposition signifie la condamnation à mort pour une entreprise qui aurait peut-être été vendue, rachetée par ses salariés ou qui aurait peut-être tout simplement changé d'actionnaires. Un an c'est déjà beaucoup, cinq ans c'est trop et nous restons opposés à ce dispositif.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Le groupe UDI au Sénat a voté ce texte car il apprécie que, pour une fois, la France anticipe la transposition d'une directive européenne. A l'initiative de la rapporteure du Sénat, les articles 1 et 2 ont gagné en clarté et en précision : qu'elle en soit remerciée.

On peut certes discuter de l'opportunité d'une liste noire, mais la critique des abus du dumping est partagée par les entreprises comme par tout un chacun. La légitimité d'une liste noire est donc certaine : le texte confère en outre au juge la simple faculté d'y inscrire l'entreprise condamnée. Certes, le Sénat a durci la sanction en supprimant le montant minimal d'amende rendant possible l'inscription sur la liste noire. Nous pourrons donc discuter la suppression de ce seuil de 15 000 euros.

Je regrette cependant que nous n'allions pas à la racine du mal : pour faire réellement oeuvre utile, nous aurions pu ajouter une disposition prévoyant que les cotisations sociales sont acquittées dans le pays d'accueil et non dans le pays d'origine. C'est la seule façon d'en finir avec la concurrence abusive entre des pays qui sont tous membres de l'Union européenne.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Les niveaux de protection sociale et les modes de calcul des droits sont très différents entre les différents pays européens. Adopter une telle disposition au plan national me semble difficile.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Je propose que l'on paye dans le pays d'accueil des droits que l'on pourra faire valoir dans le pays d'origine, notamment pour la retraite. Un dispositif de ce type serait possible. Si l'idéal serait de rapprocher les taux de cotisation, vous savez bien que nous sommes loin du compte.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Votre proposition est vertueuse mais ce texte ne constitue pas le bon véhicule législatif et, particulièrement en matière de retraite, les modalités d'établissement des droits sont sans doute trop disparates entre les différents états membres.

M. Richard Ferrand, député. - Ce texte est attendu autant par les employeurs que par les salariés car il permet de lutter à la fois contre la concurrence déloyale en matière d'accès aux marchés, la concurrence économique, mais aussi contre la concurrence déloyale sur le plan social. Les deux aspects de ce texte constituent son caractère novateur.

Ces mesures ont une vocation dissuasive à l'égard des tricheurs. Leur efficacité ne repose pas sur l'ajout de nouvelles mesures pénales mais sur la fin du sentiment d'impunité. On ne saurait formuler de réserves sur ce point. Notre collègue Dominique Tian a parlé d'entreprises « condamnées à mort » ; mais lorsqu'une entreprise fraude à la fois sur les conditions de mise en concurrence et sur le respect des travailleurs, je ne vois pas qui participera aux obsèques...

M. Dominique Tian, député. - Le salarié !

M. Richard Ferrand, député. - Au contraire, beaucoup d'entreprises et beaucoup de salariés souffrent de la concurrence déloyale. Ce texte revient du Sénat clarifié et enrichi. Le groupe SRC de l'Assemblée nationale est donc très heureux de l'aboutissement prochain du travail accompli en commun.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Je propose que nous examinions le texte dans l'ordre des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER
Dispositions générales modifiant le code du travail

Article 1er
Extension de l'obligation de vigilance de l'entreprise bénéficiaire d'une prestation
de service internationale

La commission mixte paritaire adopte les propositions de rédaction nos 1 et 2 des deux rapporteurs, de portées rédactionnelles, puis elle adopte l'article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis
Registre unique du personnel et détachement de travailleurs

La commission mixte paritaire adopte une proposition de rédaction n° 3 des deux rapporteurs, de portée rédactionnelle, puis elle adopte l'article 1er bis ainsi modifié.

Article 1er ter A
Inscription des salariés détachés dans le bilan social de l'entreprise d'accueil

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er ter A dans la rédaction du Sénat.

Article 1er ter
Vigilance du donneur d'ordre en matière d'application de la législation du travail

La commission mixte paritaire adopte une proposition de rédaction n° 4, des deux rapporteurs, de clarification visant à modifier l'emplacement dans le code du travail des dispositions relatives à la lutte contre les conditions d'hébergement indigne des salariés, qu'ils soient détachés ou non.

Elle adopte également une proposition de rédaction n° 5 des deux rapporteurs, de portée rédactionnelle.

Puis elle adopte l'article 1er ter ainsi modifié.

Article 2
Solidarité du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage pour le paiement des salaires

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans la rédaction du Sénat.

Article 6
Signalement sur internet des entreprises condamnées à au moins 45 000 euros d'amende pour travail dissimulé

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 6 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat.

M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit d'un amendement de coordination juridique. Il tire les conséquences, pour l'ensemble des infractions de travail illégal, de la proposition du Sénat de supprimer le seuil de 15 000 euros d'amende permettant l'inscription sur la liste noire, à titre complémentaire, de l'entreprise condamnée.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction étend la suppression du seuil à l'ensemble des infractions de travail illégal.

M. Dominique Tian, député. - Je rappelle que la suppression du seuil constitue un durcissement très important des sanctions et conduira le groupe UMP à voter contre cette mesure.

M. Jean Bizet, sénateur. - Le groupe UMP du Sénat partage cette inquiétude.

M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le dispositif existant ne touche qu'une dizaine d'entreprises par an, ce qui est manifestement insuffisant au regard du taux de fraude très élevé dans de nombreuses entreprises petites ou moyennes. La sanction sera laissée à l'appréciation du juge. Selon toute vraisemblance, elle touchera des entreprises notoirement indélicates et probablement récidivistes.

La proposition de rédaction n° 6 est adoptée puis la commission mixte paritaire adopte l'article 6 ainsi modifié.

CHAPITRE II
Autres dispositions

Article 6 bis
Droit pour les organisations syndicales représentatives d'agir en justice
pour défendre certains salariés

La commission mixte paritaire adopte l'article 6 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 6 ter
Sanctions administratives à l'encontre des personnes verbalisées
pour une infraction de travail illégal

La commission mixte paritaire adopte une proposition de rédaction n° 7 des deux rapporteurs, de portée rédactionnelle, puis elle adopte l'article 6 ter ainsi modifié.

Article 7 bis
Interdiction pour une durée maximale de cinq de percevoir des aides publiques
en cas de condamnation pour travail dissimulé, emploi d'étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main d'oeuvre et marchandage

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 8 du rapporteur de l'Assemblée nationale.

M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction résulte d'un désaccord avec un amendement introduit par le groupe communiste, républicain et citoyen au Sénat. Nous avons proposé l'instauration d'une peine complémentaire permettant à un juge d'interdire du bénéfice des aides publiques une entreprise qui aurait contrevenu au droit du travail, en particulier en matière de dumping social.

Nous visons dans les faits un petit nombre de cas, en particulier le secteur aérien low cost convaincu d'infractions systématiques, lourdes et organisées. Ces entreprises, non contentes de bénéficier de subventions importantes qui constituent une distorsion de concurrence par rapport aux opérateurs historiques nationaux, tous en difficulté, pratiquent en outre le dumping social. Je veux citer par exemple Ryanair qui a été condamnée en raison de ses pratiques sur le site de Marignane où 120 travailleurs étaient tous fictivement employés à Dublin, sans s'y être jamais rendus, afin d'être détachés en France et rémunérés sans acquitter de cotisations sociales. Dès lors, prévoir une interdiction de perception de subventions publiques n'est pas disproportionné.

En revanche, il convient de supprimer le fait que le contrevenant rembourserait les subventions déjà perçues. Dans ce cas, le motif de la sanction est sans rapport avec celui de la subvention. La subvention était motivée par une politique d'aménagement du territoire et le souhait par exemple, pour une collectivité territoriale, de bénéficier d'une desserte aérienne ; l'infraction est, elle, d'ordre social. Mais si le remboursement des aides reçues n'est pas fondé, le sevrage ultérieur de subventions publiques me paraît bien justifié.

Nous proposons donc de revenir sur l'amendement adopté au Sénat qui avait introduit cette obligation de remboursement.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. - Certaines compagnies low cost sont également en infraction sur les modalités de vente en ligne de billets. Elles pratiquent des réductions tarifaires illégales, contrairement à Air France. Les jugements tardent à venir.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat. - La commission au Sénat avait émis un avis de sagesse qui explique que je n'ai pas pu cosigner cette proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale. Pour autant je me range assez volontiers à son analyse. L'effet rétroactif de cette disposition est contestable, alors même que le code du travail autorise déjà l'autorité administrative, lorsqu'elle a connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction de travail illégal à demander le remboursement des aides publiques perçues au cours des 12 derniers mois. Je rappelle par ailleurs que le Sénat a étendu les moyens de rétorsion pour les aides apportées aux personnes privées chargées d'une mission de service public, car des cas de contournements nous ont été signalés.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Je suis favorable à la proposition de rédaction présentée par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente. - Je ne vais pas voter cette proposition de rédaction qui revient sur un amendement proposé par mon groupe au Sénat. Nous avions bénéficié d'un avis de sagesse au Sénat : je regrette que cette sagesse ne resurgisse pas aujourd'hui. Ne plus percevoir d'aides publiques constitue une sanction minimale, le geste minimal à attendre de la part des collectivités pourvoyeuses de subventions. Mais de la part de l'entreprise subventionnée, il me semble qu'une forme d'amende est légitime, à travers le remboursement des sommes que l'entreprise percevait alors même qu'elle adoptait des pratiques illégales. Dans le secteur aérien mais aussi dans celui du bâtiment, le dumping social est une plaie que de nombreux employeurs dénoncent : le durcissement des sanctions est nécessaire.

Mme Véronique Louwagie, députée. - Des précisions me semblent nécessaires concernant les contours de cette peine complémentaire. Le juge a la possibilité de prononcer cette peine ou non. Cela semble constituer un risque d'applications très différentes en fonction des situations ou des territoires. Je suis satisfaite que l'on ne retienne plus la rétroactivité proposée au Sénat. Quant à la durée de la peine, il nous semble qu'une année serait plus pertinente que les cinq ans proposés. Je souhaiterais enfin savoir à quelle date le dispositif s'appliquera.

M. Jacky Le Menn, sénateur. - L'amendement voté au Sénat constitue une fausse bonne idée, bien que je ne doute pas de l'intention louable du groupe qui l'a déposé. Les retombées du dispositif adopté pourraient s'avérer très négatives et il me semble qu'il faut immédiatement savoir raison garder. Comme le rappelle l'exposé sommaire de la proposition de rédaction n° 8 de M. Gilles Savary, les risques relatifs aux sanctions sur les aides publiques attribuées aux entreprises apparaissent démesurés, de même que les risques sur les conditions d'emploi : il en va de la survie même de certaines sociétés. Si l'amendement voté au Sénat semble poursuivre un objectif qui va dans le bon sens, il pourrait être lourd de conséquences sociales. La vraie sagesse est d'adopter la proposition de rédaction n° 8 de M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Pour préciser la philosophie du dispositif porté par ma proposition de rédaction, j'ai précédemment cité l'exemple du secteur aérien mais il a vocation à s'appliquer de manière générale à l'ensemble des secteurs d'activités.

En France, nous avons le privilège de ne pas avoir un système de peines automatiques et les juges apprécient au cas par cas en tenant compte des circonstances de l'espèce et de l'intentionnalité. Il est probable que seront jugées différemment des affaires fondées sur la faute professionnelle d'un subalterne ou sur une intention délibérée de l'employeur de pratiquer du « dumping social ».

Nous discutons ici d'une peine complémentaire : ma proposition de rédaction constitue une position d'équilibre, car l'amendement voté au Sénat pourrait conduire à des fermetures pures et simples d'entreprises, si le remboursement des aides publiques attribuées était exigé. A titre d'exemple, il n'est pas sûr que la fermeture d'une société aérienne low cost soit une perspective positive pour Carcassonne, tant en termes d'emploi que de desserte de la ville, en raison d'une sanction extrêmement rigoureuse.

C'est pourquoi je vous invite à adopter ma proposition de rédaction et donc à revenir sur l'amendement voté au Sénat, afin que le dispositif retrouve un équilibre et prenne bien en compte l'ensemble des dimensions du problème qui sont en jeu.

M. Dominique Tian, député. - Je remercie M. Gilles Savary de ses propos et tiens à préciser que la société low cost qu'il a évoquée et qui dessert l'aéroport de Marseille Provence a régularisé sa situation. L'existence de cette société apporte beaucoup aux consommateurs français, puisqu'elle transporte des millions de voyageurs chaque année, et au paysage aérien français, car elle emploie des centaines de salariés, ainsi qu'à la chambre de commerce et d'industrie et à l'aéroport. Certes, elle a mis en oeuvre une politique d'optimisation, comme de nombreuses autres entreprises d'ailleurs, sans déployer des pratiques frauduleuses de travail dissimulé, mais sa situation est désormais clarifiée.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 8 puis l'article 7 bis ainsi modifié.

Titre

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 9 des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat concernant le titre de la proposition de loi.

M. Gilles Savary, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le titre que nous avions retenu à l'origine pour la proposition de loi était à la fois long et peu compréhensible, un défaut auquel a remédié en partie le Sénat en l'améliorant notablement. Toutefois le titre adopté par nos collègues sénateurs n'englobait pas l'ensemble des sujets traités par la proposition de loi. Nous nous sommes donc interrogés sur la meilleure façon de traduire l'expression « dumping social » en français. Sur une proposition de M. Richard Ferrand, nous avons finalement retenu l'expression « concurrence sociale déloyale ».

La proposition de rédaction n° 9 est adoptée.

Mme Annie David, vice-présidente. - Je tiens à signaler que le groupe CRC du Sénat s'abstient sur le vote de ce texte, car la proposition de rédaction n° 8 adoptée à l'instant par la commission mixte paritaire ne nous convient pas. Même si ce texte est porteur d'avancées, nous estimons que la construction européenne doit encore « se muscler » au niveau social.

M. Dominique Tian, député. - Le groupe UMP de l'Assemblée nationale s'abstient également.

M. Jean Bizet, sénateur. - Il en va de même pour celui du Sénat.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Le groupe UDI-UC du Sénat vote, en revanche, en faveur de ce texte.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigé, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.

En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

La réunion est levée à 17 h 45