Mardi 28 juin 2016

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

La réunion est ouverte à 18 h 30.

Constitution du bureau

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Moi qui ai longtemps été le benjamin - un statut très précaire - je suis aujourd'hui le doyen d'âge de ce groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté », créée par la conférence des présidents. La composition du groupe a été décidée le 22 juin par le Sénat. Le calendrier est contraint, l'examen en séance publique étant prévu pour le mois de septembre.

Y a-t-il un autre candidat que moi-même au poste de président ? Sinon, pouvons-nous nous dispenser d'un vote à bulletins secrets ?

M. Jean-Claude Lenoir est proclamé élu.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous remercie. Les candidates aux postes de rapporteures sont Mme Françoise Gatel, membre de la commission des affaires sociales, et Mme Dominique Estrosi-Sassone, membre de la commission des affaires économiques. Y a-t-il d'autres candidats ? Non ? Elles sont proclamées élues.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Traditionnellement, les commissions spéciales comptent dix vice-présidents et trois secrétaires, afin que tous les groupes soient représentés selon leur poids respectif. Sont candidats à la vice-présidence, pour le groupe Les Républicains : Mme Sophie Primas  et MM. Philippe Dallier et René Danesi ; pour le groupe socialiste et républicain : MM. Jacques-Bernard Magner, Yves Rome et Jean-Pierre Sueur ; pour le groupe UDI-UC : M. Henri Tandonnet ; pour le groupe CRC : M. Christian Favier ; pour le groupe RDSE : M. Jacques Mézard ; pour le groupe écologiste : Mme Aline Archimbaud. Sont candidats aux postes de secrétaires, pour le groupe Les Républicains : M. Alain Vasselle ; pour le groupe socialiste et républicain : Mme Hélène Conway-Mouret ; pour le groupe UDI-UC : M. Loïc Hervé. Ils sont proclamés élus.

L'Assemblée nationale examine le projet de loi cette semaine. Quelque 1 383 amendements ont déjà été déposés en séance publique. La commission spéciale de l'Assemblée nationale l'a examiné du 14 au 16 juin. Sur les 1 143 amendements déposés, elle en a adopté 352. J'appelle votre attention sur le fait que le texte est passé de 41 à 149 articles.

Le calendrier des travaux du Sénat n'est pas très confortable pour un texte lourd tant sur le plan politique que quantitatif. Rappelons que son but est d'éliminer les causes sociétales propres à notre pays des attentats terroristes qui l'ont ensanglanté, et à ce que M. Manuel Valls avait qualifié d'apartheid des banlieues. Transmis en session extraordinaire d'été, sa première lecture devra être achevée en session extraordinaire de fin d'été, qu'il devrait inaugurer mi-septembre.

Mme Françoise Cartron. - Lors de la dernière conférence des présidents, M. Jean-Marie Le Guen a déclaré que la reprise des travaux aurait plutôt lieu le 26 septembre.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous serons néanmoins obligés de nous réunir de façon anticipée. Je propose que nous tenions d'ici la fin de la session extraordinaire, soit le 21 juillet, les quelques auditions prioritaires en séance plénière. Demain, à 18 heures, nous recevrons le président de l'Agence du service civique, M. Yannick Blanc. Nous recevrons aussi le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, et le président de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier, délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat, M. Thierry Repentin.

Nous ferons venir les trois ministres porteurs du texte dès sa transmission par l'Assemblée nationale pour qu'ils commentent les apports des députés en première lecture : M. Patrick Kanner, sur l'ensemble du texte et plus particulièrement le titre I sur la citoyenneté, la cohésion nationale et la jeunesse ; Mme Emmanuelle Cosse, sur le titre II sur le logement ; Mme Erika Bareigts, sur le titre III sur l'égalité, l'insertion et la lutte contre les discriminations.

Détail important, les convocations aux réunions des commissions spéciales sont dématérialisées. Elles ne font pas l'objet d'un envoi papier.

La commission spéciale travaillera la semaine du 12 septembre. Les rapporteures organiseront des auditions ouvertes à tous ses membres. En séance plénière de commission, outre M. Yannick Blanc, nous recevrons M. Thierry Repentin le 13 juillet à 15 h ; un autre invité, éventuellement, le 18 juillet à 18 h ; Mme Erika Bareigts le 19 juillet à 14 h 30 ; M. Jacques Toubon le même jour à 16 h 30 ; un autre invité, éventuellement, le 20 juillet. Ces auditions seront ouvertes à la presse.

M. Henri Tandonnet. - Si la session extraordinaire reprend le 26 septembre, ne peut-on pas décaler les travaux au 19 septembre ? J'ai déjà pris des engagements la semaine du 12 septembre.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je suis prudent. Il est préférable d'envisager des réunions la semaine du 12 septembre.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - La réserve citoyenne militaire est un sujet très important. Beaucoup de jeunes s'y engagent car elle pallie les effets négatifs de la suppression du service militaire. L'audition de M. Jean-Yves Le Drian serait utile.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Absolument.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Bonne idée. Je vous invite à proposer des personnalités à auditionner.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Ce projet de loi rassemble des sujets d'une très grande diversité. Le titre II, sur le logement, est plus sérié, mais les titres I et III sont très variés. J'ai entendu les observations de M. Henri Tandonnet. Le calendrier est extrêmement contraint mais si l'examen en séance publique a lieu dès la reprise de la session extraordinaire, il nous faudra du temps avant. Je rappelle que plus d'un millier d'amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale - je sais que le Sénat est d'une plus grande sobriété. Je suis favorable à la tenue des grandes auditions rapidement.

M. Yannick Vaugrenard. - Il serait intéressant d'auditionner la ministre de l'éducation nationale ainsi que des personnalités associatives.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Selon le niveau de responsabilités des personnes auditionnées, elles seront entendues par la commission ou par ses rapporteures. Effectivement, il peut être intéressant d'entendre la ministre de l'éducation nationale.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Le ministère de l'éducation nationale s'est approprié le terme de réserve citoyenne, qui était réservé au ministère de la défense. Il faudra clarifier cette situation.

Mme Françoise Gatel. - Il faut organiser un maximum d'auditions, mais le calendrier est contraint. Certains acteurs, notamment associatifs, pourraient nous apporter des contributions écrites.

Mme Aline Archimbaud. - Il est utile d'entendre directement les acteurs associatifs pour comprendre comment ils vivent l'accès à la citoyenneté sur le terrain.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je le répète, faites des propositions.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteure. - En plus de celles déjà citées, nous avons établi une liste d'auditions avec Françoise Gatel. Dès que les rendez-vous seront confirmés, nous les diffuserons auprès des membres de la commission qui, ainsi, pourront s'y joindre.

M. Francis Delattre. - Une remarque iconoclaste : depuis plus de trente ans, je casse des ghettos. Ils ont une histoire. L'audition d'un historien serait intéressante, car les propositions du projet de loi conduisent directement à leur reconstitution. Le dessaisissement des autorités élues de leurs prérogatives d'aménagement des villes recrée la première condition de la constitution des ghettos.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je retiens votre idée.

Mme Evelyne Yonnet. - Quelle est la définition d'un ghetto ? Est-ce le logement social, un campement de Roms, l'hébergement d'urgence ? Il est un peu tôt pour lancer ce débat.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - N'entrons pas immédiatement dans le débat.

M. Yannick Vaugrenard. - Nous nous sommes tous inscrits à cette commission spéciale par intérêt pour les objectifs poursuivis par ce projet de loi. Il ne faut pas auditionner uniquement des acteurs institutionnels. Invitons aussi des sociologues, des historiens. Ce serait une erreur de limiter leur audition aux rapporteures.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je recueille toutes les propositions, notamment celles relatives à des personnalités qui, du fait de leurs travaux, valent d'être entendues par toute la commission. Nous tiendrons de nombreuses réunions en tenat compte du délai contraint. Les auditions des rapporteures seront très intéressantes, les autres membres de la commission y seront associés.

La réunion est levée à 19 heures.

Mercredi 29 juin 2016

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

La réunion est ouverte à 18 heures.

Audition de M. Yannick Blanc, président de l'Agence du service civique

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Merci, monsieur Blanc, d'avoir accepté de venir devant le groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui ne sera officiellement constituée qu'à la réception du texte de l'Assemblée nationale. Excusez quelques absents cet après-midi, pris par des réunions sur le Brexit.

Vous êtes préfet, haut-commissaire à l'engagement civique et président de l'Agence du service civique depuis peu, en remplacement de M. François Chérèque, mais vous avez une longue expérience des politiques de cohésion sociale. Une grande partie de votre action a été consacrée à la vie associative. Vous avez représenté l'État au sein de la fondation Agir contre l'exclusion et travaillé sur les quartiers prioritaires auprès M. François Lamy lorsqu'il était ministre de la ville. Vous avez été préfet de Vaucluse et du Val-d'Oise, deux départements confrontés à des problèmes de zones urbaines déshéritées entraînant des difficultés d'intégration. Trois membres du groupe de travail, MM. Alain Richard, Francis Delattre et Hugues Portelli, sont sénateurs du Val-d'Oise.

Vous nous direz quels sont les outils créés par le projet de loi pour favoriser l'inclusion sociale. L'Assemblée nationale examine actuellement ce texte ; nous attendons son résultat.

En matière de politique de la ville, de vie des quartiers sensibles, de jeunesse en difficulté et de radicalisation, les élus locaux sont en première ligne. Le Gouvernement souhaite à juste titre développer le service civique mais inflige dans le même temps une purge financière aux communes et aux intercommunalités. Les banlieues, les villes moyennes confrontées à ces problèmes sont aussi bien souvent en difficulté. La réduction drastique de leur budget de fonctionnement les contraint à amoindrir leur engagement dans le service civique quand elles souhaitent au contraire l'augmenter.

Moi qui suis élu dans l'Orne, dont les difficultés sont d'une tout autre nature, je défends ardemment le service civique.

M. Yannick Blanc, président de l'Agence du service civique. - Je me rendrai à Domfront en octobre pour un forum associatif.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - J'y serai.

M. Yannick Blanc. - Je limiterai mon intervention au titre I du projet de loi. Celui-ci est l'aboutissement d'un cheminement commencé dès le début du mandat du Président de la République, qui, lorsqu'on lui avait demandé quel serait son grand chantier présidentiel, avait répondu : « l'engagement ». L'opération « La France s'engage », après des débuts modestes, prend de l'ampleur. Elle met en lumière les capacités d'innovation et de réponse originales du monde associatif aux problèmes sociaux.

Après les attentats de janvier 2015, le Président de la République s'est demandé comment s'appuyer sur la capacité d'engagement des citoyens pour répondre aux menaces extérieures et aux risques intérieurs pesant sur la République. Sa conviction s'est renforcée après les attentats de novembre 2015 et l'a conduit, lors de ses voeux à la jeunesse, le 11 janvier, à lancer le défi d'un service civique universel, c'est-à-dire accessible à tous, soit la moitié d'une classe d'âge - environ 350 000 jeunes.

En 2015, le Président de la République a demandé à MM. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, et Claude Onesta, sélectionneur de l'équipe de France de handball, de travailler à ce que pourrait être une réserve citoyenne. Ils ont rendu un rapport énonçant des préconisations. Depuis, le débat porte sur les moyens à mettre en oeuvre. Avec M. François Chérèque, puis devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, j'ai plaidé pour rebaptiser la réserve citoyenne en « réserve civique ». Il est important de reconnaître la continuité du parcours d'engagement, auprès des associations sportives ou culturelles ou pour certaines causes.

Le service civique vient donner un levier supplémentaire au désir d'engagement de la jeunesse, en croissance constante. Des sondages réalisés par l'Agence du service civique en 2015 montrent que 50 % des jeunes sont spontanément intéressés, et que 60 % le sont après explication. Environ 215 000 jeunes ont déposé leur candidature sur le site internet de l'Agence. Le défi nous est en réalité lancé par la jeunesse de ce pays, qui demande des outils pour traduire sa volonté d'engagement.

Le service civique, conçu comme un moment de formation, de contact, de brassage social, comme une découverte de la complexité de la société et des valeurs de la République, est unique : comme le service militaire, on ne le fait qu'une fois. Mais son achèvement ne doit pas sonner la fin de la capacité d'engagement. La jeunesse et la séniorité active sont les deux périodes privilégiées : avant d'avoir des enfants, et quand ils sont élevés. Les 35-50 ans veulent un engagement plus ponctuel et plus précis.

La vocation de la réserve est d'encourager tous les citoyens à apporter une aide ponctuelle dans un cadre garanti par la puissance publique et défini par les acteurs de la société civile, par les élus locaux et par les représentants de l'État. Dans l'idéal, le jeune issu du service civique a vocation à intégrer la réserve civique. Je suis toutefois perplexe quant à la volonté de certains députés de l'ouvrir dès l'âge de 16 ans, qui paraît contradictoire avec la proposition de s'inscrire en fonction de ses compétences. À l'inverse, le service civique fait appel à la seule volonté d'engagement, l'un de ses buts politiques étant le brassage des jeunes quelle que soit leur qualification ou leur origine.

L'un des débats suscités par le projet de loi porte sur les garanties qu'il apporte à l'absence d'effet de substitution aux emplois et aux stages. L'Assemblée nationale a renforcé ce principe, crucial depuis le début de l'activité de l'Agence du service civique, et qui constitue le premier critère d'agrément des missions. Si la différence avec un emploi s'impose d'elle-même, rien ne ressemble plus à un jeune stagiaire qu'un jeune volontaire. Il faudra travailler sur la conception même des missions de service civique.

Si la représentation nationale décidait de proportionner les moyens de l'Agence du service civique à l'ambition fixée, il faudrait 50 à 60 000 organismes d'accueil. Je n'imagine aucune procédure de contrôle systématique. La conception des missions et les dispositions assurant la transparence préviendront d'éventuelles dérives. Nous préparons un guide pratique destiné aux ministères et aux opérateurs publics pour qu'ils développent des projets, des activités de contact avec le public ne relevant pas du rôle ordinaire des services. Le but est de rapprocher les services publics et les citoyens.

Le service civique n'est ni un emploi, ni un stage. Le volontaire n'est pas dans un rapport de subordination avec l'organisme qui l'accueille. C'est l'État qui l'indemnise. Plus encore, la vocation du service civique est de développer l'entraide entre citoyens et non de fournir une prestation de service. Il est de notre devoir d'élaborer des missions qui ne confondent pas ces deux notions.

J'étais cet après-midi à une réunion du comité de pilotage du ministère de l'intérieur sur le service civique. Qu'il s'agisse de prévention des risques ou de la délinquance ou d'apprentissage de la sécurité routière, il existe mille et une activités dans lesquelles s'investir. Le développement peut être considérable. De même, relativement peu de missions du service civique concernent la santé. Ce que l'on peut demander à un jeune volontaire dans un établissement hospitalier est bien sûr limité, mais en matière d'accompagnement post-hospitalisation, de politique de prévention ou de santé communautaire, beaucoup de démarches sont à la portée des volontaires du service civique.

La formation est l'une de nos préoccupations : auprès de l'organisme d'accueil, pour qu'il sache ce qu'est le service civique, quelles sont ses missions et ce qu'il peut apporter ; auprès des tuteurs, non sur le contenu de la mission - les anciens qui accueillent des jeunes transmettent spontanément leur savoir - mais sur les caractéristiques propres du service civique et sur ses objectifs, ainsi que sur les règles juridiques à respecter; auprès des jeunes eux-mêmes. Le service civique constitue une formation en tant que tel, au cours de laquelle les jeunes découvrent des choses, des gens, se découvrent eux-mêmes, clarifient leur projet de vie. Certains, envoyés par des missions locales, arrivent dans un état d'indécision et de doute et ressortent, six ou neuf mois plus tard, en ayant franchi un cap. Cela fait plaisir à voir. Ils découvrent des métiers, des possibilités, des vocations.

Depuis 2010, 130 000 jeunes ont accompli un service civique. Ce capital d'expériences aide à imaginer son développement. À la fin du premier semestre 2016, nous dénombrons 45 000 jeunes volontaires. Le chiffre de 110 000 sur l'année n'est pas hors de portée dans la mesure où la majorité des missions commence avec l'année scolaire, en septembre ou octobre. La mobilisation des grands organismes publics et des associations aide à atteindre cet objectif.

De 100 000 à 350 000, le changement d'échelle est radical. Plus que sur les grands programmes, il faudra compter sur la proximité. Comment faire sans l'aide des maires et des communes ? Cet échelon est stratégique. Combien y a-t-il d'élus communaux actuellement ?

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Environ 500 000.

M. Yannick Blanc. - Ces hommes et ces femmes ont déjà un engagement civique. Ils savent de quoi il s'agit. Dans mon activité de préfet, j'ai suffisamment côtoyé les communes pour mesurer l'importance de cette force. L'accueil est à rechercher dans cette population. Les conclusions de tous les élus que j'ai rencontrés qui avaient l'expérience du service civique étaient positives.

Des projets doivent aussi être menés avec le monde associatif. On peut développer les programmes de coopération entre les communes et les associations, sans pilotage centralisé mais avec des experts, dans des domaines où des besoins particuliers ont été identifiés, qui énoncent des règles déontologiques et mettent une méthodologie à la disposition des élus locaux.

Pour l'opération Monalisa, lancée il y a deux ans par Mme Michèle Delaunay, alors ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, avec notamment les Petits frères des pauvres, des fiches de méthode et une charte de déontologie ont été mises à la disposition des associations locales et des centres communaux d'action sociale.

Bien d'autres domaines pourraient être ajoutés : la lutte contre la fracture numérique, la santé publique, la sécurité routière... Un travail de dialogue doit être mené d'ici la fin de l'année.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Merci pour cette présentation exhaustive qui manifeste beaucoup d'élan de votre part.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Merci beaucoup pour cet exposé complet et synthétique. Il convient d'être à la hauteur de l'ambition nécessaire de ce projet, enjeu de cohésion sociale qui transcende les opinions politiques. Au-delà de l'objectif, que je partage, comment réussir ? L'État fait preuve d'une confiance absolue envers les collectivités territoriales - je suis moi-même élue locale - en s'appuyant sur elles. J'ai assisté cet après-midi à l'audition de M. Migaud, qui a expliqué que deux tiers de la diminution du déficit de l'État étaient dus à la réduction des crédits des collectivités territoriales. Il faudra donc s'interroger sur les moyens affectés au développement du service civique. L'objectif d'inclusion sociale et de brassage soulève des questions sur le principe de non substitution à l'emploi.

Monsieur Blanc, vous souhaitez renommer la réserve citoyenne. Je conserverais ce nom qui fait comprendre à chaque citoyen qu'il appartient à une collectivité envers laquelle il a des devoirs. Il faut éclaircir la distinction entre réserve dite civique et réserve militaire.

Le rapport de MM. Sauvé et Onesta préconise une structure nationale. Si les orientations doivent être définies à l'échelle nationale, la gestion devra être de proximité. Comment l'organiser ?

La réserve citoyenne de l'éducation nationale ne fonctionne pas. Quelque 7 000 personnes se sont portées candidates mais les enseignants, dubitatifs sur la manière d'intégrer les réservistes dans les structures scolaires, n'y ont pas adhéré. Comment transformer l'essai ?

Comment les volontaires participant à des actions de prévention sont-ils formés ? Quels sont les coûts ? Qui finance ?

Comment distinguer la formation de sapeur-pompier volontaire et le service civique au sein des centres d'incendie et de secours ?

Pourquoi le volet sport d'Erasmus est-il rattaché à l'Agence du service civique ?

Le président Lenoir a évoqué le bouleversement de l'agenda sénatorial provoqué par le Brexit. L'identité européenne est en panne. Comment positionner la citoyenneté européenne dans le service civique ?

La Cour des comptes a constaté le manque de mixité sociale du service civique, moins d'un quart des jeunes volontaires ayant un niveau inférieur au bac. Est-ce un parcours d'orientation pour les jeunes en déshérence ou est-ce une contribution sociale ?

L'article 14 du projet de loi introduit le principe d'une validation des connaissances, compétences et aptitudes acquises lors du service civique. Quel est l'avis de l'Éducation nationale ?

L'article 16 octies transforme le Conseil national de la jeunesse en Conseil d'orientation des politiques publiques de la jeunesse. Certains rapports font état de l'inactivité du Conseil national de la jeunesse. Deviendra-t-il plus actif en changeant de dénomination? Quels sont ses objectifs ? Ces réserves n'entravent pas mon enthousiasme.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je salue votre engagement personnel. Le projet de loi répond au défi de la jeunesse. Nous avons tous intérêt à renforcer les liens entre les personnes. Tout ceci renvoie à la notion de contrat citoyen. Ceux qui pourraient le plus en bénéficier sont ceux qui en sont exclus. Comment les attirer alors qu'ils se tiennent en retrait ? Qu'est-ce qui est mis en place pour susciter leur motivation ?

Mme Sophie Primas. - Je souhaite féliciter M. Blanc de son engagement et lui dire le nôtre. Le service civique concernera-t-il toujours les 16-25 ans ? Comment différencier un emploi ou un stage d'une mission de service civique ? Si le service civique répond à des besoins en santé, c'est qu'il remplace des emplois. Comment organiser le contrôle ?

Le rôle des maires a été évoqué. On leur en demande déjà beaucoup, car ils constituent la seule interface entre la politique nationale et le terrain. Dans la commune de 12 000 habitants dont je suis maire, Aubergenville, j'accueille beaucoup d'apprentis. Tous les tuteurs disponibles sont déjà pris. Je ne vois pas comment je pourrais accueillir en outre des volontaires du service civique. La volonté d'aller vers les jeunes se heurte au principe de réalité des collectivités territoriales.

Mme Evelyne Yonnet. - Merci de cette intervention synthétique et claire. Quelle est la relation entre le service civique et les contrats d'avenir mis en place il y a trois ans ? Les volontaires ont-ils une sécurité sociale, le remboursement des frais de transport, un diplôme ? Sont-ils liés par une charte, un contrat ?

En Seine-Saint-Denis, certains jeunes sans bagage scolaire cherchent un emploi après leur mission. Quel est leur avenir ? Les missions de service civique mises en place en Seine-Saint-Denis sur les éco-gestes à accomplir pour trier les déchets ont très bien fonctionné. Veolia avait proposé des missions très formatrices, rémunérées et fournissant une assurance sociale.

Il y a beaucoup à faire en matière de santé, d'emplois de proximité, d'aide à la personne, de lutte contre l'isolement. Des missions d'écrivains publics auprès des personnes âgées seraient parfaites pour des jeunes.

Mme Maryvonne Blondin. - Dans mon département du Finistère, la garantie jeunes fonctionne depuis très longtemps.

Comme Françoise Gatel, je préfère le terme de réserve citoyenne. Le groupe d'études sénatorial sur l'éducation populaire et la culture a entendu M. Rosenczveig sur ce sujet. Comment cela fonctionnera-t-il ? Les dispositifs des différentes réserves sont très cloisonnés.

Monsieur Blanc, vous avez exprimé votre scepticisme au sujet de l'extension de réserves citoyennes aux adolescents. La préparation militaire, qui existe pour les jeunes dès 16 ans, fonctionne bien.

Comment mettre en place un travail avec France volontaires qui apporte aux collectivités territoriales des services engagés à l'international ? C'est important. Parmi les neuf thématiques retenues, des liens avec l'international doivent pouvoir être trouvés.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je préfère le terme de « réserve citoyenne » à « réserve civique », même s'il est déjà utilisé par la Défense. Je réprouve à ce titre son appropriation par la ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, et j'aimerais que la réserve citoyenne de l'Éducation nationale entre dans le champ de la réserve civique.

Des gisements considérables de missions se trouvent dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dont certains n'ont pas les moyens de payer une assistante sociale. Les jeunes y apporteraient un supplément d'âme extraordinaire.

Le Maroc a empêché certains attentats en créant des contacts avec les jeunes dans les quartiers défavorisés.

Comme Maryvonne Blondin, je pense que l'ouverture internationale est très importante. Il serait très formateur et utile pour l'alphabétisation et la francophonie d'envoyer des jeunes dans des pays francophones comme le Sénégal. On dit que le français sera la deuxième langue du monde en 2050 : c'est totalement faux. Hors de Dakar, personne n'est capable de le transmettre car il n'y a pas assez de professeurs.

La citoyenneté européenne est une coquille vide depuis le traité de Maastricht. Développer le service civique à l'échelle européenne serait magnifique.

M. Yannick Vaugrenard. - Merci de cet enthousiasme collectif, nécessaire dans la période d'état d'urgence absolu que notre jeunesse traverse. Une prise de conscience générale est indispensable. Jamais les jeunes n'ont autant été demandeurs d'emplois - entre 18 et 25 % -, alors que jamais l'exigence de diplômes n'a été aussi haute. Les emplois qu'ils occupent ne correspondent pas à leur niveau de qualification. C'est terrible. Beaucoup cherchent une utilité. Leur curiosité peut être éveillée par la rencontre avec un enseignant, un entraîneur ou autre.

Il nous faut faire preuve d'une très grande souplesse. Trop de rigidité et d'exigences conduira à l'échec. Je comprends l'utilité de la formation mais elle ne doit pas décourager les tuteurs ni les organismes.

Mme Aline Archimbaud. - Le service civique est un très beau projet. J'ai suivi des associations de Seine-Saint-Denis ayant mis en place le service civique ; je confirme qu'il intéresse les maires. On suscite des vocations de tuteurs. Le seul critère de sélection de ces jeunes est leur volonté d'engagement. Un quart des volontaires sont très en deçà du niveau bac. On ne crée pas non plus de nouveaux services. Tout ceci favorise la mixité sociale, chère à François Chérèque. Si l'on n'exige pas de compétences, on trouve des jeunes. Le nombre de 215 000 jeunes ayant fait acte de candidature est très encourageant. De quoi avez-vous besoin pour passer de la volonté à la réalisation ? De moyens ? Peut-être faudrait-il organiser des journées pour les organismes d'accueil et les tuteurs.

M. Jean-Jacques Lozach. - Puisque 45 000 jeunes ont déjà signé pour un service civique, nous sommes dans la phase d'application. Quelle est leur répartition dans les champs d'intervention, qu'ils soient culturels, sportifs ou sociaux ? Sans dresser de bilan, avez-vous déjà procédé à des réajustements ?

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je soutiens les observations sur l'international. J'ai rencontré hier matin M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères. Nous avons échangé à ce propos. Il faut pousser les jeunes à s'engager à l'international et réfléchir à des procédures d'échanges.

M. Yannick Blanc. - Madame la rapporteure, Erasmus Sport n'a été ajouté à Erasmus Jeunesse que dans un deuxième temps, tout simplement en raison d'une erreur matérielle : le mot sport avait été oublié...

Je récuse les critiques, datées, de la Cour des comptes sur la mixité sociale. Je vous ferai parvenir le rapport d'activité, par secteur d'activité, de l'Agence. Nos chiffres de mixité sociale sont supérieurs à la moyenne nationale pour les jeunes n'ayant pas le bac. La proportion de jeunes en service civique est à l'image de la population des jeunes, sans distorsion. Nous ne faisons pas de miracle, mais le système ne dérive pas. La propension à l'engagement est proportionnelle au niveau de qualification : plus on est en haut de l'échelle sociale, plus on s'engage. Un de nos objectifs, c'est de compenser cette tendance. Nous en avons débattu avec les députés. Pour autant, on ne va pas instaurer de discrimination positive car le service civique a pour vocation d'accueillir tous les jeunes.

Doit-on continuer à demander à un jeune candidat à une mission de service civique de rédiger un CV ? Je suis assez d'accord avec les associations : tant qu'on demandera un CV aux candidats, il y aura un phénomène de sélection, visible ou invisible ; mais il est bon aussi que les organismes puissent savoir à qui ils ont affaire pour préparer le tutorat. La réponse doit être nuancée mais l'objectif de mixité sociale est central. En principe, oui, le service civique a un rôle de cohésion sociale par rapport aux jeunes en déshérence, même si cela se fonde uniquement sur la capacité d'engagement, qui n'est pas absente, à condition de faire les propositions suscitant cet engagement. En tant que préfet du Vaucluse, j'avais expérimenté la Garantie Jeunes dans mon département. Durant les six semaines initiales de travail en groupe, et à la surprise des accompagnateurs, certains groupes de jeunes trouvaient des projets et des motifs d'engagement, cela devenait presque un réflexe. Dans ces quartiers, on doit encourager ces dispositifs de soutien. Nous le faisons notamment avec la Ligue de l'enseignement et Unis-Cité, nos deux principaux partenaires associatifs. Samedi 9 juillet, je serai à Lyon pour une journée organisée par l'association La Fabrique à idées, présidée par un ancien du service civique, qui propose un service civique inversé : ce ne sont pas des organismes qui offrent des missions, mais des jeunes qui réfléchissent ensemble à des missions à proposer. Cela peut donner des résultats intéressants. Nous suivons et encourageons ces initiatives.

Faut-il parler de réserve citoyenne ou civique ? En proposant l'adjectif « civique », je souhaitais d'abord que le monde associatif surmonte sa réticence envers la réserve. L'engagement citoyen est à la portée de tous. Il relève de la liberté, peut prendre différentes formes, sans être piloté par la puissance publique. On peut, en tant que citoyen, s'engager pour une cause, y compris sous des formes protestataires. Alors que le civisme, par définition, se fait au service de la collectivité, au service de sa cohérence. On clarifie ainsi le type d'engagement que l'on cherche dans la réserve. Deuxième argument, plus pragmatique, et de lisibilité du discours envers les citoyens : lorsque j'en avais parlé avec François Chérèque, j'estimais qu'entre le service civique et la réserve, le hashtag civique devait être le fil rouge de notre action. Je ne récuse pas les arguments de l'appellation « réserve citoyenne » mais cela reste ouvert...

La réserve de l'éducation nationale est-elle un échec ? Ce matin, je me suis rendu à l'université d'été de la réserve citoyenne de l'éducation nationale au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, écoutant les témoignages des chefs d'établissement et des réservistes. Certes, mon avis n'est pas un jugement définitif. Mais il ne suffit pas d'avoir une liste de réservistes prêts à s'engager pour que le contact se noue entre le l'établissement et le réserviste. Il faut tout un travail d'animation. Que mes propos ne soient pas mal interprétés. Pendant douze ans, j'ai été un compagnon de route et même le président du conseil d'évaluation de France Bénévolat, association créée justement pour rapprocher l'offre et de la demande, afin d'améliorer l'adéquation entre les jeunes souhaitant s'engager et les missions leur convenant. Nous avions organisé une bourse pour mettre en relation des volontaires avec des structures associatives. Au bout de deux ans d'évaluation, nous nous sommes rendus compte que le problème était plus qualitatif et plus complexe : le comportement bénévole et les modalités de l'engagement se transforment, du fait de l'évolution des modes de vie et des mentalités. Certaines associations vieillissent. Il y avait urgence à développer, dans les associations, une nouvelle compétence, la gestion des ressources humaines bénévoles, afin d'accueillir les bénévoles, définir leurs missions, les accompagner... Ce n'est pas un métier mais une compétence, qui depuis s'est beaucoup développée. Il y a dix ans, un brave citoyen frappant à la porte des Restos du Coeur se faisait  « jeter dehors » : c'est une association de logistique, avec des contraintes particulières, qui ne voulait pas à l'origine s'encombrer de personnes non spécialisées. Désormais ces associations ont fait leur révolution, compris les enjeux du bénévolat et développé cette compétence. Je l'ai vu à Avignon dans les Banques alimentaires : un ancien commandant de CRS encadrait 50 bénévoles avec plein d'humanité, de chaleur, dans un univers pourtant très technique et complexe, avec des résultats extraordinaires. La réserve citoyenne de l'éducation nationale est confrontée à cela : le vivier ne suffit pas. Ce matin, j'ai vu les chefs d'établissement rencontrer les bénévoles. C'est comme dans les associations : une fois la rencontre faite, des liens très forts se tissent, et les rapprochements se font dans la durée. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Certes, le réseau a été lancé un peu dans la précipitation, mais l'expérience fera le reste.

Il faut décloisonner : les réservistes - y compris ceux de l'armée, de la gendarmerie ou de l'éducation nationale - sont recrutés sur leurs compétences, et les utilisent en tant que réservistes. Mais ils doivent se rencontrer pour développer des projets. Quand vous discutez avec eux, leur envie de transmettre, d'enseigner est très forte. Il faut construire des passerelles. La réserve civique débutera par des expérimentations territoriales, en commençant par quelques départements. Elle reposera sur une alliance triangulaire entre le préfet, les élus locaux, le monde associatif, qui se réunissent, et prennent leurs ressources auprès d'associations qui créent des liens sociaux, voire patriotiques - comme la société des membres de la légion d'honneur ou les anciens auditeurs de l'Institut des hautes études de défense nationale. Avec eux, on élabore des projets, pour analyser comment motiver des bénévoles dans des situations exceptionnelles - crises, catastrophes ou événements exceptionnels - selon leurs compétences. Ne devrait-on pas également imaginer des exercices ? En tant que préfet, j'ai tiré de nombreux enseignements des exercices de protection civile. L'appartenance à une communauté professionnelle a des effets très importants : sans entraîner l'enfermement dans l'entre soi, cela est essentiel pour entretenir les compétences, notamment dans les armes les plus techniques comme l'armée de l'air.

Madame la rapporteure, votre question sur le Conseil national de la jeunesse est malicieuse.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Non, pertinente...

M. Yannick Blanc. - Si j'étais un bureaucrate, je vous dirais que cela ne rentre pas dans le cadre de ma compétence.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Mais vous ne l'êtes pas !

M. Yannick Blanc. - Pour les dirigeants politiques, il est important d'avoir une instance de discussion sur la politique associative ou la politique de la jeunesse. Dans cette loi, on va au-delà du catalogue de mesures, avec un axe très pragmatique qui vise à susciter l'engagement chez les jeunes. La transformation de l'appellation dudit conseil traduit ce souci de pragmatisme. Débattre de la politique de la jeunesse entre experts, c'est être sûr de de tourner en rond. Examinons concrètement différentes politiques pour la jeunesse comme le service civique, l'emploi, les stages, la formation, l'accès au marché du travail, la santé : cela provoquera des débats constructifs. En tant que préfet, j'ai « enragé » devant le labyrinthe des dispositifs de formation ou d'accès à l'emploi des jeunes. Lors d'une journée organisée par le Mouvement des entreprises du Val d'Oise - le Medef local - sur le thème « l'accès des jeunes au marché du travail », des experts, tous plus compétents les uns que les autres, se sont succédés, chacun expliquant son domaine : l'Éducation nationale, Pôle emploi, les Missions locales..., chacun présentant sa « quincaillerie ». En fin de journée, alors que je tirais les conclusions de la journée, je me suis énervé : devant ce magasin d'accessoires, un jeune hésitant à s'engager ne saura pas quoi faire... C'est une véritable entreprise de désorientation des jeunes ! Décloisonnons, mettons-nous à la place des jeunes ! Le service civique peut y contribuer, car les jeunes sont en position d'acteurs, peuvent dévoiler leurs attentes, leurs envies d'un parcours de formation, et sont dans une position plus structurée. Quand on les traite comme des mineurs, incapables de prendre une décision, on les désoriente ! De nombreux jeunes arrivent en service civique après une erreur d'orientation. Si on s'y prend bien, le service civique clarifie les choses.

Sur la relation au parcours d'accès à l'emploi, la nature du lien contractuel entre le jeune et l'organisme d'accueil ne peut être un lien de subordination : le service n'est ni un contrat de travail, ni un stage. Le jeune ressemble davantage à un bénévole qu'à un salarié. Il rompt l'engagement quand il veut. C'est la grande différence entre le salarié et le bénévole : le bénévole vote avec ses pieds ; cela a des implications sur le style de management. Certes, ces gamins doivent être encadrés, mais surtout pédagogiquement.

Le jeune en service civique a un statut lui garantissant une protection sociale ; les cotisations sociales sont payées par l'État. Grâce au projet de loi, la carte de volontaire du service civique aura des effets plus consistants qu'actuellement. Nous ferons en sorte qu'elle soit reconnue par différents organismes : si le tarif réduit aux cinémas relève d'une négociation contractuelle, les volontaires auront accès aux restaurants du Crous - car cela dépend d'une décision politique.

Actuellement, le service civique international se heure à deux difficultés - en sus des difficultés de financement ou de risques de missions à l'étranger : les associations spécialisées dans la coopération internationale s'interrogent sur un schéma uniforme quel que soit le pays d'accueil : selon le pays, le jeune est le  « roi du pétrole » ou un « quasi clochard »... C'est une vraie difficulté technique. Par ailleurs, la notion de réciprocité est fondamentale : si l'on envoie à l'étranger des volontaires français en service civique, il faut instaurer une clause de réciprocité, et accueillir des volontaires étrangers, ce qui pose des problèmes technico-juridiques pour l'obtention des visas. Un amendement du député Bernard Lesterlin proposait ainsi qu'un visa délivré pour une mission de service civique dispense d'un titre de séjour. En Europe, nous n'en sommes qu'aux balbutiements, avec quelques conventions, sur une très petite échelle. Nous allons les développer. Pour le service civique, le pays qui dispose du dispositif le plus proche du nôtre est l'Italie.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Il y a aussi l'Allemagne...

M. Yannick Blanc. - L'Allemagne est assez différente. On est au début de ce qu'on doit faire et nous sommes encouragés par les élus des zones frontalières, très motivés !

M. Jean-Claude Lenoir, président. - La Bretagne est à côté de la Grande-Bretagne...

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Et nous sommes proches des États-Unis !

M. Yannick Blanc. - Il y a un besoin clef, dans le projet de loi de finances pour 2017, de 200 ETP dans les directions départementales de la cohésion sociale, non pas pour atteindre les 350 000 jeunes en service civique, mais pour continuer dans la pente de développement actuelle. Depuis le 1er janvier 2016, le préfet a un pouvoir d'agrément. Il lui faut pouvoir instruire, aider les organismes d'accueil, et les contrôler. Certes, des contrôles existent à trois niveaux : un premier contrôle, avec des moyens réduits, est réalisé par l'Agence sur les organismes nationaux ; un deuxième contrôle est effectué par le préfet et les services départementaux de l'État - ce qui nécessite des moyens ; enfin, nous sommes en train d'élaborer des référentiels, une sorte de démarche qualité afin que chaque organisme puisse réaliser un contrôle interne. Ai-je oublié quelque chose d'important ?

Mme Aline Archimbaud. - C'était parfait !

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Comment distinguez-vous le service civique des pompiers volontaires ? Je suis interrogée par les pompiers...

M. Yannick Blanc. - Je me fonde sur ce que j'ai vu à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. L'intérêt du service civique est d'élargir le vivier de recrutement des jeunes sapeurs-pompiers et des sapeurs-pompiers volontaires dans des milieux sociaux où les sapeurs-pompiers ne recrutent pas beaucoup. La propension à l'engagement varie aussi, chez les sapeurs-pompiers volontaires, selon le niveau de revenu mais aussi selon les départements : dans le Vaucluse, nous comptions de nombreux sapeurs-pompiers volontaires ; c'est moins vrai dans d'autres départements. Les jeunes pourraient ainsi se familiariser avec le monde des sapeurs-pompiers, participer à des opérations de secours - malgré des compétences limitées - et sortir de leur service civique avec un diplôme de secourisme de niveau 1 ou une formation aux premiers secours. C'est aussi une voie de recrutement des sapeurs-pompiers professionnels, et donc une démarche intéressante.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Il faut une bonne articulation.

M. Yannick Blanc. - C'est l'occasion de créer des ponts entre les sapeurs-pompiers et les organismes de prévention, et faire sortir les sapeurs-pompiers de l'entre soi : c'est important.

M. Jean-Claude Lenoir, président. -Merci d'avoir consacré ce temps à notre groupe de travail, qui deviendra bientôt une commission spéciale. Nous nous retrouverons probablement durant les prochaines semaines, lorsque le Sénat examinera en session extraordinaire, à partir de la mi- septembre, ce projet de loi. Les personnes devant vous sont volontaires pour participer à cet engagement d'importance.

Mme Françoise Gatel, rapporteure. - Un véritable engagement civique !

M. Yannick Blanc. - Je reste à votre disposition.

La réunion est levée à 19 h 45.