Mardi 6 juillet 2021

- Présidence de M. Pierre Ouzoulias, président -

La réunion est ouverte à 17 h 5.

Examen du projet de rapport

M. Pierre Ouzoulias, président. - Mes chers collègues, près de quatre mois après le début de cette aventure, notre mission d'information parvient au terme de ses travaux. Je tiens, en tant que président, à vous remercier vivement pour votre assiduité et votre participation exemplaires, qui démontre tout l'intérêt du Sénat pour ce sujet et qui souligne son importance pour nous.

Le rapport d'information dont l'examen est aujourd'hui inscrit à notre ordre du jour a été soumis à votre consultation à partir du 30 juin. Au cours de cette réunion, vous pourrez présenter vos observations afin qu'elles soient intégrées au rapport.

J'aimerais vous rappeler quelques éléments sur l'organisation de notre travail avant que notre rapporteur vous présente ses conclusions.

Nous avons organisé 16 auditions et tables rondes en formation plénière ainsi que 22 réunions au format rapporteur, ouvertes à l'ensemble de la mission. Nous avons commencé le 11 mars avec l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), et achevé nos auditions par celle de la ministre de l'enseignement supérieur, le 16 juin 2021. Nous avons réalisé quelques visites, malheureusement peu nombreuses en raison de la crise pandémique. Nous nous sommes rendus à l'université de Versailles le 3 mai puis à l'université de Nanterre le 3 juin, avec le rapporteur et notre collègue Laure Darcos. Nous avons également organisé en quelque sorte des visites virtuelles à Albi et La Rochelle, qui ont été déterminantes pour la compréhension de problématiques majeures : les relations entre étudiants, universités et territoires. Le Sénat ne pouvait laisser ce sujet à l'écart !

Les thématiques que nous avons abordées ont été très nombreuses. Au cours des dernières semaines, nous avons travaillé sur la précarité alimentaire, l'emploi étudiant, le campus de demain ainsi que sur d'autres sujets complexes. Je remercie notre collègue Marie Mercier qui nous a permis d'organiser une réflexion sur la prostitution étudiante, un sujet difficile à appréhender.

S'agissant de nos méthodes de travail, nous avons, à chaque fois que cela était possible, associé à nos travaux d'autres structures du Sénat, notamment la délégation sénatoriale aux outre-mer et le groupe d'étude sur le statut, le rôle et la place des Français établis hors de France. Nous avons également bénéficié d'une étude de la division de la législation comparée sur les aides aux étudiants.

Demain se déroulera la conférence de presse, qui permettra de restituer aux médias l'essentiel de nos travaux.

Je souhaite remercier aujourd'hui tous ceux - experts, acteurs de terrain, responsables associatifs - qui se sont rendus disponibles pour nous faire partager leur expérience. Je remercie aussi le secrétariat qui a accompagné notre mission d'information.

Je vous donne la parole, monsieur le rapporteur, et vous dis, chers collègues, le plaisir immense que j'ai eu à travailler avec vous sur un sujet très important, que nous avons abordé avec une grande bienveillance et dans un esprit de consensus qui fait honneur à notre institution.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - Merci, monsieur le président. Je vous remercie à mon tour, chers collègues, pour votre implication tout au long de cette mission et pour votre présence en nombre à cette dernière réunion.

Je souhaite vous proposer quelques remarques introductives avant d'aborder les propositions qui concluent ce rapport.

D'abord, la crise sanitaire a été un révélateur et un amplificateur de difficultés déjà existantes sur le plan de la vie étudiante, qu'il s'agisse des questions de santé, de logement ou de l'alimentation. La pandémie a amplifié des difficultés auxquelles des étudiants étaient déjà confrontés avant la crise.

Par ailleurs, les difficultés rencontrées par un certain nombre d'étudiants dans leur vie résultent probablement d'un phénomène de massification de l'enseignement supérieur à l'oeuvre depuis plusieurs années, qui a conduit les politiques publiques à privilégier l'accueil de nombreux étudiants - 20?000 à 35?000 étudiants supplémentaires chaque année, cet effort quantitatif s'étant probablement fait au détriment d'un accueil plus qualitatif, autour de la vie étudiante. Nous partageons tous l'idée selon laquelle l'accompagnement de l'étudiant contribue à sa réussite universitaire. Cet accompagnement n'est pas strictement lié aux aspects académiques de son cursus, mais recouvre les autres éléments de son environnement (logement, santé, etc.) qui contribuent également à la réussite des études. Nous devons donc tendre vers un accompagnement individualisé, dans la mesure du possible, davantage ciblé vers les étudiants qui connaissent des difficultés.

Enfin, nous rencontrons un problème de statistiques précises, qui complexifie parfois les analyses. On ne peut que saluer le travail de l'OVE, mais ce manque de statistiques explique pourquoi les pouvoirs publics et le gouvernement peinent notamment à cibler les étudiants en difficulté.

Les propositions du rapport s'articulent autour de quatre axes : privilégier l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur, tirer les conséquences de la crise pour améliorer la condition étudiante, mieux accompagner les étudiants dans leur parcours et limiter les obstacles financiers aux études supérieures.

Nous avons vu au travers des auditions l'importance de l'ancrage des établissements d'enseignement supérieur dans leur environnement local, à travers des relations étroites avec les collectivités territoriales et les entreprises. Ces relations peuvent d'ailleurs, entre autres avantages, favoriser l'accès des étudiants aux stages. Un certain nombre de collectivités sont demandeuses de ce lien avec les établissements d'enseignement supérieur. Il nous semble important d'affirmer que les politiques d'enseignement supérieur et la localisation de ces établissements doivent être replacées dans une politique d'aménagement du territoire. La conception des cycles universitaires permet notamment de réaliser son premier cycle dans un établissement de proximité, de taille plus restreinte, qui favorise un accompagnement personnalisé, évite un éloignement du milieu familial et permet probablement une meilleure qualité de vie. L'enjeu est également de s'inscrire contre le phénomène de métropolisation qui a marqué le choix de localisation des établissements d'enseignement supérieur depuis plusieurs dizaines d'années. Cette logique a conduit à privilégier le regroupement de grands sites universitaires, au détriment d'un enseignement de proximité mieux réparti sur l'ensemble du territoire.

Une série de propositions (recommandations 1 à 6) tirent les conséquences de ces constats : elles plaident notamment pour une diversité territoriale de l'offre universitaire, pour inscrire l'enseignement supérieur dans une dynamique d'aménagement du territoire et pour favoriser l'implication des collectivités territoriales aux côtés des établissements d'enseignement supérieur, à travers la création de sociétés publiques locales dans le domaine de l'entretien de l'immobilier universitaire. Nos recommandations plaident en outre pour la territorialisation de l'objectif de construction de logements étudiants.

La deuxième série de propositions concerne les enseignements à tirer de la crise sanitaire sur la santé, la prévention de la précarité dans le domaine alimentaire, l'amélioration de l'offre de logements étudiants, le développement de l'enseignement à distance et la vie associative.

Les recommandations 7 à 11 concernent la santé. Nous proposons de prolonger le dispositif des chèques «?psy?» mis en place pendant la crise, pour les étudiants qui en ont besoin et sur prescription médicale. Il a également été soulevé à plusieurs reprises les difficultés spécifiques des étudiants ultramarins, s'agissant plus particulièrement de la couverture santé. La recommandation 8 invite ainsi à trouver un problème rapide au problème d'affiliation à la sécurité sociale que rencontrent les étudiants ultramarins issus de certains territoires.

Pour accompagner les étudiants, l'offre de santé présente sur les campus universitaires se concentre sur des actions de prévention et la mise à disposition de services de médecine préventive et de promotion de la santé. Ces services sont toutefois très hétérogènes et leurs moyens très insuffisants au regard de la population étudiante. À titre d'exemple, les effectifs sont les suivants : un équivalent temps plein (ETP) d'infirmière pour 10?000 étudiants, un ETP de médecin pour 16?000 étudiants et un ETP de psychologue pour 30?000 étudiants. Les taux de couverture sont donc relativement faibles. Enfin, un étudiant sur quatre environ, durant son parcours universitaire, fréquente un service médical. C'est très peu. Du point de vue de la prévention psychologique, l'organisation des soins est assez faible, avec seulement 18 bureaux d'aide psychologique universitaires. De grandes agglomérations comme Bordeaux, Lyon, Nantes ou Toulouse n'ont pas de bureau d'aide psychologique universitaire (BAPU), et Paris ne dispose que de deux structures de ce type. La couverture est donc très faible.

Les recommandations 12 à 14 concernent la lutte contre la précarité alimentaire. Les Restos du coeur nous ont signalé que la fréquentation par les étudiants était bien antérieure à la crise covid, qui l'a amplifiée. Se pose ici la question des tickets restaurant à un euro qui ont été mis en place pendant la crise. Nous proposons de les prolonger pour les étudiants boursiers, au-delà de la crise. Cette prolongation pose la question de son financement, mais l'utilité de la mesure a été reconnue par tous. Nous avons également vu les problèmes posés par l'accès à un restaurant universitaire, car tous les étudiants n'en ont pas à proximité de leur lieu d'études. Nous préconisons ainsi, dans la recommandation 13, de développer les partenariats entre les Centre régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et les acteurs locaux pour offrir à tous les étudiants une offre de restauration à un tarif social. Enfin, la dernière recommandation sur ce sujet consiste à préconiser le relèvement du plafond d'emploi des Crous pour permettre de recourir davantage à des personnels, dans un contexte marqué par des besoins importants en termes d'accompagnement social.

S'agissant de l'offre de logements étudiants, qui constitue un problème majeur pour tant d'étudiants, nous savons que le nombre et le rythme des constructions sont insuffisants au regard des besoins. Il manquerait ainsi au moins 250?000 logements étudiants pour répondre à la demande. Les différents plans successifs visant à accélérer cette construction se sont heurtés à des difficultés considérables et n'ont pas atteint leur cible. Nous proposons d'aller vers une territorialisation des objectifs en matière de logements étudiants. En effet, les besoins et le marché du logement diffèrent d'un territoire à l'autre. En fonction des besoins et du marché, il est nécessaire d'accentuer l'effort dans certains territoires. Par ailleurs, le logement étudiant ne se conçoit pas sans les communes. Il est donc important de définir des objectifs partagés en la matière.

Au-delà de la seule notion de construction, il s'agit aussi de porter attention à la qualité des conditions de logement des étudiants. Il convient, dans cet esprit, de favoriser le label «?qualité résidences étudiantes?» qui contribue à l'information des étudiants dans leur recherche d'un logement de qualité et incite les professionnels à assurer un niveau de service satisfaisant sur l'ensemble du territoire.

Les étudiants peuvent bénéficier d'aides pour l'accès au logement et en atténuer le coût. Si les aides publiques au logement sont bien identifiées par les étudiants, le dispositif Visale, qui correspond à la garantie contre les impayés de loyers, est peu ou mal connu par les étudiants eux-mêmes alors qu'il présente un intérêt certain. Il convient donc de mieux le promouvoir en amont et au moment de la rentrée universitaire.

J'en viens à l'enseignement à distance. La rentrée de 2021 doit privilégier l'enseignement présentiel pour permettre un meilleur retour des étudiants à une vie plus normale. Une réflexion doit être engagée sur l'équilibre entre présentiel et distanciel dans l'enseignement, en identifiant les matières qui constituent une réelle plus-value dans l'enseignement distanciel. Son développement doit aller de pair avec une réorganisation des emplois du temps pour que les temps de visioconférence soient répartis dans la semaine de manière équilibrée. Cet enseignement distanciel implique en outre une formation soutenue des enseignants car il suppose une pédagogie adaptée. Tel est l'objet de la recommandation 19. La recommandation 21 concerne les enjeux juridiques de l'enseignement à distance, qui appellent une réflexion approfondie.

Les recommandations 22 et 23 visent quant à elles à encourager l'engagement associatif, un aspect important de la vie étudiante. Elles visent le soutien financier de ces associations et une meilleure reconnaissance de l'engagement associatif étudiant.

Sur le sujet de l'accompagnement des étudiants dans leur parcours, un effort doit être consacré à l'accueil des primo-arrivants, notamment dans les universités où le changement est plus marqué par rapport au secondaire, du point de vue de l'organisation des cours par exemple. Nous avons vu qu'un certain nombre de bonnes pratiques ont été en place, qui mériteraient d'être généralisées. L'objectif de la recommandation 25 est d'améliorer le continuum entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Pour les primo-arrivants ultramarins, la rupture est probablement plus forte encore et nécessite un accompagnement dès avant l'arrivée en métropole : la recommandation 27 invite donc à anticiper cette étape.

Les recommandations 28 à 32 concernent quant à elles la réussite académique et la lutte contre le décrochage. Sur la question de la compatibilité des études supérieures avec un travail salarié, situation qui correspond à une réalité, il est nécessaire d'identifier les étudiants pour lesquels la charge de travail liée à cet emploi est telle que le parcours d'enseignement supérieur se trouve pénalisé. Le nombre d'heures travaillées en emploi salarié pose en effet question, nous l'avons vu au cours des auditions, au regard de la réussite du parcours universitaire. L'identification de ces étudiants concernés doit permettre la mise en place d'un accompagnement plus personnalisé, afin d'éviter que la charge de travail due à l'activité salariée ne pénalise leur réussite.

Un certain nombre de propositions concernent les étudiants en situation de handicap. Des progrès restent à faire pour améliorer l'accompagnement de ces étudiants, en particulier pour la mise à disposition d'équipements adaptés et en matière d'accessibilité des contenus pédagogiques.

Les recommandations 36 à 41 visent les stages et mobilités internationales. L'accès aux stages peut poser des problèmes et constituer un élément de stress important. Dans les établissements d'enseignement supérieur bien ancrés dans leur territoire, le lien avec le tissu économique peut permettre un accès plus simple aux stages que dans les grandes universités. Un certain nombre de propositions visent à faciliter l'accès aux stages, notamment via des banques d'offres de stage en ligne et des recherches de partenariats avec les collectivités et les acteurs du monde économique. La recommandation 38 invite les entreprises à communiquer sur le nombre de stagiaires accueillis et les types de missions qui leur sont confiées.

Les recommandations 42 et 43 portent sur les violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur qui, même si elles sont difficiles à quantifier, ont été chiffrées à environ 4 % des étudiants par l'Observatoire de la vie étudiante. Rapportée à un effectif de 2,7 millions d'étudiants, cette proportion est élevée.

J'en viens au dernier axe du rapport, qui vise les aspects financiers. En ce qui concerne d'abord le budget de l'État, l'effort global est supérieur à 5 milliards d'euros, répartis en trois catégories : 2,3 milliards d'euros consacrés aux bourses sur critères sociaux, 1,5 milliard d'euros pour les APL et 1,7 milliard d'euros en ce qui concerne les mesures fiscales. Ce montant est donc significatif. Compte tenu des contraintes budgétaires, il n'est pas certain qu'il soit réaliste d'en demander une augmentation.

Une remarque me semble importante : la démographie étudiante est en croissance, mais viendra à se stabiliser, voire à diminuer. Le pic pourrait intervenir en 2025. Quand on entrera en phase de baisse, il faudra maintenir l'effort à son niveau actuel, afin d'augmenter l'effort budgétaire par étudiant. Il ne faudra pas prétexter cette évolution démographique pour diminuer les moyens. Sur la question des bourses (2,3 milliards d'euros pour 750?000 étudiants bénéficiaires environ), un certain nombre de remarques ont été partagées, notamment sur les échelons et les effets de seuil très marqués. Les difficultés auxquelles se heurtent certains étudiants interrogent l'efficience de la dépense publique. Les effets de seuil pénalisent particulièrement les catégories moyennes en cas d'augmentation de revenu, même légère. Une réflexion doit ainsi être menée sur les effets de seuil.

Par ailleurs, les bourses ne tiennent pas compte de la notion de pouvoir d'achat et de la réalité des dépenses liées à la vie étudiante. En fonction des zones géographiques et du coût du logement, l'impact sur le pouvoir d'achat des étudiants n'est pas le même. Nous émettons donc la recommandation suivante : instaurer le calcul d'un « reste à charge », après la prise en compte des dépenses obligatoires (logement, charges courantes). Cette notion permettrait de mieux cibler les étudiants qui ont besoin d'une aide supplémentaire. Nous formulons également un certain nombre de propositions concernant la communication sur ces aides, nombreuses et parfois peu lisibles, via par exemple la mise en place d'un guichet unique. Enfin, nous sommes prudents sur la question de l'emprunt étudiant, qui peut se poser quand les frais de scolarité sont élevés, ce qui est le cas dans certains établissements d'enseignement supérieur. Personnellement, j'estime que le recours à l'emprunt peut être envisagé dans des cas très encadrés, car il s'agit d'une charge pour l'avenir de l'étudiant, a fortiori quand cet emprunt a vocation non pas à financer la scolarité mais la vie étudiante.

M. Pierre Ouzoulias, président. - Merci, monsieur le rapporteur. J'ai pris note d'un certain nombre de demandes d'intervention. Je donne d'abord la parole à notre collègue, Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. - Je remercie le président et le rapporteur. Nous avons pu voir, au fil des auditions, la multitude des champs investis et des notions abordées. Le travail qui résulte de ces auditions est incontestablement approfondi.

La territorialisation me semble judicieuse pour définir des politiques publiques vraiment adaptées aux spécificités de chaque territoire. Attention toutefois à la préservation de l'autonomie des universités.

En ce qui concerne la condition étudiante, l'essentiel est de tout mettre en oeuvre pour la réussite des étudiants, ce qui suppose de susciter des envies et des perspectives. Il s'agit notamment de donner à certains le goût de la recherche. À ce titre, l'arrêt du programme de recherche nucléaire Astrid, sur lequel je travaille pour l'OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), constitue un signal négatif pour toute une génération d'étudiants.

S'agissant des conditions de réussite, certaines universités au nom prestigieux ont des locaux parfois dans un état déplorable. Or l'accueil au quotidien passe par des conditions décentes. Un plan campus très efficace a été conduit en son temps. Je pense que nous devons franchir un palier en ce qui concerne la rénovation du bâti universitaire.

La crise a en outre singulièrement changé la façon de suivre ses études. Nous avons parlé de l'accompagnement des primo-arrivants. Mais certains étudiants n'ont pas connu des conditions normales de vie étudiante depuis deux ans ; il s'agit d'un véritable problème, qui va laisser des traces. Il faudra suivre et encadrer attentivement cette cohorte d'étudiants dont les études ont été affectées par la crise.

Concernant la gestion de l'argent public, j'émets un point de vigilance sur la pérennisation de certaines mesures qui sont très coûteuses. Je pense aux « chèques psy » et aux tickets de restaurant universitaire à un euro, qui pourraient être limités dans le temps. S'agissant du cumul des études et du travail salarié, il ne me choque pas lorsqu'il est compatible avec la poursuite des études. Mais nous devrons probablement changer de regard sur la conduite des études en France, qui reste très linéaire. De nombreux pays acceptent des aller-retour entre études et activité salariée. Il est ainsi possible, au Canada par exemple, d'achever ses études assez tard. La France pourrait s'inspirer de tels modèles.

Enfin, au sujet de la simplification des démarches, nous connaissons les difficultés des jeunes à entrer dans les méandres administratifs. Le guichet unique proposé par le rapport semble dès lors indispensable.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Merci pour ce travail et ce rapport particulièrement fourni.

Je reviendrai pour ma part sur trois points et tout d'abord sur le rôle des Crous. Il existe des sites universitaires dépourvus de Crous. Le partenariat avec les partenaires locaux et plus particulièrement avec les collectivités territoriales est nécessaire en l'absence de Crous, mais il convient d'être prudent, car si certaines prestations peuvent être sous-traitées, d'autres impliquent une certaine expertise (les soins médicaux, le soutien psychologique, par exemple), que les partenaires locaux ne peuvent assurer. Attention à ne pas laisser trop d'étudiants au bord du chemin !

S'agissant de la démographie étudiante, nous n'avons pas trouvé de solution à ce stade, en l'absence de corrélation entre les moyens alloués à l'enseignement supérieur et les effectifs étudiants. La situation est tout aussi compliquée pour les Crous, qui font face aux mêmes difficultés que les établissements. Leur situation financière interroge sur leur capacité à être à la hauteur des attentes. Avant qu'on ait atteint le plateau démographique, il y aura eu bien des difficultés...

Enfin, en ce qui concerne le distanciel, nous devons avoir le souci permanent de ne pas isoler, voire exclure des étudiants pour des raisons liées au coût de l'équipement informatique nécessaire au bon suivi des enseignements à distance. Malheureusement, certains étudiants sont amenés à réaliser des arbitrages budgétaires. L'équipement numérique ne doit pas générer un arbitrage supplémentaire entre se nourrir, se loger ou se soigner.

Pour conclure, ce rapport contient de nombreuses propositions dont les acteurs de la vie étudiant ne manqueront pas de se saisir.

Mme Sonia de La Provôté. - Bravo pour ce travail ! Nous retrouvons dans ce rapport tous les sujets abordés au cours des nombreuses auditions conduites depuis le début de ce travail.

Il est judicieux d'ouvrir le rapport par le sujet de la territorialisation car il est message difficile aujourd'hui de promouvoir l'idée que les antennes et lieux de formation externes à l'université-centre, souvent perçus comme consommateurs de budget, sont avant tout porteurs d'excellence et permettent en outre une qualité de vie qui est un vrai atout pour ces structures. Il s'agit d'un combat à mener et d'une problématique essentielle, car elle peut conditionner l'excellence et la réussite des études.

En ce qui concerne l'accompagnement sanitaire, j'ai découvert pendant les auditions le très faible nombre de dispositifs de prise en charge. C'est un sujet de grande préoccupation pour moi. Les SUMPPS, notamment, facilitent considérablement cet accompagnement. Concernant les BAPU, je n'avais pas réalisé qu'il y en avait si peu. Cela a été une vraie surprise.

Pour ce qui est de l'enseignement à distance, un certain nombre d'interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de bien identifier les types d'enseignement à privilégier en présentiel. Les cours magistraux dispensés en grand amphithéâtre, notamment, semblent être d'une moindre valeur ajoutée par rapport aux travaux dirigés, par exemple. Ceci impose de repenser l'enseignement en présentiel au moins autant que l'enseignement en distanciel. Il me semble nécessaire que nos recommandations concernant le numérique intègrent ce constat des experts que nous avons entendus.

Enfin, la question du tutorat et du mentorat ne me semble pas suffisamment étayée dans le rapport. Or les étudiants ont considéré que les tuteurs avaient été une bouée de sauvetage pour régler certains de leurs problèmes, notamment de vie quotidienne et universitaire. C'est une dimension importante de l'accompagnement, or ce thème est le fil conducteur du rapport. Il faut à mon avis insister sur ce point dans nos recommandations.

Mme Laure Darcos. - J'adresse à mon tour mes félicitations aux président et rapporteur. Ces quatre mois d'auditions et de visites ont été très fructueux. Je suis convaincue que la crise va changer considérablement la perception des universités et des étudiants.

Les étudiants auraient tout intérêt à regarder, au moment de leur orientation, notamment pour le premier cycle, les universités des territoires, où le niveau est sensiblement le même que dans les universités des grandes métropoles, mais qui offrent un cadre de vie et des relations humaines de bien meilleure qualité. Le rapport relate bien cet aspect. L'institut Champollion, plus particulièrement, est un bon exemple de telles structures.

En ce qui concerne l'accessibilité, j'estime que le plan de relance devrait essentiellement y être consacré. Nous l'avons vu à Nanterre : le nombre d'étudiants en situation de handicap y augmente, mais pas les moyens. Le budget doit pourtant suivre cette évolution.

Plus généralement, le plan de relance devrait s'attacher à améliorer le cadre de vie et le bien-être de ces étudiants.

Mme Monique de Marco. - Merci au groupe centriste d'avoir lancé ce débat et cette mission d'information, qui était très enrichissante. Je suis certaine que ce rapport constitue une base très riche de propositions.

J'habite une ville universitaire et j'ai été fortement frappée par la détresse psychologique des étudiants depuis le début de la crise. Vous proposez le prolongement des chèques «?psy?», mais le rapport souligne en parallèle que les psychologues sont en faible nombre. Il faudrait demander une augmentation de leurs effectifs !

Le rapport souligne en outre l'insuffisance du logement étudiant. Au cours des auditions, certaines propositions ont été émises par le réseau des Crous, avec qui j'ai pris contact. J'ai ainsi déposé, dans le cadre du projet de loi « 3DS », des amendements visant à permettre aux Crous d'entrer dans des sociétés d'économie mixte afin de nouer des partenariats. Ceux-ci ont été malheureusement considérés comme irrecevables au regard de l'article 40.

En ce qui concerne l'autonomie des universités, j'ai demandé la suppression de l'article 41 bis du projet de loi « 3DS », qui est en contradiction avec ce principe. J'attire donc votre attention sur cette disposition.

Un sujet n'a toutefois pas été abordé : la difficulté de l'accès aux transports pour les étudiants dont le logement est éloigné des centres universitaires. J'ai pu convaincre la région Nouvelle-Aquitaine de mettre en place la gratuité des transports pour les étudiants qui rencontraient des difficultés à revenir en cours en présentiel.

Les auditions de la mission d'information m'ont par ailleurs permis de me forger une idée sur l'éventuelle instauration d'un ticket restaurant étudiant, thème d'une proposition de loi dont nous avons récemment débattu en commission et en séance publique. Je n'y suis personnellement pas favorable. Vous préconisez, en revanche, la pérennisation du ticket à un euro pour les étudiants boursiers, ce qui me semble positif.

S'agissant de la prostitution en milieu étudiant, il a été indiqué qu'il n'existait pas de statistiques. Il me semble intéressant de conduire des actions de prévention au sein des universités, comme le recommande le rapport. Ce sujet gagnerait à être approfondi.

Mme Marie Mercier. - Messieurs le président et le rapporteur, je souhaite vous redire l'intérêt que j'ai eu à suivre ces auditions captivantes. La détresse de nos étudiants était si profonde que nous sommes bien dans notre rôle en soulevant ce sujet. Nous avons accompli avec cette mission d'information un travail d'information et d'alerte très important. La population n'a pas nécessairement eu conscience de ces difficultés.

Dans la recommandation 42, il me semble préférable d'inverser les deux axes de lutte contre les violences sexuelles dans le cadre des études supérieures : il est nécessaire d'organiser la sensibilisation aux violences, puis de mettre en place des structures pour recueillir la parole et aider les victimes.

En ce qui concerne la prostitution étudiante, qui est à distinguer de la prostitution des mineurs, je vous remercie d'avoir accepté de l'aborder. En 2011, une mission d'information de l'Assemblée nationale avait identifié l'absence de statistiques relatives à la prostitution étudiante et la nécessité de travailler sur ce sujet, puis ce point est tombé dans l'oubli. Ce rapport très approfondi ne souffrira pas de ce sort car il me semble de nature à alimenter des travaux futurs. Il faut absolument disposer de chiffres aussi précis que possible en matière de prostitution étudiante. Les étudiants qui tombent dans le piège de la prostitution n'ont pas nécessairement conscience des dangers auxquels ils s'exposent et des conséquences de la prostitution sur leur avenir.

M. Bernard Fialaire. - Je m'associe aux félicitations de mes collègues.

Je voudrais revenir sur l'accès des étudiants à la santé. On l'oublie parfois dans notre pays, mais certaines visites en médecine préventive peuvent être effectuées par des infirmiers. En outre, une partie du suivi psychologique pourrait, à mon avis, être accompli par les tuteurs et les pairs : ces modes d'accompagnement ne doivent pas être négligés. Il faudrait en tout cas prendre le temps de préciser et chiffrer les besoins dans ce domaine.

Par ailleurs, le tutorat me semble être une bonne réponse à bien des difficultés actuelles. Vous évoquiez l'engagement associatif des étudiants et sa valorisation ; le tutorat peut l'être également.

Enfin, il me semble nécessaire d'insister sur le temps de l'inscription dans l'enseignement supérieur, qui est aujourd'hui trop souvent négligé. C'est pourtant une étape décisive que l'on devrait mettre à profit pour communiquer beaucoup d'informations aux étudiants.

M. Alain Cazabonne. - Au début des auditions, j'ai été surpris par l'état de détresse psychologique des étudiants.

Les questions relatives au logement étudiant sont compliquées. Dans une ville universitaire, la population peut être assez critique. Quant aux opérateurs immobiliers, ils sont souvent réticents. Les logements étudiants ne sont pas toujours très rentables. Des résidences étudiantes ont été construites dans des sites éloignés des universités, qui par ailleurs n'offraient aucun moyen de transport. Pour des étudiants, c'est inutile ! Qui plus est, ces communes manquent parfois également de logements sociaux. L'université, de son côté, souhaite valoriser son foncier, ce qui n'est pas en faveur du logement étudiant.

J'aimerais aussi évoquer les associations étudiantes, qui ont souffert de la crise.

Mme Vivette Lopez. - Je m'associe à toutes les louanges adressées au président et au rapporteur pour ce rapport. Nous avions tous plus ou moins conscience des difficultés des étudiants, que la pandémie n'a fait qu'accentuer. J'espère que ce rapport sera suivi d'effets. Comment peut-on envisager le suivi de ces recommandations très pertinentes ?

Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Nous avons mené des auditions extrêmement intéressantes, et les qualités du président et du rapporteur, qui ont su animer ces réunions dans un esprit de consensus, sont pour beaucoup dans l'intérêt des travaux que nous avons menés.

Je me félicite que nous ayons commencé notre travail par l'audition de l'OVE, qui a permis de poser un cadre et de mettre l'accent sur la diversité de la population étudiante ainsi que sur la notion d' « expérience étudiante ». Que devient un étudiant quand il ne peut plus aller en cours et qu'il doit revenir dans sa famille ? La question de l'identité étudiante a été mise à mal par la crise.

J'ai été particulièrement intéressée par la problématique de l'enseignement à distance dans l'après crise. Le rapport propose, à juste titre, diverses recommandations sur ce sujet.

À terme, il me semble que nous devrons envisager les étudiants comme des usagers du service public. À ce titre, nous avons pu constater l'importance de la simplification d'un certain nombre de procédures. Des propositions intéressantes portent en outre sur la valorisation de l'engagement associatif, qui s'inscrit dans le thème de la formation du citoyen.

M. Pierre Ouzoulias, président. - Sans autre demande d'expression, je vais soumettre ce rapport au vote.

Je précise au préalable que ce rapport sera corrigé pour intégrer les modifications proposées aujourd'hui concernant le tutorat et le mentorat ainsi que l'organisation des enseignements en présentiel. Ces corrections prendront également en compte la modification rédactionnelle de la recommandation 42 relative à la prévention des violences sexuelles.

Le rapport, ainsi modifié, est approuvé à l'unanimité.

M. Pierre Ouzoulias, président. - Je vous remercie pour votre travail. Nous devons encore nous entendre sur un titre.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - Ce rapport aborde des sujets très divers. Nous proposons un titre incluant des thématiques qui nous semblent les plus structurantes au regard des propositions : «?Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités ?».

Le titre est approuvé à l'unanimité.

M. Pierre Ouzoulias, président. - Les groupes qui souhaiteraient insérer dans le rapport des contributions écrites pour faire état de positions spécifiques sont invités à communiquer ces documents au secrétariat avant le jeudi 8 juillet à 11 heures.

Une conférence de presse est prévue demain : vous y êtes naturellement conviés. Je vous recommande donc la plus grande discrétion sur ce rapport d'ici là.

Il vous appartiendra ensuite de vous approprier ce rapport et d'utiliser ses conclusions dans le cadre de votre travail parlementaire.

Une information avant de lever cette réunion : le rapporteur vous proposera de cosigner une résolution, conformément à l'article 34-1, qui reprendra l'essentiel des propositions de ce rapport et permettra à notre travail d'avoir un écho en séance publique.

La réunion est close à 18 h 25.