Mercredi 9 mars 2022

- Présidence de M. Stéphane Piednoir, président -

Audition d'élus locaux et de représentants d'associations d'élus

M. Stéphane Piednoir, président. - Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux ce matin avec une table ronde associant des élus locaux qui nous ont fait l'amitié et l'honneur de venir échanger avec nous.

Pour l'information de nos invités, je précise que notre mission d'information s'est mise en place dans le cadre du « droit de tirage des groupes », à l'initiative du groupe RDSE, auquel appartient notre collègue Henri Cabanel, qui en est donc, conformément aux usages, le rapporteur.

J'indique également que notre mission est composée de 21 sénateurs issus de tous les groupes politiques, et que notre rapport, assorti de recommandations, devrait être rendu public au début du mois de juin 2022.

Je rappelle aussi que cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit qui sera annexé à notre rapport et que sa captation vidéo permet de la suivre en ce moment même sur le site Internet du Sénat et sur LinkedIn ; cet enregistrement sera disponible par la suite en vidéo à la demande.

La création de cette mission d'information a été inspirée par la vive préoccupation suscitée par les taux d'abstention atteints lors des élections de 2021, plus particulièrement de la part des jeunes et, de manière générale, par la crise de confiance qui éloigne des institutions nombre de nos concitoyens.

Notre réflexion s'intéresse donc particulièrement à l'éducation des futurs citoyens, notamment dans le cadre scolaire, aux politiques publiques qui, en encourageant l'engagement des jeunes, par exemple dans le service civique ou les associations, contribuent également à la formation d'une conscience citoyenne et, enfin, à toutes les initiatives qui peuvent susciter l'intérêt des jeunes à la vie démocratique.

Nous en sommes convaincus, l'échelon local est particulièrement adapté à cet apprentissage de l'engagement au service de la collectivité et de la démocratie.

Les thématiques locales se sont très vite imposées à notre réflexion, dont elles constituent une des clés : nous avons donc souhaité recueillir témoignages et bonnes pratiques d'élus locaux sur les initiatives prises au niveau local pour renforcer le lien entre les Français et les institutions et stimuler l'engagement des jeunes. Nous avons donc adressé aux élus, en janvier et février, un questionnaire à partir de la plateforme de consultation des élus locaux disponible sur le site du Sénat. Certaines de nos questions portaient aussi sur les violences que subissent au quotidien certains de nos élus. Notre rapport établira un bilan détaillé des quelque 2 000 réponses qui nous ont été envoyées.

Nos échanges d'aujourd'hui sont destinés à compléter les enseignements recueillis lors de cette consultation en ligne.

Je souhaite donc la bienvenue ce matin au Sénat aux élus qui ont bien voulu, malgré des agendas très chargés, venir partager leur expérience avec nous, en présentiel ou à distance :

- Fabian Jordan, président de Mulhouse Alsace Agglomération, maire de Berrwiller et président de l'Association des maires du Haut-Rhin. Monsieur Jordan, vous êtes à l'origine des « journées citoyennes » dont nous avons pu, lors d'un déplacement dans le Maine-et-Loire il y a quelques jours, apprécier la vitalité et le succès en dehors de l'Alsace où est née cette initiative ;

- M. Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon, vice-président de la communauté de communes Entre Juine et Renarde et vice-président du Conseil départemental de l'Essonne, en charge de la citoyenneté, de la prévention, de la sécurité et du monde combattant ;

- M. Guillaume De Almeida Chaves, conseiller régional d'Occitanie, délégué à la « jeunesse, vie lycéenne et étudiante » ;

- Mme Anne Terlez, présidente de la commission Cohésions d'Intercommunalités de France, vice-présidente du conseil départemental de l'Eure ;

- M. Jérôme Dumont, président du Département de la Meuse, président du groupe de travail Jeunesse de l'Association des départements de France.

Je salue tout particulièrement les plus jeunes de nos invités, dont certains, benjamins de leurs assemblées respectives, sont encore étudiants à ce jour :

- Mme Céline Goeury, conseillère départementale de la Gironde, déléguée à la citoyenneté et à la laïcité ;

- M. Hugo Biolley, maire de Vinzieux (département de l'Ardèche), élu maire à 18 ans en 2020 ;

- Mme Clémentine Barbier, conseillère départementale de la Côte-d'Or ;

- M. Benjamin Flohic, conseiller régional de Bretagne ;

- Mme Sophia Habibi-Noori, conseillère régionale de Normandie.

Monsieur Flohic, nous vous avions entendu en mai 2021 dans le cadre de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, lors d'une table ronde sur la précarité alimentaire au cours de laquelle vous étiez venu nous présenter l'association Co'p1 Solidarités étudiantes, dont vous êtes cofondateur et que vous présidez aujourd'hui. Je suis heureux de vous accueillir ici cette année en tant qu'élu local.

Notre table ronde est organisée autour de deux thématiques qui donneront lieu à deux séquences successives :

- d'une part, les initiatives et bonnes pratiques des collectivités territoriales qui visent à dynamiser la vie citoyenne et à susciter l'intérêt des jeunes ;

- d'autre part, comment encourager l'engagement politique des jeunes, comment intéresser nos jeunes concitoyens à la vie démocratique ? Les témoignages des jeunes élus présents à nos côtés ce matin nous aideront à apporter des éléments de réponse à ces questions.

Je laisse la parole à Henri Cabanel, rapporteur, pour vous poser des questions et introduire vos témoignages. Je vous remercie de ne pas excéder le temps de parole de dix minutes qui vous a été indiqué en amont.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Mes premières questions s'adressent à l'inventeur des « journées citoyennes », dont nous avons pu récemment mesurer l'intérêt, comme le président vient de le rappeler, lors d'un échange avec des élus de Maine-et-Loire. Monsieur Jordan, dans quel contexte avez-vous eu l'idée d'organiser de telles journées ? Pouvez-vous donner des exemples concrets d'initiatives mises en oeuvre dans ce cadre ?

Comment s'est constitué le réseau des communes citoyennes ? Quelles initiatives concrètes ont été récompensées dans le cadre du prix de la journée citoyenne ? Peuvent-elles donner envie aux jeunes de voter et de participer à la vie démocratique, nationale ou locale ? Enfin, l'échelon communal vous semble-t-il le plus pertinent pour intéresser les jeunes à la vie politique ?

M. Fabian Jordan, président de Mulhouse Alsace Agglomération, maire de Berwiller, président de l'Association des maires du Haut-Rhin. - Comptable de formation et musicien, j'ai été élu maire d'une petite commune rurale alsacienne de 1 200 habitants en 2008.

Je n'avais pas exercé de mandat avant d'être élu, je n'avais aucune expérience politique et ne savais pas comment gérer une commune, mais je voulais que mes citoyens deviennent acteurs, et non simples consommateurs de la vie publique. Je voulais impulser quelque chose de différent et que tout le monde puisse se sentir impliqué. La clé de la réussite réside à mes yeux dans la proximité, la confiance et l'exemplarité des élus, ainsi que dans leur capacité à fédérer l'énergie positive de leurs administrés. Je suis également convaincu que le monde associatif constitue un potentiel important de la dynamique collective que je souhaitais encourager.

L'idée de la journée citoyenne est simple : vous, citoyens, avez envie de faire quelque chose et nous, élus, sommes présents pour accompagner vos initiatives. Très vite, une dynamique de solidarité et de fraternité s'est mise en place, et d'innombrables initiatives ont fleuri. Nous avons constaté des exemples de cette fraternité pendant la crise sanitaire, avec la fabrication de masques par exemple. Ces journées suscitent une fierté, un sentiment d'appartenance important pour tous les citoyens, mais plus encore pour les jeunes.

La première journée citoyenne a eu lieu en 2008 dans ma commune. C'est ensuite à travers l'Observatoire national de l'action sociale (ODAS) et l'Agence des pratiques et initiatives locales (Apriles) que j'ai développé la journée citoyenne à travers la France pendant près de dix ans. Nous avons créé un réseau d'ambassadeurs régionaux et nous nous appuyons aussi sur de grands partenaires économiques comme EDF, La Banque Postale, la Fondation SNCF ou la Mutualité sociale agricole.

Aujourd'hui, 3 000 communes françaises organisent une journée citoyenne, mais il n'y en a pas deux qui se ressemblent. Des collèges, des lycées, des musées, des établissements pour personnes âgées, divers établissements publics et des entreprises organisent aussi des journées citoyennes. L'objectif est d'être actifs ensemble, de construire quelque chose ensemble.

Parmi les initiatives prises lors de ces journées, on peut citer l'entretien et la rénovation du mobilier et des équipements publics, des chemins communaux, des aires de jeux, des espaces verts, la création de jardins partagés, mais aussi l'organisation d'un spectacle, l'aménagement d'un espace d'expression artistique, la mise en oeuvre d'un projet intergénérationnel (emmener les personnes âgées au cinéma, par exemple), la sensibilisation de la jeunesse à la biodiversité, à la préservation de l'environnement, à la propreté ou au civisme. La rénovation d'un abribus, que les jeunes de ma commune souhaitaient moderniser, me vient à l'esprit. Ce projet a été mené avec des artisans du village, heureux de partager leurs compétences avec les collégiens. Cet abribus n'est plus anonyme, les gens se le sont appropriés.

À fin de la journée, tout le monde est heureux, ce qui est quand même assez exceptionnel ! Généralement, quand les gens viennent en mairie, c'est pour nous dire tout ce qui ne va pas, et là, ils viennent nous remercier, alors même qu'ils se sont engagés.

Ces journées permettent aussi d'intégrer les nouvelles populations, dans une démarche de partage et de construction. Dans ma petite commune, j'ai par ailleurs pris l'initiative de rencontrer individuellement tous les nouveaux habitants pour leur souhaiter la bienvenue, de leur présenter le village, ses associations, ses commerces et ses producteurs, car il est important que chacun se sente chez soi et qu'il s'approprie son espace public.

Aujourd'hui, 80 % des 366 communes du Haut-Rhin organisent des journées citoyennes.

De manière générale, si les jeunes sont éloignés de la politique, c'est qu'ils ne s'y reconnaissent pas.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Madame, Messieurs, vous représentez l'Association des maires de France et des intercommunalités, Régions de France, Intercommunalités de France et l'Association des départements de France.

Vous exercez dans vos collectivités respectives des responsabilités en lien avec des sujets importants pour notre réflexion :

- vice-président du Conseil général de l'Essonne en charge de la citoyenneté, de la prévention, de la sécurité et du monde combattant pour M. Alexandre Touzet ;

- délégué à la « jeunesse, vie lycéenne et étudiante » pour M. Guillaume De Almeida Chaves, conseiller régional d'Occitanie ;

- présidente de la commission Cohésions d'Intercommunalités de France pour Mme Anne Terlez ;

- et président du groupe de travail Jeunesse de l'Association des départements de France pour M Jérôme Dumont.

Quelles initiatives ont été prises dans vos collectivités respectives pour encourager la vie citoyenne ? Quelles bonnes pratiques susceptibles d'être partagées ont été mises en oeuvre dans ce domaine par l'échelon territorial que vous représentez ?

Quelles initiatives ont été prises dans vos collectivités respectives pour intéresser et former les jeunes à la vie démocratique ? Quels exemples précis de bonnes pratiques souhaitez-vous partager dans ce domaine ?

M. Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon, vice-président de la communauté de communes Entre Juine et Renarde, vice-président du conseil départemental de l'Essonne. - Le faible taux de participation aux dernières élections municipales ne me semble pas uniquement lié à la Covid, c'est un mouvement structurel de long terme.

La question de la place des jeunes dans les équipes municipales me semble encore plus fondamentale. J'ai été conseiller municipal à 21 ans, maire à 33 ans. Au cours de mes deux premiers mandats, j'ai plutôt travaillé sur la question de la parité, non par militantisme, mais parce qu'il me semblait que ce décalage entre la composition du conseil municipal et la population avait des conséquences sur la qualité des délibérations.

Au moment de former ma troisième liste, je me suis surtout posé la question de l'intégration des jeunes, des étudiants mais aussi des jeunes actifs âgés de 25 à 40 ans. Les adjoints sont souvent des retraités ; ils sont certes indispensables, mais les délibérations du conseil ne correspondent plus exactement au mode de vie et aux attentes de la population.

On peut bien entendu travailler sur la participation, mais je ne suis pas sûr que l'on retrouve les niveaux que l'on a connus voilà vingt ou trente ans. Il me semble plus réaliste d'associer davantage les jeunes aux équipes municipales et à l'élaboration des projets.

Pour un maire, il est assez facile de s'adresser au public des écoles primaires, sous réserve d'une bonne entente avec les enseignants. J'ai ainsi fait intervenir des architectes auprès des élèves de CM1 et CM2 pour leur expliquer les enjeux de la révision du plan local d'urbanisme. Nous travaillons aussi avec le conseil municipal des enfants sur certains projets, par exemple l'aménagement des cours de récréation. Travailler avec cette classe d'âge permet d'agir efficacement sur le comportement - les déchets, par exemple, ou le respect des équipements publics.

En revanche, il est plus difficile d'atteindre la classe d'âge des collégiens et des lycéens, qui commencent à suivre des trajectoires très différentes. J'ai pu le constater lorsque nous avons lancé notre projet de bibliothèque dédiée aux BD et mangas.

Le conseil départemental de l'Essonne a pour sa part mis en place deux dispositifs spécifiques pour les jeunes. Le Tremplin citoyen, tout d'abord, qui, en échange d'une somme d'argent pour passer son Brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ou son permis de conduire, exige des jeunes un engagement temporaire dans une association ou une collectivité. Cet engagement enrichit le CV de ces jeunes et élargit leurs relations sociales. Le mécanisme fonctionne plutôt bien. L'organisation d'Assises de la jeunesse, ensuite, afin de mieux connaître les besoins de cette population.

Les initiatives des collectivités ne manquent pas. Toutes les communes, les départements et les régions mettent en oeuvre, à divers degrés, des politiques orientées vers l'enfance, la jeunesse et la citoyenneté. L'intercommunalité interroge les filles et les garçons sur leurs utilisations respectives de certains équipements. Ces actions sont intéressantes. Mais ne manque-t-il pas un tronc commun, de l'école primaire jusqu'au lycée, qui permettrait réellement de développer, à travers un parcours éducatif cohérent, ce sentiment d'appartenance à une ville, un territoire et une nation ?

M. Guillaume de Almeida Chaves, conseiller régional d'Occitanie. - J'ai 28 ans, je suis infirmier en psychiatrie et élu local. C'est mon premier mandat régional.

Aux dernières élections départementales et régionales, 87 % des jeunes de moins de 25 ans n'ont pas voté. Il est donc urgent de s'interroger sur l'engagement des jeunes. Au sein de la région Occitanie, nous avons décidé d'agir résolument. La région est à vous : cette opération traduit le sens de notre démarche.

Nous avons un conseil régional des jeunes, composé de 158 membres âgés de 15 à 29 ans, chargé de faire des propositions novatrices et de contribuer à l'évaluation de nos politiques régionales. Dans le cadre de la prochaine mandature, nous pourrons mettre en place de nouvelles propositions.

Nous avons également instauré des consultations citoyennes, des votations citoyennes et des budgets participatifs ouverts à l'ensemble de la population. Le site jeparticipe.laregioncitoyenne.fr permet de voter et d'agir directement depuis son smartphone. La dernière votation citoyenne portait sur l'alimentation : nous sommes allés à la rencontre des citoyens sur les places, les marchés, les lycées et les universités.

Depuis 2016, l'Occitanie a engagé treize budgets participatifs pour 10,6 millions d'euros : 270 projets ont été retenus au terme de 200 000 votes citoyens. Notre objectif, d'ici à la fin du mandat, est de réserver 5 % de notre budget d'investissement à des budgets participatifs.

Nous avons également été la première région en Europe à mettre en place une consultation citoyenne : 100 personnes ont été tirées au sort et ont délibéré pendant sept jours pour établir un plan de transformation de l'Occitanie d'un point de vue environnemental, économique et sociétal. Cette convention citoyenne a débouché sur le Green New Deal d'Occitanie, comprenant 52 grandes mesures, puis sur le Pactevert pour l'Occitanie, qui comportait 208 propositions d'action. D'ores et déjà, 70 % des recommandations de la convention citoyenne ont été mises en oeuvre. Un comité de suivi, composé de quinze citoyens tirés au sort parmi les 100, a également été mis en place.

Nous disposons par ailleurs d'instances consultatives au sein desquelles les élus locaux peuvent faire remonter des propositions au conseil régional, et de « parlements » de la mer et de la montagne au sein desquels les citoyens sont acteurs de leur avenir.

La convention citoyenne avait proposé d'organiser annuellement un événement à l'échelle régionale dédié à la mobilisation autour de l'engagement et de la citoyenneté. Il y a quelques jours, nous avons lancé le Printemps citoyen en Occitanie : entre mai et juin, des cafés-débat et des festivals auront lieu sur les thèmes de la citoyenneté, de l'alimentation, de l'agriculture, de la sécurité, et, bien entendu, de la jeunesse. Les bonnes initiatives des élus, des entreprises, des experts et des citoyens seront valorisées.

Notre stratégie consiste vraiment à « aller vers » les jeunes, les entreprises et tous les porteurs d'initiatives. Les collectivités doivent réellement s'ouvrir et s'enrichir au contact des citoyens. Nous voulons que les habitants et les élus forment un collectif, un pack, une mêlée, pour employer des termes sportifs chers à l'Occitanie !

Mme Anne Terlez, présidente de la commission Cohésion sociale d'Intercommunalités de France, vice-présidente du conseil départemental de l'Eure. - Historiquement, les intercommunalités ne disposent pas de la compétence « jeunesse », mais la montée en puissance de ces sujets de préoccupation en leur sein a motivé la création, en 2021, de la commission Cohésion sociale que je préside dans notre association.

Au préalable, je note qu'il est difficile de parler simplement de participation citoyenne de la jeunesse, tant les situations sont différentes selon les lieux d'habitation, les bassins de vie et les parcours sociaux. Il faut donc pouvoir s'adapter à des attentes différentes.

Comme les orateurs précédents, je relève aussi l'importance pour les jeunes d'avoir un sentiment d'appartenance et d'utilité. Ils ont aussi besoin de reconnaissance, ce qui n'est sans doute pas complètement le cas aujourd'hui.

Quel que soit l'âge de la vie, la participation démocratique ne se décrète pas ; elle se construit patiemment, au fil de nombreuses étapes. Par ailleurs, l'engagement politique n'est pas l'alpha et l'oméga de l'engagement citoyen, et c'est encore plus vrai pour les jeunes : qu'il s'agisse des enjeux climatiques ou de l'égalité hommes-femmes, ils manifestent, ils disent des choses, ils ne sont pas complètement désengagés.

Au-delà, comment les solliciter pour un engagement alors qu'ils ont le sentiment, pour partie justifié, que l'on ne fait rien pour eux ; s'ils ne se sentent pas intégrés et s'ils estiment être les oubliés de la crise sanitaire ? On doit tenir compte de cet élément important si l'on veut avancer.

Il est difficile d'exposer toutes les bonnes pratiques que l'on a pu recenser au sein d'Intercommunalités de France. Les intercommunalités rurales en particulier, constatant l'urgence de la situation des jeunes, se sont saisies du sujet.

Depuis des décennies, on a sacrifié les associations qui portaient l'éducation populaire, qui sont pourtant un maillon indispensable de l'éveil à la citoyenneté. Nous plaidons pour retrouver la dynamique qui existait en la matière dans les années 1970 et 1980, et mettre en place une éducation populaire adaptée aux évolutions de la société et aux enjeux d'aujourd'hui.

Nous plaidons aussi pour la formation des élus. Je constate aujourd'hui que nos élus, qui sont encore majoritairement des hommes blancs âgés, n'ont pas les clefs de compréhension de cette jeunesse.

Par ailleurs, bien souvent, les communes considèrent encore la compétence jeunesse comme leur pré carré, alors même que les jeunes sont très mobiles. Il peut donc être pertinent de suivre leur évolution à l'échelon d'un bassin de vie, voire au-delà. Les leviers en termes de politiques d'habitat, de mobilité, d'insertion et d'emploi sont plus importants à une échelle plus large. C'est pourquoi de nombreux observateurs, notamment au sein du Conseil économique social et environnemental (CESE), plaident pour une compétence jeunesse à l'échelon intercommunal, voire pour une prise de compétence obligatoire à ce niveau.

On voit aussi que l'Europe est un formidable vecteur d'intégration pour cette génération. Les jeunes vivent à ce niveau aujourd'hui, même pour ceux qui ne sont pas très mobiles. Le sentiment d'appartenance est à la fois local et international et les initiatives prises en la matière - maisons de l'Europe, organisation de séjours, etc. - fonctionnent généralement très bien.

Enfin, on doit donner aux jeunes l'opportunité d'expérimenter, et donc parfois de se tromper, dans cette période fondatrice de la vie. Cela va parfois à l'encontre de la mesure rationnelle de l'efficacité de nos politiques publiques, que nous cherchons par ailleurs à développer dans nos collectivités, mais l'amélioration de la participation citoyenne des jeunes ne peut se concevoir que sur un temps long.

M. Jérôme Dumont, président du département de la Meuse, président du groupe de travail Jeunesse de l'Assemblée des départements de France. - Le département de la Meuse a expérimenté voilà trois ou quatre ans un budget participatif d'un montant de un million d'euros, sur un budget d'investissement de 30 millions d'euros, avec 200 000 euros fléchés vers des projets portés par les jeunes pour l'ensemble de la population. Quarante projets ont été réalisés, pour des montants compris entre 1 000 et 50 000 euros.

En 2017, lorsque j'étais vice-président délégué à la jeunesse, nous avons « construit » un budget jeunesse propre de 100 000 euros, mais nous nous sommes aperçus que nos logiques d'intervention, c'est-à-dire principalement de soutien à des initiatives, ne fonctionnaient pas très bien, car les jeunes ne connaissaient pas le dispositif. En fin de mandat, nous avons donc inversé la logique : nous avons lancé une grande enquête pour savoir ce que les jeunes Meusiens de 11 à 29 ans attendaient des politiques publiques : 900 jeunes ont répondu, montrant une volonté de s'impliquer.

Je suis ensuite devenu président du département après le renouvellement de 2021. Bien entendu, nous avons réfléchi sur le taux de participation aux dernières élections départementales : même si j'ai été élu avec 70 % des voix, je ne peux me satisfaire des 25 % de participation.

Nous avons un vice-président délégué à la démocratie participative, à l'innovation et au numérique, en plus du vice-président délégué à la jeunesse.

Nous avons finalement décidé de confier directement aux jeunes de notre département une enveloppe pour leur permettre de monter un projet. Nous les avons réunis deux fois, en octobre et en février. Nous leur avons proposé de constituer des groupes correspondant aux tranches d'âge représentées, mais ils ont souhaité rester tous ensemble pour bénéficier d'approches différentes. Ils ont manifesté le souhait d'organiser un événement dédié à la jeunesse. On va sans doute créer également un conseil départemental des jeunes, comme il en existe dans de nombreux départements.

Dans un département rural comme le nôtre, il peut aussi être problématique de ne pas avoir de permis de conduire. Nous allons donc développer des bourses pour l'accès au permis de conduire.

Je crois aussi beaucoup aux expérimentations et au droit de se tromper. Nous allons confier un budget aux jeunes, leur laisser deux ans pour lancer des expérimentations, et tant pis si celles-ci échouent.

Il était également intéressant de nous interroger sur l'image que les jeunes Meusiens ont de leur département. Ils veulent se détacher de l'image de la guerre, de Verdun, associée à notre territoire, mais reconnaissent en même temps qu'elle fait partie intégrante de son identité.

Enfin, Verdun et Bar-le-Duc sont des villes moyennes de moins de 20 000 habitants, la Meuse ne compte pas d'université et beaucoup de nos jeunes partent faire des études hors du département - à Nancy, Metz ou Paris, par exemple. Comment les faire revenir ou faire en sorte qu'ils gardent un lien fort avec notre territoire ? C'est aussi un enjeu important pour le département.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je m'adresse maintenant aux jeunes élus qui nous ont fait l'amitié d'être à nos côtés ce matin. Je remarque avec intérêt la diversité de vos mandats : municipal pour Hugo Biolley, départemental pour Céline Goeury et Clémentine Barbier et régional pour Benjamin Flohic et Sophia Habibi-Noori.

Nous aimerions que vous nous expliquiez ce qui vous a décidé à vous présenter aux élections et que vous nous parliez de votre parcours d'élu. Je pense notamment à Céline Goeury, élue conseillère municipale à 22 ans avant de devenir conseillère départementale de la Gironde.

Un engagement associatif a-t-il joué un rôle dans vos vocations politiques ? Je m'adresse plus particulièrement à Benjamin Flohic, dont nous connaissons l'engagement associatif. Quelle a été la part de cet engagement dans votre décision de vous présenter aux élections ?

Vous sentez-vous les uns et les autres investis, en raison de votre âge, d'une responsabilité particulière à l'égard de la jeunesse ? Avez-vous porté des initiatives destinées aux jeunes au sein de l'assemblée où vous siégez ?

Certains d'entre vous sont encore étudiants. La conciliation de votre mandat et de vos études vous pose-t-elle des problèmes ? Jugez-vous nécessaire de faire évoluer le statut des élus pour que d'autres jeunes puissent suivre votre exemple ?

Quelles mesures seraient, selon vous, susceptibles de donner envie aux jeunes de voter et de participer à la vie démocratique, nationale ou locale ? L'échelon local vous semble-t-il le plus pertinent pour intéresser les jeunes à la vie politique ?

Enfin, vous n'avez pas eu besoin d'une telle mesure, mais que penseriez-vous de quotas de jeunes dans les élections locales, comme nous l'a suggéré le Forum français de la jeunesse ?

J'ajoute une question à l'attention du benjamin des maires de France, Hugo Biolley : Monsieur le Maire, après un peu moins de deux années de mandat, quel regard portez-vous sur votre action ? Ce mandat vous a-t-il donné envie d'évoluer dans votre parcours d'élu ?

Madame Goeury, en tant que déléguée à la citoyenneté et à la laïcité du département de la Gironde, vous auriez aussi bien pu intervenir lors de la première séquence. Je suggère donc, Madame la conseillère, que vous preniez la parole en premier.

Mme Céline Goeury, conseillère départementale de la Gironde. - J'ai été élue pour la première fois, à 22 ans, comme conseillère municipale de la commune de Latresne, située à une dizaine de kilomètres au sud de Bordeaux. On est sans doute venu me chercher pour ma jeunesse, mais avant tout pour respecter la loi sur la parité. Je suis aujourd'hui première adjointe de cette même commune, et je pense que, cette fois, on est aussi venu me chercher parce que je m'étais beaucoup impliquée dans mon premier mandat.

Les jeunes n'ont sans doute pas envie que l'on parle d'eux en politique comme on a pu parler des femmes lors des débats sur la parité. Il n'empêche que, sans la loi sur la parité, elle ne serait pas effective aujourd'hui dans beaucoup de communes, de départements et de régions.

À 30 ans, je suis effectivement la benjamine du département, mais je constate néanmoins un rajeunissement, plusieurs autres élus étant trentenaires. Mais le plus important pour moi, au-delà de l'âge, qui sert souvent d'affichage, ce sont les pratiques.

On a fait de la participation citoyenne une grande cause dans le département de la Gironde. L'abstention n'est pas seulement forte chez les jeunes de 18 à 25 ans, elle l'est dans toutes les tranches d'âge. Un récent sondage montre que 80 % des jeunes s'intéressent à la campagne présidentielle et que 60 % vont probablement se déplacer. Il faut donc peut-être se garder des discours fatalistes. Les jeunes sont des citoyens comme les autres, qui s'engagent chacun à leur manière.

Certains élus ont le sentiment que les jeunes ne vont pas voter et qu'ils ne s'engagent pas. Mais l'intégration des 18-29 ans à la vie politique se fait aussi via des collectifs ou des associations. Ils souhaitent une certaine instantanéité de l'action qui soit compatible avec leurs études, leur travail et leur vie personnelle.

Il faut surtout, selon moi, montrer que les collectivités ont un rôle à jouer, qu'elles sont présentes, qu'elles peuvent faire changer les choses.

J'en viens au sujet de la conciliation des études ou d'un premier emploi avec l'exercice d'un mandat. J'étais encore étudiante lors de mon premier mandat de conseillère municipale. Ensuite, j'ai obtenu un emploi dans un organisme de formation pour les femmes élues. Bien qu'il s'agisse d'un environnement plutôt facilitant, je n'ai jamais vraiment osé faire valoir mes droits à disposer de temps en tant qu'élue. Dans un premier emploi, on a souvent envie de montrer sa légitimité, de s'impliquer fortement... Il faudrait sans doute sensibiliser les employeurs sur les droits que certains de leurs employés peuvent faire valoir au regard de leurs engagements municipaux, départementaux ou autres.

En effet, pour favoriser l'arrivée des jeunes, il faudra peut-être - je me pose la question - légiférer à un moment, même si, en termes de légitimité et de besoin de reconnaissance, il n'est jamais très positif de solliciter quelqu'un essentiellement en raison de son genre ou de sa jeunesse.

Il convient sans doute aussi de mener des actions volontaristes pour que les jeunes ne soient pas entendus parce qu'ils sont jeunes, mais parce qu'ils ont des choses à dire. La commune de Latresne, comme beaucoup d'autres, réfléchit activement à la dynamisation de son centre-bourg. Nous sommes à dix kilomètres de Bordeaux, ville très attractive, et les jeunes ont tendance à déserter nos rues. Nous aussi, nous voulons essayer de donner aux jeunes les clés d'un lieu et leur permettre de prendre une initiative, par exemple organiser un concert, une soirée. De notre côté, nous assurerons le soutien technique et financier et nous viendrons sur le lieu de rassemblement pour recueillir les idées des participants sur la dynamisation du centre-bourg, plutôt que de les convier autour d'une table en mairie. Il faut leur donner la parole.

Nous n'avons pas la légitimité de parler pour eux.

M. Hugo Biolley, maire de Vinzieux. - Je suis très heureux de participer à cette réunion. J'estime que je suis d'abord présent en tant qu'élu plus qu'en tant que jeune. Je me réjouis d'ailleurs du fait qu'on oublie assez vite mon âge dans le cadre de mes fonctions de maire. La jeunesse n'est qu'un mot !

Lorsque j'ai décidé d'être candidat, je ne me suis pas posé la question de mon âge, je suis parti d'une volonté et j'ai monté une équipe.

Je crois que la question fondamentale est celle de la confiance. Des gens m'ont fait confiance à un moment et j'ai finalement rendu cette confiance.

Je crois qu'il existe des liens très forts entre les engagements associatifs et électifs. J'étais assez peu engagé dans des associations avant d'être élu et je fais d'une certaine façon le chemin inverse aujourd'hui par rapport à certains de mes collègues, puisque mes fonctions de maire m'amènent à énormément travailler avec les associations.

Ma responsabilité est double : intéresser les jeunes à la politique et porter les combats de la jeunesse, par exemple la lutte contre le dérèglement climatique - les jeunes sont les premiers concernés par ce problème. C'est notre génération qui devra porter les effets des 1,5°C ou 2°C de plus ! C'est elle doit se préparer à ce qu'implique l'existence d'un événement climatique tous les ans...

Je suis une sorte d'« ovni » dans mon propre milieu. Les responsabilités de maire sont très lourdes, je ne suis donc pas complètement représentatif de ce que vit un étudiant aujourd'hui. Je ne veux pas être un porte-parole, je veux contribuer à ce que les choses évoluent.

J'essaye de développer la confiance des jeunes, y compris des adolescents, envers les institutions. Je veux laisser aux jeunes les clés de l'action publique. Par exemple, je les laisse définir un lieu pour installer telle ou telle activité et il leur revient d'élaborer un projet. Des adolescents de ma commune ont ainsi contacté des entrepreneurs pour obtenir des devis.

J'ai la chance d'étudier dans une école qui me permet de concilier vie étudiante et vie d'élu, mais il reste un travail colossal à réaliser, au-delà même du statut de l'élu, pour que les jeunes veuillent tout simplement s'engager. Pour cela, il faut changer l'image de la politique ; on me dit régulièrement que je dois faire attention à ne pas devenir un « pourri »... Cette image, très présente, ne donne pas envie de s'engager en politique !

Le mandat de maire est très exigeant mais c'est un très beau mandat, vraiment magnifique, car il permet de se rendre utile et de prendre sa part dans le débat public. Il ne correspond pas du tout à l'image que les médias donnent de la politique - ceux-ci ne montrent pas la manière dont les choses se passent concrètement. Le maire prend en charge une partie de la vie de ses administrés. C'est très noble. Derrières les « coupures de ruban », il y a des dizaines et des dizaines d'heures de travail qui n'apparaissent nulle part dans les médias !

En ce qui concerne les mesures à prendre pour améliorer les choses, je vois trois axes de travail.

D'abord, il faut une appropriation citoyenne des institutions et des politiques publiques, et l'école a un rôle majeur à jouer en la matière. On sait qu'il y a le Président de la République, le président du département et celui de la région, mais ces connaissances restent trop peu concrètes. C'est la profonde méconnaissance de la manière dont les choses fonctionnent qui entraîne un désintérêt de la politique. Les institutions restent des boîtes noires pour beaucoup de gens.

Ensuite, il faut avoir confiance dans les jeunes. En France, les politiques « jeunesse » sont largement d'inspiration familialiste - on voit les jeunes par le prisme de la famille et de fait, jusqu'à l'âge de 25 ans les jeunes aujourd'hui dépendent de leur famille -, alors que dans les pays nordiques on responsabilise les jeunes indépendamment de leurs parents. Le débat sur le Revenu de solidarité active (RSA) illustre cette approche.

Enfin, il faut agir en matière d'environnement, sujet majeur pour les jeunes. Il faut mettre ces sujets au coeur du débat public - ils n'en représentent que 3 % aujourd'hui et ce chiffre date d'avant la guerre en Ukraine...

Mme Clémentine Barbier, conseillère départementale de la Côte-d'Or. - J'ai fait mes premiers pas en politique en 2007 à l'occasion de l'élection présidentielle puis je m'en suis désintéressée. Après beaucoup de déceptions, je m'y suis de nouveau investie, en particulier grâce à l'initiative de celui qui est devenu mon binôme dans mon canton, Dijon-1. Au départ, je me suis engagée sans trop réfléchir : j'avais envie de faire bouger les choses au niveau local. Je crois d'ailleurs qu'il faut privilégier le rapport humain dans la politique.

M. Stéphane Piednoir, président. - Nous avons un problème de connexion avec Mme Barbier. Je donne tout de suite la parole à Benjamin Flohic et je la rendrai à Mme Barbier, lorsqu'elle aura pu se reconnecter.

M. Benjamin Flohic, conseiller régional de Bretagne. - J'ai 21 ans, je suis conseiller régional de Bretagne depuis juin dernier et président de la Commission aménagement et mobilités. Je fais de la politique depuis septembre 2020, à la suite de ma rencontre avec le maire de Langouët, première commune à avoir adopté un arrêté anti-pesticides, qui a présenté une liste en-dehors des partis aux élections régionales. La première raison de mon engagement, c'est la confiance : on ne me demandait pas de venir pour uniquement coller des affiches ou faire de la figuration, mais pour participer à l'élaboration du projet et à la direction de la campagne. J'étais d'ailleurs tête de liste dans mon département. Si l'on veut que les jeunes s'engagent, il est fondamental de les considérer comme de véritables acteurs d'une campagne, pas seulement comme de « petites mains ».

J'avais dans le même temps un engagement au sein d'une association, Co'p1 Solidarités étudiantes, qui procède à des distributions alimentaires gratuites auprès des étudiants, à Paris et depuis le 3 mars à Angers. Mes deux engagements, associatif et électif, sont parallèles et le lien entre eux est très important : mon mandat d'élu me permet de faire remonter certains sujets, comme la lutte contre la précarité étudiante.

Donner aux jeunes envie de voter est fondamental. Pour autant, la participation citoyenne des jeunes ne se mesure pas seulement au travers de la participation aux élections : 44 % des 18-25 ans sont actifs au sein d'associations. Ils sont également actifs sur les réseaux sociaux. La majorité des jeunes est engagée pour défendre au moins une cause dans leur vie. Leur engagement est donc réel, indépendamment de la forme classique du vote.

Il me semble que l'échelon local est très pertinent pour s'engager, parce qu'on en voit les réalisations concrètes, mais il est aussi très important que les jeunes soient représentés au Parlement. Les choses ont un peu évolué de ce point de vue, notamment lors des dernières élections législatives, mais il reste beaucoup à faire - je pense notamment à la barrière d'âge pour être élu sénateur. Pourquoi ne pas faire tomber cette barrière et aligner les conditions d'élection au Sénat sur celles de l'Assemblée nationale ?

Pour améliorer la participation citoyenne, il faut lutter contre la pauvreté. Les jeunes sont les premiers touchés par la pauvreté - il suffit de regarder le nombre de repas distribués à des jeunes par Les Restos du coeur -, si bien que l'intérêt pour la vie politique n'est pas une priorité.

En ce qui concerne l'idée d'instaurer des quotas de jeunes sur les listes, c'est une idée intéressante qu'on devrait expérimenter, mais il faut que certains de ces jeunes soient en position éligible... Aujourd'hui, il y a toujours un ou deux jeunes sur les listes, mais ils sont souvent à une place symbolique.

Mme Clémentine Barbier. - Veuillez m'excuser, j'ai rencontré un problème de connexion.

J'ai goûté à la politique assez jeune, puisque plusieurs membres de ma famille ont été élus - mon grand-père a notamment été sénateur... J'ai donc baigné dans cet univers.

Lorsque j'ai été élue en 2021, il a fallu organiser les choses, car les journées étaient très remplies. Mon employeur a été à l'écoute et il a accepté d'aménager mes horaires. J'habite dans mon canton d'élection et cette proximité me permet d'échanger tous les jours avec la population.

De même, je côtoie la jeunesse régulièrement, en particulier dans les instances comme le conseil départemental des jeunes. Les jeunes s'engagent beaucoup pour des causes - le climat, l'Ukraine, etc. -, mais ils connaissent souvent mal le fonctionnement des collectivités territoriales et des institutions - je parlerais plutôt de ce point de vue de méconnaissance que de désintérêt. Pour améliorer la situation, il faut développer une approche plus pédagogique dans l'enseignement primaire et secondaire.

Il faut aussi prendre des initiatives, comme les conseils de jeunes. Par exemple, nous avons lancé dans mon canton une opération pour faire des collégiens des ambassadeurs du climat. Ce type d'opération nous permet aussi d'expliquer les compétences du département. Dans mon quartier, j'ai mis en place durant la crise sanitaire une plateforme d'entraide : elle propose de l'aide aux devoirs pour les enfants ou aux démarches numériques pour les personnes âgées ou isolées ; elle aide les nouveaux arrivants dans le quartier ; elle promeut le « je ne jette pas, je donne ». Les étudiants de l'école de commerce de Dijon donnent 40 heures sur l'année pour participer à la vie locale ou pour aider sur certains projets - cela fait partie de leur cursus.

La présence des jeunes est faible dans nos institutions - seulement deux élus de mon conseil départemental ont moins de 35 ans... Invitons-les à participer !

La proximité et la pédagogie sont aussi des points très importants de l'éducation à la citoyenneté. Il faut passer par les réseaux sociaux et adapter les informations au public - par exemple, nous publions des encarts adaptés aux jeunes dans les journaux locaux sur des sujets d'actualité.

Mme Sophia Habibi-Noori, conseillère régionale de Normandie. - Je me suis d'abord engagée par curiosité dans le conseil régional des jeunes, qui est composé de 40 membres. Je n'avais pas d'engagement associatif particulier et je ne souhaitais pas m'engager, au-delà du bénévolat, dans des associations ou des partis politiques, par peur des luttes de pouvoir présentes au sein de ces structures.

Malheureusement, les jeunes sont très vite catégorisés, ce qui pose la question de leur légitimité.

Les jeunes s'engagent malgré le fait que la politique soit devenue un gros mot du fait des affaires de corruption et de détournement. Or les politiques donnent du temps pour les autres ; ils ne doivent pas être maltraités et insultés comme on le voit aujourd'hui. Ces comportements sont inadmissibles.

J'ai reçu plusieurs propositions pour figurer sur des listes aux élections régionales, mais je ne voulais pas m'encarter, parce que je crois que les conflits partisans sont d'un autre temps et qu'il faut raisonner en termes d'intérêt général. De ce point de vue, dans lequel se retrouvent beaucoup de jeunes, je considère que j'ai une pierre à apporter à l'édifice.

Je suis en deuxième année de droit à l'université de Caen, ce qui est loin de ma terre d'élection, Alençon dans l'Orne. Il est d'autant plus compliqué de se déplacer que je n'ai pas le permis de conduire. Or dans un territoire rural, se déplacer sans voiture prend beaucoup de temps.

Je me sens investie d'une responsabilité particulière en raison de mon âge car les jeunes visages sont rares en politique, même si être jeune est avant tout un état d'esprit ! Je crois que les jeunes veulent d'abord du concret. Il est important de restaurer la confiance, notamment en ce qui concerne l'appropriation de l'espace public. J'essaie de donner une autre image de la politique.

Le conseil régional de Normandie a mis en place un certain nombre d'initiatives, par exemple pour que les jeunes montent des projets et deviennent ambassadeurs de la région, ce qui permet de les intéresser à la politique. Il faut aussi développer l'esprit critique, notamment grâce à l'éducation aux médias et aux réseaux sociaux. En fait, les jeunes connaissent souvent assez mal leur propre territoire et ils quittent les zones rurales. C'est pourquoi nous avons mis en place une journée de découverte de lieux normands atypiques.

Les jeunes ne doivent pas se poser de barrières, ils doivent participer pleinement à la vie de la collectivité. C'est pour cela que je ne veux pas, en tant qu'élue, être « la jeune de service ». À mon arrivée au conseil régional, j'ai souhaité exercer à la délégation Jeunesse et citoyenneté, mais le président du conseil régional a attiré mon attention sur l'intérêt de ne pas m'enfermer dans les thématiques jeunesse.

La conciliation du mandat électif avec les études est assez complexe, a fortiori en période d'examen. C'est d'autant plus difficile du fait de la distance entre la ville où je fais mes études et mon territoire d'élection (une heure trente de trajet pour moi) et du nombre d'instances dans lesquelles on peut siéger en tant que conseiller régional (séances plénières, réunions de la majorité, commissions...). Exercer un mandat est chronophage, comme le sont les études... Et il peut exister une certaine frustration au moment de choisir entre telle ou telle réunion et les cours ou les révisions.

Il me semble d'ailleurs qu'il serait intéressant d'établir un statut d'étudiant élu. Aujourd'hui, l'adaptation du cursus est laissée au bon vouloir des établissements d'enseignement supérieur et il arrive qu'ils refusent des aménagements - j'ai un exemple concret en tête - alors que des aménagements sont possibles pour les étudiants salariés. J'ajoute qu'en ce qui me concerne je ne souhaitais pas que l'on sache au sein de l'université que j'étais élue ; cela fait courir le risque d'être étiquetée (j'ai été élue sur une liste divers droite), avec le cas échéant des conséquences sur les notes. Il est aberrant que l'engagement puisse ainsi pénaliser.

La plupart des jeunes ne s'intéressent pas à la politique, voire en sont dégoûtés par les affaires, mais ils s'engagent pour des causes qui sont de fait de la politique - être végétarien est un choix politique ! Les jeunes ne sont pas seulement l'avenir, comme on le dit souvent, ils sont aussi le présent. Je crois qu'il faut revoir l'enseignement civique d'un point de vue citoyen. Même des étudiants en droit méconnaissent les institutions ! Il faut donner du sens à la politique et aux institutions. Lorsque des élus en place disent que les jeunes représentent l'avenir, c'est tout simplement qu'ils ne veulent pas laisser la place... Or les jeunes sont légitimes en politique ! Pourquoi pas des quotas de jeunes sur les listes électorales ? On l'a fait pour les femmes...

M. Stéphane Piednoir, président. - Je retiens de vos interventions le foisonnement des initiatives dans les collectivités locales.

Je rappelle qu'il a fallu modifier la Constitution pour instaurer des quotas sur les listes électorales. La question se pose différemment pour les jeunes, parce que la différence se ferait selon l'âge.

Je signale enfin que les sénateurs sont élus par les grands électeurs et que, lorsqu'il a été décidé d'abaisser l'âge d'éligibilité de 35 ans à 23 ans, il s'agissait de faire en sorte qu'un candidat ait pu exercer un mandat local avant son élection.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je vous remercie pour vos témoignages et votre franchise.

L'objet de notre mission d'information est de savoir comment redynamiser la culture citoyenne. Cela concerne naturellement les jeunes, mais pas seulement. Comment expliquez-vous le délitement de la citoyenneté ? Le manque d'exemplarité de certains élus fait-il partie selon vous des causes de ce phénomène ?

Le statut de l'élu me semble une dimension importante de ces questionnements.

M. Fabian Jordan. - Pour résoudre ce problème, il faut absolument simplifier et clarifier l'architecture institutionnelle de notre pays. Aujourd'hui, les compétences des uns et des autres sont totalement imbriquées et les citoyens ne s'y retrouvent plus. Plus on rend les choses complexes dans l'articulation des compétences des différents échelons locaux, plus on éloigne les gens.

Il faut aussi améliorer le rapport à l'humain des politiques publiques qui sont mises en place, car le système ne répond plus aux attentes de la population, en particulier des jeunes. Il faut ainsi être à l'écoute et donner la parole - c'est ce que nous faisons dans le cadre des journées citoyennes. Construire ensemble permettra de rétablir la confiance. Il nous faut ramener de la proximité - c'est la clé - et du bon sens ! Nous devons permettre à la jeunesse de s'impliquer ; sans son implication, notre système est voué à l'échec. Écoute, considération, co-construction et confiance sont des mots clé.

M. Stéphane Piednoir, président. - Il est vrai qu'on ne se projette pas nécessairement dans l'action publique. Il faut avoir envie de participer. En tout cas, il ne faut pas faire appel à des jeunes pour la seule raison qu'ils sont jeunes ! Il est clair que nous avons encore du travail à faire sur le statut de l'élu, que celui-ci travaille ou étudie en parallèle de son mandat.

La France est une démocratie représentative : les électeurs délèguent leur pouvoir en votant. Ils accordent leur confiance au moment de l'élection. Notre démocratie repose sur le dépôt d'un bulletin dans une urne, qui est un acte de confiance. Il faut donc restaurer la confiance dans les élus pour améliorer la participation citoyenne. Aujourd'hui, les gens ont tendance à s'engager sur des causes pour lesquelles ils veulent être entendus, sans être forcément décideurs. En tout cas, organiser en permanence et sur tous les sujets des conventions citoyennes, comme celle qui a eu lieu sur le climat, me semble problématique. Attention à ne pas faire croire que ces conventions vont décider de tout...

M. Guillaume De Almeida Chaves. - Il faut certes encadrer les conventions citoyennes, définir en amont le champ de leur réflexion, mais il faut faire confiance aux citoyens et accepter les mesures qu'ils élaborent dans ce cadre. Elles ne doivent pas être de simples consultations. Nous avons travaillé dans ce sens en Occitanie.

M. Stéphane Piednoir, président. - Je prends un exemple un peu caricatural. À l'une des premières réunions du conseil municipal des jeunes que j'ai installé dans la commune dont j'étais maire, Montreuil-Juigné - un peu plus de 7 000 habitants -, les élèves qui étaient là ont proposé la construction d'un hôpital et d'un aéroport... Il y a donc parfois une déconnexion entre les attentes et la réalité, d'autant qu'il faut évidemment financer de tels projets. Être élu, c'est faire des choix !

M. Guy Benarroche. - Chacun voit bien qu'aujourd'hui notre fonctionnement démocratique est atteint. Il est plus que temps de prendre des décisions pour remédier à cette situation et éviter que les responsables politiques soient élus avec une participation extrêmement faible. Un chantier majeur concerne les violences contre les élus et le statut de ceux-ci. À mon sens, les citoyens doivent pouvoir intervenir à tout moment, même hors période électorale. Les parlementaires par exemple doivent répercuter à tout moment la volonté de leurs électeurs dans la loi.

La dichotomie entre l'engagement citoyen et le monde politique ne touche pas seulement les jeunes mais toutes les classes d'âge. Elle repose sur le fait que les gens pensent que le système est trop compliqué, que tout cela ne sert à rien et que les élus travaillent dans leur propre intérêt.

Il y a donc un travail considérable à accomplir pour modifier les choses. Ce travail repose sur une multitude de solutions techniques. Je crois que nous ne devons pas désespérer. Il nous revient de trouver des solutions pour que chaque citoyen se sente engagé, pour que les violences contre les élus cessent et pour que la participation électorale et citoyenne augmente.

M. Hugo Biolley. - Les élus sont questionnés en permanence sur leur exemplarité et, au-delà de cette « course à l'échalote » sur la transparence, la question de fond, c'est la confiance. La confiance est le ciment de la démocratie. Si elle manque, l'édifice peut s'écrouler. L'abstention est donc un risque majeur.

Deux critiques sont souvent adressées aux élus : la déconnexion et l'inefficacité. J'ai peu de réponses opérationnelles à proposer, mais nous devons absolument nous pencher sur ces questions, parce que tout ce que nous avons pu dire sur le désintérêt des jeunes existe aussi pour les autres générations. L'« effet jeunes » est une loupe de ce qui se passe dans le reste de la société. Il faut réussir à faire comprendre le rôle des élus, aux niveaux local et national.

Mme Sabine Drexler. - J'ai beaucoup apprécié, Monsieur Biolley, que vous ayez dit qu'il fallait donner aux jeunes l'occasion de rendre la confiance qu'ils ont reçue à un moment donné. La question de la confiance est souvent revenue ce matin dans les propos des uns et des autres et je crois, comme beaucoup d'entre vous, qu'il faut multiplier les occasions de concrétiser les envies d'engagement. Les collectivités ont lancé de multiples initiatives en ce sens : les journées citoyennes, les budgets participatifs, les conseils de jeunes... Il faut les encourager.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Il serait intéressant pour notre mission d'information que nos intervenants puissent nous répondre par écrit sur deux questions : quelles sont les causes du délitement de la citoyenneté ? Quelle est la responsabilité éventuelle des élus dans ce phénomène ?

M. Stéphane Piednoir, président. - Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de M. Vincent Séguéla, secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange

M. Stéphane Piednoir, président. - Mes chers collègues, nous entendons cet après-midi M. Vincent Séguéla, secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange, que je remercie pour sa présence parmi nous.

Pour votre information, Monsieur le Secrétaire général, je précise que notre mission d'information s'est mise en place dans le cadre de ce que l'on appelle le « droit de tirage », à l'initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), et que notre collègue Henri Cabanel, membre de ce groupe, en est le rapporteur.

J'indique également que notre mission est composée de dix-neuf sénateurs et deux suppléants, issus de tous les groupes politiques, et que notre rapport, assorti de recommandations, devrait être rendu public au début du mois de juin 2022.

Cette mission d'information s'est mise en place dans un contexte marqué, d'une part, par une distance croissante entre nombre de nos concitoyens et les institutions et, d'autre part, par un taux d'abstention élevé lors des trois dernières élections locales, plus particulièrement chez les jeunes.

Ces évolutions soulèvent plus que jamais la question de l'éducation des futurs citoyens, qui passe notamment par l'école et par diverses politiques publiques visant à encourager l'engagement des jeunes.

Dans ce contexte, le rôle des structures d'éducation populaire - qui ont été citées ce matin lors de notre table ronde avec les élus locaux - dans la formation des citoyens, plus particulièrement des jeunes, nous intéresse vivement.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Monsieur le Secrétaire général, pourriez-vous préciser le rôle que joue l'éducation populaire dans la formation à la citoyenneté des enfants et des jeunes ? Une élue locale présente à la table ronde de ce matin a exprimé le souhait d'un retour à une éducation populaire adaptée aux nouveaux enjeux de la société.

Pourriez-vous nous donner des exemples d'actions d'éducation à la citoyenneté menées par la Fédération Léo Lagrange ? Des actions spécifiques sont-elles conduites à destination des jeunes des territoires ruraux et des quartiers prioritaires ?

S'agissant du service civique, combien de volontaires la Fédération Léo Lagrange accueille-t-elle et pour quelles missions ? Comment les tuteurs sont-ils formés ?

La présidente de l'Agence du service civique a plaidé, lors de son audition, pour un renforcement de la formation citoyenne des jeunes en service civique, au-delà des deux journées prévues par la loi. Partagez-vous cette idée ?

De votre point de vue, qu'apporte le service civique aux jeunes volontaires ?

En ce qui concerne le service national universel (SNU), êtes-vous associé à son développement, notamment pour la phase 2, consacrée aux missions d'intérêt général (MIG) ?

Plus généralement, quel regard portez-vous sur le SNU ? Quels sont selon vous les freins à son développement ? Faudrait-il le rendre obligatoire ? Quels seraient les obstacles à sa généralisation ?

Enfin, comment, selon vous, renforcer l'engagement des jeunes de manière générale ?

M. Vincent Séguéla, secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange. - Merci pour votre invitation. Les principes de l'éducation populaire, dont l'élue locale qui s'est exprimée ce matin lors de votre table ronde souhaite le retour, n'ont en réalité pas disparu. L'enjeu est toutefois de renforcer les actions d'éducation populaire dans le processus de formation des jeunes. Nous entendons d'ailleurs de plus en plus d'élus locaux plaider en ce sens.

Les Rencontres de l'éducation populaire, organisées récemment à Marseille, et qui regroupaient des élus locaux ainsi que diverses associations, dont l'Association des maires de France (AMF), témoignent de cette volonté. Les Journées nationales de l'éducation populaire se tiendront par ailleurs prochainement à Poitiers. La secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement a également organisé des Assises de l'animation. Le sujet de l'éducation populaire revient donc au coeur du débat public, ce dont nous nous félicitons.

L'éducation populaire est difficile à définir. Il en existe du reste plusieurs définitions. L'éducation populaire recouvre des actions complémentaires de celles menées par d'autres acteurs plus traditionnels de la formation. Elle complète ainsi, sur des temps différents, le processus éducatif familial, le processus de formation et d'éducation scolaire ainsi que les parcours de formation professionnelle développés en entreprise.

On peut aussi présenter l'éducation populaire comme une série d'actions éducatives et formatives organisées sur du temps libre ou du temps libéré ; le « temps libéré » renvoie, par exemple, à la situation d'une personne en recherche d'emploi.

En 1900, on travaillait 200 000 heures en moyenne dans une vie, pour 100 000 heures de temps libre. Actuellement, nous ne travaillons plus que 67 000 heures pour 400 000 heures de temps libre. Tout un espace s'est donc développé au cours du dernier siècle. La fédération oeuvre pour que ce temps libre ne soit pas un temps oisif, mais aussi un temps d'éducation et de formation.

L'éducation populaire repose en outre sur l'idée de progrès. L'enjeu est d'élargir la palette des apprentissages et d'ouvrir l'accès aux savoirs, à partir de l'idée selon laquelle l'être humain peut apprendre et progresser toute sa vie - c'est d'ailleurs la base de la formation permanente. Il est possible, même en situation d'échec scolaire, de se former avec d'autres organismes et sous d'autres temps. Dans la logique de l'éducation populaire, on peut toujours progresser, et toute sa vie.

Cela suppose cependant un développement de l'accès aux droits nouveaux que sont le droit à la culture ou aux vacances qui permettent de découvrir d'autres territoires, d'autres gens, d'autres cultures.

Le principe des « vacances apprenantes » lancé par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports à la faveur de la pandémie a fait réagir les acteurs de l'éducation populaire, car à leurs yeux toutes les vacances sont des temps éducatifs. Les colonies de vacances ne sont pas des garderies ! Toutefois, le terme de « vacances apprenantes » montre bien que le temps passé en vacances peut constituer un temps éducatif à investir.

J'en viens à la préoccupation que vous avez exprimée, et que nous partageons, concernant le décrochage des citoyens par rapport au vote. Nous ne réduisons pas la citoyenneté au droit de vote, même s'il s'agit d'un marqueur important. Ainsi, il est possible de se demander si l'on peut être pleinement citoyen lorsqu'on appartient à la moitié des jeunes qui ne peuvent pas partir en vacances ? Cette question vaut pour les chômeurs : certes, ils ont le droit de vote, mais quand on est exclu du monde du travail ou entravé dans son accès à la formation, peut-on se sentir pleinement citoyen ?

L'éducation populaire utilise dans une démarche de complémentarité des méthodes pédagogiques dites nouvelles, actives ou non formelles, qui ne reprennent ni les méthodes académiques employées à l'école ni les méthodes éducatives à l'oeuvre dans le cadre familial. Ces méthodes placent l'apprenant au coeur du processus éducatif, en en faisant un acteur central et non plus un receveur de connaissances fournies par un détenteur du savoir. Pour les 16-25 ans, cela implique également des formations entre pairs auxquelles nous sommes attachés.

En plaçant ainsi l'apprenant comme acteur de son propre processus de formation, l'idée est de lui faire acquérir des compétences susceptibles d'être utiles à la citoyenneté. Nous insistons ainsi beaucoup sur l'importance de la notion d'écoute, et de l'expression. Une place centrale est également accordée à la confrontation des idées, qui enrichit, et à la mise en débat. Nous faisons aussi attention à la définition par les enfants des règles de la vie en groupe.

Les pédagogies actives que nous utilisons reposent sur des éléments centraux de la formation à la citoyenneté : on apprend le goût des autres, on apprend à aimer les autres en apprenant à écouter, à s'exprimer et à débattre. La citoyenneté implique une communauté de citoyens qui vivent ensemble.

Nos méthodes n'impliquent aucune note ou évaluation. Nous prenons aussi en compte le développement personnel de chaque enfant pour respecter son rythme.

La fédération accorde par ailleurs une grande place à l'expérimentation. Nos pédagogies sont en effet fondées sur l'expérience et la recherche. Contrairement à l'éducation académique qui s'articule autour d'un cours, d'un exercice et d'un contrôle, notre approche implique une problématisation, une recherche d'informations par l'apprenant lui-même et une recherche de solutions.

Toute notre pédagogie est en outre centrée sur l'intériorisation des apprentissages. Par exemple, s'agissant de la lutte contre les discriminations - car citoyenneté et vivre ensemble sont liés - il ne suffit pas de dire aux jeunes que ce n'est pas bien de ne pas respecter l'égalité entre les filles et les garçons. Il s'agit de permettre à chacune de faire sien ce sujet d'apprentissage. Tant que cette notion n'a pas été intégrée dans leur subconscient - sur lequel repose 90 % de notre fonctionnement - cette nouvelle habitude ne peut être acquise. Des pédagogies adaptées sont nécessaires. Nos méthodes interactives visent donc l'intériorisation de la règle, non l'emmagasinage de savoirs.

Je vais à présent citer quelques exemples d'actions que nous menons.

Lorsque nous travaillons avec une collectivité locale sur un projet éducatif territorial (PEDT) consacré à l'accueil extra et périscolaire, nous nous intéressons aussi à l'aménagement de l'espace ou du mobilier à l'aune de la question du genre. Il faut que filles et garçons aient une place égale dans la cour de récréation. Ainsi, le terrain de football ne peut pas occuper 90 % de la cour, et les garçons ne peuvent l'occuper 90 % du temps.

Nous développons des outils pédagogiques, adaptés selon les tranches d'âge, qui sont mis à la disposition de nos équipes professionnelles, formation à l'appui, afin de leur permettre de conduire des actions autour de la citoyenneté.

Nous travaillons notamment sur la capacité des enfants à mener des débats, la confrontation des idées fondée sur le respect d'autrui, l'écoute et l'argumentation nous semblant essentielle dans la construction de la citoyenneté.

Nous avons aussi des jeux de sept familles thématisés ainsi que des hebdomadaires de décryptage de l'actualité, qui visent à apprendre aux jeunes à s'informer correctement et à décoder les médias. Nous avons également créé des ateliers au cours desquels des personnels municipaux encadrent des jeunes pour leur expliquer ce qu'est une mairie, le travail des agents municipaux, etc.

Nous travaillons aussi sur l'éloquence, au moyen d'un partenariat avec Eloquentia. La capacité à s'exprimer est en effet constitutive de la citoyenneté. Nous participons en outre à la construction et à l'animation de conseils municipaux, départementaux et régionaux d'enfants et de jeunes.

La fédération intervient par ailleurs sur le temps scolaire, notamment à travers une gamme d'activités consacrées à la lutte contre les discriminations et aux questions comme l'égalité filles-garçons, l'homophobie, le racisme. Ces interventions se font en classe, en lien avec les CPE et les enseignants, mais généralement en leur absence. Nous intervenons aussi sur la question du développement durable, sujet auquel les jeunes sont particulièrement sensibles.

En réalité, si des questions peuvent se poser concernant la hausse de l'abstention, la plupart des études montrent que les jeunes sont engagés. La question du développement durable et du rapport à la planète les mobilise beaucoup. Ils sont par ailleurs nettement moins réticents aux flux migratoires que les générations de leurs parents ou de leurs grands-parents.

Il serait donc inexact de déduire du taux d'abstention élevé constaté chez les jeunes un désintérêt pour la citoyenneté ou pour l'engagement. On observe une inadéquation entre l'offre et la demande dans le domaine politique, mais ce n'est pas un problème d'engagement.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Comment la fédération travaille-t-elle avec les élus ? Sont-ils bien informés de votre existence ? Comment vous faites-vous connaître ? La fédération est-elle présente dans tous les territoires ?

M. Vincent Séguéla. - Nous travaillons avec 500 collectivités partenaires. Nous nous appuyons sur un maillage territorial dense. La fédération compte par ailleurs 6 000 salariés et plusieurs milliers de bénévoles, pour un total d'environ un million d'usagers par an. Nous intervenons dans le cadre de subventions, de délégations de service public (DSP) ou encore de services d'intérêt économique général (SIEG). La fédération est en outre reconnue d'utilité publique et reçoit des financements de l'État, mais ces derniers représentent moins de 1 % des 200 millions d'euros de produits qu'elle perçoit. Les fonds privés en représentent pour leur part moins de 0,5 %. Nous avons l'agrément « jeunesse éducation populaire » du ministère de l'éducation nationale.

Nous nous faisons connaître comme nous le pouvons avec nos propres moyens, dégagés des activités que nous réalisons en lien avec les collectivités locales. Les objectifs de nos prestations de services - maisons de quartier, centres de vacances... - sont construits en lien avec les objectifs territoriaux de nos collectivités locales partenaires. La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pose également des conditions particulières à la fédération pour qu'elle puisse bénéficier des moyens alloués.

M. Stéphane Piednoir, président. - Lorsque vous agissez dans le cadre d'une délégation de service public, vos interlocuteurs vous identifient-ils bien comme acteur d'une politique publique ? Les salariés et bénévoles d'un centre social de quartier prioritaire ont-ils le réflexe de rappeler, notamment aux jeunes, qu'ils bénéficient de ce centre parce que des élus ont décidé la création ou l'entretien de ce centre ? La fédération leur dit-elle, par exemple, qu'il est nécessaire, pour qu'un centre social continue à vivre, de s'engager en politique ou à tout le moins d'aller voter pour désigner ceux qui permettront que ce centre existe ?

M. Vincent Séguéla. - Nous ne le faisons pas dans les termes que vous évoquez, mais cela fait partie de notre démarche. Si je dis aux jeunes qu'ils doivent aller voter pour empêcher la fermeture de telle ou telle structure, cela risque de ne pas être très efficace. Tout notre travail consiste à mettre les jeunes en contact avec les élus, puis, à travers une série d'animations, à partir d'un problème repéré avec eux, à voir comment les conduire vers la finalité que vous venez d'indiquer et que nous partageons. Cette dernière ne concerne d'ailleurs pas uniquement les jeunes, le taux d'abstention étant particulièrement élevé chez nombre d'habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, auprès desquels nous intervenons.

M. Stéphane Piednoir, président. - Lorsqu'un centre social est géré par le biais d'une DSP, cela peut alimenter la croyance selon laquelle les élus ne font rien. Les DSP fonctionnent très bien, mais il faudrait insister sur le fait qu'il ne s'agit pas de structures indépendantes, mais de structures mandatées par des élus, qui participent aux politiques publiques.

M. Vincent Séguéla. - C'est le principe d'une DSP : la collectivité garde la main. Lorsque nous agissons dans ce cadre, nos équipes, nos adhérents et nos usagers en sont informés. Nous leur expliquons pourquoi nous ne pouvons agir à notre convenance ou pourquoi, par exemple, telle ou telle tarification a été augmentée par la mairie.

Nous sommes toutefois parfois accusés de participer à la marchandisation du secteur de l'éducation populaire. Il faut rappeler cependant que les centres de loisirs ou les maisons de quartier, avant d'être des politiques publiques locales, ont été des initiatives associatives. Ainsi, le secteur associatif s'est emparé le premier de la question de l'accueil de la petite enfance. Les haltes garderies associatives ont précédé les crèches municipales. Les colonies de vacances ont été des structures associatives. Ce n'est pas parce que la maison de quartier est gérée en régie municipale que le lien avec la population est plus fort.

Néanmoins, lorsque nous intervenons dans le cadre d'une DSP, nous nous inscrivons dans une politique publique et faisons le lien entre un projet porté par des élus et la population.

Mme Martine Filleul. - Il y a une dizaine d'années, à Tombouctou, j'avais été très surprise de découvrir une maison surmontée d'un panneau « Léo Lagrange ». Utilisez-vous toujours l'expérience à l'international comme un levier de formation et d'initiation à l'autre ?

M. Vincent Séguéla. - L'importance des échanges interculturels et de la mobilité à l'international fait partie de nos leviers en matière d'éducation à la citoyenneté. La fédération dispose d'un réseau en Europe et à l'international et notamment en Afrique, où des associations Léo Lagrange sont implantées - même si nous rencontrons évidemment des difficultés au Sahel, notamment au Mali et au Burkina Faso.

J'en viens à la question du service civique. Après avoir réfléchi à ce qui pouvait suivre la fin du service militaire décidée par le président Jacques Chirac, la fédération a décidé lors d'un congrès, en 2005, de militer pour la création d'un service civique obligatoire. La création du service civique, suivie quelque temps plus tard par celle du SNU, a donc été bien reçue.

Le service civique a l'avantage de permettre à des jeunes de se réorienter ou de préciser leur orientation. Il offre également aux jeunes décrocheurs la possibilité et le temps de s'interroger sur leur avenir. Je rejoins les constats et les témoignages que vous avez partagés lors de vos auditions de la présidente de l'association Unis Cité et de volontaires du service civique.

La fédération encadrait 150 jeunes en service civique avant la crise sanitaire, nombre qui a chuté à 100 pendant celle-ci. Notre objectif est de parvenir à 300 services civiques autour de thématiques comme le développement durable et de développer une approche plus collective, dans l'esprit de la démarche d'Unis Cité, plutôt que d'envoyer tel jeune dans un centre de loisirs, tel autre dans un centre social, etc.

Les jeunes en service civique sont suivis par nos équipes d'encadrement. La fédération emploie 6 000 professionnels. Nous attachons beaucoup d'importance à la formation des tuteurs des volontaires du service civique. Nous dispensons des formations à nos agents sur le cadre réglementaire du service civique, l'idée étant de veiller à éviter tout effet de substitution à l'emploi. Nos organisations syndicales y sont très sensibles.

Nous ne rencontrons aucune difficulté ni pour recevoir des jeunes ni pour les envoyer en mission d'une façon qui leur soit profitable. Le service civique constitue à nos yeux un outil de construction du parcours de formation et d'éducation à la citoyenneté d'autant plus pertinent que les parcours formatifs ont tendance à s'allonger : on est jeune aujourd'hui jusqu'à 30 ans.

La fédération est par ailleurs favorable au SNU et travaille avec les services de l'État et quelques autres associations parties prenantes de cette expérimentation. Nous ne voyons pas de contradiction entre le SNU et la notion d'engagement. Le SNU n'est pas une phase d'engagement, mais sa première phase a vocation à devenir une obligation de recevoir un temps de formation, censé faciliter des engagements futurs. Si nous sommes d'accord avec le monde associatif pour dire que l'on ne peut pas rendre l'engagement obligatoire, le SNU a selon nous sa place dans le processus de formation des jeunes.

En revanche, il nous semblerait préférable de substituer la notion de « parcours » à celle de « service » et de faire du SNU un « parcours républicain universel ». Plutôt que de souligner la nécessité pour les jeunes de donner à la Nation, nous souhaiterions insister sur le fait que c'est la Nation qui doit aux jeunes, et en premier lieu une formation. Il faut d'abord que la Nation forme les jeunes pour qu'ils participent ensuite à l'effort collectif. Dans cette logique, la notion de service nous semble inappropriée.

Nous regrettons par ailleurs que les associations ne soient pas davantage associées à la phase des MIG. Elles sont également trop peu impliquées dans la construction de la phase 1, tout en étant sollicitées pour fournir des animateurs alors qu'elles ne sont pas des entreprises de travail temporaire. Il faut que ce dispositif laisse plus de place aux associations comme la nôtre dans son organisation et sa conception.

Nous regrettons à ce titre que le réflexe de l'État soit de créer une agence spécifique pour gérer les MIG, car nous pensons que les associations sont mieux placées que les services de l'État pour organiser le lien entre les différentes phases du dispositif SNU dans les départements.

Il serait bon que le SNU soit géré un peu à la manière du Collectif Mentorat, copiloté par la Fédération Léo Lagrange. Dans le cadre de cette action, des idées d'associations ont été reprises dans une politique publique, assortie de moyens dédiés, sans qu'une agence dédiée au mentorat soit créée... Être mentor est une manière de vivre sa citoyenneté, qui consiste à prendre le temps d'accompagner un jeune.

M. Stéphane Piednoir, président. - La conscience de l'importance d'une formation des jeunes au débat a probablement présidé partiellement à la récente réforme du baccalauréat, le manque de formation des jeunes à l'argumentation constituant l'une des déficiences de notre système éducatif.

Il faudrait idéalement pouvoir impliquer tout le monde dans cette formation, chaque cerveau ayant théoriquement la même capacité à raisonner et à juger les grands enjeux de société. Or cela se fait peut-être plus facilement dans les structures d'éducation populaire puisqu'elles s'appuient sur du volontariat et rassemblent donc des jeunes gens déjà motivés.

Nous avons noté vos propositions concernant le service civique et le SNU. La création d'une agence supplémentaire n'est cependant jamais exclue !

M. Vincent Séguéla. - Nous sommes d'accord sur ce point. En revanche, il ne me paraît pas exact de dire que les jeunes se rendent dans les structures de la Fédération Léo Lagrange de manière volontaire. Ils s'adressent d'abord à l'équipement le plus proche de chez eux.

M. Stéphane Piednoir, président. - Ils font néanmoins la démarche de s'y rendre.

M. Vincent Séguéla. - Il reste que le « aller vers » représente beaucoup de notre temps de travail, en milieu rural comme dans les quartiers prioritaires. Il faut beaucoup de travail en amont pour atteindre ces jeunes.

Par ailleurs, le réflexe consistant à charger systématiquement l'Éducation nationale en mettant en place de nouvelles mesures ou de nouvelles structures pour résoudre tel ou tel problème ne me paraît pas bon. Ainsi, constatant la préoccupation des jeunes gens pour la planète, on a désigné des écodélégués dans les collèges, que l'administration est chargée de former. De même, on a créé des référents laïcité dans les académies. Il faut sortir de cette logique.

Selon un rapport de la Cour des comptes, plus d'un tiers des associations de France sont des associations d'éducation populaire (12 millions de bénévoles que compte notre pays). Or ces associations ont pour raison d'être la défense de la laïcité, de la liberté, et l'éducation à l'égalité.

L'État pourrait parfaitement, comme le font les collectivités locales, être le pilote d'une une action publique qui soit en prise directe avec les citoyens et la société civile, notamment les associations. Celles-ci n'ont pas seulement vocation à intervenir en cas de crise. Nous revendiquons un réinvestissement dans l'éducation populaire, et souhaitons intervenir de plus en plus sur le temps scolaire, car notre action est complémentaire de celle des enseignants. À une époque, il y avait beaucoup d'enseignants dans les réseaux d'éducation populaire, et inversement.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Le SNU, qui repose majoritairement sur l'engagement d'acteurs locaux bénévoles, comme nous l'avons constaté lors de notre déplacement au centre du SNU de Dunkerque, se voit parfois reprocher un certain manque de professionnalisme dans sa mise en oeuvre. Certes, le SNU est en train de monter en puissance. Comment voyez-vous cette organisation au niveau national ? L'implication et la compétence que nous avons constatées à Dunkerque sont-elles effectives dans tous les territoires ?

M. Vincent Séguéla. - La généralisation de la phase 1 du SNU implique un séjour obligatoire de quinze jours, en internat, destiné à toute une classe d'âge, soit 700 000 à 800 000 jeunes. Sachant qu'il faut vingt à trente adultes pour encadrer 200 jeunes, cette organisation requiert une très large mobilisation. Or les associations comme la Fédération Léo Lagrange savent organiser des séjours.

Nous avons signalé par ailleurs à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) plusieurs éléments de cette phase qui nous ont paru poser problème. Ainsi, les journées commencent à 7 heures du matin et se terminent à 23 heures. Attention, car les jeunes sont censés pouvoir retourner à l'école à l'issue de leur séjour ! Les militaires ne maîtrisent pas ces questions. Les agents de l'Éducation nationale peuvent avoir pour leur part des compétences sur d'autres plans. Il reste que nous avons des professionnels qualifiés et pourrions participer à la logistique nécessaire au déploiement du SNU - y compris en matière d'encadrement -, d'autant que ces stages seront organisés toute l'année et pas seulement pendant les vacances scolaires. En effet, il n'est pas possible d'accueillir 800 000 jeunes sur un séjour de cohésion organisé uniquement pendant les périodes de vacances scolaires.

Nous alertons les services de l'État sur ce point, dans la perspective du futur changement d'échelle du dispositif. La Fédération Léo Lagrange dispose, comme l'Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA), de savoir-faire et de ressources qu'elle pourrait développer pour peu qu'on lui laisse la possibilité de le faire.

M. Stéphane Piednoir, président. - Merci de votre intervention.

M. Vincent Séguéla. - Merci beaucoup. Je lirai votre rapport avec beaucoup d'intérêt et le diffuserai au sein de la Fédération Léo Lagrange.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.