Mercredi 21 septembre 2022

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Audition de M. Rémy Rioux, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Agence française de développement

M. Christian Cambon, président. - Nous allons procéder à l'audition de M. Rémy Rioux, dont la nomination par le Président de la République est envisagée pour exercer les fonctions de directeur général de l'Agence française de développement (AFD).

En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition du candidat devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, audition qui doit être suivie d'un vote.

Les modalités de cette audition et du vote ont été précisées par la loi organique du 23 juillet 2010 et la loi ordinaire de la même date : l'audition est publique et fait l'objet d'une captation audiovisuelle ; nous l'avons également ouverte à la presse.

À l'issue de cette audition, nous procéderons au vote, qui se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre règlement. En application de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote et le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Je vous rappelle enfin que l'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

À l'issue de cette audition, je demanderai aux personnes extérieures à notre commission de bien vouloir quitter la salle afin que nous puissions procéder au vote. Nous pourrons dépouiller le scrutin, simultanément avec l'Assemblée nationale, après notre vote.

Le règlement du Sénat prévoit qu'un rapporteur doit être nommé dans le cadre de cette procédure de nomination de l'article 13 de la Constitution, afin de présenter le candidat et de l'interroger. Je vous propose de nommer MM. Hugues Saury et Rachid Temal, nos spécialistes habituels de l'aide au développement.

Nous avons déjà auditionné deux fois M. Rioux dans ce contexte, puisqu'il s'agit du deuxième renouvellement de ses fonctions. Il est souvent venu dans notre commission expliquer sa vision de l'AFD et rendre compte de ses activités. La rapide augmentation des engagements de cette agence, avec un pic de 14 milliards d'euros en 2019, et un certain flottement dans la gouvernance de la politique de l'aide au développement nous ont parfois conduits à manifester notre insatisfaction.

L'augmentation constante des engagements de l'AFD dans les pays émergents, dont la Turquie et la Chine, a aussi suscité des interrogations. L'audition d'aujourd'hui s'inscrit toutefois dans une séquence qui nous a permis de renouveler le cadre de la politique de solidarité internationale et de « reprendre la main » : examen de la loi d'orientation et de programmation du 4 août 2021, puis du contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence, enfin nomination d'une secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, Mme Chrysoula Zacharopoulou, qui m'a fait part hier de son souhait de recevoir le bureau de notre commission. Nous attendons également avec impatience la prochaine mise en place, prévue par la loi du 4 août 2021, de la commission d'évaluation de l'aide au développement, qui comportera un collège de parlementaires.

Il s'agit aujourd'hui de nous assurer que M. Rioux est la personne la mieux placée pour poursuivre les efforts engagés par l'AFD, mieux rendre compte de son activité et atteindre les objectifs que nous lui avons collectivement fixés au travers de la loi du 4 août 2021.

M. Jean-Marc Todeschini. - Nous avons appris qu'un débat sur l'Ukraine aurait lieu au Sénat fin octobre. Cela nous paraît en complet décalage, compte tenu des déclarations que vient de faire M. Poutine. Si l'on veut que le Sénat soit respecté, ce débat devrait se tenir début octobre, comme celui qui est prévu sur ce sujet à l'Assemblée nationale, et non aussi tardivement.

M. Christian Cambon, président. - Je n'ai été avisé qu'hier, par mon groupe, de ce point qui est de la compétence de la conférence des présidents. Je ferai part de votre demande à M. le président du Sénat, que je vois tout à l'heure.

Par ailleurs, je souhaite la bienvenue à notre collègue Ludovic Haye, qui rejoint de nouveau notre commission.

Je vous propose désormais d'accueillir M. Rémy Rioux.

Monsieur le directeur général, nous vous accueillons aujourd'hui à la suite du choix du Président de la République, dans le cadre de l'article 13 de la Constitution, de proposer à nouveau votre candidature au poste de directeur général de l'AFD. Cette audition, qui sera suivie d'un vote, vous permettra de dresser le bilan de vos six années passées à la tête de cette agence et de nous faire part de vos motivations pour continuer à exercer cette fonction au cours des trois prochaines années.

Il s'agit pour nous d'un moment important : vous connaissez notre attachement à cette politique de solidarité internationale sans laquelle notre action extérieure, qu'elle soit diplomatique ou militaire, serait incomplète et insuffisante. Nous avons constamment réaffirmé les objectifs qui nous semblent essentiels : nourrir, soigner, éduquer. Nous avons également maintes fois insisté sur la nécessité d'une gouvernance efficace, ainsi que d'une évaluation transparente et permanente de cette politique et de l'action de son « bras armé », l'AFD.

Je laisse la parole à nos deux rapporteurs, Hugues Saury et Rachid Temal.

M. Hugues Saury, rapporteur. - Monsieur le directeur général, votre parcours est marqué dès l'origine par les questions de développement, puisque vous avez exercé les fonctions de chef de la coopération monétaire et du développement avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique de 2004 à 2007, puis de sous-directeur des affaires financières internationales et du développement à la direction générale du Trésor de 2010 à 2012. Vous avez ensuite dirigé le cabinet de Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Vous êtes devenu secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international en 2014. Vous avez enfin été nommé le 2 juin 2016 directeur général de l'AFD et reconduit dans cette fonction en mai 2019. Votre mandat étant arrivé à son terme en juin dernier, vous avez assuré depuis lors un intérim.

Je vous interrogerai sur les points suivants.

D'abord, quels sont les grands axes du bilan de vos six années passées à la tête de l'AFD ?

Vous vous étiez engagé en 2016, ici même, à rendre l'AFD « plus grande, plus agile et plus partenariale ». Pensez-vous avoir atteint ces objectifs ? Que referiez-vous différemment ? En particulier, quelles leçons tirez-vous des résultats, très mitigés, de nos efforts pour mettre en place une approche « 3D » - défense, diplomatie, développement - au Sahel, notamment au Mali ?

Pendant votre premier mandat et le début du second, l'activité de l'Agence a été marquée par une croissance très rapide, avec des engagements passant de 9 milliards d'euros en 2016 à plus de 14 milliards en 2019. Les pays émergents ont été les premiers bénéficiaires de cette croissance, qui a d'abord concerné les prêts, ce qui a pu susciter des interrogations de notre part. Le nombre d'agents de l'AFD a, par ailleurs, fortement augmenté, avec une hausse de 8,9 % entre 2018 et 2019.

La suite de votre deuxième mandat a, en revanche, été marquée par une baisse subite et subie de l'activité, due notamment à la crise du covid. Il ne s'agit pas d'un coup d'arrêt temporaire, car le manque de solvabilité des destinataires de l'aide s'est aggravé, notamment dans une Afrique menacée par le surendettement. Cela a conduit le Gouvernement à vous demander de stabiliser l'activité de l'Agence à environ 12 milliards d'euros à partir de 2020.

D'une croissance constante, on passe donc à un effort pour maintenir les acquis, mais avec une agence dont les effectifs ont été dimensionnés avant la crise. Pensez-vous être le mieux placé pour piloter un tel changement de cap ? Êtes-vous prêt à changer de logiciel, pour passer de la recherche permanente de nouveaux « clients » pour les prêts de l'AFD à une réorientation de vos efforts vers les pays les plus pauvres et les projets en dons qui les concernent, comme la loi vous y oblige ?

Ensuite, l'AFD a des engagements très importants dans les grands pays émergents, de l'ordre de 2 milliards d'euros par an, visant notamment à orienter leur développement dans un sens conforme à l'accord de Paris de 2015. Or nos relations sont notoirement dégradées avec trois de ces sept pays : la Turquie, la Chine et le Brésil. Quelles sont les conséquences de cette situation sur l'activité de l'Agence ? Que pensez-vous des critiques qui pointent le paradoxe consistant à financer des États dont les autorités ont une attitude négative, voire agressive, à l'encontre de la France ? Sommes-nous réellement en mesure de peser pour une meilleure prise en compte des exigences environnementales par ces pays ?

M. Rachid Temal, rapporteur. - L'idée de Jean-Yves Le Drian, avec la loi du 4 août 2021, était de passer d'une politique de l'outil à un outil au service de la politique. Dans ce cadre, l'AFD avait un triple mandat, portant sur l'aide aux les pays les plus pauvres, aux pays émergents et aux outre-mer. Un travail devait être mené sur une répartition plus claire entre les prêts et les dons, ainsi que sur les questions du multilatéralisme et du bilatéralisme. Des orientations prioritaires étaient aussi prévues, notamment sur le climat et les questions de genre. L'AFD a-t-elle avancé sur ces points depuis un an ? Quels résultats, perspectives, difficultés éventuelles et nécessaires évolutions avez-vous identifiés, y compris par rapport au contrat d'objectifs et de moyens ?

Nous sommes nombreux à avoir été interpellés par les syndicats sur la question de la réforme des personnels de l'AFD, qui se fait à plusieurs niveaux et relève d'un décret. Pour autant, je considère que le dialogue social est nécessaire. Qu'en est-il à cet égard, qu'il s'agisse du statut des personnels, des prochaines étapes et des trois unités qui composent le groupe AFD ? À la lecture des documents transmis par les syndicats, nous sommes inquiets. Comptez-vous poursuivre, améliorer et densifier le dialogue social ? Il est important que des accords soient trouvés entre la direction que vous représentez et les organisations syndicales, lesquelles ont été reçues par le président du Sénat.

Il serait bon, par ailleurs, de faire un point sur la question du siège de l'AFD, qui a fait l'objet d'un vaste débat, et ce d'un point de vue juridique, financier et calendaire. Sur ces 50 000 mètres carrés, 10 000 ne seraient pas affectés à l'AFD. D'un côté, Bercy souhaitait que ces espaces soient loués ou vendus, ce qui représentait des rentrées financières ; de l'autre, le Quai d'Orsay envisageait la création d'une cité du développement, ce qui financièrement n'est pas la même chose...

Un autre sujet important est la question du travail avec le Parlement. Au-delà de la nomination d'une secrétaire d'État chargée, notamment, du développement - une réponse positive à une demande ancienne - et des auditions que nous pouvons mener, comment souhaitez-vous travailler avec le Parlement et en particulier le Sénat dans les trois prochaines années ? Pour notre part, nous considérons qu'il faut « muscler le jeu » afin d'assurer un travail plus régulier non seulement sur l'aspect budgétaire, mais également sur la stratégie, le ciblage et le suivi des grands dossiers.

M. Rémy Rioux, candidat aux fonctions de directeur général de l'Agence française de développement. - Je suis très honoré de me présenter devant vous. J'ai eu au cours des six dernières années l'occasion d'échanger avec nombre d'entre vous. J'ai ainsi été auditionné par les parlementaires, sur cette période, à plus de 50 reprises.

Je commencerai par dresser le bilan de mon action.

Comme je m'y étais engagé en 2016 devant votre commission, et avec votre soutien constant, l'AFD est devenue plus grande et a été dotée de 4 milliards d'euros de fonds propres supplémentaires. Elle a géré en six ans 11 milliards d'euros de crédits budgétaires - 14 milliards si l'on prend en compte les crédits européens que nous allons chercher avec force, dès qu'ils sont disponibles. L'activité de l'Agence a doublé - celle d'Expertise France a même triplé - , représentant 7, puis 9, puis14 milliards d'euros entre 2015 et 2019, avant de se stabiliser à 12 milliards d'euros. Cette stabilisation n'était d'ailleurs pas une mauvaise nouvelle, car une telle croissance suppose ensuite de réformer et de consolider, ce qui n'est pas possible lorsque l'on pousse l'ambition et que l'on recrute aussi massivement.

L'AFD est aujourd'hui capable d'accompagner 1 100 projets par an, dans 130 pays.

Vous aviez également souhaité - c'est la lettre de la loi - qu'un effort important soit accompli sur les dons. Le portefeuille de dons de l'Agence a doublé en exécution, de 6 à 12 milliards d'euros en cours de mise en oeuvre, dont les deux tiers dans les pays les moins avancés. Nous concentrons notre action au maximum sur l'Afrique, qui bénéficie de la moitié des financements de l'AFD, soit environ 6 milliards d'euros par an, dont quasiment 60 % sont consacrés à l'Afrique francophone. L'Afrique bénéficie des trois quarts du total des subventions, conformément au pilotage défini par le Gouvernement, après avis du Parlement, dans le contrat d'objectifs et de moyens.

Cette forte croissance nous a permis d'avoir de l'impact sur les grands sujets. Dès 2017, l'AFD a été la première des institutions internationales à s'aligner sur l'accord de Paris, et elle a tenu très scrupuleusement l'engagement pris par la France à la COP21, puis un objectif rehaussé correspondant, chaque année, à 6 milliards d'euros de finance climat. La France est l'un des sept pays à avoir tenu l'engagement pris en 2015, et nous en sommes très fiers. Je me suis efforcé de placer l'Agence à la pointe de l'action sur la protection de la biodiversité, question intimement liée aux problématiques du climat et des océans.

Nous nous engageons de nouveau dans le domaine social. La France est le deuxième bailleur bilatéral pour l'éducation, après l'Allemagne et devant les États-Unis, en lien étroit avec le Partenariat mondial pour l'éducation.

Nous avons répondu à l'urgence covid au travers de l'initiative « Santé en commun ». Nous sommes aussi sur les terrains de la sécurité alimentaire, en participant à l'initiative européenne FARM (Food and Agricultural Resilience Mission), et de l'égalité entre les femmes et les hommes, la moitié de nos financements contribuant précisément à à réduire les inégalités de genre.

Notre activité est jugée bonne, en transparence, par des évaluateurs extérieurs. Nous avons aussi renforcé, comme votre commission y est attachée, notre politique d'évaluation des projets, et nous rendons désormais des comptes beaucoup plus précis, allant jusqu'à l'impact sur les populations. Depuis 2016, grâce à la France, 200 millions de personnes ont bénéficié d'un accès aux soins ; 80 millions d'enfants ont été scolarisés ; 30 millions de foyers ont accédé à l'électricité et 10 millions à l'eau ; 82 millions d'hectares ont été restaurés et 6 millions d'exploitations agricoles familiales ont été soutenues.

J'avais pris l'engagement de rendre l'Agence plus agile et plus innovante. Nos délais d'instruction, de signature et de versements se sont nettement améliorés, à hauteur de plus d'un trimestre s'agissant de la signature des conventions de financement, lesquelles déclenchent les actions.

Des procédures adaptées aux territoires en crise ont été mises en place, notamment dans le Sahel. Un fonds d'innovation pour le développement, présidé par Esther Duflo, a été mis en place. Dans ce cadre, nous travaillons sur les moyens d'associer création culturelle et actions de développement. Une attention croissante est portée à l'entrepreneuriat et au digital, avec une capacité accrue de financement des projets de petite taille.

L'AFD, enfin, est devenue nettement plus partenariale. Nous avons été à l'initiative de l'Alliance Sahel, qui est forte désormais de 26 membres, dont les États-Unis. Nous sommes à l'origine des Équipes Europe, soit le rassemblement autour de la Commission européenne des agences nationales de développement.

Je préside le club IDFC (International Development Finance Club) et le mouvement Finance en commun, qui regroupe 550 banques publiques de développement au niveau mondial - l'une de ces nouvelles coopérations que le Président de la République appelait de ses voeux, hier, à la tribune des Nations unies.

L'AFD s'est aussi systématiquement tournée vers les acteurs français : le guichet pour la société civile est passé de 65 à 165 millions d'euros chaque année ; le nombre de projets pour les collectivités locales est passé de 5 à 74, des projets qui ont été financés par les collectivités, la Caisse des dépôts et consignations, les établissements publics, les entreprises et qui le seront bientôt par des philanthropes.

Nous sommes partenaires officiels des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, parce que le sport est un accélérateur de développement, mais également de l'audiovisuel extérieur, auquel vous êtes très attaché : les projets en cours avec le groupe France Médias Monde (FMM) et, en son sein, avec CFI, l'agence française de développement médias, représentent plus de 50 millions d'euros.

J'ai veillé à ce que cette transformation profonde soit réalisée avec sérieux et en préservant nos équilibres financiers et de gestion. Nos risques sont maîtrisés, malgré cette forte croissance. Nos comptes sont tenus : nous avons dégagé l'année dernière le résultat net le plus élevé de l'histoire de l'Agence, soit 300 millions d'euros, et l'année en cours est bonne - nous approuverons demain les comptes semestriels.

Oui, monsieur le rapporteur Temal, notre cadre social a été modernisé et une réforme du statut du personnel a été engagée. Des gains d'efficacité ont ainsi été obtenus et le rapport qualité-prix proposé par l'AFD est bien meilleur que celui d'autres canaux, souvent multilatéraux. Il n'a pas été facile d'atteindre cet avantage comparatif, mais nous l'avons fait en favorisant le dialogue social. Nous avons signé 11 accords collectifs au cours des deux dernières années, davantage si l'on remonte à 2016. Les instances fonctionnent ; j'en remercie tous les personnels de l'AFD, ainsi que les organisations syndicales.

Nous avons eu un débat et un désaccord sur la réforme du statut des personnel, laquelle relève d'un arrêté du ministre des finances. Nous avons eu de longues discussions, au cours de cinq ans de travail et d'une trentaine de réunions. J'ai souhaité qu'il s'agisse non pas d'une négociation, mais d'une discussion, car on ne saurait négocier un acte réglementaire. Certaines des cinq organisations syndicales de l'AFD n'ont pas validé le résultat de cette concertation. Nous discutons désormais des accords collectifs découlant de ce nouveau statut. J'ai rencontré toutes les organisations syndicales avant de me présenter devant vous et j'ai bon espoir que nous reprenions un dialogue social apaisé pour poursuivre les réformes.

Cette entreprise et ses salariés respectent scrupuleusement les objectifs du contrat d'objectifs et de moyens fixé avec l'État : les indicateurs fixés ont été atteints à plus de 90 %.

Je signale aussi la profonde transformation de notre corps social. La parité totale entre les femmes et les hommes a été atteinte cet été, à toutes les strates de notre management, y compris au niveau des directrices et des directeurs d'agence que vous rencontrez très régulièrement sur le terrain ; j'en suis très fier.

Ce bilan, qui n'est qu'une étape, sera, je l'espère, une base solide sur laquelle nous pourrons construire l'étape suivante.

J'en viens donc à mon deuxième point : l'étape des trois prochaines années, dont vous avez fixé la ligne, très claire, au travers de la loi du 4 août 2021 et du rapport annexé. Cette loi fonde un nouveau récit, beaucoup plus partenarial, une nouvelle position que vous avez souhaitée et qui nous oblige, fixant les priorités à respecter. Il en est découlé une nouvelle organisation gouvernementale avec la nomination, depuis le mois de mai dernier, d'une secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, et une tutelle de l'AFD exercée par Catherine Colonna, ministre des affaires étrangères, Bruno Le Maire, ministre des finances, et Jean François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer.

Première orientation : je souhaite qu'au cours des trois prochaines années, l'Agence soit plus pertinente et s'adapte très rapidement aux évolutions géopolitiques majeures ; je pense notamment à la guerre en Ukraine. Il sera encore plus important à l'avenir de raisonner et d'agir en « 3D » - diplomatie, défense et développement, pilier à part entière de notre politique étrangère. Nous avons commencé à agir en ce sens dans le Sahel : nous avons compris que cette crise avait des racines sociales et économiques très profondes et que le changement climatique exacerbait encore les tensions politiques et de sécurité. Cette crise, de long terme, suppose une action dans la durée et en profondeur. Je propose de mobiliser cette capacité unique que possède l'Agence française de développement d'agir en faveur des autres et de tisser des liens avec un grand nombre de partenaires, en usant d'influence et d'amitié. Nous devons le faire plus efficacement dans la zone indo-pacifique, en Amérique latine, autour de l'Union européenne, dans les Balkans. Il ne faut pas oublier non plus la question chinoise, structurante et de plus en plus difficile.

En Afrique, qui sera toujours notre priorité, il faut d'abord lutter contre la pauvreté, qui augmente dramatiquement. Je souhaite que l'on insiste sur l'investissement dans le secteur privé et pour la création d'emplois. Le défi est gigantesque : en 2050, un jeune sur trois de moins de 25 ans dans le monde sera africain. Chaque année, 30 millions de jeunes - originaires du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, de Madagascar... - arrivent sur le marché du travail en Afrique ; seuls 10 % d'entre eux y trouvent un emploi formel. Sans soutien à l'entrepreneuriat et aux industries nouvelles, l'instabilité politique grandira et les mouvements migratoires s'amplifieront à l'intérieur de l'Afrique et au-delà.

J'entends donner une grande place aux outre-mer et à la zone indo-pacifique, compte tenu des difficultés auxquelles ces territoires font face mais aussi de leur positionnement absolument unique. L'AFD a bâti la stratégie « trois océans » pour travailler avec ces territoires, ce qui est une étape, et avec leurs voisins. Cette stratégie doit être approfondie et nous devons disposer de nouveaux instruments outre-mer, y compris des subventions, afin d'y déployer toutes les capacités de l'Agence. Le ministère chargé des outre-mer s'y emploie, et je l'en remercie.

Il convient par ailleurs de mieux comprendre l'articulation de plus en en plus complexe entre les fractures géopolitiques et les questions globales. L'indice de développement humain (IDH) a subi une très sévère dégradation l'année dernière, pour la première fois depuis trente-deux ans : il est en baisse dans 9 pays sur 10 dans le monde, ce qui est le niveau de 2016. Cet élément ainsi que la crise climatique aggraveront les vulnérabilités dans le monde, y compris au plan politique. Nous sommes à votre disposition pour vous faire mieux comprendre les liens entre ces crises auxquelles nous faisons face.

Ma deuxième orientation est un engagement de qualité, pour faire de l'AFD la première agence 100 % d'objectifs de développement durable (ODD) d'ici à 2025. Cet engagement n'a rien de théorique : il s'agit de nourrir, de soigner, de former, de construire des infrastructures, d'apporter de l'eau, de gérer des déchets, de scolariser les jeunes filles, de renforcer les systèmes de santé de base. Il faut le faire mieux, en combinant la demande qui nous est adressée et la question climatique, en maximisant la qualité des projets et en contribuant à la définition de bonnes politiques publiques. Nous travaillons, à cet égard, à ce que l'AFD devienne la première institution à se financer exclusivement par des obligations vertes et durables sur les marchés financiers. Le niveau est de 50 % aujourd'hui ; nous allons essayer d'atteindre les 100 % dans trois ans, ce qui serait un signal très fort.

Avoir 100 % d'ODD, cela concerne aussi les droits humains, notamment les droits des enfants - vous avez eu ce débat lors de l'examen de la loi : c'est le troisième objectif que vous nous avez fixé, avec la lutte contre la pauvreté et les biens publics mondiaux. Ce point est assez nouveau pour l'Agence et nous réfléchissons, avec votre aide, aux questions des institutions, de la gouvernance et des droits de façon renouvelée, en passant « par le bas », c'est-à-dire par les projets. Nous voulons ainsi démontrer à nos partenaires que le fait de donner des droits aux femmes entraîne davantage de développement, par exemple. Et pourquoi ne pas encourager les changements de cadre législatif ? Dans certains pays, ce ne sera pas possible ; dans d'autres, il faudra s'efforcer de vaincre une certaine timidité dans ce domaine. Sur ce point, je crois à la force de la diplomatie parlementaire.

Si vous le souhaitez, monsieur le rapporteur, je mobiliserai l'AFD pour appuyer beaucoup plus fortement à l'avenir votre action internationale. Nous avons de multiples liens, notamment au sein du conseil d'administration de l'AFD. Il est important de recueillir vos attentes. Des travaux parlementaires, réalisés avec l'aide de nos équipes, sur la stratégie globale ou certaines stratégies géographiques pourraient nous guider. Les visites de terrain conjointes sont également précieuses. La conclusion, hier, d'un partenariat avec l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) va dans le même sens.

Troisième orientation : je souhaite, d'ici à 2025, déployer pleinement le groupe AFD, composé de l'Agence française de développement, de sa filiale Proparco et d'Expertise France, un groupe fort de ses 3 500 collaborateurs.

Il faut cesser de voir l'AFD uniquement comme une institution financière et de mesurer son succès aux seuls grands volumes ou aux seuls chiffres. Il convient d'évaluer, de façon plus précise, notre capacité à combiner des interventions financières et des interventions non financières, plus humaines, en termes de formation et de renforcement de capacités : tel est l'apport d'Expertise France. Nous allons beaucoup travailler sur le sujet de la formation, notamment via notre campus de Marseille et en mobilisant le budget de formation de l'AFD. L'idée est de former ensemble nos salariés, nos clients, nos partenaires et tous ceux, y compris au sein de l'État, qui veulent constituer une filière des métiers du développement.

Nous souhaitons renforcer notre capacité à mobiliser d'autres acteurs, notamment des organisations internationales qui voudrait collaborer avec nous. Notre déménagement à la gare d'Austerlitz, probablement en 2026, pourrait être l'occasion de les accueillir. Par ailleurs, je veux vous rassurer : cet investissement immobilier est une façon d'optimiser considérablement nos coûts de gestion, et c'est un très bon investissement patrimonial.

Dernier point : la communication sur la politique de développement doit être beaucoup plus importante, et l'AFD pourrait y contribuer en apportant les preuves concrètes du caractère positif de l'engagement de la France. Il faudrait ainsi viser les jeunes de 15 à 25 ans, à un moment où la diffusion de messages anti-français et l'inquiétude de nos concitoyens face aux dérèglements internationaux, géopolitiques et climatiques augmentent fortement. Nous pourrions travailler à cette fin avec le monde du volontariat, davantage encore avec la société civile, avec les collectivités locales, avec les parlementaires.

Tels sont les axes possibles du mandat que je sollicite pour les trois prochaines années. Je crois disposer d'une expérience et d'amitiés partout dans le monde qui me permettront de servir utilement la politique de développement et d'achever cette grande transformation de l'AFD, pour donner à la France un outil puissant, agile et efficace.

M. Christian Cambon, président. - Merci, monsieur le directeur général, pour cette présentation de votre bilan et du projet que vous souhaitez porter.

M. Joël Guerriau. - Monsieur le directeur général, vous présidez l'International Development Finance Club, qui regroupe 24 agences de développement à travers le monde et constitue le plus gros fournisseur de finances publiques pour le climat. La COP21 a donné lieu, en 2015, à l'accord de Paris, qui nous engage à sortir au plus vite des énergies fossiles pour atteindre la neutralité climatique en 2050. La seule solution crédible, c'est de substituer aux sources d'énergie fossiles de l'électricité décarbonée. La crise actuelle montre à quel point il y a urgence. Au cours des dernières années, le soutien des banques publiques de développement, sous votre présidence, a-t-il généré des avancées significatives ?

Mme Marie-Arlette Carlotti. - Les socialistes sont très attachés à l'AFD car, lorsque Lionel Jospin a transformé la Caisse française de développement en agence, il avait vraiment pour objectif de mettre fin à la Françafrique et à ses dérives et de créer un outil pour financer le développement. Il ne s'agirait pas que nous nous retrouvions avec une banque au sens ordinaire ! Comme l'ont dit les rapporteurs, qui sont très attachés à cette idée, la loi du 4 août 2021 a favorisé la logique des dons, nous avons beaucoup insisté sur ce point. Certes, le montant des dons a augmenté de 2017 à 2022, mais la part des subventions dans la ventilation totale de l'AFD reste très basse et croît faiblement. En valeur absolue, d'ailleurs, les prêts ont davantage augmenté que les dons.

L'aide qui transite par les organisations de la société civile devrait doubler pour atteindre 620 millions d'euros d'ici à la fin de 2022. Ce montant sera-t-il atteint ? Nous autres socialistes avions en tête un objectif d'un milliard d'euros, pour lequel nous continuerons à nous battre.

Vous l'avez dit, 1 % seulement de l'aide mondiale transite par les organisations féministes, alors que les femmes, partout et dans tous les pays en développement, jouent un rôle fondamental. Vous avez pourtant dit dans une interview, après avoir déploré la faiblesse de cette proportion, que la moitié de votre budget y était consacrée. Qu'en est-il exactement ?

Vous avez beaucoup insisté sur le développement durable. Un récent rapport du Programme des Nations unies pour le développement a révélé un recul, au niveau mondial, de la satisfaction de tous les besoins essentiels : santé, éducation, soins aux enfants, etc. Je sais que les deux objectifs sont conciliables mais, dans l'article 10 de la loi du 4 août 2021, nous avons demandé à l'AFD de financer en priorité les services essentiels dans les pays les moins avancés et dans les dix-neuf pays prioritaires, situés pour la plupart en Afrique.

Hugues Saury a évoqué la stratégie 3D, qui a été mise en échec au Sahel, à mon avis. Vu le nouveau contexte, sans Barkhane et alors que la France n'y est plus forcément la bienvenue, comment allez-vous continuer à travailler dans cette région ?

Rachid Temal l'a dit, votre bilan est plutôt positif sur le plan économique. Sur le plan social, toutefois, ce bilan est plus mitigé, et on observe une dégradation du climat au sein de l'AFD, avec une réelle perte de sens chez les salariés. Alors que Rachid Temal vous interrogeait sur le dialogue social et le rôle des partenaires sociaux, vous avez répondu cadre social modernisé...

M. François Patriat. - L'AFD, bien connue des parlementaires et des responsables politiques, l'est-elle vraiment des Français ? Il y aurait intérêt à mieux communiquer sur son action.

La guerre en Ukraine a amplifié la crise climatique et alimentaire, dans un contexte de sécheresse généralisée et alors que certains pays, notamment en Afrique, sont en très forte dépendance pour l'importation de leurs matières premières agricoles. Les accords signés par les Russes portent sur ce sujet, mais l'ONU nous alerte sur le fait qu'en Somalie la famine pourrait commencer dans quinze jours. L'AFD prend-elle bien ses responsabilités dans cette situation ? Comment va-t-elle s'organiser pour répondre à cette crise, amplifiée par la guerre en Ukraine ?

M. Jacques Le Nay. - La crise de la covid-19 a-t-elle permis une meilleure coopération avec les autres organismes et les autres pays qui s'occupent d'aide publique au développement ? Des événements comme le sommet « Finance en commun », salué par le Président de la République lors de son discours aux ambassadeurs, permettent-ils de construire une action coordonnée ?

Mon autre question rejoint celle de François Patriat. L'ONG Publish what you fund analyse la transparence des principales agences de développement dans le monde. Cette année, elle nous place en 28e position sur 50, derrière le ministère fédéral allemand en charge de la coopération économique et du développement, mais aussi de l'équivalent britannique. L'ONG note toutefois des progrès certains de l'AFD depuis 2013. Quelles pistes étudiez-vous afin d'améliorer la transparence de vos actions à travers le monde ?

M. Alain Joyandet. - Je représente le Sénat au conseil d'administration de l'AFD, et suis donc quelque peu juge et partie, puisque j'ai régulièrement à voter sur les résolutions qui nous sont proposées par le directeur général de l'AFD. Je souhaite simplement apporter mon témoignage.

La croissance de l'AFD a été évoquée. C'est aux environs de 2012 que le Gouvernement a demandé à cette agence de développer un rayonnement beaucoup plus important, si possible mondial. L'AFD n'a fait qu'exécuter cette demande.

Souvent, aussi, elle doit faire face à des allers-retours dans les décisions politiques. Ainsi, en Afghanistan, les coopérants français ont fait un travail exceptionnel et ont obtenu des résultats exceptionnels - y compris pour redonner une place aux femmes dans la société, dans le travail. J'avais été m'en rendre compte sur place. Or, du jour au lendemain, la décision a été prise de se retirer de ce pays. Dans ces cas-là, l'AFD est bien obligée de gérer les conséquences des décisions politiques.

Je pense qu'il ne faut pas opposer la politique des dons et celle des prêts. Au fond, ce ne sont que des moyens, au service de l'objectif suprême qu'est la lutte contre la pauvreté. Dans certains cas, le don est indispensable, mais il a vite ses limites, compte tenu de la situation financière de la France. Dans d'autres cas, c'est le prêt qui permet d'atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté, j'ai pu également le constater sur place.

La meilleure solution pour faire reculer la pauvreté et faire arriver le progrès social, c'est le développement économique. On le voit dans de nombreuses régions où l'agence est intervenue : là où nous avons financé des créations d'entreprises, de la formation, de la création d'emplois, les problèmes sociaux reculent aussitôt et il y a moins de problèmes de santé, les petites filles sont scolarisées...

Il n'y a donc pas d'opposition à faire entre les dons et les prêts ; les ratios, les pourcentages entre les progressions des uns des autres n'ont pas beaucoup de sens, au fond. Ce qui compte, c'est que nous parvenions, dans les pays où nous intervenons, à contribuer au recul de la pauvreté.

Certes, je ne suis pas le seul, dans cette assemblée, à m'être occupé de ces sujets au sein d'un gouvernement. Je veux simplement témoigner du fait que l'agence est en permanence obligée de s'adapter aux décisions politiques.

L'AFD est aussi une entreprise, qui ne peut continuer à jouer son rôle social que si elle est en bonne santé. Nous n'avons pas évoqué sa santé financière, pourtant indispensable pour qu'elle continue à faire reculer la pauvreté. Je ne suis pas l'avocat du directeur général sortant, qui n'en a d'ailleurs pas besoin, mais je souhaite souligner la complexité de l'action de l'AFD, dans un monde particulièrement compliqué, comme on le voit ces jours-ci aux Nations-Unies. Les différents rapports de force sont en train d'évoluer entre les États démocratiques et ce que l'on appelle les États autoritaires, ce qui rend certaines interventions de l'AFD plus difficiles en raison des critères de gouvernance. Gardons-nous donc de confondre les relations avec les États et les relations avec les peuples, dans des pays où il y a de grandes souffrances.

Je suis chef d'entreprise et je sais que le très rapide développement d'une entreprise pose toujours des problèmes. Mais il vaut mieux avoir à résoudre ce type de problèmes que ceux que poserait la décrépitude d'une institution. J'aimerais que la France n'ait que des problèmes liés à l'augmentation de notre activité économique ! Nous allons vers une stabilisation autour de 12 milliards d'euros.

Le directeur général sortant est-il le mieux placé pour continuer à diriger cette activité et gérer le franchissement d'un nouveau seuil ? Je pense que son expérience, sa disponibilité et sa très grande connaissance de l'agence, ainsi que le fait d'avoir géré les deux premières phases, sont autant d'atouts. J'ai toutefois souligné au sein du conseil d'administration de l'AFD que le problème social devait faire l'objet d'une attention particulière. La coopération et le développement, c'est un état d'esprit, et cet état d'esprit requiert une bonne atmosphère au sein de l'agence.

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle que M. Joyandet a été secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Mme Nicole Duranton. - L'État a procédé à plusieurs opérations de renforcement des fonds propres de l'AFD depuis 2016. Pourquoi ces renforcements ont-ils été nécessaires ? Savez-vous déjà quels seront les besoins de l'AFD après 2023 ?

M. Pierre Laurent. - Vous connaissez l'attachement de mon groupe à l'aide publique au développement. Ce vote est donc important. Peut-être aurait-il été judicieux que nous y procédions après avoir entendu la nouvelle secrétaire d'État chargée de la coopération... Il aurait été bon aussi que nous ayons quelques nouvelles de la commission d'évaluation dont la création a été décidée par la loi. Pour vous donner un nouveau mandat, il faudrait davantage de cohérence au niveau national dans cette politique.

Nous nous félicitons de l'augmentation des budgets de l'agence. Nous sommes loin, toutefois, d'avoir réglé la visée de notre programmation budgétaire, puisque nous n'avons aucune garantie de voir une augmentation régulière, et encore moins d'atteindre l'objectif de 0,7 % du PIB. Pourtant, le chiffre que vous avez cité sur la question de l'emploi en Afrique montre que les enjeux de développement sont tout à fait considérables. Je ne suis pas sûr que nous soyons à la hauteur. Alors que l'objectif des 2 % de PIB pour les dépenses militaires fait consensus, celui d'atteindre 0,7 % pour l'aide au développement continue de faire débat. Si nous voulons assurer dans la durée la sécurité humaine globale, qui passe par les enjeux d'alimentation, d'énergie, de climat de promotion des droits des femmes, nous devons corriger la trajectoire.

Le concept 3D n'a pas donné d'excellents résultats au Mali, c'est le moins qu'on puisse dire. Nos objectifs de développement sont-ils assujettis à d'autres objectifs, d'influence ou militaires ? La politique de développement de la France a vocation à être présente dans le monde entier - j'espère que les interventions militaires de la France n'ont pas vocation à se développer dans le monde entier. Nous sommes donc en train de développer un lien qui peut s'avérer très problématique.

Vous avez évoqué la coopération décentralisée comme un acte de soutien. J'ai organisé début juillet un colloque sur la coopération décentralisée avec le Mali, qui est mise en grande difficulté par la situation. L'AFD est-elle prête à appuyer la poursuite de projets de coopération décentralisée au Mali dans la situation actuelle ? La situation politique et militaire a fait peser un très lourd danger sur la poursuite de ces projets qui, pour beaucoup, sont à l'arrêt, ce qui a des conséquences dramatiques pour la population.

Nous avons tous été sollicités sur la situation sociale de l'AFD, qui est problématique. Le personnel de l'agence est très qualifié et son engagement humain est l'un des éléments déterminants de la réussite. Cette situation va-t-elle réellement changer ? L'origine du problème est la volonté de casser le statut, comme on l'a fait dans d'autres secteurs publics, ce qui n'était pas forcément une bonne idée...

Pour moi, la politique de développement devrait avoir un objectif prioritaire, au-delà de tous les objectifs ciblés et sectoriels : favoriser le développement endogène des pays que nous aidons. L'objectif de l'aide publique au développement est que les pays puissent un jour, si possible, s'en passer ! Envisagez-vous de faire évoluer le ciblage des projets de l'AFD pour prioriser les projets qui servent le développement endogène et les infrastructures intérieures des pays concernés ? Si nous ne prenons pas ce tournant, nous raterons l'objectif de l'aide publique au développement. Êtes-vous l'homme de ce tournant nécessaire ?

M. Christian Cambon, président. - Question redoutable !

M. Olivier Cadic. - Monsieur le directeur général, vous avez évoqué votre objectif de respecter les droits humains en mentionnant l'angle des institutions et de la gouvernance. D'après les observateurs de terrain, des interrogations s'expriment lorsque des entreprises chinoises mettent en oeuvre des projets financés par l'AFD en Afrique. Comment garantissez-vous que ces entreprises respectent les droits humains conformément à nos critères ? Votre objectif de respect des droits humains prévoit-il une évolution de vos procédures d'attribution de financement lorsque certains types d'entreprises utilisent des méthodes qui ne sont pas reconnues par nos standards ?

Un de mes amendements, adopté lors du vote de la loi sur l'aide publique au développement l'an dernier, portait sur les TPE et PME françaises à l'étranger. La loi reconnaît désormais le rôle actif des entrepreneurs français à l'étranger dans l'aide publique au développement. Cela doit permettre aux TPE et PME de droit local détenues par des entrepreneurs français à l'étranger et aux filiales des TPE-PME françaises à l'étranger de bénéficier d'un accès facilité au crédit par le biais de garanties offertes par l'AFD, alors qu'elles en étaient auparavant souvent écartées. Comment envisagez-vous de répondre à cette attente exprimée dans la loi ? Pouvez-vous vous engager à mettre en place un indicateur qui nous permettrait de suivre chaque année les progrès consacrés au financement de nos PME engagées dans l'effort de développement ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Beaucoup de questions ont été posées par mes collègues. Pour ma part, je voudrais vous exprimer des remerciements, parce que l'AFD est une fierté pour la France, et que je trouve que vous l'avez conduite remarquablement. Je salue également votre engagement personnel dans un certain nombre de dossiers. Je pense en particulier aux petits entrepreneurs français, que vous avez aidés pendant la crise de la covid-19 - et vous vous souvenez que ce n'était pas gagné, et que nous avons dû beaucoup argumenter !

Les 50 millions d'euros que vous nous avez annoncés, eux non plus, n'étaient pas acquis d'avance, nous nous sommes battus, avec la commission, pour ce budget dont j'étais rapporteur. Je vous en suis très reconnaissante, parce que c'était absolument essentiel pour les droits des femmes et des enfants.

Rachid Temal a évoqué les liens avec le Parlement. Vous avez initié un processus qui me paraît très intéressant : l'accompagnement par des parlementaires de certaines missions à l'étranger. Nous avons été quelques-uns à le faire, et je trouve que c'est une initiative remarquable. J'ai eu le privilège de vous accompagner en Moldavie, pays actuellement menacé par la crise en Ukraine, où vous avez apporté un soutien aux associations humanitaires et aux petits entrepreneurs. Cette mission a eu un impact extraordinaire. C'est vraiment un privilège pour les parlementaires de vous accompagner, et c'est positif aussi, pour l'AFD, que nous manifestions ainsi le soutien du Parlement : c'est vraiment un processus gagnant-gagnant. Je voudrais vous encourager à continuer dans cette voie, si vous êtes réélu, ce que j'espère.

Mme Catherine Dumas. - Vous avez parlé d'une agence plus pertinente dans ses choix d'interventions, et nous constatons bien une évolution de l'action du groupe.

Notre rapporteur Hugues Saury a rappelé qu'en Chine l'AFD intervient depuis 2014, dans le cadre d'un partenariat avec les autorités chinoises, pour développer des actions de coopération en matière de développement durable et de lutte contre le changement climatique. On sait que ces projets sont financés par l'AFD. Pourquoi la Chine n'a-t-elle pas les moyens de les financer elle-même ? Ces projets sont-ils compatibles avec les nouveaux objectifs que vous vous fixez ?

M. Rémy Rioux. - Vous l'avez dit, les institutions de développement sont prises depuis 2015 dans une très forte tension, liées à la volonté d'allouer le maximum de ressources pour financer ce que personne ne finance, aller dans les territoires les plus reculés et auprès des populations les plus défavorisées, et lutter contre la pauvreté. N'ayez aucun doute sur le fait que c'est bien la volonté de cette agence. Nous sommes heureux d'être revenus dans le Sahel, dont nous avions disparu trop longtemps, faute de moyens en subventions : dans ces territoires ou dans les domaines sociaux, il faut des dons, évidemment, et il en faut plus ! Pour autant, parmi les objectifs de la politique de développement fixés par la loi, figure la mission consistant à mobiliser le maximum d'acteurs pour lutter contre le changement climatique. Les deux missions sont liées, d'ailleurs, d'autant que nous devons aussi, en toute occasion, veiller au respect des droits humains. La difficulté du travail de l'AFD est d'arriver à concilier ces trois objectifs. Elle a besoin pour cela d'une clarification politique, apportée par vos travaux et par le contrat d'objectifs et de moyens.

Il faut plus de dons, je le répète, et nous sommes désormais en mesure de gérer des volumes significatifs, y compris dans des situations très difficiles, et par de la coopération décentralisée. Au Mali, nous avons interrompu les financements en lien avec le gouvernement, mais nous cherchons à maintenir des actions auprès de la société civile, des collectivités locales, de la population malienne, tout en garantissant la sécurité de nos agents. Cette coopération décentralisée atteint à présent 13 millions d'euros, en lien avec le ministère. Nous cherchons des projets à financer.

Le développement durable, nous ne pouvons pas le faire tous seuls ! Nos 12 milliards d'euros ne suffiraient pas. Nous essayons donc d'unir nos efforts avec ceux d'autres institutions financières publiques et d'autres banques publiques de développement. C'est le sens de l'International Development Finance Club, qui compte déjà 28 membres, y compris parmi les pays émergents, où se jouera la bataille de la transition énergétique, de l'arrêt du charbon, des énergies renouvelables, de la baisse des émissions... Ce club investit quelque 200 milliards de dollars chaque année pour lutter contre le changement climatique. Depuis l'accord de Paris, nous avons dépassé les 1 000 milliards de dollars - à comparer aux 6 milliards d'euros par an de l'AFD ! Quant à Finance en commun, il a pour vocation de rassembler, au-delà de ces 28 membres, toutes les caisses des dépôts du monde pour travailler sur les bonnes méthodologies et orienter leurs investissements, le plus rapidement possible, vers le développement durable. Dans ces enceintes, que j'ai découvertes ces six dernières années, je n'ai jamais rencontré quelqu'un avec qui je n'étais pas d'accord.

À l'AFD, nous voulons faire le plus possible, avec les moyens que vous nous donnez, là où il n'y a personne, et faire le plus possible avec le moins de moyens possible, en démultipliant notre action par l'association avec d'autres institutions financières publiques.

Le 3D, pour moi, c'est le retour de la politique de développement. Quand j'en parlais, en 2016, avec des collègues, certains me disaient qu'il n'y avait que deux D. La politique de développement a pu être considérée comme l'instrument d'autres politiques... La loi le dit désormais clairement : c'est une politique publique dont l'agence est l'opérateur, tout simplement. Cela ne signifie pas qu'elle ne doit pas s'articuler avec les autres politiques publiques, dès lors que ses moyens ont été restaurés et que sa fonction est claire pour tout le monde. Mais elle n'est pas subordonnée à d'autres politiques publiques, elle est un pilier de notre action internationale, à pondérer avec nos autres capacités et visages à l'international.

Dans le Sahel, c'est très important d'avoir le troisième D. On a peut-être cru qu'on allait stabiliser le Sahel et y rétablir la situation rapidement, ou qu'on allait y faire du développement, de façon un peu mécanique. Nous nous sommes prêtés à ce jeu. Le ministre de la défense a bien expliqué les limites de son action et la nécessité de renforcer les moyens du développement. À l'évidence, nous sommes passés à une autre étape, maintenant, qui rend encore plus nécessaire une action de long terme sur les causes sociales, économiques et climatiques de ces crises. Je le dis avec le plus de modestie possible, l'AFD est de retour dans le Sahel, où elle fait beaucoup de choses, avec beaucoup de partenaires, mais dans une situation très dégradée. Mais le développement, non plus que le militaire, n'est pas la seule solution.

Nous avons beaucoup augmenté nos financements dans les pays les moins avancés : ils ont crû de près de 80 % dans les pays prioritaires de l'aide française depuis 2016. Je voudrais faire plus, mais la tendance est positive.

Vos questions portaient aussi sur des pays plus avancés, comme l'Ukraine. À ce jour, l'AFD n'a pas de mandat en Ukraine. Nous y sommes intervenus en urgence il y a quelques semaines pour faire un premier prêt de soutien budgétaire à des activités civiles, sur les services de base, pour un montant de 300 millions d'euros. Nous serons peut-être appelés de le faire de nouveau. Expertise France y mène quelques actions, notamment sur la question des crimes de guerre et du renforcement de la justice. Proparco y avait quelques investissements, mais l'ensemble ne suffit pas à constituer un mandat ukrainien. Mais la question se pose, puisque nous agissons désormais en Moldavie, en Géorgie, dans le Caucase, dans les Balkans... La somme de ces interventions est-elle constitutive d'une stratégie autour de l'Union européenne, ou autour de la Russie ? Que signifie pour le troisième D la très grande fracture géopolitique qui s'est ouverte ? Dans ces pays, en tous cas, nous opérons surtout par des prêts, puisqu'ils sont relativement riches.

Quelles seront les conséquences de la crise ukrainienne sur les pays pauvres ? Nous sommes tous très inquiets sur les questions de sécurité alimentaire. Le Président de la République a annoncé hier que la France financerait l'exportation de céréales vers la Somalie, où la crise est très aiguë. Cela nous renvoie à la question des engrais, et à celle de la constitution de chaînes de valeurs plus courtes, avec un développement endogène, plutôt qu'une mondialisation qui, à l'évidence, doit être revue. Nous souhaitons être un instrument de cette redéfinition de façon très concrète, avec les entreprises françaises, qui sont souvent très adaptées à ces marchés, comme l'a dit le sénateur Cadic.

Vous avez posé la question des autres pays émergents avec lesquels les relations bilatérales sont complexes ou difficiles, comme la Turquie, le Brésil ou la Chine. En Turquie et au Brésil, l'essentiel de ce que fait l'AFD ne passe pas par le gouvernement central. En Turquie, par exemple, 75 % de nos financements transitent par les municipalités, le secteur privé, les banques publiques, ou d'autres acteurs. Au fond, cela relève d'un choix politique : il appartient aux autorités politiques de décider si l'AFD a un mandat en Ukraine, en Turquie, en Chine, ou non. Nous ne sommes qu'un instrument, qui permet à notre pays de tisser des liens, de repérer, d'accompagner des acteurs de façon assez profonde, au-delà des relations d'État à État. Au Brésil, depuis l'élection du président Bolsonaro, l'AFD fait beaucoup de financement, et même plus qu'avant, mais elle le fait avec les États fédérés, qui sont souvent d'un autre bord politique. Notre rôle contracyclique peut donc être complémentaire de celui de nos ambassades.

En Chine, le mandat fixé par le gouvernement est rediscuté périodiquement. Il l'a été il y a deux ans au conseil d'administration de l'AFD, et c'est un mandat très clair, correspondant au deuxième objectif de la loi, relatif aux biens publics mondiaux : nous sommes en Chine exclusivement pour des actions relatives au climat et à la biodiversité. Nous y avons des projets concrets, souvent avec des PME françaises, qui y développent des innovations qu'elles aimeraient ramener en France. Les financements concernés ne coûtent rien au contribuable français, puisqu'ils sont levés sur les marchés. Je me rappelle d'ailleurs avoir eu des propos maladroits à ce sujet...

M. Christian Cambon, président. - Phrase qui est restée...

M. Rémy Rioux. - Nous avons procédé récemment à une évaluation des projets que nous avons menés depuis une dizaine d'années en Chine, et le résultat est satisfaisant. Nous sommes un élément de la relation bilatérale entre la Chine et la France.

Sur le dialogue social, j'ai bien entendu ce que vous m'avez dit, que j'ai entendu d'ailleurs aussi à l'Assemblée nationale. C'est vrai qu'à la fin de mon deuxième mandat, j'ai pressé le pas, car je pense que qu'il est nécessaire de mettre un peu plus de diversité dans le cadre social de l'agence, qui a recruté près de 2 000 personnes, réparties désormais en deux filiales qui ont des métiers très différents, des modèles économiques très différents, et d'y inscrire aussi un certain nombre d'incitations davantage alignées sur la stratégie fixée par les autorités politiques et retranscrites ensuite dans le contrat d'objectifs et de moyens.

Le dialogue social a pu être tendu, mais il n'est pas rompu, je l'ai encore vérifié hier en recevant toutes les organisations syndicales. Je prends l'engagement devant vous, si vous me faites confiance, que vous n'en entendiez plus parler. Nous poursuivrons cette grande transformation, très exigeante, de cette façon.

Je suis très fier que l'AFD soit, à ma connaissance, la seule entité qui a donné une voix dans le dialogue social à ses agents de droit local. Nous avons créé un comité des représentants des États étrangers, puisque nos agents de droit local n'ont pas le droit d'être représentés dans le comité social et économique de l'entreprise. Les membres de ce comité viennent à Paris deux fois par an, ils nous expriment leurs revendications et font entendre leur voix et leur appréciation. Nous avons créé ce mode de fonctionnement sans aucune obligation juridique.

Je ne puis que redire notre grande disponibilité pour renforcer les liens avec le Parlement. On pourrait imaginer un canal d'information plus direct pour que vous ayez connaissance des actions, des évaluations et des projets de l'agence, par exemple sous forme d'une lettre l'information. J'ai lu que, dans son livre, Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des dépôts, exprimait sa grande satisfaction de venir en audition devant les commissions des finances, de façon plus régulière que je ne le fais, et pas seulement dans la discussion de la loi de finances. De telles auditions pourraient être préparées par des réunions de travail périodiques, avec vos rapporteurs, et avec certains de mes collègues de l'agence. Sur les visites de terrain conjointes, je partage l'avis de madame la sénatrice.

Nous faisons des sondages chaque année sur la notoriété de l'agence, dont il ressort qu'environ un Français sur deux la connaît. En fait, la proportion est plutôt de 10 %. Je serais donc preneur d'un échange avec vous sur la stratégie de communication de l'agence. Vous savez mieux que moi comment atteindre les Françaises et les Français, et en particulier notre jeunesse.

Monsieur Guerriau, nous serons à Abidjan, avec toutes ces banques publiques, du 18 au 20 octobre. Nous espérons participer l'année prochaine, pendant la présidence espagnole de l'Union européenne, au sommet qui se tiendra en Amérique latine ; cet enjeu géopolitique majeur souffre aujourd'hui d'un trop faible investissement. L'AFD investit chaque année 2 milliards d'euros dans cette région, où nous avons accumulé une vaste expérience.

Madame Carlotti, l'AFD s'est toujours construite comme l'inverse de la Françafrique, dans l'esprit d'André Postel-Viney. J'ai moi-même publié récemment un ouvrage sur ce sujet avec Achille Mbembe ; le Président de la République a engagé un travail de redéfinition de notre relation avec l'Afrique.

Les prêts sont utiles pour développer notre action de manière économe pour le contribuable, dès lors qu'il s'agit de prêts de banques publiques soumis à des filtres. En 2016, les financements de la société civile par l'AFD étaient de 65 millions d'euros ; on en est aujourd'hui à 165 millions, avec des cibles plus importantes encore. Le travail avec la société civile se fait aujourd'hui au-delà de ce guichet : tous instruments confondus, en incluant dons et prêts, environ 500 millions d'euros sont mis en oeuvre par des organisations de la société civile. Cette dynamique doit être encouragée, dès lors que nos partenaires respectent nos critères. Nous commençons aussi à ouvrir prudemment ce guichet aux ONG du Sud, alors qu'il était réservé aux organisations françaises. Le Gouvernement a aussi souhaité l'ouvrir aux acteurs, surtout français, de l'économie sociale et solidaire.

Concernant l'égalité femmes-hommes, nous disposons d'instruments spécifiques pour les associations féministes du Sud, notamment un fonds de 40 millions d'euros qu'il faudra bientôt compléter. Beaucoup d'actions concrètes sont menées pour la défense des droits des femmes ; nous avons beaucoup à apprendre des façons d'agir de ces associations. La proportion de 50 % que je mentionnais correspond aux marqueurs CAD1 et CAD2 de l'OCDE, c'est-à-dire aux projets dont l'effet, direct ou indirect, sur l'égalité femmes-hommes, peut être mesuré. Cette proportion est en augmentation.

Monsieur Le Nay, nous sommes 28e sur 50 au classement Publish what you fund. La tendance est bonne : nous avons gagné 5 places et sommes passés dans la catégorie Good. Nous entendons continuer dans cette voie, avec un plan d'action, mais une limite demeure : l'AFD est soumise au secret bancaire. En tête de ce classement, on trouve les institutions multilatérales qui ne sont pas soumises à ces contraintes légales.

Monsieur Joyandet, merci pour votre témoignage. Proparco a doublé en taille ces six dernières années ; l'axe « développement économique et secteur privé » est très prioritaire.

Madame Duranton, les fonds propres sont soumis à deux déterminants : le ratio de solvabilité - il faut avoir 11,75 % de son bilan en fonds propres ; nous veillons à maintenir un ratio de 13,25 % - et le ratio des grands risques - on ne peut pas avoir plus d'un quart des fonds propres sur un seul client. Périodiquement, on s'en approche, jusqu'à 23 %, du fait notamment de nos opérations avec le gouvernement du Maroc ; d'où la nécessité de renforcer périodiquement les fonds propres de l'agence, ce qu'elle a toujours fait grâce à ses résultats, avant que le Gouvernement ne les rehausse de 4 milliards d'euros, ce qui suffit pour l'instant.

Monsieur Laurent, pour moi, le développement endogène, c'est le développement tout court. Nous travaillons toujours en collaboration avec les acteurs locaux auxquels nous apportons des financements ; cela nous distingue de l'agence américaine USAID, dont seuls 6 % des investissements sont confiés à des acteurs locaux, contre plus de 90 % pour nous. Nous faisons depuis longtemps confiance à la maîtrise d'ouvrage locale.

Monsieur Cadic, je tiens à votre disposition les chiffres sur les entreprises chinoises, dont la part est très faible dans les financements de l'AFD. Nos appels d'offres comportent des cahiers des charges très exigeants en matière de respect des droits humains ; aucune exception n'est faite. Je tiens aussi à votre disposition les chiffres relatifs au dispositif expérimental d'appui aux PME frappées par la crise sanitaire, notamment à celles qui sont détenues par des entrepreneurs français. Presque toute la dotation a été utilisée, environ 800 millions d'euros pour 500 entreprises, souvent en collaboration avec la Société générale. Il faut un retour d'expérience pour déterminer si cette approche peut être reconduite et élargie.

J'espère vous avoir convaincus de ma maîtrise de ces dossiers ; je réitère mes engagements en matière d'approche géopolitique, de qualité des projets et de poursuite de la transformation de l'AFD dans le dialogue social.

M. Christian Cambon, président. - Vous avez perçu notre volonté de voir appliquer la loi du 4 août 2021. Nous y avons fixé les orientations que vous avez rappelées et les grands équilibres de répartition de l'aide. Surtout, cette loi instaure une commission d'évaluation qui témoigne de la volonté très forte du Parlement de pouvoir participer à l'évaluation d'une politique qui mobilise beaucoup de financements. Nous serons donc attentifs à l'application de cette loi.

Notre commission, à la différence de nos collègues de l'Assemblée nationale, est aussi celle de la défense et des forces armées. Nous souhaitons recevoir à l'avenir des informations plus précises sur les actions coordonnées entre défense et développement, notamment dans les pays africains où nous nous redéployons après notre départ du Mali. Beaucoup de responsables militaires nous ont témoigné que cette coordination n'est pas totalement satisfaisante. Nous ne pouvons pas uniquement avoir une image militaire ; pour que nous restions des libérateurs et ne devenions pas, aux yeux des populations, des occupants, il faut aussi mobiliser des brigades du développement !

Enfin, je tiens à insister sur l'importance d'un dialogue social d'excellence au sein de cette agence dotée d'un personnel exceptionnel. Ce que nous avons entendu à ce sujet ne correspond pas à notre conception du fonctionnement de l'AFD. Nos rapporteurs veilleront à ce que cette affaire se résolve dans le cadre des dispositions que vous avez évoquées.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote et dépouillement simultané du scrutin sur la proposition de nomination par le Président de la République, de M. Rémy Rioux aux fonctions de directeur général de l'Agence française de développement

M. Christian Cambon, président. - Nous venons de procéder à l'audition de M. Rémy Rioux, dont la nomination par M. le Président de la République est envisagée pour renouveler ses fonctions de directeur général de l'AFD. Nous allons à présent procéder au vote, qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre règlement. Je vous rappelle qu'en application de la loi du 23 juillet 2010 il ne peut y avoir de délégation de vote. Nous procéderons ensuite au dépouillement pour lequel je vous rappelle que nous sommes en contact avec la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale afin de procéder de manière simultanée.

Je vous rappelle également que l'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Je vais demander aux deux secrétaires de séance, qui sont traditionnellement nos deux collègues disponibles les plus jeunes, à savoir M. Philippe Paul et Mme Isabelle Raimond-Pavero, de bien vouloir me rejoindre en tant que scrutateurs.

La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Rémy Rioux aux fonctions de directeur général de l'AFD, simultanément à celui de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

M. Christian Cambon, président. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale :

Nombre de votants : 23

Bulletins blancs : 5

Bulletins nuls : 0

Suffrages exprimés : 18

Pour : 14

Contre : 4

Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur

M. Christian Cambon, président. - Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) contient d'importantes dispositions intéressant la gendarmerie. Je vous propose donc que notre commission se saisisse pour avis des articles Premier, 2, 9 et 10 ; elle l'examinera le mardi 4 octobre après-midi.

Je vous propose de désigner comme rapporteurs pour avis nos collègues Philippe Paul et Gisèle Jourda, par ailleurs rapporteurs du programme budgétaire de la gendarmerie nationale.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 876 (2021-2022) d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur et désigne M. Philippe Paul et Mme Gisèle Jourda rapporteurs pour avis.

La réunion est close à 12 h 25.