Mercredi 8 février 2023

- Présidence de M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président d'âge -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

Réunion constitutive

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, président. - Il me revient, en tant que président d'âge, d'ouvrir la réunion constitutive de notre mission d'information sur le thème : « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement. » Cette mission a été créée sur l'initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en application du droit de tirage reconnu aux groupes politiques par l'article 6 bis du Règlement du Sénat.

Les vingt et un membres de notre mission ont été nommés lors de la séance publique du 1er février dernier, sur proposition de l'ensemble des groupes politiques.

Nous devons tout d'abord procéder à la désignation du président de la mission d'information.

Pour les fonctions de président, j'ai reçu la candidature de M. Rémy Pointereau.

La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Rémy Pointereau.

- Présidence de M. Rémy Pointereau, président -

M. Rémy Pointereau, président. - Tout d'abord, je vous remercie pour la confiance que vous m'accordez pour présider nos travaux.

Nous poursuivons la constitution du Bureau de la mission d'information.

Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation du rapporteur.

Je vous rappelle que, en application du deuxième alinéa de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, « la fonction de président ou de rapporteur est attribuée au membre d'un groupe minoritaire ou d'opposition, le groupe à l'origine de la demande de création obtenant de droit, s'il le demande, que la fonction de président ou de rapporteur revienne à l'un de ses membres ».

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain m'a fait savoir qu'il proposait la candidature de M. Hervé Gillé.

La mission d'information procède à la désignation de son rapporteur, M. Hervé Gillé.

M. Rémy Pointereau, président. - Nous procédons, dans un second temps, à la désignation des vice-présidents et des secrétaires.

Compte tenu de la désignation du président et du rapporteur qui viennent d'avoir lieu, la répartition des postes de vice-président et de secrétaire est la suivante : pour le groupe Les Républicains, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un vice-président ; pour le groupe Union Centriste, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes indépendants, un vice-président ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, un vice-président ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président.

Le Bureau sera donc constitué, outre le président et le rapporteur, de huit vice-présidents et deux secrétaires.

Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. Alain Cadec ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Mme Florence Blatrix-Contat ; pour le groupe Union Centriste, Mme Evelyne Perrot ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, M. Ludovic Haye ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, Mme Marie-Claude Varaillas ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, M. Éric Gold ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, M. Pierre Médevielle  ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, M. Daniel Breuiller.

Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Kristina Pluchet ; pour le groupe Union Centriste, M. Jean-François Longeot.

La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son Bureau : M. Alain Cadec, Mme Florence Blatrix-Contat, Mme Evelyne Perrot, M. Ludovic Haye, Mme Marie-Claude Varaillas, M. Éric Gold, M. Pierre Médevielle, M. Daniel Breuiller, vice-présidents ; Mme Kristina Pluchet et M. Jean-François Longeot, secrétaires.

M. Rémy Pointereau, président. - Permettez-moi de vous apporter quelques éléments de cadrage.

L'importance du sujet que nous sommes appelés à traiter ne fait pas de doute. Plus encore après l'été 2022, marqué par une sécheresse record, l'eau et sa gestion constituent une préoccupation majeure sur tous les territoires, y compris en dehors de l'espace méditerranéen qui, de longue date, s'était adapté aux périodes de basses eaux.

Nos travaux ne partiront pas d'une feuille vierge. Les Assises de l'eau en 2017-2018 et le Varenne agricole de l'eau en 2021-2022 ont permis de mettre une grande variété d'acteurs autour de la table et de définir des stratégies collectives.

Dans le cadre des chantiers de la planification écologique, le Gouvernement, par la voix du ministre Christophe Béchu, a annoncé un plan anti-sécheresse, qui devait être présenté il y a quelques jours, mais qui a été repoussé de quelques semaines.

Nous pourrons nous aussi appuyer sur des travaux parlementaires récents, en particulier le rapport d'information, publié en novembre dernier, de nos collègues Catherine Belrhiti, Cécile Cukierman, Alain Richard et Jean Sol, au nom de la délégation à la prospective du Sénat, ainsi que le rapport d'information intitulé Eau : urgence déclarée, remis en 2016 par Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach.

L'étendue de la question de l'eau et sa complexité devront être appréhendées dans des délais assez courts. Nos règles internes imposent qu'une mission d'information issue de l'exercice du droit de tirage des groupes ne puisse pas se prolonger au-delà de l'année parlementaire, c'est-à-dire la fin du mois de septembre. Or, des élections sénatoriales auront lieu en septembre. Il est donc raisonnable de fixer le terme de nos travaux au mois de juin, voire au mois de juillet si une session extraordinaire venait à être convoquée.

Le défi est de taille si nous voulons entendre non pas l'ensemble des acteurs de l'eau en France, ce qui me paraît difficile, mais au moins les principaux : les agences de l'eau, les fédérations professionnelles, les associations environnementales, les agriculteurs, les énergéticiens, les gestionnaires d'infrastructures hydrauliques ou encore les représentants des élus locaux mettant en oeuvre localement la politique de l'eau.

Des déplacements sur le terrain seront certainement nécessaires, y compris pour voir comment nos voisins font face sur leur territoire aux difficultés de gestion de l'eau.

Le défi n'est pas seulement de travailler dans un temps court, mais aussi de trancher des questions techniques et politiques ardues : met-on le curseur suffisamment loin ou, au contraire, est-il trop loin dans la protection des milieux aquatiques et des continuités écologiques, au détriment des activités économiques, notamment dans les domaines de l'agriculture, de l'indépendance alimentaire ou de la production d'énergie, sur lesquelles on fait reposer l'essentiel de l'ajustement face au changement climatique ? Peut-on promouvoir une politique de stockage de l'eau ? Les financements disponibles pour l'eau doivent-ils être augmentés ? Doit-on lancer le chantier d'une nouvelle loi sur l'eau pour moderniser notre arsenal législatif ? L'eau constitue un bien commun de plus en plus précieux, et le sujet mérite une mobilisation forte.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Si notre groupe a demandé une mission d'information dans le cadre de son droit de tirage annuel sur le sujet de l'eau, c'est parce que la gestion durable de l'eau est au carrefour d'enjeux environnementaux, sociaux et économiques, avec des incendies hors norme, le recul du trait de côte, le stress hydrique ou encore l'accroissement de l'évapotranspiration. La crise climatique nous impose de réviser profondément notre approche de la politique de l'eau et d'apporter une réponse publique forte et adaptée à la dégradation de la ressource. L'actualité récente illustre les crispations qui peuvent exister, à la fois à travers les difficultés à gérer les crises sur le court terme, mais aussi les divergences de vues sur les actions de long terme à mettre en place, comme l'ont montré les vifs débats sur les bassines.

Nous pourrions, dans le temps court imparti à notre mission, chercher à dégager des propositions contribuant à des évolutions législatives et des actions concrètes, notamment pour agir sur les pratiques industrielles ou les pratiques culturales, ou encore pour conforter les acteurs locaux et territoriaux en responsabilité tant sur le grand cycle que sur le petit cycle de l'eau.

À ce stade, la réflexion s'articule autour de trois axes.

Premièrement, il convient de répondre à la raréfaction de la ressource en eau en maîtrisant sa consommation et en améliorant sa qualité. La politique nationale de l'eau doit être coordonnée avec les politiques territoriales. La rénovation des réseaux d'eau potable et d'eaux usées est un enjeu majeur. Par ailleurs, la réutilisation des eaux usées doit être portée par une volonté de l'État pour être mise en oeuvre dans les territoires. Il s'agit ici de respecter nos engagements européens et d'anticiper les futurs, notamment dans le cadre du projet de directive Eau potable mis récemment en consultation.

Deuxièmement, il importe de préserver notre approche de gestion de l'eau par bassin et faire des territoires les acteurs principaux de notre politique publique. La France a été précurseur avec son approche de gestion de l'eau par bassin, et nous croyons que les territoires peuvent créer les conditions d'une gestion partagée et démocratique de l'eau. Pour autant, il faut continuer à nous interroger sur les gouvernances, sur l'optimisation des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), dont les délais de mise en oeuvre sont assez longs, et sur la politique d'allocation de moyens pour réussir à concilier une nécessaire sobriété avec le respect de l'environnement et la gestion optimisée des usages collectifs, industriels et agricoles. Il faudra voir comment accompagner au mieux la filière agricole.

Troisièmement, il importe de poser les bases d'un cadre apaisé entre la préservation de la ressource et les besoins de notre agriculture. Pour concilier les différents usages de l'eau, l'action publique doit être comprise de toutes et de tous. Il est indispensable d'en finir avec les oppositions stériles et de bâtir, au contraire, des solutions convergentes dans le sens de l'intérêt général. L'évolution de notre modèle agricole vers une gestion plus durable et raisonnée de l'eau est sans doute une nécessité, mais encore faut-il que les pouvoirs publics se donnent les moyens d'accompagner nos agriculteurs dans cette transition. Nous devons être précurseurs en la matière afin de poser les bases d'une politique de gestion durable et partagée de l'eau, qui concilie les impératifs environnementaux et les besoins de notre agriculture, indispensable à la préservation de notre souveraineté alimentaire.

Le programme est ambitieux, mais le sujet mérite qu'on s'attèle à tous ces chantiers liés entre eux, dans le but de faire des propositions pour améliorer la politique publique de l'eau.

Au-delà des auditions plénières, les auditions du rapporteur seront ouvertes à tous les membres de la mission. Notre objectif est en effet de parvenir à un consensus, au-delà des divergences politiques.

Un programme d'auditions vous sera très rapidement proposé et devrait débuter à partir de la semaine du 27 février, après l'interruption de travaux parlementaires.

Je vous assure de l'intérêt que nous porterons aux travaux conduits sur ce sujet tant par la commission des affaires économiques que par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président Longeot, vous avez ouvert un cycle de tables rondes, qui seront précieuses pour nos réflexions.

M. Daniel Breuiller. - Je souhaiterais que nous auditionnions des chercheurs académiques pour pouvoir appréhender ce sujet dans sa globalité ; je pense notamment au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à Météo-France, à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). En effet, nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences, dans les années à venir, de la crise climatique que nous vivons.

Mme Sylvie Robert. - J'approuve pleinement les propos de M. Breuiller, qu'il s'agisse de la recherche fondamentale ou de la recherche appliquée. À ce titre, peut-être pourrions-nous faire une visite de terrain en complément de nos auditions.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous envisageons au moins quatre déplacements.

Mme Évelyne Perrot. - Près de Troyes, les grands réservoirs de la Seine et de l'Aube, qui totalisent 5 000 hectares de plan d'eau, pourraient facilement faire l'objet d'une visite.

M. Éric Gold. - Nous sommes souvent autocentrés, alors que, plus au sud, certains pays sont plus touchés que nous par la crise climatique. Il serait bon de mieux connaître leur expérience en matière de gestion durable de l'eau.

M. Rémy Pointereau, président. - Vous pensez sans doute à l'Espagne.

M. Éric Gold. - Tout à fait.

Mme Florence Blatrix Contat. - C'est une piste très intéressante. Dans un autre cadre, j'ai eu l'occasion de m'entretenir des questions d'irrigation avec le ministre marocain de l'eau. Son pays est assez en avance en la matière. Peut-être pourrions-nous auditionner en visioconférence un certain nombre de responsables étrangers.

Christophe Béchu relevait, quant à lui, la nécessité d'envisager un scénario de hausse des températures de l'ordre de 4 degrés. Il faudra aussi travailler dans cette perspective, qui implique un changement d'échelle.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Parmi les pistes à explorer figure, bien sûr, la désalinisation de l'eau de mer.

Nous devrons aussi nous pencher sur les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage). La Gironde dispose ainsi d'un Sage Nappes profondes, dans le cadre duquel on prévoit d'utiliser mieux les nappes affleurantes pour la métropole de Bordeaux. De tels projets supposent des systèmes de compensation et posent donc des problèmes de coopération territoriale.

Le but de nos travaux est de capitaliser les connaissances existantes, notamment en matière scientifique, et de creuser les sujets qui nous paraissent les plus pertinents pour avancer, dans une perspective très factuelle.

Sans doute faut-il commencer par optimiser le capital existant, comme les barrages : on évitera nombre de nouveaux chantiers et, avec eux, d'éventuels problèmes d'acceptabilité. À cet égard, l'évolution des concessions des barrages hydroélectriques exigera la plus grande vigilance. Les cahiers des charges devront permettre un soutien d'étiage solidaire dans l'ensemble du territoire.

M. Pierre Médevielle. - L'exemple de l'Espagne me semble tout à fait intéressant. Le versant espagnol des Pyrénées est bien plus aride que le versant français. Pourtant, grâce aux travaux accomplis après la guerre, l'Espagne vient régulièrement au secours de la France lorsqu'elle manque d'eau. À l'inverse, dans notre pays, le projet de barrage de Charlas a été abandonné, alors qu'il était techniquement parfait, si bien qu'aujourd'hui on en parle de nouveau ; le site mériterait notre visite.

En parallèle, le centre de recherche agronomique d'Israël, où je me suis rendu à plusieurs reprises, est à la pointe pour l'optimisation de la gestion de l'eau. Nous devrions nous pencher sur ses travaux.

M. Rémy Pointereau, président. - Nous ne pourrons pas aller partout, mais nous avons tout intérêt à opter pour une approche comparative.

M. Alain Cadec. - Pendant près de dix ans, j'ai présidé la commission locale de l'eau de la baie de Saint-Brieuc, laquelle est confrontée aux problèmes causés par les nitrates et par les algues vertes. Il faut considérer, non seulement la quantité d'eau, mais sa qualité.

M. Jean-François Longeot. - Vaste programme !

M. Michel Bonnus. - Dans mon département du Var, neuf communes sont encore ravitaillées par camions-citernes et, bien entendu, l'eau y est rationnée. Autant dire que nos travaux seront suivis de près par les habitants et responsables locaux.

Mme Sylvie Robert. - Nous pourrions convier Erik Orsenna, auteur de L'Avenir de l'eau et de La Terre a soif. Sa vision poétique et littéraire du sujet nous offrirait une belle entrée en matière.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Il nous semble encore plus judicieux de l'inviter pour la conclusion de nos travaux : sa présence ne pourra que mieux les mettre en lumière.

Mme Évelyne Perrot. - J'insiste sur la communication entre les territoires. À Paris, on n'imagine pas les problèmes d'eau que connaît un département comme le mien.

M. Rémy Pointereau, président. - C'est tout l'enjeu du partage des usages de l'eau.

M. Thierry Cozic. - Les différents axes proposés par M. le rapporteur me semblent tout à fait pertinents. Il serait bon d'y ajouter le développement des énergies renouvelables ; je pense à des filières très sobres en eau, comme celle du chanvre, qui participe à la production d'hydrogène et dont il serait bon d'auditionner les représentants.

M. Rémy Pointereau, président. - N'oublions pas non plus les territoires ultramarins et leurs problématiques propres, comme le prix de l'eau. Peut-être pourrions-nous associer à nos travaux nos collègues de la délégation aux outre-mer.

En outre, je souhaite que nous fassions un maximum de tables rondes, que ce soit avec les agences de l'eau, les collectivités territoriales ou encore les acteurs économiques. Non seulement ce format permet de fusionner certaines auditions, mais il est plus vivant.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Nos travaux méritent bel et bien d'être croisés avec ceux que le Sénat consacre aux incendies de forêt.

M. Rémy Pointereau, président. - Nous vous communiquerons le programme de travail dans les meilleurs délais.

La réunion est close à 14 h 40.