AFFAIRES ECONOMIQUES ET PLAN

Table des matières


Mardi 8 décembre 1998

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

Loi d'orientation agricole - Audition de MM. François Lucas, vice-président de la coordination rurale et Francis Lethrosne, membre du comité directeur

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. François Lucas, vice-président de la Coordination rurale, et de M. Francis Lethrosne, membre du comité directeur, sur le projet de loi d'orientation agricole n° 18 (1998-1999).

A titre liminaire, M. François Lucas a estimé que la politique agricole passait plus par le maintien de prix rémunérateurs, déterminés sur la base des coûts de production, que par le vote d'une loi, fût-elle d'orientation. Puis il s'est dit en accord avec les objectifs visés par l'article premier du texte, tout en soulignant la nécessité de préserver l'emploi agricole. Il a émis des réserves quant à la contribution de l'agriculture à la production énergétique, jugeant incohérente une politique qui conduit à importer des oléagineux destinés à l'alimentation du bétail, alors même que la production nationale est, en partie, transformée en bio-carburants.

Evoquant le contrat territorial d'exploitation (CTE), il a souligné le risque d'un alourdissement des procédures administratives et la nécessité de pourvoir au financement de ces contrats, avant d'estimer préférable de ne régler cette question qu'après la réforme de la politique agricole commune.

M. Francis Lethrosne a considéré que l'institution du CTE portait en germe le risque d'une renationalisation de la politique agricole commune (PAC), et fait valoir que ces contrats étaient, dans certains cas, susceptibles d'entraîner des distorsions de concurrence.

M. François Lucas a, pour sa part, estimé que les CTE pouvaient modifier l'équilibre des exploitations et, ce faisant, permettre des baisses de prix artificielles, ce qui constituerait un paradoxe lorsque, grâce à l'euro, tous les prix seraient comparables. Il s'est enfin interrogé sur le degré de liberté des signataires des CTE, dont le " volontariat " était quelque peu contraint puisque le seul terme de l'alternative qui leur était offert était d'accepter la réforme, ou de disparaître.

Evoquant les limites apportées par le texte à la liberté d'exploiter, il a craint que ces dispositions ne conduisent les personnes physiques propriétaires d'exploitations foncières à les céder à de grandes sociétés qui intégreraient les fermiers aussi bien en amont qu'en aval de leurs activités.

S'agissant du statut des conjoints, il a jugé que le texte du projet de loi allait dans le sens des préconisations de la coordination rurale. En revanche, il s'est déclaré fortement opposé aux dispositions qui tendent à soumettre les employeurs agricoles de moins de 50 salariés à une cotisation prélevée au profit d'un comité des activités sociales et culturelles.

Sur ce sujet, M. Francis Lethrosne a souligné que les dispositions du projet de loi assujettissaient les agriculteurs à un régime moins favorable que celui des artisans et des commerçants.

M. François Lucas a regretté que le texte ne réforme pas le régime juridique des cotisations sociales agricoles. Tout en se disant favorable à l'organisation de filières courtes, il a déploré que l'accès aux aides soit réservé aux producteurs appartenant à des organisations. Il s'est également déclaré opposé au dispositif de l'article 30 bis, estimant que la déduction fiscale qu'il instituait au titre de l'acquisition de parts sociales dans la coopération agricole, si elle était justifiée dans son principe, ne devait pas être financée par un accroissement des droits sur le tabac.

Puis il a affirmé n'avoir aucune observation particulière à présenter en ce qui concernait l'organisation interprofessionnelle, la composition du conseil supérieur d'orientation, la qualité, la gestion de l'espace, la formation et la recherche.

Concluant son propos, il a observé avec satisfaction que le " productivisme n'était plus de mise " et qu'en revanche l'accent portait désormais sur les conditions et la qualité de la production, et le renforcement d'une agriculture durable. Parmi les dispositions du projet de loi appelant une opposition de sa part, il a souligné le flou qui entoure le régime du CTE, l'atteinte au droit de propriété qui résulte du renforcement du contrôle des structures et un manque d'ambition en matière d'aide à l'installation des jeunes, tout en notant avec intérêt les mesures relatives à l'installation progressive.

Après avoir rappelé que la réforme de la PAC opérée en 1992 avait été initialement contestée, M. Michel Souplet, rapporteur, a souligné que le versement de primes compensatoires, au titre des mises en jachère, avait facilité son entrée en vigueur, et il a demandé à l'orateur de présenter des propositions en matière de redistribution des aides.

M. François Lucas a constaté que le nombre des agriculteurs, qui s'élevait à 900.000 en 1991, n'était plus que de 600.000 aujourd'hui, ce qui constituait un " bilan catastrophique ", d'autant plus que la France n'avait jamais retrouvé le niveau d'exportation de 1992.

M. Francis Lethrosne a ajouté que le développement des exportations avait été obtenu au prix de la disparition de 25.000 agriculteurs par an.

M. François Lucas a ajouté que la notion de " prime compensatoire " était essentiellement statistique, qu'elle n'avait de sens que dans une réflexion de type macro-économique, et qu'elle favorisait les " chasseurs de primes ".

Répondant à M. Michel Souplet, rapporteur, qui l'interrogeait sur l'attribution des aides, et soulignait l'importance du rôle des organisations de producteurs dans le contrôle du marché, M. François Lucas a indiqué que la coordination rurale était hostile à l'attribution d'aides aux seuls groupements agricoles de grande taille constitués, par exemple, au niveau départemental. Puis il a ajouté que dans le secteur du porc, malgré l'existence de groupements de producteurs, la gestion de la production n'avait pas été efficace.

Il a estimé que le fonctionnement des marchés de produits de première nécessité, tels que celui du porc, était perturbé par une demande très fluctuante, qui n'affectait pas les marchés plus organisés tels que celui du vin.

A une troisième question du rapporteur qui lui demandait son sentiment sur la séparation des filières interprofessionnelles " verticales " d'une part et des filières " biologiques " et " montagne ", de l'autre, le vice-président de la coordination rurale a répondu qu'il était favorable à une séparation claire des filières " biologique " et " montagne ".

M. Francis Lethrosne a souligné le risque que constituait l'intégration complète des producteurs dans des filières nationales, comme l'avaient montré les problèmes rencontrés dans la filière avicole.

Rappelant qu'actuellement la cession des exploitations était un peu la " retraite complémentaire des exploitants ", M. Michel Souplet, rapporteur, a enfin demandé aux orateurs de présenter des propositions tendant à favoriser l'installation des jeunes. En réponse, M. François Lucas a souligné que le parcours adapté à des jeunes issus de professions non agricoles, prévu par le projet de loi, correspondait à l'une des demandes de son organisation, mais il a critiqué les modalités d'installation actuelles, les estimant " très mal adaptées ", car trop contraignantes pour des fils d'agriculteurs et insuffisantes pour intégrer les jeunes issus des milieux non agricoles. Pour ces derniers, il a souhaité le développement du parrainage et de la succession progressive, tout en observant que la précarité et l'absence d'assurance sur l'avenir constituaient les principaux obstacles pour les jeunes agriculteurs désireux de s'installer.

Rappelant que 80 % des terres en vente étaient achetées par des agriculteurs, MM. Marcel Deneux et Hilaire Flandre ont interrogé l'orateur sur les mesures tendant à limiter la diminution de la population agricole, et à favoriser le faire-valoir direct. M. François Lucas leur a répondu que la diminution du nombre des exploitations résultait de la baisse des prix qui se traduisait, à structure constante, par une baisse des revenus. Il a estimé que le manque de rentabilité du foncier conduisait à un accroissement de la superficie des exploitations et à une réduction de leur nombre.

Répondant à M. Marcel Deneux, qui l'interrogeait sur la réforme de l'assiette des cotisations sociales agricoles, M. François Lucas a souhaité l'instauration d'une TVA sociale sur les produits agricoles qui favoriserait les exportations et assurerait la contribution de tous les consommateurs au financement des retraites agricoles.

M. Francis Lethrosne a souligné que l'agriculture était l'un des seuls secteurs dans lesquels le producteur ne pouvait répercuter les charges sociales sur le prix de vente.

A MM. Jean Bizet, Marcel Deneux et Hilaire Flandre, qui se déclaraient surpris par les propos relatifs à l'absence de vocation exportatrice de la France, compte tenu de l'importance des industries agro-alimentaires de notre pays et de l'impact positif des excédents agricoles sur la balance commerciale, M. François Lucas a déclaré que son propos se situait dans une perspective européenne, et a constaté que l'Union enregistrait un déficit de 28 milliards d'écus au titre des échanges agro-alimentaires, avant d'estimer nécessaire de produire moins de céréales et plus de protéines.

A une seconde question des mêmes parlementaires, qui l'interrogeaient sur la contribution des organisations de producteurs à la régulation des marchés, M. François Lucas a répondu que le contrôle des structures n'avait pas fait ses preuves et souligné la nécessité de limiter l'accroissement de la taille des exploitations. Il a ajouté que son organisation était hostile au versement des aides aux seuls producteurs organisés, même si elle était par ailleurs favorable à une organisation et à une maîtrise des productions.

M. Raymond Soucaret lui ayant demandé de préciser ses vues, s'agissant du CTE, M. François Lucas a déclaré qu'il était beaucoup trop tôt pour savoir si la réforme de la PAC compenserait les inconvénients de ce nouveau système.

S'adressant enfin à M. Jean Bizet, qui évoquait. la question des organismes génétiquement modifiés (OGM), il a souhaité l'établissement d'un prix européen et d'une qualité européenne renforcés par rapport au marché mondial.

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

Puis la commission a entendu M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).

M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture,
a déclaré que l'agriculture française connaissait actuellement une évolution se traduisant, notamment, par une relation nouvelle avec les marchés. Il a insisté sur la nécessité de faire prévaloir l'approche économique sur les approches territoriale ou environnementale, sans remettre en question l'importance de ces dernières. Il a ensuite relevé que les activités non marchandes complémentaires de l'agriculture devaient pouvoir trouver un financement.

Evoquant le volet du projet de loi relatif à la diversification de l'agriculture, M. Jean-François Hervieu a souhaité la suppression de l'article 6 du projet compte tenu des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, qui auraient pour effet, selon lui, de remettre gravement en cause la pluriactivité dans l'agriculture. Il a jugé préférable le maintien de la législation de 1988 et de sa jurisprudence, qui délimitent d'une façon précise le champ de l'activité agricole.

Evoquant, en second lieu, la politique des structures, le président de l'APCA a plaidé pour une plus grande souplesse de la part des instances départementales, afin que soient traités de façon égale exploitants individuels et exploitants sous forme sociétaire, d'une part, et que la famille soit mieux prise en compte dans le secteur agricole, d'autre part.

M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, a dit préférer, en la matière, une politique incitative à une politique réglementaire et coercitive.

En troisième lieu, M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, a préconisé une reconnaissance, dans les textes, de l'entreprise agricole, notamment de ses règles relatives aux transmissions et au fermage.

Puis le président de l'APCA a exprimé trois souhaits :

- que l'Indication géographique protégée (IGP) reste adossée à un label ou une certification de conformité ;

- qu'une véritable réciprocité soit établie entre agriculteurs et non agriculteurs en ce qui concerne les permis de construire ou d'extension de constructions ;

- qu'une égalité de traitement soit respectée entre enseignement agricole public et enseignement agricole privé.

Abordant enfin le problème des contrats territoriaux d'exploitation, M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, a estimé qu'ils constituaient un élément novateur dont il convenait de suivre l'application avec d'autant plus de vigilance que la question de leur financement n'était pas réglée. Il a considéré que le CTE constituait le support d'un projet d'exploitation d'ensemble, ouvert à tous les agriculteurs dans le cadre départemental et permettant la " responsabilisation " de ceux-ci.

M. Michel Souplet, rapporteur, a interrogé le président de l'APCA sur plusieurs points :

- l'APCA est-elle favorable, sur un plan philosophique, au projet de loi d'orientation ?

- ne convient-il pas d'élaborer un modèle d'agriculture européen face à la concurrence internationale ?

- les dispositions sur les signes d'identification ne vont-elles pas pénaliser les produits qui en sont dépourvus (soit 90 % des produits environ) ?

- quel est l'avenir de l'agriculture biologique ?

En réponse, le président de l'APCA a insisté sur la nécessité de rétablir la confiance entre les agriculteurs et la société, notamment en ce qui concerne la sécurité alimentaire.

Après avoir plaidé à nouveau pour un statut global de l'entreprise agricole, M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, a déclaré que l'essentiel, pour l'agriculture française, était de produire des produits sains. Il a ensuite rappelé que le projet de loi prévoyait des interprofessions spécifiques dans le secteur de la montagne et dans celui de l'agriculture biologique.

En réponse à M. Rémi Herment, Mme Janine Bardou, MM. Louis Moinard, Jean-Paul Emorine et Jean-Marc Pastor, M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, a notamment précisé :

- que s'il était nécessaire de modifier la législation actuelle en ce qui concerne la pluriactivité, il était malaisé, pour la profession agricole, de " faire passer le message " de l'agro-tourisme ;

- que les décrets d'application relatifs aux contrats territoriaux devraient prendre en compte les réalités du terrain ;

- que les interprofessions pourraient effectivement étendre le champ de leur activité (en y incluant le cas échéant la commercialisation des produits) ;

- qu'enfin, s'agissant de la convergence de calendrier entre Agenda 2000 et le présent projet de loi d'orientation, la nécessité de prendre le maximum de décisions au niveau européen apparaissait aujourd'hui incontournable.

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche

Puis, la commission a entendu M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a rappelé les raisons qui ont conduit à l'élaboration du projet de loi d'orientation agricole, faisant notamment valoir que si la politique agricole menée jusqu'à présent avait permis d'importants progrès, elle avait également favorisé la concentration des exploitations et entraîné des déséquilibres entre les productions et entre les territoires. De plus, a-t-il ajouté, les consommateurs contestent les " excès du productivisme " et réclament plus de transparence et une meilleure lisibilité dans la chaîne agro-alimentaire. Ils remettent également en cause -a-t-il indiqué- les conséquences négatives d'une certaine forme d'agriculture sur l'environnement, et dans un contexte économique, marqué par le chômage, ils s'interrogent sur le coût de la politique agricole au regard des avantages qu'elle procure.

Le ministre a observé qu'au sein de l'Europe elle-même, le consensus autour de la politique agricole commune était menacé, tant par les pays du sud -qui considèrent que cette politique est trop favorable aux grandes productions des pays du nord, comme les céréales, le lait et la viande bovine- que par certains pays de l'Europe septentrionale, qui souhaitent s'en remettre au libre jeu du marché dans ce secteur.

Enfin, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a souligné qu'au niveau international, les partenaires de l'Europe s'étaient opposés à la politique agricole commune lors des difficiles négociations du GATT et que les accords de Marrakech avaient instauré une trêve fragile, dont le contenu devrait être fermement défendu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. A ce sujet, le ministre a jugé dangereuse la proposition de la commission européenne tendant à compenser la baisse des prix garantis par une augmentation des aides directes aux agriculteurs, et a fait valoir que l'Europe devait s'engager dans la voie du découplage partiel entre les aides et la production, afin de garantir à la politique agricole commune une existence durable.

Face à toutes ces remises en cause, le ministre a préconisé une refondation de la politique agricole, sur des bases renouvelées et modernisées afin d'en assurer la pérennité, et fait valoir que tels étaient les objectifs du projet de loi d'orientation agricole.

Il a ajouté que la justification de l'intervention publique en faveur des agriculteurs en dépit de la diminution de leur nombre, reposait sur trois idées principales :

- la multifonctionnalité de l'agriculture ;

- la nécessité d'agir en faveur de l'équilibre territorial et social ;

- la contractualisation de la politique agricole.

Le ministre a tout d'abord rappelé qu'une agriculture bien conduite devait remplir trois fonctions : une fonction économique, une fonction environnementale et une fonction sociale. Il a reconnu que la fonction de production était essentielle, et qu'elle devait bénéficier de soutiens publics, car l'alimentation était une fonction particulière, indispensable à toute activité humaine.

Mais, a fait valoir le ministre, la politique agricole doit aussi encourager le développement de pratiques agronomiques respectueuses de l'environnement et la création d'emplois dans le monde rural et, enfin, rémunérer la production de services d'intérêt général rendus par les agriculteurs.

S'agissant de la deuxième idée fondant une politique agricole rénovée, le ministre a souligné que la politique agricole ne serait légitime et acceptée durablement que si les concours publics permettaient le maintien d'une activité agricole sur tout le territoire, en étant équitablement répartis entre les agriculteurs.

Il a rappelé qu'aujourd'hui les aides à l'agriculture étaient concentrées sur les régions les plus productives et les mieux dotées agronomiquement, contribuant par là même à accentuer les déséquilibres résultant du jeu de l'économie.

Enfin, s'agissant de la contractualisation de la politique agricole, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué que le contrat territorial d'exploitation (CTE) serait le moyen de moderniser la gestion de la politique agricole, en permettant de proportionner l'attribution des moyens publics à l'intérêt des projets présentés par les agriculteurs, tant pour le développement de richesses sur leur exploitation que pour l'accomplissement des objectifs publics que l'Etat aurait fixés pour la politique agricole.

Le ministre a observé que l'agriculture devrait jouer son rôle dans la bataille de l'emploi et que la politique agricole ne devrait plus favoriser la réduction du nombre d'agriculteurs et la concentration des exploitations, mais au contraire conforter l'existence des exploitations, leur transmission dans de bonnes conditions, et l'installation de jeunes agriculteurs.

C'est pourquoi le projet de loi d'orientation agricole, a-t-il ajouté, renforce le contrôle sur l'installation et l'agrandissement des exploitations agricoles en étendant aux sociétés le contrôle qui pèse aujourd'hui, en cette matière, sur les seules personnes physiques, et en fixant au niveau départemental le seuil de déclenchement des demandes d'autorisation d'exploiter.

Pour favoriser le développement de l'emploi salarié dans les exploitations, le ministre a souligné que les formalités administratives dont doivent s'acquitter les employeurs seraient simplifiées, notamment par la généralisation du titre d'emploi simplifié agricole (TESA) et a indiqué que le projet de loi créait le statut du conjoint collaborateur.

Le projet de loi d'orientation agricole, a-t-il ajouté, fait une place importante à la politique de qualité et d'identification des produits agricoles en créant des interprofessions spécifiques qui n'affaibliront pas les interprofessions générales, là où elles existent. Elles permettront de structurer les démarches d'identification des produits dans un cadre qui assure la représentation de tous les acteurs concernés. Les mesures proposées visent à traiter dans un cadre identique toutes les demandes de protection d'une dénomination géographique qui seront instruites par l'Institut national des appellations d'origine.

Le ministre a souligné, par ailleurs, que de nombreuses dispositions visaient à conforter les outils d'organisation économique, notamment les interprofessions générales, dont le rôle était renforcé et élargi, et qu'elles ouvraient la possibilité pour les partenaires des filières de production de prendre des mesures d'organisation des marchés en cas de crise, même en l'absence d'interprofessions.

Pour l'avenir, le ministre a considéré que l'agriculture devrait mobiliser un appareil de formation et de recherche de grande qualité pour inventer de nouveaux modes de développement, faire de la protection de l'environnement un atout et, enfin, intégrer des préoccupations de qualité toujours plus importantes.

En conclusion, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a déclaré qu'il était ouvert à toutes les propositions des parlementaires qui viendraient améliorer et enrichir ce projet de loi.

M. Michel Souplet, rapporteur pour la commission des affaires économiques, a alors interrogé le ministre sur les mesures permettant d'informer les propriétaires fonciers lors de la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation.

A propos des cessions d'exploitation, qui constituent pour beaucoup d'agriculteurs " une forme de retraite complémentaire ", le rapporteur a souhaité voir définies des incitations fiscales pour encourager le cédant à privilégier les jeunes agriculteurs qui veulent s'installer. Il a émis la crainte que le renforcement des contrôles sur l'agrandissement des exploitations agricoles constitue un véritable carcan administratif. Enfin, il a rappelé que 15 % de la population mondiale souffrait de sous-alimentation et que, dans les économies occidentales, les prix alimentaires avaient peu augmenté en raison des interventions publiques financées par la voie budgétaire.

M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a interrogé le ministre sur les modalités d'exercice de la co-tutelle exercée sur les établissements d'enseignement agricole.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué que les représentants des propriétaires fonciers avaient été associés à la préparation du projet de loi et qu'il ne fallait pas alourdir le processus de consultation prévu lors de la mise en place d'un CTE qui s'inscrit d'ores et déjà dans le statut du fermage.

S'agissant des incitations fiscales, le ministre a indiqué que, sur la base d'un rapport remis au Parlement à la fin du premier semestre 1999, des dispositions fiscales accompagnant la loi d'orientation agricole seraient inscrites dans le projet de loi de finances pour 2000. Sur le contrôle des structures, le ministre a souligné que le projet de loi simplifiait les procédures existantes en instituant un système unique d'autorisation, en donnant une priorité absolue à l'installation des jeunes et à la lutte contre l'agrandissement des exploitations. S'agissant de la population mondiale qui souffre de malnutrition, le ministre a rappelé également l'existence des excédents agricoles, notamment au niveau communautaire, et considéré que le problème se posait en termes d'accès à l'alimentation et de mode de répartition de l'aide alimentaire.

Enfin, il a indiqué que l'exercice de la co-tutelle n'était pas modifié et que les directeurs d'établissement d'enseignement supérieur agricole étaient nommés conjointement par les ministres de l'agriculture et de l'éducation nationale.

Répondant à Mme Janine Bardou et M. Jean-Marc Pastor, qui soulignaient la nécessité, pour les agriculteurs installés dans des zones difficiles, comme en montagne, de développer des activités annexes et complémentaires telles que l'agri-tourisme, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué qu'il n'était pas hostile à une meilleure définition de l'activité agricole telle que prévue par l'article 6 du projet de loi.

M. Raymond Soucaret s'est demandé comment les agriculteurs ayant opté pour un CTE pourraient concilier la création d'emploi et la semaine de 35 heures. Il a émis des doutes sur la capacité des CTE à moderniser l'agriculture, en rappelant que, dans le passé, les petites structures agricoles avaient disparu.

Il a jugé que la volonté de réduire la taille des exploitations n'était pas réaliste sur le plan économique, même si le contrôle sur les agrandissements des superficies pouvait être amélioré. A propos du statut de conjoint-collaborateur, dont il a reconnu le bien-fondé, M. Raymond Soucaret a souligné que la question de son financement n'était pas résolue. Il s'est interrogé sur les modalités de fonctionnement des comités d'entreprise regroupant des salariés appartenant à plusieurs exploitations agricoles.

M. André Lejeune, rapportant les propos tenus par la Coordination agricole, s'est demandé si l'examen du projet de loi d'orientation agricole ne venait pas trop tôt, compte tenu des négociations en cours à Bruxelles sur la politique agricole commune, et si ce texte ne risquait pas d'affaiblir la position française vis-à-vis de ses partenaires.

M. Jean-Paul Emorine s'est interrogé sur la faiblesse des moyens financiers prévus pour appliquer la loi d'orientation agricole.

Pour favoriser l'installation des jeunes, il a suggéré que le dispositif de la préretraite à 55 ans soit réservé aux agriculteurs qui cesseraient leur activité pour la céder à des jeunes. Il a souhaité voir défini un modèle unique d'exploitation sociétaire, avec les mêmes contraintes et les mêmes avantages que l'exploitation individuelle. Il a regretté, enfin, qu'un dispositif d'assurance-récolte n'ait pas pu être défini dans le projet de loi d'orientation agricole.

M. Gérard Cornu a interrogé le ministre sur les modalités de financement du CTE et a jugé que la politique de redéploiement de crédits prélevés sur le fonds de gestion de l'espace rural, les OGAF et le fonds d'intervention des agriculteurs, avait ses limites. Il s'est demandé si le financement des CTE serait inclus dans les contrats de plan Etat-région, ce qui aurait pour conséquence d'obliger les régions et les départements à participer à leur financement. Il a enfin souhaité connaître le montant de la prime annuelle versée sur chaque CTE.

M. Roger Rinchet a jugé que le moyen le plus radical pour soutenir l'agriculture défavorisée était de plafonner les aides versées.

Leur répondant, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué que le CTE constituait un outil nouveau indispensable pour faire reconnaître la multifonctionnalité de l'agriculture et réorienter la politique agricole dans un sens moins productiviste et intensif. Il a souligné que la mise en oeuvre du CTE nécessitait beaucoup de souplesse et de pragmatisme pour s'adapter à la diversité des réalités agricoles et que la politique agricole menée, tant au plan national qu'au plan européen, devait sortir de la seule logique de l'aide à la production. Tout en reconnaissant que ces aides à la production ne seraient pas supprimées, mais plus certainement plafonnées et modulées, il a souligné la nécessité de mettre en place des aides à l'exploitation pour enrayer l'exode rural.

S'agissant du statut du conjoint collaborateur, il a indiqué qu'il serait financé comme toutes les prestations sociales agricoles.

Il a jugé que le projet de loi d'orientation agricole s'inscrivait en parfaite cohérence avec les propositions françaises faites dans le cadre des négociations sur la politique agricole commune, et fait valoir que les partenaires européens étaient très intéressés par le contenu et les objectifs du CTE. S'agissant des négociations sur la politique agricole commune, le ministre a rappelé que la France refusait le cofinancement des aides directes, afin d'éviter des distorsions de concurrence, et que les discussions portaient également sur l'éventualité d'un plafonnement ou d'une modulation des aides directes, et sur le financement du règlement horizontal, c'est-à-dire, du développement rural, de " l'écoconditionnalité " et des aides à l'emploi.

Le ministre, après avoir souligné que l'importance d'une loi ne tenait pas seulement aux moyens financiers dont elle était assortie, a rappelé qu'en matière de préretraite, il y avait aujourd'hui plus de départs d'agriculteurs que de candidats à l'installation, et qu'il ne fallait donc pas accentuer le rythme des départs. Sur la forme juridique des exploitations, le ministre n'a pas jugé souhaitable d'unifier les différents régimes juridiques existants, considérant qu'ils apportaient des réponses adaptées à la diversité des modes d'exploitation agricole.

Concernant l'instauration d'une assurance-agricole, le ministre en a reconnu tout l'intérêt et indiqué que le projet de loi prévoyait qu'un rapport sur le sujet serait remis au Parlement à la fin du premier trimestre 1999.

Rappelant le calendrier parlementaire d'adoption du projet de loi d'orientation agricole, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a considéré que les crédits prévus pour 1999 pour les CTE permettraient de financer les premiers contrats signés à partir d'août 1999. Pour les années suivantes, a-t-il précisé, il y aurait un financement européen et au plan national, au-delà des crédits du budget de l'agriculture, les régions et les départements pourraient participer de façon volontaire au financement des CTE s'inscrivant dans les orientations définies au niveau régional ou départemental. Il a fait valoir que, dans le cadre des contrats de plan Etat-Régions, seraient débattues des orientations de la politique agricole à mettre en oeuvre au niveau de chaque région. Il s'est refusé, enfin, à donner des indications chiffrées sur les primes liées à la mise en oeuvre d'un CTE en rappelant que les montants pourraient varier en fonction des objectifs définis contractuellement avec l'agriculteur.

Mercredi 9 décembre 1998

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

Loi d'orientation agricole - Audition de Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du Centre des jeunes agriculteurs (CNJA)

Au cours d'une première séance, tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du Centre des jeunes agriculteurs (CNJA).

A titre liminaire, Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a souligné que ce projet de loi d'orientation agricole répondait à la nécessité de redéfinir les objectifs de la politique agricole et de préparer l'agriculture française aux évolutions en cours au niveau tant communautaire qu'international. Elle a estimé que ce texte devrait contribuer à instaurer une agriculture aux services des hommes. Elle a, en particulier, considéré qu'il devrait favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, une diversification des activités agricoles susceptible de répondre aux attentes des consommateurs en matière de qualité et d'environnement et un meilleur aménagement du territoire.

Indiquant que le CNJA était favorable à la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), elle a fait valoir que ce nouvel outil contractuel, qui associe une approche territoriale et une approche économique, était un moyen de rompre avec les dispositifs actuels, qui conduisaient à une concentration des exploitations et des productions au détriment des jeunes agriculteurs. Elle a également considéré que le CTE devrait permettre d'adapter la politique agricole aux attentes des consommateurs en favorisant la diversification de la production.

Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a ensuite exposé les points lacunaires. Regrettant l'insuffisance des moyens financiers prévus, elle a tout d'abord appelé de ses voeux un allégement des charges fiscales et sociales des exploitants agricoles et une extension des mécanismes d'assurances afin de mieux prémunir les agriculteurs contre les aléas et les risques.

Elle a souligné la nécessité de clarifier la politique de qualité, estimant que faire de l'indication géographique protégée (IGP) un signe d'identification à part entière paraissait incohérent avec la politique menée en matière d'information du consommateur, car celui-ci n'était pas en mesure d'identifier clairement des garanties qui se multiplient.

Elle a, enfin, relevé que les jeunes agriculteurs étaient largement favorables aux dispositions du projet concernant le contrôle des structures -qui pourraient faciliter une véritable politique d'orientation du foncier-, soulignant qu'il s'agissait d'une politique " de priorités et non d'interdits ". Le CNJA, a-t-elle cependant indiqué, demandait que cet aspect soit complété par une véritable politique incitative en faveur de l'installation. Elle a, à ce propos, souhaité une meilleure prise en compte des jeunes qui s'installent hors du cadre familial, en particulier en matière de transmission des baux.

Evoquant le Contrat territorial d'exploitation (CTE), M. Michel Souplet, rapporteur, a tout d'abord indiqué que s'il partageait les objectifs poursuivis par ces contrats, il s'interrogeait sur les moyens mis en oeuvre. Dans cette perspective, il a demandé si le CNJA n'estimait pas que les dispositions relatives au contrôle des structures étaient trop contraignantes. Il a estimé qu'il ne semblait pas souhaitable, par exemple, qu'on puisse imposer à un exploitant agricole qui part à la retraite de céder son exploitation à un jeune agriculteur, s'il a la possibilité de la céder à un prix plus élevé à un exploitant déjà installé, soulignant que pour les agriculteurs la cession de leur exploitation constituait l'équivalent d'une retraite complémentaire. Il a indiqué, à ce propos, qu'il fallait étudier des moyens de favoriser des transitions progressives entre des exploitants partant à la retraite et de jeunes agriculteurs désirant s'installer, soit -comme le proposait M. Jean-Paul Emorine-, en favorisant la mise en place de préretraites conditionnées par la prise en charge d'un jeune, soit en permettant aux jeunes agriculteurs d'acquérir progressivement leur exploitation par le paiement au cédant d'un revenu défiscalisé.

En ce qui concerne la composition des commissions départementales d'orientation agricole, il a demandé quelle était la position du CNJA sur la représentativité des différents membres de ces commissions. Après avoir souligné que la concurrence sur les marchés internationaux des biens agricoles mettait en jeu des modèles d'agricultures très différents, il a, enfin, souhaité que le projet de loi d'orientation agricole contribue au renforcement d'un modèle européen d'agriculture.

En réponse aux questions du rapporteur, Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a apporté les précisions suivantes :

- le renforcement du contrôle des structures des exploitations agricoles ne devrait pas conduire à encadrer trop strictement l'activité des exploitants agricoles, mais à inciter à une réelle concertation ;

- la mise en place d'incitations fiscales à la reprise d'une exploitation agricole est, en effet, de nature à favoriser l'installation de jeunes agriculteurs. Dans cette perspective, le CNJA serait également favorable à ce que la dérogation au principe de non-cessibilité du bail rural, aujourd'hui réservée aux descendants des détenteurs de bail, soit étendue aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s'installer. Il serait, par ailleurs, opportun d'améliorer le dispositif d'exonération des plus-values réalisées lors de la transmission d'une exploitation à un jeune agriculteur, en instaurant un barème progressif lorsque le chiffre d'affaires se situe entre 1 et 2 millions de francs ;

- les règles de représentativité des membres des commissions départementales d'orientation agricole semblent a priori satisfaisantes ;

- il importe que dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, la France mette en avant un modèle d'agriculture respectueux des territoires, de l'environnement et de la qualité des produits. Il serait, dans cette perspective, souhaitable que les contrats territoriaux d'exportation puissent bénéficier d'un financement communautaire.

M. Charles Revet a ensuite estimé qu'en matière de cessibilité du bail rural, il fallait, avant d'introduire une nouvelle dérogation en faveur des jeunes agriculteurs, prendre en considération la situation des propriétaires. Il a ensuite sollicité des précisions sur la position du CNJA en matière de quotas de production et de droit aux aides financières, soulignant que le projet de loi était muet sur ce sujet, qui suscite pourtant de nombreuses difficultés sur le terrain, en particulier pour l'installation des jeunes agriculteurs. Il a enfin souhaité la mise en place de dispositifs facilitant la transmission progressive des exploitations agricoles.

M. Jean Huchon a insisté sur l'insuffisance des financements prévus pour le contrat territorial d'exploitation.

M. Jean-Marc Pastor a souhaité connaître la réaction du CNJA sur les critiques selon lesquelles l'articulation entre les aides publiques et les CTE contribuerait à faire des agriculteurs " des fonctionnaires ". Il s'est également interrogé sur l'opportunité du plafonnement des aides publiques aux exploitants agricoles.

M. Daniel Percheron a souligné la vision volontariste et optimiste du CNJA. Il s'est félicité de ce que, dans un monde marqué par une libéralisation croissante des marchés, l'Europe se singularise par une telle conception de son agriculture. Il a souhaité, à ce propos, connaître la position du CNJA sur la construction européenne.

En réponse aux différents intervenants, Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a apporté les précisions suivantes :

- le CNJA propose, pour éviter les surenchères sur les droits aux aides financières, qu'en cas de cessation d'activité, ces droits soient reversés dans la réserve départementale ;

- la mise en place d'une dérogation aux principes de non-cessibilité des baux ruraux pour l'installation de jeunes agriculteurs consistant simplement à étendre une dérogation qui existe déjà dans la cession à un descendant, le coût pour les propriétaires en semble limité ;

- les préoccupations des jeunes agriculteurs sont les besoins à long terme. De ce point de vue, le projet de loi contient des dispositions intéressantes. Les financements sont, en revanche, globalement insuffisants. Le CTE, en particulier, exigera des cofinancements de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'Europe ;

- le poids de la politique agricole commune dans le budget de l'Union européenne s'explique par le fait que c'est la seule politique réellement commune. Par ailleurs, la mise en place, depuis la réforme de la PAC de  1992, des aides directes aux exploitants a freiné les initiatives des agriculteurs en direction d'une diversification de la production et des modes d'exploitation. C'est pourquoi le CNJA est favorable à des mécanismes de soutien aux produits variables selon la nature du produit et les méthodes d'exploitation ;

- le plafonnement des aides publiques au niveau où il est prévu a un intérêt limité dans la mesure où il ne concerne qu'une minorité d'exploitants.

Loi d'orientation agricole - Audition de Me Bernard Peignot, secrétaire général de l'Association française de droit rural

Puis la commission a entendu Me Bernard Peignot, secrétaire général de l'Association française de droit rural, sur le projet de loi d'orientation agricole.

Me Bernard Peignot, secrétaire général de l'Association française de droit rural, a tout d'abord indiqué qu'il intervenait comme porte-parole de nombreux juristes spécialisés en droit rural et souhaitant apporter leur contribution sur certains points particuliers du projet de loi d'orientation agricole.

En premier lieu, il a évoqué la création, pour les exploitations agricoles, d'un statut juridique adapté aux exigences de leur activité : un " fonds rural " comparable au fonds de commerce, ou au fonds artisanal issu de la loi Madelin.

Constatant la nécessité de faire évoluer le statut du fermage, il a proposé l'établissement d'un bail professionnel d'entreprise plus ouvert, cessible, non limité aux activités de production et à loyer modulable.

Il a estimé souhaitable de tirer les conséquences juridiques de la reconnaissance de la valeur économique et patrimoniale des droits à produire et jugé important que soit rendue possible la reprise par le bailleur, non seulement des surfaces, mais aussi des bâtiments d'habitation non utilisés par le preneur.

Il s'est déclaré favorable à un assouplissement du contrôle des structures, qui devrait donner lieu à des échanges contradictoires devant les commissions départementales d'orientation et auxquels les préfets devraient avoir la possibilité de substituer une simple déclaration.

Regrettant les délais imposés par les juridictions administratives,Me Bernard Peignot, secrétaire général de l'Association française de droit rural, a envisagé la possibilité de confier les contentieux entre bailleurs et preneurs aux tribunaux paritaires des baux ruraux.

M. Michel Souplet, rapporteur, a exprimé des réserves quant au renforcement du contrôle des structures et a demandé des précisions sur les préconisations de la Société des agriculteurs de France (SAF) relatives au " fonds rural " et au statut du fermage.

Me Bernard Peignot a réaffirmé que l'assouplissement du contrôle des structures méritait réflexion, même s'il n'était nullement question de supprimer le dispositif actuel.

Il a ensuite confirmé que la nature administrative des CTE ne les empêchait pas de faire partie des biens incorporels susceptibles de figurer dans le " fonds rural ". Il s'est félicité de ce que le projet de loi envisage la cessibilité du CTE, mais en a regretté la limitation.

Il a, enfin, considéré la possibilité donnée aux bailleurs de reprendre un bâtiment d'habitation inutilisé, comme une réciprocité légitime.

Pour conclure, en réponse à M. Charles Revet, il a rappelé que le " fonds rural " avait vocation à inclure l'ensemble des actifs corporels et incorporels d'une exploitation ; puis il a réaffirmé la valeur patrimoniale des droits à produire.

Résolutions européennes - Agriculture - Réforme de la PAC - Examen du rapport

Enfin, la commission a examiné le rapport de M. Philippe François sur la proposition de résolution n° 488 (1997-1998) de M. Philippe François et plusieurs de ses collègues sur les propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (n° E 1052).

A titre liminaire, M. Philippe François, rapporteur, a rappelé que la proposition de résolution, portait sur les propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune et constituait un des volets du document, appelé communément " Agenda 2000 ", présenté par la Commission européenne en juillet 1997.

Il a souligné que pour la première fois dans l'histoire de la politique agricole commune, on était en présence d'une tentative de réforme " à froid ", la ligne directrice agricole laissant une marge importante, et la Communauté n'ayant pas à gérer d'importants excédents par de coûteuses opérations de stockage ou d'exportations subventionnées.

M. Philippe François, rapporteur, a rappelé que les objectifs poursuivis par la Commission étaient donc, à moyen terme, d'empêcher la réapparition d'excédents non exportables, de rendre la PAC plus facile à défendre dans les futures négociations de l'OMC, de la concilier avec le processus d'élargissement à l'Est, de garantir durablement son financement, enfin de désarmer l'hostilité de certaines fractions des opinions publiques, notamment en mettant l'accent sur l'effort de développement rural.

M. Philippe François, rapporteur, s'est félicité de ce que le Sénat ait constitué, à l'initiative de sa commission des affaires économiques, dès le mois de décembre 1997, une mission d'information sur l'avenir de la PAC pour examiner ces propositions.

Il a constaté que les Chefs d'Etat et de Gouvernement des Quinze, réunis les 15 et 16 juin à Cardiff, avaient manifesté leur volonté de parvenir à un " accord politique " sur l'ensemble des mesures " de l'agenda 2000 " au plus tard en mars 1999, sous présidence allemande de l'Union européenne et avant la campagne des élections européennes.

Après avoir rappelé les objectifs de la présidence autrichienne, il a souligné qu'au mois de septembre, alors que la Commission avait indiqué que les effets de la crise financière russe seraient limités, M. Jacques Santer avait reconnu que cet événement aurait des conséquences sérieuses sur l'équilibre des marchés agricoles de l'Union européenne, surtout sur ceux des viandes bovine et porcine, pour lesquelles la Russie représentait le premier débouché à l'exportation de l'Union.

M. Philippe François, rapporteur, a donc considéré que l'environnement international actuel remettait en cause, provisoirement du moins, les perspectives de développement des marchés mondiaux envisagées.

Il a ajouté qu'au-delà de ces difficultés, certains Etats-membres estimaient leur contribution au budget européen trop élevée. Afin d'éviter tout " cofinancement " national des aides directes de la PAC, il a précisé que certains considéraient qu'une stabilisation des dépenses de l'Union européenne, et notamment celles relatives à la PAC, pourrait s'imposer.

Il a ensuite évoqué un rapport adopté par le Conseil des ministres de l'agriculture, qui devait être transmis au Conseil européen de Vienne à la fin du mois de décembre et dressait l'état d'avancement des discussions sur la réforme de la PAC.

M. Philippe François, rapporteur, a constaté qu'un accord semblait se dégager sur l'opportunité de poursuivre et d'approfondir le processus de réforme dans le secteur des cultures arables, ainsi que dans celui de la viande bovine. Dans le secteur laitier, a-t-il ajouté, des divergences de vues importantes apparaissent, tant sur l'avenir des quotas laitiers que sur la réforme proposée par la Commission, fondée notamment sur une baisse des prix avec, en contrepartie, le versement d'aides directes.

C'est pourquoi, M. Philippe François, rapporteur, a estimé qu'il était aujourd'hui indispensable que le Gouvernement français puisse, dans les semaines à venir, se prévaloir, pour la PAC, d'un document permettant d'affirmer à ses partenaires européens et à la Commission les principes sur lesquels la France ne voulait pas transiger.

Il a, en outre, souhaité que la France se rapproche de l'Allemagne sur la réforme de la PAC.

Il a insisté sur le fait que la proposition de résolution n° 488 avait été adoptée à l'unanimité des membres de la mission d'information sur l'avenir de la PAC au mois de juin dernier et que ce texte répondait parfaitement à cette nécessité.

A la suite des interventions de MM. Jean-Marc Pastor, Charles Revet, Bernard Murat, et Jean Huchon, la commission a adopté le texte de la proposition de résolution présenté par son rapporteur après avoir pris en considération la compensation de la baisse raisonnable des prix dans le secteur céréalier, la nécessaire organisation de la production ovine et porcine, ainsi que les dangers présentés par un cofinancement national excessif de la PAC.

La commission a enfin décidé de fixer au lundi 14 décembre 1998 à 17 heures le délai limite pour le dépôt des amendements sur cette proposition de résolution.

Présidence de M. Jean-François Le Grand, vice-président, puis de M. Jean Huchon, vice-président, puis de M. Jean-Marc Pastor, vice-président, puis de M. Jean Huchon, vice-président. -

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Gérard Chappert, président de la Confédération nationale des syndicats d'exploitants familiaux (MODEF), accompagné de M. Raymond Girardi, secrétaire général du MODEF

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord entendu M. Gérard Chappert, président de la Confédération nationale des syndicats d'exploitants familiaux (MODEF), accompagné de M. Raymond Girardi, secrétaire général du MODEF.

M. Gérard Chappert, président du MODEF, a indiqué que ce projet de loi d'orientation agricole, attendu depuis de nombreuses années, allait dans le bon sens, mais qu'il pouvait encore être amélioré sur plusieurs points, tels que les garanties de revenus des agriculteurs, le soutien à l'installation de jeunes, le financement des contrats territoriaux d'exploitation, les emplois familiaux et l'insaisissabilité du patrimoine et du revenu des exploitants agricoles.

Après avoir souligné que le MODEF avait, dans son ensemble, approuvé les orientations du projet de loi, M. Raymond Girardi, secrétaire général du MODEF, a exposé les différentes modifications que le MODEF souhaiterait voir adopter. Il a, tout d'abord, regretté que l'article premier relatif aux objectifs de la politique agricole ne fasse pas référence à un engagement des pouvoirs publics sur le maintien du revenu agricole.

Rappelant que le MODEF était favorable à la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation, il a souhaité que les modalités de leur financement soient précisées. Il s'est, par ailleurs, félicité des dispositions en faveur de la qualité et de l'identification des produits, mais s'est interrogé sur l'apport des indications géographiques protégées (IGP), autonomes par rapport aux appellations d'origine.

Il a, ensuite, souhaité une revalorisation des retraites des agriculteurs grâce à un alignement des droits des exploitants agricoles sur ceux des autres catégories socio-professionnelles, qui bénéficient dans l'ensemble de régimes plus favorables. Abordant la question de la représentation proportionnelle des organisations professionnelles, il a souhaité la mise en place d'élections à la proportionnelle pour que toutes les organisations puissent être représentées. Il a ensuite indiqué que le MODEF approuvait le renforcement des dispositions relatives à l'insaisissabilité du patrimoine des exploitants agricoles. Il s'est, enfin, prononcé en faveur d'une mesure permettant d'encadrer les relations entre la production et la distribution, et notamment de déterminer, pour les grandes centrales d'achat, un coefficient multiplicateur afin de réduire leur marge.

M. Michel Souplet, rapporteur, a, tout d'abord, souhaité connaître la position du MODEF sur les différentes modalités de plafonnement des aides publiques. Evoquant la réforme du contrôle des structures des exploitations agricoles, il a ensuite souligné la nécessité d'accompagner la politique en faveur de l'installation de jeunes agriculteurs par un système de compensation afin de ne pas léser les exploitants qui, partant à la retraite, se verraient contraints de céder leur exploitation à un jeune agriculteur à un prix moindre que celui qu'ils auraient pu obtenir en la cédant à un exploitant déjà installé et désireux de s'agrandir. Il a, enfin, évoqué la question de la représentativité respective des organisations professionnelles et des associations de consommateurs au sein du conseil supérieur d'orientation agricole et alimentaire.

En réponse au rapporteur, M. Raymond Girardi, secrétaire général du MODEF, a apporté les précisions suivantes :

-  20 % des exploitants agricoles bénéficiant de 80 % des aides publiques, il apparaît souhaitable d'instaurer un plafonnement de ces aides en fonction du chiffre d'affaires des exploitations ;

- le soutien à l'installation de jeunes agriculteurs passe par une revalorisation des revenus des exploitants agricoles, afin d'offrir aux nouvelles générations des perspectives attractives.

M. Gérard Chappert, président de la Confédération nationale des syndicats d'exploitants familiaux, a également apporté les précisions suivantes :

- la coopération agricole a largement contribué au développement de l'agriculture française et au maintien des exploitations agricoles dans les zones rurales en difficulté ;

- les marges prises par les centrales d'achat sur les produits agricoles constituent une spoliation, tant des agriculteurs que des consommateurs. C'est pourquoi l'instauration d'un coefficient multiplicateur apparaît nécessaire.

Evoquant les enseignements qu'il avait retirés de la mission d'information sur la filière fruits et légumes, M. Raymond Soucaret a indiqué que la question du coefficient multiplicateur était extrêmement complexe. S'agissant du plafonnement des aides publiques, il a considéré que cela pourrait contribuer à " moraliser " la répartition des aides. Il s'est toutefois interrogé sur les conséquences de cette mesure sur l'emploi. Il a enfin souligné qu'aujourd'hui, une des principales préoccupations était le nombre très limité de jeunes souhaitant s'engager dans l'agriculture, comme en témoignait la diminution du nombre de candidats dans les écoles relevant de l'enseignement agricole.

En réponse, M. Gérard Chappert, président du MODEF, a indiqué que pour la majorité des produits agricoles, le taux de déchet ne permettait aucunement d'expliquer le niveau du coefficient multiplicateur appliqué par les centrales d'achat. S'agissant du plafonnement des aides publiques, il a estimé que celui-ci affecterait essentiellement les céréaliers et n'aurait donc qu'un impact très limité sur l'emploi, ces exploitants agricoles très mécanisés n'utilisant pas une main-d'oeuvre importante.

M. Jean-Marc Pastor a souhaité connaître la position du MODEF sur les dispositions du projet de loi relatives à la diversification des activités agricoles dans le domaine du tourisme, du commerce et de l'artisanat. Il s'est également interrogé sur l'état des discussions entre les différentes filières nationales fruits et légumes au sein de l'Union européenne.

M. Jean Huchon s'est interrogé sur l'opportunité d'instaurer un cadastre fruitier agricole, soulignant que cette mesure soulevait de nombreuses réticences.

M. Roland Courteau a également souhaité connaître la position du MODEF sur la diversification des activités agricoles.

En réponse, M. Raymond Girardi, secrétaire général du MODEF, a rappelé que le MODEF réclamait depuis longtemps une réelle concertation sur les calendriers d'exportation des fruits et légumes au sein de la communauté. M. Gérard Chappert, président du MODEF, a indiqué que la diversification des activités agricoles au travers d'activités se situant dans le prolongement de l'acte de production ou ayant pour support l'exploitation, comme le tourisme agricole, était une bonne chose pour les agriculteurs. Il a estimé que ces activités n'avaient toutefois pas vocation à devenir la principale source de revenus des exploitants agricoles.

Loi d'orientation agricole - Audition de MM. André Valadier, Jean Quiot et Michel Prugue, Présidents de comités sectoriels de l'Institut national des appellations d'origine (INAO)

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. André Valadier, Jean Quiot et Michel Prugue, présidents de comités sectoriels de l'Institut national des appellations d'origine (INAO).

M. André Valadier, président du comité national des produits laitiers,
a, tout d'abord, rappelé que l'INAO se fondait sur des critères humains et naturels pour assurer la valorisation des produits.

Evoquant la mise en place des indications géographiques protégées (IGP) comme signe autonome d'identification, il a insisté sur la nécessité de ne pas " plaquer " ce nouveau signe sur les sigles existants, afin d'éviter toute confusion, tout en soulignant le rôle que l'INAO pourrait jouer dans l'organisation et l'utilisation des IGP, grâce à la création d'un quatrième collège en son sein. Puis il a évoqué la nécessité de poursuivre avec les interprofessions une démarche partenariale en matière de gestion des enseignes, de préservation des intérêts des producteurs et des transformateurs, et de définition des produits. M. André Valadierprésident du comité national des produits laitiers, a ensuite précisé que les produits biologiques n'étaient susceptibles de recevoir une AOC que s'ils remplissaient des conditions spécifiques que supposait la délivrance de cette appellation. Il a en outre indiqué qu'en matière d'étiquetage, l'INAO recherchait un maximum de transparence sur l'origine et l'identité des produits. Il s'est enfin dit préoccupé par les risques de confusion en matière de logos.

Evoquant à son tour les IGP, M. Jean Quiot, président du comité des vins et eaux-de-vie, a observé que les viticulteurs, sans être directement concernés par ces indications, seraient spécialement attentifs à la prise en compte de la plus-value issue de l'aménagement rural.

Il a déclaré que les problèmes relatifs au rôle et à la place des interprofessions suscitaient des inquiétudes et considéré que le morcellement de celles-ci, possible en raison de la multiplication des filières " biologiques ", n'était pas souhaitable.

Il a, en outre, souligné la nécessité de renforcer le rôle des syndicats, notamment dans la définition des conditions de production et des rendements, et évoqué les discussions en cours au sujet de la mise en bouteille réalisée sur une même aire de production.

M. Michel Prugue, président du comité des produits agro-alimentaires, a ensuite évoqué le risque de fraude à l'utilisation des IGP. Il s'est déclaré soucieux d'un renforcement de la législation en la matière, afin de permettre aux producteurs de bénéficier de la valeur ajoutée née du nouveau dispositif, soulignant la capacité de l'INAO à gérer l'ensemble de ces dossiers. Il a souhaité que ces indications servent à créer de la valeur ajoutée agricole sur les terroirs auxquels elles s'appliqueraient.

En ce qui concerne les questions d'étiquetage, il a considéré que le nom et l'adresse des fabricants devaient figurer en clair sur les étiquettes apposées sur les produits.

Après avoir rappelé l'existence des labels de qualité, des certifications, des AOC et des labels relatifs à l'agriculture biologique, M. Michel Souplet, rapporteur, s'est déclaré préoccupé par la " prolifération des sigles " et par le risque de banalisation des produits qui pourrait en découler.

M. André Valadier, président du comité national des produits laitiers, lui a répondu qu'il partageait ses craintes et qu'il souhaitait que l'INAO participe, en conséquence, à la gestion des IGP. M. Michel Prugue a estimé, sur ce même sujet, qu'il était nécessaire de rechercher " le meilleur positionnement possible " pour éviter d'altérer les signes de qualité existants, en mettant en avant l'origine ou la qualité intrinsèque du produit, et sans utiliser de façon abusive les références géographiques.

A M. Michel Souplet, rapporteur, qui l'interrogeait sur la création de nouvelles filières " biologique " et " montagne ", M. Jean Quiot, président du comité des vins et eaux-de-vie, a répondu qu'il était souhaitable d'éviter d'une part les chevauchements de compétences entre l'INAO et les syndicats, et d'autre part, la multiplication des organismes interprofessionnels.

Après une observation du rapporteur qui évoquait le rôle des représentants des organisations agricoles dans les commissions chargées de gérer les fonds publics, M. André Valadier a observé que la préservation des produits constituait le meilleur gage de la défense des producteurs.

A une autre question du rapporteur sur les dispositions de l'article 43 bis du projet de loi relatives à la mise en bouteille, M. Jean Quiot a rappelé que le droit communautaire interdisait les pratiques déloyales vis-à-vis des embouteilleurs étrangers. Il a estimé que cette opération pouvait être considérée comme l'un des modes de production susceptibles d'améliorer la qualité du produit et, à ce titre, comme l'un des critères de délivrance des labels de qualité.

Puis M. Jean-Marc Pastor a évoqué les problèmes posés aux producteurs de produits " fermiers " par la prolifération des marques commerciales et souligné la nécessité de renforcer l'action promotionnelle en faveur de ces produits. M. André Valadier, président du comité national des produits laitiers, lui a répondu que l'INAO n'exerçait pas de responsabilité directe en matière de soutien promotionnel aux produits fermiers, hormis l'aide -indirecte- qu'elle apportait à ceux qui bénéficiaient d'une AOC. Il a considéré que la promotion des produits résultait avant tout de l'action coordonnée des filières et des interprofessions.

Evoquant, à son tour, la question des marques commerciales, M. Jean Quiot, président du comité des vins et eaux-de-vie, a observé que dans le secteur du vin, l'apparition des marques de distributeurs avait pour conséquence de priver les producteurs d'une partie de la plus-value qu'ils contribuaient à dégager, avant de souligner le rôle essentiel des interprofessions en matière de publicité.

M. Michel Prugue, président du comité des produits agro-alimentaires, a rappelé que le projet de loi renvoyait à un décret la définition des produits fermiers et a souhaité que l'INAO soit associé à la préparation de ce texte.

Répondant à M. Bernard Barraut qui soulignait les risques de confusion entre les volailles certifiées et celles bénéficiant d'un label, M. Michel Prugue a rappelé que des dispositions régissaient les volumes de production par exploitation et le mode d'élevage.

Après s'être déclaré favorable à une simplification des signes de qualité, M. Gérard César a souligné la part importante que l'interprofession devait prendre en ce qui concerne les décisions relatives à la mise en bouteille des vins. M. Jean Quiot a souligné que cette opération n'était possible que dans certains cas très précis, qu'il convenait de satisfaire les demandes issues des interprofessions et de faire preuve de pragmatisme.

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Philippe Brayer, Président de la fédération nationale de la propriété agricole, de MM. Bruno Ronssin, directeur général et Philippe Porteu de la Morandière, secrétaire général

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Brayer, Président de la fédération nationale de la propriété agricole, et de MM. Bruno Ronssin, directeur général et Philippe Porteu de la Morandière, secrétaire général.

M. Philippe Brayer
a tout d'abord évoqué les inquiétudes suscitées par le projet de loi d'orientation agricole chez les propriétaires fonciers, même si le texte actuel ne reprenait pas la proposition de son prédécesseur d'instaurer une cessibilité du bail rural qui, même limitée aux cas d'installation des jeunes agriculteurs, constituait à son sens une atteinte au droit de la propriété.

Il a indiqué que le futur contrat territorial d'exploitation (CTE) concernait non seulement la fonction productive de l'agriculture, mais encore ses fonctions environnementale et d'aménagement du territoire, comme le montraient les premiers exemples de " CTE types " élaborés par les départements. Il a estimé que les propriétaires fonciers étaient concernés au premier chef par la signature des CTE et qu'ils ne devaient donc pas être exclus, comme cela était pourtant proposé, de leur conclusion. Evoquant le souhait des propriétaires fonciers, qui n'avait malheureusement pas été exaucé par le Gouvernement, d'être associés à la signature des CTE, il a convenu qu'une telle solution pourrait présenter certains inconvénients, dans le cas où l'un des propriétaires fonciers d'une exploitation agricole ne serait pas favorable à la conclusion d'un CTE pour cette dernière, même si le régime de multipropriété foncière qui caractérise de nombreuses exploitations n'était pas en soi, à son sens, une cause suffisante pour justifier l'exclusion envisagée des propriétaires fonciers.

M. Philippe Brayer a souhaité que les propriétaires puissent au moins être informés de la conclusion de tels contrats.

Illustrant son propos d'exemples concrets d'élaboration actuelle par les départements de projets de " CTE types ", il s'est inquiété du financement de cette mesure.

Abordant la question de la définition -dans une version élargie- de l'activité agricole par le projet de loi, M. Philippe Brayer a estimé qu'elle avait des conséquences sur la destination des bâtiments agricoles, et donc sur leur régime d'imposition, qui touche directement les propriétaires. Il a évoqué les reclassifications fiscales d'ores et déjà effectuées par certaines communes à la suite de la transformation de granges en gîtes ruraux, alourdissant ainsi la charge de l'impôt pour le propriétaire. Il a jugé souhaitable l'instauration d'une possibilité de location des bâtiments, dont il a estimé qu'elle serait la suite logique d'une réforme du fermage déjà engagée en 1986, par l'individualisation des maisons d'habitation, et en 1995, par la " mise en argent " des locations.

Abordant le thème du renforcement, proposé par le projet de loi, du contrôle des structures agricoles, M. Philippe Brayer a estimé que les dispositions envisagées pourraient avoir des conséquences négatives pour la transmission familiale des exploitations. Il a notamment pris l'exemple d'un propriétaire exploitant qui décéderait, après avoir cédé une partie de son exploitation à son fils, indiquant que ce dernier serait alors dans l'obligation d'avoir à demander l'autorisation de la commission départementale d'orientation agricole (CDOA) pour reprendre l'exploitation de la totalité de la propriété. Il s'est également inquiété des conséquences que pourrait avoir le projet de loi sur la reprise des parts des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC). Jugeant nécessaire le renforcement du contrôle des structures, il a souhaité qu'il s'accompagne toutefois des mesures facilitant les transmissions d'exploitations familiales.

M. Philippe Brayer a déploré que la mise aux normes des bâtiments d'élevage d'une exploitation puisse se faire sans l'avis du propriétaire foncier, celui-ci étant pourtant tenu de verser " l'indemnité au preneur sortant ".

Après avoir regretté que le projet de loi ne propose pas de représentation des propriétaires agricoles au conseil supérieur d'orientation de l'agriculture, il s'est inquiété des propositions d'élargissement du droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et régional (SAFER) à des fins environnementales risquant, selon lui, de priver l'espace agricole de l'accès aux bordures des cours d'eau.

M. Michel Souplet, rapporteur, a tout d'abord interrogé l'intervenant sur les trois derniers alinéas de l'article 10 ter du projet de loi d'orientation agricole, relatifs au droit de reprise en cas de vente des maisons d'habitation. Après la réponse de M. Philippe Brayer, il a considéré que le bail rural de demain pourrait utilement dissocier le bâti du non-bâti et instaurer sur le bâti un droit de reprise du propriétaire.

M. Philippe Brayer a estimé que l'agriculture avait besoin de bâtiments modernes et que certaines granges anciennes, si elles présentaient un intérêt architectural et paysager indéniable, n'étaient pourtant pas adaptées à ces besoins. Il a souhaité que ce type de bâtiment puisse être dissocié du reste du bail rural, afin d'être mieux valorisé.

M. Michel Souplet, rapporteur, a souhaité que le projet de loi dispose que les propriétaires soient informés de la signature d'un CTE sur leur propriété. Il a également appelé de ses voeux une information des propriétaires fonciers, et non seulement de l'administration, comme cela est prévu dans le projet de loi, deux ans avant le départ à la retraite des exploitants.

M. Philippe Brayer a jugé ces propositions tout à fait positives, indiquant qu'elles permettraient aux propriétaires fonciers de favoriser davantage l'installation des jeunes agriculteurs.

M. Michel Souplet, rapporteur, a ensuite estimé nécessaire que les représentants de la propriété foncière siègent au conseil supérieur d'orientation de l'agriculture.

En réponse à une question sur ce sujet de M. Michel Souplet, rapporteur, M. Philippe Brayer a estimé que la question de l'épandage, sur les sols agricoles, des boues de stations d'épuration était l'une des questions les plus préoccupantes du moment. Souhaitant transmettre aux générations futures des sols à même de produire l'alimentation de demain, il a redouté que l'épandage des boues d'épuration ne puisse, à terme, les contaminer. Il a estimé que l'avancée des connaissances pourrait, peut-être, identifier, à l'avenir, un tel risque. Il a souhaité qu'un vaste débat s'engage sur cette question, autour d'une expertise scientifique. Indiquant que l'épandage d'une tonne de boue sur les terres agricoles coûtait 200 F, contre 600 F pour son incinération, il a redouté que la logique économique de court terme, tendant à privilégier la première solution, ne prive notre pays de solutions alternatives pourtant plus satisfaisantes sur le long terme.

M. Bruno Ronssin a indiqué que le ministère de l'agriculture proposait actuellement de mettre en place une information du propriétaire sur l'épandage de boues d'épuration sur sa propriété foncière. Il a jugé cette proposition très défavorable, en l'absence d'une réelle marge d'action pour le propriétaire, puisqu'une récente jurisprudence de la cour de cassation conduirait dans ce cas à rendre ce dernier responsable d'éventuelles pollutions auxquelles il n'aurait pourtant pas eu les moyens de s'opposer.

M. Jean-Pierre Plancade a jugé cette question très préoccupante, considérant en outre que les besoins allaient croissant avec la taille des agglomérations concernées.

M. Philippe Brayer a estimé qu'une éducation environnementale de la population était encore à mener en la matière, l'expérience indiquant que les stations d'épuration recueillent des déchets -comme les hydrocarbures- qui ne seraient pas présents si les comportements de nos concitoyens étaient plus civiques. Il a précisé que l'épandage des boues d'épuration concernait 3 % du territoire national.

M. Philippe Porteu de la Morandière, secrétaire général, a jugé indispensable d'accroître en la matière la transparence des pratiques agricoles, sans pour autant s'ingérer outre mesure dans le mode de gestion des exploitations agricoles.

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Joseph Ballé, président de la confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (CNMCCA), et de la confédération française de la coopération agricole (CFCA), accompagné de M. Roland Combier, directeur général de la CNMCCA et de Mme Catherine Lion, directeur adjoint de la CFCA

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Joseph Ballé, président de la confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (CNMCCA), etde la confédération française de la coopération agricole (CFCA), accompagné de M. Roland Combier, directeur général de la CNMCCA et de Mme Catherine Lion, directeur adjoint de la CFCA.

M. Joseph Ballé a rappelé, à titre liminaire, que, dès qu'elle avait eu connaissance du projet de loi d'orientation agricole adopté en conseil des ministres le 10 juin dernier, la CNMCCA avait marqué son souci de voir défini un projet pour l'agriculture française avant que ne s'achèvent les négociations européennes relatives à la réforme de la PAC ou que ne soient reprises les discussions liées à l'organisation mondiale du commerce.

M. Joseph Ballé a également souligné que le texte de ce projet avait le mérite de proposer certains axes précis d'évolution comme :

- la reconnaissance du rôle et de la contribution de l'agriculture en faveur de l'activité économique, l'emploi en milieu rural et l'occupation équilibrée du territoire ;

- la prise en compte des préoccupations environnementales et la promotion de formes d'agriculture plus soucieuses de la préservation des ressources et des espaces naturels.

Se disant satisfait par ces objectifs, il a toutefois regretté que le dispositif, pris dans son ensemble, ne permette pas de répondre à l'ensemble des problèmes qui allaient se poser à l'agriculture française dans les prochaines années, notamment sur le plan économique.

M. Joseph Ballé a ensuite exposé les principales modifications introduites par l'Assemblée nationale, non sans constater que certaines des préoccupations qui étaient les siennes avaient été au moins partiellement prises en compte. Ainsi :

- l'article 1 fait désormais figurer, parmi les objectifs de la politique agricole, d'une part, le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables et, d'autre part, le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières ;

- l'article 2 précise que le contrat territorial d'exploitation (CTE) a pour objectif de développer un projet économique global intégrant les trois fonctions de l'agriculture ;

- un nouvel article redonne sa place à l'organisation économique des producteurs ;

- un conseil supérieur des exportations est créé.

Il a cependant indiqué que, malgré ces améliorations, certaines de ses critiques restaient d'actualité.

Il a ainsi relevé une certaine dualité entre, d'un côté, un projet de loi certes amendé mais encore très fortement tourné vers des problèmes de structures qu'il n'a pas jugé essentiels (définition de l'activité agricole, définition de l'exploitant agricole, registre de l'agriculture, contrôle des structures) et, de l'autre, la réalité économique d'une agriculture française aujourd'hui exportatrice en Europe et dans le monde, qui détient de solides positions de marché, s'appuyant sur une industrie agro-alimentaire compétitive et créatrice d'emplois, notamment en milieu rural, mais dont la position n'est pas encore définitivement acquise.

M. Joseph Ballé a, d'autre part, insisté sur les conséquences de la mondialisation.

Il a, en outre, souligné la pression croissante exercée par la grande distribution sur les marges des producteurs et des industries agro-alimentaires. Il en a déduit que, sauf à en accepter le déclin, il convenait de s'interroger en priorité sur les mesures à mettre en oeuvre pour permettre à l'agriculture française de conserver sa compétitivité.

A cet égard, a-t-il précisé, la politique de qualité que préconise le projet de loi est dans son principe une bonne chose. Mais il a regretté que, dans l'état actuel des textes, elle repose en grande partie sur une opposition entre signes d'identification de l'origine et signes de qualité des produits ne correspondant ni à la réalité des marchés, ni à l'intérêt des consommateurs, ni à celui des producteurs. Il a jugé qu'intégrer les indications géographiques protégées dans la législation française sans les lier aux signes de qualité que sont les labels et les certificats de conformité serait une erreur.

Il a ensuite jugé nécessaire de gérer les " créneaux " biologiques et du " produit fermier " au sein de chacune des filières, pour mieux assurer l'adaptation de l'offre à la demande.

Quant à la multifonctionnalité, M. Joseph Ballé a considéré qu'il convenait d'en percevoir les limites. Une agriculture " de jardinage ", assistée, ne trouvant sa rémunération que dans les concours publics, ne serait pas longtemps acceptée par le corps social.

De même, a-t-il estimé, les autres acteurs de l'espace rural ne pourraient accepter une forme de concurrence qui prendrait des aspects déloyaux. L'agriculteur doit donc avant tout pouvoir continuer à exercer son métier de producteur et de transformateur.

C'est pourquoi, a-t-il souligné, il convient de se préoccuper des moyens à mettre en oeuvre pour conforter l'agriculture et le secteur agro-alimentaire français, et lui permettre de garder sa place dans la compétition internationale.

M. Joseph Ballé a ensuite exposé les mesures qu'il jugeait nécessaires afin d'atteindre cet objectif :

- des mesures fiscales tout d'abord, dont il a regretté l'absence ;

- des réflexions sur la mise en place de nouveaux instruments, en s'interrogeant sur la mise en oeuvre de formules généralement qualifiées " d'assurance-revenu ", comme il en existe déjà chez certains de nos concurrents, voire sur la mise en oeuvre d'autres instruments financiers de gestion des marchés ;

- de mesures relatives à l'amélioration de la compétitivité des exploitations, en particulier en faveur de la promotion de l'agriculture raisonnée et de l'engagement volontaire des agriculteurs dans l'amélioration de leurs pratiques agricoles.

Il a estimé que l'intégration des préoccupations environnementales dans l'activité économique dépendait davantage du recours à de telles politiques que de la mise en place d'une fiscalité écologique en grande partie inefficace et inadaptée.

Abordant les contrats territoriaux d'exploitation (CTE), il a considéré qu'ils constituaient -comme la langue au sens d'Esope- " la meilleure ou la pire des choses ".

Il a jugé que tout dépendrait du dosage précis qui serait opéré entre contraintes environnementales, préoccupations d'aménagement du territoire et projet économique.

Il a souhaité que les CTE permettent de mettre en place des projets économiques le plus souvent collectifs, reliés aux grandes politiques de filières et aux réalités des bassins de production, permettant certes d'intégrer les préoccupations spatiales et environnementales et de les financer, mais prenant d'abord en compte l'évolution des marchés.

Il a d'autre part regretté que le financement des CTE demeure une " grande inconnue ".

M. Joseph Ballé a enfin déploré deux " adjonctions regrettables " de l'Assemblée nationale au projet de loi.

En premier lieu, il a regretté que l'article 29 sexies prévoie la nomination d'un commissaire du gouvernement habilité à participer aux séances des instances dirigeantes de la Caisse centrale de mutualité agricole. Il a jugé ce commissaire dépourvu de pouvoir de décision, et son rôle inutile et redondant.

En second lieu, il s'est opposé à la notion d'insaisissabilité de l'habitation principale, -par assimilation aux règles appliquées aux ménages en grande difficulté financière- qui, à son sens, risquerait de rendre difficiles certaines transmissions.

M. Roland Combier, directeur général de la CNMCCA, a ensuite affirmé sa préférence pour une gestion régionale des CTE, la région lui semblant être un cadre plus adapté que le département à la réalité économique. Il a ainsi proposé que les CTE soient rendus cohérents avec les orientations des contrats de plan Etat-région. Il a, d'autre part, souhaité que ne soient pas pris en compte les projets à caractère particulier.

Il a ensuite regretté que soit fait référence, dans le projet de loi, à la politique d'aménagement du territoire.

Concernant l'article 4, il s'est déclaré favorable à un assouplissement du plafonnement des aides.

Il a estimé que le seuil de 5 salariés, appliqué aux titres d'emplois simplifiés agricoles, était trop faible.

S'agissant des productions biologiques, il s'est prononcé en faveur d'une coordination entre les filières " bio " et les interprofessions existantes, qui pourraient ainsi être dotées d'une " section bio ".

Il a également souhaité que soient conclus des " accords de crise " dans le cadre des interprofessions, et que les indications géographiques protégées restent liées aux labels et aux certifications de produits.

Mme Catherine Lion, directeur adjoint de la CFCA, a ensuite souligné les problèmes d'application posés par les articles 12 bis et 12 ter et leurs conséquences néfastes sur l'installation des jeunes. Elle a également regretté la nomination d'un commissaire du Gouvernement pour participer aux séances de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, telle que le prévoit l'article 29 sexies de la loi.

En réponse à M. Michel Souplet, rapporteur, et à M. Marcel Deneux, M. Joseph Ballé a précisé qu'une assurance " chiffres d'affaires " serait utile, et qu'un tel dispositif, s'il avait été mis en place plus tôt, aurait pu épargner aux éleveurs de porcs les difficultés qu'ils ont traversées récemment.

Il a précisé, en réponse à M. Marcel Deneux, que l'influence de la grande distribution, d'une part, et du pouvoir du marché financier, d'autre part, irait en s'accentuant. Pour faire face à cette évolution, il a préconisé une organisation renforcée des interprofessions agricoles, afin de constituer des interlocuteurs de poids face à la grande distribution.

Il a ensuite considéré que les produits biologiques répondaient à une demande des consommateurs, mais qu'ils devaient, de préférence, être pris en charge par les structures existantes.

M. André Lejeune s'est alors étonné de l'opposition manifestée par M. Joseph Ballé à tout lien entre les CTE et la politique d'aménagement du territoire.

M. Roland Combier a précisé, à l'intention de M. Marcel Deneux, que l'insaisissabilité de l'habitation principale pouvait être un obstacle à une cession ; Mme Catherine Lion a ajouté qu'une telle mesure aurait de surcroît pour effet de favoriser l'agrandissement des exploitations plutôt que l'installation d'agriculteurs. Elle a, en outre, précisé que la possibilité de la mention géographique devait être étendue aux labels, dans la mesure où elle existait pour tous les produits " basiques ".

En réponse à M. Michel Souplet, rapporteur, M. Roland Combier a insisté sur la nécessité de clarifier les systèmes de retraites agricoles, et s'est prononcé en faveur d'une retraite complémentaire obligatoire.

Souscrivant aux conclusions du rapport de M. Régis Bouche sur l'agriculture face aux risques climatiques, il s'est prononcé en faveur d'une " assurance récolte ", et d'une expérimentation " d'assurance chiffre d'affaires ".

Il a enfin précisé que le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire témoignait d'une perception " en creux " de l'espace rural, d'où ses réserves concernant un éventuel lien entre les deux projets de loi.

En réponse à M. Marcel Deneux, Mme Catherine Lion, directeur adjoint de la CFCA, a rappelé que le projet de loi transposait, pour partie, deux décrets d'exemption. Elle a reconnu que le ministère des finances était réservé sur ce sujet.

M. Jean Huchon, président, a insisté sur l'importance des relations entre la grande distribution et les producteurs.

M. Joseph Ballé, président de la confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (CNMCCA), et président de la confédération française de la coopération agricole (CFCA), en guise de conclusion, a également insisté sur cette concentration de la distribution et sur la nécessité, pour les producteurs, de s'y adapter.

Jeudi 10 décembre 1998

- Présidence de MM. Jean Huchon, puis Jean-Marc Pastor, vice-présidents. -

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, sur le projet de loi d'orientation agricole.

Après avoir souligné que l'organisation syndicale à laquelle il appartenait, avait accueilli très positivement, en 1996, l'annonce, par le Président de la République, d'une loi révisant en profondeur la politique agricole française,M. Dominique Chardon a évoqué les acquis très positifs de cette politique depuis 1960. Ainsi, a-t-il rappelé, à travers des exploitations performantes, que l'agriculture s'est développée dans le cadre communautaire, affirmant une place de première importance, tant au niveau des exportations que des emplois.

Il a fait valoir que les nouvelles orientations de cette politique devaient préserver l'activité économique des exploitations agricoles, considérées désormais comme de véritables entreprises, leur permettre de s'adapter aux évolutions des marchés communautaire et mondial et répondre aux exigences nouvelles des consommateurs sur le plan qualitatif. Au-delà, il a jugé que la politique des pouvoirs publics devait favoriser la multifonctionnalité de l'activité agricole, à savoir la gestion des territoires, la préservation des ressources naturelles et le développement de l'emploi.

Il a fait remarquer, à ce sujet, la difficulté qu'il pouvait parfois y avoir à s'adapter aux exigences de la concurrence internationale, en préservant dans le même temps les territoires et les ressources naturelles.

M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a partagé certaines des orientations du projet de loi, tout en déplorant de ne pas y retrouver les éléments qui reconnaissent le rôle de l'entrepreneur agricole (responsable et autonome). Il a rappelé que l'agriculteur ne pouvait pas être considéré comme un simple fournisseur de matières premières, mais qu'il devait bénéficier d'une partie de la valeur ajoutée.

S'agissant de la politique de qualité des produits, il a jugé que la multiplication des signes d'identification rendait très difficile toute action de communication, alors qu'il était important de mettre en valeur les territoires et de favoriser la traçabilité des produits.

M. Dominique Chardon a considéré que le contrat territorial d'exploitation constituait un outil intéressant, à condition qu'il ne conduise pas à favoriser les seules fonctions de protection de l'environnement. Il s'est déclaré déçu de la faiblesse des moyens financiers prévus pour la mise en oeuvre du CTE et a rappelé que celui-ci devait être accessible à tous et non pas réservé aux seuls agriculteurs qui s'engageraient sur la fonction environnementaliste.

Il s'est enfin déclaré en faveur du fonds de valorisation et de communication sur l'agriculture pour aider l'agriculture française à communiquer sur des questions horizontales concernant les liens entre l'agriculture et la société (sécurité alimentaire, gestion du territoire...).

M. Désiré Debavelaere a craint que ce projet de loi d'orientation agricole n'entraîne à terme une renationalisation des aides communautaires, risquant ainsi de faire voler en éclats la politique agricole commune. Il s'est demandé si, à l'heure des négociations sur l'avenir de la PAC, les partenaires européens de la France accepteraient de financer des projets définis strictement sur des critères nationaux.

M. Gérard César a demandé s'il convenait de supprimer ou d'amender l'article 6 du projet de loi et si la faiblesse des moyens prévus pour le CTE ne risquait pas de transformer ce dernier en carcan administratif sans contrepartie financière. Il s'est déclaré partisan d'une loi d'orientation qui aille très loin dans la définition des dispositifs et s'est inquiété d'un projet de texte réglementaire ouvrant la composition des commissions départementales d'orientation agricole aux associations de consommateurs et de protection de l'environnement.

Soulignant le rôle de M. Dominique Chardon, en tant que président de la Société de promotion des exploitations de produits agricoles, il lui a demandé ce qu'il pensait de la création du fonds de valorisation et de communication.

M. Marcel Deneux a estimé que le contrat territorial d'exploitation représentait un tournant fondamental dans les orientations de la politique agricole française et il s'est interrogé, dans ce nouveau contexte, sur les capacités des organisations professionnelles et syndicales à poursuivre avec le Gouvernement en place la politique de cogestion menée jusqu'à présent. Il a noté, à ce sujet, tout l'intérêt qu'il y aurait à organiser un colloque sur la cogestion de la politique agricole menée depuis trente ans. Il s'est enfin interrogé sur la réalité du pouvoir exercé par les agriculteurs si leur activité n'était pas reconnue comme créant de la valeur ajoutée.

Il a fait remarquer, enfin, que le financement communautaire des CTE serait pris sur le FEOGA-orientation (Fonds européen d'orientation et de garantie agricole) à travers une ligne spécifique consacrée à l'aménagement rural.

Leur répondant, M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a rappelé que l'organisation syndicale qu'il représentait avait clairement pris position en faveur de la politique agricole commune.

En ce qui concerne la politique de cogestion, il a considéré que l'Etat devait exercer ses responsabilités dans la définition des normes et des orientations, mais que la cogestion s'imposait pour la mise en oeuvre de ces dernières. Il a souhaité, à cet égard, que l'Etat s'investisse dans son rôle de partenaire.

M. Dominique Chardon a ajouté, à propos du CTE, qu'il plaidait dans le même temps pour la simplification des contraintes administratives qui pèsent d'ores et déjà sur les agriculteurs.

S'agissant de la promotion de l'agriculture et de ses productions, il s'est déclaré en faveur du fonds de valorisation et de communication qui ne doit pas faire double emploi avec le travail de communication par filière.

M. Michel Souplet, rapporteur, est intervenu pour démontrer tout l'intérêt qu'il y aurait à définir un modèle européen de l'exploitant agricole s'inspirant du modèle français. Il a souhaité, à propos des critiques émises à l'encontre des agriculteurs, que soit comparé le statut fiscal de ces derniers aux régimes en vigueur pour les artisans et les commerçants.

S'agissant de la question de la représentativité syndicale, il a fait valoir l'intérêt qu'il y aurait à conforter la reconnaissance du fait majoritaire.

En ce qui concerne les produits biologiques et de la montagne, il s'est déclaré en faveur de la création de sections spécifiques les représentant au sein des interprofessions par produit.

Enfin, en ce qui concerne le problème fondamental de l'installation des jeunes, M. Michel Souplet, rapporteur, a souhaité que soient adoptées des mesures fiscales réellement incitatives. Il a ainsi suggéré que soit défiscalisée la rémunération que le cédant obtiendrait, s'il laissait son capital dans l'entreprise agricole reprise par un jeune agriculteur.

Lui répondant, M. Dominique Chardon, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a indiqué que sa fédération proposait une mesure qui exonérait de l'imposition des plus-values professionnelles la cession du capital, si la transmission de l'exploitation agricole se faisait sous forme de viager ou de location-vente.

S'agissant des critiques sur le régime fiscal des agriculteurs, il a souligné qu'il s'agissait d'un débat ancien, où l'organisation syndicale qu'il représentait avait proposé à plusieurs reprises d'apporter des réponses constructives.

Il s'est déclaré très favorable à la reconnaissance du fait majoritaire dans la représentation syndicale du monde agricole.

En concluant sur l'avenir de la politique agricole commune, M. Dominique Chardon a souligné qu'une nouvelle baisse des prix institutionnels ne serait pas sans conséquence sur la viabilité économique d'un certain nombre d'exploitations agricoles. Il a jugé qu'il fallait soutenir la responsabilité de l'agriculteur dans son activité de production de valeur ajoutée.

Groupe d'études sur l'eau - Présentation du rapport d'information

La commission a ensuite adopté le rapport d'information rendant compte du colloque organisé le 20 octobre 1998 sur les agences de l'eau et la taxe générale sur les activités polluantes.

Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, puis de M. Jean Huchon, vice-présidents. -

Loi d'orientation agricole - Audition de Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC) et de M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC) et de M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC),
a tout d'abord indiqué que l'UFC était, depuis la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, mieux associée aux problématiques agricoles et participait, pour la première fois, à la concertation préalable à l'adoption d'un projet de loi d'orientation agricole. Elle a exprimé les quatre objectifs que devait, selon l'UFC, se fixer l'agriculture : le respect de l'environnement, la sécurité sanitaire, la diversité et la qualité des produits alimentaires. Elle a estimé que ces préoccupations étaient, à l'issue de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale, désormais inscrites dans l'article premier du texte en discussion.

Mme Lydie Roux a ensuite abordé le titre premier du projet de loi, relatif aux contrats territoriaux d'exploitation (CTE). Elle a considéré que ces derniers devaient mieux prendre en compte la sécurité et la qualité des productions, contreparties à son sens indispensables au financement public des CTE.

Au sujet du titre III, relatif à l'organisation économique, elle a jugé que le texte du projet de loi allait dans le " bon sens ", mais qu'il ne consacrait qu'une faible participation des consommateurs. Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'UFC, a pourtant rappelé que l'intervention des associations de consommateurs dans le domaine agricole n'était pas un facteur de blocage, mais bien au contraire un élément de résolution des conflits d'intérêts, comme l'avait montré l'instauration de la traçabilité des produits dans la filière bovine française. Elle a ainsi souhaité que l'article 33 du projet de loi permette une participation des associations représentatives de consommateurs aux interprofessions agricoles.

Abordant le titre IV du projet de loi, relatif aux signes de qualité et d'identification, Mme Lydie Roux a tout d'abord estimé que la sécurité sanitaire n'était pas un critère de qualité, mais un préalable indispensable dû aux consommateurs. Evoquant les quatre signes officiels de qualité -label, certification, appellation d'origine contrôlée (AOC), et sigle " AB " de l'agriculture biologique- et les signes européens dont l'indication géographique de provenance (IGP), elle a estimé que cette multiplication pourrait induire le consommateur en erreur.

Elle a rappelé la différence essentielle à son sens entre les labels, qui répondent à un cahier des charges précis, dont le respect est contrôlé par un tiers, et les AOC, qui ne sont qu'une reconnaissance de provenance géographique et n'emportent nullement de contrôle du produit lui-même.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a redouté que la mise en place d'une IGP autonome ne soit le prélude à une consécration des signes de provenance géographique au détriment des signes de qualité, ce qui nuirait à son sens à la bonne information du consommateur.

Considérant que des articles nouveaux relatifs à la surveillance biologique et à la sécurité sanitaire avaient été ajoutés au projet de loi initial par l'Assemblée nationale, Mme Lydie Roux a souhaité que ces articles soient regroupés dans un nouveau titre du projet de loi, intitulé " Sécurité des produits agricoles " et que les administrations qui s'occupent conjointement du contrôle des produits alimentaires -la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes et la Direction générale de l'alimentation- y soient plus étroitement associées.

Sur le titre VI du projet de loi, relatif à la formation des personnes, Mme Lydie Roux a souhaité que les programmes d'enseignement agricole intègrent les préoccupations de qualité et de sécurité alimentaires qui sont celles des consommateurs. Elle a précisé, à ce sujet, que l'UFC était souvent sollicitée par les lycées d'enseignement agricole pour intervenir sur ces questions.

M. Michel Souplet, rapporteur, a estimé que, si les lois d'orientation agricoles de 1960 et 1962 avaient fixé un objectif essentiellement économique à l'agriculture, la qualité n'en était pas pour autant absente. Cette préoccupation devenait, a-t-il poursuivi, une obligation accrue pour l'agriculture d'aujourd'hui.

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi, qui comportait une soixantaine d'articles dans sa version initiale, avait été modifié par l'Assemblée nationale et qu'il comptait désormais 106 articles, avant même que le Sénat n'y apporte ses propres améliorations.

Relevant l'importance des sujets soulevés par les intervenants de l'UFC, M. Michel Souplet, rapporteur, est revenu sur la structuration des interprofessions agricoles, et sur la question de la représentation de l'agriculture de montagne et de l'agriculture biologique en leur sein. Il a interrogé les intervenants sur la question des IGP.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a estimé que la question de la structuration des interprofessions était interne au monde agricole, mais que l'UFC souhaitait toutefois que tous les " maillons " de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur, y soient représentés.

Mme Lydie Roux a considéré que l'appellation " montagne " ne devait pas être entendue comme un signe de qualité, mais uniquement comme une appellation géographique.

M. Michel Souplet, rapporteur, a corroboré l'analyse de l'UFC sur la surabondance des signes et appellations, estimant que l'intervention de l'IGP à titre autonome n'allait pas dans le sens de la pourtant nécessaire clarification pour les consommateurs.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a jugé que la mise en place d'une IGP autonome comme signe d'identification ne simplifiait pas la situation et qu'il convenait plutôt de privilégier les signes de qualité sur les appellations géographiques.

M. Nicolas Larmagnac a indiqué que la législation française comportait déjà des appellations d'origine et que ces nouveaux signes ne faisaient que s'ajouter au corpus existant, risquant même de le remettre en cause.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a précisé que la qualité et l'origine des produits étaient deux informations distinctes mais toutes deux nécessaires à l'information du consommateur.

M. Michel Souplet, rapporteur, s'est inquiété du risque de banalisation des différents labels et appellations, consécutif à leur multiplication.

Mme Lydie Roux a ajouté que des appellations professionnelles avaient en outre vu le jour, en dehors de toute réglementation.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que les territoires avaient toutefois besoin des appellations géographiques, qui leur permettaient d'engager une démarche de qualité pour leurs productions.

M. Bernard Piras, après avoir demandé des précisions sur l'appréciation que faisait l'UFC du contrat territorial d'exploitation, a considéré que le débat entre les signes d'identification était complexe, les deux objectifs de préservation de l'information des consommateurs et de la valorisation des territoires devant être conciliés.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a précisé que l'UFC s'était opposée à la rédaction initiale de l'article 2 du projet de loi, relatif au CTE, qui ne prenait pas en compte les nécessités de qualité et de diversité des produits agricoles, ni de respect de l'environnement, qui lui paraissaient pourtant des contreparties légitimes au financement public de ce contrat.

Revenant sur la question des labels et appellations, s'il a jugé utile que les consommateurs connaissent la provenance des produits alimentaires, il a souhaité que l'accent soit davantage mis sur les signes certifiant la qualité de ces produits, à son sens plus significatifs, estimant regrettable qu'actuellement le " jambon de Bayonne " soit produit par 22 départements français.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a en outre considéré que le projet de loi n'amorçait pas la réflexion, pourtant nécessaire, sur l'encadrement des signes élaborés par les professionnels, tels que : " produit certifié ", ou " filière qualité ", qui brouillaient parfois le message adressé aux consommateurs.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que la puissance financière de certains groupes, et notamment de la grande distribution, pouvait soudainement faire exister, au moyen de campagnes publicitaires de grande ampleur, des signes de qualité " privés ", qui pourraient, à tort, être perçus par le consommateur comme des labels et appellations d'intérêt général.

M. Michel Souplet, rapporteur, a ensuite estimé que le fonds de communication pour l'agriculture, que le projet de loi tendait à mettre en place, pourrait expliciter la vocation de l'agriculture française, notamment auprès des pays en voie de développement.

M. Nicolas Larmagnac a jugé que l'éloignement actuel entre les consommateurs et l'agriculture résultait de la non-participation, longtemps de mise, des consommateurs aux débats agricoles jusqu'à la crise, majeure, qu'avait connue l'Europe avec l'encéphalopathie spongiforme bovine.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a déclaré qu'une loi d'orientation avait pour vocation de proposer des schémas nouveaux pour l'agriculture de demain. Il a estimé que l'agriculture française avait une vocation mondiale.

M. Michel Souplet, rapporteur, a considéré que l'agriculture européenne était soumise à des contraintes d'environnement et d'aménagement du territoire qui ne s'imposaient pas toujours aux cinq autres grands pays exportateurs qui étaient : la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis, l'Australie, le Canada et l'Argentine. Il a souhaité la définition d'un modèle agricole français et européen centré sur la notion de qualité, rémunéré sur une base plus large que celle des seuls cours agricoles mondiaux.

Rappelant que la France était l'une des principales puissances agricoles mondiales, M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a estimé que les contraintes environnementales s'imposaient à un nombre croissant de pays. Il a à cet égard rappelé que l'agriculture biologique américaine s'interdisait l'utilisation de produits génétiquement modifiés. Il a indiqué que l'UFC proposait que les organismes génétiquement modifiés soient exclus de la composition des produits alimentaires labellisés.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que l'appellation " bio " n'était pas, à l'heure actuelle, une réelle garantie de la qualité des produits concernés.

M. Jean Bizet a considéré qu'en matière de sécurité sanitaire, l'exigence était plus forte pour les produits issus de l'agriculture traditionnelle que pour ceux de l'agriculture biologique. Il a redouté des déconvenues futures, en la matière, soit pour les consommateurs, soit pour les producteurs.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a rappelé que l'UFC, si elle ne prônait pas " à tout crin " l'agriculture biologique, considérait cependant que cette méthode productive avait un intérêt essentiellement environnemental, les résultats étant moins probants en matière de qualité des produits.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a rappelé que la France était actuellement importatrice de produits biologiques, mais que les grands groupes français de l'industrie alimentaire investissaient désormais dans ce secteur.

Il a estimé que l'apposition du signe " AB " emportait une obligation de moyens, mais non de résultats. Il a précisé toutefois que des analyses comparatives récentes, menées sur des salades, avaient montré que les résidus de pesticides étaient plus nombreux dans les salades produites traditionnellement que dans celles issues de l'agriculture biologique. Il a considéré que les règles européennes en cours d'élaboration sur les produits biologiques seraient moins contraignantes que la réglementation française actuelle.

Un échange de vues s'est ensuite instauré entre M. Jean-Pierre Raffarin, président, et M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, sur les modalités de participation des associations de consommateurs à l'évaluation des contrats territoriaux d'exploitation.

Loi d'orientation agricole - Audition de M. Hervé Morize, secrétaire général de la Société des agriculteurs de France (SAF)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Hervé Morize, secrétaire général de la Société des agriculteurs de France (SAF).

M. Hervé Morize a regretté, en premier lieu, l'incapacité du projet de loi d'orientation à apporter des réponses aux incertitudes relatives aux marchés mondiaux, aux négociations commerciales internationales et à la variabilité des prix et des revenus agricoles.

Relevant que l'essentiel de ce texte s'articulait autour des CTE, il a indiqué que si ces contrats pouvaient s'avérer utiles au maintien d'une filière ou d'un tissu régional agricoles, leur généralisation risquerait, à terme, de mettre en péril le financement de divers types d'aides, et pourrait donner lieu à un détournement des dépenses communautaires qui menacerait l'existence même de la PAC.

S'agissant du contrôle des structures, il a mis en garde contre un excès de contraintes et a plaidé pour une meilleure adaptation des conditions de transmission de l'outil de travail.

M. Hervé Morize, secrétaire général de la SAF, a ensuite déclaré que la SAF appelait de ses voeux la création d'un " fonds agricole " incluant des valeurs incorporelles telles que les droits à produire, et qu'elle préconisait l'introduction de baux professionnels d'entreprises agricoles.

Plus généralement, M. Hervé Morize, secrétaire général de la SAF, a estimé souhaitable toute mesure de modernisation qui rapprocherait le statut de l'exploitation agricole de celui d'une entreprise industrielle ou commerciale.

Répondant à M. Michel Souplet, rapporteur, M. Hervé Morize a approuvé l'idée d'une étude comparant tous les aspects des environnements respectifs du secteur agricole et des autres acteurs ruraux. Il s'est montré réservé sur la possibilité d'élaborer un modèle d'agriculture européen à partir du modèle français. Il a, enfin, fait valoir que les filières d'apprentissage offraient des opportunités non négligeables pour favoriser l'installation des jeunes.

S'agissant de l'environnement des entreprises agricoles, M. Gérard Larcher a envisagé la possibilité de mettre en place une " fiscalité discriminatoire positive " en vue de favoriser le maintien de l'activité dans les zones rurales.

M. Jean Bizet a fait référence aux zones de revitalisation rurale.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a insisté sur le fait qu'une étude comparative des environnements d'entreprises devrait précisément prendre en compte l'ensemble des aides locales.

Il a ensuite souligné à la fois les difficultés probables de mise en oeuvre et tout l'intérêt du dispositif fiscal évoqué par M. Gérard Larcher.

Enfin, M. Michel Souplet, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité de faire d'un tel dispositif l'objet d'une déclaration générale d'intention.

Loi d'orientation agricole - Audition de MM. Guy Allio, vice-président de l'association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA) et président du syndicat des industries sucrières et Benoît Mangeneau, délégué général de l'ANIA

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Guy Allio, vice-président de l'association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA) et président du syndicat des industries sucrières et Benoît Mangeneau, délégué général de l'ANIA.

M. Guy Allio, vice-président de l'ANIA a d'abord rappelé que l'industrie alimentaire française constituait, dans notre pays, le premier secteur industriel avec un chiffre d'affaires de 800 milliards de francs par an, une croissance annuelle de l'ordre de 4 %, un effectif de 4.200 entreprises implantées principalement dans les zones rurales, et environ 400.000 salariés.

Il a ajouté qu'avec 173 milliards de francs d'exportations, cette industrie occupait le premier rang mondial pour les exportations de produits directement issus de l'agriculture.

Après avoir indiqué que l'industrie alimentaire transformait 70 % de la production agricole et que sa valeur ajoutée (229 milliards de francs) était supérieure à celle de l'agriculture et de la forêt (183 milliards de francs), il a précisé que le solde du commerce extérieur de l'industrie alimentaire avait représenté 57 milliards de francs en 1997 contre 10 milliards de francs, par exemple, pour l'agriculture.

Après avoir souligné que les acteurs de l'industrie alimentaire française étaient aussi intéressés par la réforme de la politique agricole commune que par l'organisation mondiale du commerce, le vice-président de l'ANIA a insisté sur trois points :

- la nécessité de préserver la compétitivité de l'industrie agro-alimentaire ;

- le renforcement de la vocation exportatrice du secteur ;

- l'importance qu'il convient d'accorder à la qualité et à la sécurité des productions agricoles.

M. Guy Allio, vice-président de l'ANIA, a ensuite regretté que le projet de loi d'orientation ne s'insère pas suffisamment, selon lui, dans une logique de chaîne alimentaire. En refusant de prendre en compte les différences de compétitivité entre les zones, a-t-il ajouté, les dispositions relatives aux contrats territoriaux d'exploitation pourraient ainsi pénaliser certaines exploitations.

S'agissant de la vocation exportatrice du secteur, M. Guy Allio, vice-président de l'ANIA, a approuvé la création du Conseil supérieur des exportations alimentaires, prévue par le projet de loi, tout en souhaitant une centralisation des organismes français -trop nombreux selon lui- qui concourent à l'exportation. Il a rappelé qu'aux Etats-Unis une agence unique, disposant de puissants moyens humains et normatifs, avait pour mission de centraliser l'ensemble des informations concernant les marchés.

Puis, le vice-président de l'ANIA a plaidé pour des interprofessions transversales et globales regroupant tous les acteurs d'un produit.

M. Benoît Mangeneau, délégué général de l'ANIA a approuvé les dispositions du projet de loi d'orientation qui réglementent les dénominations géographiques en distinguant la qualité et l'origine. Il a néanmoins estimé que ces nouvelles dispositions devraient prendre en compte les traditions et usages dans notre pays.

Il a souhaité, en second lieu, que l'attestation européenne de spécificité soit déconnectée du signe français de qualité, difficile d'accès pour de nombreux opérateurs.

Abordant la question des filières biologiques, et en réponse à M. Michel Souplet, rapporteur, M. Benoît Mangeneau, délégué général de l'ANIA, a déclaré qu'on ne pouvait séparer les réseaux biologiques et non biologiques et approuvé les dispositions du projet relatives à la dissémination des organismes génétiquement modifiés. Sur ce point, il a rendu hommage aux réflexions et propositions contenues dans le rapport présenté au Sénat par le sénateur Jean Bizet.

Toujours en réponse au rapporteur, M. Guy Allio, vice-président de l'ANIA a plaidé pour un rapprochement entre agriculteurs et industries alimentaires, en jugeant notamment souhaitable que les sociétés anonymes du secteur ouvrent leur capital à leurs fournisseurs.

M. Michel Souplet, rapporteur, a enfin souhaité une " mise à plat " du régime fiscal et social des acteurs de l'agriculture.

Sécurité civile - Animaux dangereux et errants et protection des animaux - Examen du rapport en nouvelle lecture

Puis la commission a procédé à l'examen, en nouvelle lecture du rapport de M. Dominique Braye sur le projet de loi n° 111 (1997-1998) adopté avec modifications en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.

M. Dominique Braye, rapporteur,
a tout d'abord fait part de l'ensemble des modifications adoptées par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi en nouvelle lecture le 9 décembre dernier.

Après avoir rappelé l'échec de la commission mixte paritaire, il a souligné que les principales divergences avec le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture portaient sur l'article 2, l'Assemblée nationale ayant, en particulier, rétabli les deux catégories d'animaux susceptibles d'être dangereux (chiens d'attaque, chiens de garde et de défense).

En ce qui concerne cette distinction entre les deux catégories de chiens établie par le projet de loi, M. Dominique Braye, rapporteur, a considéré essentiel de ne pas retenir cette mesure et d'en revenir à la solution du Sénat en première et deuxième lecture, avec une seule et même catégorie de chiens potentiellement dangereux.

Il a rappelé qu'il était conforté dans sa position par l'avis quasi-unanime des organisations professionnelles et des experts canins, l'Académie vétérinaire s'étant d'ailleurs prononcée en faveur de cette fusion des catégories.

Il a ensuite fait part des différentes améliorations qu'il souhaitait rétablir, concernant notamment la notion de chiens âgés de " plus de six mois " et la durée de maintien de l'animal à la fourrière.

A l'article premier (mesures visant à prouver le danger susceptible d'être présenté par un animal -article 211 du code rural), la commission a adopté un amendement visant à allonger à quinze jours le délai de garde de l'animal en fourrière.

A l'article 2 (mesures applicables aux chiens potentiellement dangereux -article 211-1 à 211-9 du code rural), la commission a adopté un amendement tendant à fusionner les deux catégories de chiens, puis deux amendements de coordination. Elle a ensuite adopté un amendement tendant à confier aux seuls vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire le tatouage des chiens.

Puis, elle a adopté un amendement de coordination supprimant le texte proposé pour l'article 211-4 du code rural (mesures spécifiques concernant les chiens d'attaque).

Elle a enfin rétabli le texte de l'article 211-5 (mesures restreignant la circulation des chiens potentiellement dangereux) dans la rédaction adoptée par le Sénat en première et en deuxième lecture.

Elle a ensuite supprimé l'article 2 bis tendant à compléter l'article 10 de la loi du 9 juillet 1970 et visant à permettre aux règlements de copropriété d'interdire la détention d'animaux de première catégorie dans les locaux d'habitation ou à usage professionnel.

A l'article 7 (mesures conservatoires à l'égard des animaux en cas de protection juridique -article 213-3 à 213-6 du code rural), la commission, après avoir adopté deux amendements de conséquence sur le délai de garde d'un animal à la fourrière, a adopté un amendement visant à faire du tatouage le seul moyen légal d'identification.

Elle a adopté un amendement de conséquence à l'article 8 bis (bilan relatif à la portée de la loi).

Elle a adopté à l'article 10 (mesures fixant les conditions d'exercice des activités liées aux animaux de compagnie) un amendement substituant à la notion de chiens " sevrés " celle de chiens de " plus de six mois ".

Elle a adopté, à l'article 13 (cession et publication d'offres de cession d'animaux de compagnie) un amendement tendant à interdire la cession à titre gratuit -et non pas seulement à titre onéreux- d'un chat ou d'un chien de moins de huit semaines.

A l'article 15 (sanctions des infractions à l'article 276-3 du code rural), la commission a adopté un amendement de coordination.

Après le bref résumé du rapporteur sur la situation du concours vétérinaire en 1998, elle a ensuite, à l'unanimité des membres présents, adopté l'article 19 bis relatif aux concours vétérinaires en le modifiant sur deux points précis (délai d'intégration ramené de trois à deux ans et possibilité d'être candidats, une seconde fois, aux concours vétérinaires pour les candidats intégrés à partir de 1999).

Elle a enfin approuvé l'ensemble du texte ainsi modifié.

Loi d'orientation agricole - Audition de MM. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne, Francis Poineau, secrétaire général, et Paul Bonhommeau, chargé des questions juridiques

La commission a enfin procédé à l'audition de M. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne, accompagné de MM. Francis Poineau, secrétaire général, et Paul Bonhommeau, chargé des questions juridiques.

M. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne, a exposé, pour commencer, les raisons pour lesquelles la Confédération paysanne souhaitait une loi d'orientation agricole. En premier lieu, a-t-il estimé, une réorientation de la politique agricole française est nécessaire dans un contexte où l'évolution de la politique agricole commune, conjuguée à celle des marchés mondiaux, a conduit à une réduction massive du nombre d'exploitants agricoles, et où il serait, selon lui, dangereux de laisser passer ce chiffre sous la barre des 2 % de la population française. Il a considéré, en outre, que l'objectif de sécurité et d'indépendance alimentaire, fixé par les lois de 1960 et 1962, était atteint.

Il a ensuite insisté sur le rôle qui devait être celui de l'agriculture, tant en termes d'emplois (le nombre d'actifs agricoles diminue de 40.000 par an) que de préservation de l'espace rural.

Il a considéré que la loi devrait permettre de réduire les inégalités entre agriculteurs et les disparités entre régions.

Estimant qu'au développement d'une agriculture " de masse " succédait actuellement l'aspiration à une production de qualité, il a insisté sur la nécessité de valoriser les ressources des terroirs français et d'identifier clairement, par l'étiquetage, les produits de qualité.

M. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne, a ensuite abordé les souhaits de la Confédération paysanne concernant le projet de loi. Le premier est que soit reconnu le " tryptique agricole " correspondant aux trois fonctions de l'agriculture : la production, l'emploi et la préservation des ressources naturelles.

Le second est que la loi ne favorise pas le développement d'une agriculture à deux vitesses, qui distinguerait une production de masse à bas prix et une production de meilleure qualité destinée aux consommateurs les plus aisés.

Il a également préconisé qu'une organisation économique améliorant la sécurité des agriculteurs soit recherchée. Il a d'autre part souhaité un plafonnement des aides, dans un objectif " d'écoconditionnalité ", de façon à réorienter la politique agricole vers un meilleur équilibre. Il a, enfin insisté, sur l'importance de la politique des structures, de la production et de la diffusion des savoirs et du statut des actifs.

Enfin, M. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne, a souligné l'enjeu représenté par ce projet de loi, dans lequel il a relevé des carences, des fragilités, des ambiguïtés et des interrogations.

M. Francis Poineau, secrétaire général de la Confédération paysanne, a ensuite exposé dans quels sens la Confédération paysanne souhaitait voir amender le projet de loi. Il s'est dit notamment attaché à :

- une réorientation de la politique agricole dans un objectif de multifonctionnalité ;

- la procédure d'élaboration des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) ;

- une modulation et un plafonnement des aides, de façon à ce qu'elles favorisent les exploitations moyennes ;

- une meilleure protection sociale, avec notamment un rétablissement des droits sociaux pour les agriculteurs en difficulté ;

- en matière de contrôles des structures, une égalité de traitement pour toutes les exploitations ;

- la mise en place d'interprofessions spécifiques pour les productions biologiques ;

- la création d'un institut de l'agriculture durable ;

- la représentation des syndicats dans les instances agricoles.

M. Michel Souplet, rapporteur, s'est alors interrogé sur la " conception administrée de l'agriculture " qui lui semblait être celle de la Confédération paysanne, dans le contexte d'une économie libérale et mondialisée. Réagissant aux propos de M. François Dufour, selon lesquels l'objectif de sécurité alimentaire était désormais atteint, il a attiré l'attention de celui-ci sur le problème de la faim dans le monde. Il a enfin demandé quelles étaient les propositions de la Confédération paysanne en matière de plafonnement des aides et d'incitation à l'installation.

En réponse à M. Michel Souplet, rapporteur, M. Paul Bonhommeau, chargé des questions juridiques, a suggéré, pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, le recours à des mécanismes de solidarité familiale, mais aussi publique et privée. Il a considéré que les voies d'une transmission échelonnée dans le temps, ou d'un prêt par l'Etat à remboursement progressif, pouvaient également être explorées.

M. François Dufour, porte-parole de la Confédération paysanne, a alors regretté que le projet de loi d'orientation agricole ne prenne pas la mesure du déficit d'installations actuel, et de l'importance de la proportion (40 %) de jeunes agriculteurs ne bénéficiant pas d'aides.

S'agissant de sa conception " administrée " de l'agriculture, il a estimé que le revenu agricole devait davantage dépendre des prix que des aides ; il s'est dit attaché au principe de " préférence communautaire ", mais a considéré qu'il n'était pas souhaitable que les prix agricoles soient fixés en fonction des cours mondiaux, qui font l'objet de variations trop importantes.

M. Francis Poineau, secrétaire général de la Confédération paysanne, a également jugé que l'Etat devait avoir un rôle régulateur.

Enfin, eu égard à la spécificité de ces productions, M. Paul Bonhommeau, chargé des questions juridiques, s'est déclaré favorable à la création d'interprofessions " biologiques ", mais s'est montré plus réservé sur d'éventuelles interprofessions " montagne ".