AFFAIRES ECONOMIQUES ET PLAN

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Mercredi 3 mars 1999

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

Audition de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie

La commission, conjointement avec la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et le groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, a procédé àl'audition de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'aménagement postal du territoire, la transposition de la directive et la définition gouvernementale de la stratégie internationale de La Poste.

Le ministre a, en premier lieu, dressé un bilan de l'activité dans le secteur postal au cours des vingt derniers mois.

Il a estimé que le contrat d'objectifs et de progrès signé en juin 1998 constituait une avancée importante pour La Poste, puisqu'il prévoyait :

- la stabilisation de la charge des retraites en francs constants ;

- l'orientation à la baisse des tarifs postaux ;

- la réduction du déficit qui résulte du transport de la presse ;

- l'accroissement de la liberté de gestion accordée aux services financiers ;

- la modernisation du réseau postal et l'amélioration des services aux usagers par une concertation locale renforcée, et le développement de nouveaux partenariats, -sans création d'obligations financières- pour les collectivités locales ;

- l'amélioration des conditions d'emploi à La Poste (notamment grâce à la réduction du recours aux contrats à durée déterminée).

Puis le ministre a indiqué que la situation financière de La Poste connaissait une nette amélioration, caractérisée par une forte progression de la capacité d'autofinancement (près de 4 milliards de francs en 1998), qui rend possible un fort accroissement des investissements ; il a fait valoir que l'accord sur la réduction du temps de travail permettrait une " relance du dialogue social " dans l'entreprise ainsi que 20.000 recrutements sur deux ans.

S'agissant de l'évolution du service public postal, le ministre a considéré que la contribution de La Poste au développement équilibré du territoire était renforcée, notamment, par la mise en place des commissions départementales de présence postale territoriale, par la clarification du régime juridique des conventions et maisons de services publics (article 22 du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire) et enfin par la signature d'une convention entre La Poste et le ministère de la ville sur le renforcement de la présence postale dans les zones urbaines sensibles.

Evoquant la transposition de la directive postale (article 15 bis du projet de loi précité), le ministre a rappelé que ce texte renforçait le service public postal, élargi aux colis jusqu'à 20 kg, et précisait les obligations de l'opérateur postal en matière de qualité des services, d'information des usagers, de traitement des réclamations et de transparence comptable. Il a souligné qu'était confirmée l'existence -en contrepartie des obligations de prestation du service universel postal- d'un périmètre de services réservés à l'opérateur public, qui comprenait les envois de correspondance de moins de 350 grammes dont le tarif est inférieur à 5 fois le tarif de base, y compris le publipostage et le courrier transfrontalier. Il a enfin précisé que des dispositions complémentaires seraient proposées prévoyant :

- un régime d'autorisation pour les " nouveaux entrants " sur le marché postal ;

- la confirmation des compétences de l'autorité chargée de réglementer le secteur ;

- le renforcement des moyens de contrôle du secteur réservé et la modernisation du régime de sanction des infractions.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a estimé que la transposition de la directive postale par une disposition introduite dans le projet de loi d'orientation précité résultait des contraintes du calendrier parlementaire et du risque de voir la Commission déclencher une action en manquement contre la France. Il a indiqué, en outre, qu'un projet de loi complétant ce texte serait déposé " dans les mois à venir ".

Abordant les perspectives de développement international de La Poste qui, a-t-il déclaré, sont " inséparables de son insertion dans le champ mondial ", le ministre a tout d'abord rappelé la concentration en cours dans le secteur de la messagerie et de la logistique et la prééminence de quelques postes européennes. Il a souligné les atouts de La Poste et mentionné les succès enregistrés sur le marché de l'express grâce à Chronopost et à TAT-Express, sur le transport aérien, par l'Aéropostale, et sur le marché du colis avec Dilipack.

Souhaitant que La Poste soit " un service public entrepreneurial, élément central d'une offensive industrielle ", le ministre a rappelé que l'opérateur public avait d'ores et déjà entamé son internationalisation (achat de Jet Worldwide, entrée dans le réseau DPD, accord stratégique avec la poste espagnole) et travaillait à des partenariats avec d'autres postes européennes, stratégie qu'il a jugée moins coûteuse et moins risquée que celle de la poste allemande.

Evoquant enfin la proposition de révision de la directive européenne tendant à libéraliser totalement le secteur postal au 1er janvier 2003, il a souligné que la France rejetait, sur ce point, toute libéralisation totale ou automatique, préférant une approche " prudente et pragmatique ", à laquelle souscrivent nombre de ses partenaires auxquels notre pays a proposé de se mobiliser en ce sens.

Il a jugé positive l'adoption d'une résolution du Parlement européen insistant sur la nécessité de compléter et d'approfondir les études disponibles sur l'évolution du secteur postal, préoccupation qui rejoint le souhait du Gouvernement de " se donner du temps " pour envisager et préparer les prochaines étapes.

En conclusion, le ministre a rejeté toute vision " fixiste " ou incompatible avec le maintien des principes et des valeurs du service public à la française.

M. Pierre Hérisson a tout d'abord regretté la méthode employée par le Gouvernement pour transposer la directive postale de 1997. Il a déploré que la Commission supérieure du service public de La Poste et des télécommunications (CSSPPT) n'ait disposé que d'un délai très réduit pour examiner le texte de transposition. Considérant que le débat avait été totalement occulté, il a estimé indispensable que le ministre tienne son engagement de déposer au plus vite le projet de loi d'orientation postale annoncé.

M. Pierre Hérisson a fait état de la lassitude des maires de communes rurales, bien souvent condamnés à financer -sous peine de fermeture- le maintien du réseau postal.

Il a demandé au ministre des précisions sur le calendrier d'examen du projet de loi d'orientation postale. Il l'a interrogé sur l'éventualité de la mise en place d'un fonds de compensation du service universel postal, comme le prévoit la directive. Il a souhaité connaître les montants financiers que l'Etat était prêt à consacrer pour accompagner la nécessaire évolution du réseau postal.

Evoquant les risques d'une libéralisation excessive des services postaux communautaires à compter de 2003, M. Pierre Hérisson a demandé au ministre de se déterminer fermement contre cette perspective. Il a jugé que le repostage pratiqué par certaines postes européennes était une concurrence déloyale qu'il convenait de limiter au plus vite.

Il a estimé que, dans le contexte actuel de constitution très rapide d'alliances, La Poste souffrait du double handicap de l'absence de capital -empêchant les échanges de participations croisées- et du manque de financements pour sa croissance externe. Il a interrogé le ministre sur les perspectives de conclusion prochaine d'une alliance stratégique entre La Poste et l'un ou l'autre des deux intégrateurs américains : UPS et Federal Express.

M. Gérard Larcher a tout d'abord rappelé le programme d'auditions à venir de la commission et du groupe d'études en matière de stratégie postale internationale. Il a jugé indispensable de poser la question de doter La Poste d'un capital, au vu de ses très importants besoins de financement actuels.

Rappelant que le coût des missions d'aménagement du territoire assumées par La Poste était évalué, au minimum, à 3 milliards de francs, il s'est interrogé sur leur financement.

A propos de l'évolution du réseau postal sur le territoire, il a interrogé le ministre sur les conséquences financières, pour les collectivités locales, de l'article 22 du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire consacré à cette question. Appelant de ses voeux des solutions inventives pour sortir le réseau postal du moratoire actuel, il a souhaité voir proposées des dispositions proches des " postes mobiles " à l'allemande, ou des " multiples ruraux ".

A propos de l'échéance de 2003, prévue pour l'étape ultérieure de la libéralisation postale européenne, M. Gérard Larcher a évoqué la solution allemande, consistant à compenser le rétrécissement du champ du monopole par des gains de productivité et par une prise de positions sur les marchés les plus en croissance.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a d'abord justifié la transposition de la directive postale par amendement gouvernemental au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire par l'éventualité d'un recours en manquement contre la France par la Commission européenne, assorti, le cas échéant, de l'imposition d'astreintes, en cas de non-transposition à la date butoir du 10 février 1999. Il a estimé, en outre, qu'une non-transposition à cette date aurait de facto élargi le champ des services ouverts à la concurrence au maximum prévu par la directive, perspective dont le Gouvernement entendait protéger l'opérateur national.

Répondant à M. Pierre Hérisson au sujet du fonds de compensation du service universel postal, le ministre a jugé sa mise en oeuvre en droit français peu adaptée à la faible ouverture à la concurrence consacrée par l'amendement gouvernemental.

Sur la question du repostage, le ministre a souhaité l'application des accords " Reims II ", une solution définitive étant susceptible d'être trouvée avec les principaux partenaires européens de la France.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a souhaité la conclusion d'un accord avec un grand intégrateur mondial, faute de quoi, a-t-il estimé, la situation de La Poste risquerait d'être rendue plus fragile. Il a jugé qu'un échange de participations croisées n'était pas nécessaire, comme le montraient d'ailleurs les exemples étrangers d'alliances récentes, et qu'en conséquence, il n'était pas absolument indispensable de doter La Poste d'un capital, tout en précisant l'importance essentielle du maintien intégral des principes du service public postal français et du respect du statut actuel du personnel de l'opérateur postal. Rappelant les récentes opérations d'alliances ou de croissance externe des autres postes, le ministre a jugé qu'il était impensable pour La Poste française de ne pas réagir à ces évolutions.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a ensuite répondu à M. Alain Vasselle, qui l'interrogeait sur l'opportunité d'introduire à l'article 15 bis du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire la notion de " services de proximité ", ainsi que sur la signification du terme européen de " prix abordables ". M. Alain Vasselle a jugé que les réorganisations opérées dans le cadre de la commission départementale de la présence postale territoriale ne devaient pas se cantonner à l'échelon intercommunal, mais, de façon plus satisfaisante, concerner également l'échelon cantonal et départemental.

M. Charles Revet a interrogé le ministre sur les expérimentations à mener en matière d'évolution du réseau. M. Alfred Foy a souhaité connaître le sort qui pourrait être réservé aux 5.000 points de contact postaux non rentables, jugeant utile le développement de la formule des " multiples ruraux ".

M. Jacques Belllanger a évoqué le problème de l'engagement de la responsabilité des élus et du personnel communal dans le cadre du fonctionnement des agences postales communales.

M. Michel Teston a rappelé que l'entreprise Jet Services, qui effectue 20 % des envois de Chronopost, venait d'être rachetée par le concurrent hollandais de La Poste. Il s'est en conséquence interrogé sur le devenir de l'accord entre Jet Services et La Poste et sur les solutions de rechange qui pourraient être trouvées pour l'envoi international des colis.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a estimé que les agences postales et les maisons de services publics, introduites par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, étaient les réponses les mieux adaptées à la nécessaire évolution du réseau postal. Il a considéré que l'avenir des 5.000 points de contact postaux non rentables était assuré par la mise en place des commissions départementales de la présence postale, dont il a souhaité que le dynamisme permette une véritable " décentralisation d'initiatives ". Il a jugé que les dispositions de l'article 22 du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, relatives aux agences postales communales, permettraient de résoudre les problèmes posés par la mise en cause de la responsabilité des maires.