Table des matières




Mardi 15 janvier 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Audition de M. Jean-Michel Hubert, président de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART)

La commission, conjointement avec le groupe d'étude sur la poste et les télécommunications, a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Hubert, président de l'ART et MM. Jacques Douffiagues et Christian Bècle, membres du collège de l'ART.

M. Gérard Larcher, président, a précisé que M. Pierre Hérisson était chargé d'un rapport ponctuel d'information sur le bilan de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, tandis que lui-même était chargé d'un rapport sur l'évolution du statut de France Télécom, sujet dont le président a fait observer qu'il avait fait l'objet, au cours d'un échange tenu, dans la matinée, entre MM. Alain Juppé et Laurent Fabius, d'une appréciation consensuelle quant à la nécessité de lui faire franchir une nouvelle étape, diminuant la part de l'Etat au capital.

Le président a souhaité voir aborder quatre sujets :

- le statut de France Télécom et son éventuelle influence sur l'ouverture à la concurrence depuis 1998 ;

- l'évolution du service universel des télécommunications et l'éventuelle inclusion de la téléphonie mobile dans son périmètre ;

- le développement de la concurrence en France, en particulier s'agissant de la boucle locale radio, de la téléphonie mobile de troisième génération et de l'intervention des collectivités locales dans la mise en place des infrastructures de télécommunications ;

- les pouvoirs de l'Autorité de régulation des télécommunications et ses relations avec le Gouvernement et les opérateurs.

M. Jean-Michel Hubert a estimé que le statut de France télécom n'avait pas perturbé le fonctionnement de la régulation, ni l'ouverture à la concurrence, l'élément le plus déterminant ayant été sa position d'opérateur historique et sa position dominante sur les différents segments du marché, davantage que son statut. Il a, à cet égard, observé que la tendance générale, au sein de l'Union européenne, était à une diminution de la part de l'Etat au capital des opérateurs de télécommunications, cette participation étant nulle dans certains cas. Il a relevé que, si l'Etat devait ne plus être majoritaire au capital de France télécom, il conviendrait d'en tirer les conséquences sur le cadre réglementaire du secteur et les pouvoirs de l'ART.

Esquissant un panorama de la concurrence, le président de l'ART a jugé que le marché français était devenu concurrentiel, puisqu'on dénombrait plus de cent opérateurs titulaires de licences. Il a précisé que le téléphone fixe avait été ouvert à la sélection du transporteur et à la présélection au 1er janvier 1998 pour la longue distance et au 1er janvier 2002 pour les communications locales. Il a fait observer que la téléphonie mobile était fortement concurrentielle, Orange y détenant 48 % de part de marché, contre 34 % pour SFR et 18 % pour Bouygues Télécom. Il a précisé que, sur ce segment de marché, l'ART avait agi en faveur d'une meilleure couverture territoriale et d'une baisse du prix des appels sortants comme des appels entrants.

S'agissant de la troisième génération de téléphonie mobile (Universal mobile telecommunications system (UMTS)), M. Jean-Michel Hubert a rappelé que, dès mai 2001, l'Autorité avait pris position en faveur d'une réduction du prix initial des licences UMTS en France et du lancement d'un deuxième appel à candidature, pour les deux licences restant à attribuer.

Se félicitant de la mise en oeuvre récente de ces recommandations, il a relevé que les opérateurs potentiellement candidats à une licence en France déclaraient devoir tenir compte de l'ensemble de leurs engagements sur le marché européen, et notamment des financements très importants engagés pour acquérir des licences en Allemagne et au Royaume-Uni.

S'agissant de l'Internet à bas débit, accessible à l'ensemble de la population via le réseau téléphonique commuté, il a mis en exergue la baisse des tarifs intervenue ces dernières années, depuis l'apparition d'un forfait à cent francs pour 20 heures de connexion, il y a deux ans ; jusqu'à la mise en place d'une interconnexion forfaitaire dans le dernier catalogue d'interconnexion de France Télécom, permettant l'éclosion d'offres innovantes de connexion à Internet.

En ce qui concerne Internet à haut débit, M. Jean-Michel Hubert a considéré que les raccordements se développeraient grâce à une gamme de technologies :

- la boucle locale radio, qui se déploie, même à un rythme plus lent que celui initialement envisagé, compte tenu du brutal retournement de conjoncture. Le président de l'ART précise que l'Autorité serait plutôt encline à constater les défaillances de certains opérateurs de boucle locale radio (BLR) à remplir les obligations de leurs cahiers des charges, qu'à laisser perdurer l'incertitude actuelle- ;

- le câble, qui concerne un tiers des abonnés français au haut débit (180.000 sur un total de 550.000) ;

- le dégroupage, qui permet le déploiement de la technologie ADSL (asynchronous digital subscriber line) sur le réseau téléphonique traditionnel, dossier complexe mais sur lequel le président de l'ART a affirmé avancer avec beaucoup de détermination, la France se situant à un rang honorable en Europe.

M. Jean-Michel Hubert a fait valoir que l'ouverture à la concurrence avait entraîné une baisse très significative des prix pour les consommateurs : 60 % pour le prix moyen de l'accès à Internet, de 27 à 35 % pour le prix moyen des communications longue distance ces trois dernières années. Il a relevé que les opérateurs étrangers avaient une bonne image de la régulation française, peut-être plus discrète que dans certains autres pays de l'Union, mais jugée efficace et lisible. Il a considéré que la concurrence devait être à la fois équitable -la procédure de règlement des différends par l'ART constituant, à cet égard, un outil utile et durable pour envoyer des signaux au marché-, la menace de la constitution d'oligopoles n'étant pas à exclure. Le président de l'ART a affirmé l'objectif d'une pérennité de choix pour le consommateur.

M. Jean-Michel Hubert a rappelé la définition et le périmètre du service universel de télécommunications, relevant que le fonds de service universel, financé par l'ensemble des opérateurs, était une originalité française en Europe, et se révélait d'une mise en oeuvre complexe. Il a fait observer que plus de trois années avaient été nécessaires au Gouvernement pour mettre en place les tarifs téléphoniques dits « sociaux » destinés aux catégories défavorisées.

Le président de l'ART a souhaité une couverture territoriale la plus large possible pour les services de téléphonie mobile de deuxième génération. S'interrogeant sur l'opportunité d'une extension, par la loi, du service universel à la téléphonie mobile, il a considéré que les récentes décisions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) pouvaient conduire à élargir la diffusion de ces services sur le territoire, sans forcément les inclure dans le service universel. Il a jugé qu'une telle inclusion nécessiterait que soient clarifiées, au préalable, les modalités de prise en charge des financements qui en découlent.

M. Jean-Michel Hubert a fait observer que le récent rapport, remis par le Gouvernement au Parlement, sur la couverture mobile du territoire, faisait état d'un taux de couverture de 91 %, alors que les mesures in situ réalisées par l'Autorité le ramenaient à seulement 83 % de couverture sur la base d'un échantillon représentatif de 100 cantons. Il a affirmé que l'ART mettait à la disposition des collectivités locales, par voie de convention, une méthodologie permettant de mesurer concrètement la couverture des différents cantons.

S'agissant des pouvoirs de l'ART, M. Jean-Michel Hubert a précisé que les nouvelles directives européennes sur les télécommunications devraient être prochainement adoptées puis transposées, quinze mois après leur adoption définitive. Il a mis en lumière quelques orientations fortes de ces directives : la convergence technologique, la poursuite d'une régulation sectorielle, la modification des relations entre la Commission et les autorités de régulation nationales. Il a fait valoir que l'organisation des relations entre l'ART et le Conseil de la concurrence par la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications avait prouvé toute son efficacité. Il a, toutefois, jugé que cette loi pourrait être simplifiée, en particulier en ce qui concerne le partage des compétences entre le Gouvernement et l'ART.

M. Pierre Hérisson, président du groupe d'étude sur la poste et les télécommunications, a demandé si le statut de France Télécom avait constitué un atout ou un handicap pour le développement de la concurrence. Il a souhaité savoir si l'ART jugeait nécessaire des ajustements tels qu'une éventuelle filialisation de certaines activités concurrentielles encore exercées au sein de la maison mère, ou encore un renforcement des obligations de séparation comptable entre les différentes activités. Il a demandé quelle était la position de l'ART sur une régionalisation du service universel des télécommunications, dans l'hypothèse d'une éventuelle extension de ce service à la téléphonie mobile.

Relevant que le nombre d'opérateurs était passé de 133 à 113 au cours de l'année 2001, M. Pierre Hérisson a toutefois constaté que des difficultés similaires étaient observées dans les autres pays de l'Union européenne et a demandé si la France n'était pas, somme toute, un élève moyen de la classe européenne pour l'ouverture à la concurrence.

M. Pierre Hérisson a demandé s'il était envisageable que deux candidats se présentent au deuxième tour d'attribution des licences UMTS et si l'ART retirerait les licences de boucle locale radio attribuées aux opérateurs qui ne satisferaient pas à leurs obligations de déploiement. Il a, en outre, demandé si l'ART, qui avait organisé la procédure d'attribution des licences, se sentait responsable des difficultés actuelles de ce segment du marché. Constatant que les collectivités locales intervenaient, dans une optique d'aménagement du territoire, pour financer des équipements de téléphonie mobile, ou de haut débit, il a demandé si tel ne devrait pas plutôt être le rôle de l'Etat, selon une logique de péréquation nationale. Il a exprimé ses craintes quant à l'avenir de l'ADSL, compte tenu du retard déjà accumulé depuis trois ans.

Enfin, M. Pierre Hérisson, jugeant que l'ART avait vécu, depuis 1997, sous « l'épée de Damoclès » des conclusions du rapport de M. Michel Delebarre et préconisant une refonte de ses pouvoirs (jamais mises en oeuvre sur ce point précis), il a demandé aux membres du collège de l'ART quel bilan ils faisaient de leurs relations avec le Gouvernement durant cette période.

M. Jacques Bellanger a regretté que la concurrence ait été le thème principal de l'exposé du président de l'ART, alors que l'aménagement du territoire, peu évoqué, se trouve, à son sens, sérieusement remis en cause par l'impossibilité actuelle pour les zones rurales d'être raccordées à Internet à haut débit, les opérateurs n'étant pas enclins à financer de tels investissements.

M. Claude Saunier a considéré que la conjoncture actuelle résultait de l'explosion d'une bulle spéculative autour de l'économie Internet, les opérateurs titulaires d'une licence UMTS repoussant désormais la mise en service de leurs réseaux, dont la rentabilité se révèle bien inférieure à celle un temps imaginée. Il s'est interrogé sur les mesures que l'Allemagne et la Grande-Bretagne pourraient, à l'instar de la France, mettre en oeuvre pour alléger le fardeau financier des titulaires de licences UMTS.

Répondant à M. Pierre Hérisson, M. Jean-Michel Hubert a considéré que le statut de France Télécom n'avait pas constitué un handicap pour la régulation du secteur. Il a mis en valeur la compétence technologique et le dynamisme de cette entreprise, qui a vécu une révolution culturelle très profonde depuis 1996, et s'est félicité de son rayonnement international. Il a toutefois relevé que le statut n'avait pas été sans conséquences sur les modalités de financement de l'acquisition de l'opérateur Orange.

S'agissant d'une éventuelle filialisation de certaines activités de France Télécom, le président de l'ART a considéré que ce processus pourrait s'avérer long et difficile à mettre en oeuvre, et qu'il ne permettrait pas nécessairement de répondre à l'objectif de renforcement du contrôle de ces activités. Un renforcement des obligations de séparation comptable, sous le contrôle du régulateur, semble une orientation plus appropriée.

Il a considéré que, dans l'ensemble communautaire, la France était assez bien située en termes d'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, surtout si l'on considère l'évolution réalisée depuis seulement 4 ans, contre plus de 10 ans de libéralisation au Royaume-Uni. Il a rappelé que, dès juillet 1999, dans un avis tarifaire, l'ART avait fixé les conditions d'un déploiement de l'ADSL en France, avis qui n'avait malheureusement pas été suivi. Il a affirmé que l'ART travaillait sans relâche à l'amélioration des conditions techniques et financières de l'offre de l'opérateur historique permettant le déploiement, par tous les opérateurs qui le souhaitent, de services ADSL dans le cadre du dégroupage. Il a souligné qu'il convenait de veiller, parallèlement, à l'équilibre économique des réseaux câblés, raccordant un abonné français sur trois au haut débit.

M. Jean-Michel Hubert, faisant observer que deux licences UMTS restaient à attribuer en France, a rappelé que les opérateurs, avant de se déclarer candidats, devaient prendre en compte l'ensemble de leurs engagements financiers sur le marché européen et particulièrement les sommes très lourdes déboursées pour l'achat des licences au Royaume-Uni et en Allemagne. Il a souhaité qu'une approche cohérente, solidaire et européenne puisse aujourd'hui être trouvée sur cette question.

Le président de l'ART a affirmé que l'Autorité n'hésiterait pas à retirer leur licence aux opérateurs de BLR qui n'auraient pas respecté leurs engagements. Revenant sur la procédure d'attribution de ces licences, il a affirmé que le choix de l'ART n'avait pas été arbitraire, mais qu'au contraire il résultait d'une grille de critères objectifs et publics. Il a considéré que seul le retournement de conjoncture expliquait le retard pris dans le déploiement de cette technologie et relevé que la France était le pays d'Europe où la boucle locale radio était la plus avancée.

M. Jean-Michel Hubert a rappelé la doctrine de l'ART concernant l'intervention des acteurs publics en matière de télécommunications : la première responsabilité dans le financement des infrastructures revient aux opérateurs, puis à l'Etat, sur la base d'une solidarité nationale, et, enfin, aux collectivités locales, les pouvoirs publics n'ayant pas vocation à altérer la logique du marché.

Répondant à M. Jacques Bellanger, M. Jean-Michel Hubert a affirmé que la couverture du territoire était un objectif essentiel de l'ART, mais qu'en matière de haut débit, aucune technologie n'avait, en soi, vocation à couvrir uniformément l'intégralité du territoire, l'Autorité recommandant la plus grande superposition possible de technologies, pour maximiser la probabilité d'une large couverture territoriale des divers accès à haut débit. Il a, en outre, considéré que l'accessibilité du haut débit sur le territoire ne pourrait être que progressive, l'expression de la demande étant un paramètre important pour la réalisation des investissements.

M. Jacques Douffiagues, membre du collège de l'ART, acorroboré l'analyse du président de l'ART s'agissant de l'intervention des collectivités publiques dans le secteur des télécommunications. Il a rappelé qu'une récente réforme du code général des collectivités territoriales avait assoupli les conditions d'intervention des collectivités locales pour la mise en place d'infrastructures de télécommunications passives. Il a toutefois considéré que le récent CIADT de Limoges relevait d'une logique toute différente, puisqu'il posait, pour l'amélioration de la couverture territoriale en téléphonie mobile et en haut débit, le principe d'une intervention première de l'Etat et des collectivités locales, la contribution des opérateurs ne venant qu'en second. En effet, le Gouvernement a considéré que, pour couvrir les communes ne disposant pas de l'accès au téléphone mobile (soit, d'après le CIADT, 1.480 communes), le financement des infrastructures nécessaires devait être réparti en trois tiers : un tiers pour l'Etat, un tiers pour les collectivités locales, un tiers pour les opérateurs.

A cet égard, M. Jacques Douffiagues a fait valoir que, si le récent rapport précité du Gouvernement faisait état d'un taux de couverture territoriale en téléphonie mobile de plus de 90 %, les mesures sur le terrain réalisées par l'ART chiffraient ce pourcentage à 83 %. De plus, depuis le CIADT, le vote de la loi de finances donnait à penser que l'Etat ne prendrait pas en charge sa part du financement des infrastructures nécessaires au complément de la couverture territoriale, tandis que deux opérateurs auraient pris l'engagement d'en supporter l'essentiel, aux côtés des collectivités locales. Il a précisé que l'Etat avait demandé aux préfets de région de déterminer, avant le 31 décembre 2001, les zones à couvrir en priorité, et que seules onze régions avaient répondu à cette date, les autres demandant un délai supplémentaire pour établir cette cartographie. Il a donc estimé qu'aucune amélioration de couverture ne pouvait être espérée avant le printemps.

M. Jean Boyer s'est inquiété de la persistance de zones non couvertes dans le département de la Haute-Loire et a demandé quand serait signée la convention entre ce département et l'ART pour la mise en place d'un dispositif de mesure.

M. Jean-Michel Hubert a précisé que la Haute-Loire était le quatrième département à signer, le 16 janvier 2002, une convention avec l'ART pour la mise en place de mesures sur le terrain de la couverture en téléphonie mobile.

M. Christian Bècle, membre du collège de l'ART, a fait valoir que ces mesures in situ donnaient aux collectivités des bases objectives pour leurs négociations avec les représentants de l'Etat, alors que, jusqu'à présent, ces dernières ne pouvaient disposer que d'estimations quant à la couverture des trois réseaux de téléphonie mobile. Il a relevé que la seule obligation aujourd'hui imposée aux opérateurs mobiles était d'acheminer les appels d'urgence des opérateurs concurrents dans les zones que ces derniers ne couvraient pas. Il a fait observer que, si le CIADT avait envisagé de généraliser cette obligation dite « d'itinérance » à l'ensemble des appels, au-delà des seuls appels d'urgence, afin d'accroître la couverture de chacun des trois réseaux aux zones couvertes par l'un d'entre eux seulement, cette hypothèse semblait aujourd'hui abandonnée.

M. Jean-Michel Hubert est revenu sur le brutal retournement de conjoncture du secteur des télécommunications, caractérisé, au cours du premier semestre 2000, par les difficultés des sociétés de la nouvelle économie, et, au cours du deuxième semestre, par les conséquences des prix exorbitants des enchères allemandes et anglaises pour l'UMTS. Il a relevé que les commentaires, un temps critiques, sur la position prudente de l'ART pour l'attribution de ces licences, prônant une soumission comparative plutôt que des enchères, s'étaient désormais retournés, compte tenu de l'évolution de la conjoncture. Il a observé que la décision de l'Union européenne, fixant au 1er janvier 2002 la mise en service de l'UMTS, prise, notamment, sous l'influence des équipementiers de télécommunications, avait été prématurée, comme l'ART l'avait souligné il y a déjà huit mois, l'horizon de mise en place de cette technologie se situant, à son sens, plutôt au-delà de 2004. Il a réaffirmé sa confiance dans la technologie UMTS à cette échéance, et jugé indispensable de dire la vérité aux marchés.

M. Jean-Pierre Vial a demandé des précisions sur l'état des lieux de la couverture mobile précipitamment réalisée par les préfets en fin d'année 2001.

M. Christian Bècle, membre du collège de l'ART, a détaillé la méthodologie de mesures in situ de la couverture mobile mise en oeuvre par l'ART, par opposition aux calculs théoriques de propagation des ondes ayant conduit à l'établissement de la carte de couverture mobile figurant dans le rapport du Gouvernement. Il a rappelé que ces mesures sur le terrain avaient vocation à aider les collectivités locales dans leurs discussions avec les préfets pour la mise en oeuvre des décisions du CIADT, et considéré que ces derniers n'avaient pu disposer, pour le recensement que leur avait demandé l'Etat, que d'enquêtes orales ou de sondages pour déterminer les zones dont la couverture était insuffisante.

M. Jean-Michel Hubert a remercié la commission d'avoir pris l'initiative de recevoir les membres du collège de l'ART. Il a affirmé que la couverture du territoire était une préoccupation permanente de l'Autorité et indiqué que la satisfaction du consommateur, garante du développement du marché, demeurait la cible ultime de son action. Il a considéré que 2002 serait une année importante pour la réglementation des télécommunications, compte tenu notamment de la transposition à venir des directives européennes récemment adoptées.

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Communication

La commission a ensuite entendu une brève communication de M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 415 (2000-2001) relatif à la démocratie de proximité, à propos des amendements présentés par M. Louis Le Pensec, tendant à insérer un article additionnel après l'article 47 ter pour modifier les règles de fonctionnement du conservatoire du littoral.

Après avoir entendu l'exposé de leur contenu, et tout en regrettant que la procédure employée prive le Sénat d'un débat de fond sur l'avenir du conservatoire du littoral, la commission a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des amendements n°s 610, 612, 614, 615, 617, 619, 620, 621 et 653.

Mercredi 16 janvier 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Bureau de la Commission - Communication

M. Gérard Larcher, président, a tout d'abord rendu compte de la réunion du Bureau de la commission, tenue antérieurement dans la matinée. Il a indiqué que :

- le principe de réunions de la commission pendant la période de suspension de la session parlementaire avait été approuvé et que trois dates avaient été arrêtées (à 16 heures les mardi 12 mars, 26 mars et 14 mai) ;

- la constitution d'un groupe d'étude « Industrie du bâtiment et des travaux publics » demandée par M. Francis Grignon avait été approuvée ;

- s'agissant des missions d'information dont il était prévu de demander la création, le nombre des membres avait été fixé à 15 (5 membres RPR, 4 socialistes, 2 UC, 2 RI, 1 RDSE, 1 CRC), étant précisé que le même principe de composition et de répartition politique serait appliqué prochainement pour les deux autres missions d'information que la commission envisageait de soumettre à l'approbation du Sénat (l'une relative à la politique agricole commune, l'autre aux organismes génétiquement modifiés) ;

- sauf accord ponctuel contraire, le principe d'une attribution des rapports d'information aux rapporteurs pour avis en charge du secteur avait été retenu.

M. Gérard Larcher, président, a également informé la commission que pour la prochaine réunion de Bureau, il prévoyait de présenter plusieurs rapports dont un sur les activités des groupes d'études rattachés à la commission et qu'il soumettrait au Bureau un projet pour la communication de la commission.

Il a ensuite fait part des changements intervenus au sein du secrétariat de la commission. Il a salué la promotion du précédent responsable de ce secrétariat, décrit la mission qui lui était actuellement confiée, l'intérêt pour les commissions de la démarche ainsi engagée à l'initiative du Président du Sénat et estimé que cette démarche devait être soutenue.

Retraite - Création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite demandé à être saisie pour avis et a nommé M. Gérard César, rapporteur pour avis sur les propositions de loi n°s 95 (2001-2002), relative à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles  et 126 (2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

Tout en signalant la similitude des objectifs poursuivis par les deux textes, M. Gérard César a exposé les différences qui les distinguaient. Il a notamment indiqué que sa proposition de loi prévoyait une prise en compte des conjoints survivants et des aides familiaux, ainsi que la mensualisation du paiement des retraites agricoles.

M. Bernard Piras a alors estimé que la question de la mensualisation des retraites agricoles n'était pas d'ordre législatif, mais simplement d'ordre technique.

Mission d'information sur les zones franches urbaines - Désignation d'un rapporteur

Puis la commission a confié à M. Pierre André, rapporteur pour avis du budget de la ville, le soin d'établir un rapport d'information sur les zones franches urbaines. Il a été décidé que le rapporteur ainsi désigné conduirait ses travaux avec un représentant de chacun des groupes politiques du Sénat.

Nomination d'un rapporteur

Puis, la commission a procédé à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de résolution n° 169 (2001-2002) de M. Marcel Deneux au nom de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, sur les propositions de décisions et de règlements relatifs à plusieurs accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud en matière de commerce de vins et spiritueux.

M. Marcel Deneux a été désigné.

Résolutions européennes - Accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud en matière de commerce de vins et spiritueux - Examen du rapport

Elle a ensuite examiné le rapport de M. Marcel Deneux sur cette proposition de résolution.

M. Marcel Deneux, rapporteur, a, tout d'abord, rappelé que ces projets d'accord s'inscrivaient dans la droite ligne de l'accord de commerce signé le 11 octobre 1999 avec l'Afrique du Sud, sur lequel la commission avait eu à se prononcer. A l'époque, a-t-il expliqué, l'échec des négociations dans plusieurs domaines, dont celui des vins et spiritueux, avait conduit à prévoir la conclusion d'accords sectoriels séparés.

Il a indiqué qu'après plusieurs années de discussions difficiles, un consensus avait finalement été trouvé entre les deux parties, formalisé le 25 juin 2001, par la signature d'un protocole d'accord. Il a alors précisé que ce protocole avait donné lieu à la rédaction de quatre projets d'accords, relatifs :

- au commerce des vins entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ;

- au commerce des spiritueux entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ;

- au contingent tarifaire applicable à l'importation de vins sud-africains par l'Union européenne ;

- à la date d'entrée en vigueur de ces accords, fixée, de manière anticipée, au 1er janvier 2002.

Puis il a expliqué que ces textes prévoyaient l'attribution par l'Union européenne à l'Afrique du Sud :

- d'un contingent d'importations exonérées de droits de douane pour un volume de 35,3 millions de litres, destiné à être progressivement augmenté, et majoré de 6,72 millions de litres chaque année pour la période comprise entre 2002 et 2011 afin de compenser le retard dans l'entrée en vigueur des accords ;

- d'une aide de 15 millions d'euros pour la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine.

M. Marcel Deneux a ensuite indiqué que ces avantages étaient accordés en contrepartie de l'engagement de l'Afrique du Sud de respecter les dénominations européennes, telles que les indications géographiques et, en particulier, de renoncer à l'utilisation, très répandue dans ce pays, des termes « porto » et « sherry ».

Il a alors précisé que les accords sur le commerce des vins et des spiritueux prévoyaient une reconnaissance mutuelle des pratiques oenologiques, des dénominations protégées et des marques utilisées, ainsi qu'un dispositif visant à régler les cas des marques conflictuelles, c'est-à-dire des marques utilisées par les deux parties. Il a ajouté que ces accords instauraient un organe dénommé comité mixte, en vue de régler les litiges survenant dans leur application.

Présentant ensuite le contenu de la proposition de résolution transmise par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, il a indiqué qu'elle demandait :

- la fixation d'une date limite pour l'élimination effective des marques conflictuelles, dès lors que les accords se contentaient sur ce point de fixer un terme pour la seule identification des cas litigieux ;

- l'établissement d'un calendrier précis pour la mise en place d'une protection des mentions traditionnelles ;

- une définition plus précise des missions et des moyens de l'instance d'arbitrage chargée de régler les litiges survenus dans l'application des accords ;

- l'adoption d'un mode de calcul unique et non ambigu pour l'augmentation du contingent d'importations à droits nuls de vins sud-africains en Europe. A cet égard, M. Marcel Deneux, rapporteur, a constaté la confusion générée par la combinaison de deux dispositifs visant l'un à majorer temporairement le contingent pour compenser le retard dans l'application des accords, l'autre à augmenter annuellement ce contingent de 3 %, de sorte qu'il en résultait, pour l'année 2011, un contingent de 52,78 millions de litres, et non de 42 millions de litres, comme l'indiquait l'un des projets d'accords.

La proposition de résolution, a-t-il poursuivi, recommande une grande vigilance à l'égard de l'utilisation de l'aide communautaire destinée à la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine, et rappelle le souhait du Sénat de voir aboutir la négociation entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud sur l'accord sectoriel dans le domaine de la pêche.

Puis M. Marcel Deneux, rapporteur, a invité M. Gérard César, rapporteur du groupe de travail sur l'avenir de la viticulture française, à exposer, dans une brève présentation, la situation du secteur viticole de l'Afrique du Sud, où s'est récemment rendue une délégation de ce groupe.

M. Gérard César a, tout d'abord, rappelé que l'Afrique du Sud produisait environ 7,5 millions de litres de vins chaque année, soit 3 % de la production mondiale, ce qui la classait au sixième rang des pays producteurs de vins. Il a expliqué que la taille de son vignoble était stable, même si des perspectives d'extension existaient en direction de terrains occupés par des cultures d'arbres fruitiers, aujourd'hui peu rentables. Il a insisté sur la restructuration de la viticulture sud-africaine, relevant qu'elle se traduisait à la fois par une croissance de la production de vins rouges, conformément à la demande mondiale, et par une progression des vins d'appellations d'origine. Il a fait observer que la modernisation de ce secteur, qui compte 4.500 exploitations, s'était engagée il y a dix ans, à l'issue de l'ère de l'apartheid, sous l'effet de l'ouverture à la concurrence et aux marchés internationaux. Il a également souligné l'importance des moyens consacrés dans ce pays à la formation et à la recherche, en particulier dans le domaine des biotechnologies. Il a constaté, compte tenu de la faible consommation de vins par les Sud-Africains, que l'essentiel de la production viticole de ce pays avait vocation à s'exporter, et qu'elle constituait une concurrence d'autant plus forte pour la viticulture française que les coûts de production, notamment salariaux, y étaient très faibles.

M. Marcel Deneux, rapporteur, a ajouté que cette menace ne concernait pas seulement la France, mais également les autres pays viticoles européens. Indiquant, par ailleurs, que le Conseil des ministres de l'Union européenne devait se prononcer sur ces accords le 21 janvier 2002, il a souhaité que les textes européens soient, à l'avenir, transmis au Parlement dans des délais lui permettant d'adopter des propositions de résolution en temps utile.

Afin d'appuyer les réserves émises par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne à l'égard de ces projets d'accords, M. Marcel Deneux, rapporteur, a proposé de compléter la proposition de résolution examinée. Il a, tout d'abord, jugé souhaitable d'améliorer le système de protection des dénominations défini par les accords. Il a ainsi proposé de supprimer la disposition conditionnant la mise en oeuvre de la protection desindications géographiques en cas d'homonymies avec des marques à la mise en évidence d'une confusion du consommateur, considérant cette condition comme un recul par rapport aux règles du droit communautaire et à celles du droit de la propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce.

Il a, en outre, suggéré que le dispositif prévu pour régler le problème des marques litigieuses concerne non seulement les marques enregistrées, mais également les marques usuelles, de sorte que les marques sud-africaines utilisées, selon une pratique courante dans les pays de droit anglo-saxon, sans avoir fait l'objet d'un enregistrement au sens du droit commercial, entrent bien dans son champ d'application.

Il a également proposé que le versement de l'aide de 15 millions d'euros en vue de la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine soit conditionné à la présentation préalable d'un programme, afin de garantir que les fonds seront répartis entre les différents acteurs de la filière en fonction de leurs besoins.

Ayant, par ailleurs, regretté qu'un certain nombre de clarifications et de précisions, apparues au fur et à mesure des négociations, n'aient pas été intégrées dans le texte même des accords, mais seulement dans des annexes à la valeur juridique plus incertaine, il a souhaité que cette remarque figure dans la proposition de résolution.

Enfin, précisant que des négociations étaient d'ores et déjà engagées avec le Chili et que d'autres étaient envisagées avec des pays tels que la Géorgie ou les pays d'Europe de l'Est, il a proposé que le Sénat exprime, dans la proposition de résolution, son souhait que les accords asymétriques passés avec l'Afrique du Sud ne constituent pas un précédent.

M. François Gerbaud s'est interrogé sur l'utilisation qui serait faite par l'Afrique du Sud de l'aide de 15 millions d'euros accordée par l'Union européenne, craignant qu'elle serve à renforcer la compétitivité du secteur viticole sud-africain, au grand dam des pays européens.

M. Paul Raoult a souligné que le danger pouvait également venir d'autres nouveaux pays viticoles, tels que la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

M. Marcel Deneux, rapporteur, a fait savoir que si l'Union européenne ne négociait pas encore avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, des négociations étaient, en revanche, en cours avec certains pays comme ceux du Mercosur. Il a rappelé que c'était pour cette raison qu'il proposait d'inscrire dans la proposition de résolution que les accords asymétriques passés avec l'Afrique du Sud ne devaient pas constituer un précédent.

M. Gérard César a indiqué que la concurrence pourrait aussi venir des pays d'Europe de l'Est, auxquels l'Union européenne verse des aides à la reconversion du vignoble. Il s'est inquiété de l'augmentation de l'offre mondiale de vins suscitée par l'arrivée sur le marché de nouveaux pays producteurs, dans un contexte de baisse de la consommation de vin.

M. Joseph Kerguéris a fait observer que les vins dits du Nouveau Monde étaient de bonne qualité et répondaient bien à la demande relativement standardisée des consommateurs.

Constatant que la production des vins français s'accompagnait d'une utilisation importante de produits phytosanitaires, M. Jean-Marc Pastor a considéré que se poserait très prochainement la question du recours à des plants génétiquement modifiés, permettant de faire l'économie de tels traitements, d'autant que l'utilisation de cultures non polluantes tendait à devenir un argument de vente. Il s'est, en outre, interrogé sur la place que la viticulture française, largement fondée sur la production de vins de terroirs, pouvait avoir sur un marché mondial de plus en plus orienté vers les vins de cépage.

M. Gérard César a insisté sur l'importance des efforts réalisés par les viticulteurs français pour limiter le recours aux traitements chimiques, notamment par leur engagement dans des démarches de protection raisonnée du vignoble.

Après avoir fait observer que les négociations engagées à Doha dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce avaient conduit à la reconnaissance, non pas d'appellations d'origine contrôlée, mais d'indications géographiques protégées, M. Jean-Paul Emorine a exprimé la crainte que ce choix génère une confusion auprès des consommateurs.

M. Gérard Le Cam s'est interrogé sur les éventuelles compensations tarifaires accordées par l'Afrique du Sud à l'Union européenne dans des domaines autres que celui du vin.

Après avoir répondu que les accords passés avec l'Afrique du Sud avaient un caractère largement asymétrique, dès lors qu'ils s'inscrivaient dans une logique d'aide au développement, M. Marcel Deneux, rapporteur, a donné lecture de l'intégralité de la proposition de résolution soumise à l'approbation de la Commission.

S'agissant de la disposition proposant de conditionner le versement de l'aide à la restructuration à la présentation, par l'Afrique du Sud, d'un programme préalable déterminant une répartition équitable des fonds entre les différentes composantes de la filière viti-vinicole, M. François Gerbaud a suggéré de supprimer la référence à l'équité, dans la mesure où sa définition ne pouvait être que subjective.

La commission a approuvé cette modification. Elle a ensuite adopté à l'unanimité des votants la proposition de résolution, une seule abstention étant enregistrée.

Mission d'information - Colloque « Postes européennes : libéralisation et service public, entre mythes et réalités » - Présentation et adoption des actes du colloque

Enfin, M. Gérard Larcher, président, a présenté à ses collègues les actes du colloque « Postes européennes : libéralisation et service public, entre mythes et réalités », qui s'était déroulé, avec le soutien de la commission, à l'Ecole nationale d'administration, le 20 juin 2001. Il a rappelé que, depuis cette date, le Conseil des ministres de l'Union européenne des 16 et 17 octobre 2001 avait adopté le principe d'une nouvelle directive organisant la poursuite du mouvement d'ouverture à la concurrence du secteur postal. Revenant sur l'historique de cette décision, il a évoqué le débat qui avait eu lieu, au sein de la commission, en décembre 2000, lors de l'examen de la première proposition de directive de la Commission européenne, dite « Bolkestein », du nom du commissaire européen en charge de sa préparation.

M. Gérard Larcher, président, a exposé la proposition qu'il avait alors défendue et que le Sénat avait adoptée, laquelle visait à équilibrer libéralisation et service réservé : la résolution du Sénat demandait au Conseil des ministres de l'Union européenne de limiter le périmètre du monopole postal aux plis d'un poids inférieur à 150 grammes ou d'un prix inférieur à trois fois le tarif de base. Le Conseil n'avait pu, finalement, parvenir à un accord en décembre 2000.

M. Gérard Larcher, président, a ensuite précisé qu'à l'issue de ce premier échec des négociations au Conseil, un nouveau cycle s'était engagé sous la présidence belge de l'Union européenne et qu'il avait, quant à lui, abouti à un accord.

Revenant au colloque organisé le 20 juin 2001, il s'est fait l'écho des trois demandes majeures qui s'étaient alors exprimées : clarifier l'avenir afin d'offrir une visibilité prospective aux acteurs du secteur postal, assurer une plus grande transparence des comptes postaux, garantir les droits des personnels de La Poste.

Il a également souligné qu'un enseignement fort de ce colloque résidait dans l'unanimité des divers intervenants, y compris des plus libéraux, pour considérer que La Poste n'était « pas une entreprise comme les autres ».

M. Gérard Larcher, président, s'est ensuite attaché à décrire les étapes ultérieures de la libéralisation des postes européennes, qui, depuis ce colloque de juin 2001, ont été clairement dessinées par le Conseil dans la proposition de directive qu'il a adoptée en octobre 2001. La première étape, en 2003, consisterait en une limitation du service réservé aux plis de moins de 100 grammes ou d'un prix inférieur à 3 fois le tarif de base. Le président a fait observer qu'il s'agissait d'un accord moins protecteur pour La Poste que la préconisation retenue par le Sénat.

La deuxième étape, en 2006, restreindrait encore le service réservé aux seuls plis d'un poids inférieur à 50 grammes et d'un prix inférieur à 2,5 fois le tarif de base.

M. Gérard Larcher, président, a fait valoir qu'une telle étape représenterait déjà une libéralisation significative pour La Poste, puisqu'une large part du secteur du courrier se trouverait ainsi ouverte à la concurrence, ce qui ne manquerait pas de rendre problématique l'équilibre des comptes postaux en raison, notamment, des contraintes d'aménagement du territoire.

La libéralisation totale du secteur postal pourrait enfin survenir en 2009, si le Conseil en décidait ainsi sur le fondement d'une étude de la Commission devant être présentée avant la fin 2006.

Pour conclure, M. Gérard Larcher, président, a insisté sur l'importance de l'amputation que les monopoles postaux connaîtraient dans les six prochaines années.

M. Gérard Delfau s'est interrogé sur les moyens permettant de maintenir le service postal de proximité. Il a fait part à ses collègues de la prochaine tenue, à son initiative, d'un colloque sur ce thème. Il a notamment estimé nécessaire que La Poste soit soutenue dans l'exercice de ses missions d'intérêt général, s'inquiétant notamment de l'avenir des services financiers du pôle public, à l'heure où la Caisse d'épargne et la Caisse des dépôts et consignations ont choisi de s'associer dans une « Alliance » dont La Poste se trouve exclue.

Citant l'exemple du rail en France, M. Gérard Delfau a suggéré une décentralisation du service postal de proximité. Il a, à ce propos, fait observer que les communes contribuaient déjà au financement des équipements et du fonctionnement de La Poste. Par la décentralisation, le système se trouverait, a-t-il estimé, stabilisé et mis à l'abri des décisions de la Commission européenne.

M. Jean-Pierre Vial a évoqué les précédents que constitue la libéralisation d'EDF et de France Télécom. Dans les deux cas, il avait été prévu, afin de maintenir le service public, une forme de « parachute » à la mise en concurrence : dans le premier cas, un régime particulier a été conçu à destination du gestionnaire du réseau de transport (par le fil) ; dans le second, l'existence d'un fonds de service universel permet de faire financer par la concurrence un socle de « service public ». De tels dispositifs n'ayant pas été envisagés en l'espèce, M. Jean-Pierre Vial s'est demandé ce qu'il resterait du service public postal dans un environnement concurrentiel total.

M. Jacques Bellanger a fait valoir qu'il était impossible de « courir deux lièvres à la fois » : la concurrence et le service public et qu'une péréquation était donc nécessaire. Evoquant la procédure de codécision dont relève la directive adoptée par le Conseil en octobre 2001, il n'a pas écarté l'éventualité que le Parlement européen corrige l'accord obtenu au Conseil dans un sens plus protecteur pour le service public postal. Il a également estimé que, pour l'étape décisive de 2009, l'unanimité serait requise et que l'opposition d'un seul Etat membre permettrait d'éviter la libéralisation intégrale.

En réponse à ses collègues, M. Gérard Larcher, président, a rappelé qu'en 1999, comme il l'avait indiqué dans son rapport « Sauver la poste : est-il encore temps pour décider ? », la Poste consacrait environ 500 millions d'euros par an à l'aménagement du territoire, ce qui pesait lourdement sur ses comptes. Il a attiré l'attention de la commission sur les services publics fonctionnant sans système de péréquation assuré par une entreprise nationale : par exemple, l'eau, les transports locaux et les télécommunications, car en ce dernier domaine, le financement est supporté par tous les opérateurs en concurrence au travers du fonds de service universel. Il ne lui est donc pas apparu impossible d'imaginer des conciliations novatrices si la volonté en était affirmée et, répondant à M. Jean-Pierre Vial, a suggéré que des réflexions soient engagées en ce sens pour définir un mode original de financement de la proximité postale.

Evoquant le réexamen prévu avant l'étape décisive de 2009, M. Gérard Larcher, président, a estimé qu'avant même cette échéance, la question de l'équilibre des comptes de La Poste et de sa présence territoriale deviendrait cruciale, notamment en raison du poids financier de la réduction du temps de travail, laquelle n'a pas été compensée à La Poste, et des risques sérieux de déficit que le cumul de ces charges laissait craindre. Il a notamment évoqué les pistes ouvertes dans le rapport d'information « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique », qu'il avait présenté en 1997 et qui suggérait -dans le cadre d'une exigence de solidarité nationale-une complémentarité de l'action de l'Etat et des collectivités locales.

M. Gérard Bailly a estimé qu'une péréquation nationale serait, en tout état de cause, indispensable : il lui a paru impossible que les départements ruraux supportent seuls le poids financier d'infrastructures technologiques coûteuses car l'alourdissement induit de la fiscalité locale aggraverait la désertification qui les menace.

M. Gérard Delfau a rappelé que le rapport de la mission aménagement du territoire conduite notamment par MM. Jean François-Poncet et Gérard Larcher proposait, en 1994, une péréquation nationale des ressources des collectivités locales. Il a considéré que la commission des affaires économiques se devrait de reprendre ce cheval de bataille. Il a également évoqué les propositions avancées dans son rapport de 1990 sur les services postaux en milieu rural.

M. Jacques Bellanger a noté que, si des éléments de décentralisation devaient intervenir dans le schéma d'avenir du service public postal, il serait utile de songer à nouveau aux « maisons de service public » , dont la mise en place n'avait pas trouvé d'aboutissement.

M. Joseph Kerguéris a rejoint la remarque de son collègue M. Gérard Delfau en estimant qu'on ne pourrait pas faire l'économie d'un débat sur la nature de la péréquation nationale. Il a souligné qu'une péréquation sur une petite échelle pénaliserait les collectivités locales ayant peu de moyens car elle leur imposerait les obligations les plus lourdes. Il lui a semblé que cette discussion fondamentale pour La Poste devait s'ouvrir au sein de la commission.

M. Jean Boyer s'est inquiété de la perte de contrôle par l'Etat de ses services publics dans le cas d'une péréquation infra-nationale. Il a fait valoir que les départements ruraux supportaient déjà l'entretien des routes et que le comité interministériel à l'aménagement du territoire (CIADT) du 8 juillet 2001 n'avait pas fourni les moyens attendus.

M. Jean-Marc Pastor s'est félicité de ce débat sur la notion de service public. Il a jugé que la difficulté essentielle de la Poste était de trouver le moyen de rééquilibrer certains financements. Relevant que les communes contribuaient déjà au financement des agences postales (bâtiment, entretien, personnel), il a évoqué certaines évolutions en cours dans ce domaine. Ainsi, s'agissant du personnel, -La Poste recourant à du personnel mis à sa disposition par les communes- l'ambiguïté juridique du système actuel lui a paru devoir être levée. A ce sujet, il a fait part d'une négociation engagée entre La Poste et son département, qui pourrait se conclure par une inversion, qu'il a lui-même suggérée, du dispositif actuel.

M. Gérard Larcher, président, a constaté qu'effectivement, La Poste n'était pas une entreprise comme les autres et que son avenir faisait débat sur tous les bancs, chacun s'interrogeant sur la question du service public territorial et de son financement.

Evoquant les travaux de 1994 sur l'aménagement du territoire, il a rappelé qu'une solution, d'inspiration allemande, aurait été d'inscrire dans la Constitution le caractère d'égalité entre les territoires et de limiter à 20 le différentiel des dotations aux territoires, lesquelles auraient alors évolué sur une échelle graduée entre 90 et 110. Il a ensuite fait allusion à l'amendement à la loi Voynet qui visait à resserrer la fourchette des dotations locales mais n'avait finalement pas été retenu. Notant que la difficulté d'un tel dispositif résidait notamment dans la fourniture des éléments de calcul sur lesquels il repose, il s'est prononcé pour un aménagement du territoire garantissant à la fois la décentralisation et l'équilibre entre les territoires.

Au sujet des « maisons de service public », il s'est déclaré sceptique quant à leur chance de succès, au regard des multiples tentatives déjà opérées et de l'impossibilité constatée de décloisonner les différents services publics.

S'agissant de la conception d'un service public sans péréquation, il a relevé que la péréquation, en tout état de cause, ne serait plus possible au sein de La Poste d'ici dix ans, par manque de ressources. Il a donc considéré comme nécessaire de poursuivre les réflexions engagées dans son rapport de 1997, à savoir soit une subvention nationale augmentée d'un complément régional si localement il était souhaité aller au-delà des normes nationales de proximité, soit un fonds de service universel par lequel les autres opérateurs contribuent à la présence territoriale, soit une combinaison des deux options. Il a insisté sur la nécessité de maintenir La Poste comme entreprise chargée de missions de service public. Se référant à nouveau à l'Allemagne, il a noté qu'un enrichissement du monopole y avait été opéré par l'augmentation du prix du timbre, représentant une forme de rente, ce qui avait autorisé la poste allemande à acquérir un grand nombre d'entreprises de messagerie et de logistique. Il s'est finalement interrogé sur les moyens de financement des services publics locaux.

M. François Gerbaud a résumé les difficultés qui venaient d'être évoquées en appelant ses collègues à être des « girondins jacobinistes ».

M. Paul Raoult a estimé que la clef d'un aménagement réussi du territoire résidait dans la maîtrise démographique et économique de la métropolisation : il lui a semblé difficile de combattre pour le maintien des services publics en milieu rural si les hommes le désertaient au profit des villes et si les entreprises s'en trouvaient de ce fait peu enclines à s'y installer.

M. Gérard Larcher, président, a relevé l'implication politique de cette remarque, qui démontrait, selon lui, la nécessité d'un système démocratique garantissant la représentation nationale de ces zones rurales, telle que l'assure aujourd'hui le Sénat.

Il s'est félicité de la qualité du débat qui venait de se dérouler et a soumis les actes du colloque à la commission qui en a approuvé la publication.


Table des matières




Mardi 15 janvier 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Audition de M. Jean-Michel Hubert, président de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART)

La commission, conjointement avec le groupe d'étude sur la poste et les télécommunications, a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Hubert, président de l'ART et MM. Jacques Douffiagues et Christian Bècle, membres du collège de l'ART.

M. Gérard Larcher, président, a précisé que M. Pierre Hérisson était chargé d'un rapport ponctuel d'information sur le bilan de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, tandis que lui-même était chargé d'un rapport sur l'évolution du statut de France Télécom, sujet dont le président a fait observer qu'il avait fait l'objet, au cours d'un échange tenu, dans la matinée, entre MM. Alain Juppé et Laurent Fabius, d'une appréciation consensuelle quant à la nécessité de lui faire franchir une nouvelle étape, diminuant la part de l'Etat au capital.

Le président a souhaité voir aborder quatre sujets :

- le statut de France Télécom et son éventuelle influence sur l'ouverture à la concurrence depuis 1998 ;

- l'évolution du service universel des télécommunications et l'éventuelle inclusion de la téléphonie mobile dans son périmètre ;

- le développement de la concurrence en France, en particulier s'agissant de la boucle locale radio, de la téléphonie mobile de troisième génération et de l'intervention des collectivités locales dans la mise en place des infrastructures de télécommunications ;

- les pouvoirs de l'Autorité de régulation des télécommunications et ses relations avec le Gouvernement et les opérateurs.

M. Jean-Michel Hubert a estimé que le statut de France télécom n'avait pas perturbé le fonctionnement de la régulation, ni l'ouverture à la concurrence, l'élément le plus déterminant ayant été sa position d'opérateur historique et sa position dominante sur les différents segments du marché, davantage que son statut. Il a, à cet égard, observé que la tendance générale, au sein de l'Union européenne, était à une diminution de la part de l'Etat au capital des opérateurs de télécommunications, cette participation étant nulle dans certains cas. Il a relevé que, si l'Etat devait ne plus être majoritaire au capital de France télécom, il conviendrait d'en tirer les conséquences sur le cadre réglementaire du secteur et les pouvoirs de l'ART.

Esquissant un panorama de la concurrence, le président de l'ART a jugé que le marché français était devenu concurrentiel, puisqu'on dénombrait plus de cent opérateurs titulaires de licences. Il a précisé que le téléphone fixe avait été ouvert à la sélection du transporteur et à la présélection au 1er janvier 1998 pour la longue distance et au 1er janvier 2002 pour les communications locales. Il a fait observer que la téléphonie mobile était fortement concurrentielle, Orange y détenant 48 % de part de marché, contre 34 % pour SFR et 18 % pour Bouygues Télécom. Il a précisé que, sur ce segment de marché, l'ART avait agi en faveur d'une meilleure couverture territoriale et d'une baisse du prix des appels sortants comme des appels entrants.

S'agissant de la troisième génération de téléphonie mobile (Universal mobile telecommunications system (UMTS)), M. Jean-Michel Hubert a rappelé que, dès mai 2001, l'Autorité avait pris position en faveur d'une réduction du prix initial des licences UMTS en France et du lancement d'un deuxième appel à candidature, pour les deux licences restant à attribuer.

Se félicitant de la mise en oeuvre récente de ces recommandations, il a relevé que les opérateurs potentiellement candidats à une licence en France déclaraient devoir tenir compte de l'ensemble de leurs engagements sur le marché européen, et notamment des financements très importants engagés pour acquérir des licences en Allemagne et au Royaume-Uni.

S'agissant de l'Internet à bas débit, accessible à l'ensemble de la population via le réseau téléphonique commuté, il a mis en exergue la baisse des tarifs intervenue ces dernières années, depuis l'apparition d'un forfait à cent francs pour 20 heures de connexion, il y a deux ans ; jusqu'à la mise en place d'une interconnexion forfaitaire dans le dernier catalogue d'interconnexion de France Télécom, permettant l'éclosion d'offres innovantes de connexion à Internet.

En ce qui concerne Internet à haut débit, M. Jean-Michel Hubert a considéré que les raccordements se développeraient grâce à une gamme de technologies :

- la boucle locale radio, qui se déploie, même à un rythme plus lent que celui initialement envisagé, compte tenu du brutal retournement de conjoncture. Le président de l'ART précise que l'Autorité serait plutôt encline à constater les défaillances de certains opérateurs de boucle locale radio (BLR) à remplir les obligations de leurs cahiers des charges, qu'à laisser perdurer l'incertitude actuelle- ;

- le câble, qui concerne un tiers des abonnés français au haut débit (180.000 sur un total de 550.000) ;

- le dégroupage, qui permet le déploiement de la technologie ADSL (asynchronous digital subscriber line) sur le réseau téléphonique traditionnel, dossier complexe mais sur lequel le président de l'ART a affirmé avancer avec beaucoup de détermination, la France se situant à un rang honorable en Europe.

M. Jean-Michel Hubert a fait valoir que l'ouverture à la concurrence avait entraîné une baisse très significative des prix pour les consommateurs : 60 % pour le prix moyen de l'accès à Internet, de 27 à 35 % pour le prix moyen des communications longue distance ces trois dernières années. Il a relevé que les opérateurs étrangers avaient une bonne image de la régulation française, peut-être plus discrète que dans certains autres pays de l'Union, mais jugée efficace et lisible. Il a considéré que la concurrence devait être à la fois équitable -la procédure de règlement des différends par l'ART constituant, à cet égard, un outil utile et durable pour envoyer des signaux au marché-, la menace de la constitution d'oligopoles n'étant pas à exclure. Le président de l'ART a affirmé l'objectif d'une pérennité de choix pour le consommateur.

M. Jean-Michel Hubert a rappelé la définition et le périmètre du service universel de télécommunications, relevant que le fonds de service universel, financé par l'ensemble des opérateurs, était une originalité française en Europe, et se révélait d'une mise en oeuvre complexe. Il a fait observer que plus de trois années avaient été nécessaires au Gouvernement pour mettre en place les tarifs téléphoniques dits « sociaux » destinés aux catégories défavorisées.

Le président de l'ART a souhaité une couverture territoriale la plus large possible pour les services de téléphonie mobile de deuxième génération. S'interrogeant sur l'opportunité d'une extension, par la loi, du service universel à la téléphonie mobile, il a considéré que les récentes décisions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) pouvaient conduire à élargir la diffusion de ces services sur le territoire, sans forcément les inclure dans le service universel. Il a jugé qu'une telle inclusion nécessiterait que soient clarifiées, au préalable, les modalités de prise en charge des financements qui en découlent.

M. Jean-Michel Hubert a fait observer que le récent rapport, remis par le Gouvernement au Parlement, sur la couverture mobile du territoire, faisait état d'un taux de couverture de 91 %, alors que les mesures in situ réalisées par l'Autorité le ramenaient à seulement 83 % de couverture sur la base d'un échantillon représentatif de 100 cantons. Il a affirmé que l'ART mettait à la disposition des collectivités locales, par voie de convention, une méthodologie permettant de mesurer concrètement la couverture des différents cantons.

S'agissant des pouvoirs de l'ART, M. Jean-Michel Hubert a précisé que les nouvelles directives européennes sur les télécommunications devraient être prochainement adoptées puis transposées, quinze mois après leur adoption définitive. Il a mis en lumière quelques orientations fortes de ces directives : la convergence technologique, la poursuite d'une régulation sectorielle, la modification des relations entre la Commission et les autorités de régulation nationales. Il a fait valoir que l'organisation des relations entre l'ART et le Conseil de la concurrence par la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications avait prouvé toute son efficacité. Il a, toutefois, jugé que cette loi pourrait être simplifiée, en particulier en ce qui concerne le partage des compétences entre le Gouvernement et l'ART.

M. Pierre Hérisson, président du groupe d'étude sur la poste et les télécommunications, a demandé si le statut de France Télécom avait constitué un atout ou un handicap pour le développement de la concurrence. Il a souhaité savoir si l'ART jugeait nécessaire des ajustements tels qu'une éventuelle filialisation de certaines activités concurrentielles encore exercées au sein de la maison mère, ou encore un renforcement des obligations de séparation comptable entre les différentes activités. Il a demandé quelle était la position de l'ART sur une régionalisation du service universel des télécommunications, dans l'hypothèse d'une éventuelle extension de ce service à la téléphonie mobile.

Relevant que le nombre d'opérateurs était passé de 133 à 113 au cours de l'année 2001, M. Pierre Hérisson a toutefois constaté que des difficultés similaires étaient observées dans les autres pays de l'Union européenne et a demandé si la France n'était pas, somme toute, un élève moyen de la classe européenne pour l'ouverture à la concurrence.

M. Pierre Hérisson a demandé s'il était envisageable que deux candidats se présentent au deuxième tour d'attribution des licences UMTS et si l'ART retirerait les licences de boucle locale radio attribuées aux opérateurs qui ne satisferaient pas à leurs obligations de déploiement. Il a, en outre, demandé si l'ART, qui avait organisé la procédure d'attribution des licences, se sentait responsable des difficultés actuelles de ce segment du marché. Constatant que les collectivités locales intervenaient, dans une optique d'aménagement du territoire, pour financer des équipements de téléphonie mobile, ou de haut débit, il a demandé si tel ne devrait pas plutôt être le rôle de l'Etat, selon une logique de péréquation nationale. Il a exprimé ses craintes quant à l'avenir de l'ADSL, compte tenu du retard déjà accumulé depuis trois ans.

Enfin, M. Pierre Hérisson, jugeant que l'ART avait vécu, depuis 1997, sous « l'épée de Damoclès » des conclusions du rapport de M. Michel Delebarre et préconisant une refonte de ses pouvoirs (jamais mises en oeuvre sur ce point précis), il a demandé aux membres du collège de l'ART quel bilan ils faisaient de leurs relations avec le Gouvernement durant cette période.

M. Jacques Bellanger a regretté que la concurrence ait été le thème principal de l'exposé du président de l'ART, alors que l'aménagement du territoire, peu évoqué, se trouve, à son sens, sérieusement remis en cause par l'impossibilité actuelle pour les zones rurales d'être raccordées à Internet à haut débit, les opérateurs n'étant pas enclins à financer de tels investissements.

M. Claude Saunier a considéré que la conjoncture actuelle résultait de l'explosion d'une bulle spéculative autour de l'économie Internet, les opérateurs titulaires d'une licence UMTS repoussant désormais la mise en service de leurs réseaux, dont la rentabilité se révèle bien inférieure à celle un temps imaginée. Il s'est interrogé sur les mesures que l'Allemagne et la Grande-Bretagne pourraient, à l'instar de la France, mettre en oeuvre pour alléger le fardeau financier des titulaires de licences UMTS.

Répondant à M. Pierre Hérisson, M. Jean-Michel Hubert a considéré que le statut de France Télécom n'avait pas constitué un handicap pour la régulation du secteur. Il a mis en valeur la compétence technologique et le dynamisme de cette entreprise, qui a vécu une révolution culturelle très profonde depuis 1996, et s'est félicité de son rayonnement international. Il a toutefois relevé que le statut n'avait pas été sans conséquences sur les modalités de financement de l'acquisition de l'opérateur Orange.

S'agissant d'une éventuelle filialisation de certaines activités de France Télécom, le président de l'ART a considéré que ce processus pourrait s'avérer long et difficile à mettre en oeuvre, et qu'il ne permettrait pas nécessairement de répondre à l'objectif de renforcement du contrôle de ces activités. Un renforcement des obligations de séparation comptable, sous le contrôle du régulateur, semble une orientation plus appropriée.

Il a considéré que, dans l'ensemble communautaire, la France était assez bien située en termes d'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, surtout si l'on considère l'évolution réalisée depuis seulement 4 ans, contre plus de 10 ans de libéralisation au Royaume-Uni. Il a rappelé que, dès juillet 1999, dans un avis tarifaire, l'ART avait fixé les conditions d'un déploiement de l'ADSL en France, avis qui n'avait malheureusement pas été suivi. Il a affirmé que l'ART travaillait sans relâche à l'amélioration des conditions techniques et financières de l'offre de l'opérateur historique permettant le déploiement, par tous les opérateurs qui le souhaitent, de services ADSL dans le cadre du dégroupage. Il a souligné qu'il convenait de veiller, parallèlement, à l'équilibre économique des réseaux câblés, raccordant un abonné français sur trois au haut débit.

M. Jean-Michel Hubert, faisant observer que deux licences UMTS restaient à attribuer en France, a rappelé que les opérateurs, avant de se déclarer candidats, devaient prendre en compte l'ensemble de leurs engagements financiers sur le marché européen et particulièrement les sommes très lourdes déboursées pour l'achat des licences au Royaume-Uni et en Allemagne. Il a souhaité qu'une approche cohérente, solidaire et européenne puisse aujourd'hui être trouvée sur cette question.

Le président de l'ART a affirmé que l'Autorité n'hésiterait pas à retirer leur licence aux opérateurs de BLR qui n'auraient pas respecté leurs engagements. Revenant sur la procédure d'attribution de ces licences, il a affirmé que le choix de l'ART n'avait pas été arbitraire, mais qu'au contraire il résultait d'une grille de critères objectifs et publics. Il a considéré que seul le retournement de conjoncture expliquait le retard pris dans le déploiement de cette technologie et relevé que la France était le pays d'Europe où la boucle locale radio était la plus avancée.

M. Jean-Michel Hubert a rappelé la doctrine de l'ART concernant l'intervention des acteurs publics en matière de télécommunications : la première responsabilité dans le financement des infrastructures revient aux opérateurs, puis à l'Etat, sur la base d'une solidarité nationale, et, enfin, aux collectivités locales, les pouvoirs publics n'ayant pas vocation à altérer la logique du marché.

Répondant à M. Jacques Bellanger, M. Jean-Michel Hubert a affirmé que la couverture du territoire était un objectif essentiel de l'ART, mais qu'en matière de haut débit, aucune technologie n'avait, en soi, vocation à couvrir uniformément l'intégralité du territoire, l'Autorité recommandant la plus grande superposition possible de technologies, pour maximiser la probabilité d'une large couverture territoriale des divers accès à haut débit. Il a, en outre, considéré que l'accessibilité du haut débit sur le territoire ne pourrait être que progressive, l'expression de la demande étant un paramètre important pour la réalisation des investissements.

M. Jacques Douffiagues, membre du collège de l'ART, acorroboré l'analyse du président de l'ART s'agissant de l'intervention des collectivités publiques dans le secteur des télécommunications. Il a rappelé qu'une récente réforme du code général des collectivités territoriales avait assoupli les conditions d'intervention des collectivités locales pour la mise en place d'infrastructures de télécommunications passives. Il a toutefois considéré que le récent CIADT de Limoges relevait d'une logique toute différente, puisqu'il posait, pour l'amélioration de la couverture territoriale en téléphonie mobile et en haut débit, le principe d'une intervention première de l'Etat et des collectivités locales, la contribution des opérateurs ne venant qu'en second. En effet, le Gouvernement a considéré que, pour couvrir les communes ne disposant pas de l'accès au téléphone mobile (soit, d'après le CIADT, 1.480 communes), le financement des infrastructures nécessaires devait être réparti en trois tiers : un tiers pour l'Etat, un tiers pour les collectivités locales, un tiers pour les opérateurs.

A cet égard, M. Jacques Douffiagues a fait valoir que, si le récent rapport précité du Gouvernement faisait état d'un taux de couverture territoriale en téléphonie mobile de plus de 90 %, les mesures sur le terrain réalisées par l'ART chiffraient ce pourcentage à 83 %. De plus, depuis le CIADT, le vote de la loi de finances donnait à penser que l'Etat ne prendrait pas en charge sa part du financement des infrastructures nécessaires au complément de la couverture territoriale, tandis que deux opérateurs auraient pris l'engagement d'en supporter l'essentiel, aux côtés des collectivités locales. Il a précisé que l'Etat avait demandé aux préfets de région de déterminer, avant le 31 décembre 2001, les zones à couvrir en priorité, et que seules onze régions avaient répondu à cette date, les autres demandant un délai supplémentaire pour établir cette cartographie. Il a donc estimé qu'aucune amélioration de couverture ne pouvait être espérée avant le printemps.

M. Jean Boyer s'est inquiété de la persistance de zones non couvertes dans le département de la Haute-Loire et a demandé quand serait signée la convention entre ce département et l'ART pour la mise en place d'un dispositif de mesure.

M. Jean-Michel Hubert a précisé que la Haute-Loire était le quatrième département à signer, le 16 janvier 2002, une convention avec l'ART pour la mise en place de mesures sur le terrain de la couverture en téléphonie mobile.

M. Christian Bècle, membre du collège de l'ART, a fait valoir que ces mesures in situ donnaient aux collectivités des bases objectives pour leurs négociations avec les représentants de l'Etat, alors que, jusqu'à présent, ces dernières ne pouvaient disposer que d'estimations quant à la couverture des trois réseaux de téléphonie mobile. Il a relevé que la seule obligation aujourd'hui imposée aux opérateurs mobiles était d'acheminer les appels d'urgence des opérateurs concurrents dans les zones que ces derniers ne couvraient pas. Il a fait observer que, si le CIADT avait envisagé de généraliser cette obligation dite « d'itinérance » à l'ensemble des appels, au-delà des seuls appels d'urgence, afin d'accroître la couverture de chacun des trois réseaux aux zones couvertes par l'un d'entre eux seulement, cette hypothèse semblait aujourd'hui abandonnée.

M. Jean-Michel Hubert est revenu sur le brutal retournement de conjoncture du secteur des télécommunications, caractérisé, au cours du premier semestre 2000, par les difficultés des sociétés de la nouvelle économie, et, au cours du deuxième semestre, par les conséquences des prix exorbitants des enchères allemandes et anglaises pour l'UMTS. Il a relevé que les commentaires, un temps critiques, sur la position prudente de l'ART pour l'attribution de ces licences, prônant une soumission comparative plutôt que des enchères, s'étaient désormais retournés, compte tenu de l'évolution de la conjoncture. Il a observé que la décision de l'Union européenne, fixant au 1er janvier 2002 la mise en service de l'UMTS, prise, notamment, sous l'influence des équipementiers de télécommunications, avait été prématurée, comme l'ART l'avait souligné il y a déjà huit mois, l'horizon de mise en place de cette technologie se situant, à son sens, plutôt au-delà de 2004. Il a réaffirmé sa confiance dans la technologie UMTS à cette échéance, et jugé indispensable de dire la vérité aux marchés.

M. Jean-Pierre Vial a demandé des précisions sur l'état des lieux de la couverture mobile précipitamment réalisée par les préfets en fin d'année 2001.

M. Christian Bècle, membre du collège de l'ART, a détaillé la méthodologie de mesures in situ de la couverture mobile mise en oeuvre par l'ART, par opposition aux calculs théoriques de propagation des ondes ayant conduit à l'établissement de la carte de couverture mobile figurant dans le rapport du Gouvernement. Il a rappelé que ces mesures sur le terrain avaient vocation à aider les collectivités locales dans leurs discussions avec les préfets pour la mise en oeuvre des décisions du CIADT, et considéré que ces derniers n'avaient pu disposer, pour le recensement que leur avait demandé l'Etat, que d'enquêtes orales ou de sondages pour déterminer les zones dont la couverture était insuffisante.

M. Jean-Michel Hubert a remercié la commission d'avoir pris l'initiative de recevoir les membres du collège de l'ART. Il a affirmé que la couverture du territoire était une préoccupation permanente de l'Autorité et indiqué que la satisfaction du consommateur, garante du développement du marché, demeurait la cible ultime de son action. Il a considéré que 2002 serait une année importante pour la réglementation des télécommunications, compte tenu notamment de la transposition à venir des directives européennes récemment adoptées.

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Communication

La commission a ensuite entendu une brève communication de M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 415 (2000-2001) relatif à la démocratie de proximité, à propos des amendements présentés par M. Louis Le Pensec, tendant à insérer un article additionnel après l'article 47 ter pour modifier les règles de fonctionnement du conservatoire du littoral.

Après avoir entendu l'exposé de leur contenu, et tout en regrettant que la procédure employée prive le Sénat d'un débat de fond sur l'avenir du conservatoire du littoral, la commission a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des amendements n°s 610, 612, 614, 615, 617, 619, 620, 621 et 653.

Mercredi 16 janvier 2002

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Bureau de la Commission - Communication

M. Gérard Larcher, président, a tout d'abord rendu compte de la réunion du Bureau de la commission, tenue antérieurement dans la matinée. Il a indiqué que :

- le principe de réunions de la commission pendant la période de suspension de la session parlementaire avait été approuvé et que trois dates avaient été arrêtées (à 16 heures les mardi 12 mars, 26 mars et 14 mai) ;

- la constitution d'un groupe d'étude « Industrie du bâtiment et des travaux publics » demandée par M. Francis Grignon avait été approuvée ;

- s'agissant des missions d'information dont il était prévu de demander la création, le nombre des membres avait été fixé à 15 (5 membres RPR, 4 socialistes, 2 UC, 2 RI, 1 RDSE, 1 CRC), étant précisé que le même principe de composition et de répartition politique serait appliqué prochainement pour les deux autres missions d'information que la commission envisageait de soumettre à l'approbation du Sénat (l'une relative à la politique agricole commune, l'autre aux organismes génétiquement modifiés) ;

- sauf accord ponctuel contraire, le principe d'une attribution des rapports d'information aux rapporteurs pour avis en charge du secteur avait été retenu.

M. Gérard Larcher, président, a également informé la commission que pour la prochaine réunion de Bureau, il prévoyait de présenter plusieurs rapports dont un sur les activités des groupes d'études rattachés à la commission et qu'il soumettrait au Bureau un projet pour la communication de la commission.

Il a ensuite fait part des changements intervenus au sein du secrétariat de la commission. Il a salué la promotion du précédent responsable de ce secrétariat, décrit la mission qui lui était actuellement confiée, l'intérêt pour les commissions de la démarche ainsi engagée à l'initiative du Président du Sénat et estimé que cette démarche devait être soutenue.

Retraite - Création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite demandé à être saisie pour avis et a nommé M. Gérard César, rapporteur pour avis sur les propositions de loi n°s 95 (2001-2002), relative à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles  et 126 (2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

Tout en signalant la similitude des objectifs poursuivis par les deux textes, M. Gérard César a exposé les différences qui les distinguaient. Il a notamment indiqué que sa proposition de loi prévoyait une prise en compte des conjoints survivants et des aides familiaux, ainsi que la mensualisation du paiement des retraites agricoles.

M. Bernard Piras a alors estimé que la question de la mensualisation des retraites agricoles n'était pas d'ordre législatif, mais simplement d'ordre technique.

Mission d'information sur les zones franches urbaines - Désignation d'un rapporteur

Puis la commission a confié à M. Pierre André, rapporteur pour avis du budget de la ville, le soin d'établir un rapport d'information sur les zones franches urbaines. Il a été décidé que le rapporteur ainsi désigné conduirait ses travaux avec un représentant de chacun des groupes politiques du Sénat.

Nomination d'un rapporteur

Puis, la commission a procédé à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de résolution n° 169 (2001-2002) de M. Marcel Deneux au nom de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, sur les propositions de décisions et de règlements relatifs à plusieurs accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud en matière de commerce de vins et spiritueux.

M. Marcel Deneux a été désigné.

Résolutions européennes - Accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud en matière de commerce de vins et spiritueux - Examen du rapport

Elle a ensuite examiné le rapport de M. Marcel Deneux sur cette proposition de résolution.

M. Marcel Deneux, rapporteur, a, tout d'abord, rappelé que ces projets d'accord s'inscrivaient dans la droite ligne de l'accord de commerce signé le 11 octobre 1999 avec l'Afrique du Sud, sur lequel la commission avait eu à se prononcer. A l'époque, a-t-il expliqué, l'échec des négociations dans plusieurs domaines, dont celui des vins et spiritueux, avait conduit à prévoir la conclusion d'accords sectoriels séparés.

Il a indiqué qu'après plusieurs années de discussions difficiles, un consensus avait finalement été trouvé entre les deux parties, formalisé le 25 juin 2001, par la signature d'un protocole d'accord. Il a alors précisé que ce protocole avait donné lieu à la rédaction de quatre projets d'accords, relatifs :

- au commerce des vins entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ;

- au commerce des spiritueux entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ;

- au contingent tarifaire applicable à l'importation de vins sud-africains par l'Union européenne ;

- à la date d'entrée en vigueur de ces accords, fixée, de manière anticipée, au 1er janvier 2002.

Puis il a expliqué que ces textes prévoyaient l'attribution par l'Union européenne à l'Afrique du Sud :

- d'un contingent d'importations exonérées de droits de douane pour un volume de 35,3 millions de litres, destiné à être progressivement augmenté, et majoré de 6,72 millions de litres chaque année pour la période comprise entre 2002 et 2011 afin de compenser le retard dans l'entrée en vigueur des accords ;

- d'une aide de 15 millions d'euros pour la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine.

M. Marcel Deneux a ensuite indiqué que ces avantages étaient accordés en contrepartie de l'engagement de l'Afrique du Sud de respecter les dénominations européennes, telles que les indications géographiques et, en particulier, de renoncer à l'utilisation, très répandue dans ce pays, des termes « porto » et « sherry ».

Il a alors précisé que les accords sur le commerce des vins et des spiritueux prévoyaient une reconnaissance mutuelle des pratiques oenologiques, des dénominations protégées et des marques utilisées, ainsi qu'un dispositif visant à régler les cas des marques conflictuelles, c'est-à-dire des marques utilisées par les deux parties. Il a ajouté que ces accords instauraient un organe dénommé comité mixte, en vue de régler les litiges survenant dans leur application.

Présentant ensuite le contenu de la proposition de résolution transmise par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, il a indiqué qu'elle demandait :

- la fixation d'une date limite pour l'élimination effective des marques conflictuelles, dès lors que les accords se contentaient sur ce point de fixer un terme pour la seule identification des cas litigieux ;

- l'établissement d'un calendrier précis pour la mise en place d'une protection des mentions traditionnelles ;

- une définition plus précise des missions et des moyens de l'instance d'arbitrage chargée de régler les litiges survenus dans l'application des accords ;

- l'adoption d'un mode de calcul unique et non ambigu pour l'augmentation du contingent d'importations à droits nuls de vins sud-africains en Europe. A cet égard, M. Marcel Deneux, rapporteur, a constaté la confusion générée par la combinaison de deux dispositifs visant l'un à majorer temporairement le contingent pour compenser le retard dans l'application des accords, l'autre à augmenter annuellement ce contingent de 3 %, de sorte qu'il en résultait, pour l'année 2011, un contingent de 52,78 millions de litres, et non de 42 millions de litres, comme l'indiquait l'un des projets d'accords.

La proposition de résolution, a-t-il poursuivi, recommande une grande vigilance à l'égard de l'utilisation de l'aide communautaire destinée à la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine, et rappelle le souhait du Sénat de voir aboutir la négociation entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud sur l'accord sectoriel dans le domaine de la pêche.

Puis M. Marcel Deneux, rapporteur, a invité M. Gérard César, rapporteur du groupe de travail sur l'avenir de la viticulture française, à exposer, dans une brève présentation, la situation du secteur viticole de l'Afrique du Sud, où s'est récemment rendue une délégation de ce groupe.

M. Gérard César a, tout d'abord, rappelé que l'Afrique du Sud produisait environ 7,5 millions de litres de vins chaque année, soit 3 % de la production mondiale, ce qui la classait au sixième rang des pays producteurs de vins. Il a expliqué que la taille de son vignoble était stable, même si des perspectives d'extension existaient en direction de terrains occupés par des cultures d'arbres fruitiers, aujourd'hui peu rentables. Il a insisté sur la restructuration de la viticulture sud-africaine, relevant qu'elle se traduisait à la fois par une croissance de la production de vins rouges, conformément à la demande mondiale, et par une progression des vins d'appellations d'origine. Il a fait observer que la modernisation de ce secteur, qui compte 4.500 exploitations, s'était engagée il y a dix ans, à l'issue de l'ère de l'apartheid, sous l'effet de l'ouverture à la concurrence et aux marchés internationaux. Il a également souligné l'importance des moyens consacrés dans ce pays à la formation et à la recherche, en particulier dans le domaine des biotechnologies. Il a constaté, compte tenu de la faible consommation de vins par les Sud-Africains, que l'essentiel de la production viticole de ce pays avait vocation à s'exporter, et qu'elle constituait une concurrence d'autant plus forte pour la viticulture française que les coûts de production, notamment salariaux, y étaient très faibles.

M. Marcel Deneux, rapporteur, a ajouté que cette menace ne concernait pas seulement la France, mais également les autres pays viticoles européens. Indiquant, par ailleurs, que le Conseil des ministres de l'Union européenne devait se prononcer sur ces accords le 21 janvier 2002, il a souhaité que les textes européens soient, à l'avenir, transmis au Parlement dans des délais lui permettant d'adopter des propositions de résolution en temps utile.

Afin d'appuyer les réserves émises par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne à l'égard de ces projets d'accords, M. Marcel Deneux, rapporteur, a proposé de compléter la proposition de résolution examinée. Il a, tout d'abord, jugé souhaitable d'améliorer le système de protection des dénominations défini par les accords. Il a ainsi proposé de supprimer la disposition conditionnant la mise en oeuvre de la protection desindications géographiques en cas d'homonymies avec des marques à la mise en évidence d'une confusion du consommateur, considérant cette condition comme un recul par rapport aux règles du droit communautaire et à celles du droit de la propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce.

Il a, en outre, suggéré que le dispositif prévu pour régler le problème des marques litigieuses concerne non seulement les marques enregistrées, mais également les marques usuelles, de sorte que les marques sud-africaines utilisées, selon une pratique courante dans les pays de droit anglo-saxon, sans avoir fait l'objet d'un enregistrement au sens du droit commercial, entrent bien dans son champ d'application.

Il a également proposé que le versement de l'aide de 15 millions d'euros en vue de la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine soit conditionné à la présentation préalable d'un programme, afin de garantir que les fonds seront répartis entre les différents acteurs de la filière en fonction de leurs besoins.

Ayant, par ailleurs, regretté qu'un certain nombre de clarifications et de précisions, apparues au fur et à mesure des négociations, n'aient pas été intégrées dans le texte même des accords, mais seulement dans des annexes à la valeur juridique plus incertaine, il a souhaité que cette remarque figure dans la proposition de résolution.

Enfin, précisant que des négociations étaient d'ores et déjà engagées avec le Chili et que d'autres étaient envisagées avec des pays tels que la Géorgie ou les pays d'Europe de l'Est, il a proposé que le Sénat exprime, dans la proposition de résolution, son souhait que les accords asymétriques passés avec l'Afrique du Sud ne constituent pas un précédent.

M. François Gerbaud s'est interrogé sur l'utilisation qui serait faite par l'Afrique du Sud de l'aide de 15 millions d'euros accordée par l'Union européenne, craignant qu'elle serve à renforcer la compétitivité du secteur viticole sud-africain, au grand dam des pays européens.

M. Paul Raoult a souligné que le danger pouvait également venir d'autres nouveaux pays viticoles, tels que la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

M. Marcel Deneux, rapporteur, a fait savoir que si l'Union européenne ne négociait pas encore avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, des négociations étaient, en revanche, en cours avec certains pays comme ceux du Mercosur. Il a rappelé que c'était pour cette raison qu'il proposait d'inscrire dans la proposition de résolution que les accords asymétriques passés avec l'Afrique du Sud ne devaient pas constituer un précédent.

M. Gérard César a indiqué que la concurrence pourrait aussi venir des pays d'Europe de l'Est, auxquels l'Union européenne verse des aides à la reconversion du vignoble. Il s'est inquiété de l'augmentation de l'offre mondiale de vins suscitée par l'arrivée sur le marché de nouveaux pays producteurs, dans un contexte de baisse de la consommation de vin.

M. Joseph Kerguéris a fait observer que les vins dits du Nouveau Monde étaient de bonne qualité et répondaient bien à la demande relativement standardisée des consommateurs.

Constatant que la production des vins français s'accompagnait d'une utilisation importante de produits phytosanitaires, M. Jean-Marc Pastor a considéré que se poserait très prochainement la question du recours à des plants génétiquement modifiés, permettant de faire l'économie de tels traitements, d'autant que l'utilisation de cultures non polluantes tendait à devenir un argument de vente. Il s'est, en outre, interrogé sur la place que la viticulture française, largement fondée sur la production de vins de terroirs, pouvait avoir sur un marché mondial de plus en plus orienté vers les vins de cépage.

M. Gérard César a insisté sur l'importance des efforts réalisés par les viticulteurs français pour limiter le recours aux traitements chimiques, notamment par leur engagement dans des démarches de protection raisonnée du vignoble.

Après avoir fait observer que les négociations engagées à Doha dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce avaient conduit à la reconnaissance, non pas d'appellations d'origine contrôlée, mais d'indications géographiques protégées, M. Jean-Paul Emorine a exprimé la crainte que ce choix génère une confusion auprès des consommateurs.

M. Gérard Le Cam s'est interrogé sur les éventuelles compensations tarifaires accordées par l'Afrique du Sud à l'Union européenne dans des domaines autres que celui du vin.

Après avoir répondu que les accords passés avec l'Afrique du Sud avaient un caractère largement asymétrique, dès lors qu'ils s'inscrivaient dans une logique d'aide au développement, M. Marcel Deneux, rapporteur, a donné lecture de l'intégralité de la proposition de résolution soumise à l'approbation de la Commission.

S'agissant de la disposition proposant de conditionner le versement de l'aide à la restructuration à la présentation, par l'Afrique du Sud, d'un programme préalable déterminant une répartition équitable des fonds entre les différentes composantes de la filière viti-vinicole, M. François Gerbaud a suggéré de supprimer la référence à l'équité, dans la mesure où sa définition ne pouvait être que subjective.

La commission a approuvé cette modification. Elle a ensuite adopté à l'unanimité des votants la proposition de résolution, une seule abstention étant enregistrée.

Mission d'information - Colloque « Postes européennes : libéralisation et service public, entre mythes et réalités » - Présentation et adoption des actes du colloque

Enfin, M. Gérard Larcher, président, a présenté à ses collègues les actes du colloque « Postes européennes : libéralisation et service public, entre mythes et réalités », qui s'était déroulé, avec le soutien de la commission, à l'Ecole nationale d'administration, le 20 juin 2001. Il a rappelé que, depuis cette date, le Conseil des ministres de l'Union européenne des 16 et 17 octobre 2001 avait adopté le principe d'une nouvelle directive organisant la poursuite du mouvement d'ouverture à la concurrence du secteur postal. Revenant sur l'historique de cette décision, il a évoqué le débat qui avait eu lieu, au sein de la commission, en décembre 2000, lors de l'examen de la première proposition de directive de la Commission européenne, dite « Bolkestein », du nom du commissaire européen en charge de sa préparation.

M. Gérard Larcher, président, a exposé la proposition qu'il avait alors défendue et que le Sénat avait adoptée, laquelle visait à équilibrer libéralisation et service réservé : la résolution du Sénat demandait au Conseil des ministres de l'Union européenne de limiter le périmètre du monopole postal aux plis d'un poids inférieur à 150 grammes ou d'un prix inférieur à trois fois le tarif de base. Le Conseil n'avait pu, finalement, parvenir à un accord en décembre 2000.

M. Gérard Larcher, président, a ensuite précisé qu'à l'issue de ce premier échec des négociations au Conseil, un nouveau cycle s'était engagé sous la présidence belge de l'Union européenne et qu'il avait, quant à lui, abouti à un accord.

Revenant au colloque organisé le 20 juin 2001, il s'est fait l'écho des trois demandes majeures qui s'étaient alors exprimées : clarifier l'avenir afin d'offrir une visibilité prospective aux acteurs du secteur postal, assurer une plus grande transparence des comptes postaux, garantir les droits des personnels de La Poste.

Il a également souligné qu'un enseignement fort de ce colloque résidait dans l'unanimité des divers intervenants, y compris des plus libéraux, pour considérer que La Poste n'était « pas une entreprise comme les autres ».

M. Gérard Larcher, président, s'est ensuite attaché à décrire les étapes ultérieures de la libéralisation des postes européennes, qui, depuis ce colloque de juin 2001, ont été clairement dessinées par le Conseil dans la proposition de directive qu'il a adoptée en octobre 2001. La première étape, en 2003, consisterait en une limitation du service réservé aux plis de moins de 100 grammes ou d'un prix inférieur à 3 fois le tarif de base. Le président a fait observer qu'il s'agissait d'un accord moins protecteur pour La Poste que la préconisation retenue par le Sénat.

La deuxième étape, en 2006, restreindrait encore le service réservé aux seuls plis d'un poids inférieur à 50 grammes et d'un prix inférieur à 2,5 fois le tarif de base.

M. Gérard Larcher, président, a fait valoir qu'une telle étape représenterait déjà une libéralisation significative pour La Poste, puisqu'une large part du secteur du courrier se trouverait ainsi ouverte à la concurrence, ce qui ne manquerait pas de rendre problématique l'équilibre des comptes postaux en raison, notamment, des contraintes d'aménagement du territoire.

La libéralisation totale du secteur postal pourrait enfin survenir en 2009, si le Conseil en décidait ainsi sur le fondement d'une étude de la Commission devant être présentée avant la fin 2006.

Pour conclure, M. Gérard Larcher, président, a insisté sur l'importance de l'amputation que les monopoles postaux connaîtraient dans les six prochaines années.

M. Gérard Delfau s'est interrogé sur les moyens permettant de maintenir le service postal de proximité. Il a fait part à ses collègues de la prochaine tenue, à son initiative, d'un colloque sur ce thème. Il a notamment estimé nécessaire que La Poste soit soutenue dans l'exercice de ses missions d'intérêt général, s'inquiétant notamment de l'avenir des services financiers du pôle public, à l'heure où la Caisse d'épargne et la Caisse des dépôts et consignations ont choisi de s'associer dans une « Alliance » dont La Poste se trouve exclue.

Citant l'exemple du rail en France, M. Gérard Delfau a suggéré une décentralisation du service postal de proximité. Il a, à ce propos, fait observer que les communes contribuaient déjà au financement des équipements et du fonctionnement de La Poste. Par la décentralisation, le système se trouverait, a-t-il estimé, stabilisé et mis à l'abri des décisions de la Commission européenne.

M. Jean-Pierre Vial a évoqué les précédents que constitue la libéralisation d'EDF et de France Télécom. Dans les deux cas, il avait été prévu, afin de maintenir le service public, une forme de « parachute » à la mise en concurrence : dans le premier cas, un régime particulier a été conçu à destination du gestionnaire du réseau de transport (par le fil) ; dans le second, l'existence d'un fonds de service universel permet de faire financer par la concurrence un socle de « service public ». De tels dispositifs n'ayant pas été envisagés en l'espèce, M. Jean-Pierre Vial s'est demandé ce qu'il resterait du service public postal dans un environnement concurrentiel total.

M. Jacques Bellanger a fait valoir qu'il était impossible de « courir deux lièvres à la fois » : la concurrence et le service public et qu'une péréquation était donc nécessaire. Evoquant la procédure de codécision dont relève la directive adoptée par le Conseil en octobre 2001, il n'a pas écarté l'éventualité que le Parlement européen corrige l'accord obtenu au Conseil dans un sens plus protecteur pour le service public postal. Il a également estimé que, pour l'étape décisive de 2009, l'unanimité serait requise et que l'opposition d'un seul Etat membre permettrait d'éviter la libéralisation intégrale.

En réponse à ses collègues, M. Gérard Larcher, président, a rappelé qu'en 1999, comme il l'avait indiqué dans son rapport « Sauver la poste : est-il encore temps pour décider ? », la Poste consacrait environ 500 millions d'euros par an à l'aménagement du territoire, ce qui pesait lourdement sur ses comptes. Il a attiré l'attention de la commission sur les services publics fonctionnant sans système de péréquation assuré par une entreprise nationale : par exemple, l'eau, les transports locaux et les télécommunications, car en ce dernier domaine, le financement est supporté par tous les opérateurs en concurrence au travers du fonds de service universel. Il ne lui est donc pas apparu impossible d'imaginer des conciliations novatrices si la volonté en était affirmée et, répondant à M. Jean-Pierre Vial, a suggéré que des réflexions soient engagées en ce sens pour définir un mode original de financement de la proximité postale.

Evoquant le réexamen prévu avant l'étape décisive de 2009, M. Gérard Larcher, président, a estimé qu'avant même cette échéance, la question de l'équilibre des comptes de La Poste et de sa présence territoriale deviendrait cruciale, notamment en raison du poids financier de la réduction du temps de travail, laquelle n'a pas été compensée à La Poste, et des risques sérieux de déficit que le cumul de ces charges laissait craindre. Il a notamment évoqué les pistes ouvertes dans le rapport d'information « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique », qu'il avait présenté en 1997 et qui suggérait -dans le cadre d'une exigence de solidarité nationale-une complémentarité de l'action de l'Etat et des collectivités locales.

M. Gérard Bailly a estimé qu'une péréquation nationale serait, en tout état de cause, indispensable : il lui a paru impossible que les départements ruraux supportent seuls le poids financier d'infrastructures technologiques coûteuses car l'alourdissement induit de la fiscalité locale aggraverait la désertification qui les menace.

M. Gérard Delfau a rappelé que le rapport de la mission aménagement du territoire conduite notamment par MM. Jean François-Poncet et Gérard Larcher proposait, en 1994, une péréquation nationale des ressources des collectivités locales. Il a considéré que la commission des affaires économiques se devrait de reprendre ce cheval de bataille. Il a également évoqué les propositions avancées dans son rapport de 1990 sur les services postaux en milieu rural.

M. Jacques Bellanger a noté que, si des éléments de décentralisation devaient intervenir dans le schéma d'avenir du service public postal, il serait utile de songer à nouveau aux « maisons de service public » , dont la mise en place n'avait pas trouvé d'aboutissement.

M. Joseph Kerguéris a rejoint la remarque de son collègue M. Gérard Delfau en estimant qu'on ne pourrait pas faire l'économie d'un débat sur la nature de la péréquation nationale. Il a souligné qu'une péréquation sur une petite échelle pénaliserait les collectivités locales ayant peu de moyens car elle leur imposerait les obligations les plus lourdes. Il lui a semblé que cette discussion fondamentale pour La Poste devait s'ouvrir au sein de la commission.

M. Jean Boyer s'est inquiété de la perte de contrôle par l'Etat de ses services publics dans le cas d'une péréquation infra-nationale. Il a fait valoir que les départements ruraux supportaient déjà l'entretien des routes et que le comité interministériel à l'aménagement du territoire (CIADT) du 8 juillet 2001 n'avait pas fourni les moyens attendus.

M. Jean-Marc Pastor s'est félicité de ce débat sur la notion de service public. Il a jugé que la difficulté essentielle de la Poste était de trouver le moyen de rééquilibrer certains financements. Relevant que les communes contribuaient déjà au financement des agences postales (bâtiment, entretien, personnel), il a évoqué certaines évolutions en cours dans ce domaine. Ainsi, s'agissant du personnel, -La Poste recourant à du personnel mis à sa disposition par les communes- l'ambiguïté juridique du système actuel lui a paru devoir être levée. A ce sujet, il a fait part d'une négociation engagée entre La Poste et son département, qui pourrait se conclure par une inversion, qu'il a lui-même suggérée, du dispositif actuel.

M. Gérard Larcher, président, a constaté qu'effectivement, La Poste n'était pas une entreprise comme les autres et que son avenir faisait débat sur tous les bancs, chacun s'interrogeant sur la question du service public territorial et de son financement.

Evoquant les travaux de 1994 sur l'aménagement du territoire, il a rappelé qu'une solution, d'inspiration allemande, aurait été d'inscrire dans la Constitution le caractère d'égalité entre les territoires et de limiter à 20 le différentiel des dotations aux territoires, lesquelles auraient alors évolué sur une échelle graduée entre 90 et 110. Il a ensuite fait allusion à l'amendement à la loi Voynet qui visait à resserrer la fourchette des dotations locales mais n'avait finalement pas été retenu. Notant que la difficulté d'un tel dispositif résidait notamment dans la fourniture des éléments de calcul sur lesquels il repose, il s'est prononcé pour un aménagement du territoire garantissant à la fois la décentralisation et l'équilibre entre les territoires.

Au sujet des « maisons de service public », il s'est déclaré sceptique quant à leur chance de succès, au regard des multiples tentatives déjà opérées et de l'impossibilité constatée de décloisonner les différents services publics.

S'agissant de la conception d'un service public sans péréquation, il a relevé que la péréquation, en tout état de cause, ne serait plus possible au sein de La Poste d'ici dix ans, par manque de ressources. Il a donc considéré comme nécessaire de poursuivre les réflexions engagées dans son rapport de 1997, à savoir soit une subvention nationale augmentée d'un complément régional si localement il était souhaité aller au-delà des normes nationales de proximité, soit un fonds de service universel par lequel les autres opérateurs contribuent à la présence territoriale, soit une combinaison des deux options. Il a insisté sur la nécessité de maintenir La Poste comme entreprise chargée de missions de service public. Se référant à nouveau à l'Allemagne, il a noté qu'un enrichissement du monopole y avait été opéré par l'augmentation du prix du timbre, représentant une forme de rente, ce qui avait autorisé la poste allemande à acquérir un grand nombre d'entreprises de messagerie et de logistique. Il s'est finalement interrogé sur les moyens de financement des services publics locaux.

M. François Gerbaud a résumé les difficultés qui venaient d'être évoquées en appelant ses collègues à être des « girondins jacobinistes ».

M. Paul Raoult a estimé que la clef d'un aménagement réussi du territoire résidait dans la maîtrise démographique et économique de la métropolisation : il lui a semblé difficile de combattre pour le maintien des services publics en milieu rural si les hommes le désertaient au profit des villes et si les entreprises s'en trouvaient de ce fait peu enclines à s'y installer.

M. Gérard Larcher, président, a relevé l'implication politique de cette remarque, qui démontrait, selon lui, la nécessité d'un système démocratique garantissant la représentation nationale de ces zones rurales, telle que l'assure aujourd'hui le Sénat.

Il s'est félicité de la qualité du débat qui venait de se dérouler et a soumis les actes du colloque à la commission qui en a approuvé la publication.