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Mardi 2 septembre 2003

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

M. Gérard Larcher, président
, a tout d'abord rendu hommage à Patrick Lassourd, décédé à la suite d'une longue maladie, et a invité ses collègues à observer une minute de silence à sa mémoire.

Mission d'information commune sur les conséquences de la canicule - Echange de vues

Puis il a présenté la demande de création d'une mission commune d'information sur les causes et les conséquences de la canicule et sur les mesures à mettre en place pour y remédier, dont le Président du Sénat lui avait récemment fait part. La commission s'est déclarée favorable à la constitution de cette mission et elle a suggéré que le champ d'investigation retenu couvre l'ensemble des conséquences liées à cette canicule dans le domaine économique, en particulier agricole, et ses enseignements au plan climatique.

Commerce international - Négociations de Cancùn - Audition de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

La commission a procédé à l'audition de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. François Loos a tout d'abord indiqué que les membres examinaient actuellement le projet de Déclaration finale présenté récemment par le Président du Conseil Général de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) en vue de la Conférence ministérielle de Cancùn. Il a rappelé qu'aux termes de la Déclaration de Doha, qui a ouvert le nouveau cycle multilatéral, les négociations en cours devaient prendre en compte la situation et les intérêts des pays en développement. Il a souligné que la valeur des échanges commerciaux internationaux était passée, en une trentaine d'années, d'environ 50 milliards de dollars à plus de 600 milliards de dollars. Il a toutefois fait observer que la baisse des droits de douane ne serait plus, à l'avenir, le moteur de la croissance des échanges, notant à cet égard le faible niveau des droits de douane de l'Union européenne. Puis il a constaté que des visions du monde opposées sous-tendaient les positions des parties dans les négociations, expliquant par exemple des divergences sensibles au sujet de la forme que devait prendre l'aide au développement. Insistant sur l'importance que revêt, pour les pays en développement (PED), la signature récente de l'accord sur l'accès aux médicaments, il a mis l'accent sur la dimension politique de cette décision qui, a-t-il relevé, montre qu'au sein de l'OMC la santé publique prévaut désormais sur les règles économiques.

Abordant ensuite l'agriculture, M. François Loos a constaté qu'il n'existait pas de réel marché mondial dans ce domaine et qu'une régulation des échanges agricoles était, dès lors, souhaitable. Cette idée, a-t-il poursuivi, est au fondement des notions de commerce équitable et de préférence communautaire. Il a noté que l'accord de Luxembourg, adopté en juin 2003, donnait à l'Union européenne des marges de manoeuvre dans la négociation, alors que le document conjoint signé par l'Union européenne et les Etats-Unis en août dernier marquait une avancée dans le processus de négociations. En ce qui concerne les produits industriels, il a regretté que certains pays ne déclarent pas l'ensemble de leurs droits de douane à l'OMC et a plaidé en faveur d'une baisse substantielle des tarifs des pays émergents. Il a considéré qu'une protection minimale était en revanche nécessaire pour certains secteurs industriels de l'Union européenne. Précisant qu'aucune discussion n'était prévue à Cancùn sur le thème des services, il a souligné que dans ce domaine, l'Union européenne attendait des avancées, en particulier pour lever les obstacles que rencontrent ses entreprises pour s'implanter dans certains pays. Il a expliqué que les propositions européennes relatives aux services publics n'allaient pas au-delà du niveau de libéralisation actuellement constaté dans l'Union européenne. Il a ajouté que la Conférence ministérielle devrait aussi être l'occasion d'aborder le dossier environnemental et les questions dites de Singapour (investissements, politique de la concurrence, transparence des marchés publics et facilitation des échanges), ces points restant toutefois secondaires par rapport aux volets agricole et industriel.

M. Jean Bizet s'est interrogé sur le fondement juridique de l'accord relatif à l'accès aux médicaments et a souhaité savoir s'il était assorti d'une liste précise de pays et de médicaments. Il a également demandé si les préoccupations non commerciales et la question des appellations d'origine seraient abordées dans le cadre du dossier agricole. Enfin, il s'est interrogé sur le type de communication qu'il conviendrait de mettre en oeuvre pour informer nos concitoyens sur les débats en cours à l'OMC.

M. François Gerbaud a souhaité savoir si le dossier de l'énergie était inscrit à l'ordre du jour de la négociation.

Après avoir salué la présentation faite par le ministre, M. Claude Saunier a considéré que l'OMC devait être réinvestie par le débat politique. Il a regretté que les Etats-Unis aient contribué, par leurs réticences, à retarder la signature de l'accord sur l'accès aux médicaments. Il a estimé que la communication à adopter s'agissant de l'OMC devrait notamment s'attacher à clarifier le débat agricole, estimant qu'il n'est pas possible de tenir un discours favorable aux PED à l'intérieur de cette enceinte et en même temps un discours rassurant pour nos agriculteurs à l'extérieur. Enfin, il a insisté sur les risques sanitaires inhérents à la libéralisation des échanges agricoles.

En réponse, M. François Loos a souligné le bénéfice que l'économie française tirait de la mondialisation du commerce, rappelant notamment que cinq millions de personnes travaillaient en France pour l'exportation. Il a ajouté que la croissance des investissements internationaux était conditionnée par l'amélioration des règles du commerce mondial. Il a expliqué que l'accord sur les médicaments faisait référence à l'article 31 de l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), précisant qu'il ne comportait pas de liste de pays ni de médicaments. En ce qui concerne l'agriculture, il a rappelé l'attachement de la France à la protection des appellations d'origine, indiquant que la mise en place d'un registre des indications géographiques dans le cadre de l'OMC était prévue, mais que ce point particulier de l'ordre du jour de la Conférence ministérielle de Cancùn était très controversé à l'OMC. Il a, par ailleurs, admis que la vision déformée de la PAC, qui était celle de nombreux pays anglo-saxons, attestait d'un véritable retard français dans le domaine de la communication. Il a indiqué que les négociations ne porteraient pas sur l'énergie qui, a-t-il précisé, relève du domaine des services. Soulignant que la Commission européenne avait pour mandat de défendre l'accord de Luxembourg de juin 2003 sur la réforme de la PAC, il a estimé qu'un débat entre politique agricole et aide au développement serait pourtant difficilement évitable à Cancùn. Admettant la nécessité d'un renoncement partiel aux exportations subventionnées de produits agricoles afin de permettre une stabilisation des prix agricoles mondiaux et un développement des agricultures des pays du Sud, il a indiqué que cette exigence ne devait toutefois pas seulement s'imposer à l'Union européenne, mais également aux Etats-Unis. Au sujet de la sécurité sanitaire des aliments, il a précisé que si ce thème ne faisait pas en tant que tel partie de la négociation, il était en revanche présent dans de nombreuses négociations bilatérales. Evoquant le recours des Etats-Unis auprès de l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC contre la législation européenne applicable en matière d'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM), il l'a lié au fait que l'Union européenne venait de gagner un panel à l'OMC contre le régime américain d'aides aux exportations de produits industriels. Il a assuré que la législation européenne relative aux OGM était conforme au principe de précaution reconnu par l'accord international sur la sécurité phytosanitaire.

M. Hilaire Flandre a déploré l'attitude vindicative des Etats-Unis sur le dossier des OGM et s'est étonné que l'Union européenne ne soit pas autorisée par l'OMC à prendre des mesures de rétorsion contre les aides américaines à l'exportation de produits industriels qu'à compter de 2004.

M. Jean Bizet s'est interrogé sur la valeur que pourrait avoir le principe de précaution, en dépit de sa reconnaissance théorique à l'échelle internationale, en cas de conflit avec les Etats-Unis sur le dossier des organismes génétiquement modifiés. Il a dénoncé le sectarisme à l'oeuvre dans les destructions d'essais OGM qui, a-t-il estimé, hypothèque l'avenir de la recherche française dans ce domaine.

M. Français Loos a considéré qu'avec les Etats-Unis, la voie du dialogue devait être privilégiée, dès lors que ce pays partageait avec l'Union européenne des valeurs proches et un niveau technologique comparable.

Mme Odette Terrade s'est interrogée sur la pertinence des mesures à prendre pour sensibiliser les citoyens à ce débat et sur la manière dont le Parlement pourrait participer à la stratégie de communication.

M. Daniel Raoul a considéré que l'attitude de la société française à l'égard des OGM, de même que pour le dossier du nucléaire, risquait de faire prendre à la France un retard préoccupant par rapport à ses concurrents.

En réponse à M. Jean-Paul Emorine qui avait souhaité savoir si le montant des aides américaines à l'agriculture était précisément connu, M. François Loos a indiqué que ce dispositif était complexe et peu transparent, certaines de leurs subventions internes étant insuffisamment prises en considération par l'OMC.

M. Jean Bizet a critiqué en particulier le système dit des « marketing loans » qui , a-t-il précisé, en garantissant aux agriculteurs américains un prix de vente plancher sur le marché mondial, les incite à produire massivement, sans se soucier de l'ajustement de l'offre à la demande.

Confortant les propos de M. Jean Bizet, M. François Loos a indiqué que les excédents américains étaient écoulés dans les pays en développement sous la forme d'aide alimentaire, pénalisant ainsi gravement leur économie vivrière.

M. Gérard Larcher, président, s'étant interrogé sur la possibilité d'une remise en cause du mandat de négociation donné à la Commission européenne sur l'agriculture, M. François Loos a souhaité que la marge de manoeuvre offerte par l'accord de Luxembourg de juin 2003 soit utilisée, mais en aucun cas dépassée.