Travaux de la commission des affaires économiques



Mercredi 2 février 2005

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante - Désignation des membres de la commission

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à la désignation de ceux de ses membres appelés à la représenter au sein de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

Ont été désignés : Mme Michelle Demessine, M. Jean Desessard, M. Georges Ginoux et Mme Adeline Gousseau.

Mission d'information à l'étranger - Chine - Désignation des membres

La commission a ensuite procédé à la désignation des membres de la commission appelés à participer à la mission devant se rendre en Chine du 10 au 21 septembre prochain.

Ont été désignés comme membres titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Dominique Braye, Charles Revet, Gérard Cornu, Yannick Texier, Jean-Marc Pastor, Roland Courteau, Michel Billout, Christian Gaudin, François Fortassin et Philippe Darniche.

Ont été désignés comme membres suppléants : MM. Jean-François Le Grand, Gérard César, Bruno Sido, Pierre Hérisson, Pierre-Yvon Trémel, Mmes Yolande Boyer, Michelle Demessine, MM. Claude Biwer, Daniel Marsin etPhilippe Dominati.

Groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement - Désignation des membres

La commission a enfin désigné les membres du groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement.

Ont été désignés : MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Dominique Braye, Jean-Pierre Caffet, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Philippe Dominati, Daniel Dubois, Michel Houel, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-Claude Merceron, Bernard Piras, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Charles Revet et Jean-Pierre Vial.

A la suite de ces nominations, M. Dominique Braye a porté à l'attention de la commission qu'il avait assisté à la présentation du rapport de la Fondation « Abbé Pierre » sur le « mal-logement » et qu'il en retirait la conviction qu'il y avait une grosse attente sociale de travaux éclairant ce dossier, car la crise du logement n'a sans doute jamais été aussi vivement ressentie dans notre pays qu'aujourd'hui. Il a proposé que le groupe de travail se réunisse dès la semaine prochaine, le 9 février à 15 heures, et qu'il s'attache à construire des réponses législatives qui pourraient utilement enrichir le texte « Habitat pour tous ».

A la suite de cette intervention, M. Jean-Paul Emorine, président, a suggéré que les travaux du groupe de travail puissent être pilotés par M. Dominique Braye, notamment avec MMPierre André et Thierry Repentin, qui suivent ces questions à la commission avec une attention soutenue.

Organismes extraparlementaires - Désignation de membres proposés à la nomination du Sénat

La commission a procédé à la désignation des membres qu'elle propose à la nomination du Sénat pour siéger au sein des organismes parlementaires suivants :

M. Jean Boyer, en remplacement de M. Jean Bizet dont le mandat est arrivé à expiration, pour siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

- M. Pierre Hérisson, en remplacement de M. Georges Gruillot dont le mandat est arrivé à expiration, pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière ;

- M. Pierre André, en qualité de membre titulaire, pour siéger au sein de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Emploi - Organisation du temps de travail dans l'entreprise - Échange de vues sur une éventuelle saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission a ensuite décidé de se saisir pour avis sur la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise et a désigné Mme Elisabeth Lamure en qualité de rapporteur pour avis.

« Vin, consommation, distribution : nouveaux enjeux, nouvelles opportunités » - Examen des actes du colloque

Enfin, la commission a procédé à l'examen des actes du colloque « Vin, consommation, distribution : nouveaux enjeux, nouvelles opportunités ».

M. Gérard César, rapporteur, a tout d'abord indiqué que s'était tenu le 28 octobre dernier au Sénat, à l'initiative du groupe d'études sur l'économie agricole et alimentaire, un colloque sur le thème «Vin, consommation, distribution : nouveaux enjeux, nouvelles opportunités».

Ce colloque, a-t-il précisé, visait à faire le point avec les professionnels du secteur, les représentants des pouvoirs publics, mais aussi avec des entreprises et des particuliers, sur un certain nombre de questions abordées dans un rapport publié en 2002 par la commission des affaires économiques et, en particulier, sur la stratégie à adopter pour la viticulture française afin de répondre au défi de la demande et des marchés.

Il a rappelé que notre filière vitivinicole connaissait depuis quelques années des difficultés structurelles, puisque, si la France restait le premier producteur et le premier exportateur de vin à l'échelle mondiale, elle subissait à la fois la rude concurrence de nouveaux pays producteurs et une baisse continue de la consommation domestique.

Après avoir expliqué que la première partie du colloque était consacrée aux changements des modes de consommation et de distribution du vin, il a constaté que les intervenants avaient insisté sur le profil des nouveaux consommateurs. Jeunes, occasionnels, curieux, mais néophytes, ces consommateurs, a-t-il observé, recherchent des « vins faciles à acheter » et « faciles à boire » et aspirent aujourd'hui à une offre lisible, structurée notamment par des marques, à des produits d'une qualité constante et à un étiquetage donnant des informations simples.

Il a assuré que les vins français « d'excellence » ou « élitistes » gardaient leurs lettres de noblesse et leur marché, considérant, à cet égard, qu'il était nécessaire d'apporter aux consommateurs une réelle culture du vin, afin qu'ils puissent en apprécier toute la richesse et la complexité. Il a estimé que, dans tous les cas, il importait que ceux écoulant les vins sur le marché définissent leur « coeur de cible commercial », c'est-à-dire qu'ils déterminent les clients qu'ils souhaitent toucher et les attentes de ces derniers.

Puis il a rappelé qu'à l'occasion de la présentation d'une étude de l'Office national interprofessionnel des vins (ONIVINS) sur la restauration hors domicile, l'accent avait été mis sur la nécessité d'adapter les volumes servis aux nouvelles habitudes de consommation (vin au verre, bouteilles de petite taille), de modérer les prix pratiqués tout en garantissant une qualité correcte des vins proposés et, enfin, d'apporter une véritable formation sur le vin aux restaurateurs.

Il a noté que les représentants de la grande distribution, qui constitue aujourd'hui le principal circuit de vente du vin, avaient insisté sur l'aspiration des consommateurs à être aidés dans leurs choix, rappelant, par exemple, que l'interdiction de présenter ensemble, dans un même linéaire, des vins de pays et des vins à appellation d'origine contrôlée (AOC) produits dans une même région constituait un frein à la compréhension de l'offre. Il a ajouté que les distributeurs plaidaient également pour une meilleure entente au sein des différentes familles de vin en matière de communication et jugeaient notamment souhaitable, compte tenu du grand morcellement de la production, une concentration des opérations de promotion à l'échelle de grandes zones géographiques.

Enfin, abordant le tourisme vitivinicole, il a indiqué que, selon les propos d'un intervenant, un producteur pouvait espérer augmenter de 30 % son chiffre d'affaires en ouvrant sa cave aux visites. Il a indiqué que le colloque avait permis d'apprécier la réussite d'une Française installée en Afrique du Sud, qui avait choisi d'ouvrir son domaine aux touristes et de privilégier la vente sur place. Il a cependant souligné que promouvoir le tourisme vitivinicole, ce n'était pas seulement favoriser la « vente au caveau », mais également chercher à associer, dans les campagnes de communication, l'image d'un vin à celle d'une région ou au patrimoine local pour les mettre conjointement en valeur. Il a alors évoqué l'initiative originale de la cave coopérative de Limoux, qui organise, chaque année, une vente aux enchères pour financer la rénovation de clochers dans la région et faire connaître ses vins.

Puis M. Gérard César, rapporteur, a expliqué que la deuxième partie du colloque avait eu pour objet d'évaluer l'état d'avancement de la modernisation de la filière. Il a rappelé qu'après une introduction de l'ONIVINS portant sur la rénovation qualitative du vignoble, l'accent avait été mis sur les deux stratégies menées de front par la filière pour se moderniser.

La première stratégie, qui était au centre de la première table ronde de l'après-midi, consiste, a-t-il précisé, à renforcer la tradition d'authenticité des vins français, en faisant en sorte que les appellations d'origine contrôlée « tiennent leurs promesses ». Il a montré l'avancée des réformes dans ce domaine, à travers notamment la réécriture des décrets des appellations et le développement du contrôle des conditions de production. Il a considéré que des progrès devaient néanmoins encore être accomplis en ce qui concerne l'agrément, celui-ci ne devant plus seulement servir à garantir l'origine et l'authenticité, mais aussi la qualité des vins d'appellation. Il a noté, à cet égard, que l'agrément était délivré à un stade que d'aucuns considéraient comme trop éloigné de la commercialisation du produit fini. En outre, a-t-il poursuivi, les commissions de dégustation pourraient gagner à être élargies à d'autres acteurs, tels que des sommeliers ou des consommateurs. Enfin, il a souligné l'intérêt de développer une communication particulière sur la notion d'AOC, qui reste encore étrangère à de nombreux consommateurs, et a souhaité que la modification apportée à la loi Evin, à son initiative, dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux permette des progrès dans ce domaine.

Il a ensuite indiqué que les intervenants de la deuxième table ronde de l'après-midi s'étaient interrogés sur la mise en place d'un marketing de la demande, c'est-à-dire sur les réformes à conduire pour adapter aux attentes des consommateurs les vins français ne se positionnant pas sur le segment de l'authenticité. Cette deuxième stratégie pour la viticulture française, a-t-il fait valoir, doit s'inspirer des méthodes modernes utilisées par nos concurrents pour produire et commercialiser des vins courants de qualité régulière : assouplissement des règles relatives à l'utilisation de copeaux de bois, assemblage de différents millésimes, mise en avant du cépage. Il a considéré que ce segment du marché avait particulièrement vocation à être dynamisé par des marques, relevant toutefois que le développement de celles-ci impliquait une capacité à mobiliser des moyens financiers importants. Il a indiqué que la question de la création d'un « vin de France », réclamée depuis longtemps par le négoce, avait également été évoquée au cours de cette table ronde.

Il a, par ailleurs, rappelé que le secrétaire général de la Fédération espagnole du vin, M. Pau Roca, avait insisté sur le choix fait par l'Espagne de donner au vin -en tant qu'élément du régime alimentaire méditerranéen- un statut particulier le distinguant des autres boissons alcooliques et avait appelé les pays viticoles européens à s'unir afin de faire prévaloir une conception européenne du vin sur le marché mondial.

Enfin, après avoir relevé que M. Hervé Gaymard, alors ministre en charge de l'agriculture, avait notamment évoqué, dans son discours de clôture, la réorganisation de l'offre française de vin et les adaptations souhaitables pour l'organisation commune de marché vitivinicole, il a expliqué que son rapport retranscrivait fidèlement les propos tenus par les différents intervenants au cours du colloque, chacun d'eux ayant donné son accord à la rédaction retenue.

Après avoir félicité le rapporteur de son compte rendu, M. Jean Bizet a fait savoir que les conclusions des travaux qu'il a conduits dans le cadre d'une mission auprès du Premier ministre sur le thème de la protection des indications géographiques agroalimentaires à l'échelle mondiale seraient publiées prochainement. Il a affirmé partager le diagnostic de M. René Renou, président du comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) s'agissant du trop grand nombre d'appellations vitivinicoles en France et de l'insuffisante qualité de certains vins. Il s'est déclaré favorable au schéma de réforme proposé par ce dernier, qui combine un renforcement des exigences s'imposant aux vins sous appellation d'origine, notamment par la création d'une nouvelle catégorie « AOC d'excellence » et un assouplissement de la réglementation applicable aux vins de pays. Enfin, il a estimé qu'il ne fallait plus compter sur la consommation domestique pour absorber les excédents de vin français, mais miser davantage sur l'exportation.

Mettant en doute la garantie qualitative apportée par les AOC, M. René Beaumont a fait observer qu'une même appellation recouvrait bien souvent des vins de qualité très inégale, obligeant les producteurs à recourir à d'autres éléments distinctifs, comme les marques.

Ayant pris acte des avancées législatives récemment enregistrées dans ce domaine, M. Dominique Mortemousque a estimé que les viticulteurs devaient être autorisés à communiquer sur les caractéristiques de leurs produits. Il a également jugé souhaitable une meilleure mutualisation des moyens en matière de communication.

M. Jean Desessard s'est interrogé sur la notion de « vins faciles à boire ».

M. Jean-Marc Pastor s'est élevé contre une remise en cause excessive du régime des AOC, considérant que sans les efforts qualitatifs accomplis dans ce cadre, les vins français seraient aujourd'hui dans une situation encore plus difficile.

Mme Odette Herviaux a estimé que, compte tenu de l'évolution des exigences des consommateurs et des pratiques agricoles, une révision des cahiers des charges s'imposait non seulement pour les AOC, mais pour l'ensemble des signes de qualité.

Faisant valoir les efforts accomplis par les producteurs dans le cadre des AOC et le caractère déjà contraignant des normes en vigueur, M. Gérard Bailly a mis en garde contre un renforcement des exigences dans ce domaine. Il s'est déclaré attaché à la notion d'AOC, dans le domaine du vin mais aussi pour d'autres productions agricoles tel le fromage, sur laquelle, a-t-il insisté, de nombreux terroirs ou régions ont fondé leur notoriété.

Admettant que les dérives qualitatives ne concernaient qu'une minorité d'appellations, M. Jean Bizet a fait observer que le renforcement des exigences imposées aux AOC permettait d'éviter la banalisation des produits et, par conséquent, limitait les risques de concurrence à l'échelle internationale.

M. Gérard César, rapporteur, a rappelé que ce colloque faisait suite à un premier colloque sur le vin organisé au Sénat en novembre 2002 et qu'il était souhaitable de reconduire ce type de manifestation tous les deux ans. En réponse à ses collègues, il a tout d'abord rendu hommage au projet de réforme de l'INAO, soulignant que si celui-ci n'avait pas été entièrement soutenu par la filière, notamment s'agissant de la création « d'AOC d'excellence », il avait néanmoins contribué à une prise de conscience des efforts à accomplir. Il a insisté sur la nécessité de conforter les AOC et de mieux les protéger au niveau mondial. Il a, en outre, rappelé que la baisse de la consommation de vin en France, revenue de 110 litres par an et par habitant dans les années 1960 à 55 litres aujourd'hui, s'expliquait principalement par la progression de la consommation occasionnelle au détriment de la consommation régulière. Après avoir annoncé la mise en place prochaine d'un conseil de la modération, conformément aux propositions du Livre blanc sur la viticulture française remis au Premier ministre en juillet 2004, il a précisé qu'un vin « facile à boire » était un vin rond, fruité, au goût simple, à l'image des vins de cépage. Enfin, il s'est félicité que l'INAO ait choisi de célébrer au Sénat, à l'automne prochain, le soixante-dixième anniversaire de sa création.

Par ailleurs, M. Louis Gruillot a fait savoir au rapporteur qu'il considérait comme inévitables les différences entre les vins produits sous une même appellation d'origine, ces différences tenant aux nuances existant entre les parcelles d'un même terroir ou à des facteurs humains. Confortant les propos de son collègue, M. Henri Revol en a déduit qu'il était indispensable que les viticulteurs puissent communiquer sur les caractéristiques de leurs produits.

Après avoir remercié le rapporteur, M. Jean-Paul Emorine, président, a invité M. Jean Bizet à présenter à la commission les conclusions de ses travaux sur la protection des indications géographiques, une fois son rapport publié, et ce dernier a donné son accord.

Puis la commission a adopté le rapport de M. Gérard César à l'unanimité, et en a autorisé la publication.

Programme de travail de la commission - Communication

Après avoir rappelé qu'il conviait tous les commissaires à un déjeuner, le mercredi 15 mars à 12 heures 30, dans les salons de Boffrand de la présidence du Sénat, M. Jean-Paul Emorine, président, a successivement décrit le programme des auditions de la commission pour les prochaines semaines et son programme législatif prévisionnel pour les deux mois à venir.

Il a précisé qu'il était en effet prévu que la commission entende :

M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, le mardi 8 février à 16 heures 15 ;

M. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, pour son rapport remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, intitulé « Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France », le mercredi 9 février à 10 heures ;

M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, le mercredi 9 février à 16 heures ;

Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'AREVA, le mercredi 16 mars à 16 heures 30.

Puis il a porté à l'attention de ses collègues le programme législatif prévisionnel de la commission, à savoir :

- la proposition de loi portant réforme du temps de travail dans l'entreprise, actuellement discutée à l'Assemblée nationale, devrait être inscrite en séance au Sénat le 1er mars, le rapport pour avis pouvant alors être présenté en commission le mercredi 16 février ;

- le projet de loi « régulation postale », discuté en première lecture à l'Assemblée nationale la semaine dernière, devrait revenir devant le Sénat en deuxième lecture les 8, 9 et 10 février, le rapport en commission être examiné, soit le mardi 1er mars, soit le mercredi 2 mars, et la discussion des amendements extérieurs aurait lieu le mardi 8 mars à la suspension du soir, et si besoin est le mercredi 9 mars au matin ;

- le projet de loi sur l'eau dont le Sénat sera, à la demande de la commission, la première assemblée saisie devrait être discuté en séance les 29, 30 et 31 mars ;

- le projet de loi « Aéroports » devrait être examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 9 février et revenir en séance, au Sénat, le 7 avril prochain ;

- le projet de loi d'orientation pour l'énergie devrait peut-être être soumis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale les 23 et 24 mars et pourrait revenir au Sénat en deuxième lecture les 3 et 4 mai.

Audition de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire.

M. Serge Lepeltier a commencé sa présentation en indiquant que le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire revêtait une importance particulière aux yeux du Gouvernement, et ce pour plusieurs raisons. Il a évoqué une première raison tenant au contexte actuel caractérisé par des choix importants pour l'avenir en matière de nucléaire civil. Puis il a insisté sur une autre raison, à savoir le constat de l'absence de base législative relative au contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires, à l'exception de quelques articles d'une loi de 1961, dont l'objet principal était la lutte contre la pollution atmosphérique et les odeurs.

Il a ajouté que cette absence d'encadrement au niveau législatif n'était pas conforme aux standards internationaux en même temps qu'elle ne prenait pas en compte la pratique actuelle des acteurs de l'énergie nucléaire en France.

Il a ensuite fait observer que le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire avait été déposé par le gouvernement de M. Lionel Jospin à l'Assemblée nationale en 2001, mais que celui-ci n'avait pas été examiné, conduisant le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin à le transférer au Sénat, pour ne pas perdre de temps et pour conserver le bénéfice du travail accompli.

Il a rappelé qu'une version alternative du texte avait été mise en consultation par le Gouvernement en novembre 2003 dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les énergies, et qu'il considérait bien entendu que le texte pouvait être substantiellement amélioré, par des amendements gouvernementaux en cours de discussion ou grâce à la contribution substantielle des parlementaires.

Il a rappelé que ces amendements devraient tenir compte des évolutions législatives intervenues depuis 2001, notamment s'agissant des dispositions du projet de loi créant un nouveau régime d'inspection de la radioprotection qui, du fait de leur urgence, ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Il a ensuite présenté les trois objectifs essentiels du projet de loi, à savoir la définition de grands principes applicables aux activités nucléaires, l'organisation de la transparence dans le domaine des activités nucléaires ainsi que la rénovation de la base législative relative à la réglementation et au contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires et du transport de matières radioactives.

S'agissant de la définition de grands principes applicables aux activités nucléaires, il a indiqué que le projet de loi confirmait l'application à ces activités nucléaires de grandes règles de protection de l'environnement désormais classiques, à savoir le principe de prévention, le principe de précaution, le principe pollueur-payeur et le principe d'information du public. Puis il a complété sa présentation par celle des principes de radioprotection déjà énoncés par le code de la santé publique et rappelés dans le projet de loi, à savoir les principes de justification, d'optimisation et de limitation des expositions aux rayonnements ionisants. Il a estimé qu'à cet ensemble de principes prévus par le projet, pourraient être ajoutés le principe de la responsabilité première de l'exploitant ainsi que des règles relatives au rôle et aux responsabilités de l'Etat en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

S'agissant du deuxième objectif tenant à la garantie des conditions effectives et démocratiques de la transparence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, il a fait valoir que l'ambition du projet de loi était de donner un contenu concret et opérationnel à la notion de transparence, cette dernière étant définie comme la mise à la disposition du public d'une information complète et pluraliste sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.

A ce titre, il a rappelé que des efforts importants en la matière étaient faits sous l'impulsion du Gouvernement depuis de nombreuses années, notamment par l'information quotidienne du public via Internet, ainsi que par une revue mensuelle et un rapport annuel sur la sûreté et la radioprotection. De même, il a tenu à souligner que des progrès notables avaient également été réalisés par les exploitants. Aussi a-t-il indiqué qu'un des intérêts du projet était de donner un cadre et une légitimité nouvelle aux efforts déjà entrepris, et ce de deux façons : d'une part, en posant le principe selon lequel toute personne a le droit d'être informée sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants du fait d'une activité nucléaire et, d'autre part, en imposant aux exploitants des grandes installations nucléaires l'obligation d'établir un document d'information à l'usage du public.

Il a aussi insisté sur la consécration, par le texte, d'un principe de transparence nouveau, celui du droit d'accès du public à l'information détenue par les exploitants d'installations nucléaires et les responsables de transport de matières radioactives.

Il a complété sa présentation de l'objectif de transparence en faisant état du projet de mise en place de lieux spécifiquement consacrés à l'information et au débat pluriel sur la sûreté nucléaire et la radioprotection ainsi qu'en indiquant que le premier de ces lieux de débat était constitué par les commissions locales d'information, ou « CLI » auxquelles le projet donne un statut, alors que leur organisation était jusqu'ici informelle.

Il a ensuite décrit le deuxième lieu de débat envisagé, à savoir le haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, créé par le texte.

Il a précisé que ce haut comité avait vocation à veiller au respect des principes de transparence et à contribuer à l'élaboration et à la diffusion de l'information, et que ses membres seraient choisis parmi les parlementaires, les représentants des CLI et des associations, les représentants de l'administration et de l'autorité judiciaire ainsi que des personnalités qualifiées.

Il a, en outre, indiqué que le haut comité pourrait être saisi ou s'autosaisir de toute question concernant l'information du public ou la transparence, ainsi que de toute réforme relative à la sûreté nucléaire, à la radioprotection ou à leur contrôle et que ses avis seraient rendus publics.

Puis il a présenté le troisième objectif du projet de loi consistant en la rénovation du cadre législatif de la réglementation et du contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires et du transport de matières radioactives. Il a décrit cette rénovation, qui concerne d'abord le régime particulier des grandes installations nucléaires, appelées installations nucléaires de base, ou « INB », pour lesquelles le projet de loi propose de mettre en place la panoplie des outils nécessaires à la réglementation et au contrôle de la sûreté nucléaire. Mais, tout en reconnaissant que le projet de loi améliorait la situation actuelle, il a estimé que ce texte manquait encore d'ambition et ne permettait pas de porter la législation française au niveau des meilleures législations étrangères, de même qu'il apparaissait en retrait par rapport à la pratique actuelle.

Au titre des avancées du projet de loi, il a rappelé que ce dernier posait les bases du régime d'autorisation et des obligations des INB, en prévoyant qu'elles seraient soumises à une autorisation délivrée par décret, au terme d'une procédure comportant une enquête publique.

Il a aussi considéré que plusieurs dispositions du texte allaient dans le bon sens, comme l'obligation nouvelle pour l'exploitant de constituer des garanties financières pour couvrir les dépenses de démantèlement de l'installation et de remise en état du site, la possibilité pour l'autorité administrative d'instituer des servitudes d'utilité publique visant à maîtriser l'urbanisation autour des sites et l'obligation de déclaration des accidents et des incidents notables. Mais il a formulé le souhait d'aller plus loin, par exemple en définissant les objectifs que l'exploitant devrait prendre en compte pour que la création et l'exploitation de l'installation puissent être autorisées, en donnant une base législative à une réglementation technique générale de la sûreté nucléaire par voie d'arrêté, en donnant la possibilité aux ministres chargés de la sûreté nucléaire d'imposer à l'exploitant, dans les cas justifiés, des prescriptions techniques complémentaires tout au long de la vie de l'installation et enfin en prévoyant explicitement la possibilité de réglementer le démantèlement des installations.

Il a aussi rappelé que le projet de loi remettait à niveau la base législative du contrôle et des sanctions, à un niveau au moins équivalent à celui applicable aux installations classées SEVESO.

S'agissant de l'organisation des services de l'Etat, il a indiqué que le projet de loi consacrait la spécificité des fonctions des inspecteurs de la sûreté nucléaire, désormais dotés de pouvoirs importants, similaires à ceux des installations SEVESO.

A ce titre, il a spécifié que le texte prévoyait que l'autorité de contrôle puisse mettre l'exploitant en demeure de respecter les règles, ordonner la consignation auprès d'un comptable public des sommes couvrant le coût des mesures à prendre, faire procéder d'office à l'exécution des mesures ainsi que suspendre le fonctionnement de l'installation ou le transport de matières radioactives.

Il a jugé que cette panoplie de sanctions constituait une mise à niveau indispensable de la législation des INB et qu'elle donnait une base légale et une portée effective au système de « mises en demeure » appliqué depuis 2000.

Il a justifié l'orientation du projet de loi vers une nécessaire rénovation des sanctions d'une part, en ce qu'elle vise à mettre les sanctions pour les activités nucléaires au moins au niveau de celles prévues pour les installations SEVESO, et d'autre part parce que la décision-cadre du Conseil des ministres de l'Union européenne du 27 janvier 2003 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal impose aux Etats membres d'établir des sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives », y compris dans le domaine nucléaire.

Il s'est félicité du fait que les peines prévues dans le projet soient en général plus importantes que pour les autres activités, afin de tenir compte de la spécificité des risques présentés par les installations nucléaires de base et les transports de matières radioactives. Il a ajouté que ces sanctions étaient complétées par des dispositions accordant d'importants pouvoirs à l'autorité judiciaire qui, en cas de condamnation, pourrait désormais décider de fermer ou de suspendre le fonctionnement de l'installation.

En conclusion, il a souhaité insister sur l'importance de ce texte attendu depuis de nombreuses années, mais que le Gouvernement entend aujourd'hui faire aboutir tout en demeurant très ouvert aux travaux du Sénat.

Suite à cette intervention, M. Henri Revol, rapporteur, a fait part de ses observations et interrogations. Il a tout d'abord tenu à féliciter M. Serge Lepeltier pour la qualité de son exposé et pour la clarté de ses propos et rappelé que cela faisait plus de deux ans qu'il avait été nommé rapporteur de ce texte, tout en exprimant sa satisfaction quant à l'annonce de son inscription prochaine à l'ordre du jour.

Il a indiqué que cette fonction de rapporteur lui avait donné l'occasion de consulter un grand nombre d'acteurs du secteur nucléaire, notamment les représentants des trois grands exploitants nucléaires français que sont EDF, AREVA et le CEA, ainsi que d'effectuer deux visites de terrain : la première à la centrale nucléaire de Cruas-Meysse dans l'Ardèche en compagnie de son collègue Michel Teston et la seconde à l'usine de retraitement de la Cogema à La Hague.

Sur la base de ses réflexions, il a fait valoir qu'en dépit d'aspects très techniques, ce projet de loi était un texte politiquement important en ce qu'il constitue le premier exercice législatif tendant à inscrire dans notre droit un corpus général de normes relatives au secteur nucléaire. A ce titre, il s'est félicité des dispositions proposées par le titre III du projet de loi qui concernent les installations nucléaires de base et le transport des matières nucléaires tout en mettant en garde contre le fait qu'un tel texte ne laisse entendre à l'opinion que les activités nucléaires se sont développées sans règles, alors même que ce secteur a fait montre, dès ses origines, d'une extrême vigilance à toutes les questions de sécurité.

Il a reconnu que malgré des avancées indéniables, ce texte ne manquait pas de susciter plusieurs interrogations de sa part et qu'il avait aussi pu créer une certaine émotion chez les exploitants nucléaires.

Il a indiqué que ses interrogations portaient tout d'abord sur le volet « transparence et information du public », l'article 3 permettant, sous certaines réserves, à toute personne d'obtenir de la part d'un exploitant nucléaire ou d'une personne responsable de transport de matières radioactives les informations relatives aux risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants ainsi que les mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques.

Tout en estimant légitime de favoriser l'accès à l'information et la transparence, il s'est inquiété de voir la formulation retenue par le projet de loi trop extensive, notamment en ce qu'elle pourrait permettre à tout citoyen d'exiger d'EDF ou d'Areva la communication de tout document, y compris interne, pouvant présenter pour certains d'entre eux un caractère stratégique voire confidentiel. De même, il s'est interrogé sur l'application de ce principe de transparence très large aux transporteurs de matières nucléaires alors qu'il s'agit d'un domaine très sensible compte tenu des risques d'attentats.

Il a aussi exprimé une autre interrogation sur la place réservée aux commissions locales d'information dont il a pu constater l'apport très positif au cours de ses auditions et de ses visites sur le terrain. Il a rappelé qu'il s'agissait en effet de structures bien rodées permettant d'organiser un dialogue constructif entre les exploitants, les citoyens et les services de l'Etat. Il a exprimé le souhait que l'on tente de renforcer les CLI au-delà de ce qui est prévu dans le texte, grâce à des moyens supplémentaires, notamment humains et financiers et que puisse ainsi être conçu un système dans lequel la diffusion de l'information dans le domaine nucléaire s'organiserait essentiellement par ce canal.

Enfin, il a fait part d'une troisième interrogation sur la création annoncée du haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, notamment quant à l'opportunité de la création d'une instance nouvelle et quant à l'intérêt de lui donner la possibilité de faire réaliser des expertises ou des contre-expertises, ce qui pourrait s'avérer in fine extrêmement coûteux. Il a estimé que les expertises devaient plutôt être réalisées à l'initiative des CLI, au plus près du terrain, s'appuyant ainsi sur leur connaissance des réalités locales.

A la suite de cette intervention, M. Serge Lepeltier a tenu à rappeler que si ce projet de loi était technique dans sa forme, il présentait un réel enjeu politique sur le fond. Il a aussi tenu à saluer la forte volonté politique et le très grand sérieux des acteurs de la filière nucléaire française qui ont assuré un encadrement efficace de ce secteur malgré le manque d'encadrement législatif.

En réponse à l'intervention de M. Henri Revol, rapporteur, il a tenu à préciser que la portée de l'obligation d'information était limitée par l'impératif de sécurité nucléaire, qu'elle visait exclusivement l'exposition aux rayonnements ou les moyens de la faire diminuer et qu'en tout état de cause, le niveau d'information devait être défini raisonnablement. Toutefois, il a rappelé que les spécificités liées à l'énergie nucléaire justifiaient une exigence de transparence plus forte que pour d'autres activités. Il a ainsi estimé qu'il pourrait être opportun de rendre publiques les réponses des exploitants suite à un incident, alors qu'aujourd'hui seules les lettres d'inspection de l'administration notifiant cet incident sont publiques. S'agissant des CLI, il a réaffirmé son souhait de les voir être renforcées en termes humains et financiers, afin notamment de pouvoir recourir à des expertises scientifiques. Il a toutefois déclaré qu'il s'interrogeait sur l'opportunité d'imposer un statut de type associatif à toutes les CLI et estimé que ce point était largement ouvert à la discussion parlementaire. Il a aussi tenu à défendre l'idée du haut conseil de transparence sur la sécurité nucléaire, constituant le volet national du dispositif d'ensemble dont les CLI constituent le volet local. Il a rappelé les deux missions du haut comité, à savoir la diffusion de l'information sur les risques liés aux activités nucléaires et le règlement des litiges en cas de refus de communication des exploitants. Il a estimé que ces missions ne sauraient être remplies par la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), d'une part car celle-ci a une compétence générale et ne dispose pas des moyens d'analyse techniques des questions très spécifiques liées à l'énergie nucléaire et d'autre part car la CADA dispose de compétences quasi-juridictionnelles distinctes de la mission d'organisation de l'information qui serait celle du haut comité. Il a ensuite répondu à l'inquiétude née des pouvoirs d'expertises et de contre-expertises reconnus au haut comité. Il a précisé que ces pouvoirs d'usage facultatif seraient encadrés, par leur inscription dans un budget et par le souci qui prévaudra dans le haut comité d'éviter les redondances avec les travaux déjà menés, notamment par les CLI.

Enfin, il a estimé qu'il n'était pas anormal que les sanctions imposées aux opérateurs soient substantielles, compte tenu de la capacité financière de ces derniers.

Puis M. Marcel Deneux a souhaité éviter que la création du cadre légal prévu par le texte ne soit l'occasion de dénoncer l'absence de règles pendant quarante ans et d'inverser ainsi l'évolution de l'opinion observée depuis quelques années en faveur de l'énergie nucléaire. M. Serge Lepeltier a estimé qu'un tel risque existait et qu'il convenait de le prévenir par un effort de pédagogie faisant savoir que les acteurs de l'énergie nucléaire s'étaient appliqués de nombreuses règles depuis longtemps et avaient ainsi procédé, en quelque sorte, par anticipation d'une base juridique formelle.

Par ailleurs, M. Marcel Deneux a souhaité savoir dans quelle mesure les dispositions du projet de loi s'appliqueraient aux installations militaires. M. Serge Lepeltier lui a précisé que les principes généraux du projet de loi s'appliquaient à l'ensemble des installations, sous réserve bien sûr du secret de la défense nationale et plus précisément des règles relatives aux installations secrètes fixées par décret.

Ensuite, M. Daniel Raoul a insisté sur l'importance de la pédagogie et d'une information accessible au public, d'une part à cause de la prégnance de comportements irrationnels vis-à-vis de l'énergie nucléaire et d'autre part, compte tenu des nouveaux développements de l'énergie nucléaire illustrés par la décision d'installation de l'EPR à Flamanville. Il a aussi soutenu l'idée que les sanctions prévues par le texte pour les exploitants nucléaires puissent être plus lourdes que celles imposées aux responsables d'installations SEVESO, au motif que les risques nés de nuages radioactifs concernent un périmètre plus large que ceux liés aux installations industrielles classiques et aussi compte tenu de la surface financière, généralement importante, des exploitants nucléaires. Il a ensuite interrogé le ministre sur la date prévue pour la discussion du projet de loi, sur l'articulation de celui-ci avec les textes européens, sur la situation de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques par rapport au haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire envisagé dans le projet de loi et sur le pluralisme effectif de la représentation parlementaire prévue au sein du haut comité. Il a enfin posé une question sur le niveau de puissance que le décret pourrait retenir comme seuil pour l'application des nouvelles règles de transparence et de sécurité, citant en exemple un accélérateur de particules d'une puissance de soixante-dix mégaélectrons-volts (MeV) en projet à Nantes. S'agissant de la date de discussion du texte, M. Serge Lepeltier a fait part de son souhait d'une inscription à l'ordre du jour aussi rapide que possible et fait valoir que son audition sur ce texte témoignait de ce souci. Concernant la question de l'articulation avec le droit européen, il a précisé qu'il n'existait encore aucun texte communautaire mais simplement un projet de directive confronté à l'opposition de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Il a rappelé qu'à l'inverse, la France était favorable à cette initiative européenne dans la mesure où elle s'imposait d'ores et déjà des règles de sécurité très élevées, à l'instar de la Suède ou du Canada. A la question relative au positionnement du futur haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire par rapport à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), M. Serge Lepeltier a répondu enrappelant que les missions des deux instances devaient être clairement différenciées dans la mesure où le haut comité devait accomplir un travail administratif de suivi quotidien et eu égard à l'exigence d'indépendance du haut comité, y compris vis-à-vis du pouvoir législatif dont l'OPECST est une émanation. Il a tenu à manifester son ouverture quant aux modalités de la représentation parlementaire au sein du haut comité, reconnaissant toute l'importance du principe de pluralisme en cette matière. Enfin, il a tenu à rassurer M. Daniel Raoul sur le niveau de puissance retenu pour l'application du texte en précisant que le seuil retenu par décret permettrait d'exclure les petites installations de l'application de la loi.

Ensuite, M. Gérard César a interrogé M. Serge Lepeltier sur le ministère dont dépendront les inspecteurs de la sûreté nucléaire prévus par la loi ainsi que sur leurs compétences et leur cursus. Il a aussi souhaité savoir où en était le ministère quant à la détermination des lieux de stockage des déchets nucléaires.

En réponse, M. Serge Lepeltier a rappelé que l'apport de la loi serait la consécration législative de la spécificité des inspecteurs de la sûreté nucléaire par rapport aux inspecteurs des installations classées. Il a précisé que ces inspecteurs de la sûreté nucléaire, affectés en DRIRE ou à la DGSNR seraient nommés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'industrie et de celui chargé de l'environnement.

Puis Mme Michelle Demessine a estimé que l'importance politique de ce texte l'emportait à ses yeux sur les aspects techniques et à ce titre, elle a regretté que cela ne se traduise pas suffisamment dans l'exposé des motifs du projet de loi. Elle a aussi souligné l'importance jouée par les CLI et la nécessité de renforcer leurs moyens, en citant l'exemple de celle de Gravelines. Par ailleurs, elle a tenu à rappeler que le niveau très élevé de la sécurité nucléaire française, nonobstant l'absence de base juridique, tenait sans doute au fait que les exploitants étaient des entreprises publiques. Enfin, en indiquant qu'elle serait chargée de suivre ce texte pour le compte de son groupe, elle a insisté sur l'importance de connaître la date de discussion du projet de loi, notamment eu égard aux questions posées par ses interlocuteurs sur le terrain.

M. Serge Lepeltier a considéré lui aussi que ce texte était éminemment politique et indiqué que son exposé des motifs, rédigé par le gouvernement de M. Lionel Jospin, ne pouvait malheureusement pas être modifié. Il a confirmé que les CLI avaient non seulement des problèmes de moyens -auxquels le texte répond en prévoyant l'attribution d'une partie de la taxe sur les INB- mais qu'elles connaissaient aussi des problèmes de statut, notamment liés au risque de « gestion de fait » lorsque des élus locaux président ces commissions.

Ensuite, M. Charles Revet a estimé qu'il fallait d'abord se féliciter de l'existence d'une filière nucléaire, fruit de décisions opportunes prises il y a trente ans et qu'il importait de communiquer sur le fait que des normes très élevées avaient été respectées en l'absence même de cadre juridique formel. A ce titre, il a indiqué que la démarche consistant à transcrire dans un texte des réalités préexistantes était une démarche, à ses yeux, tout à fait normale. Enfin, il a tenu à indiquer que, parallèlement aux sanctions imposées aux exploitants, il se demandait s'il ne serait pas opportun de prévoir des sanctions contre ceux qui utiliseraient certaines informations abusives dans le but d'inquiéter la population, à l'instar de ce qui existe déjà en matière d'effondrements.

En réponse, M. Serge Lepeltier a tenu à rappeler que la communication sur ce texte devait effectivement mettre en avant le fait qu'il s'agit pour l'essentiel d'officialiser les efforts quotidiens réalisés par la filière nucléaire française depuis des décennies.

Puis M. Bruno Sido a fait part de son étonnement quant à l'absence dans le texte de dispositions relatives aux déchets nucléaires. Il a regretté que les deux sujets soient disjoints, privant ainsi d'un débat politique d'ensemble sur le thème des questions relatives à l'énergie nucléaire et proposé que le débat en question ait plutôt lieu en 2006, échéance prévue pour la loi Bataille pour réexaminer la question des déchets. Il a ajouté que la question des déchets était devenue un problème central pour la continuation des activités nucléaires en France, dans la mesure où le problème du stockage fait figure de véritable goulet d'étranglement pour l'ensemble de la filière.

Ensuite, M. Jean Desessard a salué l'ouverture d'un débat sur la transparence et la sécurité nucléaires tout en indiquant qu'il intervenait dans un contexte de préoccupations légitimes sur les risques induits par les activités nucléaires. Il a indiqué que ce contexte était marqué par des incertitudes tenant à la pénurie de ressources naturelles, aux questions de retraitement de déchets d'une durée d'élimination de l'ordre de dix à quinze mille ans et au problème du coût du démantèlement des centrales pour lequel il a noté l'intérêt du ministre. Il en a déduit l'existence d'un certain scepticisme quant à l'énergie nucléaire, en évoquant le trouble créé par certaines annonces relatives au nuage de Tchernobyl. Il a conclu en faisant valoir que le débat qui s'ouvre ne saurait se limiter aux seuls parlementaires mais qu'il devrait impliquer les associations favorables et défavorables à l'énergie nucléaire aussi bien que les partis politiques en tant que tels, dont les Verts.

Sur ce point, M. Serge Lepeltier a tenu à rappeler à MM. Bruno Sido et Jean Desessard ainsi qu'à M. Gérard César, que les questions touchant à la transparence et à la sécurité nucléaires devaient bien être distinguées de celles relatives aux déchets et il a salué le travail réalisé, sur ces dernières, par l'OPECST dans la perspective des décisions prévues pour 2006 par la loi dite Bataille.

De même, il a répondu à M. Jean Desessard s'agissant de la distinction entre les questions de transparence et de sécurité d'une part, et le débat de principe sur la place et le rôle de l'énergie nucléaire d'autre part. Il a jugé que cette distinction était nécessaire dans la mesure où le besoin de sécurité et de transparence demeurera quelles que soient les décisions qui seront prises sur l'avenir de l'énergie nucléaire à l'occasion de la loi d'orientation sur l'énergie. Il a aussi d'ailleurs tenu à rappeler que le Gouvernement travaillait en parallèle sur l'ensemble des sujets relatifs au nucléaire, dont notamment le coût du démantèlement des centrales. En revanche, il a estimé que la question de l'approvisionnement en matière première n'était pas un sujet de préoccupation, compte tenu de l'abondance relative des ressources.

Enfin, M. Henri Revol, rapporteur, a tenu à apporter deux précisions aux propos échangés. D'une part, il a indiqué que les activités de stockage des déchets radioactifs étaient, d'après le projet de loi, pleinement soumises au principe de transparence. D'autre part, il a tenu à rappeler que les annonces faites au moment de l'accident de Tchernobyl n'indiquaient nullement que le nuage radioactif s'était arrêté aux frontières de l'hexagone, mais simplement que ce nuage ne constituait pas un danger sanitaire pour la France.

M. Jean-Paul Emorine, président, a conclu en remerciant le ministre des perspectives qu'il avait tracées et en manifestant son souhait que le texte de loi ayant fait l'objet des discussions soit inscrit rapidement à l'ordre du jour.