Travaux de la commission des affaires économiques



Mercredi 29 juin 2005

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Jean-Marc Pastor, vice-président, puis de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Agriculture - Loi d'orientation agricole - Audition de M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), sur le projet de loi d'orientation agricole (AN n° 2341).

M. Jean-Paul Emorine, président, a tout d'abord précisé que le projet de loi d'orientation agricole serait examiné par le Parlement à l'automne, d'abord par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat, et annoncé que d'autres auditions seraient effectuées dans cette perspective. Rappelant que ce texte s'inscrivait dans la continuité de la loi de modernisation de l'agriculture du 1er février 1995 et de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, il s'est demandé lequel des deux termes, « modernisation » ou « orientation », convenait le mieux.

Exprimant son espoir que le projet de loi trace des perspectives pour l'avenir, M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a souligné que le contexte général de l'agriculture avait considérablement changé, évoquant à cet égard la disparition programmée des mécanismes de régulation des marchés dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) ainsi que le poids des négociations en ce sens au sein de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Il a également fait état des évolutions affectant le monde agricole, qu'il s'agisse de la pluriactivité, de la pression sur le foncier ou des attentes de la société en termes d'environnement, d'aménagement du territoire, de sécurité alimentaire ou de qualité des produits. Souhaitant accompagner ces mutations, sans pour autant rejeter la législation existante, en particulier les grandes lois agricoles de 1960 et 1962, il a pris l'exemple du statut des entreprises agricoles pour souligner que s'il avait été conçu en prenant comme référence une exploitation familiale gérée par un couple, la forme sociétale des exploitations s'était, depuis lors, fortement développée. Il s'est félicité, à cet égard, de la notion de fonds agricole instituée par le projet de loi, faisant référence à la reconnaissance du fonds artisanal par la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, dite « loi Raffarin », ou encore à celle du fonds libéral reconnu par la jurisprudence de la Cour de cassation. Appelant à adopter une démarche « entrepreneuriale », il a estimé nécessaire de mettre en oeuvre un bail cessible d'une durée minimale de dix-huit ans. Reconnaissant que les agriculteurs, lorsqu'ils étaient propriétaires de leur exploitation, pouvaient aisément la transmettre, il a souligné que ce n'était pas le cas pour 65 % d'entre eux qui ont le statut de fermiers.

Puis évoquant l'augmentation du fermage à hauteur de 50 % prévue par le texte, M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, s'est dit d'avis de laisser une certaine autonomie aux commissions consultatives des baux ruraux. Estimant nécessaire de donner une impulsion à la propriété en portant à 25 % l'abattement forfaitaire sur les revenus fonciers, il s'est interrogé quant à l'exigence d'un acte authentique dans le cadre de la signature d'un bail cessible, considérant qu'il faudrait faire en sorte que son coût ne soit pas un obstacle à l'incitation d'un maximum de propriétaires et de preneurs à adopter cette démarche.

Se disant par ailleurs satisfait des aspects non alimentaires du projet de loi, il a insisté sur la nécessité d'organiser des filières stables et structurées rassemblant l'ensemble des professionnels, de la production à la distribution. Souhaitant renforcer les mesures relatives aux interprofessions, il a plaidé pour une meilleure connaissance tant de ce qui est mis en production que de ce qui est produit, en particulier au niveau communautaire. Estimant que le volet relatif à l'organisation économique était peu développé, il a souligné la nécessité d'une politique qui, afin de résister à la pression exercée par la grande distribution, incite les agriculteurs à modifier en profondeur leurs habitudes en se regroupant au sein de centrales de vente par une démarche de contractualisation des activités de production, de transformation et de commercialisation.

En outre, au-delà des mesures relatives à la coopération qu'il a jugées satisfaisantes, M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a préconisé, s'agissant de la gestion des aléas, une approche globale à trois niveaux garantissant les risques sanitaires, climatiques et économiques. Ne cachant pas sa déception quant à l'absence d'un volet foncier, il a estimé que l'agriculture devait être appréhendée non seulement comme un instrument de développement des territoires, mais aussi comme un secteur économique à part entière. Indiquant que l'Allemagne consommait moitié moins de foncier que notre pays et déplorant que l'avenir des terres en friche du Pas-de-Calais n'ait pas fait l'objet d'une réflexion en fonction des intérêts agricoles, il a appelé à économiser les terres disponibles et à les affecter aux usages opportuns. Considérant que toutes les collectivités territoriales devraient posséder un document d'urbanisme comportant une expertise sur la situation de l'agriculture au niveau local, il a estimé que les commissions d'aménagement foncier devraient mener une réflexion sur les changements d'affectation des sols.

Enfin, affirmant que le moral des agriculteurs était au plus bas, il a insisté sur la nécessité de redonner des perspectives au monde agricole, à travers une baisse des charges notamment en prenant en compte les attentes fortes concernant la réforme de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et celle de l'imposition sur le foncier non bâti. Déplorant que la cotisation de solidarité des associés non exploitants s'élève à 5,70 %, alors qu'elle serait nulle pour des fonds affectés à des opérations de spéculation financière, il s'est dit satisfait du plan de transmission, précisant toutefois qu'il ne faudrait pas qu'une telle mesure incitative soit annihilée par le maintien de la cotisation de solidarité.

Estimant en conclusion que le projet de loi constituait un nouveau socle pour l'agriculture et devrait lui permettre de se rapprocher de la société dans son ensemble, il est revenu sur la nécessité de redonner, tout particulièrement aux jeunes, des perspectives d'avenir.

Observant que l'exposé de l'intervenant résumait bien le projet de loi, M. Jean\Paul Emorine, président, a noté l'importante évolution consistant à orienter l'exploitation agricole, jusqu'ici de nature le plus souvent familiale, vers le statut d'entreprise.

M. Marcel Deneux s'est enquis de la position de l'intervenant sur la politique des structures, dont il a souligné qu'elle était entièrement maîtrisée par les commissions départementales d'orientation agricole (CDOA), ainsi que sur la possibilité de renforcer l'organisation économique du secteur, évoquant par ailleurs le fait que les revenus des personnes propriétaires en groupement foncier agricole (GFA), encaissés sous forme sociétaire, n'étaient pas susceptibles d'abattement.

Jugeant que tant la baisse du prix des produits agricoles liée à la concurrence exercée par certains des pays extérieurs à l'Union européenne que la réduction prévisible des aides servies au titre de la PAC laissaient peu d'espoir pour l'avenir de notre agriculture, M. Gérard Bailly a estimé nécessaire de concentrer les efforts sur les problématiques liées à l'environnement, à l'énergie, aux produits spécifiques et à la distribution.

M. Gérard César s'est interrogé sur le caractère suffisamment incitatif des mesures relatives à l'assurance récolte, questionnant par ailleurs l'intervenant sur le statut de la coopération et le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a apporté les éléments de réponse suivants :

- s'agissant du contrôle des structures, il s'est prononcé pour le maintien des CDOA et de leur organisation plénière, tout en recommandant l'allègement de leur fonctionnement. Il a estimé que le schéma départemental des structures, malgré quelques avancées, restait sujet à interrogations concernant, d'une part, la transmission en ligne directe jusqu'au troisième degré, dont il a préconisé la limitation à quatre unités de référence et la soumission, au-delà, à l'autorisation de la CDOA, et, d'autre part, la prise de participation d'un agriculteur dans d'autres exploitations agricoles, dont il a jugé normal qu'elle soit soumise à une telle procédure, pour autant qu'elle ne soit pas excessivement contraignante ;

- en ce qui concerne l'organisation économique, il a concédé qu'il existait un débat au sein de la profession, plus particulièrement dans les filières « viande » et « fruits et légumes ». Se disant partisan à titre personnel d'une réelle organisation économique, il a plaidé pour la mise en place de structures communes, alimentées par des organisations de producteurs ou des coopératives agricoles, capables de présenter les produits sur les marchés et ainsi de résister à la concurrence des pays tiers et à la pression de la grande distribution, hormis le cas des produits spécifiques ;

- pour ce qui est des prix, il a fait observer que certains secteurs, ceux-là même disposant d'une organisation structurée, bénéficiaient de tendances favorables. Prévoyant non pas une baisse générale du prix des produits agricoles, mais leur variation selon les marchés, il a souhaité la mise en place d'outils de régulation au niveau fiscal, social et assurantiel ;

- concernant l'assurance récolte, il est convenu de l'utilité du dispositif envisagé, tout en rejetant l'idée d'une suppression du fonds de calamité. Il a souhaité que soit menée une réflexion entre agriculteurs, pouvoirs publics et assureurs en vue de créer une agence regroupant et représentant chacun de ces trois collèges ;

- s'agissant des SAFER, il a constaté que de nombreux discours contradictoires étaient tenus avant de préconiser une adaptation de leur champ d'action plutôt qu'une multiplication des structures.

M. Jean Bizet s'est ensuite montré plutôt optimiste quant à l'évolution du prix des matières premières agricoles, estimant par ailleurs que le monde agricole devrait se positionner de façon opportune pour s'adapter à la tertiarisation de son économie. Jugeant que les propositions relatives à la contractualisation seraient sans doute délicates à mettre en pratique, il a interrogé l'intervenant sur le retard de parution du décret sur les sociétés civiles d'exploitation laitière.

Indiquant que l'organisation économique reposait aujourd'hui sur le triptyque producteur-distributeur-consommateur, M. Jean-Marc Pastor a souhaité connaître sa position sur l'utilité et la nature de son évolution. Rapportant que M.JosephDaule, président de la commission agriculture et développement durable au Parlement européen, avait annoncé récemment à une délégation de la commission la baisse d'un quart de l'enveloppe agricole affectée à la PAC dès 2006, il s'est interrogé sur la façon d'anticiper une telle réduction des crédits communautaires ainsi que sur le changement prévisible de profil des agriculteurs.

M. Jean Boyer a demandé si la FNSEA avait souhaité l'élaboration du projet de loi, s'il l'estimait applicable sur l'ensemble du territoire et quelles raisons justifiaient l'absence de dispositions sur la montagne.

En réponse, M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a apporté les précisions suivantes :

- en ce qui concerne les structures et l'organisation économique, il a rejeté le modèle anglo-saxon et appelé à un schéma d'entreprise maîtrisé, conduit par des professionnels responsables et prenant en compte la pluriactivité afin de maintenir des hommes sur l'ensemble du territoire. Se disant favorable aux formes sociétaires, il a encouragé une mise en commun des moyens de production, de transformation et de distribution, plaidant par ailleurs pour une reconnaissance de l'ensemble des actifs agricoles ;

- sur l'applicabilité du projet de loi, il l'a estimé viable sur l'ensemble du territoire ;

- s'agissant des mesures relatives à la montagne, il a souligné que le rapport d'orientation de la FNSEA présenté lors de son dernier congrès annuel ne les excluait en aucune façon, précisant que son organisation était favorable à ce que soient adoptées des mesures incitatives spécifiques à ce type de territoire.

Regrettant que le projet de loi ne traite pas des prix, M. Gérard Le Cam a jugé intéressante, mais insuffisante, l'idée de centrales de vente, plaidant pour l'intégration en leur sein des activités de commercialisation.

Déplorant le manque de lisibilité affectant le secteur agricole et obstruant l'horizon des professionnels, M. Dominique Mortemousque a regretté que la FNSEA ne se soit pas montrée plus offensive l'année passée en ce qui concerne le contrôle par l'administration des agriculteurs en vue de la mise en place de la réforme de la PAC. Il a également demandé à l'intervenant de préciser sa position au regard de l'abaissement des charges, de la mise en place d'une assurance récolte, de l'instauration d'une organisation économique efficace et du statut de l'agriculteur.

Se déclarant favorable à l'idée d'un regroupement des producteurs au sein d'organisations assurant jusqu'à la vente des produits, M. Francis Grignon s'est demandé toutefois dans quelle mesure une telle évolution n'accroîtrait pas les risques de délocalisation. Il s'est également interrogé sur la plausibilité d'une nouvelle baisse des charges et sur la prise en compte du secteur de la chimie du végétal.

M. Daniel Raoul a souhaité connaître la position de la FNSEA sur la réforme de la loi Galland contenue dans le projet de loi, actuellement en discussion devant le Parlement, en faveur des petites et moyennes entreprises.

Suite à ces différentes interventions,M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a apporté les éléments de réponse suivants :

- concernant l'organisation économique, il ne s'est pas opposé à l'idée que des regroupements de producteurs commercialisent leurs produits, tout en jugeant que cela resterait relativement marginal. Regrettant le comportement de producteurs ou de coopératives consentant à diminuer leurs prix pour conserver leurs débouchés, il a ainsi justifié la revendication de la mise en place de plates-formes de vente communes ;

- s'agissant de la réforme de la « Loi Galland », il a considéré que certains points constituaient des avancées, tout en précisant que d'autres mériteraient un réexamen, tels que les enchères inversées ou le retour de marchandises. Jugeant que la grande distribution avait d'abord profité d'un système qui avait fini par se retourner contre elle, il s'est déclaré défavorable à la redéfinition du seuil de revente à perte telle que figurant dans le projet de loi, désirant un mécanisme plus lisible permettant de retrouver un équilibre entre producteurs et distributeurs ;

- en ce qui concerne les risques d'approvisionnement à l'étranger, il est convenu qu'ils n'étaient pas inexistants, tout en appelant à raisonner en termes de préférence communautaire et en souhaitant que le consommateur clarifie ses priorités, à savoir l'achat soit de produits dont la traçabilité et la qualité sont assurées avec un coût plus élevé, soit de produits dont les prix sont inférieurs mais dépourvus de telles garanties ;

- s'agissant de la chimie du végétal, il a précisé que le sujet était effectivement pris en considération par son organisation ;

- sur l'assurance récolte, il a exhorté l'Etat à s'engager plus avant en matière d'abondement du dispositif ;

- pour ce qui est de la baisse des charges, il a rappelé que la révision de l'impôt sur le foncier non bâti constituait un engagement fort du chef de l'Etat et a convenu qu'une réflexion poussée serait nécessaire sur la TIPP ;

- concernant enfin le statut de l'exploitant, il a souhaité qu'en soit donnée une définition, ainsi que de l'activité agricole, fondée sur la définition sociale. Il a rappelé que l'exploitant ne devait pas être perçu uniquement comme mettant en valeur un territoire, mais également un projet économique.

A M. Daniel Dubois qui lui demandait si le statut d'entreprise agricole constituait un obstacle à l'installation des jeunes, M. Jean-Bernard Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a répondu par la négative, ajoutant que le problème, qui résidait aujourd'hui essentiellement dans les difficultés rencontrées pour la transmission des exploitations, trouverait sa solution dans la disposition du projet de loi permettant le transfert de la totalité de l'outil de travail.

M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié l'intervenant, lui faisant observer que le grand nombre de questions lui ayant été posées témoignait du profond intérêt des commissaires présents pour l'avenir de l'agriculture et pour le projet de loi.

Logement - Groupe de travail Facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement - Présentation du rapport d'information

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Thierry Repentin fait au nom du groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement.

Monsieur Dominique Braye, président, a tout d'abord indiqué que ce groupe de travail avait été créé au début de l'année pour préparer les débats parlementaires sur le projet de loi « Habitat pour tous », élaboré à l'origine par le précédent ministre du logement, M. Marc-Philippe Daubresse. Soulignant que la question de la crise du logement constituait un enjeu transcendant largement les clivages politiques, il a noté que la commission avait, en conséquence, souhaité confier la présidence de ce groupe à un membre de la majorité sénatoriale et le rapport à M. Thierry Repentin, membre du groupe socialiste et apparentés.

Après s'être félicité du bon climat dans lequel s'étaient déroulés les travaux du groupe, il a considéré que, malgré certaines divergences d'appréciation, en nombre cependant limité, les membres du groupe avaient eu le souci de définir, loin des préoccupations politiques à court terme, des solutions pragmatiques et concrètes pour sortir de la crise du logement.

Il a ainsi indiqué que, pour établir ces propositions, le groupe de travail avait procédé à l'audition de plus d'une cinquantaine de personnalités dont le ministre chargé du logement de l'époque, des professionnels du secteur, des organisations représentatives des bailleurs et des locataires ainsi que d'universitaires, et avait adressé un questionnaire à toutes les agences d'urbanisme.

Après avoir relevé que les élus et les professionnels avaient, au cours des auditions, largement souligné l'importance du problème du foncier dans la crise actuelle du logement, M. Dominique Braye, président, a souligné que les prix des terrains à bâtir avaient très fortement augmenté, entre 1999 et 2004, de plus de 40 % en moyenne non seulement en région parisienne mais aussi, phénomène nouveau, dans les autres régions et en périphérie des villes.

Notant que la hausse du prix du foncier était devenu un frein à l'accession à la propriété des ménages et que cette évolution rendait plus difficiles les opérations de logement social en raison de la concurrence entre les différents opérateurs pour l'achat des terrains, il a déploré les conséquences sociales de cette évolution en notant qu'elle se traduisait par une éviction des ménages modestes des centres-villes.

Il a précisé que le groupe de travail proposait plusieurs séries de mesures afin de libérer du foncier pour le logement, de soutenir les maires bâtisseurs et d'améliorer la transparence du marché foncier, tout en attirant l'attention de la commission sur le fait que certaines propositions du groupe avaient d'ores et déjà reçu un début d'application, avec l'adoption, dans le projet de loi sur les services à la personne, du dispositif d'exonération de la taxe sur les plus-values sur les terrains cédés à des bailleurs sociaux. Il a expliqué que cette mesure, destinée à faire baisser le prix des terrains pour les logements sociaux, était limitée dans le projet de loi initial aux particuliers et avait été étendue aux entreprises par des amendements présentés par le président et le rapporteur du groupe de travail. Il a jugé que cette extension serait de nature à renforcer considérablement l'impact de la disposition, dans la mesure où un tiers des cessions de terrains aux bailleurs sociaux est aujourd'hui le fait d'entreprises.

M. Dominique Braye, président, a ensuite indiqué qu'un constat similaire pouvait être dressé pour la crise du logement qui résultait également d'un déséquilibre entre l'offre nouvelle, insuffisante au cours de la deuxième moitié des années 1990, et la croissance des besoins en logements de la population. Il a notamment souligné le fait que plus d'un million de demandeurs de logements locatifs sociaux étaient recensés et que plusieurs évolutions socio-démographiques, comme la décohabitation des jeunes, le vieillissement de la population, le moindre attrait de la vie en couple ou le plus grand nombre de divorces, avaient contribué à accroître la demande de logements des Français.

Relevant que les élus locaux étaient régulièrement interpellés par leurs administrés sur ces difficultés, il a considéré que ce déséquilibre se traduisait tout d'abord par une envolée spectaculaire du niveau des loyers, liée à la vive progression de l'indice du coût de la construction (indice dont il a indiqué qu'il avait été réformé par le projet de loi relatif aux services à la personne), et une accession à la propriété rendue plus difficile, en particulier pour les primo-accédants, malgré l'allongement de la durée des prêts immobiliers et la baisse à un niveau historique des taux d'intérêt.

Après avoir souligné que le nombre de propriétaires était plus faible en France que dans d'autres pays européens, il a noté que ces évolutions ne favorisaient pas la constitution de parcours résidentiels ascendants, jugeant qu'il s'agissait pourtant d'une aspiration majeure des ménages français. Il a notamment estimé que le fait d'être propriétaire avant l'âge de la retraite constituait l'un des moyens les plus efficaces pour se protéger de la pauvreté.

En conclusion, M. Dominique Braye, président, a noté que le rapport faisait apparaître quelques différences d'appréciation entre les différents membres du groupe de travail qui restaient néanmoins marginales à l'échelle du rapport.

Après avoir également souligné les efforts de rapprochement entre le rapporteur et le président du groupe, M. Thierry Repentin, rapporteur, a relevé que son intervention ne pourrait, faute de temps, faire état de l'ensemble des propositions du rapport. Il a confirmé que le groupe avait auditionné près de soixante personnalités, dont la sphère de compétence s'étendait de la maîtrise foncière à la livraison des appartements.

Abordant le premier thème du rapport, relatif à la nécessité de mener une politique foncière ambitieuse au service du logement, M. Thierry Repentin, rapporteur, a estimé que le premier axe de cette politique devrait consister à favoriser la libération du foncier à des prix compatibles avec des opérations de logement. S'agissant des terrains privés, il a ainsi précisé que le groupe proposait les mesures suivantes :

- prévoir une hausse de la taxe sur le foncier non bâti pour les terrains non bâtis situés en zone constructible, qui devrait être rendue suffisamment incitative pour libérer des terrains et obligatoire afin de ne pas laisser la responsabilité de la fixation du taux aux seuls maires ;

- instituer une exonération de la taxe sur les plus-values pour les terrains cédés à des bailleurs sociaux : la mesure adoptée dans le projet de loi relatif aux services à la personne pourrait encore être améliorée dans le cadre du projet de loi « Habitat pour tous », afin de moduler l'exonération en fonction de la destination des terrains cédés, exonération totale si le terrain est cédé pour des opérations de logement social, partielle s'il s'agit d'opérations mixtes, y compris à destination des collectivités territoriales.

Concernant les terrains publics, M. Thierry Repentin, rapporteur, a estimé indispensable que l'Etat mène une politique patrimoniale active pour recenser les terrains publics disponibles, à l'instar du travail effectué par la Délégation à l'action foncière pour le ministère de l'équipement. Il a également jugé qu'une décote importante devrait être permise sur ces terrains, aussi bien ceux de l'Etat que ceux des grands établissements publics propriétaires, afin de faciliter des opérations de logement social, cette décote pouvant aller jusqu'à 50 % dans les zones les plus tendues. Enfin, il a souhaité que, dans les communes soumises à l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), toute cession de terrain public en vue d'une opération de logements comporte obligatoirement un pourcentage de logements sociaux de 25 %.

A propos du deuxième axe des propositions relatives au foncier, fondé sur la volonté d'encourager les maires bâtisseurs, M. Thierry Repentin, rapporteur, a souligné que rien ne pourrait se faire sans les élus, compétents en matière d'urbanisme et d'aménagement, et confrontés aux réactions parfois hostiles des populations à l'égard des nouveaux projets de constructions.

Relevant que le prix des terrains pouvait passer de 1 à 50, voire plus, lorsqu'ils sont ouverts à l'urbanisation par une simple décision de la commune, il a indiqué que le groupe proposait d'engager une réflexion, en liaison avec les élus et leurs associations, sur la possibilité d'instituer un mécanisme permettant de restituer aux communes une part de la plus-value liée à l'urbanisation. Il a ensuite jugé nécessaire, afin de relancer les opérations d'aménagement, de faire oeuvre de pédagogie auprès des élus locaux et de les inciter à utiliser les procédures existantes et à se doter de documents d'urbanisme.

Faisant part ensuite du souhait du groupe de permettre aux plans locaux d'urbanisme (PLU) de s'adapter rapidement aux objectifs en matière de logement, M. Thierry Repentin, rapporteur, a estimé utile que soit inscrite dans la loi la possibilité pour les communes qui le souhaitent d'imposer dans leur PLU la réalisation de logements sociaux lors de la réalisation de programmes de logements, et de prévoir le recours à des procédures simplifiées pour mettre en compatibilité les programmes locaux de l'habitat et les PLU. S'agissant des permis de construire, dont les auditions ont montré la complexité et l'extrême insécurité juridique, il a préconisé l'adoption rapide de certaines des mesures proposées par le rapport établi par M. Philippe Pelletier, par exemple la possibilité pour le juge de prononcer une annulation partielle des permis. Outre ces mesures, a-t-il ajouté, le groupe propose d'apprécier l'intérêt à agir à la date de délivrance du permis et non à celle du dépôt du recours, afin d'éviter les recours purement opportunistes.

Abordant ensuite l'article 55 de la loi SRU, M. Thierry Repentin, rapporteur, a jugé que, malgré plusieurs différences d'appréciation, le groupe de travail était parvenu à des préconisations équilibrées : sans remettre en cause ce symbole politique fort, il est en effet proposé d'aménager ce mécanisme afin de le rendre plus contraignant envers les communes qui ne font aucun effort en faveur de la mixité sociale et moins pénalisant pour les communes qui remplissent leurs objectifs.

Evoquant, en conclusion de la partie consacrée aux maires bâtisseurs, la question de la compensation par l'Etat des pertes de recettes pour les communes avec l'exonération de la taxe sur le foncier bâti dont bénéficient les logements sociaux pendant quinze ans, M. Thierry Repentin, rapporteur, a rappelé que la commission avait présenté un amendement lors de l'examen de la loi de finances pour 2005, qui n'avait pas été adopté en séance. Le rapport, a-t-il expliqué, revient sur ce problème, avec des chiffres détaillés, qui montrent que la plupart des communes de départements comme les Bouches-du-Rhône, la Saône-et-Loire ou la Côte-d'Or sont très mal compensées, et préconise en conséquence de revenir sur ce point lors de la prochaine loi de finances.

S'agissant enfin du troisième axe des réformes proposées concernant le foncier, l'amélioration de la transparence du marché foncier, le rapporteur a relevé que l'opacité de celui-ci avait aujourd'hui un effet inflationniste, dans la mesure où, en l'absence de données, ce sont les vendeurs qui fixent les prix, et a proposé de prévoir explicitement la transmission gratuite et obligatoire des données détenues par les services des hypothèques aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics fonciers.

Concernant la deuxième partie du rapport, consacrée au renforcement du rôle des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de politique du logement et de l'urbanisme, M. Thierry Repentin, rapporteur, a indiqué que le groupe de travail préconisait les mesures suivantes :

- rendre prioritaires les EPCI dotés d'un programme local de l'habitat sur les communes pour la délégation du contingent préfectoral ;

- encourager la création d'établissements publics fonciers locaux, soutenue financièrement par l'Etat et les régions et départements ;

- rendre obligatoire la création d'une commission de coordination intercommunale chargée de statuer sur le logement des plus défavorisés ;

- envisager, selon des modalités encore à débattre, la création d'un permis de « mise en copropriété » pour permettre une régulation par les communes des ventes à la découpe.

M. Thierry Repentin, rapporteur, a en dernier lieu abordé les thèmes concernant spécifiquement le logement. Concernant en premier lieu le parc privé, il a proposé d'utiliser le produit de la contribution sur les revenus locatifs pour financer un mécanisme de garantie contre les risques locatifs couvrant l'ensemble du parc privé. A propos de l'amortissement fiscal « créé » par M. Gilles de Robien, il a estimé que ce produit avait permis la construction de nombreux logements privés, mais que, de l'avis de nombreux acteurs, ces logements n'étaient pas forcément adaptés à la demande locale. Il a donc suggéré de revoir ce dispositif en proportionnant les avantages fiscaux au caractère social du logement. Enfin, en matière d'épargne, il a proposé de prévoir le déplafonnement des produits d'épargne réglementés à condition que le « surplus » soit orienté vers des mécanismes d'épargne solidaire, souvent peu connus du grand public.

Abordant ensuite la question de l'accession à la propriété, M. Thierry Repentin, rapporteur, a formulé les propositions suivantes :

- une accélération des ventes HLM, à condition que les communes et les intercommunalités soient associées étroitement à la définition des objectifs et à la relocalisation des nouveaux logements construits grâce au produit des ventes ;

- la création de nouveaux mécanismes pour faciliter l'accession progressive à la propriété et le développement d'opérations de mixité sociale ;

- une réforme de l'hypothèque pour autoriser le système de « l'hypothèque rechargeable ».

Estimant nécessaire de sécuriser les bailleurs privés, M. Thierry Repentin, rapporteur, a plaidé pour l'instauration d'un mécanisme de garantie des risques locatifs et l'extension au parc privé du dispositif de prévention des expulsions prévu par la loi de programmation pour la cohésion sociale. Par ailleurs, afin de stabiliser le taux d'effort des locataires, il a jugé nécessaire, d'une part, de réformer l'indice du coût de la construction (ICC), tout en regrettant, à titre personnel, que ce sujet soit traité dans l'urgence par le projet de loi « Services à la personne » et en souhaitant que le dispositif soit amélioré et, d'autre part, d'actualiser régulièrement les aides à la personne à un niveau au moins égal à celui de l'évolution du coût de la vie.

Enfin, s'agissant du parc social, M. Thierry Repentin, rapporteur, a présenté les propositions suivantes :

- renforcer le rôle des commissions de médiation afin de rendre le droit au logement plus effectif ;

- permettre aux organismes HLM de rendre le système de surloyers plus efficace dans certains bassins d'habitat, même si ce problème est marginal puisque seuls 10 % des locataires dépassent les plafonds ;

- développer des systèmes volontaires visant à inciter les ménages dans le parc HLM à déménager quand la taille du logement est déconnectée de leurs besoins.

Après avoir félicité le président et le rapporteur pour la qualité de leur travail, M. Jean-Marc Pastor, vice-président, a noté que la question de la crise du logement constituait un enjeu important pour les Français dépassant largement les clivages politiques et s'est interrogé sur le devenir des propositions du groupe de travail.

En réponse, M. Dominique Braye, président, après avoir également relevé que le logement constituait l'une des préoccupations majeures des Français avec l'emploi, a indiqué que ce groupe de travail avait mené sur une longue période un examen approfondi de la situation du logement et du foncier afin de préparer en amont les travaux de la commission sur le projet de loi « Habitat pour tous » et les éventuels amendements qu'elle serait amenée à proposer sur ce texte.

Après avoir félicité, à son tour, le président et le rapporteur, M. Pierre André a estimé que le rapport constituerait un document fort utile pour l'ensemble de la politique de la ville. Il convient, a-t-il souligné, de contraindre les grands établissements publics tels que Réseau Ferré de France à suivre l'estimation donnée par les services des domaines, dans la mesure où l'on constate parfois, en pratique, de très grands écarts entre cette estimation et le prix réellement proposé. Abordant ensuite la question des friches industrielles, il a souligné que celles-ci, souvent localisées en centre ville, pouvaient constituer des emplacements intéressants pour des opérations de logement, mais que le coût de dépollution était très élevé. Il a souhaité, en conséquence, que la solidarité nationale puisse jouer en faveur de la réhabilitation de ces friches.

Précisant qu'il s'exprimait au nom de Mme Michelle Demessine qui n'avait pu assister à la présentation du rapport, M. Gérard Le Cam s'est interrogé sur les propositions du groupe de travail concernant la réforme de l'indice du coût de la construction en soulignant qu'il s'agissait là d'un point important compte tenu de ses répercussions sur le pouvoir d'achat des ménages. Puis il s'est demandé si le groupe de travail avait étudié les points de blocage administratifs auxquels sont confrontées les communes, notamment pour l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.

En réponse, M. Dominique Braye, président, a tout d'abord relevé que le problème de l'indice du coût de la construction provenait de sa grande instabilité sur une longue période. Il s'est en conséquence félicité de la réforme adoptée dans le projet de loi sur les services à la personne, qui prévoit que, désormais, cet indice devra tenir compte, notamment, de l'évolution des prix à la consommation, du coût des travaux d'entretien et d'amélioration du logement à la charge des bailleurs et de l'indice du coût de la construction. Il a précisé que cette rédaction laissait une grande marge de manoeuvre pour la concertation entre l'Etat et les représentants des bailleurs et des locataires pour, éventuellement, ajouter d'autres critères. S'agissant des documents d'urbanisme, il a indiqué que le groupe proposait de reporter du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 la possibilité d'effectuer des révisions simplifiées du plan d'occupation des sols pour mener à bien des opérations. Il a également fortement déploré que les directions départementales de l'équipement puissent parfois « s'exonérer » de l'application de la loi.

M. Daniel Raoul a ensuite attiré l'attention du président et du rapporteur du groupe de travail sur les conséquences financières pour les communes de la jurisprudence de certains tribunaux administratifs tendant à réévaluer les prix de cession des terrains agricoles vendus aux communes par des particuliers dans les cas où ces terrains sont ensuite rendus « urbanisables » par la collectivité. Il a en effet expliqué que les propriétaires faisaient valoir dans leurs recours une lésion de leurs intérêts et obtenaient en conséquence la condamnation des communes.

En réponse aux orateurs, M. Thierry Repentin, rapporteur, a notamment souligné que les entreprises publiques comme l'Etat devaient faire des efforts en matière de prix de vente de leurs terrains afin de faciliter la construction de logements, notamment sociaux. Il a précisé que ces réflexions avaient conduit le groupe de travail à préconiser l'institution d'une décote de 50 % pour les cessions de terrains de l'Etat, alors qu'un décret en préparation ne prévoyait qu'une décote de 25 %, montant qu'il a jugé insuffisant. Il a ensuite estimé souhaitable de prévoir une compensation fiscale, sous la forme d'une réduction d'impôt sur les sociétés, dans le cas où les entreprises cédaient des terrains à bas prix, soulignant qu'il était nécessaire d'afficher un message politique clair en faveur de la réalisation de logements.

S'agissant des friches industrielles, il a relevé que ce problème avait déjà été traité dans la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, mais qu'il conviendrait de le réexaminer en raison de l'intensification de la crise du logement.

Enfin, abordant la question de la jurisprudence administrative relative à la réévaluation des prix de cession des terrains, M. Thierry Repentin, rapporteur, a jugé indispensable une réflexion sur la juste répartition, entre le propriétaire et la commune, de la plus-value résultant, pour les terrains, des décisions d'urbanisme des collectivités publiques.

Soulignant que le foncier apparaît aujourd'hui comme un problème majeur pour le logement, M. Charles Revet a relevé que les particuliers construisant une maison consacraient plus de financement au terrain qu'au bâti. Il a fortement appelé de ses voeux une simplification des procédures à mettre en oeuvre pour l'ouverture à l'urbanisation de nouvelles zones, relevant que même la révision simplifiée ne constituait pas forcément la solution la plus adaptée, notamment lorsque quelques hectares seulement sont concernés.

En réponse, M. Dominique Braye, président, lui a indiqué que le rapport contenait quatre propositions relatives à la simplification des procédures en matière d'urbanisme. Il a ensuite ajouté que la révision simplifiée d'un plan d'occupation des sols, qui s'étend sur six mois, pouvait fort opportunément s'accompagner de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, celle-ci prenant environ deux ans, mais offrant ensuite de très larges possibilités en matière de construction.

M. François Fortassin a estimé indispensable de prévoir plus de souplesse pour l'obtention des permis de construire, en particulier dans les petites communes rurales où les maires ne disposent pas d'un appui technique. Il a notamment attiré l'attention de la commission sur certaines incohérences résultant des décisions des architectes des bâtiments de France qui préfèrent laisser à l'abandon certains bâtiments de ferme inoccupés plutôt que d'en permettre la transformation en résidences secondaires.

En réponse à M. François Fortassin, M. Dominique Braye, président, a fortement encouragé les petites communes à se doter de cartes communales, dans la mesure où, en l'absence de ce type de document, elles sont soumises au règlement national d'urbanisme et, partant, à son interprétation par les directions départementales de l'équipement. S'agissant des granges, il a rappelé que ce problème délicat avait fait l'objet de larges débats lors de l'examen du projet de loi « Urbanisme et habitat », et avait trouvé une réponse dans l'adoption même de ce texte qu'il convenait aujourd'hui d'appliquer. Ce texte, a-t-il précisé, permet la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs.

Enfin, la commission a adopté à l'unanimité le rapport du groupe de travail et autorisé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Aménagement du territoire - Audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

La commission a procédé à l'audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, a tout d'abord indiqué les avantages à retirer pour le ministère de l'aménagement du territoire de son rattachement, comme tel était le cas entre 1993 et 1995, au ministère de l'Intérieur, et non à celui de l'Equipement : d'une part, sur un plan institutionnel, un resserrement des liens entre les élus locaux et les représentants de l'Etat dans les régions et les départements et d'autre part, sur un plan plus politique, la faculté d'être davantage pris en compte lors des arbitrages rendus à Matignon.

Rappelant qu'il entendait mettre à profit son expérience d'élu local très impliqué en matière d'aménagement du territoire pour mettre en oeuvre une politique valorisant la diversité des territoires, il a évoqué les quatre grands dossiers qui retenaient plus spécifiquement son attention :

- la mise en place des pôles de compétitivité : en raison à la fois du nombre et de la qualité, en termes de créativité et d'innovation, des projets transmis à la suite de l'appel à candidatures lancé en septembre 2004 par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), le nombre de pôles sélectionnés en juillet 2005, initialement de l'ordre de la quinzaine, pourrait être de l'ordre de la cinquantaine ;

- l'accompagnement des mutations économiques : le regroupement en cours des services de la Mission interministérielle sur les mutations économiques (MIME) avec ceux de la Délégation pour l'aménagement du territoire (DATAR) permettra de mieux anticiper sur l'évolution des bassins d'emploi et de les accompagner, en partenariat avec les collectivités territoriales et l'Agence française pour les investissements internationaux, de manière plus efficace ;

- la défense des intérêts français à Bruxelles à travers le devenir des aides à finalité régionale permettant la création ou le maintien d'emplois et la prochaine génération de fonds structurels. Ce dossier sera notamment évoqué avec les deux commissaires européens respectivement chargés de la politique régionale et de la concurrence, Mmes Danuta Hubner et Neelie Kroes ;

- le maintien des services publics en milieu rural à travers la concertation organisée, à la demande de M. Nicolas Sarkozy, par les préfets et associant les élus, les usagers, ainsi que les services et organismes publics de chaque département afin de définir, au plus tôt, un cadre stratégique pour le maintien des services au public. En outre, la conférence nationale des services publics en milieu rural devrait prochainement rendre un rapport d'étape sur l'évolution des services en milieu rural dont l'organisation, en tout état de cause, ne devrait pas être modifiée, pendant cette période de réflexion, sauf accord sur la solution.

M. Christian Estrosi a enfin souligné que la politique d'aménagement du territoire se devait de répondre aux angoisses révélées lors du dernier référendum, qui avait mis à jour un clivage entre les zones urbaines majoritairement confiantes et les territoires ruraux ou en crise industrielle doutant de leur avenir. A l'issue de cette intervention, un débat s'est engagé avec les commissaires.

Appelant de ses voeux le lancement d'au moins un pôle par région, M. Francis Grignon s'estinterrogé sur les modifications, notamment en termes de financement, que ne manquerait pas d'induire la sélection d'un nombre accru de pôles de compétitivité. Se faisant l'écho des craintes de M. Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, recueillies lors du dernier déplacement du bureau de la commission à Bruxelles, s'agissant de la suppression des fonds structurels attribués à la France, il s'est enquis des perspectives de rapprochement en matière fiscale dans le cadre de la coopération renforcée. Après avoir évoqué le rôle éminemment positif des infrastructures fluviales pour le développement territorial, il a enfin demandé au ministre si les recettes nées de l'ouverture du capital des sociétés d'exploitation des autoroutes ne pourraient pas bénéficier au financement de nouvelles infrastructures et, plus particulièrement, au fonctionnement de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF).

M. Daniel Reiner, évoquant le souhait des parlementaires de « sanctuariser » ces recettes pour financer les infrastructures de transport, s'est inquiété de la volonté exprimée par le Premier ministre d'affecter la majorité de ces nouvelles ressources au désendettement de l'Etat, alors même que l'AFITF ne dispose pas des moyens nécessaires pour exercer ses missions.

M. Gérard Cornu a demandé des précisions sur l'identité du ministère responsable de la mise en oeuvre des pôles de compétitivité et il s'est ensuite interrogé sur les mesures envisagées par le ministère de l'aménagement du territoire pour diffuser la technologie de l'Internet à haut débit sur l'ensemble du territoire national, afin de contribuer au maintien des services publics de proximité et de favoriser le développement du télétravail.

Après avoir rappelé que la France, à la suite du lancement des lignes de TGV et des voies autoroutières, et du processus de décentralisation, avait connu une mutation sans précédent, M. Pierre André a relevé qu'une fracture demeurait entre les régions situées au nord de la Loire, de tradition industrielle et désormais sur le déclin, et celles situées au sud de la Loire qui connaissaient la croissance économique. Rappelant les conclusions de son rapport sur l'avenir des contrats de ville, il s'est alors interrogé sur les modalités d'une contractualisation plus efficace susceptible d'inclure de nouveaux échelons, comme les communautés d'agglomération, dont la montée en puissance résultait de l'affirmation du processus de décentralisation.

En réponse à ces interrogations, M. Christian Estrosi a apporté les précisions suivantes :

- la sélection d'un plus grand nombre de pôles de compétitivité, qui devrait susciter une redynamisation des territoires conduisant, à terme, à la création de milliers d'emplois, se fera sans remise en cause des critères initialement définis, c'est-à-dire d'une sélection rigoureuse et dans le cadre d'une labellisation identique. Compte tenu de la marge de progression de certains projets, le processus de sélection pourra comporter une étape supplémentaire ;

- s'agissant des négociations actuellement conduites à Bruxelles, l'obtention d'un montant satisfaisant de nouveaux crédits européens pour la période débutant en 2007 constitue une priorité et répond aux attentes des élus qui ont su intégrer ces financements dans leurs projets de développement, dans la programmation arrivant à échéance fin 2006. Dans le cadre d'une coopération renforcée, la France a bon espoir d'obtenir l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, et souhaite au-delà un taux minimum harmonisé afin de limiter tout dumping fiscal néfaste à la cohésion de l'Union européenne ;

- le lancement d'infrastructures de transport fluviales, mais aussi multimodales, représente une solution alternative à la saturation des voies terrestres et pourrait mobiliser de nouvelles formes de financement, comme les partenariats public-privé ;

- l'émergence de pôles de compétitivité implique que les infrastructures de communication, de transport et de télécommunications soient à niveau dans les régions, renforçant ainsi l'attractivité des territoires ;

- l'AFITF, relevant de la compétence du ministère de l'Equipement, le ministre n'a pas souhaité s'exprimer sur les ressources ou plutôt les modifications de ressources que pouvaient impliquer les annonces récentes. Il a en revanche souligné son attachement à ce que l'AFITF soit dotée à la hauteur des ambitions qu'implique la réalisation de la planification volontaire des infrastructures décidées par le Gouvernement ;

- la diffusion, d'ici à 2007, sur l'ensemble du territoire national de l'Internet haut débit, conformément au plan d'action gouvernemental adopté lors du CIADT du 14 septembre 2004, impliquera une mobilisation des communes encouragées à devenir les maîtres d'ouvrage des nouvelles installations nécessaires à leur raccordement au réseau ;

- la prochaine génération des contrats de plan, dont la durée pourrait être calquée sur celle des mandats locaux, devrait s'inspirer de l'expérience des contrats de ville et, prenant en compte l'évolution de l'intercommunalité, permettre la contractualisation avec d'autres échelons territoriaux que la région.

Après avoir évoqué les avantages de la technologie de l'ADSL pour le désenclavement des territoires et les attentes des administrés suscitées par la loi relative au développement des territoires ruraux (DTR), M. Marcel Deneux a considéré qu'il serait difficile, dans le contexte financier que connaît actuellement l'Union européenne, de satisfaire dans le même temps les revendications françaises du maintien en l'état des niveaux de financement de la politique agricole commune et de dotation en fonds structurels. Il a également estimé que la politique d'aménagement du territoire, à l'instar de la politique énergétique, avec laquelle elle entrait en ligne de compte pour le développement durable de l'espace national, devait se fixer des objectifs de long terme pour être pleinement efficace.

Après s'être interrogé sur l'efficacité et la lisibilité des mesures mises en oeuvre par la DATAR, M. François Fortassin s'est inquiété du décalage entre le consensus à l'échelle nationale en faveur de la solidarité sociale et les blocages constatés localement en matière de solidarité territoriale, sans laquelle les zones les plus pauvres ne sauraient combler leur retard technologique, ni assurer le maintien de leurs services publics.

Après avoir plaidé en faveur de politiques favorisant un meilleur équilibre entre les territoires ruraux et urbains afin de corriger le mouvement de recentralisation de l'activité économique autour des capitales régionales, M. Gérard Bailly s'est déclaré en faveur du recours au partenariat public-privé pour le financement de nouvelles infrastructures et a interrogé le ministre sur les mesures qu'il comptait prendre pour redynamiser les campagnes.

En réponse, M. Christian Estrosi a apporté les précisions suivantes :

- la majorité des suffrages exprimés dans les zones rurales en faveur du non lors du dernier scrutin référendaire n'était pas le fait des seuls agriculteurs, mais plutôt l'expression du malaise de l'ensemble de leurs habitants face à l'absence de solidarité territoriale entre villes et campagnes ;

- dans le cadre de la diffusion des nouvelles technologies et, plus particulièrement, du réseau haut débit de l'Internet, le rôle de l'Etat est avant tout de mettre les outils nécessaires à disposition des collectivités territoriales agissant déjà comme maîtres d'ouvrage ;

- les montants perçus par la France au titre de la politique agricole commune sont garantis jusqu'à 2012 ; le Gouvernement veillera dans le cadre de la reprise prochaine des négociations sur les perspectives financières de l'Union européenne pour 2007-2013 à préserver ses lignes rouges, dont notamment le maintien de fonds européens « objectif 2 », substantiels pour nos territoires ;

- s'il est vrai que l'application de la loi DTR demeure partielle, faute de l'adoption de l'ensemble des décrets d'application nécessaires, l'évaluation de la création des zones de revitalisation rurale (ZRR) pourrait être conduite d'ici à l'automne et aboutir à la diffusion auprès des maires d'un guide en présentant le contenu et les avantages ;

- à l'instar des retombées favorables en termes d'emploi et de croissance économique induites par la prochaine implantation à Cadarache du réacteur ITER, le lancement des pôles de compétitivité, qui seront en mesure de bénéficier des aides de l'Etat et de l'Union européenne, ne manquera pas d'avoir des effets en termes de solidarité territoriale ;

- il faut savoir utiliser les outils de développement les mieux adaptés aux spécificités de chaque territoire et encourager les initiatives locales afin de redynamiser durablement les campagnes ;

- le transfert des infrastructures de transport aux collectivités doit s'exercer de manière équitable et pourrait, dans une quinzaine de départements, pénalisés par la règle du principe du « décroisement » des sources de financement, nécessiter une participation spéciale de l'Etat à définir, en complément du volet routier des contrats de plan actuels.

A l'issue de son intervention, M. Christian Estrosi a enfin présenté les membres de son cabinet, en assurant les membres de la commission de leur parfaite disponibilité pour répondre à toute sollicitation de leur part.