Table des matières


Mercredi 24 octobre 2001

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Famille - Accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat - Audition de M. Bernard Stasi, médiateur de la République

La délégation a tout d'abord entendu M. Bernard Stasi, médiateur de la République, sur le projet de loi n° 352 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

A titre liminaire, M. Bernard Stasi a rappelé le cadre dans lequel s'exerce le pouvoir de proposition de réformes (à caractère législatif ou réglementaire) du médiateur de la République et signalé qu'il entendait en accroître l'efficacité en établissant des relations de travail plus étroites avec le Parlement.

Abordant plus particulièrement sa proposition de réforme du 6 juin 2000 relative au secret de la filiation, il a fait état des réclamations reçues par son prédécesseur et lui-même (une trentaine depuis 1995) qui ont révélé le caractère très lacunaire du droit régissant le secret des origines et la diversité des conditions locales de son application. Après avoir évoqué les divers problèmes rencontrés et les moyens mis en oeuvre pour trouver une solution aux dossiers individuels qu'il avait eu à traiter, le médiateur de la République a présenté l'économie de sa proposition de réforme qui cherche à remédier aux inconvénients des règles actuelles pour parvenir à un équilibre plus satisfaisant entre les intérêts des différentes parties concernées. Il a estimé, à cet égard, que, pour l'essentiel, le projet de loi répondait largement à ses suggestions, notamment en ce qui concerne la composition et les missions du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, et la définition d'une procédure uniforme de recueil de l'identité de la mère et de règles précises régissant la réception et le traitement des demandes de levée du secret.

Puis, M. Bernard Stasi, médiateur de la République, a évoqué les quelques aspects de sa proposition de réforme qui n'ont pas été repris dans le projet de loi ou pour lesquels les choix qui ont été faits sont différents de ceux qu'il préconisait. Considérant que le secret de la filiation ne devait plus avoir un caractère nécessairement définitif, il avait ainsi suggéré une procédure graduelle visant à favoriser le rapprochement entre la mère et l'enfant accompagnée, en cas d'échec de la levée consensuelle du secret, d'une possibilité de levée unilatérale à l'issue d'un délai assez long (par exemple, trente ans) destiné à protéger les intérêts légitimes de la mère. Prenant acte de ce que le projet de loi ne retenait pas un dispositif similaire, il a toutefois exprimé le souhait que le secret puisse à tout le moins être levé à la mort de la mère biologique. Il a également fait part de ses propositions de réforme en faveur d'une procédure formalisée « d'accouchement dans la discrétion », soulignant que le premier souhait des jeunes femmes qui accouchent sous X est que le secret de leur maternité soit préservé à l'égard de leur entourage familial, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'elles désirent que le secret de leur identité soit opposable à leur enfant.

M. Bernard Stasi, médiateur de la République, a ensuite indiqué que la réalité du consentement de la mère qui accouche dans l'anonymat lui semblait mériter une clarification dans le projet de loi, selon plusieurs modalités : en opérant une formalisation par écrit de la demande du secret, en offrant expressément à la mère la possibilité de transmettre ultérieurement et à tout moment son identité au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, en s'assurant que les informations données obligatoirement lors de la remise de l'enfant sont bien communiquées à la mère, notamment s'agissant du droit et du délai de reprise de l'enfant.

Il a enfin évoqué, au chapitre des dispositions non retenues par le projet de loi, les droits qui pourraient être reconnus au père dans le cadre de l'accouchement sous X, en souhaitant voir mieux prise en compte l'éventualité d'une reconnaissance anténatale par le père de l'enfant pour faciliter l'établissement de la filiation paternelle.

En conclusion, M. Bernard Stasi, médiateur de la République, a fait part de son souhait d'être appuyé par le Parlement pour une autre réforme relative au secret de la filiation, même si elle ne passe pas nécessairement par une modification législative : l'établissement d'un acte de naissance pour les pupilles de l'Etat non adoptés, lesquels ne disposent actuellement que d'un certificat d'origine.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a demandé des précisions sur l'articulation des procédures devant le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles et les conseils généraux. Il a souhaité que l'on s'interroge sur l'opportunité d'une centralisation des dossiers par le Conseil national à compter de la promulgation de la loi et voulu connaître la position du médiateur de la République sur, d'une part, l'idée d'une remise exclusive des enfants nés sous X aux services de l'aide sociale à l'enfance et, sur, d'autre part, le délai de réflexion laissé à la mère pour reprendre son enfant.

Appelant de ses voeux une collaboration confiante et étroite entre le futur Conseil national et les conseils généraux et partageant par ailleurs les points de vue exprimés par le rapporteur, M. Bernard Stasi, médiateur de la République, a insisté sur le rôle fondamental de médiation que serait amené à jouer le Conseil national, s'accordant toutefois avec le rapporteur pour ne pas ouvrir à ce dernier la possibilité de contacter l'enfant que ses parents rechercheraient et qui n'aurait pas fait de demande d'accès à ses origines.

Répondant à M. Yann Gaillard qui s'interrogeait sur le sort des familles adoptives, M. Bernard Stasi, médiateur de la République, a rappelé que l'enfant mineur ne pourrait entreprendre de démarche seul et qu'en tout état de cause le contact avec la mère de naissance n'affectait en rien sa filiation.

Mme Gisèle Gautier a évoqué le sentiment d'abandon, pour la deuxième fois, qui sera celui de l'enfant qui se heurtera au refus par sa mère de levée du secret de son identité.

Puis, Mmes Dinah Derycke, présidente, Gisèle Gautier et Janine Rosier et M. Robert Del Picchia, rapporteur, sont revenus sur l'opportunité de la levée du secret à la mort de la mère biologique, Mme Dinah Derycke, présidente, soulignant qu'elle pourrait être une source de souffrance pour ses autres enfants, Mme Gisèle Gautier estimant que la révélation d'une autre famille pourrait être un aspect positif pour l'enfant, Mme Janine Rozier insistant, quant à elle, sur le rôle de soutien de la famille adoptive et le rapporteur sur la nécessité d'obtenir l'accord des frères et soeurs pour une telle levée afin que l'enfant né sous X ne soit pas considéré comme un intrus.

Famille - Accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat - Audition de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants

Puis, la délégation a entendu Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, accompagnée de M. Alain Vogelweith et de Mme Annie Bouyx, conseillers de la défenseure, sur le projet de loi n° 352 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

Mme Claire Brisset, défenseure des enfants,
a rappelé le contexte général du projet de loi : le droit de connaître ses origines est inscrit dans la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée, sans aucune réserve interprétative, par la France ; l'accès aux origines est essentiel dans l'intérêt, psychologique surtout, de l'enfant ; l'accouchement sous X est aujourd'hui un phénomène marginal au plan statistique (560 naissances l'an dernier sur environ 700.000) et la France est le seul pays, avec le Luxembourg, à connaître le dispositif de l'accouchement secret.

M. Alain Vogelweith a d'abord rappelé que le droit de connaître ses origines était sans conséquence sur la filiation.

Il a ensuite déclaré que le projet de loi mettait trop l'accent sur la préservation du secret, soulignant que d'autres possibilités s'offraient à la femme qui accouche dans la détresse, notamment celle de reconnaître l'enfant avant de le confier à l'adoption. Il a souhaité que toute l'information soit donnée à la femme afin qu'elle puisse faire un choix éclairé.

Il a estimé qu'il convenait d'emprunter le plus possible à l'esprit de la Convention sur les droits de l'enfant et qu'ainsi le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles devrait pouvoir communiquer à l'enfant l'identité de sa mère, sauf déclaration expresse de refus de cette dernière. Il a même proposé qu'il soit fait droit, sauf exception, à la demande de l'enfant qui aura été communiquée à la mère, à l'expiration d'un certain délai.

Il a fait observer que la mise en oeuvre du droit d'accès aux origines supposait de modifier l'article 341-1 du Code civil.

Mme Annie Bouyx a souhaité faire part à la délégation du témoignage de mères ayant accouché sous X, récemment regroupées en association (« Les mères de l'ombre »). Toutes ces femmes insistent sur le manque d'information dont elles ont été victimes au moment de leur accouchement, sur les pressions extérieures qu'elles ont subies, sur la détresse, l'isolement total qu'elles ont vécus.

Elle a ensuite souligné que le caractère flou des textes et l'hétérogénéité des pratiques selon les départements aboutissaient actuellement, s'agissant de l'accès aux origines, à une inégalité devant la loi.

Elle s'est félicitée en conséquence que le projet de loi prévoie la présence d'un référent de l'aide sociale à l'enfance pour éclairer la décision des femmes qui accouchent dans l'anonymat et elle a insisté pour qu'un délai suffisant soit laissé pour cette décision.

En conclusion, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, s'est déclarée très favorable au projet de loi en considérant cependant que certaines de ses dispositions étaient insuffisamment abouties. Elle a souhaité que l'on puisse aller plus loin dans l'accès aux origines. Elle a enfin rappelé qu'une instance était pendante devant la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et qu'il serait regrettable qu'un pays de droit comme la France soit condamné sur cette question de l'accès aux origines personnelles.

Répondant à M. Robert Del Picchia, rapporteur, elle a convenu qu'elle regrettait finalement que l'on conserve l'accouchement sous X.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a fait observer que les femmes qui accouchaient sous X étaient souvent mal informées et qu'il fallait leur laisser un délai suffisant pour prendre leur décision. Après que Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, en eut convenu, en estimant qu'il était très important de mettre en valeur l'éventail des possibilités existant pour ces femmes, Mme Annie Bouyx a rappelé qu'elles disposaient aujourd'hui d'un délai de deux mois pour reprendre leur enfant, mais elle a qualifié ce délai d'« hypocrite » dans la mesure où les femmes étaient « lâchées dans la nature, sans suivi ». Elle a appelé de ses voeux un « vrai temps d'accompagnement » pour une prise de décision éclairée au bout de deux mois.

Mme Françoise Henneron s'interrogeant sur l'accueil et le traitement réservés à ces femmes lorsqu'elles arrivent à l'hôpital ou à la maternité pour accoucher, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a déploré qu'elles soient en réalité souvent « mal vues ».

Mme Sylvie Desmarescaux a relevé le manque et la nécessité de formation des personnels des maternités pour faire face à ce problème, Mme Dinah Derycke, présidente, faisant observer que le faible nombre des accouchements sous X conduisait à ne pas nourrir des espoirs excessifs quant à la satisfaction des besoins en la matière.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué qu'il incomberait aux correspondants du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles d'accueillir et d'accompagner les femmes qui accouchent sous X.

Mme Gisèle Printz ayant demandé des précisions sur l'origine de l'accouchement sous X, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, a rappelé que cela avait été institué par le Gouvernement de Vichy.

Mme Dinah Derycke, présidente, a souligné que, longtemps passionnel, le débat sur le sujet était aujourd'hui plus serein.

Famille - Accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat - Autorité parentale - Audition de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées

Puis, la délégation à entendu Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, sur le projet de loi n° 352 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a tout d'abord indiqué que ce projet de loi transposait, en droit interne, les dernières dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant qui devaient l'être.

Elle a rappelé que l'accouchement sous X concernait un nombre limité de femmes, mais qu'il suscitait un débat non dénué de passion. Dans ce contexte, le projet de loi, a-t-elle dit, recherche un équilibre entre le droit aux origines et la protection des femmes, y compris contre les pressions qui peuvent s'exercer sur elles dans le sens de l'abandon de leur enfant.

Elle a évoqué le débat autour de la suppression totale de la possibilité d'accoucher sous X, en estimant cette faculté nécessaire pour éviter les infanticides ou les abandons « sauvages », d'autant plus que l'on constate encore aujourd'hui le phénomène du déni de grossesse qui conduit de jeunes adolescentes à accoucher dans des circonstances dramatiques.

Elle a ensuite souligné que l'accès aux origines devait rester une simple faculté pour les enfants nés sous X et qu'il avait pour corollaire le droit de ne pas savoir.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a ensuite exposé les missions du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, créé par le projet de loi. Destinataire des éléments nécessaires au traitement des demandes d'accès aux origines, il aura pour mission d'organiser le dépôt par les mères d'éléments identifiants et l'accompagnement de ces dernières par la mise en place de dispositifs d'accueil de qualité. Le Conseil national permettra, en outre, d'harmoniser les pratiques pour l'accès aux origines actuellement variables selon les départements.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a indiqué que la levée du secret sur la naissance devait résulter d'une rencontre entre les volontés de l'enfant et de la mère, le Conseil étant chargé d'une mission, sur la requête de l'enfant uniquement, de recherche de la mère et de son consentement.

Elle a ensuite rappelé que l'accès aux origines ne pouvait être un droit absolu, de nombreuses données étant manquantes ou parcellaires et la demande pouvant également se heurter à un refus de la mère.

En conclusion, la ministre déléguée s'est déclarée optimiste quant à la mise en oeuvre des dispositions contenues dans le projet de loi ; elle a fait observer que les pratiques étaient d'ores et déjà en train de changer dans les départements, rendant possible, le moment venu, une collaboration efficace entre le Conseil national et les conseils généraux. Elle a indiqué que le chiffre des demandeurs potentiels s'élevait à 400.000.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, s'est interrogé sur le rôle des correspondants départementaux du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles en demandant notamment s'il leur reviendrait de s'occuper directement des accouchées ou de former d'autres personnes à l'accompagnement psychologique de ces dernières.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, après avoir précisé que le chiffre de deux correspondants départementaux était un minimum et que beaucoup étaient déjà en place, a estimé qu'il convenait que ces personnes, qui agissent sur délégation du président du Conseil général, aient de véritables aptitudes professionnelles pour accompagner les femmes qui accouchent sous X, en précisant par ailleurs qu'elles conserveront la responsabilité du traitement des dossiers.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a jugé les procédures du Conseil national bien définies et celles des départements moins claires. Il est revenu sur l'opportunité, à compter de la promulgation de loi, d'une centralisation des dossiers par le Conseil national, de nature à en simplifier le traitement.

La ministre déléguée a répondu qu'il n'était pas opportun que le conseil se transforme en instance de conservation de dossiers, qu'il était au contraire souhaitable de responsabiliser les Conseils généraux et que certains d'entre eux étaient très attachés à leur compétence en la matière.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, l'a ensuite interrogée sur l'opportunité de confier tous les enfants nés sous X aux services de l'aide sociale à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a marqué son accord avec cette proposition qui va dans le sens d'une plus grande transparence des procédures d'adoption. Elle a souligné que les familles adoptives, aujourd'hui beaucoup mieux informées, notamment par les psychologues et les pédopsychiatres, n'étaient plus attachées comme autrefois au maintien du secret et accompagnaient souvent leur enfant dans sa démarche d'accès à ses origines.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a évoqué le délai de reprise éventuelle de l'enfant en soulignant qu'il était aujourd'hui largement théorique en l'absence d'information de la mère sur une telle possibilité.

La ministre déléguée lui a indiqué qu'il reviendrait aux correspondants départementaux d'éclairer la décision des femmes qui accouchent sous X et a convenu que le délai de deux mois était peut-être insuffisant, en faisant observer cependant qu'il existait une pression des familles adoptives pour ne pas l'allonger.

En réponse à Mme Hélène Luc qui s'interrogeait sur les femmes qui souhaitent reprendre leur enfant après le délai de deux mois, le rapporteur et la ministre déléguée ont précisé que la décision de placement en vue d'adoption met fin à cette possibilité et ajouté qu'il est très difficile de connaître le nombre de ces femmes.

Mme Sylvie Desmarescaux a fait part de son expérience d'assistante sociale et souligné l'absence d'accompagnement dans les maternités des femmes qui accouchent sous X.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a rappelé qu'il existait en principe dans les maternités une équipe pour s'occuper des accouchements secrets, Mme Dinah Derycke, présidente, faisant valoir que la qualité de la prise en charge était variable, et certainement meilleure là où les accouchements sous X étaient plus nombreux.

M. Claude Domeizel étant revenu sur le délai de rétractation, la ministre déléguée a précisé que le projet de loi prévoyait que l'information donnée aux mères donnerait lieu à procès-verbal.

Mme Gisèle Gautier a insisté sur la nécessité de conserver la possibilité pour un enfant de ne pas voir lever le secret de ses origines.

Mme Anne-Marie Payet a demandé s'il existait des enfants nés sous X à l'étranger.

Puis, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a présenté la proposition de loi n° 387 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'autorité parentale.

Elle a indiqué que ce texte visait à définir un droit commun pour tous les enfants quels que soient la situation et le devenir du couple parental, à affirmer le bien-fondé de la notion d'autorité parentale en donnant tout son sens à cette dernière, à élargir la notion de responsabilité parentale en intégrant notamment la bien-traitance des enfants. Elle a aussi insisté sur le fait que des droits et des devoirs existaient tant du côté des enfants que des parents et souligné qu'elle avait souhaité, à ce titre, qu'on garde tel quel l'article 371 du Code civil aux termes duquel « l'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère ».

La proposition de loi, a poursuivi Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, égalise ensuite les responsabilités parentales des père et mère. S'inscrit notamment dans cette optique la garde alternée des enfants, d'ores et déjà possible mais rarement appliquée, faute d'être explicitement prévue par les textes. Elle ne sera cependant pas systématique.

Rappelant qu'un enfant sur quatre ne voyait plus du tout son père quelques années après le divorce de ses parents, la ministre déléguée a souhaité que les pères assument mieux leurs responsabilités, ce qui concourra en outre, a-t-elle ajouté, à la prévention de la délinquance.

Elle a ensuite insisté sur la médiation familiale prévue par la proposition de loi. Elle en a illustré la pertinence en revenant sur la garde alternée qui n'est possible que si les parents s'entendent, la médiation familiale pouvant les y aider.

Après avoir relevé que le problème de l'autorité parentale intéressait particulièrement l'égalité des droits et des chances entres les hommes et les femmes, qui entre dans la vocation de la délégation, Mme Dinah Derycke, présidente, a rappelé qu'on faisait souvent aux mères le procès d'avoir toujours la garde des enfants en oubliant que les pensions alimentaires ne sont pas toujours versées et les droits de visite accordés pas toujours exercés.

Il s'agit, a-t-elle souligné, de resituer les droits et les obligations de chacun, comme au travers de la garde alternée, même si sa mise en oeuvre n'est pas simple.

Mme Gisèle Printz ayant renchéri sur les difficultés de mise en pratique de la garde alternée en évoquant notamment le cas des parents géographiquement éloignés, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a rappelé qu'il n'était pas question de faire de ce mode de garde une obligation, mais d'inciter quand c'est possible à l'envisager dans l'intérêt de l'enfant. Elle a souligné que des parents pourraient ainsi être conduits à rester à proximité. Elle a tenu à faire observer que la garde alternée ne mettait pas fin à l'obligation de verser une pension alimentaire, laquelle est fonction des moyens et besoins de chacun des parents.

Mme Gisèle Printz et Mme Dinah Derycke, présidente, ayant évoqué le problème matériel de la résidence des enfants à la suite du divorce, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a indiqué que la proposition de loi prévoyait d'accorder, sous respect des conditions habituelles de ressources, l'allocation logement aux deux parents et qu'en cas de problème particulier en la matière, il appartenait en tout état de cause au juge des affaires familiales de trancher.

Mme Janine Rozier, rapporteur, après s'être félicitée qu'on garde mention dans le Code civil du respect et de l'honneur dus aux parents par les enfants, a estimé que la loi devait surtout aider les plus démunis, c'est-à-dire les couples qui se séparent sans que rien n'ait été prévu pour leurs enfants. Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, après être revenue sur l'intérêt de la médiation familiale, a estimé que la prévention des difficultés évoquées par Mme Janine Rozier, rapporteur, relevait des missions de l'action sociale et de la protection de l'enfance, au-delà du cadre de la proposition de loi sur l'autorité parentale, articulée sur les relations entre parents et enfants.

Après avoir approuvé que la proposition de loi prévoie la possibilité d'impliquer les grands-parents qui deviennent souvent les repères des enfants lorsque leurs parents divorcent, Mme Janine Rozier, rapporteur, a estimé que tout divorce était un cas particulier s'agissant notamment de la solution à mettre en oeuvre pour la garde des enfants.

Mme Dinah Derycke, présidente, a exprimé son accord, car c'est de l'intérêt de l'enfant qu'il s'agit, tout en faisant observer que tout dépendait aussi de l'âge de l'enfant. Elle a souligné à ce propos que les enfants étaient entendus dans les affaires de divorce dès l'âge de trois ans en Allemagne.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a demandé s'il y avait des statistiques sur la reconnaissance des enfants et sur l'âge auquel cette reconnaissance intervenait.

Mme Marie-Christine Georges, conseillère au cabinet de Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a indiqué qu'on disposait de chiffres précis jusqu'en 1994 et d'évaluations au-delà. Il ressort de ces statistiques que le nombre des reconnaissances par les deux parents avant la naissance augmente : leur proportion est passée de 36 % des naissances hors-mariage en 1994 à deux enfants sur cinq aujourd'hui.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a rappelé que la proposition de loi instituait la reconnaissance solennelle conjointe avant la naissance, estimant qu'il s'agissait là d'un élément très structurant pour la famille.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a fait valoir que cette disposition rejoignait le travail de terrain que mènent d'ores et déjà les maires, notamment dans les petites communes rurales, pour que de telles reconnaissances aient lieu. Elle a insisté à ce propos sur la nécessité de mieux former le personnel communal aux questions d'état civil. Elle a souhaité connaître les statistiques sur les actions en contestation de reconnaissance. Mme Marie-Christine Georges lui a indiqué que le nombre de ces contestations était faible, quoiqu'en augmentation : 1.180 en 1988, 1.833 en 1998, 1.621 en 1999.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a souligné les conséquences dramatiques que pouvaient emporter pour les enfants de telles contestations en déclarant qu'elle accueillerait favorablement des amendements parlementaires en la matière, notamment ceux qui iraient dans le sens des recommandations du rapport Dekeuwer-Désfossez : bloquer la contestation d'une filiation au-delà de cinq ans de possession d'état, limiter l'action de contestation à certains titulaires (père, mère, auteur de la reconnaissance et enfant majeur) en cas de possession d'état de moins de cinq ans, rendre la filiation inattaquable après dix ans en l'absence de possession d'état.

En réponse à une question de Mme Janine Rozier, rapporteur, sur la mise en oeuvre de la garde alternée, elle a indiqué que l'exercice en commun de l'autorité parentale serait facilitée par un certain nombre de mesures concrètes : prise en compte des enfants pour la détermination des plafonds de ressources des bénéficiaires de logements sociaux chez les deux parents, affiliation des enfants à la sécurité sociale des deux parents, double communication des bulletins scolaires, attribution de la carte de famille nombreuse de la SNCF aux deux parents, développement de la médiation familiale, déduction fiscale de la pension alimentaire sur simple déclaration sur l'honneur ...

Mme Dinah Derycke, présidente, étant intervenue sur la nécessité de stabiliser les filiations en déplorant que la mère ne soit pas toujours avisée, comme elle le devrait, de la reconnaissance tardive de l'enfant par son père, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, a jugé également indispensable de stabiliser le nom de l'enfant.