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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mercredi 9 avril 2003

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Retraites - Egalité entre les hommes et les femmes- Audition de M. Bernard Caron, directeur de la protection sociale au MEDEF

La délégation a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, directeur de la protection sociale au MEDEF.

Mme Gisèle Gautier, présidente
, a rappelé que la délégation aux droits des femmes avait souhaité étudier certains aspects de la situation actuelle et des perspectives de réforme des régimes de retraites et qu'elle envisageait, le moment venu, de se saisir pour avis du projet de réforme annoncé et, le cas échéant, de contribuer à susciter des amendements permettant à ses membres d'apporter leur pierre à l'édifice des retraites.

M. Bernard Caron a tout d'abord procédé à une présentation générale de la problématique des retraites. Après avoir rappelé la publication d'un nombre important de rapports d'experts sur le sujet, il a indiqué que l'équation de base de ces régimes, fondés sur la répartition, était relativement simple : schématiquement, deux cotisants versant 25 % de leur revenu permettent de financer la pension d'un retraité à hauteur de 50 % du revenu moyen d'activité, ce chiffre s'élevant arithmétiquement à 75 % pour un rapport de trois actifs par retraité.

Partant du constat que la prospérité économique a permis une élévation du niveau de vie général, qui permet à l'ensemble de la population de vivre plus longtemps et en bonne santé, il a évoqué la nécessité de répartir les gains en espérance de vie entre la retraite et l'activité pour permettre de pérenniser l'équilibre des régimes de retraites par répartition.

Evaluant à environ 26 % les prélèvements bruts sur les revenus consacrés au financement des retraites, il a souligné le risque de rupture du principe de la solidarité intergénérationnelle que pourrait entraîner une forte augmentation de ce prélèvement.

Il a estimé nécessaire de préparer le basculement démographique qui se profile à partir de 2006, notamment en incitant les entreprises à retenir les salariés âgés au lieu de favoriser les départs anticipés. Il a cependant noté que certaines cessations anticipées d'activité demeuraient justifiées et nécessaires, mais qu'il convenait de ne pas confondre les problèmes conjoncturels concernant certains salariés avec celui de l'équilibre structurel des régimes de retraites.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué l'aberration qui consiste à systématiser les départs anticipés et s'est interrogée sur les conditions de choix de l'âge de la retraite.

M. Bernard Caron a souligné l'impératif qui consiste à fixer un paramètre d'âge-pivot donnant droit à une retraite à taux plein et observé qu'à partir de cette donnée de base, le choix d'un départ anticipé faisait varier le montant de la retraite.

M. André Trillard a indiqué que les futurs retraités connaissaient des difficultés concrètes pour obtenir des indications sur le niveau prévisible de leur pension, à la fois dans la fonction publique et plus encore dans le secteur privé, où les carrières sont plus mobiles et discontinues, ce qui complique les calculs.

M. Bernard Caron a souligné le déficit d'information existant mais a, en revanche, indiqué que le calcul de la retraite était assez simple (50 % en théorie et 45 %, compte tenu d'ajustements divers, du montant du salaire moyen des vingt-cinq meilleures années pour le régime de base des salariés, auquel il convient d'ajouter une estimation de la pension de retraite complémentaire à partir du nombre de points obtenus dans les régimes AGIRC et ARRCO).

Il a précisé que si les projections étaient assez facilement réalisables à environnement économique constant, un certain nombre de variables futures, comme le taux de croissance de l'économie à moyen terme, étaient plus difficiles à prendre en compte.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est associée aux propos de M. André Trillard en citant des cas concrets témoignant de la difficulté, pour un particulier, d'obtenir des renseignements sur le montant estimatif de sa pension de retraite.

M. Marcel-Pierre Cléach a noté que certaines caisses de retraite envoyaient systématiquement un questionnaire aux futurs retraités. S'agissant de l'allongement de la durée d'activité, il a jugé nécessaire la prise en compte de la pénibilité du travail.

M. Bernard Caron a précisé que sur les 16 millions d'emplois salariés marchands, 13 millions relevaient du secteur tertiaire ou assimilé et 3 millions d'activités industrielles, et qu'en conséquence, le cas des personnes ayant des contraintes physiques lourdes ne relevait pas d'un traitement de masse.

Il a estimé nécessaire de réintroduire la distinction qui existait avant 1983 permettant de faire la part, au sein de chaque branche professionnelle, des travaux comportant une pénibilité incompatible avec le prolongement d'une carrière au-delà d'un certain âge.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué le cas spécifique des retraites des conjoints d'artisans ou d'agriculteurs, qui sont le plus souvent de sexe féminin.

M. Bernard Caron, évoquant plus généralement les inégalités de retraite entre hommes et femmes, a indiqué que celles-ci prolongeaient les inégalités de carrières et de salaires. Il a cependant fait observer que la situation était en train de changer : les taux d'activité des femmes rejoignent, en effet, ceux des hommes.

Il a ensuite mentionné les avantages familiaux permettant essentiellement aux femmes de compenser les discontinuités de carrières dues à la maternité.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur le maintien de la possibilité accordée aux fonctionnaires mères de trois enfants de partir à la retraite après 15 ans de service.

M. Bernard Caron a évoqué la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes étendant aux fonctionnaires masculins les avantages familiaux réservés aux femmes dans le droit en vigueur. S'agissant des pensions de réversion, il a indiqué que le rapprochement des taux d'activité féminins et masculins conduisait le MEDEF, qui n'a suggéré aucune proposition sur le sujet, à poser de manière dépassionnée la question de l'évolution du mécanisme actuel des réversions.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué que les associations représentants les conjoints survivants avaient manifesté leurs préoccupations sur l'avenir des pensions de réversion.

Puis M. Bernard Caron, interrogé sur les mesures à prendre pour améliorer la continuité et la valorisation des carrières des femmes, a fait état de la neutralité de la position du MEDEF à ce sujet. Il a cependant précisé que toutes les entreprises assumaient la situation des femmes qui subissent des contraintes du fait de leurs enfants en bas âge et rappelé les possibilités de recours à l'intérim pour le remplacement des salariés absents.

Faisant observer que les contraintes spécifiques des femmes constituent une réalité prise en compte par l'entreprise, il a indiqué que la conciliation des contraintes professionnelles et familiales était plus difficile pour les cadres de haut niveau.

En réponse à Mme Gisèle Gautier, présidente, sur les mesures concrètes préconisées par le MEDEF en matière de conciliation de la vie professionnelle et familiale, M. Bernard Caron a tout d'abord mentionné les gênes causées par les grèves des services publics dans le domaine des transports et de l'éducation qui pénalisent les femmes. Il a ensuite évoqué les progrès de l'organisation du travail, qui témoignent du fait que la majorité des entreprises est très concernée par les contraintes des salariées.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé qu'en conclusion de ses travaux sur les inégalités salariales, la délégation avait notamment recommandé la mise en place de crèches interentreprises pour compenser les carences constatées en matière de garde d'enfants.

M. Bernard Caron s'est déclaré favorable au développement de formules de ce type, en fonction de chaque contexte spécifique et en prenant en compte les densités d'emplois locales.

Il a rappelé l'existence de crèches d'entreprises et l'exigence d'une masse critique suffisante de salariés intéressés par la mise en place de crèches interentreprises. Il a ensuite évoqué l'utilité d'éventuelles incitations financières, tout en rappelant que les entreprises étaient prêtes à faire des sacrifices pour améliorer la vie et la disponibilité de leurs salariés.

Interrogé par Mme Gisèle Gautier, présidente, sur les points de divergence entre les partenaires sociaux sur le dossier de la réforme des retraites, M. Bernard Caron a manifesté la préférence du MEDEF pour des régimes à cotisations définies plutôt qu'à des systèmes à prestations définies. Il a indiqué que la seule variable d'ajustement de ces derniers était le taux de cotisation, dont l'élévation excessive risque d'exercer un effet dissuasif sur l'activité.

Il a cependant estimé nécessaire de maintenir un niveau des retraites suffisant. M. Bernard Caron a constaté, à ce titre, que le revenu de remplacement des retraites représentait, à l'heure actuelle, 70 à 80 % du revenu moyen d'activité (et non pas du dernier revenu).

Il a recommandé la mise en place de systèmes d'épargne longue permettant notamment aux salariés cadres ayant connu des carrières avec une forte progression salariale de se constituer des compléments de retraite. Il a noté que les taux de remplacement étaient plus élevés pour les salariés ayant connu des carrières à faible évolution. M. Bernard Caron a ensuite rappelé la proposition du MEDEF tendant à prolonger de manière progressive le niveau d'activité pour améliorer le rapport entre cotisants et retraités.

Il a ensuite évoqué les distorsions existantes entre les régimes spéciaux et le régime général des salariés et préconisé une évolution vers une plus grande égalité de traitement et, en particulier, une égalité de rendement des cotisations.

Il a indiqué que subsistaient à l'heure actuelle une trentaine de régimes de retraites, dont le régime général, qui couvre 16 millions de salariés, et apporté des précisions sur le coût élevé des régimes de retraite de la fonction publique (qu'il a chiffré à 30 milliards d'euros à l'heure actuelle, 60 milliards d'euros en 2020 et 90 milliards d'euros en 2040).

Mme Gisèle Gautier, présidente, a noté que l'épargne retraite ne cadrait pas pleinement avec les traditions françaises, ni avec les possibilités financières des salariés à faibles revenus d'activité.

M. André Trillard a indiqué, s'agissant de la PREFON, que le mécanisme de sortie en rente était dissuasif et que l'évolution vers une sortie en capital susciterait certainement des souscriptions plus nombreuses de la part des fonctionnaires.

Il s'est associé aux propos de M. Bernard Caron, qui a estimé que ces différences correspondaient à des facteurs psychologiques.

Interrogé par Mme Gisèle Gautier, présidente, sur les enseignements à tirer des expériences étrangères, M. Bernard Caron a indiqué que le choix de la France se caractérisait par la pérennisation du système de retraite par répartition. Il a ensuite observé que d'autres pays avaient suivi la voie d'une plus grande diversification des choix en mixant la répartition et la capitalisation.

Il s'est ensuite prononcé en faveur du maintien des mécanismes de solidarité, tout en souhaitant une séparation claire de ces mécanismes avec la logique de la répartition contributive.

Interrogé par Mme Gisèle Gautier, présidente, sur les issues possibles de la réforme des retraites, M. Bernard Caron a redouté un excès de prélèvements obligatoires sur l'économie privée marchande et rappelé que celle-ci avait permis une élévation générale du niveau d'activité, de la richesse et du niveau de vie.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé que l'idée d'un référendum sur les retraites avait été évoquée pour permettre aux Français de se prononcer. Tout en indiquant que le MEDEF ne s'était pas prononcé sur l'opportunité de recourir à une telle procédure référendaire, M. Bernard Caron a noté le déficit d'information et de communication sur les inégalités entre les régimes spéciaux et le régime général et rappelé que l'un des grands succès des pays développés résidait dans l'allongement de la durée de la vie.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a conclu en évoquant le courage nécessaire à l'adoption d'une véritable réforme des retraites, Mme Sylvie Desmarescaux s'associant à ce propos.