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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 2 décembre 2003

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

La mixité dans la France d'aujourd'hui - Audition de Mme Fadéla Amara, présidente du collectif « Ni putes, ni soumises »

Après que Mme Gisèle Gautier, présidente, eut évoqué le combat déterminé et courageux mené par le collectif « Ni putes, ni soumises » et précisé qu'elle avait souhaité ouvrir cette audition et celle de M. Rachid Kaci à tous les sénateurs, Mme Fadéla Amara a rappelé la démarche de la Fédération nationale des maisons des potes, très soucieuse de la mixité dans les « cités ». La fédération a organisé des Etats généraux au niveau local en s'appuyant sur son réseau associatif, puis au niveau national lors d'un colloque à la Sorbonne. A cette occasion, elle a publié deux documents : un manifeste des revendications des femmes des quartiers et une pétition intitulée « Ni putes, ni soumises », qui avait été adressée à tous les candidats à l'élection présidentielle de 2002, à l'exception de ceux de l'extrême droite. Constatant que cette pétition n'avait pas eu l'écho espéré, la fédération a organisé une marche civique et pacifique des femmes des quartiers.
Elle a indiqué que cet événement s'inscrivait dans un contexte marqué par trois éléments importants :
- un sentiment d'exclusion dans les quartiers, conséquence de l'échec de la République à intégrer l'ensemble des citoyens ;
- les conséquences sociales, très graves dans les « cités », du chômage de masse des années 1990, en particulier la « prise du pouvoir » par les fils aînés dans les familles ;
- l'émergence des mouvances intégristes, qu'on a pu appeler « l'islam des caves ».
Mme Fadéla Amara a rappelé que la marche des femmes avait comporté vingt-trois étapes à travers toute la France et donné lieu à de nombreux débats sur la condition des femmes - et pas seulement celles des « cités » - qui a, selon elle, beaucoup régressé, y compris dans les quartiers socialement favorisés. Elle a souligné la situation d'enfermement des filles dans les quartiers, à tel point qu'elles ne peuvent plus assumer leur féminité, par exemple en matière d'habillement ou de maquillage, sans être insultées, voire agressées physiquement et sexuellement. A cet égard, le drame de Sohane, à Vitry-sur-Seine, a constitué le symbole de cette violence faite aux femmes. Elle s'est inquiétée de la tentation d'une remise en cause par certains, dans les quartiers dits « difficiles », de la République et de ses valeurs, prenant notamment la forme d'un « grignotage » de la laïcité, avec la complaisance, sinon la complicité, de certains élus locaux, acceptant de légitimer les « caïds » des quartiers pour acheter la paix sociale. Le rôle des travailleurs sociaux, et des éducateurs en particulier, s'en est trouvé marginalisé.
Mme Fadéla Amara a estimé que, si la politique de la ville mise en place dans les années 1980 avait permis de nombreuses avancées, elle comportait également d'importantes lacunes dont les effets se font aujourd'hui ressentir, notamment en matière de mixité. Elle a en effet considéré que les actions menées avaient davantage visé les garçons que les filles : les associations sportives, par exemple, ont concerné essentiellement les garçons, alors que les filles ont été reléguées dans la cellule familiale, devant tenir un rôle traditionnel. L'autorité masculine s'en est ainsi trouvée renforcée, voire valorisée. Elle a ajouté que beaucoup de jeunes femmes avaient aujourd'hui intégré cette violence, passant directement de l'autorité du père ou du grand frère à celle du mari, sans investir l'espace public. De ce point de vue, la question du voile islamique apparaît, le plus souvent, comme un symbole d'oppression des femmes, même s'il peut être porté aussi comme une protection contre les violences masculines et un gage de respect.
Mme Fadéla Amara a ensuite évoqué la situation dans les établissements scolaires. Elle a estimé que la carte scolaire, bien que mise en place sur la base de bons sentiments, avait abouti à la création d'« écoles ghettos » qui n'avaient pas permis d'assurer un fonctionnement harmonieux de la mixité. Elle a indiqué que le collectif qu'elle préside avait engagé, avec la communauté de communes du Val-d'Orge, dans l'Essonne, un projet dénommé « Maison itinérante des femmes », qui devrait être opérationnel au cours du premier semestre 2004, s'il requiert l'accord des élus. Il s'agit de donner aux femmes une place dans la cité, aujourd'hui monopolisée par les hommes. Un tel projet tend à assurer la mixité sur les bases d'un respect mutuel.
Constatant que toutes les religions comportaient des mouvances extrémistes, elle a considéré qu'il s'agissait, pour ces dernières, de tester les valeurs républicaines en formulant des revendications allant de plus en plus loin, les horaires séparés dans les piscines par exemple. Elle a déploré que certains élus locaux accèdent à ces demandes avec des considérations trop souvent électoralistes. Elle a conclu en estimant que le collectif « Ni putes, ni soumises » avait permis de mettre en évidence la loi du silence dans les « cités » et donc de libérer la parole, ajoutant que les victimes de ces violences n'étaient pas seulement les femmes, mais également les garçons considérés comme fragiles.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a voulu savoir si le collectif « Ni putes, ni soumises » avait reçu des engagements de la part des pouvoirs publics et s'ils avaient été respectés. Elle a également voulu connaître le point de vue de Mme Fadéla Amara sur la question du voile.
Mme Fadéla Amara a estimé que le voile n'avait aucune connotation religieuse, mais qu'il était seulement le symbole de l'oppression des femmes. Elle a ajouté qu'il était également vexant pour les hommes, présentés comme ne sachant maîtriser leurs pulsions sexuelles. Elle a jugé que la véritable question était celle de l'égalité des sexes. Selon elle, l'avis du Conseil d'Etat de 1989 n'a rien réglé, et les nuances qu'il a voulu apporter dans un souci d'apaisement sont utilisées, par certaines mouvances intégristes, au nom de la liberté de conscience. Aussi est-il urgent de consacrer, au travers de textes clairs, l'égalité des sexes.
Elle s'est prononcée en faveur d'une clarification sur le port du voile et surtout en faveur du vote d'une loi favorisant l'égalité entre les sexes, estimant qu'une loi sur le voile serait perçue comme une loi d'exception, une loi contre les musulmans et l'islam. Elle a expliqué que la laïcité se trouvait au-dessus de toutes les autres valeurs, y compris la liberté de conscience. Elle est « l'oxygène » qui permet à la liberté de conscience de ne pas devenir obscurantisme ou totalitarisme. La laïcité n'est pas simplement une doctrine pour l'éducation nationale, ni seulement une notion de neutralité, elle est véritablement, en France, le « fil d'Ariane » d'un projet de société républicain. Mme Fadela Amara a insisté sur la nécessité de ne pas laisser les enseignants seuls face au problème du voile dans les écoles. Elle a proposé d'instituer une « semaine civique » et de réaliser des actions de terrain au coeur des « cités », afin de créer les conditions d'une adhésion populaire aux valeurs de la laïcité, précisant que ces actions pourraient être conduites à l'occasion de la célébration du centenaire de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Enfin, elle a réclamé un « plan Marshall » en faveur des quartiers défavorisés, le cumul des handicaps sociaux les caractérisant aboutissant in fine au communautarisme, lequel, du reste, ne concerne pas que les jeunes issus de l'immigration.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a noté que les objectifs de mixité sociale dans les quartiers avaient été insuffisamment atteints.
Mme Michèle André a d'abord salué la prestation de Mme Fadéla Amara, qu'elle connaît depuis longtemps, et dont elle a apprécié la sincérité. Elle a noté que les femmes éprouvaient beaucoup de difficultés pour être les égales des hommes, et cela dans tous les milieux sociaux, et a estimé que la notion d'égalité devait être approfondie, ce qui ne se ferait pas sans la mobilisation des élus locaux.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a déploré que la situation exposée par Mme Fadéla Amara rappelle celle décrite par Germaine Tillion dans un de ses livres consacré à la vie dans les villages du Haut-Atlas dans l'entre-deux-guerres, cette proximité donnant l'impression que rien n'avait véritablement changé. Elle a considéré que la question du voile n'avait pas de signification religieuse, mais exprimait simplement une volonté d'opprimer les femmes. Elle a voulu savoir s'il existait aujourd'hui des responsables musulmans « éclairés » dans les « cités ».
Mme Danièle Pourtaud a dit partager les propos de Mme Fadéla Amara et a, elle aussi, estimé que le problème de fond était avant tout celui de l'égalité entre les sexes. Elle s'est demandé si ce combat pour l'égalité devait uniquement passer par des mesures de justice sociale ou s'il devait aussi se fonder sur des discriminations positives. Elle a rappelé à cet égard que la délégation avait demandé, à l'époque de la mise en place du programme TRACE (trajet d'accès à l'emploi), un pourcentage minimum de bénéficiaires de ce programme venant des « cités ».
Mme Hélène Luc a rappelé qu'une forte solidarité s'était exprimée à l'époque du drame de la jeune Sohane, mais a regretté qu'une fois la médiatisation de cette affaire passée, les filles des cités de Vitry-sur-Seine se soient retrouvées seules. Elle a également estimé que le collectif « Ni putes, ni soumises » participait de façon efficace au combat pour l'égalité entre les sexes, et s'est dite impressionnée par l'ampleur prise par la marche qu'il avait organisée. Elle a mis en évidence les difficultés à inciter les garçons et les filles à sortir de leurs quartiers et a rappelé l'existence d'une expérience intéressante, menée dans le Val-de-Marne en coopération avec l'inspecteur d'académie, pour favoriser la mixité. Elle a jugé que la mixité faisait partie de la laïcité et que, de ce point de vue, la conversion de jeunes Français de souche à la religion musulmane posait de réelles questions. Enfin, elle s'est interrogée sur les perspectives du collectif « Ni putes, ni soumises ».
Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est déclarée favorable à une loi sur le voile afin de ne pas laisser les enseignants seuls face à ce problème, même si elle a reconnu qu'une telle loi pouvait apparaître comme stigmatisante et, par conséquent, donnant des arguments aux extrémistes de tous bords. Elle a donc formé le voeu d'un texte qui ne soit pas simplement axé sur le voile.
Mme Danièle Bidard-Reydet a salué le courage de Mme Fadéla Amara. Elle s'est prononcée en faveur d'une clarification sur la question du voile, ce dernier pouvant également être une protection pour certaines jeunes filles. Elle a insisté sur le fait que les musulmans pratiquants étaient les seuls à continuer de fréquenter les écoles publiques, les pratiquants d'autres religions étant inscrits dans des écoles communautaires. Elle s'est dès lors interrogée sur l'opportunité d'exclure des élèves d'une école au seul motif qu'elles portent le voile, si elles assistent aux cours obligatoires. Elle s'est prononcée en faveur d'un « plan Marshall » pour les banlieues et a estimé que le droit de vote accordé aux étrangers pour les élections municipales pouvait faciliter leur intégration.
Mme Gisèle Printz s'est déclarée hostile au port du voile. Elle a voulu savoir quelle était l'influence réelle de Tariq Ramadan dans les cités.
M. Serge Lagauche a soulevé le problème de la représentation de la femme dans la publicité, certaines images dégradantes pour la femme pouvant provoquer un mouvement de repli de la part de certaines familles.
Mme Fadéla Amara a considéré, sur ce dernier point, que l'image de la femme dans la publicité était à situer dans le contexte d'une société de consommation. Elle a surtout jugé choquante la publicité anarchique, par exemple celle pour les messageries érotiques, qui donne une image dégradante de la femme et qui a un impact psychologique non négligeable chez les garçons. Elle a rappelé que son mouvement avait demandé à la ministre déléguée à la parité d'intervenir sur ce sujet. Elle s'est prononcée en termes très clairs contre le port du voile à l'école et dans l'ensemble des services publics. S'agissant de la mixité sociale, elle a estimé que la construction de logements sociaux dans certains quartiers devrait être une obligation, alors qu'actuellement, la loi ne fait que sanctionner financièrement l'absence de construction de tels logements. Elle a considéré que le concept de « grand frère » avait causé beaucoup de tort dans les « cités », de même que les associations intégristes qui manipulent les jeunes filles et qui, de ce fait, engendrent des problèmes au sein même de la cellule familiale. Abordant la question des perspectives de son mouvement, elle a rappelé que celui-ci organisait de nombreuses réunions au sein des immeubles et même des appartements, pour porter un message républicain favorable à la mixité et à la laïcité. Tariq Ramadan, selon elle, ne représente que lui-même et elle l'a qualifié d'« intégriste ». Elle a d'ailleurs insisté sur le fait qu'il n'avait jamais répondu aux questions précises qu'elle lui avait posées sur des sujets d'actualité. Enfin, elle s'est élevée contre le concept de discrimination positive, qui porte en lui la confusion et réduit les citoyens à leur identité ethnique, lui préférant la notion d'égalité et de mobilisation de toutes les énergies.

Audition de M. Rachid Kaci, auteur de « La République des lâches » et de « Islam et politique : ils ne voileront pas Marianne »

La délégation a ensuite procédé à l'audition de M. Rachid Kaci.

Mme Gisèle Gautier, présidente
, a présenté M. Rachid Kaci en rappelant ses publications (« La République des lâches » ; « Islam et politique : ils ne voileront pas Marianne ») et en saluant son franc-parler.

M. Rachid Kaci, après avoir déclaré souscrire au combat de Mme Fadéla Amara et suivre avec intérêt ses publications, a évoqué les travaux de la commission de la laïcité ; il a indiqué avoir révisé son jugement initialement défavorable sur l'opportunité de sa création, en précisant que le déroulement des auditions montrait une volonté de ne pas transiger avec la laïcité. Il a ensuite insisté sur la nécessité de recadrer l'ensemble des débats sur la place à accorder aux signes d'appartenance religieuse en rappelant avec force le principe fondamental de la mixité et de la laïcité. S'agissant de la situation dans les quartiers sensibles, il a constaté l'augmentation de la fréquence du port du voile et du nombre de mariages forcés. Il a rappelé que le Coran ne comportait pas d'obligation du port du voile, fait observer que la situation actuelle constituait un certain succès pour les fondamentalistes et a estimé souhaitable d'interdire le port du voile au nom de l'égalité entre hommes et femmes.

Evoquant les difficultés de l'intégration, M. Rachid Kaci s'est déclaré particulièrement scandalisé par la réapparition du concept de « Français musulman » qui existait à l'époque de l'Algérie française et par l'utilisation de la religion à des fins politiques. Il a également stigmatisé, à la fois le piège de l'« identité Beur », qui dans les années 1980 tendait à instituer une « étiquette ethnique » et le piège actuel de l'« étiquetage religieux » islamique. Il a analysé les conditions dans lesquelles les fondamentalistes, notamment dans le but d'occuper l'espace médiatique, mettaient en avant les particularités du statut de la femme musulmane, la nécessité du port du voile et celle de la séparation des sexes, par exemple dans les piscines. Il a jugé impératif de réaffirmer les valeurs républicaines face aux avancées fondamentalistes, tout en précisant que celles-ci se démarquent de l'Islam authentique et a évoqué la situation très difficile de certaines mères de familles musulmanes.

M. Serge Lagauche a rappelé le débat sur l'interruption volontaire de grossesse et sur la contraception, qui repose sur une philosophie prônant la liberté de choix pour les femmes et a souhaité que les campagnes de sensibilisation à la contraception soient relancées, en rappelant que la maîtrise de la fécondité par les femmes était une condition fondamentale de leur liberté et de leur affranchissement de la tutelle masculine.

Mme Hélène Luc a estimé nécessaire de renforcer la mixité sociale et a regretté que certaines communes préfèrent payer les pénalités financières prévues par la loi plutôt que de construire des logements sociaux. Elle a ensuite évoqué le combat des jeunes filles maghrébines pour réussir leurs études et trouver un emploi, en précisant que ce combat s'apparentait à celui de l'ensemble des jeunes filles françaises.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rappelant son attachement personnel à la laïcité, s'est ensuite interrogé sur les modalités de la séparation des sexes dans certaines piscines, en distinguant les plages horaires réservées de manière privée et le refus, par un établissement ouvert au public, d'accepter la mixité. Il a ensuite rappelé que les progrès à réaliser en matière de laïcité devaient être partagés équitablement entre toutes les religions en illustrant son propos par une description de la diversité des signes religieux.

A propos de l'aménagement des horaires constatés dans certaines piscines, M. Rachid Kaci a réaffirmé son attachement de principe à la mixité, les arguments contraires risquant, à terme, d'être utilisés par exemple à l'appui d'une éventuelle séparation des sexes dans les transports publics selon un processus de « grignotage progressif ». Il a donc appelé à ne pas céder à la tentation de transiger avec les idées de séparation prônées par certains mouvements.

Mme Michèle André a indiqué qu'elle appréciait la méthode d'analyse générale de M. Rachid Kaci et qu'elle partageait sa volonté de réaffirmer par dessus tout l'égalité des sexes et la nécessité du respect des jeunes filles. Elle a illustré son propos en rappelant son opposition à toute forme de tolérance ou de temporisation vis-à-vis de l'excision, qui conduisait, à terme, à une situation difficile, sinon à une impasse.

Mme Gisèle Printz, rejoignant les propos de Mme Michèle André, s'est demandé quel soutien pouvaient apporter les hommes à une véritable mixité et également si certains d'entre eux n'y étaient pas opposés.

M. Rachid Kaci a estimé nécessaire de se ressaisir pour défendre « bec et ongles » le modèle républicain fondé sur la laïcité et l'égalité en luttant contre l'abandon de pans entiers de ces valeurs face aux demandes communautaristes, qui prennent appui sur la religion pour développer des revendications de nature politique. Il a notamment contesté la pertinence des modalités retenues pour instaurer une médiation entre l'Islam et l'éducation nationale. Il s'est vivement inquiété du silence d'un certain nombre de décideurs, garants des valeurs républicaines, au moment où une situation explosive peut être observée dans les « quartiers ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rappelant son attachement à l'école laïque, a rappelé avoir, dans le passé, estimé préférable de voir les jeunes filles voilées fréquenter des écoles laïques plutôt que des écoles coraniques. Il a ensuite exposé les raisons qui l'avaient conduit à réviser son jugement et à préférer aujourd'hui que soit imposée la laïcité dans l'école publique et que soit interdit le port de signes religieux.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a estimé utile de préciser toute la richesse du contenu du terme de laïcité et rappelé les multiples dimensions de cette notion, en commentant une citation de Jules Ferry.

M. Rachid Kaci a indiqué qu'une grande majorité de musulmans attendaient une loi sur la laïcité afin de pouvoir normaliser leur statut et leur appartenance à la République. Il a rappelé que le voile était un signe ostentatoire d'une certaine conception politique de l'Islam plus qu'un signe religieux stricto sensu.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué et illustré, par un certain nombre d'exemples, la possibilité de porter des signes d'appartenance religieuse de manière non ostentatoire, et soulevé le problème de la formation des imams.

M. Serge Lagauche, à propos de la mixité, a rappelé que dans les programmes scolaires, l'enseignement de la sexualité devait reposer sur une présentation égalitaire des rapports entre hommes et femmes. Rappelant les principales étapes de l'évolution du droit de la famille, il a souligné que l'émancipation des femmes était un phénomène récent et que celles-ci avaient encore trop tendance à reconnaître, à tort, le bien-fondé de la domination masculine. Face à la persistance de ces comportements, il a rappelé la mission essentielle de l'école laïque pour imprégner les esprits de l'idée d'égalité.

M. Rachid Kaci s'est dit très attaché au « modèle républicain à la française », qui, en dépit de ses imperfections, mérite pleinement d'être défendu face à toutes les formes de communautarisme, dont l'islamisme ne constitue qu'une des facettes.

Il s'est dit favorable à la formation des imams, tout en contestant l'urgence de ce type de mesure, et rappelé que les principaux problèmes des quartiers sensibles étaient de nature économique ou sociale plus que religieuse.

Il a également estimé nécessaire de lancer un message clair aux dictatures religieuses en ne privilégiant pas les mouvements rétrogrades et de faire émerger de nouvelles écoles de pensée dans le monde musulman, ouvertes, tolérantes et respectueuses des valeurs républicaines.

S'exprimant à titre personnel, Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé que durant un certain nombre d'années, la société française et les pouvoirs publics ne s'étaient pas suffisamment préoccupés de la question de la laïcité et de la mixité et avaient adopté des positions trop tranchées. Elle s'est demandé, en revanche, si l'on ne constatait pas, aujourd'hui, l'excès inverse avec un certain laxisme et parfois une propension à vouloir « en faire trop ».

Elle a conclu les débats en souhaitant que les positions franches et courageuses de M. Rachid Kaci trouvent de nombreux échos.