Travaux de la délégation aux droits des femmes



DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 3 février 2004

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

La mixité dans la France d'aujourd'hui - Audition de M. Jean-François Lamour, ministre des sports

Procédant à la suite des auditions sur la mixité dans la France d'aujourd'hui, la délégation a tout d'abord entendu M. Jean-François Lamour, ministre des sports.

M. Jean-François Lamour, ministre des sports, a d'abord indiqué que, pour de multiples raisons, notamment historiques, la question de la mixité et de l'égalité entre les femmes et les hommes se posait avec une acuité particulière dans le domaine du sport. Il a rappelé qu'il avait eu récemment l'occasion d'évoquer cette préoccupation devant la commission Stasi, les difficultés rencontrées par certaines femmes et jeunes filles dans des contextes urbains sensibles, qui catalysent toutes les difficultés de notre société, devant être combattues. Enfin, il a précisé que la France accueillerait à Paris, du 23 au 25 avril 2004, une conférence européenne « femmes et sport » qui sera l'occasion pour lui de faire part des actions qu'il souhaite mener pour accroître la place des femmes dans le sport.

Il a considéré qu'il était indiscutable que la question de la mixité, et donc de la place des femmes dans le sport, était étroitement liée à celle des femmes dans la société et que, au-delà, force était de constater qu'historiquement le sport avait longtemps ignoré ou rejeté les femmes. Il a ainsi rappelé le sort réservé aux femmes à l'occasion des jeux antiques. De même, la tradition anglaise des clubs, plus ou moins fermés, avait fortement imprégné le sport moderne, tandis que la proximité, pendant un temps, du sport et de l'armée avait contribué à diffuser une culture propre au sport, peu ouverte sur les questions féminines. Enfin, aujourd'hui encore et sauf rares exceptions, les épreuves des compétitions sportives ne sont pas mixtes, la mixité s'opérant généralement à d'autres moments de la vie sportive, durant l'entraînement et à l'occasion de l'engagement associatif par exemple. Il a néanmoins souligné les évolutions successives qu'avait connues cette histoire, l'ouverture des jeux olympiques modernes en étant certainement la plus symbolique, tandis que l'engouement des femmes pour la Coupe du monde de football en 1998 a été un fait unanimement relevé.

M. Jean-François Lamour a ensuite rappelé quelques chiffres : en 2000, en France, selon les résultats de l'enquête menée par le ministère des sports et l'Institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP), 48 % des « pratiquants sportifs » étaient des femmes, qui représentaient aussi plus d'un tiers des 6.000 sportifs de haut niveau reconnus. Si ces résultats sont naturellement insuffisants, le retard rattrapé en peu de temps est néanmoins très significatif. Il a ainsi jugé qu'au cours des dernières années le développement de la pratique féminine était certainement l'un des faits marquants des évolutions du sport en France.

Il a cependant estimé que subsistaient de nombreuses inégalités et donc des raisons d'agir. Les femmes sont certes de plus en plus nombreuses à pratiquer des activités physiques et sportives, mais cela s'explique avant tout parce que les marges de progression sont encore importantes. Ainsi, en 2000, on a constaté que 55 % des femmes faisaient du sport au moins une fois par semaine, contre 65 % des hommes. Les femmes sont également deux fois moins nombreuses que les hommes à détenir une licence sportive et trois fois moins nombreuses à participer à des compétitions. Si les femmes représentent aujourd'hui 34 % des licenciés des fédérations sportives, elles représentent seulement 19 % des élus aux comités directeurs de ces mêmes fédérations. Le ministre a cité une étude sur la pratique sportive des jeunes, conduite par la mission statistique du ministère des sports et publiée en novembre 2003, qui montre très clairement que c'est dans les milieux sociaux les moins favorisés que les jeunes font le moins de sport, ce phénomène étant plus particulièrement marqué chez les filles, et ce, malgré les dispositifs d'aide mis en place comme le « coupon sport » dont on a pu mesurer les insuffisances, car ne s'inscrivant pas dans le cadre de véritables projets globaux adaptés aux situations locales.

M. Jean-François Lamour a ainsi estimé que ces quelques données avaient le mérite d'illustrer schématiquement la position des femmes dans le sport : une participation qui progresse, mais de profondes inégalités et discriminations qui demeurent. Il a jugé que cet état de fait n'était pas acceptable du point de vue de l'égalité et qu'il était préjudiciable au sport. En effet, il existe aujourd'hui un décalage important entre les pratiques proposées par les clubs, essentiellement tournées vers la compétition, et les aspirations des femmes, beaucoup plus diverses et orientées vers : la convivialité, les pratiques familiales, la santé, les loisirs, ce décalage expliquant en partie le nombre insuffisant de femmes dans le sport et résultant de leur trop faible présence au sein des instances dirigeantes des clubs et fédérations. Il a en effet relevé que le sport est très, voire trop majoritairement, dirigé par des hommes. Le nombre insuffisant de femmes dirigeantes dans les clubs, ligues, comités, fédérations, oriente nécessairement les activités vers certaines formes de pratiques dans lesquelles les jeunes filles et les femmes ne trouvent pas, pleinement ou durablement, leur place. Ainsi le déficit de mixité s'auto-alimente-t-il.

Il s'est dit convaincu qu'une plus grande mixité dans le sport passait, en priorité, par la féminisation des instances dirigeantes du mouvement fédéral et a expliqué que, dans ce domaine, il fallait être concret et pragmatique, la réaffirmation des grands principes étant certes constamment indispensable mais pouvant quelquefois servir d'alibi à l'inaction. Il a ajouté que, si l'on voulait obtenir des résultats tangibles, on ne pouvait pas se contenter de faire du sujet « femmes et sport » un simple vecteur de communication, et que l'action était indispensable. Avec sa collègue Nicole Ameline, il a ainsi confié le soin à un groupe de travail de faire des propositions opérationnelles. Ce groupe, présidé par Mme Brigitte Deydier, ancienne championne du monde de judo et vice-présidente de sa fédération, devrait rendre ses conclusions à la fin du mois de mars.

Il a néanmoins indiqué que, sans attendre et sur la base des auditions qui avaient déjà été effectuées, il avait souhaité tirer les premières conséquences des travaux engagés sur les dispositions statutaires des fédérations sportives. Il a ainsi souhaité aller plus loin que les dispositions issues de la loi du 6 juillet 2000 qui, selon lui, se contentait d'affirmer un principe de parité mais, en l'espèce, demeurait inopérant en droit. Le ministre a ainsi instauré, par le décret du 7 janvier 2004, un principe de proportionnalité entre le nombre de femmes licenciées dans la fédération et le nombre de sièges dont elles disposent au comité directeur de cette même fédération. Afin que cela ne reste pas au niveau des principes, il a annoncé les conséquences financières qu'il tirerait d'une éventuelle inaction des fédérations. Celles-ci ont un délai de trois ans pour définir et mettre en oeuvre, en interne, des plans de féminisation de leurs fonctions dirigeantes, qui devront notamment intégrer des formations à proposer aux femmes. L'action des fédérations fera l'objet d'un suivi spécifique du ministère. Il a indiqué qu'il saurait en tirer toutes les conséquences, notamment financières, pour les fédérations qui ne respecteraient pas cet engagement dans le cadre des conventions d'objectifs annuelles, et que, selon lui, cette évolution serait déterminante pour le mode de gouvernance du mouvement sportif.

M. Jean-François Lamour a ensuite rappelé qu'il avait eu l'occasion, devant la commission Stasi, de pointer des difficultés spécifiques rencontrées par certaines jeunes femmes dans des quartiers urbains sensibles. A cette occasion, il avait souhaité porter témoignage d'un certain nombre de faits qui lui avaient été rapportés et qui interrogeaient, voire heurtaient, la vision qu'il se faisait du sport dans notre pays. Il a en effet considéré que la fonction éducative et sociale du sport ne pouvait s'exprimer qu'en raison de la rencontre au sein d'associations sportives de personnes d'origines sociales, culturelles et religieuses différentes, qui acceptent des règles communes. Ce sont cette rencontre et cette volonté partagée de progression qui apprennent à mieux se connaître et à se respecter. Or, il a constaté qu'aujourd'hui, dans un certain nombre de cas, loin de jouer ce rôle, le sport en milieu associatif devenait parfois le théâtre de pratiques d'exclusion ou de prosélytisme. Le sport ne saurait pourtant être facteur de repli : il doit, à l'inverse, jouer une fonction de rencontre, d'ouverture et d'émancipation, notamment des femmes. Notant que, dans le domaine du sport, le statut de la femme dans certains quartiers n'était pas différent de son statut social, il a expliqué que certains avaient néanmoins tenté d'instrumentaliser le sport, au mépris d'une conception exigeante du pacte républicain et de la place que doivent jouer les femmes au sein de notre société.

Il a rappelé que, dans les classes d'âge jeunes, la pratique sportive des garçons et des filles était, à peu de chose près, comparable, mais qu'elle se déséquilibrait en défaveur des femmes dès la préadolescence, cette observation se ressentant avec une acuité toute particulière pour les filles issues de certaines zones difficiles. A cet égard, il a cité une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), menée en 1998, qui concluait que « les filles françaises de souche sont plus nombreuses à pratiquer un sport que les autres » et que « l'écart des sexes est plus important parmi les jeunes d'origine étrangère ». Cette étude indiquait également que les filles fréquentant des établissements en zone d'éducation prioritaire faisaient moins de sport que les autres : la différence est sensible puisque seulement 32 % des filles âgées de 15 à 19 ans faisaient du sport en zone d'éducation prioritaire (ZEP), contre 51 % hors ZEP. A titre de comparaison, 63 % des garçons font du sport en ZEP.

M. Jean-François Lamour, observant que les filles éprouvaient des difficultés à pratiquer dans les clubs de proximité dont elles sont souvent rejetées, a noté que la mixité y était d'autant moins admise que les pratiques étaient spontanées et inorganisées et que les effets de groupe et de territoires jouaient en défaveur des filles. Il a précisé que les organisateurs d'activités sportives constataient que le rôle des familles était essentiel quant à la participation, ou non, des filles aux activités proposées, tous les acteurs notant que le travail de conviction des familles était de plus en plus important, mais de plus en plus difficile. Il a également fait part d'une sorte de mise sous tutelle des filles, les hommes de la famille se renseignant, négociant et inscrivant fréquemment les filles dans les associations et les clubs, et cela sous conditions. Par ailleurs, les évolutions vestimentaires des filles sont également souvent notées : bandanas couvrants, pantalons longs et manches longues, soit autant de signes qui se renforcent, sans se généraliser, mais qui, selon des acteurs de terrain, n'étaient pas aussi manifestement présents il y a quelques années.

Le ministre a ensuite abordé le point le plus sensible des évolutions perceptibles dans le domaine du sport, celui des demandes de créneaux horaires réservés aux femmes, même si ces créneaux réservés ne sont pas nouveaux et que certains existent depuis de nombreuses années. Il semblerait qu'il y ait en revanche une augmentation du nombre de ces demandes. Ce sont des demandes de créneaux pour les piscines, mais aussi pour les gymnases. Il peut également s'agir de la tentation de réserver des créneaux horaires spécifiques au sein d'associations ethno-culturelles afin que l'activité des femmes se fasse hors du regard des hommes, y compris du personnel masculin de maintenance. Il a ajouté que ces demandes étaient souvent présentées de façon revendicative et identitaire et a précisé que l'argumentaire le plus souvent avancé pour justifier de telles demandes pouvait être résumé en deux points principaux : d'une part, la pudeur et l'entourage des femmes les empêcheraient de se rendre à la piscine - ces créneaux distincts seraient donc la seule solution pour que certaines femmes puissent avoir une activité sportive, et, d'autre part, le mode de pratique sportive ne permettrait pas à certaines femmes de vivre en adéquation avec leurs pratiques religieuses. Il a indiqué qu'il ne pouvait cautionner de telles pratiques qui visent à isoler les femmes.

De ce point de vue, M. Jean-François Lamour a indiqué qu'il envisageait d'agir dans deux directions complémentaires : d'une part, il rappellerait prochainement aux préfets les principes d'organisation que doivent respecter les équipements sportifs publics ou subventionnés, et, d'autre part, les conclusions du groupe de travail présidé par Mme Brigitte Deydier devraient permettre de mieux orienter l'action des services déconcentrés du ministère. Il a annoncé que les propositions qui seront avancées auront vocation à être testées sur des sites de la politique de la ville, une action expérimentale devant être conduite dans une dizaine de quartiers. Enfin, il a indiqué que la conférence européenne « femmes et sport », qui sera organisée à Paris du 23 au 25 avril 2004, serait l'occasion de restituer l'intégralité des travaux conduits par le groupe de travail et devrait permettre de faire le point de la situation et d'échanger avec plus d'une trentaine de pays européens.

Un large débat s'est ensuite instauré.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a noté que les femmes étaient de plus en plus nombreuses à pratiquer un sport, même si des discriminations à leur égard demeuraient. Elle a souhaité savoir si les femmes pratiquaient aujourd'hui davantage de sports traditionnellement masculins. Elle a souligné le rôle essentiel que devaient jouer les familles pour l'orientation de leurs enfants, des filles en particulier, vers une activité sportive. Enfin, elle s'est demandé si les municipalités qui avaient accepté de mettre en place des horaires séparés pour les femmes dans les piscines ne prenaient pas le risque de les couper de la société.

M. Jean-François Lamour a indiqué qu'entre 1990 et 2002, le nombre de licences sportives avait augmenté de 16 % en France et de 27 % pour les femmes. Cette évolution concerne essentiellement les activités liées à la gymnastique volontaire, dont les titulaires de licence ont progressé de 67 % sur la même période. Cette forte augmentation tient, selon lui, à l'importance et à la qualité du réseau de clubs de proximité dans cette discipline. Il a également noté les efforts accomplis en matière d'équitation, qui est l'un des rares sports dont les compétitions sont mixtes. En revanche, le rugby et le football demeurent des sports essentiellement masculins, même si le nombre de femmes jouant au football atteint aujourd'hui 40.000 licenciées, de nombreuses femmes ayant manifesté un vif intérêt pour ce sport depuis la coupe du monde de 1998.

Le ministre a estimé que l'instauration d'horaires séparés pour les femmes dans les piscines était critiquable car elle revenait à isoler certaines femmes, qui le sont déjà, en raison de pratiques familiales ou religieuses. Ainsi, ces femmes ne se trouvent jamais sous le regard des hommes, puisque même les maîtres-nageurs peuvent être de sexe féminin : elles se trouvent ainsi dans l'incapacité de pratiquer leur sport en compétition et n'ont pas l'habitude d'être évaluées ni mises en concurrence avec d'autres pratiquants. Il a qualifié cette pratique de « réflexe de facilité » et a considéré que, si des compétitions fermées existaient dans d'autres pays comme aux Etats-Unis, elle n'était pas conforme aux valeurs françaises.

M. André Vallet a voulu savoir si les services du ministère étaient en mesure de connaître le nombre de femmes pratiquant un sport sans avoir de licence. Il a également voulu obtenir des informations sur les développements des pistes cyclables, qui permettent de sécuriser la pratique du vélo. A cet égard, il a rappelé qu'il existait un projet de piste cyclable allant de Genève au Canal du Midi. Regrettant l'inertie de certaines municipalités en matière de développement des infrastructures adaptées à la pratique du jogging, il a voulu connaître la politique du ministère dans ce domaine. Enfin, il s'est enquis des contrôles effectués par le ministère afin de s'assurer du sérieux de certains clubs de gymnastique proposant des régimes d'amincissement.

M. Jean-François Lamour a indiqué que la direction de grandes fédérations sportives ne s'improvisait pas et que son action visait à développer les compétences des femmes qui, généralement, n'osent pas se porter candidates pour diriger de telles fédérations. Aussi bien a-t-il insisté sur l'effort de formation à entreprendre en direction des femmes. Il a estimé que la pratique sportive avait pour principal objectif de créer du lien social et que celui-ci se tissait essentiellement dans les clubs sportifs. C'est pourquoi son ministère encourage la pratique du sport en milieu associatif. Il a indiqué que l'Etat et la Fédération française de cyclisme encourageaient, en collaboration avec les collectivités territoriales, la création de « voies vertes » qui sont en train de se développer. Certaines d'entre elles devraient même relier l'ensemble des pays européens. Il a rappelé que les formations et les diplômes des personnes qui encadrent les clubs publics et privés de gymnastique étaient contrôlés par le ministère des sports et que, de ce point de vue, la France était même en avance sur la plupart de ses voisins européens.

Mme Hélène Luc s'est félicitée des grands progrès accomplis par le sport féminin. A cet égard, elle a rappelé que la France avait la chance d'avoir de grandes championnes, comme l'avaient récemment montré les performances de l'équipe de France de handball féminine. Elle a cité l'exemple du Val-de-Marne, où existait une excellente présidente d'un office municipal des sports, qui était pourtant au départ dépourvue d'une formation spécifique. Elle a souligné le rôle important des professeurs d'éducation physique et sportive dans le fonctionnement de la mixité à l'école. Elle a voulu savoir où en était l'initiative de l'ancienne ministre de la jeunesse et des sports de favoriser la venue d'une délégation de femmes afghanes aux prochains jeux olympiques d'Athènes. Enfin, elle a insisté sur le rôle essentiel des conseils généraux dans le développement des activités sportives du fait de la faiblesse des crédits que l'Etat consacre au sport.

M. Jean-François Lamour a indiqué que le sport à l'école relevait de la compétence du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il a rappelé qu'en 1995, son prédécesseur de l'époque, M. Guy Drut, avait proposé une réforme des rythmes scolaires qui devait accorder une plus grande place au sport, mais ce projet a été abandonné. Il a jugé qu'il était aujourd'hui difficile de revenir à l'esprit de cette réforme et a noté que le sport à l'école avait longtemps souffert d'un manque de volonté politique. Rappelant que quelques sportifs afghans avaient déjà participé aux jeux olympiques de Sydney, il a insisté sur la nécessité de la présence de sportifs afghans, hommes et femmes, aux prochains jeux olympiques. Il a indiqué qu'il avait confié à l'association Sport sans frontières une mission d'expertise afin d'étudier les mesures à prendre pour réactiver les pratiques sportives en Afghanistan. Le Comité international olympique (CIO) poursuit le même objectif dans le cadre de la solidarité olympique. Il s'est félicité du rôle des collectivités territoriales dans le développement du sport aux côtés de l'Etat et des fédérations et il a indiqué que le budget du ministère des sports avait augmenté de 7 % depuis deux ans.

M. Serge Lagauche a noté que les pressions sur les équipements sportifs provenaient essentiellement des garçons et que leur accès aux filles était trop souvent négligé. Il a suggéré au ministre d'engager, avec l'aide des fédérations sportives, une campagne d'information pour inciter les filles et les jeunes femmes à pratiquer un sport en club. Enfin, il a souhaité savoir si le ministère détenait des informations sur le dopage féminin.

M. Jean-François Lamour a noté que les clubs orientaient actuellement leurs activités essentiellement vers les hommes et qu'il était nécessaire d'être en capacité de proposer des activités féminines. De ce point de vue, il a rappelé que le groupe de travail présidé par Mme Brigitte Deydier devait lui présenter des propositions en ce sens. Il a indiqué que les familles étaient très souvent à l'origine de la décision de pratiquer une activité sportive et que, dans ce cas, les familles modestes en particulier privilégiaient l'investissement sportif des garçons plutôt que celui des filles. Il a considéré que le « coupon sport » qui avait été mis en place en 1998 n'avait guère fonctionné, car il n'a pas systématiquement été utilisé par les familles les plus démunies et que, au sein des familles modestes, il avait souvent été réservé aux garçons. Il a indiqué ne pas disposer d'informations spécifiques sur le dopage féminin et a rappelé que, sur les 9.000 contrôles effectués chaque année, 5 à 6 % des cas se révélaient positifs, essentiellement dans des sports traditionnellement masculins.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est félicitée que le ministère des sports et celui de la parité et à l'égalité professionnelle travaillent en commun pour promouvoir le sport féminin.

Auditions de M. Maurice Toullalan, directeur du centre hospitalier d'Argenteuil, et de Mme Amale Hazael-Massieux, surveillante-chef de la maternité

La délégation a ensuite procédé aux auditions de M. Maurice Toullalan, directeur du centre hospitalier d'Argenteuil, et de Mme Amale Hazael-Massieux, surveillante chef de la maternité.

M. Maurice Toullalan, directeur du centre hospitalier d'Argenteuil,
a exposé les grandes lignes des difficultés suscitées par le comportement, les attitudes et la tenue de certaines personnes au centre hospitalier d'Argenteuil.

S'agissant tout d'abord des agents hospitaliers, il a indiqué que figurait depuis quatre ans dans le règlement intérieur du centre hospitalier d'Argenteuil un article 109 qui prévoit qu'« une tenue correcte doit être exigée et notamment que l'obligation de réserve impose que soit observée, pendant le service, une stricte neutralité religieuse et politique et que tout signe ostentatoire d'appartenance religieuse ou politique lui serait contraire ».

Il a précisé que si jusqu'à présent le règlement intérieur a pu être appliqué, subsistent cependant, d'une part, une incertitude quant à la valeur juridique de ce dispositif, et, d'autre part, le problème de son applicabilité aux personnels nommés par d'autres instances que le pouvoir de nomination du centre hospitalier d'Argenteuil comme les étudiants hospitaliers ou les internes.

M. Maurice Toullalan a estimé qu'en l'absence d'interdiction, le centre hospitalier d'Argenteuil se trouverait sans doute confronté à une multiplication rapide du nombre d'agents portant ostensiblement des signes religieux.

Il a ensuite indiqué que la tenue des patients, sauf si elle est contraire aux bonnes moeurs, ne relevait pas de l'appréciation du centre hospitalier. Il a cependant fait observer que se posait le problème du déshabillage nécessaire à un exercice normal de la médecine.

M. Maurice Toullalan a souligné que le centre hospitalier était confronté aux demandes de femmes ou de leur proche entourage tendant à être examinées par du personnel médical exclusivement féminin. Il a précisé que cette volonté pouvait se doubler d'une attitude allant même jusqu'à refuser de montrer son visage.

Il a indiqué que la réponse donnée par le centre hospitalier à ce type de situation était de refuser de soigner ces personnes, en dehors d'une situation d'urgence, et de leur conseiller de trouver un autre centre acceptant les conditions demandées par la patiente et son entourage. Il a fait observer que cette attitude risquait, le cas échéant, de déboucher sur des actions en responsabilité pénale.

M. Maurice Toullalan a ensuite évoqué les cas de refus d'être examiné par un médecin de sexe masculin, en précisant qu'en maternité notamment, la difficulté est double car elle concerne l'obstétricien et l'anesthésiste. La réponse du centre hospitalier est la même, a-t-il noté, que dans les situations de refus de se dévêtir.

Il a rappelé qu'en principe, la présence du mari ou de l'accompagnant n'était pas acceptée pendant la consultation, sauf en cas d'urgence, mais qu'un certain nombre de situations donnent lieu à des négociations longues et difficiles.

Il a fait part de la difficulté pour le centre hospitalier d'Argenteuil de gérer les cas où le mari -ou la personne de sexe masculin qui l'accompagne- répond aux questions à la place de la femme et mentionné les hypothèses dans lesquelles soit la femme ne parle pas le Français, soit elle ne contredit pas le mari. Il a noté que, parfois, la femme demandait elle-même que l'échange verbal se fasse par l'intermédiaire de son mari ou de cette personne.

S'agissant des femmes totalement recouvertes, dans le style « burka », M. Maurice Toullalan a précisé que les équipes médicales et para-médicales demandaient que la personne soit examinée à visage découvert, les femmes qui acceptent étant prises en charge, sans quoi il leur est conseillé de se faire examiner par un autre centre.

Il a précisé que le règlement intérieur du centre hospitalier d'Argenteuil prévoit, dans son article 49, que « les signes ostentatoires ne doivent en aucun cas faire obstacle au bon exercice de la médecine et des soins », en faisant observer que restent cependant posé le problème de la valeur juridique de cette norme ainsi que du risque de mise en cause de la responsabilité pénale du centre hospitalier et de ses agents.

Il a également signalé que les agents du centre hospitalier se trouvent parfois confrontés à des situations agressives dans le cas où ils refusent des soins dans les conditions exigées par les patients ou leur entourage. Il a précisé que ces attitudes agressives se fondaient principalement sur l'exigence du droit au soin, sur la liberté d'opinion et le respect des croyances.

Enfin, il a mentionné les problèmes posés par des mineures d'origine maghrébine et des femmes majeures de même origine ayant eu une maternité hors mariage, en précisant que, bien souvent, l'accouchement se fait sous X et se prolonge par l'abandon de l'enfant.

Il a cependant fait observer que ces femmes souhaitent parfois, quelques mois ou années plus tard, retrouver la trace de l'enfant et qu'elles s'adressent dans ce but au centre hospitalier qui ne peut répondre favorablement à leur requête pour des raisons matérielles et juridiques, ce qui entraîne des souffrances de la part des femmes concernées.

Puis Mme Amale Hazael-Massieux, surveillante-chef de la maternité, a dépeint les difficultés concrètes que rencontre la maternité du centre hospitalier d'Argenteuil. Elle a exposé les conditions dans lesquelles certaines filles mineures viennent se faire avorter en secret, pendant les heures où elles sont censées aller à l'école, ou accouchent sous X et reviennent dix à trente ans plus tard à la recherche de leur enfant perdu.

Evoquant ensuite le thème de la « cité à l'hôpital », elle a fait ressortir une montée de l'agressivité, l'ambiance tendue qui règne dans les salles d'attente lors de la présence d'un patient en tenue ostensiblement religieuse et la multiplication des cas où il faut faire appel au chef de service face aux difficultés qui se manifestent.

Elle a confirmé que les conduites agressives se fondaient sur l'affirmation de convictions religieuses de la part des patients et de leur entourage, et qu'un certain nombre d'entre eux, refusant d'être examinés par un médecin du sexe opposé, quittaient le service sans consultation, mettant en péril la santé de la femme et exposant l'équipe à un risque médico-légal.

Elle a cité des cas de séquestration de cadres hospitaliers et noté que certaines patientes étaient accompagnées de spécialistes du droit. Elle a précisé que, sous le voile des patientes, apparaissaient de plus en plus de visages de femmes européennes.

Elle a enfin estimé que les sages-femmes et les infirmières n'ont pas la reconnaissance qu'elles méritent dans la société.

Mme Gisèle Gautier, présidente, après avoir relevé le tableau sombre et réaliste dépeint par les intervenants et souligné la gravité des faits exposés, a demandé si la tendance générale évoluait uniformément dans le sens de l'aggravation.

M. Maurice Toullalan a indiqué que depuis quatre ou cinq ans on avait pu constater un mouvement de progression du nombre de femmes voilées de la tête au pied.

Mme Amale Hazael-Massieux a noté une volonté de « tester » les réactions du centre hospitalier à des demandes de soins selon des modalités particulières fondées sur des convictions religieuses et s'est déclarée préoccupée du problème de la responsabilité médicale, qui pourrait être mise en jeu.

Interrogé par Mme Gisèle Gautier, présidente, à propos de la valeur juridique du règlement intérieur du centre hospitalier, M. Maurice Toullalan a indiqué que, d'après certains spécialistes du droit administratif, la notion essentielle sur laquelle il convient de fonder le raisonnement juridique était celle du trouble à l'ordre public. Tout en s'interrogeant sur la solidité de ce principe de base, il a rappelé que ce règlement avait été établi dans le but de faire face à des comportements difficiles à gérer. Il a souhaité que le prosélytisme ne se développe pas à l'intérieur de l'hôpital et que l'hôpital puisse exercer son activité médicale de façon normale.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a demandé si les nouvelles générations adoptaient des comportements différents de ceux de leurs parents.

Mme Amale Hazael-Massieux a répondu que tel était bien le cas et expliqué cette situation en faisant notamment référence aux conditions de précarité des jeunes. Soulignant la nécessité d'un travail d'intégration, elle a estimé que les jeunes filles des cités étaient en danger et insuffisamment soutenues par leurs familles lorsqu'elles sont en difficulté.

M. Maurice Toullalan a décrit un certain nombre de situations vécues où le centre hospitalier est venu en aide à des jeunes filles en difficulté qui souhaitaient elles-mêmes se soustraire à l'influence de la famille.

Mme Hélène Luc ayant demandé si l'on pouvait mesurer l'efficacité du dialogue, M. Maurice Toullalan a estimé à 5 % le pourcentage de cas dans lesquels une discussion parvient à convaincre les patients de se conformer au règlement du centre hospitalier.

Après avoir jugé que la situation ainsi décrite constituait une régression et souligné la nécessité de donner un coup d'arrêt à la demande de cloisonnement entre hommes et femmes, Mme Hélène Luc a rappelé les principes de la République, notamment de neutralité et de laïcité, et le souci de libérer les personnes de toute tutelle injustifiée.

M. Maurice Toullalan a fait remarquer qu'en pratique, la mise en place de circuits de soins séparés selon le sexe poserait des problèmes d'organisation et de moyens insolubles dans les conditions actuelles. Il a insisté sur le besoin d'un « balisage » juridique minimum pour pouvoir exercer la profession médicale.

Mme Amale Hazael-Massieux a souligné la nécessité du dialogue et sa fonction pédagogique, même si son efficacité immédiate est limitée.

M. Maurice Toullalan a fait observer que seuls certains comportements provocateurs et militants étaient sources de difficultés et que, par ailleurs, une large majorité d'agents ou de patients de diverses confessions religieuses ne posaient aucun problème.

Mme Hélène Luc a rappelé que l'Islam pouvait parfaitement s'accommoder de la laïcité et appelé au respect de celle-ci et des principes de la République. Puis elle a interrogé les intervenants sur leurs suggestions et leurs pistes de réflexion.

M. Maurice Toullalan a exprimé le besoin d'un texte de valeur législative ou réglementaire qui fixerait un certain nombre de points de repère permettant l'exercice normal de la médecine, pour mettre fin à l'impression de « bricoler » des dispositifs face aux difficultés soulevées par des comportements dogmatiques. Il a souhaité que l'hôpital puisse se concentrer sur sa mission de soins et indiqué que certaines attitudes se rattachaient à des problèmes de société difficiles à régler seulement au niveau de l'hôpital.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué les précautions juridiques nécessaires à prendre pour rédiger un texte conforme à la Constitution.

Mme Amale Hazael-Massieux, après avoir évoqué son parcours personnel et ses origines libanaises, a indiqué qu'elle percevait les signes avant-coureurs d'une évolution qu'il convient de traiter sans tarder avant qu'elle ne s'aggrave.

Mme Hélène Luc a considéré que la situation actuelle apparaissait comme la conséquence de l'échec relatif de l'intégration et s'est interrogée sur l'augmentation des cas de conversion d'Européens à l'Islam.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a remercié les intervenants de leurs propos riches d'enseignement et souligné la nécessité de se tourner vers l'avenir en définissant les mesures utiles à prendre.

M. Maurice Toullalan est revenu sur la nécessité de trouver des solutions permettant l'ancrage de la mission de soins de l'hôpital et s'est dit convaincu qu'on ne pouvait pas se permettre de rester, sur le plan juridique, dans le « flou artistique actuel », tout en reconnaissant la difficulté d'agir. Il a enfin signalé que le personnel hospitalier était constitué de 80 % de femmes.

Mme Amale Hazael-Massieux a estimé qu'il convenait de ne pas s'en remettre à une solution unique. Elle a souhaité un effort général pour rappeler les exigences de la citoyenneté dans toutes les institutions et une adaptation de la religion à la modernité, ainsi que des mesures sociales pour faire diminuer la misère.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a conclu les débats en soulignant l'importance de mesures précoces de sensibilisation à l'égard des jeunes enfants.