Travaux de la délégation aux droits des femmes



DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 1er février 2005

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Nomination d'un rapporteur

La délégation a tout d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur sur les propositions de loi n° 62 (2004-2005), présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression, et n° 95 (2004-2005), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, relative à la lutte contre les violences au sein des couples.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a fait part de la candidature de M. Jean-Guy Branger.

Mme Gisèle Printz s'est déclarée également candidate.

M. Jean-Guy Branger a été désigné comme rapporteur par 4 voix contre 3 voix à Mme Gisèle Printz.

M. Jean-Guy Branger a rappelé qu'il militait, depuis des années, contre les violences au sein des couples et a évoqué ses interventions au sein du Conseil de l'Europe sur ce sujet.

Violences envers les femmes - Audition de Mme Maïté Albagly, secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial, accompagnée de Mme Dalida Touami, responsable du département du Haut-Rhin

La délégation a ensuite entendu Mme Maïté Albagly, secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial, accompagnée de Mme Dalila Touami, responsable du département du Haut-Rhin.

Après avoir excusé Mme Françoise Laurent, présidente du Mouvement, en déplacement au Sénégal, Mme Maïté Albagly, secrétaire générale du Mouvement français pour le planning familial (MFPF), a rappelé les circonstances historiques au cours desquelles le MFPF avait mené, dès les années 1950, un combat pour le droit à la contraception, puis dans les années 1970, pour le droit à l'interruption volontaire de grossesse, et s'était engagé, dans les années 1980, dans les luttes contre les violences faites aux femmes puis, plus récemment, contre le SIDA. Elle a mentionné la création, en 1984, d'un collectif féministe contre le viol et la mise en place, en 1985, d'un numéro vert à l'intention des victimes, ainsi que le soutien du mouvement à des femmes victimes de viol ou d'incestes dans plusieurs procédures judiciaires. Avec d'autres associations féministes, le MFPF a notamment combattu pour que soit reconnu et puni le viol entre époux.

Elle a également indiqué que le MFPF était à l'écoute et rencontrait dans son activité des milliers de femmes victimes en France, et dénoncé les violences faites aux femmes comme un véritable fléau de la société. Elle a mis en évidence le lien entre ce phénomène et le constat d'un rapport de domination dans les relations entre les hommes et les femmes. Elle a ensuite signalé que le MFPF, agréé en tant qu'organisme de formation, avait donc compétence pour informer les professionnels dans le champ de la sexualité et des violences faites aux femmes : les associations départementales du MFPF animent ainsi dans les établissements scolaires et auprès de jeunes adultes des séances de travail et d'échanges sur la relation garçon-fille et les comportements sexistes. Elle a insisté sur la nécessité de la prévention qui doit se traduire par des interventions dans les écoles, cette information précoce étant fondamentale pour contribuer à un changement de mentalité globale dans la société.

Mme Maïté Albagly a fait observer que la violence conjugale se repère bien souvent au moment où la femme est enceinte de son premier enfant : dans ces circonstances, elle cesse, en effet, d'être la « propriété » symbolique de son conjoint qui en éprouve un sentiment de perte.

Puis, évoquant son expérience du terrain, elle a indiqué combien il était important d'être à l'écoute de femmes victimes de violences qui entament une démarche, même limitée, à venir en parler : ne pas recueillir et prendre en compte leur parole les rejetant dans le déni, le silence.

Mme Maïté Albagly a poursuivi en décrivant les étapes psychologiques de la démarche des femmes qui, dans un premier temps, reviennent vers leur conjoint violent qui s'excuse, exprime des regrets, promet que cela n'arrivera plus. Les femmes peuvent être dans l'espoir de sauver leur couple. Par la suite, elle a fait remarquer qu'en fait, dans la plupart des cas, la violence s'accroissait en fréquence et en intensité.

Elle a insisté sur la nécessité de grandes campagnes nationales d'information comme sur celles qui ont été menées en Espagne et qui s'appuient notamment sur l'analyse systématique des faits divers relatifs aux violences au sein des couples. Evoquant l'exposé des motifs des propositions de loi, elle a ensuite souhaité que le Sénat puisse affirmer de manière aussi nette que possible que la violence envers les femmes est totalement inacceptable.

Faisant référence à ses travaux en tant qu'experte au niveau européen, elle a également regretté l'insuffisance dramatique des efforts permettant de recueillir et d'évaluer les données relatives aux violences faites aux femmes. Elle a redouté que les moyens permettant de remédier à cette situation ne soient pas suffisamment mobilisés.

Revenant sur le parcours de la femme victime de violences, Mme Maïté Albagly a noté qu'en cas de divorce, une certaine distorsion pouvait se manifester dans les cas où un mari violent condamné pénalement parvenait par ailleurs à obtenir un divorce aux torts partagés. Elle a donc souhaité une meilleure prise en compte des violences subies et une harmonisation entre les procédures. Puis elle a illustré le défaut d'homogénéité, en France, dans le traitement des violences conjugales, avec des zones de « tolérance zéro » qui coexistent avec des lieux où la répression des violences est moindre. Tout en se déclarant, de manière générale, favorable à la médiation, elle a ensuite considéré qu'en cas de violences qui constituent une relation inégalitaire entre une victime et un agresseur, la médiation était inadaptée. Sur le plan juridique, elle a signalé les difficultés insurmontables que peut poser la notion d'arrêt de travail, 15 jours d'interruption de temps de travail (ITT) correspondant à une situation dans laquelle une femme a subi des violences graves.

Mme Dalila Touami, responsable du département du Haut-Rhin, a, pour sa part, insisté sur le caractère extrêmement concret de la demande du MFPF à travers les régions françaises. Elle a notamment évoqué la mise en place de groupes de parole dans le Haut-Rhin, qui permettent d'illustrer le fait que la violence est un continuum, les femmes subissant des violences ayant bien souvent déjà été, dans leur jeunesse, confrontées à de telles situations.

Mme Dalila Touami a également montré comment les images stéréotypées de la famille idéale pouvaient expliquer et susciter un sentiment d'échec chez les femmes victimes de violences, qui se reprochent à elles-mêmes tous les dysfonctionnements du couple.

Mme Isabelle Debré, évoquant la difficulté sur le terrain de la collecte des informations, a indiqué, sur la base de son expérience d'élue locale, que les femmes ne sont pas suffisamment informées de leurs droits. Elle a notamment souligné le fait que le dépôt d'une main courante n'a pas suffisamment de portée juridique, en estimant bien préférable pour les victimes de porter plainte de manière plus systématique. Soulignant à son tour l'ampleur des moyens nécessaires pour soutenir les femmes victimes de violences, elle a également souhaité une meilleure formation des personnels, de police notamment, pour que les femmes ou les enfants battus soient écoutés de manière adaptée et avec tout le tact nécessaire.

Mme Maïté Albagly s'est associée à ce propos, tout en insistant sur la nécessité d'une loi globale -et si possible élargie à une dimension antisexiste d'ensemble. Elle a insisté sur le fait que les enfants doivent apprendre très tôt que la violence envers les femmes est interdite.

Mme Gisèle Gautier, présidente, revenant sur la distinction entre dépôt de plainte et dépôt d'une main courante, a signalé que les auditions des représentants de la police nationale pourraient apporter un éclairage complémentaire.

Mme Maïté Albagly a indiqué à ce sujet qu'il convenait d'informer les femmes de toutes les conséquences possibles du dépôt d'une plainte et de les accompagner dans cette prise de risque.

Mme Gisèle Printz a fait observer que certaines femmes préféraient, dans un premier temps, se contenter du dépôt d'une main courante en indiquant que ces victimes éprouvaient un sentiment de culpabilité et redoutaient, par un dépôt de plainte, de détruire la cellule familiale.

Prolongeant ce propos, Mme Maïté Albagly a observé qu'il n'était pas si simple de recenser les violences faites aux femmes, car les victimes ont tendance à se taire et, paradoxalement, voudraient que l'interlocuteur à qui elles s'adressent ne les place pas dans la catégorie des « femmes battues ».

Mme Janine Rozier a insisté sur la nécessité pour les élus locaux de pouvoir adresser les interlocuteurs à un réseau de correspondants bien identifiés. Elle a ensuite rappelé que la loi sur le divorce prévoyait désormais l'éloignement du conjoint violent du domicile avec l'obligation, pour le conjoint évincé, de continuer à payer le loyer. Elle a également souligné le maintien du divorce pour faute, qui peut intervenir notamment en cas de violences conjugales et contribuer à la reconstruction des victimes. Enfin, elle a évoqué la « violence économique » que constitue l'insuffisance des ressources attribuées aux femmes divorcées ayant la garde des enfants.

Mme Maïté Albagly a estimé qu'il ne fallait pas oublier les femmes qui ne sont pas mariées et qui sont néanmoins victimes de violences.

Mme Annie David, insistant sur l'aspect préventif du dispositif, s'est demandé si des modules de formation ne devraient pas être introduits dans la formation des enseignants et si les représentations sexistes diffusées par les manuels scolaires ne devraient pas être proscrites.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé qu'à l'occasion de son rapport sur la mixité, la délégation avait formulé des recommandations en ce sens.

Mme Annie David s'est également inquiétée de l'accueil des victimes de violences, notamment dans les hôpitaux, pour tenter de cibler l'origine de leurs blessures.

M. Jean-Guy Branger, après avoir rendu hommage à l'ensemble des intervenants, a estimé que la lutte contre les violences au sein des couples constituait un « vaste programme » et nécessitait un véritable changement de culture. Il a rappelé que ces violences, autrefois considérées comme des affaires privées qu'il convient de s'efforcer d'étouffer, tendent à devenir une question de société. Il a évoqué les travaux conduits au sein du Conseil de l'Europe et souhaité que 2006 puisse être proclamée année de la lutte contre les violences faites aux femmes.

M. Jean-Guy Branger a ensuite observé que la violence au sein des couples était un phénomène qui, contrairement à l'idée reçue, a tendance à s'aggraver dans bien des pays de l'Union européenne. Il a, en particulier, évoqué le cas de l'Espagne, où la proportion considérable de femmes battues a conduit le gouvernement espagnol à prendre deux séries de réformes avec, en dernier lieu, un dispositif pénal renforcé.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a conclu cette première audition en évoquant son expérience de terrain et en décrivant les difficultés considérables auxquelles sont confrontées les victimes de violences, avant de souligner le rôle fondamental des associations pour soutenir ces dernières.

Violences envers les femmes - Audition de M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale au Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, accompagné de Mme Marie-Louise Fimeyer, commissaire divisionnaire, conseillère au cabinet du directeur général de la police nationale

Puis la délégation a procédé à l'audition M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale au ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, accompagné de Mme Marie-Louise Fimeyer, commissaire divisionnaire, conseillère au cabinet du directeur général de la police nationale.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé le rôle fondamental de la police dans la lutte contre les violences dont les femmes sont les principales victimes.

M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, s'est d'abord réjoui de l'arrêt de la progression de la délinquance constatée depuis une vingtaine d'années. Il a, en revanche, noté que les violences contre les personnes progressaient et qu'elles s'étaient seulement stabilisées globalement en 2004 (nouvel indicateur : - 0,24 % selon l'Observatoire national de la délinquance). Il a indiqué que les chiffres de la délinquance étaient répertoriés depuis 1972 par le ministère de l'intérieur, dans un document intitulé l'« état 4001 », qui comporte aujourd'hui 107 rubriques ; cependant aucune d'entre elles n'est consacrée spécifiquement aux violences contre les femmes. Il a certes expliqué qu'il était toujours possible de débattre de la pertinence et de la fiabilité des statistiques, et a évoqué à ce sujet le débat sur la création d'un Observatoire de la délinquance consécutif au rapport publié il y a quelques années par deux députés, MM. Robert Pandraud et Christophe Caresche. Il a insisté sur la volonté déterminée du ministre de l'intérieur de s'attaquer aux violences contre les personnes, en particulier aux violences intra-familiales. Le ministre en a fait une des priorités 2006 de sa politique de sécurité.

M. Michel Gaudin a d'abord exposé les statistiques du ministère de l'intérieur concernant les violences faites aux femmes. Il a indiqué que l'outil statistique en vigueur avait pour objectif de comptabiliser les crimes et délits portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie et ayant donné lieu à l'établissement d'une procédure judiciaire, au titre des 107 rubriques de l'état 4001. Il a souligné, en conséquence, que ces statistiques ne donnaient pas forcément une image précise du phénomène criminel dans sa globalité, qui ne pourrait résulter que d'une enquête de « victimation ». En revanche, a-t-il noté, l'analyse de ces données statistiques permet de répartir les victimes par sexe. Il a ainsi donné quelques exemples de violences dont les femmes ont été les victimes en 2004. Ainsi, 672 femmes ont été l'objet d'homicides ou de tentatives d'homicide sur les 1 928 faits entrant dans cette rubrique, soit 34,9 %. Les femmes ont été victimes, dans 54,7 % des cas, de coups et blessures volontaires, criminelles ou correctionnelles. Il a constaté que les femmes étaient très largement concernées par la délinquance violente en général, et en particulier par la violence des hommes : en effet, la délinquance globale, en 2004, a été commise à 84,5 % par des hommes. Néanmoins, l'outil statistique ne permet pas, actuellement, d'isoler les violences conjugales incluses dans la rubrique des coups et blessures volontaires. Il a toutefois indiqué qu'un nouvel outil informatique, appelé système de traitement des infractions constatées ou « STIC Ardoise », qui devrait être opérationnel en 2007, offrirait des statistiques intégrant ce paramètre.

Il a expliqué que, d'ici là, afin de mieux cerner le phénomène, une démarche technique d'enrichissement de la base statistique devrait permettre à brève échéance de chiffrer les infractions liées aux violences conjugales. Il a évoqué, sur ce thème, l'avis des services opérationnels selon lesquels ce type de violences, commises le plus souvent dans l'intimité du foyer, progressait et se banalisait, même si une grande part échappe au recensement global des services de police. Il a précisé que la préfecture de police avait établi, depuis 2000, un état statistique annexe permettant de conclure qu'à Paris, les violences physiques constitutives de violences conjugales représentaient environ 30 % du total des faits de violences constatées, avec une tendance permanente à la hausse. Dans le même sens, il a ajouté que les interventions au titre de police-secours sont largement liées aux violences conjugales et sont en progression inquiétante.

M. Michel Gaudin a ensuite abordé la question de l'accueil des femmes victimes de violences dans les services de police. Il a considéré que, depuis plusieurs années, de réels efforts, à la fois budgétaires, en effectifs et de formation, avaient été entrepris pour améliorer l'accueil dans les services. Il a tout d'abord indiqué que cette évolution s'était traduite par l'élaboration d'une charte d'accueil affichée dans tous les services de police recevant du public depuis le 15 janvier 2004. Il a ajouté que des moyens financiers avaient été alloués à l'amélioration des locaux, mais également à des actions de formation des agents. Ainsi, tous les policiers de sécurité publique en activité ont reçu une formation au cours du quatrième trimestre 2003 sur la mise en oeuvre de la charte d'accueil. En outre, les formations initiales sur ce thème ont été rénovées dès janvier 2004. Il a indiqué qu'un dispositif d'évaluation très complet avait été arrêté et a cité l'organisation de réunions semestrielles entre les chefs de service et les associations locales d'aide aux victimes ainsi que la réalisation d'une enquête annuelle « grand public » pour mesurer la satisfaction du public accueilli.

Le directeur général de la police nationale a ensuite évoqué la diffusion aux préfets d'une instruction ministérielle du 13 janvier 2005 pour une mobilisation accrue des services de police et de gendarmerie dans la lutte contre les violences intra-familiales. Il a expliqué que le ministre de l'intérieur avait voulu réorienter l'action des services sur cette forme de délinquance dans deux directions :

- une démarche plus préventive, d'une part : il s'agira, a-t-il précisé, de mettre à profit les interventions de police-secours au sein de la famille, à l'occasion de violences conjugales, pour mettre en garde officiellement l'auteur sur les conséquences de son geste et pour encourager la victime à déposer plainte ; en cas de refus de sa part, un procès-verbal de renseignement devra être établi et constituera la preuve du précédent en cas de récidive ;

- un professionnalisme accru des services de sécurité, d'autre part : le dépôt de plainte devra être établi avec une grande rigueur afin de mettre l'autorité judiciaire en situation de répondre efficacement en prononçant une sanction adaptée ; les mentions sur la main courante devront être l'exception ; il a indiqué qu'un guide méthodologique numérisé, mis en ligne sur l'Intranet du ministère de l'intérieur, traitait à la fois du volet comportemental lors de l'intervention, des spécificités de l'accueil et des particularités de la procédure diligentée pour ces faits.

Il a noté que l'instruction du ministre de l'intérieur s'inscrivait dans le prolongement du guide de l'action publique, intitulé « La lutte contre les violences au sein du couple », élaboré par le ministère de la justice. Il a rappelé que des plaquettes destinées à l'information des femmes victimes de violences avaient également été élaborées et mises à disposition dans tous les services d'accueil des commissariats et des brigades.

Puis M. Michel Gaudin a présenté les dispositifs de prise en charge et d'accompagnement des victimes. Il a indiqué qu'il existait 173 bureaux d'aide aux victimes, répartis sur 54 départements dans les services de sécurité publique. Ces structures assurent les opérations pratiques de soutien et d'assistance aux victimes et veillent à la cohérence de la prestation policière tout au long du processus d'intervention, c'est-à-dire sur les lieux de l'infraction, lors de l'accueil et de la réception de la plainte, et s'assurent de la mise en oeuvre de mesures d'urgence en cas de besoin. Il a ensuite précisé qu'un correspondant départemental d'aide aux victimes avait été nommé dans chaque direction départementale de sécurité publique : celui-ci a en charge le développement des relations avec les associations d'aide aux victimes, l'organisation de l'accueil, la centralisation de toutes les informations utiles aux victimes et la fourniture de documentation. Il a ensuite indiqué qu'à ce jour, plus de 70 services de police avaient intégré les permanences d'associations d'aide aux victimes, dont le but est, à l'issue du dépôt de plainte ou de façon concomitante, de recevoir la victime, lui apporter le soutien psychologique nécessaire, lui expliquer le déroulement de la procédure et ses impératifs, et l'orienter vers les associations d'aide, les structures sociales ou juridiques qui pourraient la soutenir dans sa démarche et régler des problèmes tels que l'hébergement pour une femme ayant quitté le domicile conjugal. Enfin, il a noté la présence d'une quinzaine de travailleurs sociaux dans les commissariats : installés dans les locaux de police, ils aident à l'accueil, au soutien et à la prise en compte du public mais aussi des victimes ainsi qu'à l'exploitation des informations portant sur des faits non encore caractérisés mais en devenir d'infraction. Par exemple, une intervention pour tapage nocturne pourra en réalité être liée à un différend conjugal pour lequel une action le plus en amont possible évitera la récidive.

Le directeur général de la police nationale a ensuite indiqué qu'à la demande du ministre de l'intérieur une convention avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM), qui fédère environ 160 associations d'aide aux victimes implantées sur l'ensemble du territoire, était en cours d'élaboration. Ainsi, un protocole définissant le cadre général de fonctionnement, de recrutement et de financement des permanences des associations d'aide aux victimes dans les commissariats devrait être signé en mai 2005. Par ailleurs, a-t-il ajouté, un groupe de travail constitué par la délégation interministérielle à la ville et auquel participent gendarmes et policiers, élabore un cadre de références pour les travailleurs sociaux en commissariat ou en brigade de gendarmerie.

Enfin, M. Michel Gaudin a abordé le sujet de la formation des policiers. Il a insisté sur le fait que les formations initiales avaient été rénovées afin d'intégrer l'accueil des victimes en général et celui des femmes victimes de violences en particulier, soit 25 heures pour les gardiens de la paix, 16 heures pour les lieutenants et 10 heures pour les commissaires. Il a ajouté que des actions spécifiques étaient proposées dans le cadre de la formation continue : un stage de deux à trois jours sur la problématique de l'accueil du public et sur la gestion des publics violents, un stage de deux jours portant sur le thème « victimes : de la prise en compte à l'assistance », et un stage spécifique de quatre jours sur les violences conjugales, qui sera proposé en 2005.

Mme Marie-Louise Fimeyer, commissaire divisionnaire, chargée de mission au cabinet du directeur général de la police nationale, a insisté sur le fait que la problématique de l'accueil des victimes par les agents de police était un axe nouveau des politiques publiques de sécurité, et qu'elle avait constitué un travail de longue haleine engagé depuis plus d'un an.

Mme Gisèle Printz a noté que l'auteur présumé de l'assassinat de deux agents à l'hôpital psychiatrique de Pau avait été signalé par sa compagne pour violences conjugales. Elle a voulu savoir si les statistiques du ministère de l'intérieur étaient sexuées et s'est interrogée sur les limites de l'inscription à la main courante.

M. Michel Gaudin a indiqué que les statistiques étaient partiellement sexuées, mais que parmi les 107 rubriques de l'état 4001, aucune ne concernait les violences conjugales qui sont enregistrées dans la rubrique des coups et blessures volontaires.

Mme Marie-Louise Fimeyer a tenu à préciser que les statistiques ne traduisaient que les faits portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie.

M. Michel Gaudin a indiqué que la police, d'une manière générale, souhaitait désormais inciter les victimes à porter plainte plutôt qu'à se limiter à une inscription à la main courante. Il a en effet expliqué que la police était souvent impuissante en l'absence de dépôt de plainte, alors que les femmes victimes de violences conjugales retiraient fréquemment leur plainte sous la pression de leur conjoint.

Mme Gisèle Gautier, présidente, après avoir noté qu'une femme victime de violences conjugales devait faire preuve d'un certain courage pour se rendre dans un commissariat, a constaté que les intéressées, dans de tels cas, préféraient souvent s'adresser à des associations, car elles ont parfois l'impression que la police et la gendarmerie demeurent relativement passives face à leurs problèmes. Elle a dès lors insisté sur le caractère essentiel de la formation des agents.

Mme Marie-Louise Fimeyer a indiqué que l'instruction ministérielle du 15 janvier 2005 demandait précisément aux services de police d'intervenir le plus en amont possible pour prévenir ce type de violences.

Mme Annie David a estimé qu'une femme qui n'était pas écoutée par la police se trouvait en situation de non-assistance à personne en danger. Elle a souligné, à son tour, le caractère fondamental de la formation et a voulu savoir si la police avait noué des contacts avec des associations ou des travailleurs sociaux pour dispenser une telle formation. Elle s'est également interrogée sur les possibilités de modifier l'état 4001 de manière à prendre en compte les violences conjugales.

M. Michel Gaudin a expliqué que, selon lui, cette question posait le problème de l'alerte pour l'ensemble des victimes, qu'il s'agisse des femmes ou des enfants. Le système d'alerte nécessite une collaboration étroite avec les services sociaux, et a regretté que, parfois, ces derniers n'acceptent pas facilement une telle collaboration. Il a estimé que dès que les faits de violences à l'égard des femmes étaient signalés à la police, ils devenaient un problème d'ordre public nécessitant l'intervention de la police afin de protéger la vie des victimes. Il serait ainsi injuste d'accuser la police de vouloir s'immiscer dans la vie privée des gens.

Mme Jacqueline Alquier a voulu savoir si les services de police travaillaient également en collaboration avec les collectivités territoriales.

M. Michel Gaudin a indiqué que la police avait déjà approfondi ses relations avec les collectivités territoriales afin de mettre en place un service d'alerte. Il a cité l'exemple de la ville de Dijon, qui a mis une assistante sociale à la disposition du commissariat.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a fait observer qu'une femme victime de violences ayant des enfants hésite longuement avant de dénoncer son conjoint par peur de représailles sur ses enfants. Elle s'est dès lors demandé si, dans ce cas, il n'était pas possible de faire intervenir une tierce personne pour porter plainte.

M. Michel Gaudin a indiqué que, dans cette situation, il convenait de faire un signalement en relation avec les services sociaux. Il a également précisé qu'il était possible de modifier l'état 4001 afin de mieux mesurer les violences conjugales. En tout état de cause, il a indiqué que la main courante informatisée, qui devrait être mise en place prochainement, permettrait de mieux connaître la réalité de la délinquance et de la violence.