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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Jeudi 8 novembre 2001

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Droit civil - Famille - Accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat - Examen du rapport d'information

La délégation a tout d'abord examiné le rapport d'information de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 352 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

M. Robert Del Picchia, rapporteur,
a fait observer à titre liminaire que si le nombre des personnes susceptibles d'être concernées par la recherche de leurs origines biologiques était estimé à quelque 400.000, moins de 600 femmes accouchaient aujourd'hui sous X chaque année et une vingtaine d'enfants seulement étaient remis à l'adoption selon une procédure autorisant les parents à demander le secret de leur identité. Il a attribué ces différences quantitatives importantes à la mise en oeuvre des lois relatives à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse depuis une trentaine d'années. Il a toutefois estimé que la situation actuelle n'était pas satisfaisante, pour deux raisons essentielles.

La première raison est l'extrême complexité du droit positif actuel, qui confond les problèmes de l'accouchement secret, de l'établissement de la filiation et de l'adoption. Si en pratique, ces questions sont souvent liées, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a relevé qu'elles devaient être distinguées du point de vue juridique. S'agissant plus particulièrement de l'accouchement sous X -qui, juridiquement, est réputé n'avoir pas eu lieu-, il a expliqué que le recours au Code de la famille et de l'aide sociale pour rendre cet artifice juridique compatible avec la réalité conduisait à une certaine confusion et à de multiples interprétations. Il a considéré que l'hétérogénéité des pratiques selon les maternités, les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance et les organismes autorisés et habilités pour l'adoption heurtaient le principe d'égalité, en ce qui concernait tant l'accueil de la femme qui déclare vouloir accoucher dans le secret que l'application de son droit de reprise, l'autorisation de levée du secret de son identité ou l'ouverture de leurs dossiers aux pupilles de l'Etat et aux enfants adoptés. Même si, depuis quelques années, les interprétations de la loi en faveur des personnes intéressées se généralisent, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a estimé que les différences de traitement qui subsistaient constituaient la seconde raison justifiant une réforme de la législation. Il a cité, à ce propos, les nombreux rapports qui, ces dix dernières années, ont unanimement dénoncé les lacunes et imprécisions du dispositif légal actuel et leurs conséquences regrettables, relevant cependant que les propositions qu'ils avaient formulées n'étaient pas toujours les mêmes, à la notable exception de la création d'un organisme national chargé d'unifier les pratiques et, dans certaines circonstances, d'intervenir directement pour aider les pupilles de l'Etat et les personnes adoptées qui le souhaiteraient à connaître leurs origines personnelles.

Puis, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a présenté les principales mesures du projet de loi soumis à l'examen de la délégation. Il a observé que le texte entérinait plusieurs principes importants :

- le maintien de l'accouchement sous X, qui est toutefois accompagné de dispositions et de formalités devant permettre à la femme d'exprimer un choix éclairé et favoriser l'éventuelle levée ultérieure du secret de son identité ;

- l'exigence de la volonté expresse des parties pour pouvoir lever le secret de l'identité des parents de naissance ; à cet égard, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a relevé que n'étaient autorisées ni la levée unilatérale et automatique du secret (par exemple à la majorité de l'enfant), ni l'information d'un enfant n'ayant formulé aucune demande de recherche de ses origines que sa mère ou son père de naissance ont consenti à la levée du secret de leur identité ;

- l'institution d'une procédure de recherche des parents biologiques pour leur demander, s'il n'y ont pas précédemment consenti de leur propre initiative, s'ils acceptent de lever le secret de leur identité car leur enfant le souhaite ;

- la création d'un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) chargé, notamment, d'exercer cette délicate mission de médiation, et disposant des moyens légaux lui permettant de rechercher efficacement les parents biologiques ;

- l'ouverture de deux guichets auxquels pourront s'adresser toutes les personnes concernées par la recherche des origines personnelles : comme aujourd'hui, les services du conseil général, qui conserveront d'ailleurs les dossiers des pupilles de l'Etat, et, dorénavant, le CNAOP, qui, pour exercer ses missions, sera destinataire, quand il le demandera, de toutes les informations, identifiantes ou non, qui lui seront nécessaires et qui sont détenues par les établissements de santé, les conseils généraux et les organismes d'adoption ;

- la suppression de la procédure de remise de l'enfant de moins d'un an au service de l'aide sociale à l'enfance dans le secret de l'identité de ses parents.

Estimant que le projet de loi constituait un texte d'apaisement respectant à la fois le droit de la femme à accoucher dans le secret lorsqu'elle considère que les circonstances l'exigent, et le droit des pupilles de l'Etat et des personnes adoptées à connaître leurs origines s'ils le souhaitent, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a ensuite présenté ses propositions de recommandations.

S'agissant des principes, il a appelé l'attention de la délégation sur le cas particulier du décès de la mère ou du père de naissance. Il a jugé peu cohérent que la révélation à l'enfant de l'identité des ascendants, descendants ou collatéraux des parents soit subordonnée à l'autorisation de levée du secret expressément formulée par la mère ou le père biologique avant leur mort. M. Robert Del Picchia, rapporteur, a en effet estimé que l'apparition de la parentèle démontrait que le secret de l'accouchement avait été levé et que maintenir à l'écart de cette révélation le principal intéressé, c'est-à-dire l'enfant, était inique. Allant plus loin, il a considéré que si le CNAOP n'avait pu entreprendre de démarche auprès de la mère ou du père de naissance en raison de leur décès, préalablement à son intervention, le doute sur la volonté finale de ces derniers devait bénéficier à l'enfant à la recherche de ses origines personnelles. C'est pourquoi il a suggéré à la délégation de recommander qu'en cas de décès de la mère ou du père biologique, son identité puisse être révélée à l'enfant à la recherche de ses origines, sauf si le parent décédé s'était opposé à la levée du secret après que le CNAOP a cherché à recueillir son consentement exprès et si aucun de ses ascendants, descendants ou collatéraux privilégiés n'a formulé de déclaration d'identité.

A défaut d'une telle solution, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a suggéré que la loi permette d'inviter la femme qui accouche dans le secret, à autoriser la levée du secret à son décès lorsqu'elle remet son identité sous pli fermé, et d'inviter également les personnes qui auront maintenu ce secret après avoir été sollicitées par le CNAOP à accepter qu'il soit levé à leur décès. Par ailleurs, il a estimé souhaitable que les enfants à la recherche de leurs origines soient expressément autorisés à renouveler leur demande quelques années après que leur père ou leur mère de naissance aura opposé un refus à la sollicitation du CNAOP.

Au-delà de ces questions de principe, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a proposé diverses recommandations d'importance variable.

S'agissant du recueil des volontés des parties et de la délivrance des informations aux personnes à la recherche de leurs origines, il a appelé à une clarification du dispositif, notamment en ce qui concerne les procédures et formalités applicables aux services des conseils généraux et les relations qui semblent devoir s'établir entre ceux-ci et le CNAOP. Souhaitant par ailleurs qu'on établisse une distinction entre le « stock » actuel des personnes concernées par le problème de l'accès aux origines et les enfants qui naîtront dans le secret après la promulgation de la loi, il a suggéré, pour simplifier les démarches, que le CNAOP soit l'autorité de recueil, de conservation et de délivrance des informations, nominatives ou non, concernant les enfants nés sous X à compter du 1er juillet 2002, la dualité des guichets prévue par le projet de loi demeurant applicable aux pupilles de l'Etat et aux personnes adoptées nées avant cette date.

S'agissant des missions du CNAOP, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a proposé quatre recommandations destinées à en améliorer le dispositif : échanges institutionnalisés avec le médiateur de la République et le défenseur des enfants, recueil de données statistiques, rôle à l'égard des enfants nés à l'étranger et suppression de l'obligation faite au CNAOP d'être dépositaire des dossiers des organismes autorisés et habilités pour l'adoption qui ont cessé leur activité.

En ce qui concerne l'accouchement sous X, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a suggéré que le texte énonce clairement que l'accueil et l'information de la femme relèvent entièrement de la responsabilité des correspondants locaux du CNAOP. Il a également proposé que le père biologique soit expressément invité à laisser personnellement son identité dans le pli fermé contenant l'identité de la mère, et qu'il soit informé de ses possibilités ultérieures d'autoriser la levée du secret. Enfin, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a considéré qu'il serait utile que figure sur le pli fermé l'indication du sexe de l'enfant.

S'agissant des enfants nés sous X, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a estimé nécessaire qu'ils soient, à compter de la promulgation de la loi, exclusivement recueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance, et qu'un délai de reprise spécifique, fixé à trois mois, soit institué.

Enfin, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a proposé que la délégation recommande qu'un dispositif soit prévu, dans le cadre d'un autre texte législatif, pour qu'un père puisse, au besoin par l'intermédiaire du CNAOP, confirmer sa reconnaissance anténatale d'un enfant né dans le secret.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Dinah Derycke, présidente, a relevé que la recherche des origines posait de nombreux problèmes, tout à la fois humains et juridiques.

Puis une discussion a eu lieu entre Mme Dinah Derycke, présidente, M. Robert Del Picchia, rapporteur, Mme Gisèle Printz, M. Claude Domeizel, Mme Danièle Pourtaud et Mme Janine Rozier, sur l'impossibilité pour le père d'un enfant dont la mère a accouché sous X de confirmer sa reconnaissance anténatale, sur le caractère anormal de cette situation, certes peu fréquente, sur la difficulté de recommander une solution dans le cadre du présent projet de loi qui ne concerne pas les questions de filiation, et sur l'absence d'indications quant à la faculté qu'aurait un juge de s'adresser au CNAOP s'il avait à connaître d'une telle affaire.

Après avoir souligné qu'on pouvait à ce propos regretter que les différents problèmes posés par le droit de la famille ne soient pas traités dans le cadre d'un même texte, Mme Janine Rozier s'est inquiétée des conséquences d'un allongement du délai de reprise de deux à trois mois au regard de l'adoption des enfants. M. Robert Del Picchia, rapporteur, a estimé qu'il fallait d'abord considérer l'avantage que représentait pour les enfants le fait d'être, grâce à cet allongement de délai, finalement pris en charge par leur mère de naissance plutôt qu'adoptés. Mme Dinah Derycke, présidente, a rappelé que les mères concernées étaient souvent dans une situation de détresse psychologique telle qu'un mois de réflexion supplémentaire pour arrêter leur décision finale était souhaitable. Considérant que l'accouchement sous X témoignait d'une situation de crise qui pouvait durer plus de trois mois, Mme Danièle Pourtaud a même jugé court un délai de trois mois et s'est interrogée sur l'intérêt qu'il y aurait à l'allonger à six mois, durée qui est prévue dans certaines circonstances pour revenir sur le consentement à l'adoption.

Mme Janine Rozier a suggéré que la loi précise la nature de devoirs des services sociaux à l'égard de la mère pour l'inciter à conserver son enfant, cependant que Mme Dinah Derycke, présidente, et Mme Danièle Pourtaud insistaient sur la nécessité de respecter la décision de la mère. Mme Sylvie Desmarescaux a souligné que les services sociaux s'attachaient en pratique à expliquer aux mères les possibilités qui s'offrent à elles pendant cette période de deux mois -qu'elle a également estimée trop limitée- et qu'ils étaient de mieux en mieux formés à ce travail.

Mme Dinah Derycke, présidente, a fait observer que la femme qui accouche sous X serait simplement « invitée » à laisser son identité. On aurait pu, a-t-elle souligné, prévoir une obligation tout en garantissant que le secret de l'identité ne serait pas levé sans décision expresse de la mère. M. Robert Del Picchia, rapporteur, ayant indiqué que cette solution n'avait pas été retenue par crainte de dérives (accouchements clandestins, accouchement sous faux nom ...), Mme Dinah Derycke, présidente, a convenu que passer de l'invitation à l'obligation aurait aussi semblé signifier pour certains la fin de l'accouchement sous X.

Puis la délégation a procédé à l'examen des recommandations proposées par M. Robert Del Picchia, rapporteur.

S'agissant de la levée du secret dans certaines circonstances consécutives au décès de la mère ou du père de naissance, un débat, auquel ont pris part Mme Dinah Derycke, présidente, M. Robert Del Picchia, rapporteur, MM. Claude Domeizel et Serge Lagauche, Mmes Danièle Pourtaud, Sylvie Desmarescaux et Janine Rozier, a porté sur l'intervention des ascendants, descendants et collatéraux privilégiés dans la procédure, sur les voies par lesquelles le CNAOP serait informé du décès du parent de naissance et sur la façon dont il pourrait être conduit à révéler à l'enfant l'identité de celui-ci en même temps que sa mort.

En outre, répondant à Mme Danièle Pourtaud qui l'interrogeait sur le cas où l'enfant n'aurait pas fait de demande, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a rappelé qu'aucun rapprochement ne serait alors entrepris par le CNAOP et que la mère de naissance qui renonce à son secret n'aurait pas les moyens, dans une telle hypothèse, de rechercher son enfant, le droit de l'enfant à ne pas vouloir connaître ses origines biologiques étant expressément préservé par le projet de loi. A Mme Sylvie Desmarescaux qui lui demandait ce qu'il advenait en cas d'annulation ultérieure par la mère du refus qu'elle avait opposé à la levée du secret de son identité lors d'une intervention en médiation du CNAOP, il a précisé que cet organisme demanderait à l'enfant s'il confirme sa demande de levée de l'identité, ajoutant que, dans son esprit, cette procédure pourrait être également applicable en cas de décès.

La délégation a ensuite adopté à l'unanimité cette première recommandation qui suggère qu'en cas de décès de la mère ou du père de naissance, son identité puisse être révélée à l'enfant qui recherche ses origines personnelles, sauf si il ou elle s'est opposé(e) à la levée du secret de son identité après que le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) a cherché à recueillir son consentement exprès et qu'aucun de ses ascendants, descendants ou collatéraux privilégiés n'a formulé de déclaration d'identité.

Elle a adopté dans les mêmes conditions, pour l'hypothèse où cette première recommandation ne serait pas retenue par le Parlement, une deuxième recommandation proposant que la femme qui accouche dans le secret soit invitée, dans le même temps, à remettre son identité dans le pli fermé et à autoriser la levée du secret si elle décède, et que les personnes qui auront maintenu ce secret après avoir été sollicitées par le CNAOP soient également invitées à accepter qu'il soit levé à leur décès.

Puis, toujours à l'unanimité, la délégation a adopté une recommandation tendant à autoriser expressément les enfants à la recherche de leurs origines à renouveler leur demande quelques années après que leur mère ou leur père de naissance a opposé un refus à la sollicitation du CNAOP, M. Robert Del Picchia, rapporteur, précisant à Mme Danièle Pourtaud, qui l'interrogeait à ce propos, qu'il pourrait y avoir plusieurs demandes successives, dans des délais qui restaient à définir.

S'agissant du recueil des volontés des parties et de la délivrance des informations aux enfants à la recherche de leurs origines, la délégation a adopté, à l'unanimité, deux recommandations tendant, respectivement :

- à clairement adapter aux services des conseils généraux, afin de faciliter l'application de la loi aux situations et dossiers actuels de personnes adoptées et de pupilles de l'Etat, les principes et procédures définis et détaillés pour le fonctionnement du CNAOP (à l'exception de la médiation, qui lui est réservée), et à organiser les relations qu'en termes de diffusion et de conservation des renseignements le CNAOP devra établir avec les présidents de conseils généraux lorsqu'il sera saisi directement par les personnes autorisées à le faire ;

- à réserver pour l'avenir au seul CNAOP, un guichet unique étant un gage de simplicité et d'efficacité, la responsabilité de recueillir et de conserver les informations, identifiantes ou non, relatives aux enfants nés dans le secret après le 1er juillet 2002, à leurs parents de naissance et à leur famille d'origine, et de les délivrer aux enfants qui en feraient la demande.

Toujours à l'unanimité ont ensuite été adoptées par la délégation les recommandations relatives aux missions du CNAOP et à leur exercice, qui concernent :

- les échanges de renseignements et les procédures de concertation avec le médiateur de la République et le défenseur des enfants ;

- la mission de recueil de données, par remontée obligatoire des informations de la part des services compétents, permettant au CNAOP de dresser un tableau statistique exhaustif et cohérent de la situation ;

- la possibilité pour les enfants nés à l'étranger et adoptés en France de saisir le CNAOP pour faciliter l'accès à leurs origines personnelles, M. Robert Del Picchia, rapporteur, ne mésestimant pas les difficultés pratiques auxquelles se heurterait le Conseil et Mme Danièle Pourtaud rappelant que ce problème devait être abordé dans le cadre de la négociation des conventions internationales auxquelles la France est partie ;

- la suppression de l'obligation faite au CNAOP d'être dépositaire des dossiers des organismes autorisés et habilités pour l'adoption qui ont cessé leur activité, cette formulation initiale ayant été modifiée à l'initiative de Mme Dinah Derycke, présidente, afin qu'il soit clairement mentionné que ces dossiers devaient être conservés par le président du conseil général.

A l'unanimité, la délégation a ensuite recommandé, s'agissant de la procédure de l'accouchement dans le secret :

- que l'accueil des femmes susceptibles de demander le secret de leur admission et de leur accouchement, leur information sur leurs droits et les conséquences de leurs choix, et l'accomplissement de tous les actes de procédure prévus soient exclusivement assurés par les correspondants locaux du CNAOP ; la délégation a en effet considéré que seules ces personnes étaient en mesure de bénéficier de la formation nécessaire, et susceptibles d'acquérir l'expérience indispensable, pour garantir que l'accompagnement des femmes en détresse sera correctement assuré dans tous les établissements de santé ; elle a ajouté que, sauf à voir sa responsabilité engagée, le directeur de ces établissements devrait requérir immédiatement l'intervention de ces correspondants locaux ;

- que, s'il est présent, le père de naissance soit expressément invité à laisser personnellement son identité dans le pli fermé et informé de ses possibilités ultérieures d'autoriser la levée du secret ;

- que figure sur le pli fermé la mention du sexe de l'enfant.

En ce qui concerne les enfants nés dans le secret, la délégation a recommandé, à l'unanimité, que seul le service de l'aide sociale à l'enfance puisse les recueillir, d'autant qu'il sera le pivot de la procédure au plan départemental. Puis à la suggestion de Mme Dinah Derycke, présidente, de M. Robert Del Picchia, rapporteur, et de Mmes Sylvie Desmarescaux et Danièle Pourtaud, elle a recommandé à l'unanimité que le délai de reprise de ces enfants soit expressément prévu et fixé au minimum à trois mois et au maximum à six mois.

Enfin, la délégation a recommandé, à l'unanimité, que, dans le cadre d'un autre texte législatif, un dispositif soit trouvé pour qu'un père puisse, au besoin par l'intermédiaire du CNAOP, confirmer sa reconnaissance anténatale d'un enfant né dans le secret.

Puis, à l'unanimité, la délégation a adopté le rapport d'information présenté par M. Robert Del Picchia, rapporteur.

Droit civil - Famille - Autorité parentale - Examen du rapport d'information

Puis la délégation a examiné le rapport de Mme Janine Rozier sur la proposition de loi n° 387 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale relative à l'autorité parentale.

Mme Janine Rozier, rapporteur,
a estimé que la proposition de loi relative à l'autorité parentale était à la fois d'une ampleur limitée et d'une immense ambition, qu'elle apportait sa pierre au vaste chantier de la réforme du droit de la famille, réforme dont on pouvait cependant regretter qu'elle s'opère en ordre dispersé (avec les autres textes sur le nom patronymique, les droits du conjoint survivant, l'accès aux origines ou le divorce) au détriment, parfois, d'une vision globale du sujet.

La proposition de loi relative à l'autorité parentale, a indiqué Mme Janine Rozier, rapporteur, est d'une portée relativement limitée en ce qu'elle procède au toilettage nécessaire d'un droit issu des réformes de 1970, 1987 et 1993 qui ont progressivement mis en oeuvre le principe, jamais cité dans les textes, de coparentalité.

La coparentalité, a-t-elle précisé, est, le fait, pour un père et une mère, de prendre chacun sa part de responsabilité dans l'éducation d'un enfant, quelle que soit la situation de la famille et quel que soit le statut de l'enfant. C'est, d'une certaine manière, le droit pour un enfant d'être élevé par ses deux parents, droit affirmé par la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

A cette fin, la proposition de loi simplifie les modalités de l'exercice en commun de l'autorité parentale. En liant autorité parentale et établissement de la filiation, elle redéfinit l'autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs exercés dans l'intérêt de l'enfant. Elle invente également des solutions pour les tiers en déclinant pour eux une délégation d'autorité parentale qui ne dessaisit pas pour autant les parents. En un mot, elle prend acte de façon équilibrée des évolutions de notre société et parachève le travail du législateur de 1993.

La proposition de loi, a poursuivi Mme Janine Rozier, rapporteur, est, dans le même temps, d'une ambition immense, puisqu'elle ne vise pas moins qu'à des relations pacifiques et à des solutions raisonnées pour les enfants des couples qui se séparent. Elle privilégie en effet une démarche active et commune des parents après la séparation et leur confie le soin d'élaborer ensemble les nouvelles modalités d'exercice de leur autorité vis-à-vis des enfants.

Elle part du constat d'un schéma dominant qui est l'attribution de la résidence habituelle des enfants à la mère (dans 85 % des cas) et un droit de visite et d'hébergement du père limité aux premier, troisième et cinquième week-end du mois et à la moitié des vacances scolaires.

Mme Janine Rozier, rapporteur, a fait observer que cette solution conduisait dans bien des cas les pères à un engrenage entre éloignement et non-paiement des pensions alimentaires et avait des effets souvent très négatifs pour les enfants, les parents (que ce soit le père qui ne voit plus ses enfants ou la mère qui doit tout assumer seule) et la société, la ville, l'école qui doivent prendre en charge des enfants privés de repères familiaux stables.

Puis elle a indiqué que la proposition de loi faisait entrer dans le Code civil les accords parentaux homologués, la médiation et la résidence alternée pour favoriser les séparations apaisées et la survie du couple parental après la séparation.

S'agissant de la résidence alternée, Mme Janine Rozier, rapporteur, a souligné qu'elle n'était possible que lorsque les parents ont un domicile proche. Elle a estimé que, bien qu'encore marginale, cette solution correspondait à une réelle demande de la part des parents, en particulier de pères souhaitant assumer pleinement leur rôle éducatif, et qu'elle assurait une stabilité gratifiante pour l'enfant et facilitait la poursuite de ses activités scolaires, extrascolaires et amicales.

De prime abord, a conclu Mme Janine Rozier, rapporteur, la proposition de loi sur l'autorité parentale apparaît comme un rééquilibrage au profit des pères, mais, à y regarder de plus près, elle est aussi favorable aux droits des femmes car, comme l'a souligné Irène Théry, sociologue, les femmes ne tirent aucune victoire de la fragilité des liens entre les pères et leurs enfants et se retrouvent fréquemment seules face à une responsabilité écrasante qui est celle de faire d'un enfant un adulte épanoui et un citoyen responsable.

Elle a estimé que la coparentalité après la séparation s'analysait comme le prolongement évident du partage des tâches et de l'égalité des responsabilités et que, sur le fondement de ce nouveau contrat, devait se reconstruire le lien affectif qui unit d'abord les parents et se prolonge ensuite dans la famille, laquelle est depuis des millénaires la cellule de base de la société.

Puis la délégation a adopté les propositions de recommandations présentées par Mme Janine Rozier, rapporteur.

Elle a tout d'abord jugé indispensable de promouvoir la reconnaissance conjointe anténatale :

- par une meilleure information sur l'existence de cette démarche ;

- par une formalisation renforcée lors de son déroulement ; cette expression a été préférée à celle de « solennisation » proposée par le rapporteur, à l'issue d'un débat auquel ont pris part, outre le rapporteur et Mme Dinah Derycke, présidente, Mmes Gisèle Gautier, Danièle Pourtaud, Gisèle Printz et M. Serge Lagauche, et qui a conduit à écarter, pour des raisons essentiellement pratiques, l'obligation de recourir à un officier d'état civil pour recueillir la reconnaissance ;

- par une formation adaptée des agents amenés à recevoir cette reconnaissance, Mme Janine Rozier, rapporteur, et Mme Gisèle Gautier ayant particulièrement insisté sur une telle nécessité ;

- en s'assurant que cette reconnaissance emporte bien des effets sur l'acte de naissance de l'enfant pour ses deux filiations ;

- en permettant, sur le fondement d'une telle reconnaissance, l'établissement judiciaire d'une filiation paternelle dans les cas d'accouchement sous X.

La délégation a ensuite estimé souhaitable de stabiliser la filiation des enfants nés hors mariage pour mettre en cohérence le nouveau droit de l'autorité parentale avec celui de la filiation :

- en veillant à une application rigoureuse de l'article 57-1 du Code civil qui prévoit l'information du parent ayant procédé le premier à la reconnaissance de l'enfant, sur la reconnaissance ultérieure de l'autre parent susceptible d'emporter l'exercice de l'autorité parentale ;

- en limitant les délais de contestation de paternité et en harmonisant les délais avec ceux de la contestation paternelle dans le mariage pour l'auteur de la reconnaissance, après un débat au cours duquel tous les membres présents de la délégation ont souhaité voir réduits les délais de contestation, Mme Danièle Pourtaud soulignant en particulier que certaines reconnaissances étaient un véritable acte d'amour, la paternité n'étant pas seulement biologique, et Mme Dinah Derycke, présidente, insistant sur la nécessité d'aligner, pour l'auteur de la reconnaissance, le délai de contestation avec celui qui existe dans le cadre de la filiation légitime ;

- en fermant aux tiers la contestation de paternité d'un enfant naturel jouissant d'une possession d'état conforme.

La délégation a ensuite souhaité voir renforcée, dans une troisième recommandation, la culture de médiation dans le traitement des questions familiales :

- en informant les familles sur l'existence de cette démarche et les possibilités qu'elle offre ;

- en favorisant le développement de la médiation extrajudiciaire, notamment en renforçant le rôle des caisses d'allocations familiales dans ce domaine ;

- en prévoyant un financement adapté au développement de ce mode de règlement des conflits.

La délégation a voulu insister, dans une quatrième recommandation, sur la nécessité de faire appliquer les décisions des juges, garants de l'intérêt de l'enfant :

- en intégrant dans les éléments pris en compte par le juge pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, le respect d'un éventuel premier jugement ;

- en refusant d'accepter des situations de fait préjudiciables à l'intérêt de l'enfant, notamment dans l'atteinte à l'autorité parentale que représente la non-présentation d'enfant ;

- en favorisant l'accord des parents pour faciliter la révision d'une convention homologuée, sans exiger un motif grave.

La délégation a enfin estimé que l'effort devait être porté sur la traduction concrète de la coparentalité :

- par la mise en cohérence des situations des couples séparés avec le droit fiscal et social ;

- par un soutien au secteur associatif dans ses efforts en faveur des familles qui ont besoin d'être accompagnées dans l'éducation de leurs enfants ; Mme Dinah Derycke, présidente, a insisté pour que ne soient pas visées sur ce point uniquement les familles les plus fragiles, qui seraient ainsi une nouvelle fois stigmatisées.

Puis la délégation a adopté à l'unanimité le rapport de Mme Janine Rozier, rapporteur, sur la proposition de loi relative à l'autorité parentale.