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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mercredi 16 octobre 2002

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Echange de vues sur les travaux à venir

Mme Gisèle Gautier, présidente, a tout d'abord annoncé l'audition de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, par la délégation le mercredi 30 octobre, à 16 h 30.

Elle a ensuite indiqué qu'elle avait assisté, le 2 octobre dernier à Bruxelles, à une réunion organisée par la Commission des droits des femmes et de l'égalité des chances du Parlement européen et consacrée à la Convention sur l'avenir de l'Europe. A cette occasion, a-t-elle précisé, M. Klaus Hänsch, représentant du Parlement européen à la Convention, a fait le point sur les travaux de la Convention au regard des droits des femmes ; sans se montrer pessimiste -il a notamment indiqué que le respect et le développement de ces droits seraient sans doute intégrés dans la définition des objectifs économiques et sociaux de l'Union européenne-, il a appelé à la vigilance : il faudra, selon lui, lutter pour que les textes qui sortiront de la Convention intègrent bien tout ce qui figure dans les dispositions actuelles du traité et ne soient pas en retrait sur celles-ci.

Après avoir rappelé que Mme Gisèle Printz et elle-même se rendaient à Madrid représenter le Sénat au Troisième Forum euroméditerranéen des femmes, Mme Gisèle Gautier, présidente, a également annoncé que la délégation était invitée à envoyer des représentants à une autre rencontre : la Conférence annuelle du réseau des commissions parlementaires pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui se tiendra à Copenhague du 21 au 23 novembre prochain. Cette conférence sera plus particulièrement consacrée aux problèmes des femmes des minorités ethniques, aux violences domestiques contre les femmes et à la Convention sur l'avenir de l'Europe.

Enfin, elle a évoqué le projet de loi sur la sécurité intérieure, non encore adopté par le Conseil des ministres, mais qui devrait, selon les indications données par la presse, contenir plusieurs dispositions relatives à la prostitution. Elle a fait valoir qu'il s'agissait d'un sujet important auquel la délégation, sous la présidence et sous la plume de Mme Dinah Derycke, avait consacré un rapport dont l'intérêt et la qualité ont été unanimement reconnus. Elle a dit son souhait que la délégation puisse être saisie de ce projet de loi.

Mme Odette Terrade puis les autres membres présents ont approuvé ce point de vue.

Mme Hélène Luc a évoqué la poursuite des travaux de la délégation sur le thème des inégalités salariales. Elle a par ailleurs suggéré une prochaine réunion du Bureau de la délégation, dont le principe a été retenu.

Mme Odette Terrade a souhaité que la délégation se penche sur le thème du cancer du sein, qui constitue, pour les femmes, un problème de santé publique majeur. M. Alain Gournac, soulignant les insuffisances de la politique française de prévention en ce domaine, a insisté sur la nécessité d'étendre les mesures de dépistage.

Après que Mme Gisèle Printz, M. Alain Gournac et Mme Monique Cerisier-ben Guiga se sont associés à la remarque de Mme Gisèle Gautier, présidente, sur la fréquence, également, des cancers de l'utérus, M. André Vallet a souhaité l'inclusion de la problématique du cancer du sein et de l'utérus dans le plan national de prévention.

Enfin, M. Claude Domeizel a souhaité que la délégation se penche aussi sur la question de l'égalité en matière de retraite.

Egalité salariale entre les hommes et les femmes - Audition de Mme Brigitte Grésy, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle

Puis la délégation a procédé à l'audition de Mme Brigitte Grésy, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle.

Mme Brigitte Grésy
a indiqué que dès son arrivée au Gouvernement, Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, avait présenté un programme en vingt-cinq actions et placé l'égalité professionnelle au coeur de ses préoccupations.

Elle a rappelé que le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins pour un travail de valeur égale avait été énoncé formellement pour la première fois en 1951 dans la Convention n° 100 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et a ensuite présenté le cadre juridique communautaire : l'égalité des rémunérations pour un même travail a été inscrite en 1957 dans le traité de Rome, article 119. La directive 74/117/CEE est venue compenser la portée manifestement moindre de cette disposition en se référant expressément au principe de l'égalité des rémunérations pour un travail de valeur égale. Lorsqu'il se rapporte à un travail de valeur égale, l'ensemble des éléments et conditions de rémunération doit être exempt de toute discrimination fondée sur le sexe. La politique européenne -a poursuivi Mme Brigitte Grésy- a enregistré de nouveaux progrès à cet égard au cours des années 90 et le traité d'Amsterdam a apporté, en son article 141, un fondement juridique à l'interdiction d'une discrimination salariale entre les femmes et les hommes pour un travail de même valeur.

Elle a ensuite précisé que les textes communautaires relatifs à l'égalité des salaires devaient servir de cadre à l'action des pouvoirs publics, mais que le très faible nombre de décisions jurisprudentielles ne permettait pas d'apporter des précisions, et que son service conduisait des études sur les écarts de salaires, au niveau national, dans le secteur du bâtiment.

Mme Brigitte Grésy, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle, a indiqué que les principaux éléments invoqués pour expliquer les différences salariales entre les hommes et les femmes étaient les suivants :

- l'investissement en capital humain, en termes, d'une part, de niveau et de type de formation initiale et, d'autre part, d'expérience professionnelle, peut être un facteur de distorsion salariale entre femmes et hommes sur le marché du travail ;

- les femmes sont concentrées dans les postes les moins qualifiés du tertiaire (elles représentent 76,5 % des employées) ; de plus, les hommes et les femmes ne se répartissent pas de manière égale dans les différents secteurs de l'économie, la majorité des emplois féminins restant concentrée dans un petit nombre de métiers et secteurs d'activité : ainsi sur les trente et une catégories socioprofessionnelles que distingue l'INSEE, les six catégories les plus féminisées regroupent 61 % de l'emploi féminin ;

- ce sont le plus souvent les femmes qui travaillent à temps partiel, ce qui accentue de fait les écarts salariaux entre les sexes ;

- seulement 7 % des femmes font partie de l'encadrement supérieur des 5.000 plus grandes entreprises françaises ; ce phénomène de « plafond de verre » écarte les femmes de nombreux postes à responsabilités et, par conséquent, des rémunérations les plus hautes.

Elle a jugé souhaitable de revaloriser un certain nombre de professions, notamment « d'assistance de vie » et d'inciter les partenaires sociaux à négocier dans ce sens.

Mme Brigitte Grésy a ensuite évoqué la nécessité de mieux articuler les temps de vie des femmes et de favoriser la progression des carrières féminines en encourageant les structures collectives de garde d'enfant.

M. Claude Domeizel s'est interrogé sur l'analyse comparée entre hommes et femmes en matière de prévention des risques professionnels dans la fonction publique, notamment territoriale et hospitalière. Il a indiqué que la profession d'infirmière était tout particulièrement exposée à des risques d'invalidité, notant à ce propos que le nombre de pensions d'invalidité était un bon indicateur de risque.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a évoqué les pratiques parfois discriminatoires, sur le plan des rémunérations et des droits sociaux, du ministère des affaires étrangères envers les femmes, à travers le régime du « recrutement local ». Elle a dit redouter que la remise en cause de la réduction de la durée du travail ne s'accompagne d'une régression dans l'articulation des temps de vie et du temps professionnel.

Mme Paulette Brisepierre a souligné que la maternité devait être prise en compte de manière réaliste dans le recrutement des cadres de très haut niveau, qui doivent satisfaire de par leurs fonctions à des contraintes de disponibilité exceptionnelles. Mme Janine Rozier a indiqué qu'elle fondait beaucoup d'espoirs sur une « allocation de libre choix » et a insisté sur l'importance des mesures d'amélioration de la garde d'enfant.

Mme Gisèle Printz a fait observer -pour le déplorer- que le simple fait qu'un secteur d'activité soit occupé majoritairement par des femmes entraînait une sous-rémunération.

Mme Brigitte Grésy, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle, a ensuite évoqué le « plafond de verre » qui limite l'accès des femmes aux « lieux décisionnaires » et l'importance d'une gestion prévisionnelle des congés de maternité.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, en citant l'exemple des caissières, a évoqué le problème du temps partiel et de la flexibilité contraints, qui entraînent un cumul de handicaps pour les femmes.

Se référant à son expérience de la vie publique, Mme Gisèle Gautier, présidente, a noté les difficultés des femmes à prendre la parole et souligné l'importance de l'effort -de formation notamment- à conduire pour y remédier.

Mme Brigitte Grésy a évoqué deux expériences étrangères présentant un intérêt particulier :

- au Royaume-Uni, une campagne de trois ans lancée en 1999 (Valuing women) a pour objectif de réduire l'écart de rémunération entre les sexes en éliminant tous les éléments qui engendrent une discrimination sexiste dans les systèmes de rémunération. La méthode d'évaluation analytique des emplois est largement répandue dans ce pays, mais son application est totalement facultative et il n'est prévu d'obligation d'aucune sorte ;

- en Belgique, la convention collective de travail n° 25 du 15 octobre 1975, conclue au sein du Conseil national du travail, sur l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et féminins fournit un instrument juridique important. Il y est fait expressément mention des systèmes d'évaluation des fonctions, qui doivent assurer l'égalité de rémunération entre les sexes. Un accord interprofessionnel a, en outre, été conclu pour 1999-2000.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné la nécessité de former les femmes pour les préparer à occuper des fonctions de responsabilité réputées masculines et Mme Gisèle Printz a évoqué l'importance du contexte familial.

Mme Sylvie Desmarescaux a déploré les besoins non satisfaits de recrutement dans le secteur social -pourtant si essentiel- en raison de la faiblesse des salaires.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a fait observer que les jeunes filles étaient souvent attirées par les études littéraires, satisfaisantes pour l'esprit mais qui débouchent sur des métiers moins bien rémunérés.