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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Audition de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

Mercredi 29 octobre 2003

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s'est d'abord réjouie de la qualité des activités de la délégation aux droits des femmes du Sénat, en particulier des rapports qu'elle établit et des interventions de sa présidente, indiquant que ces travaux constituent, pour elle, une source très importante de réflexion et de propositions.

Elle a insisté sur la place centrale qu'occupent les droits des femmes dans les préoccupations politiques, économiques et sociales d'aujourd'hui, et sur l'évolution très positive des esprits sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes.

La ministre a ensuite résumé la communication sur l'égalité professionnelle qu'elle avait présentée en Conseil des ministres le matin même. Elle a indiqué que le Gouvernement avait décidé de placer les femmes au coeur de sa stratégie de croissance, les femmes constituant un vivier de compétences, et un facteur de dynamisme social et de performance économique. Rappelant qu'elles sont désormais à l'origine de 30 % des créations d'entreprises, elle a noté que, si les efforts devaient être poursuivis, une réelle amélioration pouvait, d'ores et déjà, être soulignée. Ainsi l'égalité des chances représente-t-elle un investissement social qui sert le développement de l'économie.

Elle a expliqué que le retournement du nombre d'actifs à l'horizon 2005 allait transformer l'approche de la mixité professionnelle. Afin d'utiliser l'ensemble du potentiel de compétences de la nation, l'égal accès des femmes à la formation professionnelle devient une exigence. L'accès des femmes aux postes de responsabilités devrait s'en trouver également accru. Les chefs d'entreprise, comme les actionnaires, a-t-elle observé, sont d'ailleurs de plus en plus conscients de cette évolution.

Mme Nicole Ameline a également souligné que "l'introduction de la parentalité dans l'entreprise est un facteur de croissance ; la prise en compte de l'articulation des vies professionnelle et personnelle favorise l'augmentation du taux d'activité des femmes et, par conséquent, du taux d'activité global ; elle permet également de soutenir le taux de natalité". Elle a estimé qu'accroître le taux d'activité des femmes tout en maintenant un taux de natalité élevé permet de répondre à l'aspiration à l'autonomie financière que procure le travail. Dès lors, les actions favorisant la conciliation des différents temps de la vie et la prise en compte de la parentalité par les entreprises constituent non un coût, mais un investissement favorisant la croissance à long terme.

La ministre a ensuite insisté sur la méthode. Elle a indiqué que le Gouvernement privilégiait la concertation et le dialogue social plutôt que la contrainte législative et a d'ailleurs fait part de son optimisme sur ce point. Ainsi, a-t-elle observé, la question de l'égalité a été prise en compte dans la réforme des retraites, qui a introduit des mesures destinées à compenser les carrières incomplètes ou moins rapides en raison des tâches d'éducation qui relèvent encore majoritairement des femmes, et dans les négociations sur la formation professionnelle. Les partenaires sociaux ont expressément intégré le thème de l'égalité professionnelle dans l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003. Et le projet de loi relatif au développement de la formation tout au long de la vie inclut des dispositions de nature à faciliter l'accès des femmes à la formation professionnelle.

Mme Nicole Ameline a rappelé que la concertation sur l'égalité professionnelle avait été marquée par la tenue d'une table ronde, le 19 décembre 2002, qui avait permis de relancer le dialogue social et tracer les chantiers de la négociation collective. Elle a indiqué que la conférence de l'égalité, le 6 mars 2003, avait rassemblé les grands acteurs publics et privés pour débattre des enjeux de l'égalité entre les hommes et les femmes et définir une méthode d'action et des outils nouveaux qui engagent l'ensemble des acteurs sur la voie de la démocratie paritaire. Une réunion d'étape rassemblant les partenaires sociaux sur l'avancement de la négociation collective a ensuite eu lieu le 15 juillet 2003. S'appuyant sur les conclusions auxquelles l'avaient conduite un déplacement effectué avec les partenaires sociaux en Suède et en Finlande, afin de mesurer les effets des actions menées dans ces pays pour favoriser la mixité et l'égalité dans le monde du travail, elle a estimé que la France avait un modèle équilibré permettant de préserver à la fois un taux d'activité des femmes élevé et un taux de natalité lui aussi soutenu. Elle a jugé qu'il convenait de conforter ce système, afin de mettre un terme à la « culture du renoncement » et d'encourager les femmes à poursuivre leur carrière professionnelle.

Mme Nicole Ameline a ensuite présenté les différents outils mis en place ou améliorés en termes d'innovation sociale. Elle a indiqué que le plan national d'action pour l'emploi se déclinerait au niveau régional et mobiliserait l'ensemble du service public de l'emploi, pour faciliter l'accès ou le retour à l'emploi des femmes, celles-ci étant trop fréquemment les premières concernées par les plans de licenciement, alors qu'elle sont déjà, souvent, pénalisées en termes de validation des acquis de l'expérience.

Elle a indiqué que l'État se devait d'être exemplaire en termes d'accès des femmes aux postes de responsabilités dans la fonction publique et que vingt propositions dans ce sens avaient été présentées, conjointement avec le ministre de la fonction publique.

Elle a précisé que l'élaboration d'un « label égalité » destiné à valoriser la prise en compte de ce principe par les entreprises se poursuivait, en accord avec les partenaires sociaux. Ce label doit permettre de reconnaître la prise en compte de l'égalité professionnelle dans la gestion des ressources humaines et dans l'organisation de l'activité ou de la production par les entreprises qui en auront fait un élément important de leur responsabilité sociale. Dans le même temps, un guide des bonnes pratiques de l'égalité professionnelle en entreprise est en cours de réalisation.

Elle a rappelé la création, prévue en 2004, d'une autorité indépendante de lutte contre toutes les discriminations, qui permettra, notamment, de mieux combattre la discrimination au travail. Elle a également fait part de la constitution d'un groupe de travail réunissant l'Etat et les partenaires sociaux, dont la mission consiste à identifier des indicateurs pertinents de l'égalité et à établir un tableau de bord de l'égalité professionnelle facilitant l'échange et la communication de l'information, l'analyse de la situation et la mesure de l'impact des politiques publiques et des dispositions issues de la négociation collective.

Mme Nicole Ameline a informé la délégation de la mise en place, à la fin 2003, d'un nouveau dispositif de soutien à la création d'entreprises ou d'activités, destiné à accroître les chances des jeunes filles et femmes des quartiers en difficulté de faire aboutir leurs initiatives, en les plaçant dans un environnement économique et social favorable. Ce dispositif devrait reposer sur la combinaison du parrainage des porteuses de projet par un chef d'entreprise du même secteur d'activité et d'un appui technique de proximité par une structure classique d'accompagnement à la création d'entreprise.

Elle a indiqué qu'un groupe de travail interministériel s'était réuni à son initiative, sur la réforme du statut des conjoints, pour ouvrir l'accès à un statut pour tous les conjoints de travailleurs indépendants, améliorer leur protection par des droits sociaux individuels, favoriser leur accès à la formation professionnelle continue et à la validation des acquis de l'expérience, faciliter leur participation à la vie de l'entreprise et à celle des organismes professionnels représentatifs.

La ministre a ensuite évoqué les droits des femmes face à plusieurs problèmes de société. Et d'abord, celui des violences conjugales.

Le projet de loi portant réforme du divorce, prochainement examiné par le Parlement, comportera une disposition prévoyant l'éloignement immédiat du conjoint violent du domicile conjugal. Afin de sécuriser les femmes sur le plan juridique et psychologique, les certificats médicaux établis à l'occasion du constat de violences conjugales, aujourd'hui de présentation spécifique, avec mention de l'incapacité temporaire de travailler seront banalisés. De même, le soutien psychologique des femmes déclarant des violences sera renforcé, dès le dépôt de plainte au commissariat.

Elle a également fait part du travail mené en coopération avec Mme Fadela Amara pour lutter contre les violences faites aux jeunes femmes des « cités ». Elle a rappelé les engagements pris par le Premier ministre et tenus par elle, en étroite coordination avec les autres ministères concernés, notamment la diffusion d'un guide de l'éducation au respect, l'hébergement d'urgence des jeunes filles menacées ou victimes de violences, la réalisation de l'université d'automne, à laquelle elle a participé, et de séminaires de formation.

Puis Mme Nicole Ameline a abordé la question de l'image des femmes dans les médias, et des progrès restant à accomplir en la matière. Elle s'est félicitée de ce que les professionnels de la publicité et de l'affichage qu'elle a rencontrés aient pris conscience de la nécessité de renforcer le dispositif d'autodiscipline et d'autocontrôle pour le respect de la déontologie renforcée, et a annoncé qu'un accord en ce sens était en vue, qui faciliterait l'expression de l'indignation que suscite certaines dérives.

La ministre a insisté sur son ambition de « substituer à la politique de l'égalité une véritable culture de l'égalité », et a détaillé les différents outils mis en oeuvre pour atteindre cet objectif : une charte nationale de l'égalité destinée à harmoniser les pratiques et les engagements ; un réseau parité, destiné à créer des synergies entre les différents partenaires, en particulier les associations ; un conseil national de l'égalité, dont la création est prévue, qui fédérera les instances de concertation et de consultation.

Mme Nicole Ameline a ensuite indiqué qu'elle s'était rendue en Afghanistan, où elle avait rencontré la ministre de la condition féminine de ce pays. Elle a rappelé que la nouvelle constitution afghane, dont la rédaction est en cours, devait comporter la notion d'égalité. Elle a également évoqué un déplacement effectué au Maroc, où le roi vient d'annoncer une importante réforme du droit de la famille.

Enfin, elle a abordé les questions budgétaires. Elle a indiqué que les moyens prévus au projet de loi de finances initiale pour 2004 s'élèvent à 17 millions d'euros, en diminution de 5 % par rapport au budget voté en 2003. Ces crédits sont, pour l'essentiel, affectés aux services décentralisés du ministère, en particulier les déléguées régionales et départementales aux droits des femmes, et aux associations qui très souvent exercent une mission d'intérêt général et effectuent un travail de terrain remarquable.

Mme Gisèle Gautier, présidente, après avoir constaté la rigueur budgétaire qui s'appliquait aux crédits du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle, s'est félicitée de certaines initiatives pragmatiques annoncées en Conseil des ministres, avec notamment des mesures « palpables » en faveur du retour à l'emploi des femmes et de leur accès aux postes de responsabilités.

Elle a ensuite souligné l'importance des rencontres internationales permettant de porter témoignage de l'action des pouvoirs publics en matière de parité.

Mme Danièle Pourtaud a manifesté sa « perplexité » face à l'intervention de la ministre. Elle a estimé qu'il aurait été pertinent de rendre hommage à l'action du gouvernement précédent, toutes les mesures annoncées par l'actuel Gouvernement en faveur de la parité et de l'égalité professionnelle entre les sexes faisant partie de l'« héritage » qui leur avait été transmis.

Rappelant que le taux de chômage des femmes se chiffre à 10,7 %, elle a regretté qu'aucune mesure concrète ne soit prévue dans ce domaine et déploré l'absence de mesures en faveur des sans domicile fixe. Elle a souligné qu'en Ile-de-France, 30 % d'entre eux sont des femmes.

Elle s'est inquiétée de l'insuffisance des crédits consacrés aux crèches, à la scolarisation des enfants de deux ans, et a regretté l'effet singulièrement peu encourageant du nouveau dispositif des retraites en matière de conciliation entre maternité et vie professionnelle. Elle a rappelé qu'en raison du nouveau mode de calcul des pensions, les femmes seront incitées à arrêter de travailler en phase de maternité.

Elle a demandé des précisions sur les modalités de la baisse des crédits budgétaires de 5 %.

Se référant aux conclusions du rapport d'information n° 354 (2002-2003) de M. Adrien Gouteyron « La cause des femmes : mieux gérer pour mieux agir », elle a interrogé la ministre sur les suites données aux souhaits de meilleure utilisation des crédits exprimés par la commission des finances.

Mme Odette Terrade a également regretté la diminution de 5 % des crédits affectés à la parité, en soulignant la modestie de leur montant global.

Elle a évoqué la situation difficile en matière de logement d'urgence pour les femmes ayant des enfants et cité en exemple la montée des besoins observée dans son département.

Elle a interrogé la ministre sur les initiatives gouvernementales tendant à inscrire et consolider le principe de parité dans la Constitution européenne.

Mme Nicole Ameline, après avoir rappelé que, depuis 20 ans, les résultats concrets de l'action des pouvoirs publics en matière de parité n'avaient pas été à la hauteur des espérances, a refusé de s'engager sur le terrain de la polémique et souhaité une mobilisation consensuelle tournée vers l'avenir.

S'agissant de la loi Génisson, elle a indiqué qu'elle avait souhaité innover non pas en remodelant la loi, mais en réactivant le dialogue social pour que l'objectif de parité qu'elle contient puisse irriguer l'ensemble du monde du travail.

Au plan budgétaire, la ministre a manifesté sa volonté d'optimiser la dépense publique, sans pour autant se « défausser » sur les collectivités locales, et en conduisant des partenariats, notamment avec les régions, pour éviter les doubles emplois générateurs de perte d'énergie et de dépenses supplémentaires.

S'agissant du chômage, elle a souligné que les femmes étaient les premières victimes de la précarisation de l'emploi et indiqué que des actions spécifiques étaient menées en liaison avec l'ANPE. Elle a insisté sur la nécessité d'une stratégie globale en matière d'emploi des femmes et a rappelé la part de plus en plus grande des femmes dans la création d'entreprises.

Elle a souhaité qu'un retour de la croissance puisse bénéficier prioritairement aux femmes, celles-ci étant les premières frappées en cas de retournement conjoncturel.

Mme Danièle Pourtaud a déclaré partager la détermination de la ministre à impliquer les partenaires sociaux dans l'application de la loi Génisson et constaté que ce dialogue avait déjà été largement engagé par le gouvernement précédent, en citant des exemples précis dans le secteur du bâtiment ou de la restauration.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, après avoir rendu hommage aux actions conduites en matière d'égalité professionnelle par les gouvernements successifs, a néanmoins signalé qu'aucun accord interprofessionnel n'avait été conclu depuis 1989 et manifesté son intention de remédier à cette carence.