MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE DE DRESSER LE BILAN DE LA DECENTRALISATION ET DE PROPOSER LES AMELIORATIONS DE NATURE A FACILITER L'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES

Table des matières


Jeudi 18 novembre 1999

- Présidence de M. Jean-Paul Delevoye, président -

Communication du rapporteur et échanges de vues sur la sécurité juridique des actes des collectivités, les conditions d'exercice des mandats locaux et les perspectives du système de financement local

Rappelant que l'un des objectifs que s'était fixé la mission d'information consistait à apprécier le bilan de la décentralisation au regard de l'efficacité de l'action publique, M. Jean-Paul Delevoye, président, s'est inquiété de la triple asphyxie qui menaçait les collectivités locales.

Il a en premier lieu relevé le risque d'une asphyxie financière même si les finances des collectivités paraissaient actuellement saines. Il a en effet souligné les perspectives inquiétantes que constituaient l'accroissement des charges imposées et le rétrécissement des marges manoeuvre, alors que l'avenir du système de financement des collectivités locales paraissait incertain.

En deuxième lieu, M. Jean-Paul Delevoye, président, a fait état du risque d'une asphyxie réglementaire en raison de l'inflation et de l'instabilité des normes et, d'une manière générale, de la complexité croissante du droit qui contribuait à l'insécurité du contexte juridique dans lequel s'exerçait la gestion locale.

Enfin, décrivant le risque d'une asphyxie " sociétale ", M. Jean-Paul Delevoye, président, a successivement énoncé la montée des problèmes sociaux auxquels les collectivités avaient à faire face et la tendance à la pénalisation des relations sociales qui touchaient également les élus locaux, les préoccupaient vivement et risquaient d'entraver leurs initiatives.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a alors fait observer que, dans ce contexte, trois thèmes méritaient de faire l'objet d'une réflexion prioritaire : l'insécurité juridique qui pesait sur la gestion locale, les conditions d'exercice des mandats et l'avenir du système de financement des collectivités locales.

Il a proposé que la communication du rapporteur ainsi que l'échange de vues auquel la mission procéderait soient réunis dans un document de travail qui serait adressé à chacun des membres de la mission d'information ainsi qu'au président du Sénat.

Abordant en premier lieu la question de la sécurité juridique de l'action publique locale, M. Michel Mercier, rapporteur, a fait observer que la situation des élus locaux dans la mise en jeu de leur responsabilité personnelle s'était profondément dégradée. Il a fait valoir que si le principe de la responsabilité de la collectivité, pour assurer la juste réparation du préjudice subi par les victimes, avait toujours été admis, la mise en cause pénale des élus locaux pour des fautes d'imprudence ou de négligence était de plus en plus recherchée et constituait bien souvent le moyen détourné de mettre en cause leur responsabilité politique à travers leur condamnation morale.

M. Michel Mercier, rapporteur, a souligné que cette mise en cause plus fréquente de la responsabilité pénale des élus locaux pour des fautes d'imprudence ou de négligence s'inscrivait dans un contexte plus général d'une dégradation des conditions d'exercice des mandats locaux sous l'effet d'une insécurité juridique croissante.

Il a ainsi mis en cause l'inflation normative, soulignant que les règles que les élus locaux étaient chargés d'appliquer étaient trop souvent générales et floues, voire contradictoires.

M. Michel Mercier, rapporteur, a par ailleurs fait observer que les contrôles auxquels l'action publique locale était soumise devraient avoir un caractère protecteur en fixant précisément les limites juridiques dans lesquelles cette action s'insérait. Or, il a relevé que la superposition des contrôles aboutissait trop souvent à des solutions contradictoires, les appréciations du contrôle de légalité et des juridictions financières pour un même acte divergeant. Il a noté qu'une jurisprudence récente avait reconnu la responsabilité de l'Etat lorsque le préfet choisissait de ne pas déférer un acte au tribunal administratif.

M. Jacques Bellanger a alors cité des exemples dans lesquels la responsabilité de l'Etat avait pu être engagée dans les mêmes conditions en matière d'urbanisme.

M. Jean-Paul Delevoye, président, s'est inquiété de la responsabilité de l'Etat dans la délivrance de certains documents administratifs. Prenant l'exemple des inondations dont avait été victime le département de l'Aude, il a fait observer que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement avait cru pouvoir mettre en cause la responsabilité des élus locaux alors même que l'Etat avait la charge des plans de prévention des risques naturels.

Après que M. Jacques Bellanger eut jugé maladroite cette déclaration ministérielle, M. Jean-Paul Delevoye, président, a estimé que la question méritait réflexion, l'État n'exerçant pas ses responsabilités pour l'élaboration des plans de prévention des risques naturels et certains citoyens s'opposant à l'application des normes permettant de prévenir les conséquences des risques.

Faisant le constat de la pénalisation des sociétés modernes, M. Jean-Paul Delevoye, président, a observé que l'affaiblissement des structures traditionnellement chargées d'inculquer les notions de bien et de mal se traduisait par une dérive aboutissant à confier ce rôle aux instances judiciaires.

M. Michel Mercier, rapporteur, a alors estimé que les orientations susceptibles d'être retenues par la mission d'information devraient porter tout à la fois sur la responsabilité pénale des élus locaux et sur la rénovation de l'environnement juridique dans lequel s'exerçait l'action publique locale.

S'intéressant en premier lieu à la responsabilité pénale des élus locaux, M. Michel Mercier, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité d'aménager certaines règles de procédure sans pour autant créer, au profit des élus locaux, un régime particulier dérogatoire qui mettrait en cause l'égalité des citoyens devant la justice.

Le rapporteur a rappelé que l'idée de rétablir une procédure spécifique permettant la saisine préalable de la Cour de cassation à toute mise en examen d'un élu local pour un délit commis dans l'exercice de ses fonctions avait été avancée. Il a en outre fait état de l'idée d'étendre au droit pénal la notion de faute détachable appliquée de longue date par la juridiction administrative. Il a indiqué que lors de l'examen du projet de loi relatif à la présomption d'innocence, le Sénat avait adopté deux mécanismes de ce type.

Puis, examinant les conditions de mise en mouvement de l'action publique, M. Michel Mercier, rapporteur, a fait valoir que le droit reconnu à la victime de mettre en mouvement l'action publique constituant la contrepartie des pouvoirs du parquet, lequel appréciait l'opportunité des poursuites et pouvait donc les empêcher, il paraîtrait difficile de réserver au seul ministère public l'action publique contre un élu municipal pour une faute d'imprudence commise dans l'exercice de ses fonctions.

Il a néanmoins relevé que la multiplication du nombre d'associations habilitées à déclencher l'action publique aboutissait à un émiettement de cette dernière, mettant en cause sa cohérence. Il a estimé que la mission d'information devait se préoccuper de cette évolution périlleuse, notamment en envisageant les moyens de dissuader les recours abusifs.

M. Michel Mercier, rapporteur, a ensuite considéré que le recours plus systématique au statut de témoin assisté pourrait permettre d'éviter certaines mises en examen pour des fautes non intentionnelles. Rappelant que ce statut était actuellement peu appliqué, il a relevé que le projet de loi relatif à la présomption d'innocence tendait à en favoriser l'utilisation. Il a néanmoins fait observer que le recours accru au statut de témoin assisté impliquerait de bien mettre en évidence ce qui le différenciait de la mise en examen.

Indiquant par ailleurs que, lors de l'examen de ce projet de loi, le Sénat avait souhaité subordonner la mise en examen à l'existence d'indices graves ou concordants pesant sur le prévenu, il a fait valoir que ces réformes de portée générale pouvaient présenter un grand intérêt.

M. Michel Mercier, rapporteur, a proposé à la mission d'information de reprendre à son compte une suggestion présentée devant elle par M. Daniel Hoeffel au nom de l'Association des Maires de France, tendant à permettre la prise en charge par la collectivité locale de l'assurance personnelle de l'élu. Il a noté que cette mesure, qui représentait un faible coût, aurait une portée symbolique importante en permettant de rompre l'isolement de l'élu.

M. Michel Mercier, rapporteur, a ensuite évoqué l'idée d'étendre la responsabilité pénale des collectivités locales. Considérant qu'il pourrait être logique de privilégier la recherche de cette responsabilité à l'instar de ce que faisait depuis longtemps la jurisprudence administrative, il a précisé que cette solution reviendrait à subordonner le cumul des responsabilités à une faute d'une particulière gravité commise par la personne physique. Il a indiqué que, dans ce cadre, l'élu local ne pourrait être mis en examen que si, au terme de l'instruction, il apparaissait qu'il avait commis une faute grave.

Le rapporteur a néanmoins fait observer qu'une telle solution impliquerait d'élargir le champ de la responsabilité pénale des collectivités locales, laquelle était actuellement limitée aux seules activités susceptible de faire l'objet d'une délégation de service public. Il a en outre noté que plusieurs personnes auditionnées par la mission d'information s'étaient interrogées sur l'application aux collectivités locales des peines prévues pour les personnes morales et avaient observé que cette responsabilité pénale serait en définitive financièrement supportée par les contribuables. Il a enfin relevé que la responsabilité des personnes morales ne semblait pas communément admise dans les Etats européens voisins, notamment en Allemagne, dont le droit prévoyait néanmoins un système original d'infractions administratives.

M. Michel Mercier, rapporteur, a fait valoir que la revalorisation de la voie civile pour obtenir la réparation d'un préjudice causé involontairement par des fautes d'imprudence ou de négligence commises dans le cadre de la gestion locale devait constituer une priorité. Il a rappelé que devant la mission d'information, le directeur des affaires criminelles et des grâces avait estimé que l'indemnisation civile devrait précéder le procès pénal afin que celui-ci soit abordé avec plus de sérénité et un moindre souci de vengeance.

Après avoir fait observer que plusieurs dispositifs législatifs, notamment les lois du 5 juillet 1985 en ce qui concerne les accidents de la circulation et du 9 Septembre 1986 pour ce qui est des victimes d'attentats, avaient tendu à faciliter l'indemnisation des victimes le rapporteur a estimé que des procédures accélérées inspirées de ces dispositifs pourraient être appliquées à la réparation des dommages causés par des fautes d'imprudence ou de négligence commises par les élus locaux dans l'exercice de leurs fonctions.

Puis, s'intéressant à la possibilité d'aménager les règles de fond, M. Michel Mercier, rapporteur, a fait valoir que la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence, adoptée à l'initiative du Sénat, avait donné une nouvelle rédaction à l'article 121-3 du code pénal afin de subordonner la responsabilité pénale à une appréciation in concreto de la faute d'imprudence ou de négligence.

Tout en estimant qu'il était encore prématuré de chercher à mesurer les effets de cette loi, M. Michel Mercier, rapporteur, a néanmoins rappelé que, devant le Sénat, le 28 avril dernier, le garde des sceaux avait estimé qu'après l'entrée en vigueur de cette loi, la motivation des décisions de justice sur les circonstances concrètes était devenue plus détaillée et avait indiqué que son application avait pu conduire à des décisions de relaxe. Il a souligné que le directeur des affaires criminelles et des grâces avait pour sa part souligné devant la mission d'information l'impact positif de ce nouveau dispositif sur le comportement des parquets.

Après avoir considéré que cette législation avait constitué un progrès réel, M. Michel Mercier, rapporteur, a néanmoins estimé qu'il était nécessaire de mieux caractériser la faute d'imprudence ou de négligence susceptible d'engager la responsabilité pénale. Rappelant que le code pénal affirmait qu'en principe il n'y avait point de crimes ou délits sans intention de les commettre, il a fait valoir que les délits involontaires susceptibles d'engager la responsabilité de leurs auteurs devaient être plus précisément délimités. Or, il a fait observer que pour que l'infraction soit caractérisée, il suffisait actuellement qu'il y ait eu une faute et qu'il existe un lien de causalité entre cette faute et le dommage, sans qu'il soit exigé que le lien de causalité soit direct, ni que la faute soit caractérisée.

Faisant état de la proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels présentée par M. Pierre Fauchon, M. Michel Mercier, rapporteur, a estimé qu'il pourrait être envisagé de distinguer désormais deux situations constitutives de l'homicide involontaire ou des blessures involontaires. Il a précisé que dans le cas où un lien direct existerait entre la faute et le dommage, la responsabilité pénale pourrait être envisagée pour faute simple, mais qu'en revanche, si ce lien était indirect, la responsabilité serait subordonnée à l'existence d'une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité imposée par la loi ou des règlements.

Jugeant nécessaire de rendre à la sanction pénale sa fonction première d'exemplarité, M. Michel Mercier, rapporteur, a estimé qu'il conviendrait de limiter le nombre des incriminations pénales. Il a en outre fait observer que, conformément au principe de légalité des délits et des peines, la définition des infractions devait être suffisamment claire et précise pour exclure l'arbitraire. Il a rappelé que, devant le Sénat, le garde des sceaux avait lui-même reconnu que le délit de favoritisme dans les marchés publics avait été défini de manière insuffisamment claire.

M. Michel Mercier, rapporteur, a ensuite estimé que l'environnement juridique des collectivités locales devait être rénové. Appelant à une clarification normative, il a considéré que la codification devait permettre de faciliter la connaissance et l'accès des élus locaux aux normes applicables et qu'elle devrait être suivie d'une clarification et d'une simplification des textes en vigueur. Il a souligné que cet objectif était loin d'être atteint, notamment en matière financière et fiscale. Il a également jugé que la mission d'information devrait être appelée à formuler des propositions en ce qui concerne les normes techniques, question qui faisait l'objet actuellement d'une réflexion menée par M. Philippe Adnot au sein du comité des finances locales.

M. Michel Mercier, rapporteur, a par ailleurs jugé nécessaire une clarification des responsabilités destinée à remédier au brouillage des compétences et à la complexité excessive du système administratif local. S'intéressant aux relations des collectivités locales avec l'Etat, il a fait valoir que l'émergence des formules contractuelles avait aussi pour effet d'aboutir à un certain mélange des responsabilités. Il a en outre plaidé pour une clarification des missions des services déconcentrés de l'Etat, lesquels étaient à la fois acteurs, contrôleurs et conseils de la décentralisation. Il a souligné le rôle de la réforme de l'Etat pour rétablir la sécurité juridique de l'action publique locale.

M. Michel Mercier, rapporteur a fait valoir que l'organisation même des collectivités locales devrait être repensée en fonction de l'accroissement du risque pénal, notamment en clarifiant la répartition des compétences et, comme l'avait suggéré devant la mission d'information M. Jacques Fournier, conseiller d'Etat, en clarifiant les conditions d'exercice des responsabilités au sein même des collectivités locales. Il a en outre jugé nécessaire de renforcer les moyens de contrôle propres aux collectivités locales, soulignant qu'à l'occasion des états généraux des élus locaux organisés à l'initiative du Président du Sénat, une grande majorité d'élus locaux avaient fait part de leur intérêt pour la mise en place d'agences intercommunales de conseil. Il a enfin estimé que la reconnaissance de la fonction de juriste dans le cadre des filières de la fonction publique territoriale pourrait également contribuer à une meilleure prévention des risques juridiques.

M. Michel Mercier, rapporteur, a enfin plaidé pour une rénovation des contrôles. Il a fait observer que le contrôle de légalité devrait être mieux assuré et, le cas échéant, être susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. Énonçant les moyens d'améliorer les conditions d'exercice du contrôle de légalité, il a successivement évoqué la formation des agents chargés de ce contrôle, les outils d'analyse qui devaient être confiés aux services concernés et la mise en place éventuelle de pôles de compétences autour du préfet.

Le rapporteur a fait observer que le contrôle de légalité étant assuré dans de meilleures conditions, il pourrait paraître logique qu'en cas de défaillance, il puisse, le cas échéant, engager la responsabilité de l'Etat. Il a relevé que cette solution pourrait apparaître comme la conséquence des dispositions de l'article 72 de la Constitution, qui confiaient au délégué du Gouvernement dans les départements et territoires la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Il a relevé que le transfert de la responsabilité de l'acte sur l'État semblait cohérent avec le caractère unitaire de celui-ci, la décentralisation n'étant en définitive qu'une modalité d'organisation de l'Etat, lequel était le garant du respect de l'ordre juridique.

Enfin, M. Michel Mercier, rapporteur, a considéré que la question de la sécurité juridique des actes des collectivités locales ne pouvait pas être dissociée des conditions dans lesquelles le contrôle financier était exercé par les chambres régionales des comptes. Il a jugé nécessaire la mise en oeuvre des préconisations destinées à améliorer ce contrôle, qui avaient été formulées par le groupe de travail commun à la commission des lois et à la commission des finances sur les chambres régionales des comptes.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a souhaité mettre l'accent sur la notion de " gestion du risque pénal " afin de montrer la volonté de la mission d'information de concilier les exigences de la " pénalisation " croissante de la société avec celles de l'efficacité de l'action publique locale.

M. Paul Girod a estimé qu'en matière de sécurité juridique de l'action publique locale, il serait préférable d'aborder le volet relatif à l'environnement juridique des collectivités locales avant celui portant sur le risque pénal, tout en donnant à chacun d'eux une importance équilibrée.

M. Robert Bret a souligné le caractère récurrent du débat sur les moyens de mieux faire respecter la présomption d'innocence des élus locaux et il a souhaité que les conclusions de la mission d'information évitent les solutions instaurant une procédure judiciaire dérogatoire du droit commun pour les élus locaux.

Constatant que la " pénalisation " de la société civile risquait de paralyser l'action des élus locaux, il a estimé essentiel de mettre l'accent sur la rénovation du cadre légal de l'action des collectivités locales.

M. Jacques Bellanger a considéré que la mission d'information ne devait pas oublier que, dans un sondage récent, 60 % des personnes interrogées avaient exprimé une mauvaise opinion des élus locaux. Il s'est déclaré opposé à toute solution qui pourrait aboutir à traiter différemment les élus locaux des autres citoyens.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a estimé que la " pénalisation " de la société était sans doute irréversible et que l'objectif de la mission devait donc être d'éviter que ce phénomène " asphyxie " l'action des collectivités territoriales et décourage la vocation des élus.

Il s'est inquiété que des associations puissent engager des recours contentieux sous l'influence de pressions extérieures en vue de remettre en cause des projets d'aménagement ou des procédures d'appels d'offres concurrentielles.

M. Michel Mercier, rapporteur, a souligné que la sécurité juridique de l'action publique locale était au service du citoyen.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a relevé le contraste entre des citoyens qui connaissaient mal leurs droits et le zèle procédurier excessif de certains. Il a souligné l'importance d'une amélioration " de l'ingénierie juridique " au service des élus locaux.

Il s'est interrogé sur le risque de contrôles tatillons des services préfectoraux si la responsabilité de l'Etat devait être engagée en cas de défaillance du contrôle de légalité. Il a considéré néanmoins qu'il serait anormal que la responsabilité de l'Etat ne soit pas engagée si la carence du contrôle de légalité était grave et évidente.

M. Jacques Bellanger s'est à son tour inquiété de la possibilité de contrôles tatillons des services chargés du contrôle de légalité en cas de mise en jeu de la responsabilité de l'État.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a souligné que la sécurisation des actes juridiques des collectivités locales pouvait être recherchée à trois niveaux : celui des services de l'Etat, celui des services des collectivités locales et, enfin, celui des organismes en relation contractuelle avec les collectivités locales.

M. Robert Bret a regretté que " les pôles de sécurité juridique " constitués par certaines collectivités locales n'apportent pas de véritable assurance contre les risques de contentieux pénal. Il a estimé important que les représentants de l'Etat prennent des engagements au cours de réunions tenues avec les services des collectivités locales.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a rappelé que dans un système décentralisé, celui qui assumait la responsabilité des décisions devait en assumer les conséquences.

M. Michel Mercier, rapporteur, s'est prononcé en faveur d'un retour à l'esprit des lois de décentralisation de 1982, en soulignant à nouveau les effets pervers de la jurisprudence du Conseil d'Etat de 1991 qui avait admis que les préfets n'étaient pas tenus de déférer un acte illégal.

M. Paul Girod s'est inquiété du risque d'inconstitutionnalité du principe de mise en jeu de la responsabilité de l'Etat à l'occasion du contrôle de légalité. Il s'est interrogé sur le danger du développement de contrôles pointilleux et d'un allongement des délais dans lesquels les actes des collectivités locales devenaient exécutoires.

M. Robert Bret a déploré les insuffisances en moyens humains et en compétences des services du contrôle de la légalité.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a estimé anormal que le même acte, souvent pris dans des conditions d'urgence, soit soumis successivement aux contrôles du préfet, du trésorier payeur général, du juge administratif et de la chambre régionale des comptes.

Faisant état des réflexions du groupe de travail sur la responsabilité des décideurs publics conduit par M. Jean Massot, au sein de la Chancellerie, il a précisé que celui-ci étudiait plusieurs pistes, notamment le recours à la procédure du " témoin assisté ", la possibilité pour l'élu de se faire assister au cours d'un procès par les associations de collectivités locales et la prise en charge par la collectivité de l'assurance personnelle des élus. Il a également relevé l'idée de supprimer le caractère automatique des peines d'inéligibilité en cas de sanction pénale.

Il a souligné que la sécurisation juridique laissait entier le problème de la condamnation médiatique a priori qui frappait les élus lors d'une procédure judiciaire.

Puis la mission commune d'information a abordé la question des conditions d'exercice des mandats locaux.

M. Michel Mercier, rapporteur, a tout d'abord souligné l'inadaptation de l'expression " statut de l'élu ", utilisée improprement par analogie avec l'expression consacrée de " statut " de la fonction publique.

Il a ensuite remarqué que le Sénat, lors de l'examen du projet de loi ordinaire relatif à la limitation du cumul des mandats et fonctions et à leurs conditions d'exercice, avait d'ores et déjà adopté de nombreuses avancées législatives en la matière, que la mission commune d'information pourrait proposer de compléter.

Afin de rééquilibrer la représentation sociologique des élus locaux, M. Michel Mercier, rapporteur, a attiré l'attention de la mission d'information sur l'inégalité d'accès des salariés et des fonctionnaires aux mandats et fonctions électives, puis il a présenté les mesures techniques permettant d'améliorer la disponibilité des élus locaux, en particulier le mécanisme du crédit d'heures inspiré des dispositions du droit du travail protégeant les représentants syndicaux.

Il a jugé indispensable que l'exercice de leur mandat par les élus locaux salariés n'entrave pas leur carrière professionnelle, afin de ne pas aggraver la sur-représentation des retraités parmi les titulaires de fonctions électives locales.

En matière de formation des élus, M. Michel Mercier, rapporteur, a estimé que l'enjeu résidait principalement dans une application effective de la loi du 3 février 1992.

Il a rappelé que les indemnités de fonction versées aux élus, sans constituer un salaire, devaient permettre aux élus d'exercer leur fonction dignement, sans pour autant grever les finances publiques. Puis il a considéré que la revalorisation des indemnités des élus était liée à la nécessaire réforme institutionnelle, mais que celle-ci, difficile à mettre en oeuvre, ne pouvait pas être considérée comme un préalable à cette revalorisation. Compte tenu des contraintes financières, il a souhaité que la mission commune d'information s'attache en priorité à améliorer la protection sociale des élus locaux.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a observé que l'augmentation du taux de cotisation des élus au régime de retraite de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités territoriales (IRCANTEC), s'agissant d'un régime par répartition, aurait pour effet immédiat de bénéficier aux actuels retraités.

M. Jacques Bellanger a constaté que, quelles que soient les mesures adoptées pour faciliter l'exercice du mandat local, les responsables de petites entreprises ne pouvaient pas concilier l'exercice d'une responsabilité locale avec leur activité professionnelle.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a noté la captation de l'expression politique locale par certaines catégories socio-professionnelles, au détriment de l'impératif démocratique. Il a craint une évolution vers le système américain, dans lequel les élus, sélectionnés en fonction de leur capacité à lever des fonds, ne représentaient plus leurs concitoyens.

Abordant les perspectives du système de financement des collectivités locales, M. Michel Mercier, rapporteur, a relevé que l'asphyxie financière des collectivités locales n'était pas seulement due à la faiblesse des dotations de l'État et au décalage de l'évolution des recettes fiscales par rapport à la réalité de la vie économique, mais également au fait que les décisions de l'État influaient sur l'aggravation des charges des collectivités locales. A ce sujet, il a jugé nécessaire de permettre aux collectivités locales d'avoir la maîtrise la plus grande possible de l'évolution de leurs dépenses.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a souscrit aux propos du rapporteur, en se référant à l'exemple des services d'incendie et de secours dont la départementalisation était rendue plus difficile par certaines déclarations de membres du Gouvernement relatives au statut des sapeurs-pompiers.

M. Robert Bret a rappelé que la loi de 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours avait été élaborée par le Gouvernement précédent.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a noté que personne ne s'était véritablement opposé à cette loi et que l'Association des maires de France avait, à l'époque, proposé une grille permettant d'uniformiser les régimes applicables aux sapeurs-pompiers dans les différents départements.

M. Jacques Bellanger et M. Guy Vissac ont considéré que les collectivités locales n'avaient pas toujours fait preuve de responsabilité dans leur gestion de la réforme des services départementaux d'incendie et de secours.

M. Michel Mercier, rapporteur, a alors formulé trois propositions pour rénover le système de financement des collectivités locales. Il a tout d'abord jugé nécessaire d'améliorer la lisibilité du financement par l'État des collectivités locales, et notamment du mode de calcul de la dotation globale de fonctionnement. Il a estimé que le système actuel ne continuait à fonctionner qu'au prix d'une complexification extrême.

M. Michel Mercier, rapporteur, a ensuite estimé qu'il convenait de revoir les modes d'indexation des dotations de l'État aux collectivités locales afin de mieux prendre en compte l'évolution de leurs charges et de la croissance économique.

Enfin, le rapporteur a considéré que, dès lors que les impôts locaux étaient de moins en moins acquittés par leurs contribuables, il convenait, tout en maintenant le principe d'un impôt foncier assis localement, de se diriger vers un partage direct entre l'État et les collectivités locales du produit de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les société et de la taxe sur la valeur ajoutée. Il a souligné qu'un tel système permettrait de maintenir une relation entre l'évolution des ressources des collectivités locales et la vie économique, et que l'évolution des ressources locales ne dépendrait plus des décisions de l'État.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a estimé que, dans un État contractuel, le contrat financier entre l'État et les collectivités locales devait être respecté. Dans cette perspective, il a estimé indispensable d'affecter aux collectivités locales de vrais impôts qui respectaient leur autonomie.

M. Jacques Bellanger a estimé que la proposition du rapporteur avait le mérite d'ouvrir un débat. Il a noté qu'elle avait l'avantage de modifier l'assiette de l'impôt local. A cet égard, il a déploré l'obsolescence des bases des impôts directs locaux actuels et le fait que le montant des cotisations de taxe d'habitation ne prenne pas en compte les revenus. Il a cependant observé que, dans le système proposé par le rapporteur, les collectivités locales se voyaient attribuer une part fixe du produit de certains impôts et que, par conséquent, elles n'étaient plus vraiment en mesure d'influer sur le montant de leurs ressources. Il a estimé qu'une gestion locale saine n'était pas possible sans maîtrise d'une partie des ressources.

M. Michel Mercier, rapporteur, a relevé que l'inconvénient souligné par l'orateur précédent correspondait à bien des égards à la situation actuelle. Il a déploré qu'aucune des modifications apportées actuellement au régime des différents impôts locaux ne s'inscrive dans le cadre d'une solution d'ensemble. Il a constaté que la réforme de la taxe professionnelle se traduisait par une perte de ressources par les collectivités locales, et que, par conséquent, pour faire face à leurs dépenses nouvelles, les collectivités locales ne pouvaient plus toucher au taux de taxe professionnelle et étaient contraintes d'agir sur celui de la taxe d'habitation. Pour alléger le poids trop important de cet impôt sur les contribuables modestes, il a observé que l'État était en conséquence tenter de décider de nouveaux allégements, contribuant ainsi à exacerber les défauts du système actuel dans lequel plus du quart de la fiscalité locale est acquittée par l'État et non par les contribuables locaux.

S'agissant des charges nouvelles qui s'imposaient aux collectivités locales, le rapporteur a constaté que le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, avait déclaré que les collectivités locales n'auraient pas droit aux mêmes aides que celles accordées aux entreprises dans le cadre de la réduction de la durée du travail.

M. Jean-Paul Delevoye, président, n'a pas été surpris, de cette position du Gouvernement qui ne concevait pas la réduction de la durée du travail comme un moyen de créer des emplois dans la fonction publique.