Communiqué de presse du 11 juillet 2000

Service des Commissions

COMMUNIQUÉ À LA PRESSE

La mission sénatoriale d’information sur la décentralisation présente ses conclusions en vue de promouvoir une République territoriale qui concilie l’unité et la diversité

          Réunie le mardi 27 juin 2000, sous la présidence de M. Jean-Paul Delevoye (RPR, Pas-de-Calais), la mission sénatoriale d’information sur la décentralisation a adopté le rapport de M. Michel Mercier (UC, Rhône).

          A partir d’un bilan détaillé des conditions d’exercice des compétences locales, la mission formule un ensemble de propositions destinées à une relance de la décentralisation. Par ses propositions, la mission souhaite promouvoir une République territoriale qui concilie l’unité et la diversité.

          Plaidant pour une organisation institutionnelle plus efficace, la mission juge nécessaire l’émergence d’un " Etat partenarial " recentré sur ses compétences régaliennes, ses fonctions de conception et de réglementation, son rôle de garant des grands équilibres et de la solidarité nationale. Elle suggère une nouvelle approche de la déconcentration, qui passe par le regroupement de certains services déconcentrés, qui évite leur superposition et qui renforce l’autorité du préfet sur ces services.

          La mission est favorable à la poursuite du mouvement de simplification et de rationalisation de la coopération intercommunale. Tout en n’écartant pas cette perspective, elle juge nécessaire de n’envisager l’élection directe des délégués intercommunaux qu’une fois achevé le développement de l’intercommunalité de projet autour de structures à fiscalité propre et de préserver la place des communes comme cellules de base de la démocratie locale.

          La mission propose de permettre l’expérimentation de formules institutionnelles nouvelles, sur la base du volontariat, tenant compte des spécificités locales. Ces expérimentations devraient se dérouler dans un cadre juridique précis de nature à garantir le caractère unitaire et indivisible de la République. La mission suggère également que les pays soient conçus comme des espaces de projet et non pas comme de nouveaux échelons territoriaux. Elle demande que les différents zonages soient mieux harmonisés.

          Se prononçant pour des compétences clarifiées et renforcées, la mission subordonne néanmoins tout nouveau transfert de compétences à trois conditions préalables : une compensation intégrale des charges transférées ; une réelle liberté de décision reconnue aux collectivités locales dans l’exercice de ces nouvelles compétences ; un droit à l’expérimentation de ces compétences avant leur transfert définitif.

          Sur ces bases, la mission suggère des transferts de compétences de nature à renforcer l’efficacité de l’action publique notamment : le transfert aux régions de la construction et de l’entretien des bâtiments universitaires ; le renforcement des compétences des régions en matière d’organisation des filières, d’homologation des formations et d’adaptation des règles nationales dans le domaine de la formation professionnelle ; le transfert aux départements de la responsabilité des travaux d’entretien sur les routes nationales non classées ; la fin de la cogestion en matière d’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI ; la reconnaissance aux communes d’un droit à l’expérimentation pour la création d’une police territoriale de proximité, placée sous l’autorité du maire et soumise au contrôle de l’Etat et des procureurs de la République ; le renforcement du rôle des départements dans le fonctionnement des services d’incendie et de secours.

          La mission demande également une nouvelle approche des compétences exercées en partenariat : le contrat ne doit plus être un instrument utilisé par l’Etat pour transférer des charges sur les collectivités locales sans partager les compétences ; des pénalités financières doivent être prévues afin d’inciter l’Etat à respecter ses engagements contractuels. Dans les partenariats entre collectivités locales, la notion de collectivité chef de file doit être développée pour assurer la coordination de la programmation et de l’exécution des actions communes.

          La mission souhaite que les spécificités de la fonction publique territoriale soient mieux prises en compte. A cette fin, les concours doivent être professionnalisés et les concours sur titres doivent être développés, en reconnaissant l’équivalence des diplômes pour des qualifications spécifiques. La voie du recrutement contractuel, indispensable élément de souplesse, doit être préservée. La promotion interne comme sanction de la compétence et reconnaissance de la valeur professionnelle doit être favorisée. Les nouveaux métiers doivent être pris en compte dans les filières de la fonction publique territoriale.

          Pour rénover le système de financement local, la mission suggère d’inscrire dans la Constitution la garantie de l’autonomie fiscale des collectivités locales en réservant une part prépondérante aux recettes fiscales dans l’ensemble des ressources locales (M. Christian Poncelet, président du Sénat, a pris l’initiative de déposer une proposition de loi dans ce sens). Elle demande qu’aucune piste ne soit négligée en vue de moderniser la fiscalité locale (rénover l’assiette des impôts existants, transférer de nouvelles ressources fiscales aux collectivités locales, soit pour remplacer les impôts actuels, soit pour remplacer certaines dotations de l’Etat).

          Pour améliorer la péréquation, la mission propose de renforcer le caractère redistributif des dotations de l’Etat aux collectivités locales (notamment de la dotation globale de fonctionnement). Elle demande que l’efficacité des dispositifs actuels de péréquation soit mesurée afin de permettre une simplification et un meilleur ciblage. Des crédits qui en sont aujourd’hui détournés doivent être réorientés vers la péréquation. Tel est le cas de la fiscalité locale de France telecom ou d’une partie de la fraction du produit de la cotisation de péréquation perçue par l’Etat.

          S’agissant de l’évolution des concours financiers de l’Etat, la mission demande que leur norme d’évolution soit fixée après un débat parlementaire au cours duquel auront été présentées les mesures susceptibles d’affecter les budgets locaux, notamment les nouvelles charges, au cours de la période pour laquelle s’applique cette norme d’évolution. Les modalités d’évolution des concours de l’Etat doivent être révisées, afin de retenir des modes d’indexation qui tiennent compte de l’objet de chaque dotation et qui permettent de faire bénéficier les collectivités de leur contribution à la croissance du produit intérieur brut.

          Enfin, selon la mission, les collectivités locales devraient être associées aux décisions qui ont des conséquences sur leurs budgets, notamment en matière de rémunérations des agents et de détermination des normes techniques. Les collectivités locales devraient également être davantage associées à la procédure d’attribution des fonds structurels européens.

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          Les propositions de la mission sénatoriale d’information s’appuient sur un bilan détaillé de la décentralisation. Ce bilan met en évidence que la décentralisation, qui a fait la preuve de son efficacité, paraît bien adaptée pour répondre aux différents défis auxquels l’action publique est confrontée, ces défis (évolutions démographiques conduisant au vieillissement de la population, mondialisation de l’économie qui rend d’autant plus nécessaire la promotion de repères de proximité, risque d’une fracture sociale, civique et territoriale) appelant pour la plupart une gestion de proximité.

          La mission constate que, faute de s’être recentré sur ses compétences essentielles et d’avoir réformé son mode de fonctionnement, l’Etat ne s’est toujours pas adapté à la logique de la décentralisation. L’organisation administrative locale apparaît elle-même en devenir, sous l’effet de la montée en puissance de l’intercommunalité de projet, sans que tous les effets de cette nouvelle donnée puissent encore être mesurés. Différents obstacles devraient être levés : complexité des zonages et de la gestion des fonds structurels européens, ambiguïtés de la politique des pays.

          Les compétences locales, dont le rapport de la mission dresse un bilan sectoriel, subissent les conséquences d’un dévoiement de la logique initiale voulue par les lois de décentralisation. Les politiques de cogestion (RMI, logement social,...) se sont multipliées. Plus récemment, une tendance à la recentralisation des compétences s’est manifestée (lutte contre les exclusions, solidarités et renouvellement urbains,...). L’Etat fait appel aux collectivités locales pour financer ses propres compétences selon une logique contractuelle inégalitaire.

          Le cadre juridique de la fonction publique territoriale n’apparaît toujours pas adapté aux besoins des collectivités locales : les procédures (recrutement, formation, déroulement et incidents de carrières) demeurent très lourdes ; les différentes institutions ont montré leurs limites ; le recrutement de contractuels demeure fortement encadré ; le système des rémunérations est contraint par le principe de parité avec la fonction publique de l’Etat ; les statuts particuliers ne sont pas adaptés aux nouveaux besoins des collectivités locales.

          Enfin, le système de financement local ne garantit plus l’autonomie locale : les principes de compensation des transferts de charges ne sont pas respectés ; la fiscalité locale est en voie de démantèlement ; la péréquation est en panne. Les collectivités locales apparaissent de plus en plus comme la variable d’ajustement du budget de l’Etat. La recentralisation des ressources locales constitue une préoccupation majeure.

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          Constituée le 19 janvier 1999, la mission sénatoriale d’information a mené ses travaux pendant dix huit mois. Elle a tenu 39 réunions pour une durée totale de 72 heures et procédé à 75 auditions -ministres, associations d’élus, personnalités qualifiées.