Délégations et Offices

Table des matières


OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 18 octobre 2000

- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.

Renouvellement du Bureau

En application de l'article 3 de son règlement intérieur, l'Office a procédé au renouvellement de son Bureau, qu'il a reconduit dans sa composition précédente.

Bilan d'activité de l'Office

M. Henri Revol, sénateur, président, a ensuite dressé le bilan de l'activité de l'Office lors de la précédente session, au cours de laquelle sept rapports ont été adoptés et quatre nouvelles saisines ont été enregistrées. Soulignant cet accroissement d'activité, M. Henri Revol,  président, a indiqué que l'Office était de plus en plus reconnu, tant par l'opinion publique qui consulte les rapports sur le site internet des assemblées, que par la communauté scientifique. Il a précisé qu'il avait obtenu que les grands organismes fassent mention des rapports de l'Office sur leurs sites Internet et que ces rapports soient désormais adressés aux réseaux des bibliothèques universitaires.

Communication sur la mission en Polynésie française

M. Henri Revol, président, a ensuite présenté un compte rendu de la mission menée par plusieurs membres de l'Office sur les anciens sites d'expérimentation nucléaire de Polynésie française.

M. Henri Revol, président, a rappelé que l'Office avait répondu à une invitation du ministère de la défense et du commissariat à l'énergie atomique et qu'un déplacement de même nature avait été effectué en 1996 par M. Christian Bataille, député, rapporteur d'une étude sur les déchets nucléaires militaires à haute intensité. Il a indiqué que la mission qu'il avait conduite, début septembre avec la participation de MM. Christian Bataille, Claude Birraux et Jean-Claude Lenoir, députés, avait trois objectifs :

- vérifier si les engagements de remise en état des sites avaient été tenus ;

- examiner in situ les procédures de surveillance radiologique et sismologique mises en place ;

- évaluer le sentiment et les attentes des populations du territoire à l'occasion de rencontres avec les élus politiques et professionnels du territoire, ainsi qu'avec leur opposition traditionnelle, l'Eglise évangélique.

M. Henri Revol, sénateur, président, a estimé que les engagements de remise en état des sites avaient été tenus. Au cours de la journée de travail à Mururoa, la délégation a établi plusieurs constats :

- la nature a repris ses droits, car là où d'importants complexes d'habitation, de montage, de recherche et de mesure existaient, il n'y a plus que de la végétation tropicale. Seuls, subsistent une route, une piste d'aviation raccourcie, d'anciens blockhaus de tir et de mesure où sont installés les instruments de surveillance radiologique, ainsi qu'une zone de survie hébergeant une section d'infanterie de marine chargée d'empêcher d'éventuelles intrusions, et des bâtiments destinés aux chercheurs effectuant leur campagne annuelle de prélèvements sur la flore et la faune ;

- le " nettoyage " radiologique du site de Mururoa a été complètement effectué. Les résidus des explosions souterraines sont intégrés dans le socle de basalte de l'atoll à plus d'un kilomètre de profondeur. De plus, plusieurs dizaines de tonnes de gravats et de rebuts contaminés, soit directement, soit du fait d'expériences de sécurité ayant donné lieu à dispersion - mais non à explosion de matières radioactives - ont été également enfouis dans le basalte.

A cet égard, l'enquête environnementale - la première du genre dans le monde - effectuée par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) a constitué un test probant en 1998.

Cette enquête, menée par des dizaines de scientifiques de renommée mondiale dont plusieurs d'entre eux étaient ressortissants de pays riverains du Pacifique, peu suspects de sympathie pour les essais nucléaires français, a donné en 1998 un satisfecit aux autorités qui ont procédé au nettoyage du site, tant en ce qui concerne la complète transparence des informations qui leur ont été fournies que l'innocuité radiologique résiduelle ;

- l'état sismologique des lieux. Un seul point pouvait susciter des inquiétudes : des fissures apparues dans les résidus coralliens du plattier à la suite d'essais souterrains de faible amplitude. Il semble que ces fissures, après s'être élargies, soient stabilisées depuis plusieurs années.

En second lieu, M. Henri Revol, sénateur, président, a considéré que les procédures de surveillance radiologique et sismologique du site sont satisfaisantes :

- en matière radiologique. Outre une campagne annuelle de prélèvements d'échantillons de faune et de flore qui donne lieu à des rapports régulièrement publiés, la surveillance radiologique des sites repose sur des prélèvements et des contrôles automatiques dont les résultats sont communiqués en temps réel aux laboratoires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Bruyères-le-Châtel. Ceux-ci peuvent, instantanément, déclencher une alarme automatique.

La petite maintenance de ce complexe de surveillance est le fait des militaires résidant sur l'île. La maintenance la plus importante est assurée soit par les laboratoires du CEA qui sont chargés sur l'île de Tahiti d'assurer la surveillance du respect du Traité d'interdiction des essais nucléaires, soit, en cas de nécessité, par l'envoi d'experts de métropole ;

- en matière sismologique. Des capteurs ancrés en profondeur contrôlent l'état des fissures.

Dans un troisième temps, M. Henri Revol, sénateur, président, a dressé un panorama des attentes des populations du territoire.

Quoiqu'ayant bénéficié de l'activité du centre d'expérimentation du Pacifique, celles-ci estiment que l'on a fait un usage peu satisfaisant de leur " terre ". Mais, dans le même temps, la délégation a constaté le souci de tirer un trait sur cette période - ne serait-ce parce qu'à force de ressasser, on menacerait l'activité touristique du territoire.

M. Henri Revol, sénateur, président, a cependant souligné deux caractéristiques :

- d'une part, les populations sont très attachées à la pérennisation du suivi de la surveillance sur plusieurs générations. M. Henri Revol, sénateur, président, a manifesté son souhait de voir l'Etat affirmer plus solennellement son souci d'assurer cette pérennisation et de matérialiser cet engagement en soumettant, par exemple, chaque année - ou tous les deux ans - un document budgétaire au Parlement récapitulant les crédits (actuellement de l'ordre de 30 MF) consacrés à cette action ;

- d'autre part, une inquiétude diffuse subsiste sur les liens entre les expérimentations et les cancers de la thyroïde qui auraient été provoqués par les explosions aériennes. Deux études épidémiologiques effectuées par un chercheur attaché à l'INSERM, le Professeur de Vathaire, dont la dernière portait comparaison avec des populations mélanésiennes proches (Hawaï, Nouvelle-Zélande) ont mis en évidence une prévalence de ces cancers de la thyroïde chez les femmes mélanésiennes de ces trois archipels.

Aucun lien entre cette prévalence - dont certains estiment qu'elle provient d'une disposition génétique - et les expérimentations n'a été établi.

Néanmoins, la délégation a appris que le Professeur de Vathaire cherche des financements pour une troisième étude. M. Henri Revol, sénateur, président, a alors proposé d'appeler l'attention du ministre de la santé sur l'intérêt qu'il y aurait à encourager ses travaux.

La seconde question concerne la ciguatera. Cette toxine, qui existe également aux Caraïbes, s'accumule dans la chaîne alimentaire halieutique et décourage, de fait, la consommation de poissons de lagons. Les expériences n'ont qu'un lien très ténu avec la présence de cette toxine. Le seul doute éventuel concerne l'effet des essais sur la destruction d'une partie du corail de l'atoll de Mururoa qui aurait pu favoriser le développement de cette toxine.

M. Henri Revol, sénateur, président, a donc proposé d'appeler l'attention de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) (ex. ORSTOM) sur l'intérêt qu'il y aurait à développer des recherches en cette matière, et à conduire celles-ci en collaboration avec l'université de Polynésie.

M. Christian Bataille, député, a estimé que le rapport présenté par M. Henri Revol rendait bien compte des constatations effectuées lors de la mission. Il a considéré que la situation observée sur le terrain était très proche de la situation constatée lors de sa précédente mission en 1996 lorsqu'il s'était rendu sur les sites dans le cadre d'un rapport sur les déchets militaires à haute activité qu'il avait présenté en 1997. Il a rappelé que sa précédente mission s'était déroulée au tout début du démantèlement du site, quelques mois après la fin des derniers essais en 1995. Il a considéré que ses conclusions d'alors demeuraient actuelles. Il a rappelé que les déchets sont stockés de façon définitive dans un forage profond et qu'un rapport de l'agence internationale pour l'énergie atomique avait corroboré cette analyse en 1997. Seules quelques zones restaient interdites notamment à Fangatofa, résultats de tirs anciens sur ballons, dits tirs de sécurité. Il a rappelé que c'est en 1997 qu'a commencé le démantèlement des édifices de surface (hangars, casemates) et que l'Australie, grand pourfendeur des essais, avait racheté la ferraille de récupération correspondante. Il ne restait aujourd'hui que la piste aérienne qui, même raccourcie, demeure impressionnante pour un aussi petit territoire, ainsi que l'église de Mururoa. M. Christian Bataille, député, a rappelé que la surveillance du site était assurée par quelques militaires dont le rôle était de tenir à distance les navigateurs solitaires ou des populations indigènes qui voudraient s'installer dans ces atolls autrefois inhabités. Il a rappelé que les mesures scientifiques portaient sur l'eau, les sols et l'air et qu'il était nécessaire de pérenniser cette mesure de précaution " sur plusieurs générations ", comme l'avait indiqué le président Revol, formule qu'il a estimée plus appropriée qu'une " surveillance perpétuelle " réclamée par certains. Il a rappelé qu'une aide financière importante avait été votée par le Parlement pour le territoire et que le Gouvernement français devait assurer le suivi scientifique et technique. Il a estimé que la France avait démantelé ses installations dans des conditions moins discutables que les Etats-Unis à Bikini ou le Royaume-Uni en Océanie. Il a considéré que l'opposition de l'église protestante témoignait essentiellement du pacifisme de ces églises.

Mme Michèle Rivasi, députée, a observé que la pérennisation des mesures était indispensable afin de montrer que les sites ne pouvaient être banalisés. Elle s'est associée à l'une des conclusions de M. Christian Bataille dans un de ses précédents rapports, qui consistait à classer les sites en installations nucléaires de base. Elle s'est interrogée sur le fonctionnement du réseau de surveillance, en rappelant que le CEA effectuait ces mesures et les transmettait à ses installations en métropole. Elle a rappelé que l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) faisait d'autres mesures. Elle a suggéré que cet institut, dont le statut allait être modifié, se charge des mesures sur le site afin de lever toute suspicion sur le rôle du CEA. Concernant les problèmes de santé publique, elle s'est associée à la proposition du président Henri Revol de soutenir l'étude du professeur de Vathaire et elle a jugé utile de recourir aux archives des quelque trente mille travailleurs polynésiens qui ont participé, à un titre ou à un autre, aux essais nucléaires. Elle a également considéré qu'il fallait sortir les dossiers médicaux des personnels du CEA et rappelé que dans sa circonscription (Drôme) des anciens salariés du CEA venaient la voir pour lui faire part de leurs problèmes. Elle a évoqué une proposition de commission parlementaire d'enquête à l'Assemblée nationale, qui faisait écho aux préoccupations des travailleurs polynésiens qui désiraient ardemment connaître leur suivi sanitaire depuis l'époque où ils travaillaient sur le site.

M. Henri Revol, président, a observé que les dossiers médicaux étaient communicables aux agents.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, a rappelé que plusieurs missions et rapports s'étaient succédé au cours des quatre dernières années : la mission de Christian Bataille en 1996, suivi d'un rapport en 1997, le rapport de l'AIEA de 1998, la nouvelle mission de l'Office cette année. Il a considéré que, dans ces conditions, la proposition de commission d'enquête déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale lui semblait inopportune, dans la mesure où elle laissait à penser que tous ces travaux n'avaient servi à rien et que l'Office n'avait ni bien mené ses travaux, ni bien fait son travail. Il a estimé qu'une étude épidémiologique sur le cancer de la thyroïde serait utile pour faire le point et éventuellement faire taire les rumeurs comme cela a pu être montré à La Hague où une enquête similaire a conclu au surdimensionnement médiatique du problème. Il a estimé que le problème de la ciguatera était en effet très important mais s'est inquiété des dérapages médiatiques qu'il faisait naître. Il a rappelé que des cas similaires étaient observés à plus de deux mille kilomètres des lieux d'essais et qu'un reportage de la télévision, en Polynésie, qui avait insisté sur l'irritation (la " gratte ") de la peau et les sous-entendus qu'il contenait tenaient manifestement de la supercherie et avaient pour objectif principal de faire peur à l'opinion.

Cette analyse a été corroborée par M. Christian Bataille, député, qui a rappelé qu'il avait été longuement interrogé par des équipes de télévision pour la préparation d'une émission de cinquante-deux minutes et que, comme il n'avait pas prononcé les mots alarmistes que les journalistes attendaient, rien n'avait été repris.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, a donc estimé qu'une étude épidémiologique était nécessaire et devait porter sur une question. : " est-ce qu'il y a plus de ciguatera dans la région où ont eu lieu les essais ou non ? ".

M. Henri Revol, sénateur, président, a rappelé que son compte rendu de déplacement en Polynésie n'était pas un rapport de l'Office qui faisait suite à une saisine officielle de ce dernier, mais seulement une communication après un déplacement consécutif à une invitation. Il a suggéré qu'une mission officielle sur les différents points évoqués soit conduite après que l'Office eut été saisi selon les procédures habituelles.

M. Christian Bataille, député, s'est associé à cette proposition en considérant qu'un rapport de l'Office permettrait d'approfondir les différentes questions débattues. Certains sujets devaient être mieux analysés notamment qui fait les mesures et comment les résultats sont communiqués. Il a conclu qu'en 1996 sa mission s'était déroulée dans un climat d'ouverture totale et qu'il attendait d'une nouvelle inspection le même effort de transparence.

M. Marcel Deneux, sénateur, a indiqué que si le rapport devait s'intéresser à l'analyse de l'eau, il souhaitait que l'IFREMER fût consulté.

Nomination de rapporteur

Puis l'Office a nommé M. Christian Cabal, député, rapporteur de la saisine émanant du Bureau de l'Assemblée nationale sur " la valeur scientifique de l'utilisation des empreintes scientifiques dans le domaine judiciaire "

Nomination d'un représentant de l'Office à un organisme extraparlementaire

Enfin, l'Office a nommé M. Alain Claeys, député, représentant à la Commission de génie génétique.