Mardi 31 janvier 2006

- Présidence de M. Gilbert Barbier, président-

Audition de M. Daniel Vittecoq, président de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps)

La mission d'information a tout d'abord procédé à l'audition de M. Daniel Vittecoq, président de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

M. Gilbert Barbier, président, a souhaité connaître le cadre dans lequel s'inscrivent les travaux de la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM) et les règles qui régissent son fonctionnement.

M. Daniel Vittecoq a indiqué que la commission d'AMM se compose de vingt-huit membres, auxquels s'ajoutent des représentants des académies de médecine et de pharmacie ainsi que de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il s'agit essentiellement de médecins hospitalo-universitaires, de pharmaciens et de toxicologues.

Si les membres de la commission sont nommés par le ministre chargé de la santé en concertation avec la Direction générale de la santé (DGS), le président de la commission conserve toutefois une marge d'appréciation ; à ce titre, il privilégie la nomination d'experts ayant auparavant participé à l'instruction de dossiers de demande d'AMM dans le cadre des groupes de travail institués auprès de la commission. Tous les experts doivent remplir une déclaration publique d'intérêt. A l'occasion de la présente mandature, un tiers des membres de celle-ci a été renouvelé. Lors du prochain changement de présidence, il sera, pour la première fois, procédé à un appel à candidatures pour le renouvellement des experts, en lieu et place du traditionnel système de cooptation, que la décision du ministre ne faisait qu'entériner.

La mission principale de la commission est d'évaluer la balance bénéfice/risque des médicaments pour lesquels sont déposées des demandes d'AMM.

M. François Autain a fait état de statistiques selon lesquelles 12 % des experts travaillant pour le compte de l'Afssaps n'ont pas rempli de déclaration d'intérêt. Il s'est également étonné de ne pas avoir trouvé, sur le site Internet de l'Afssaps, les déclarations plus récentes que celles relatives à l'année 2004.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a voulu connaître la périodicité des mises à jour de ces déclarations.

M. Daniel Vittecoq a souligné que les membres de la commission doivent faire la preuve d'une expérience clinique suffisante, être engagés dans la recherche et l'évaluation et ne tomber sous le coup d'aucun conflit d'intérêt élevé. Cette dernière condition fait l'objet d'une actualisation régulière : annuelle ou après l'instruction d'un dossier.

Il a estimé qu'il convient de favoriser la poursuite d'essais cliniques sur le territoire français, qui souffre à l'heure actuelle d'un carcan juridique très contraignant.

M. Gilbert Barbier, président, a voulu savoir si le président de la commission a le pouvoir de s'opposer à une nomination.

M. Daniel Vittecoq a indiqué avoir donné, au cours de sa mandature, un avis négatif à certaines nominations soit pour des motifs scientifiques, soit en raison des liens trop étroits que l'intéressé entretenait avec l'industrie pharmaceutique.

M. François Autain s'est étonné que, dans la composition actuelle de la commission d'AMM, les représentants des académies de médecine et de pharmacie soient les seuls à ne déclarer entretenir aucun lien avec l'industrie pharmaceutique.

M. Daniel Vittecoq a observé que seuls des professionnels, notamment des médecins hospitalo-universitaires, qui ont une activité régulière de recherche clinique à un haut niveau, sont à même de disposer des compétences nécessaires pour participer à la commission d'AMM. De fait, ces professionnels ont des relations avec l'industrie pharmaceutique à travers leurs travaux de recherche. Il a considéré que l'existence de ces liens identifiés ne remet pas en cause la pertinence des travaux menés dans le cadre de la commission d'AMM.

Il a rappelé que la méthode de travail retenue par la commission, notamment le recours systématique à des experts externes, fait exception en Europe. Aux Etats-Unis, la Food and drug administration (FDA) procède d'abord à une évaluation interne, puis organise des auditions publiques auxquelles des experts extérieurs apportent leur contribution. En France, la dimension économique ou médico-économique n'est pas prise en compte à l'occasion de l'instruction d'un dossier.

M. Gilbert Barbier, président, a voulu savoir si la commission d'AMM examine le service médical rendu (SMR) du médicament.

M. Daniel Vittecoq a précisé que la commission ne se prononce pas sur le SMR d'un médicament, puisque son étude se limite à l'analyse du rapport bénéfice/risque. L'évaluation du SMR ou de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) est un exercice plus complexe encore que celui confié à la commission d'AMM et constitue un métier totalement différent, qui relève de la compétence de la commission de la transparence.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est interrogée sur la pertinence qu'il y aurait à réunir, au sein d'une seule instance, les compétences aujourd'hui confiées à la commission d'AMM et à la commission de la transparence.

M. François Autain a voulu savoir si les débats de ces commissions peuvent être rendus publics, comme tel est le cas au Royaume-Uni.

M. Daniel Vittecoq s'est déclaré favorable à la publicité des débats, car les enjeux liés à la mise sur le marché d'un médicament concernent tous les acteurs du système de santé : les laboratoires pharmaceutiques, les professionnels et les patients.

M. Gilbert Barbier, président, s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles la commission peut recourir à des votes pour adopter une décision.

M. Daniel Vittecoq a estimé que l'instruction d'un dossier d'AMM doit relever d'une démarche consensuelle. Il a précisé que, lorsqu'un vote négatif est exprimé, il est décompté et peut être consigné nominativement au procès-verbal si l'expert concerné le demande.

M. Alain Milon a voulu connaître les modalités permettant de juger de la compétence des membres de la commission.

Il a demandé si l'on prend davantage en considération l'avis négatif éventuel que pourrait exprimer - seul, le cas échéant - le membre de la commission dont la compétence technique est la plus avérée sur le dernier.

M. Daniel Vittecoq a insisté sur la nécessité d'analyser les avis négatifs rendus par les experts, qui peuvent constituer l'expression de préoccupations diverses. Ils peuvent émaner d'un ou de plusieurs des experts chargés de l'instruction du dossier, d'un membre de la commission ou, dans le cadre des instances européennes, d'un représentant d'une agence nationale à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA). Pour cette raison, la commission procède par recherche d'un consensus, chacun faisant valoir son sentiment : l'avis négatif d'un spécialiste peut alors entraîner la conviction des autres membres sur son bien-fondé.

Il s'est par ailleurs prononcé en faveur d'une représentation des associations de patients au sein de la commission d'AMM.

M. François Autain a voulu savoir si la commission donne parfois un avis négatif à une demande d'AMM ou retire une AMM, comme cela a été le cas en Espagne pour les amphétamines anorexigènes.

M. Daniel Vittecoq a indiqué que la commission rend des avis négatifs lorsqu'elle l'estime nécessaire. Ces cas représentent entre 5 % et 10 % des demandes d'AMM portant sur un nouveau médicament. Il a estimé qu'il est souvent plus difficile pour l'Afssaps de retirer une AMM que de la donner, compte tenu des complications juridiques qu'une telle décision entraîne dans la plupart des cas. Il a également rappelé que l'évaluation du SMR des médicaments relève de la Haute Autorité de santé (HAS).

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a voulu savoir si les travaux de la commission d'AMM font l'objet d'une publication.

M. Daniel Vittecoq a précisé que la commission édite un rapport public d'évaluation pour tout nouveau produit qui arrive sur le marché. Cette démarche s'inspire de procédures déjà mises en oeuvre par la FDA et l'EMEA.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a voulu connaître les conditions dans lesquelles la commission d'AMM a recours à des experts indépendants et selon quelles modalités est évaluée leur indépendance.

M. Gilbert Barbier, président, s'est interrogé sur la manière dont ces activités d'expertise sont valorisées dans la carrière des praticiens hospitaliers.

M. Daniel Vittecoq a indiqué que l'Afssaps tient à jour une liste d'experts à laquelle la commission recourt en cas de besoin. Ces experts doivent déclarer leurs éventuels conflits d'intérêts et sont rémunérés à la vacation. Il a déploré que l'expertise ne soit pas mieux reconnue au niveau hospitalo-universitaire et a estimé qu'il convient de remédier à cette situation.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souhaité connaître d'une part, les liens existant entre le monde associatif et les laboratoires pharmaceutiques, d'autre part, les effets produits par la divergence des avis émis respectivement par une agence nationale et l'EMEA.

M. Daniel Vittecoq a estimé que les associations de patients constituent une proie facile pour les laboratoires du fait de leur moindres connaissances scientifiques et de leur désir que soit mise sur le marché toute thérapie susceptible de constituer un espoir, parfois vain, pour les malades qu'elles représentent. De fait, l'industrie pharmaceutique développe une communication spécifique auprès de ces associations.

Concernant les différences d'appréciation entre l'Afssaps et l'EMEA, il s'est dit préoccupé par le fait que si l'EMEA donne une AMM, elle laisse les Etats membres gérer seuls les risques qui découlent de sa décision, tels que les effets secondaires et le mauvais usage du médicament. L'Afssaps peut toutefois informer le corps médical de cette divergence d'appréciation.

M. François Autain a fait observer que les Etats conservent la possibilité de ne pas rembourser les produits pour lesquels il existe des divergences réelles. Il a voulu connaître les conditions dans lesquelles les laboratoires ont recours à des essais comparatifs.

M. Daniel Vittecoq a précisé que le recours à de tels essais doit être systématique lorsqu'il existe déjà un produit de référence. Ceci étant, cette pratique n'est pas toujours possible pour des raisons méthodologiques, par exemple lorsque la posologie des médicaments est différente.

M. François Autain a fait part de ses doutes quant au recours systématique à ces essais comparatifs et a déploré que 75 % des médicaments mis sur le marché chaque année ne se voient pas reconnaître d'ASMR.

Audition de M. Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS)

La mission d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS).

A titre liminaire, M. Gilles Bouvenot a rappelé que la commission de la transparence était, jusqu'en 2005, une commission ministérielle dont le secrétariat était assuré par l'Afssaps. La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie l'a intégrée au sein de la HAS, sans pour autant prévoir de modification des textes réglementaires qui en régissent le fonctionnement. Depuis 2003, elle est composée de vingt-six membres aux compétences strictement scientifiques : médecins, pharmaciens et épidémiologistes. Les représentants de l'administration participent à la commission avec voix consultative.

La commission de la transparence agit sur délégation du collège de la HAS et donne un avis sur la prise en charge, ou non, du médicament par la solidarité nationale et sur le niveau de cette prise en charge. Toutefois, pour certaines procédures comme la réévaluation du SMR, le collège peut adopter une recommandation sur un ensemble de produits. Il a rappelé, à cet égard, que 221 médicaments ont été récemment réévalués par la HAS, qui a jugé leur SMR insuffisant. La réévaluation de deux cents médicaments supplémentaires est prévue, soit environ cinquante principes actifs, parmi lesquels figurent les vasodilatateurs.

Il a estimé que la commission ne dispose pas actuellement des possibilités réglementaires permettant de donner à ses avis circonstanciés sur les médicaments, qui n'apportent pas de progrès supplémentaire, une portée effective. En outre, il s'agit d'une question complexe, puisque de nombreux praticiens considèrent d'ailleurs qu'il est nécessaire d'avoir plusieurs solutions thérapeutiques. Il devient alors délicat de juger si une classe de médicaments est raisonnablement pourvue ou si elle peut encore être complétée.

M. François Autain a fait valoir que la commission de la transparence conserve la possibilité de ne pas proposer le remboursement d'un médicament lorsque celui-ci n'apporte pas d'amélioration thérapeutique ou apparaît coûteux par rapport à ceux de la même gamme.

M. Gilles Bouvenot a rappelé que si le médicament n'apporte pas de progrès, le comité économique des produits de santé (CEPS) lui attribue un prix inférieur à ceux des médicaments de sa classe thérapeutique qui ont été jugés aussi efficaces. Toutefois, pour éviter une inégalité de traitement des produits d'une même classe et une diminution du taux de prise en charge par l'assurance maladie, la commission se refuse à donner un SMR inférieur à celui des autres produits de la même classe. Par conséquent, les avis de la commission de la transparence produisent des effets en termes économiques, alors qu'il lui est demandé une évaluation strictement scientifique.

Il a rappelé que le prix des médicaments est in fine au moins autant le fruit des négociations entre le CEPS et les laboratoires pharmaceutiques que des seuls avis scientifiques de la commission.

M. Gilbert Barbier, président, a souhaité que la coordination entre les différents acteurs du processus de mise sur le marché et de remboursement des médicaments - commission d'AMM, commission de la transparence, CEPS et ministre de la santé - soit améliorée, jugeant que la segmentation extrême des fonctions aboutit à la déresponsabilisation de tous.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est interrogée, à cet égard, sur la possibilité de réunir, au sein d'une même instance, les compétences aujourd'hui confiées à la commission d'AMM et à la commission de la transparence.

M. Gilles Bouvenot a estimé que les experts scientifiques, qui composent la commission de la transparence, ne doivent pas avoir de préoccupation économique au moment où ils procèdent à une évaluation scientifique. Il leur revient d'informer les décideurs et les organismes payeurs sur les mérites des médicaments ; en revanche, il serait souhaitable qu'ils en tirent toutes les conséquences. Il s'est réjoui, en outre, de la séparation entre la commission d'AMM, chargée de l'évaluation en matière de sécurité sanitaire, et celle de la transparence, qui juge les critères de remboursement. La création de la HAS a permis de mieux identifier la distinction entre ces deux métiers.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a interrogé M. Gilles Bouvenot sur les conditions dans lesquelles la commission de la transparence a recours à des experts indépendants et sur les modalités d'évaluation de leur indépendance.

M. Gilles Bouvenot a rappelé que la commission de la transparence n'a pas pour mission de remettre en cause le rapport bénéfice-risque d'un médicament évalué par la commission d'AMM. En conséquence, les experts de la commission utilisent d'autres critères d'évaluation que ceux de l'AMM. Toutefois, la question de l'indépendance des experts de la transparence se pose dans les mêmes termes que celle des experts de l'AMM.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est inquiétée de la prise en compte, par la commission de la transparence, des cas où une AMM a été délivrée par l'EMEA et où le représentant de l'Afssaps s'est montré réservé au moment des débats européens.

M. Gilles Bouvenot a indiqué que la commission n'est pas informée officiellement des débats qui ont eu lieu au sein de l'Agence européenne du médicament (EMEA) en matière d'AMM. La commission peut, en revanche, saisir le comité de coordination des études post-AMM, qui rassemble l'Afssaps, la Direction générale de la santé (DGS), la Direction de la sécurité sociale (DSS), la HAS et le CEPS, lorsqu'elle émet un doute sur un produit. Il s'agit de vérifier les effets du médicament en vie réelle.

Ces études post-AMM sont financées par les laboratoires pharmaceutiques, mais la commission de la transparence valide, via son groupe de travail sur l'intérêt de santé publique, le protocole d'étude présenté par le laboratoire, qui doit, en outre, avoir nommé un comité scientifique indépendant pour la rédaction du protocole et le suivi de l'étude. Depuis 1997, cent deux études de ce type ont été commandées par la commission, dont trente-trois en 2004 et trente en 2005.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a demandé quelles sont les conditions pour mettre en place ce type d'études.

M. Gilles Bouvenot a rappelé que les études relatives aux risques du médicament sont gérées par l'Afssaps. Les études demandées par la commission de la transparence peuvent entraîner une réévaluation du dossier et une rétrogradation de l'ASMR, comme cela a été le cas en 2004 pour le Célébrex et le Vioxx. La commission vient également de rappeler les médicaments contre la maladie d'Alzheimer pour procéder à leur réévaluation.

Il a déploré que la littérature scientifique soit soumise à des effets de mode en matière de médicament et a estimé, à cet égard, que les experts chargés de conseiller les décideurs doivent faire preuve d'une grande prudence. Les décisions doivent en effet pouvoir être justifiées au niveau scientifique.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a demandé si les travaux de la commission sont publics.

M. François Autain s'est étonné de la non-publication du rapport d'activité de la commission en 2004.

M. Gilles Bouvenot a indiqué que le rapport d'activité 2004 existe bien. Il a rappelé que, traditionnellement, les avis de la transparence sont destinés aux autorités publiques, en l'occurrence l'assurance maladie, la DGS, la DSS et le CEPS, et aux professionnels de santé. La rédaction des avis, très technique, n'est donc pas accessible à tous et jugée trop administrative par les médecins. Aussi bien a-t-on décidé, lors de la création de la HAS, de rédiger deux types d'avis pour mieux communiquer auprès des praticiens. Cette information sera diffusée par différents canaux, dont la visite médicale. En outre des fiches produits seront disponibles au mois de mars, concernant des produits sensibles récemment introduits sur le marché.

Concernant le recours à l'expertise, il a indiqué que la HAS dispose d'une expertise interne et fait parallèlement appel à des experts externes, qui ont une compétence clinique reconnue dans leur discipline et une compétence méthodologique. Les sociétés savantes sont consultées pour leur recrutement.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a estimé que le rôle des experts externes doit être valorisé statutairement dans le milieu hospitalo-universitaire et leur rémunération améliorée.

M. Gilles Bouvenot a reconnu qu'il est difficile de recruter des experts, compte tenu de la faible reconnaissance de leur travail et de leur niveau de rémunération. Il a considéré qu'à tout le moins, une expertise devrait être considérée comme équivalente à une publication scientifique pour l'avancement des médecins hospitalo-universitaires.

Il a rappelé que la gestion des conflits d'intérêt fait l'objet d'une attention particulière de la part de la commission de la transparence. Il a souligné que le président de la commission ne doit avoir aucun conflit d'intérêt, ce qui est son cas.

M. François Autain s'est interrogé sur la présence d'un membre des entreprises du médicament (Leem), à titre consultatif, au sein de la commission de la transparence. Il a également demandé à M. Gilles Bouvenot si les travaux de la commission sont rendus publics.

M. Gilles Bouvenot a rappelé que le décret en Conseil d'Etat régissant la commission de la transparence prévoit qu'un membre du Leem participe à ses travaux. Il a estimé que la présence du Leem constitue un avantage pour le bon fonctionnement de la commission : son représentant n'a pas de véritable influence sur les débats et il peut, de surcroît, servir d'intermédiaire entre la commission et les laboratoires. Il a fait valoir que le Leem a toujours tenu convenablement son rôle auprès de la commission de la transparence et n'a jamais rendu publics les débats auxquels son représentant participe.

Il a indiqué que si les avis de la commission sont publics, ce n'est aujourd'hui pas le cas des débats. Il a considéré à cet égard que le huis clos des débats protège les experts et leur permet de s'exprimer plus librement. Il a rappelé que les votes sont publiés, y compris nominativement lorsqu'un membre de la commission le souhaite.

M. François Autain a demandé si la commission de la transparence dispose systématiquement d'essais comparatifs entre le médicament dont elle étudie le dossier et les molécules identiques ou proches qui existent déjà sur le marché.

M. Gilles Bouvenot a déploré que ce ne soit pas généralement le cas et a indiqué que les experts utilisent alors des comparaisons indirectes, ce qui pose des problèmes méthodologiques délicats. La plupart du temps, cette situation résulte du fait que l'industrie pharmaceutique ne procède pas à ce type d'essais. Il a reconnu, cependant, que des essais comparatifs ne peuvent être menés lorsque deux molécules sont développées en même temps ou dans un intervalle très proche.

M. François Autain a demandé pour quelles raisons il n'existe pas en France de recueil des niveaux d'ASMR des médicaments, comme tel est le cas en Allemagne.

M. Gilles Bouvenot a convenu qu'il serait souhaitable de disposer d'un tel outil.

Rappelant que de nombreux médicaments sont chaque année mis sur le marché sans ASMR, M. François Autain s'est interrogé sur les conséquences d'une telle profusion de médicaments similaires sur les intolérances et les effets néfastes que développent les patients. Il s'est étonné, à cet égard, que de très nombreuses statines coexistent sur le marché français alors que, par exemple, seules deux ont été autorisées en Nouvelle-Zélande. Il a souhaité que l'observatoire de la prescription soit rétabli pour éviter le mésusage des médicaments.

M. Gilles Bouvenot a reconnu que ce débat scientifique n'a pas été résolu par la commission de la transparence, qui s'intéresse de près aux problèmes d'iatrogénie médicamenteuse. Il a rappelé que plusieurs scientifiques, comme Robert Temple à la FDA, considèrent que tous les médicaments ne sont pas identiques dans une classe thérapeutique et en conséquence certains sont mieux tolérés que d'autres en fonction du patient.

M. François Autain a estimé que le bénéfice que tirent certains patients d'un choix très large de médicaments ne doit pas faire oublier le risque encouru par les autres.

M. Gilles Bouvenot a considéré qu'un tel choix est extrêmement délicat à faire pour la commission de la transparence.

Audition de M. Philippe Foucras, président du collectif Formindep

La mission d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Foucras, président du collectif Formindep.

M. Philippe Foucras, médecin généraliste à Roubaix et enseignant à la faculté de médecine de Lille, a rappelé que le collectif Formindep a été créé il y a deux ans à son initiative pour promouvoir une formation médicale continue, indépendante des intérêts économiques des laboratoires pharmaceutiques et transparente. Il rassemble des médecins généralistes ou spécialistes et quelques patients. Ses actions sont de trois ordres. Tout d'abord, il s'agit de sensibiliser les professionnels de santé aux risques liés à la collusion d'intérêts entre laboratoires pharmaceutiques et organismes de formation médicale. A cette fin, le collectif classe, à partir d'une grille d'évaluation spécifique et en fonction de leur degré d'indépendance et de transparence, les différents organismes de formation ou vecteurs d'informations.

En outre, le collectif Formindep interpelle les autorités de santé de façon permanente sur l'indépendance des revues médicales et des formations délivrées, notamment dans le cadre de la formation initiale à l'université.

Enfin, l'action du collectif est également tournée vers les patients, sur le fondement de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins (article L. 4113-13 du code de la santé publique), qui affirme la transparence de l'information délivrée au public. Cette même loi rend obligatoire la formation médicale continue et renforce son caractère déontologique. Le collectif Formindep, à partir de la grille de classification, recommande des organismes ou revues qui ont pleinement intégré dans leur pratique l'indépendance par rapport aux industries pharmaceutiques telles que la revue « Prescrire » ou la Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG).

M. Philippe Foucras a insisté sur l'importance de l'indépendance vis-à-vis des industries pharmaceutiques pour apprécier la fiabilité, l'objectivité et la qualité des informations transmises. L'exemple du Vioxx le démontre : malgré l'existence d'alertes sur les risques du médicament, le Vioxx a continué à être prescrit sous pression du laboratoire, qui a émis des informations contradictoires pour maintenir sa part de marché. Ce manque d'indépendance est également visible au niveau des financements : 98 % de la formation médicale continue sont financés par les industries pharmaceutiques. La seule exception concerne les formations financées par l'assurance maladie, qui n'ont duré malheureusement que trois ans et n'ont profité qu'à quelque 15.000 praticiens, soit une part mineure à comparer aux 180.000 prescripteurs recensés en France.

M. François Autain n'ayant jamais perçu de critiques des praticiens sur le manque d'indépendance des formations financées par les laboratoires pharmaceutiques, a souhaité nuancer l'idée selon laquelle toute formation financée par un laboratoire ne serait pas objective.

M. Gilbert Barbier, président, a convenu qu'il fallait en effet être prudent et ne pas rentrer dans une logique de soupçon systématique.

M. Philippe Foucras a précisé que les médecins sont également soumis à l'influence des laboratoires à l'hôpital dès leur formation initiale, via les fiches posologiques qui sont largement diffusées ou via la présélection des médicaments par la pharmacie de l'hôpital, qui connaît des pressions commerciales fortes. L'objectif du collectif Formindep est de faire progresser les praticiens vers une prise de conscience de cette influence.

M. Gilbert Barbier, président, a objecté qu'il lui semble que les pharmacies hospitalières ont accru leur vigilance et veillent à sélectionner les meilleures molécules et à moindre coût.

M. Philippe Foucras a reconnu les progrès réalisés, tout en indiquant néanmoins que des problèmes subsistent et que les pressions commerciales restent fortes.

M. François Autain a souligné que la force de frappe financière des laboratoires - 4 milliards d'euros - est en effet sans commune mesure avec celle de la Haute Autorité de santé (HAS) - 14 millions d'euros. Considérant cette disproportion des moyens, il s'est interrogé sur la capacité de la HAS à faire prévaloir une information indépendante et transparente pour l'ensemble des médicaments.

M. Philippe Foucras a fait valoir que le manque de moyens financiers des pouvoirs publics et l'absence de réflexion éthique constituent deux obstacles majeurs à l'émergence d'une formation médicale transparente et indépendante. Le pragmatisme financier continue à prévaloir sur les préoccupations éthiques. Des études américaines mettent en évidence le lien entre l'augmentation des prescriptions d'un médicament et le voyage d'étude destiné aux prescripteurs et organisé par le laboratoire qui le commercialise.

M. François Autain a demandé si de telles études existent en France.

M. Philippe Foucras a souhaité que ce soit le cas rapidement pour accélérer la prise de conscience par les praticiens de l'influence à laquelle ils sont soumis, notamment lors des visites médicales de laboratoires qui sont de véritables moyens de promotion et de publicité. Il a appelé de ses voeux la création d'une charte et d'un organisme public indépendant qui labelliserait chaque information diffusée, en indiquant s'il s'agit d'une publicité ou d'une information objective.

Il a en outre invité les praticiens à lire régulièrement « Prescrire », revue objective d'après les critères du collectif Formindep, qui apporte environ huit heures de lecture mensuelle et vingt heures de formation grâce aux tests de connaissances de la revue.

M. François Autain a suggéré que les autorités sanitaires créent un autre journal, rappelant que « Prescrire » a été lancée à l'époque avec le soutien des pouvoirs publics. Il s'est ensuite demandé dans quelle mesure le dialogue instauré par les 700 délégués de l'assurance maladie avec les médecins pour réduire les prescriptions peut porter ses fruits et constituer un bon complément à l'apport de l'Afssaps.

M. Philippe Foucras a appelé que dans le cadre de cette action, l'objectif de l'assurance maladie est de réduire les dépenses de prescriptions, ce qui peut être différent de l'objectif du juste soin et du maintien d'un système solidaire qui garantit un soin de qualité pour tous. Il s'est inquiété que la préoccupation économique devienne prégnante au détriment de l'objectif du juste soin.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a demandé comment les patients peuvent être associés à la promotion d'une information médicale indépendante.

M. Philippe Foucras a indiqué que le respect de l'article 26 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité des soins est primordial, car il donne au patient la possibilité de choisir son médecin en fonction de la qualité de sa formation.

M. François Autain a invoqué le respect de l'autorité médicale, acceptant mal l'idée que le patient puisse juger en toute connaissance de cause de la qualité de la formation de son médecin. En revanche, il a évoqué la responsabilité des patients et des laboratoires dans la consommation excessive de médicaments, le nombre de médicaments mis sur le marché et dénués d'efficacité thérapeutique prouvée étant croissant. Pour contrer la pression forte à la prescription que peut ressentir le médecin de la part du patient, il a suggéré la mise en place du système néo-zélandais de « l'ordonnance verte », qui permet des prescriptions non médicamenteuses telles qu'un régime alimentaire ou la pratique recommandée d'un sport.

M. Philippe Foucras a convenu que les patients ont un rôle incitatif non négligeable dont le médecin doit également prendre conscience.

M. Gilbert Barbier, président, s'est à cet égard interrogé sur le rôle des médias dans cette influence croissante du patient, qui, accédant à des connaissances médicales démocratisées, a tendance à s'autoprescrire des médicaments.

M. Philippe Foucras s'est dit favorable au développement des campagnes médiatiques de santé publique telles que celles menées contre la prescription automatique d'antibiotiques. Elles doivent accompagner un changement culturel dans la pratique médicale, au profit de consultations davantage centrées sur l'écoute personnalisée que sur la prescription.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est montrée étonnée de la sévérité du jugement porté sur les médecins.

M. Philippe Foucras a précisé qu'il s'agit de prendre en compte les influences qui peuvent éloigner de la bonne pratique médicale, y compris pour les médecins de bonne volonté.

Audition de M. Philippe Pignarre, ancien cadre dirigeant de l'industrie pharmaceutique, auteur du livre « Le grand secret de l'industrie pharmaceutique »

Enfin la mission d'information a procédé à l'audition de M. Philippe Pignarre, ancien cadre dirigeant de l'industrie pharmaceutique, auteur du livre « Le grand secret de l'industrie pharmaceutique ».

Après avoir indiqué qu'il a travaillé pendant dix-sept ans dans plusieurs entreprises pharmaceutiques, M. Philippe Pignarre a souligné, d'une façon générale, que les modalités de mise sur le marché des médicaments dépendent étroitement des conditions dans lesquelles la recherche est conduite. Il a estimé que le modèle de connaissance scientifique apparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la faveur de la découverte des antibiotiques, connaît aujourd'hui une crise profonde : les essais cliniques traditionnels, généralement conduits sur une durée d'un à deux ans, ne sont plus adaptés aux médicaments actuels. Pour les antibiotiques, il était possible de tirer très rapidement les enseignements d'une comparaison de l'efficacité d'un placebo et d'une substance active, sur des échantillons de population avec un effectif restreint. Cette approche n'est, en revanche, plus adaptée, dès lors qu'elle est appliquée à des médicaments que les patients sont amenés à prendre pendant des durées très longues pouvant aller jusqu'à 20, 30 ou 40 ans.

M. Philippe Pignarre a mis en avant les effets indésirables apparus longtemps après leur commercialisation des traitements hormonaux contre la ménopause ou des médicaments contre l'hypertension. Dès la mise sur le marché des premiers neuroleptiques, en 1952, il était impossible en réalité de savoir précisément quelles seraient les conséquences à long terme pour les patients de la prise répétée de ces substances actives. Il s'est inquiété de l'absence de solution envisageable susceptible de remédier à cette crise profonde de notre modèle de connaissance plaçant l'industrie pharmaceutique face à un dilemme redoutable : il faudrait que les scientifiques disposent de plus en plus de temps pour étudier les nouvelles molécules, alors même que la durée limitée des brevets conduit précisément à raccourcir au maximum les délais dont ils disposent.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souligné qu'il convient de distinguer l'approche de Gaston Bachelard, fondée sur l'idée selon laquelle la science progresse si l'opinion publique ne sait rien, de celle développée par Ernst Jung, reposant sur la prise en compte et la modélisation des dysfonctionnements.

Après avoir rappelé que les médicaments agissent le plus souvent sur les symptômes des pathologies et non sur leurs causes, M. Philippe Pignarre a estimé, d'une part, que la pharmacovigilance n'est pas assez développée en France, d'autre part, que trop de molécules mises sur le marché dans notre pays présentent un service médical insuffisant. Il a jugé que les autorités sanitaires françaises devraient mieux cibler les priorités en matière d'autorisation de mise sur le marché, comme le fait la Food and drug administration : aux Etats-Unis, les projets innovants, qui représentent 14 % des dossiers, font l'objet d'un examen particulier, tandis que l'immense majorité des autres nouvelles molécules est examinée avec une exigence plus grande et des délais plus longs. Il a précisé qu'un durcissement sélectif des exigences des autorités sanitaires françaises devrait précisément permettre d'orienter les entreprises pharmaceutiques dans leurs choix de recherche.

M. Gilbert Barbier, président, a souhaité connaître l'opinion de M. Philippe Pignarre sur le travail réalisé par l'Afssaps.

M. Philippe Pignarre a estimé que le renouvellement des AMM tous les cinq ans devrait être l'occasion d'un réexamen beaucoup plus poussé des performances des médicaments.

M. François Autain a considéré qu'en réalité ce travail de fond n'est pas fait et se limite en pratique à des formalités administratives.

M. Philippe Pignarre a estimé qu'il conviendrait de placer le dispositif français de pharmacovigilance au coeur des préoccupations des médecins. Le système des déclarations, en particulier, n'est pas totalement fiable : dans le cas du Vioxx, les remontées d'informations sont venues des Etats-Unis mais pas des systèmes européens de pharmacovigilance. Il a considéré également qu'au-delà des essais cliniques traditionnels, il convient de réaliser des études sur des cohortes d'individus pendant une longue période.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souhaité connaître l'opinion de M. Philippe Pignarre sur la publicité directe en matière de médicaments et ses conséquences, dans les pays où elle est autorisée, sur les prescriptions et les consommations de médicaments.

Après avoir souligné le caractère très spécifique du marché du médicament où la personne qui choisit les substances actives n'est pas celle qui les paie, ni d'ailleurs celle qui les consomme, M. Philippe Pignarre a considéré qu'il faut absolument éviter de renforcer les pouvoirs déjà considérables de l'offreur, c'est-à-dire de l'industrie pharmaceutique. Sur ce point, l'exemple des Etats-Unis apparaît d'autant plus négatif que la publicité directe représente désormais une manne financière telle, pour la presse, qu'elle ne pourrait plus s'en passer.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est demandé, d'une part, si la publicité directe en matière de médicament n'existe pas déjà de facto en France par le canal d'internet, d'autre part, comment maîtriser le développement de la vente « en ligne » de médicaments, ainsi que les contrefaçons qui peuvent s'avérer dangereuses pour la santé.

M. Philippe Pignarre a relativisé ce type d'inquiétude, car les informations sur les médicaments diffusées sur internet proviennent essentiellement d'associations de patients ou de forums de discussions. Les laboratoires, en revanche, ont adopté une attitude particulièrement prudente, en évitant toute publicité directe, afin d'éviter d'éventuelles poursuites judiciaires. Qui plus est, dans un pays comme la France, où la grande majorité des médicaments est remboursée par la sécurité sociale, les patients n'ont financièrement aucun intérêt à acheter des médicaments en ligne.

M. Philippe Pignarre a précisé que la population a une large gamme de molécules à sa disposition, en raison du caractère très généreux de l'octroi des AMM dans notre pays, ce qui contribue par là-même à limiter le risque de voir nos concitoyens s'approvisionner en médicaments à l'étranger.

La politique des pouvoirs publics en matière d'AMM n'est d'ailleurs pas exempte d'incohérence. La baisse des prix prévue dans le temps pour les nouveaux médicaments anti-inflammatoires, qui avait été annoncée par M. Jean-François Mattei, alors ministre de la santé, n'est finalement jamais intervenue. Il a aussi qualifié de mystérieuses les conditions dans lesquelles un médicament produit par une firme étrangère ne disposant pas elle-même de centre de recherche, a pu obtenir une AMM en France, alors que son coût est très élevé, plus de 1.000 euros la boîte, et que son dossier ne comportait aucune étude sérieuse. Il a estimé par ailleurs que plus une AMM concerne une substance active touchant une pathologie grave, plus le dossier a tendance à être bâclé, ne serait-ce que pour des raisons compassionnelles visant à soulager la douleur des patients.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est interrogée sur l'opportunité de supprimer l'interdiction faite aux médias de diffuser de la publicité indirecte sur les médicaments, par le biais d'articles sur les nouveaux produits. Elle a souhaité connaître l'opinion de M. Philippe Pignarre sur la presse médicale, dans laquelle la publicité directe ou indirecte, sous la forme d'articles écrits par des « leaders d'opinion » liés aux laboratoires, est largement présente.

M. Philippe Pignarre a souligné que la presse médicale n'est pas en vente libre, mais adressée directement aux médecins, et que l'on peut même au demeurant se demander si on peut employer le mode de « presse » pour la qualifier. Il est exact, en revanche, que l'industrie pharmaceutique dispose d'une grande influence sur la presse aux Etats-Unis, au point même qu'il est devenu impossible, pour un journal aussi prestigieux que le New England Journal of Medecine, de publier l'avis d'un expert indépendant. En France, la presse médicale spécialisée est totalement dépendante des grands laboratoires, mais la grande presse doit conserver une totale liberté de publication sur les médicaments, en particulier, et l'industrie pharmaceutique, en général.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a observé que l'industrie pharmaceutique dispose aussi d'autres vecteurs pour diffuser des informations aux professionnels de santé, notamment la visite médicale et la formation médicale continue. Elle s'est demandé si les informations délivrées ainsi peuvent être considérées comme fiables, y compris pour ce qui concerne les éventuels effets indésirables des médicaments.

Elle s'est également interrogée sur la manière dont on pourrait améliorer l'information des médecins, s'il conviendrait d'instaurer une visite médicale et une formation médicale continue « publiques », et à quelle(s) instance(s) celles-ci pourraient alors être confiées.

M. Philippe Pignarre a indiqué que le métier de visiteur médical a beaucoup changé au cours des trente dernières années, au point que l'impératif commercial prime désormais totalement dans le mode de calcul de leur rémunération : alors qu'auparavant les primes de rendement ne représentaient que 10 % des salaires, il n'est pas rare aujourd'hui que les professionnels du secteur aient un salaire fixe limité au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). D'où certaines dérives commerciales, dont les visiteurs médicaux sont d'ailleurs les premiers à s'émouvoir, et qui se traduisent notamment par l'organisation régulière de séminaires destinés à leur permettre de déjouer les questions embarrassantes du corps médical.

M. Gilbert Barbier, président, a souligné que les objectifs commerciaux des visiteurs médicaux sont sûrement d'autant plus difficiles à atteindre que près d'un tiers des médecins refusent de les recevoir.

M. Philippe Pignarre s'est prononcé en faveur de la création, par la mutualité française, d'un réseau de visiteurs médicaux indépendants qui bénéficieraient ainsi dans leur travail, tout à la fois de son statut et de la confiance dont est crédité cet organisme. Il a observé par ailleurs que l'expérience démontre que les médicaments les moins chers sur le marché sont souvent les plus efficaces, et les plus anciens.

M. François Autain s'est inquiété du manque d'indépendance de la commission d'AMM, dont tous les membres, à la seule exception de ceux nommés par l'Académie nationale de médecine, se trouvent en situation de conflit d'intérêts par rapport à l'industrie pharmaceutique.

M. Philippe Pignarre a estimé que l'idée d'une stricte indépendance des experts est de moins en moins souvent avancée, car il s'agit d'une utopie. Les grands laboratoires s'efforcent de repérer très tôt les jeunes chercheurs prometteurs. Ainsi, il n'existe tout simplement quasiment pas d'experts indépendants disponibles. A l'inverse, certains chercheurs cumulent parfois des fonctions de consultant pour le compte de plusieurs laboratoires. Il a précisé que ce type de collaboration est rétribué entre 40.000 et 100.000, voire 150.000 euros par an.

M. Gilbert Barbier, président, a observé que les réunions de la commission d'AMM ne sont pas publiques.

M. Philippe Pignarre a considéré que si les liens existants entre les chercheurs et les laboratoires constituent une réalité que l'on peut qu'accepter, les débats de la commission d'AMM devraient être ouverts au public et l'ensemble des acteurs du système de santé représentés, notamment les patients et les organismes payeurs.

M. François Autain s'est interrogé sur les expériences étrangères conduites dans ce domaine.

M. Philippe Pignarre a indiqué que la FDA américaine a décidé, à titre exceptionnel, de se réunir publiquement, pour l'examen du dossier d'AMM des médicaments de la famille des Coxx 2. Cette réunion a suscité un vif intérêt et le public présent à cette occasion était nombreux.