Mardi 12 février 2008

- Présidence de M. Jean-François Humbert, secrétaire, et de Mme Brigitte Bout, vice-présidente -

Audition de Mme Henriette Steinberg, secrétaire nationale du Secours populaire français

La mission commune d'information a d'abord procédé à l'audition de Mme Henriette Steinberg, secrétaire nationale du Secours populaire français.

Indiquant que le Secours populaire français avait fêté son soixantième anniversaire il y a deux ans, Mme Henriette Steinberg a précisé qu'il bénéficiait d'un million de donateurs et qu'il rassemblait 67.000 collecteurs animateurs en 2006, 80.000 fin 2007 et qu'il en regrouperait sans doute 100.000 d'ici deux ans. Reconnu d'utilité publique en 1985, agréé en tant qu'association d'éducation populaire dès 1983 et bénéficiant depuis 1988 d'un contrat de recherche européen, le Secours populaire français comporte 670 comités locaux ayant le statut d'association loi de 1901 et regroupés en 98 fédérations. Offrant 1.300 permanences d'accueil et de solidarité réparties sur tout le territoire, ainsi que 4.000 antennes relais constituées d'une ou deux personnes sans personnalité morale, il exerce par ailleurs une activité internationale dans une soixantaine de pays à travers un peu moins de 150 projets. Ayant pour objectif d'apporter un soutien matériel, financier et moral aux victimes de catastrophes naturelles ou humaines, mais aussi plus globalement d'accompagner les personnes en situation de fragilité, il ne constitue toutefois pas une association urgentiste à proprement parler.

Réfutant l'idée d'une différence fondamentale entre personnes socialement intégrées et personnes marginalisées, Mme Henriette Steinberg a jugé inacceptable l'établissement de classifications administratives et de seuils d'obtention de droits, qui portent atteinte selon elle au respect des identités individuelles et tendent à paralyser leurs bénéficiaires. L'exemple du traitement du handicap par les pouvoirs publics illustre l'absence de réelle prise en compte des véritables besoins des personnes en situation de détresse. L'inadaptation de leur environnement quotidien vient aggraver leurs difficultés intrinsèques, ce qui leur rend difficile l'accès aux services usuels comme les transports publics et les confine dans une situation d'insécurité. Retenant une approche globale de la personne intégrant ses multiples composantes, le Secours populaire français, fidèle au triptyque nourrir-soigner-instruire, cherche à alléger le quotidien des publics fragilisés, par exemple en les emmenant en vacances. Il propose également un accompagnement scolaire de leurs enfants, entendu de façon très large car incluant notamment le recours à des activités de loisir.

A M. Jean-François Humbert, président, qui l'interrogeait sur l'évolution des phénomènes de pauvreté et d'exclusion, Mme Henriette Steinberg a répondu qu'ils tendaient à s'aggraver, comme l'illustraient de récentes études réalisées par son association. Soulignant que la pauvreté ne devait pas être exclusivement appréhendée en termes monétaires, elle a souligné en particulier l'augmentation du nombre de personnes âgées en situation précaire, bien que non dépourvues de ressources ; de familles monoparentales, surtout constitués de mères et de très jeunes enfants, dont le coût d'éducation est particulièrement élevé ; de jeunes touchés par l'obésité ou encore de travailleurs pauvres. Ces évolutions, a-t-elle ajouté, sont constatées sur l'ensemble du territoire, y compris dans les campagnes, où se trouvent de nombreux néo-ruraux, anciens citadins rejetés hors des villes.

A M. Jean-François Humbert, président, qui lui demandait des précisions sur l'efficacité des politiques sociales mises en place, Mme Henriette Steinberg a souligné la difficulté à identifier l'origine institutionnelle des mesures de soutien que gère son association. Insistant à nouveau sur les effets négatifs de l'instauration de seuils d'attribution de droits, elle a déploré que ceux-ci aboutissent souvent à aggraver les conditions de vie des personnes cherchant à se réinsérer socialement, en particulier les anciens détenus. Elle a également regretté, par exemple, que les personnes aux faibles moyens soient conduites à grever leur forfait de téléphone mobile pour joindre les services sociaux des administrations.

M. Jean-François Humbert, président, l'ayant questionnée sur la mise en place annoncée d'un livret A spécifique pour les personnes les plus en difficulté, Mme Henriette Steinberg a indiqué que son association avait été consultée la semaine précédente par M. Michel Camdessus, ancien gouverneur de la Banque de France, sur l'extension dudit livret à l'ensemble du réseau bancaire, estimant qu'il faudrait, en tout état de cause, éviter toute mesure stigmatisant les publics ciblés.

Répondant à une interrogation de M. Jean-François Humbert, président, sur les mesures de soutien à l'enfance et aux familles, Mme Henriette Steinberg a regretté que les services sociaux, plutôt que d'aider les foyers risquant de perdre leur logement à le conserver, leur enlèvent leurs enfants pour les remettre à des structures d'accueil onéreuses.

Elle a par ailleurs déploré que le revenu de solidarité active (RSA) ne soit octroyé qu'aux personnes dont les revenus sont situés au-dessous d'un seuil fixé à 817 euros par mois, tout en considérant de façon positive son lien avec l'activité. Faisant référence à un sondage montrant que les Français situaient le seuil de pauvreté à environ 1.000 euros de revenus mensuels, elle a indiqué que la démarche du Secours populaire consistait à s'interroger, à l'inverse, sur les conditions minimales d'une vie décente. Soulignant l'intérêt de l'objectif global de réduction d'un tiers de la pauvreté d'ici cinq ans, elle a néanmoins souligné que le Secours populaire accorderait une situation particulière aux deux tiers restants.

Répondant à une question de M. Jean-François Humbert, président, sur la mise en place éventuelle d'un revenu minimum d'existence, Mme Henriette Steinberg a précisé que cette approche n'était pas retenue par son association et insisté sur l'importance du travail et du revenu qui en est issu pour la dignité de la personne. Indiquant que le Secours populaire français accordait la priorité à l'enfant, à la sécurisation de son parcours et à l'occupation de ses temps de loisirs et de vacances, elle a déploré que ne soient pas suffisamment prises en compte les situations individuelles dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques.

A Mme Nicole Bout, qui lui demandait quels éléments singularisaient son association par rapport aux autres structures associatives intervenant dans le même secteur, et notamment à celles regroupées au sein de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, Mme Henriette Steinberg a précisé que le Secours populaire français, membre de l'UNIOPSS, était une association généraliste de solidarité, indépendante dans ses ressources comme dans son organisation, soutenant les personnes en situation de détresse, qu'elles qu'en soient les causes.

Audition de M. André Gachet, président de la Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement (FAPIL)

La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. André Gachet, président de la Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement (FAPIL) qui, après avoir rappelé que la Fédération avait été créée en 1988 et qu'elle comptait une centaine d'adhérents installés sur l'ensemble du territoire, a indiqué qu'elle intervenait en faveur du droit à un habitat adapté aux besoins de chacun à travers les politiques suivantes :

- l'accueil dans des permanences des personnes ayant des difficultés à trouver un logement ;

- l'accompagnement social lié au logement ;

- la gestion locative adaptée, par l'intermédiaire des agences immobilières à vocation sociale (AIVS) ;

- et, enfin, la maîtrise d'ouvrage en matière d'insertion, avec une implication dans les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et les programmes sociaux thématiques (PST).

Suite à une interrogation de M. Jean-François Humbert sur les conditions de création de la FAPIL, M. André Gachet a indiqué que la constitution de la Fédération avait été progressive et que ses missions et sa composition se transformaient en fonction de la demande sociale, en constante évolution. A cet égard, il a cité des problématiques récentes à prendre en compte en matière de logement, telles que l'allongement de la durée de vie, qui crée des nouvelles demandes de mobilité des bénéficiaires de logements sociaux souhaitant se rapprocher de membres de leur famille, la féminisation de la pauvreté, du fait de l'augmentation des divorces, ou les difficultés liées à la santé mentale.

M. André Gachet, a ensuite insisté sur la question du « mal logement » qui, bien qu'invisible, a selon lui qui a un impact très fort sur le bien-être social. Sont mal logés les occupants d'une habitation ne pouvant y vivre tous ensemble, y recevoir des invités ou qui l'occupent de manière illégale. Or, bien que difficile à évaluer, le « dépannage » familial et amical semble aujourd'hui en forte augmentation, notamment dans les logements sociaux. C'est une source de difficultés pour les personnes concernées, qui deviennent des mal logées. Preuve supplémentaire de l'aggravation de la situation du logement en France, la durée moyenne d'habitation dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale est de deux ans, alors que la durée du séjour est en principe limitée à six mois.

Soulignant que la manifestation extrême du « mal logement » était la renaissance des bidonvilles depuis 2000, M. André Gachet a insisté sur l'importance de la prise en charge de ce problème par l'État du fait de la situation dramatique de leurs occupants, et a réfuté l'idée selon laquelle cette intervention risquerait de créer un appel d'air pour certaines populations.

A Mme Brigitte Bout qui l'interrogeait sur le dispositif du droit au logement opposable institué par la loi du 5 mars 2007, il a répondu qu'il s'agissait d'une excellente avancée pour une association ayant participé à la plate-forme pour le droit au logement opposable élaborée en octobre 2003, mais que deux écueils devaient être évités, à savoir la stigmatisation des publics concernés et une sélection trop drastique des personnes susceptibles d'en bénéficier.

En outre, M. André Gachet a souhaité mettre en avant l'importance de la prévention de la perte de logement, afin d'éviter le plus possible que ne soit utilisée l'opposabilité du droit au logement. Reconnaissant que la protection trop forte du locataire pouvait entraîner des effets néfastes du fait de la frilosité des propriétaires à louer, il a toutefois insisté sur le soutien dont devaient bénéficier les personnes menacées d'expulsion par une politique d'accompagnement protectrice. Ainsi a-t-il estimé que la diminution pérenne du revenu d'un locataire ou l'augmentation de son endettement imposait certes un changement de logement, mais à la condition que l'État utilise des dispositifs de prise en charge de la période intermédiaire entre l'expulsion et l'occupation d'un nouveau logement adapté, tels que la mise à disposition d'un logement temporaire, l'utilisation de la sous-location associative, ou la mise en parenthèse du bail jusqu'à l'apurement de la dette. Le locataire menacé d'expulsion pour trouble doit quant à lui faire l'objet d'un accompagnement social concerté entre les acteurs qui permette de prévenir l'expulsion, dans la mesure où celle-ci met bien souvent l'individu dans une situation de précarité dont il est difficile de sortir.

Lorsque Mme Brigitte Bout s'est enquise des méthodes qui devaient être utilisées afin d'articuler les actions des différents acteurs de la politique du logement, M. André Gachet a rappelé que les outils politiques existaient déjà avec les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), qui auraient dû être mis en place sur l'ensemble du territoire, et les plans locaux de l'habitat (PLH). Il a insisté ensuite sur l'importance de la circulation de l'information et mis en avant un exemple concret de création par la FAPIL de lieux d'accueil et d'information sur l'expulsion locative à Lyon et à Marseille, réunissant des travailleurs sociaux, la caisse d'allocation familiale, et des avocats.

Sur la question du logement social, M. André Gachet a fait part de sa profonde préoccupation liée au faible taux de rotation d'occupation de ces logements en raison de l'augmentation des loyers dans le parc privé locatif. Ainsi à Lyon, le nombre de loyers du parc privé locatif fixés au niveau de ceux des habitations à loyers modérés est-il passé de 50 % à 5,6 % entre 1994 et 2004, sans que la demande de logements sociaux diminue. Il en a conclu que l'État serait incité à réglementer les loyers si l'effort de construction et les dotations aux PLAI n'étaient pas renforcés. A cet égard, il a estimé que des marges de financement étaient disponibles dans la mesure où 70 % des crédits que l'État consacre aux logements sont aujourd'hui destinés au logement privé, sans contrepartie sociale.

Mme Brigitte Bout a enfin mis en exergue les difficultés actuelles rencontrées par les communes pour disposer de réserves foncières.

Audition de Mme Nicole Maestracci, présidente, et M. Hervé de Ruggiero, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS)

La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de Mme Nicole Maestracci, présidente, et M. Hervé de Ruggiero, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS).

Mme Nicole Maestracci a d'abord rappelé que la FNARS avait été fondée en 1956 par de grandes associations nationales de lutte contre la pauvreté (notamment le Secours catholique, Emmaüs, Aurore, l'Armée du Salut), afin de venir en aide à des personnes pour lesquelles il n'existait pas alors de prise en charge publique, notamment les ex-détenus et les prostituées. La FNARS a mis en place avec les pouvoirs publics les premiers centres d'hébergement pour personnes en difficulté. Elle rassemble aujourd'hui près de 800 associations qui couvrent la plus grande partie du champ de l'insertion et qui gèrent ensemble environ 85 % des centres d'hébergement (centres d'hébergement et de réinsertion sociale, centres d'hébergement d'urgence, centres d'hébergement éclaté), 50 % des ateliers et chantiers d'insertion, financés notamment par les contrats aidés, et 50 % des foyers d'accueil pour demandeurs d'asile. Animant un réseau de 22 associations régionales, elle permet aux organismes qui la composent de bénéficier d'une veille juridique, de conseils et d'une assistance technique.

La FNARS s'efforce d'influencer les politiques publiques nationales, locales et européennes dans le champ de la pauvreté et de l'exclusion et signe également des conventions avec les pouvoirs publics pour l'exercice de certaines missions dans ce domaine. Elle a tenu en 2006-2007 ses états généraux, qui lui ont permis de formuler de nouvelles propositions sur la prise en charge des personnes en difficulté.

Au cours de la récente affaire des sans-abri du canal Saint-Martin, les pouvoirs publics ont confié à la FNARS une mission de coordination des associations et des travailleurs sociaux, afin d'établir un diagnostic de la situation des personnes concernées et de proposer des solutions. Une conférence de consensus a été ensuite organisée le 18 décembre dernier, puis le Premier ministre a confié au député Etienne Pinte une mission sur l'hébergement et le logement des personnes sans abri ou mal logées, celle-ci devant s'appuyer sur les propositions du comité de suivi de la loi sur le droit au logement opposable. Le Premier ministre a annoncé le 29 janvier un plan d'action sur lequel la FNARS travaille actuellement, tout en regrettant que les moyens annoncés soient, selon elle, insuffisants.

En réponse à une question de Mme Brigitte Bout, présidente, sur une éventuelle aggravation de la pauvreté et de l'exclusion et sur l'évolution des catégories de populations touchées par ce phénomène, Mme Nicole Maestracci a d'abord regretté un manque de données croisées sur la pauvreté, malgré les éléments fournis par l'INSEE et par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion. La FNARS souhaite que ce dernier dispose de moyens plus importants, afin, notamment, que les plans d'hébergement ne soient plus élaborés sans une connaissance précise des besoins.

D'après les données disponibles, la pauvreté monétaire a diminué depuis dix ans. Cependant, la pondération de cet indicateur par le critère du taux d'effort dans le logement permet de constater que les personnes vivant au niveau du seuil de pauvreté ne peuvent pratiquement pas se loger. A un niveau de revenu médian, le taux d'effort pour le logement est encore de 50 %. Il convient également de prendre en compte le coût élevé des transports, qui constitue souvent un obstacle à la reprise d'emploi. Le « reste à vivre » peut donc rester très bas malgré la diminution de la pauvreté monétaire. Disposer de nouveaux indicateurs plus fins est indispensable, notamment eu égard à l'objectif fixé par le Président de la République à M. Martin Hirsch de réduire de 30 % la pauvreté en cinq ans.

Mme Nicole Maestracci a ensuite souligné que les catégories de personnes concernées par la pauvreté avaient évolué. Les personnes ayant un emploi sont ainsi plus souvent touchées qu'auparavant, même lorsqu'elles vivent en couple. La complexité du système d'indemnisation tend également à laisser de côté les jeunes de 18 à 25 ans, en particulier dans les zones sensibles, où le chômage est très fort. S'ils ne peuvent pas s'appuyer sur des solidarités familiales, ces jeunes peuvent très vite glisser dans la grande pauvreté. Ils représentent ainsi 20 % des personnes accueillies dans les centres d'hébergement alors qu'ils constituent seulement 9 % de la population totale.

Les associations observent par ailleurs une aggravation des problèmes de santé malgré la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU). En effet, divers obstacles gênent l'accès des personnes les plus marginalisées à la CMU, et le rapport Chadelat a montré en outre que certains médecins refusent de recevoir les patients qui relèvent de cette couverture. La crise du système psychiatrique public est également en cause : les maladies les plus graves sont prises en charge de manière prioritaire au détriment des troubles de comportement dont souffrent beaucoup de sans-domicile fixe, ce qui rend plus difficile leur accueil dans les centres d'hébergement.

Mme Nicole Maestracci a par ailleurs constaté que les personnes âgées étaient de plus en plus touchées par la pauvreté en raison de revenus insuffisants. Elle a également souligné l'importance des addictions, en particulier de l'alcoolisme, dont il est bien souvent difficile de savoir s'il est la cause ou la conséquence de l'exclusion.

Mme Isabelle Debré a souligné que les réticences de certains médecins à prendre en charge des patients couverts par la CMU pouvaient s'expliquer en partie par les difficultés qu'ils rencontrent pour obtenir le respect des rendez-vous fixés et le paiement de leurs prestations. Elle s'est ainsi interrogée sur la possibilité de responsabiliser les patients.

Mme Nicole Maestracci, tout en reconnaissant l'existence de ces problèmes, a rappelé que le traitement de ces patients est une nécessité de santé publique. Il est donc exclu de renoncer à les traiter même s'ils manquent leurs rendez-vous, ce qui arrive en effet plus fréquemment aux personnes en difficulté. En cette matière, il est difficile de concilier un système de soins très individualisé, s'appuyant peu sur le travail en réseau des médecins et comportant peu de centres de santé, avec le nécessaire accompagnement des patients pauvres ou exclus.

M. Yannick Bodin a estimé qu'il était difficile d'exiger d'une personne en situation de détresse qu'elle ait un sens de la responsabilité, la première nécessité étant de lui venir en aide. Il a par ailleurs souligné la nouveauté que constituait la pauvreté de personnes disposant pourtant d'un emploi à temps partiel voire à temps complet, en remarquant que cette situation était notamment due au coût élevé du logement. Il a également souhaité connaître la position de la FNARS dans le débat sur le manque de places en centre d'hébergement d'urgence, ainsi que sur la réticence de nombre de sans-abri à s'y rendre. Il a enfin souhaité savoir si le dispositif d'hébergement des femmes battues s'était amélioré grâce à l'application de la loi sur les violences au sein du couple.

Concernant l'hébergement des sans-abri, Mme Nicole Maestracci a souligné la complexité excessive du système et la nécessité d'unifier son cadre juridique. Personne ne dispose à ce jour d'une vision précise et claire des caractéristiques et de la qualité du dispositif d'hébergement. Cependant, il apparaît clairement que si les places sont théoriquement assez nombreuses pour héberger tous les sans-abri, la qualité de ces places est insuffisante pour répondre véritablement aux besoins. Les places d'hébergement ont en effet été créées au gré des plans d'urgence successifs, sans que soit prise en compte la diversité des sans-abri et de leurs besoins. Des hébergements avec dortoirs ont également été conservés alors que les sans-abri refusent de s'y rendre. Enfin, en région parisienne, environ 30 % des personnes bénéficiant de l'hébergement d'urgence sont suffisamment intégrées dans la société, mais ne peuvent bénéficier d'un logement en raison de son coût trop élevé. Elles occupent ainsi des places au détriment de personnes en situation bien plus difficile.

De manière générale, les politiques déployées ont seulement visé, jusqu'à présent, la simple mise à l'abri, ce que les Anglais appellent « revolving door » (la porte tournante). Le traitement de l'urgence sociale s'est ainsi largement inspiré de celui de l'urgence médicale alors qu'il exige davantage de durée et de continuité dans l'accompagnement. Entre 2000 et 2005, les crédits d'urgence d'hébergement ont ainsi connu une hausse de 25 % alors que le nombre de sans-abri a continué à augmenter. La comparaison avec d'autres pays européens montre également l'inadéquation de la politique menée jusqu'à présent. Il convient désormais de privilégier le suivi des personnes tout au long de leur parcours, de leur hébergement en urgence jusqu'à leur accession en logement, en passant par les séjours en hôtel. La FNARS a ainsi pu constater le succès de la cellule de suivi des sans-abri mise en place lors de la crise du canal Saint-Martin. Une telle prise en charge est finalement moins coûteuse pour la société, aussi bien financièrement qu'en termes de sécurité et de cohésion sociale.

En ce qui concerne les femmes battues, la FNARS dispose de structures d'accueil de bonne qualité dans tous les départements. Le problème principal est maintenant celui du conjoint, dont la loi sur les violences au sein du couple a prévu l'éviction mais pas l'accompagnement, alors même qu'un conjoint violent non accompagné présente un très fort risque de récidive. Il est également nécessaire de mieux prendre en compte les enfants du couple dont un conjoint est violent. Enfin, l'importante augmentation des violences conjugales constatée dans les statistiques est sans doute en grande partie due au fait que les femmes portent plus volontiers plainte qu'auparavant.

Dans le domaine de l'insertion par l'activité économique, la FNARS a mis en place de nombreux ateliers et chantiers d'insertion, avec le souci d'accompagner les personnes le plus longtemps possible, alors que la prise en charge par les pouvoirs publics ne s'étend pas au-delà de la durée du contrat aidé.

Concernant le revenu de solidarité autonomie (RSA), Mme Nicole Maestracci a rappelé que la FNARS avait participé à la commission « Famille et vulnérabilité » présidée par M. Martin Hirsch et partageait son diagnostic sur le caractère excessivement complexe et peu incitatif du système, diagnostic à l'origine du RSA. Cependant, elle a souligné deux difficultés dans la mise en oeuvre de cette mesure. D'une part, elle sera limitée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé et ne bénéficiera donc ni aux jeunes, ni aux travailleurs pauvres, ni aux personnes en contrat aidé vivant sous le seuil de pauvreté. La FNARS préconise au contraire une allocation compensatrice bénéficiant à toute personne qui, ayant un travail, n'atteindrait pas le seuil de pauvreté. D'autre part, il existe, a-t-elle estimé, un certain risque que les employeurs maintiennent les salaires à un bas niveau, sachant qu'il y aura compensation par les pouvoirs publics.

Mme Nicole Maestracci a également souligné la difficulté, constatée par les différents acteurs du Grenelle de l'insertion, d'organiser un pilotage et une coordination efficace du service public de l'emploi, des missions locales, de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et des autres organisations de formation professionnelle, sans se laisser enfermer dans les catégories administratives : on constate ainsi pour le moment un ciblage des politiques sur les chômeurs indemnisés mais une attention insuffisante portée aux personnes non indemnisées tels que les chômeurs en fin de droits et les jeunes. Ainsi, certains jeunes non indemnisés ne peuvent pas bénéficier d'une formation alors que tous les crédits de la formation professionnelle ne sont pas dépensés.

La FNARS souhaite enfin la mise en place d'un contrat d'insertion unique qui remplacerait tous les contrats aidés actuels, différenciés par catégorie de personnes et de situations. Il s'agirait de faire confiance aux travailleurs de terrain pour adapter ce contrat en termes de type de formation, de durée... aux personnes concernées, avec un contrôle a posteriori sur le parcours des personnes. La FNARS réfléchit ainsi actuellement aux problèmes juridiques posés par la création d'un tel contrat.