Mardi 25 mars 2008

- Présidence de M. Christian Demuynck, président -

Audition de M. Patrick Viveret, conseiller maître à la Cour des comptes, auteur du rapport « Reconsidérer la richesse »

La mission commune d'information a d'abord procédé à l'audition de M. Patrick Viveret, conseiller maître à la Cour des comptes, auteur du rapport « Reconsidérer la richesse ».

M. Patrick Viveret a d'abord rappelé le contexte général dans lequel s'était inscrite sa mission, précisant qu'elle avait débuté début 2000 et débouché, en mars 2002, sur la publication du rapport « Reconsidérer la richesse » lors d'une conférence internationale en présence du président de la République et du Premier ministre français de l'époque. Il a ajouté que cette conférence avait été coorganisée avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), seule institution alors investie dans la recherche d'indicateurs économiques alternatifs.

Il a indiqué que les travaux sur ce sujet avaient depuis largement progressé et étaient aujourd'hui intégrés par les acteurs de la société civile, ainsi que par des institutions internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international ou l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il a ajouté qu'ils avaient donné lieu à un colloque au Parlement européen il y a quelques mois intitulé « Au-delà du PIB ».

Dans ce contexte d'accélération d'une prise de conscience collective des enjeux, la commission à vocation internationale faisant suite au Grenelle de l'environnement, mise en place à l'initiative du président de la République et animée par Joseph Stiglitz et Amartya Sen, premier théoricien des indicateurs alternatifs au taux de croissance, se réunira le 22 avril et aura pour principal objectif d'établir un lien entre lesdits indicateurs et la prise de décision publique.

Les réformes économiques et le traitement des dérèglements climatiques préconisés par la communauté internationale nécessitent une réduction préalable des injustices sociales, a poursuivi M. Patrick Viveret. C'est ainsi qu'aux deux premiers piliers -économique et environnemental- constituant le triptyque du développement durable, est aujourd'hui privilégié le troisième, de nature sociale. La mise en oeuvre de mesures promouvant un tel développement est en effet soumise à leur acceptation par les populations concernées.

A l'origine perçus comme excessivement pessimistes, les travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont aujourd'hui considérés comme trop optimistes au regard des connaissances acquises sur le sujet. Situant, non plus à 2010 ou 2050, mais seulement à 2030 les échéances ultimes, l'OCDE insiste dans son dernier rapport sur l'urgence de réorganiser dès à présent, de façon rapide et radicale, les modes de production et de distribution.

Dans ce contexte, la question de la pertinence des instruments de mesure, et notamment de l'opportunité d'un indicateur social, devient déterminante. Elaboré aux Etats-Unis à partir d'une dizaine de grandes variables objectives et incontestables, l'indice de santé sociale, évoqué dans le rapport « Reconsidérer la richesse », se démarque de la mesure de la croissance du produit intérieur brut (PIB) : si les deux évoluaient parallèlement à la hausse jusqu'aux années 60/70, le premier a ensuite stagné, puis décroché par rapport au second aux Etats-Unis et dans certains pays européens. La revue Alternatives économiques et le réseau d'alerte sur les inégalités ont ainsi créé l'indice BIP 40, indicateur synthétique des inégalités et de la pauvreté. A un niveau plus local, des initiatives sont également prises en ce sens : ainsi, la région Nord-Pas-de-Calais cherche à adapter les indicateurs de développement humain à son échelle et à modifier en conséquence les processus décisionnels.

Suite à une interrogation de M. Bernard Seillier, rapporteur, M. Patrick Viveret a souligné la lenteur de la diffusion de ces nouvelles approches de la croissance et du bien-être, les enseignements économiques étant très majoritairement construits sur des théories néoclassiques et néomarginalistes. Si la prise de conscience est assez rapide au sein de la société civile internationale, elle l'est moins au sein des institutions internationales, et moins encore dans un cadre national. Indiquant que les choix globaux de société précédaient la constitution des indicateurs, il a fait référence au système français de comptabilité national, élaboré après la guerre et basé sur les impératifs de la reconstruction et de la modernisation de l'économie. Aujourd'hui, de nouveaux instruments de mesure vont se développer en raison des besoins des décideurs politiques qui cherchent à réguler certains secteurs d'activité, comme le montre la commande du président de la République à la commission Stigltitz.

A M. Bernard Seillier, rapporteur, qui l'interrogeait sur les orientations que la mission d'information sénatoriale pourrait utilement suivre, M. Patrick Viveret a évoqué la nécessité de substituer aux indicateurs monétaires, auxquels on recourt principalement en raison de leur universalité et leur simplicité d'usage, de nouveaux types d'indicateurs. Le gonflement de l'économie spéculative, dont les flux sont cent fois supérieurs à ceux de l'économie réelle, déconnecte l'unité monétaire des éléments matériels sur lesquels elle est assise. Or, en l'absence d'autre unité de mesure, les institutions internationales sont contraintes de monétariser des éléments de capital naturel ou humain pour les évaluer : l'OCDE a par exemple calculé que ces derniers constituaient 84 % du capital global.

Soulignant l'aspect réducteur de la notion classique d'activité, M. Patrick Viveret a ainsi expliqué que celle-ci ne rendait compte que de 60.000 à 90.000 des 700.000 heures de vie d'une personne de 76 ans, tout le reste -bénévolat, activités domestiques, études supérieures- n'étant pas comptabilisé. Il a, par conséquent, recommandé le recours à un nouvel instrument, le « budget temps », qui permettrait de mieux renseigner sur les trois fonctions classiques de la monnaie : unité de compte, moyen d'échange, réserve de valeur. Considérant que les obstacles à l'adoption généralisée d'un tel outil étaient d'ordre culturel et émotionnel, et non technique, il a noté l'absence de travaux théoriques sur la question monétaire. Rappelant que les fonctions de la monnaie avaient d'abord été religieuses, puis politiques, avant d'être économiques, il a souligné la fascination traditionnelle des hommes à son égard et l'espérance d'immortalité investie dans la notion d'argent à travers et pendant longtemps l'usage de métaux précieux. Considérant qu'il serait théoriquement simple de créer des monnaies spéculatives, il a estimé que cette approche traditionnelle, et souvent inconsciente, s'opposait en pratique au passage d'une « monnaie bien », pourvue en elle-même d'une certaine valeur, à une « monnaie lien », n'ayant qu'une valeur de convention. De par l'écart démesuré entre valeur vénale et valeur réelle qu'elle met en évidence, la crise financière devrait toutefois favoriser l'émergence d'un débat et d'une prise de conscience sur la nécessité d'adopter de nouveaux instruments rendant mieux compte des réalités économiques.

A M. Christian Demuynck, président, qui le questionnait sur le projet SOL de monnaie expérimentale, M. Patrick Viveret a précisé qu'il s'agissait d'un programme européen soutenu par cinq régions françaises -Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France, Alsace et Rhône-Alpes-, consistant à proposer des monnaies complémentaires assurant pleinement les trois fonctions classiques de la monnaie et valorisant des questions d'utilité politique, écologique et sociale. Il est convenu cependant que les monnaies d'un nouveau type tel que le SOL faisaient également, comme les monnaies classiques, l'objet de comportements spéculatifs. Ainsi, la crise financière en Argentine a conduit la population à privilégier une monnaie alternative, le creditos, qui a bientôt fait l'objet des mêmes excès d'usage que le pesos auquel il se substituait.

A M. Bernard Seillier, rapporteur, qui l'interrogeait sur l'application pratique de la notion de budget temps, M. Patrick Viveret a indiqué qu'elle était très morcelée et restait encore très largement au stade d'objectif.

Egalement questionné par M. Bernard Seillier, rapporteur, sur le thème de la notation sociale des entreprises, M. Patrick Viveret a estimé qu'il était temps aujourd'hui de passer à un stade de développement plus ambitieux et qu'il serait utile que les agences de notation financière s'inspirent des méthodes de leurs homologues extra-financières.

Se félicitant des travaux menés par l'intervenant sur les indicateurs sociaux, Mme Annie David l'a ensuite questionné sur l'apparition de travailleurs pauvres et la dégradation de leurs conditions de santé et de travail, sur le phénomène de désolidarisation du financement de la santé au profit de mécanismes assurantiels, ainsi que sur la progression du bénévolat comme réponse au désengagement des pouvoirs publics.

Partageant les interrogations de sa collègue sur le phénomène des travailleurs pauvres, Mme Brigitte Bout s'est interrogée sur les modalités concrètes du programme SOL dans sa région.

M. Patrick Viveret a souligné de façon générale que tous les éléments qu'il développait dans son rapport visaient à mieux reconnaître la richesse de chaque être humain et à permettre de lui octroyer un revenu à la hauteur de sa contribution sociale effective. Il a réfuté les approches purement « assistantielles » des politiques sociales, stigmatisant et rendant dépendantes les populations concernées, au profit d'une responsabilisation des acteurs. Condamnant les formes contraintes du bénévolat par lesquelles des acteurs publics et privés se déchargent d'activités qui devraient être assurées par la solidarité nationale, il a appelé à mettre au coeur des politiques publiques le système des monnaies complémentaires en vue de les réorienter vers des pratiques réellement durables. Enfin, il s'est engagé à transmettre les modalités du projet SOL en Nord-Pas-de-Calais.

Mme Annie David l'a ensuite questionné sur le concept d'entreprise citoyenne, sur la notion de « coût évité de la pauvreté » défendue par l'ancien ministre de l'économie, M. Edmond Alphandéry, ainsi que sur les moyens dont dispose le politique pour utiliser l'économie sociale et solidaire comme levier d'action profitant à l'ensemble du secteur productif.

M. Patrick Viveret a indiqué que la notion de « coût évité », liée aux richesses invisibles, et notamment à la santé, avait été centrale dans ses travaux. L'Organisation mondiale de la santé a ainsi montré l'important retour sur investissement des financements affectés aux politiques publiques de prévention. Prédisant que la survenance récurrente de crises climatiques et financières, dont chacune renforçait l'autre, allait devenir un atout pour le développement durable en contraignant l'ensemble des acteurs à se mobiliser fortement pour entreprendre de profondes réformes, il a annoncé le retour du décideur politique au premier rang de ceux-ci, à condition qu'il soit capable préalablement de reconsidérer son rapport au pouvoir, en privilégiant le « pouvoir de », caractérisé par le diptyque vertueux création-coopération, au « pouvoir sur », marqué par le binôme peur-domination. Enfin, il a fait référence aux travaux de l'économiste Karl Polanyi, démontrant que la marchandisation du politique et de la recherche de sens au sein des « sociétés de marché » entraînait nécessairement de profondes régressions sociales aboutissant à la guerre ou à la résurgence des fondamentalismes identitaires.

Audition de M. Julien Damon, rapporteur général du Grenelle de l'insertion

La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Julien Damon, rapporteur général du Grenelle de l'insertion.

Centrant son intervention sur le phénomène des « sans domicile fixe » (SDF), il a souligné que celui-ci était un concentré de tous les autres problèmes sociaux (chômage, pauvreté, mal logement) et que la politique publique afférente était au croisement des différentes politiques sociales (urbanisme, emploi, santé, immigration...).

Il a constaté qu'un sentiment d'aggravation du phénomène SDF était partagé par la population française alors que la politique engagée en faveur de ces populations enregistrait des résultats non négligeables, notamment en stabilisant leur nombre. Il a ainsi signalé qu'en dépit d'estimations allant de 100.000 à 800.000 personnes sans-abri, une enquête de référence de l'INSEE de février 2001 avait dénombré 86.000 « sans-domicile » et que le système de prise en charge s'était densifié, passant d'un montant extrêmement faible en 1984, à 500 millions d'euros en 2002 et 1 milliard d'euros en 2006. Paris serait la ville du monde où les dépenses en faveur des sans-abri sont les plus importantes. Il a terminé son propos introductif en insistant sur la distinction entre SDF et mal logés, dont le nombre s'établirait à 3 millions de personnes, en soulignant que l'échelle nationale était dépassée et que le problème devait être abordé aux niveaux aussi bien municipal qu'européen. Il a enfin estimé que l'objectif « zéro SDF » était réaliste.

Partant de ces constats, et pour atteindre ce dernier objectif, M. Julien Damon a avancé dix propositions :

- distinguer le problème du mal logement de celui des sans-abri, afin de poursuivre un objectif clair de « zéro SDF » ;

- fixer l'objectif d'une éradication du « sans-abrisme » d'ici à 2012 ;

- recenser les SDF dans chaque ville afin d'appréhender précisément l'ampleur du phénomène ;

- prendre en charge le problème localement ;

- simplifier radicalement le système de prise en charge des SDF ;

- réserver les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) aux sans-abri ;

- interdire que les gens dorment dehors en leur imposant, en se fondant sur le principe de l'assistance aux personnes en danger, d'accepter tout hébergement proposé ;

- revoir le système de prise en charge des SDF parisiens ;

- profiter de la présidence française de l'Union européenne afin de créer une agence européenne pour la prise en charge des sans-abri ;

- évaluer chaque année le résultat de ces actions.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur la politique de prévention à mettre en place sur cette problématique des sans-abri, sur les avancées du Grenelle de l'insertion et sur les priorités que notre pays devrait retenir pour lutter contre l'exclusion.

M. Julien Damon a indiqué que les prestations sociales et familiales permettaient déjà de réduire par deux la pauvreté, que plus de 60 % des SDF touchaient au moins une allocation sociale, un tiers des SDF étant allocataire d'un revenu minimum, et 10 % percevant une allocation logement. Il a ensuite rappelé que le Grenelle de l'insertion était à mi-parcours et qu'il n'était pas le lieu de débat de l'ensemble des politiques d'insertion, mais qu'il s'attachait à traiter de la question spécifique de l'insertion professionnelle à travers le projet de revenu de solidarité active s'accompagnant d'une réforme des minima sociaux et de la prime pour l'emploi. Il a enfin estimé que la simplification était le chantier prioritaire de la lutte contre l'exclusion, prenant comme exemple, d'une part, l'existence d'une dizaine de minima sociaux pour prendre en charge le handicap, la vieillesse et la perte d'emploi et d'autre part, l'augmentation constante du nombre de commissions départementales chargées de l'exclusion.

M. Christian Demuynck, président, a souhaité savoir si les parcours résidentiels ascendants fonctionnaient et comment on pouvait les améliorer. M. Julien Damon a souligné que le logement social, accessible selon le revenu, n'avait pas été mis en place pour les SDF et regretté que les logements à caractère très social abritent des populations qui devraient bénéficier de logements sociaux. Un tiers des personnes accueillies dans les CHRS dans des conditions très onéreuses pour la collectivité pourrait ainsi habiter des logements sociaux s'ils étaient disponibles. Il en a conclu que les parcours résidentiels ascendants sont hypothéqués par l'insuffisance de logements sociaux.

A M. Charles Revet qui l'interrogeait sur les modalités de simplification administrative et sur la formation des familles à la gestion de leur revenu, M. Julien Damon a précisé qu'il transmettrait dès que possible les conclusions du Grenelle de l'insertion sur ces questions.

Mme Annie David a estimé que la création de logements sociaux permettrait de répondre à certaines situations de précarité, notamment celle des travailleurs pauvres, et a évoqué la multiplicité des structures de lutte contre la pauvreté.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a considéré que l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains était de nature à améliorer le parcours d'insertion par le logement.

M. Julien Damon a considéré qu'afin d'éviter l'empilement des structures administratives, il fallait éviter de poser la question de la réduction du nombre de SDF en termes d'obligation de moyens et fixer des objectifs précis et concrets. Il a rappelé, en dépit des craintes de nombreux Français de devenir SDF, exprimées à travers plusieurs sondages, que la plupart des SDF venaient de familles pauvres et cumulaient initialement plusieurs difficultés, familiales, professionnelles ou de santé. Il a enfin insisté, du fait des phénomènes d'adaptation à la rue, sur l'importance de l'obligation d'imposer un logement afin de réduire le phénomène SDF.

Audition de Mme Maria Nowak, présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE)

La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de Mme Maria Nowak, présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE).

M. Christian Demuynck, président, a souligné l'intérêt de la mission pour le microcrédit et ses modalités concrètes d'application ainsi que pour les actions conduites par l'ADIE et les résultats encourageants qu'elle a obtenus depuis sa création. Il s'est enfin dit prêt à accueillir toutes les suggestions susceptibles de favoriser la réalisation des objectifs de cette association.

Mme Maria Nowak, présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique, a tout d'abord rappelé que l'ADIE, créée en 1988, s'est inspirée des pratiques de microcrédit mises en oeuvre au Bangladesh et dans d'autres pays en développement. Le principe repose sur l'idée que tout homme est capable de créer par lui-même de la richesse avec du travail et du capital. La création d'une activité indépendante nécessite souvent peu de capital et permet à des personnes qui bénéficiaient des revenus de l'assistance de retrouver une activité et même de créer d'autres emplois. Le travail indépendant est une voie d'insertion en plein essor grâce au développement des services à la personne et des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Plus des deux tiers des jeunes disent vouloir créer une entreprise et on constate une multiplication des petites structures : 92 % des entreprises regroupent moins de dix salariés et 50 % n'en ont aucun. On constate parallèlement l'essor du secteur informel, dont les activités rencontrent des difficultés de développement dans un cadre actuellement trop contraignant.

L'ADIE, qui assume à la fois le financement et l'accompagnement des projets des personnes en difficulté, constitue un véritable laboratoire d'observation pour les pouvoirs publics. Les résultats obtenus sont plutôt satisfaisants : plus de 53 000 crédits ont été accordés depuis 1989 avec un taux d'impayés limité à 6,41 % et un taux de perte à seulement 2,55 %. S'agissant de l'accompagnement, plus de 45 000 nouvelles entreprises ont été financées et près de 55 000 emplois créés. L'activité s'est intensifiée pour atteindre, en 2007, plus de 12 000 prêts, environ 10 000 emplois et 10 450 entreprises financées, avec un taux de pérennité de trois ans pour 60 % d'entre elles. Le coût moyen de l'appui à la création d'entreprise s'élève à 1 600 euros, ce qui représente une dépense nettement moindre que le financement d'un chômeur pendant la même période, étant rappelé que les entreprises créées se concentrent dans des secteurs nécessitant un faible investissement initial (commerce, services à la personne et aux entreprises, artisanat, bâtiment, transports, etc.).

L'ADIE s'appuie sur un réseau d'antennes installées sur tout le territoire avec 300 salariés et 1 000 bénévoles, dont la mission est de constituer les dossiers de crédit et d'accompagner les initiatives des jeunes chefs d'entreprise.

L'association fonctionne grâce au soutien de l'Etat, des collectivités territoriales et de partenaires privés, notamment les banques qui financent les crédits.

Mme Maria Nowak a ensuite mentionné les avancées obtenues grâce à plusieurs dispositions récentes. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a autorisé notamment les associations à emprunter pour prêter grâce à des conventions passées avec les groupes bancaires, ce qui permet de réduire le coût du crédit.

En outre, en levant le taux d'usure, la loi Dutreil du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a diminué le coût du microcrédit pour les associations. Les prêts étant accordés sur des périodes courtes et pour des sommes modestes, le poids pour l'emprunteur reste néanmoins minime.

Par ailleurs, plusieurs dispositions ont amélioré l'environnement institutionnel des micro-entreprises : reconnaissance de la création d'entreprise comme une voie d'insertion à part entière, octroi d'une prime pour les bénéficiaires de minima sociaux créant une entreprise, amélioration de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises (ACCRE), création d'un régime de cotisations sociales réduites pour les très petites entreprises dégageant un chiffre d'affaires inférieur à un plafond fixé par décret.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité savoir si d'autres aménagements législatifs ou réglementaires pourraient faciliter la réalisation des missions de l'ADIE.

Mme Maria Nowak a confirmé que certaines mesures pourraient être adoptées dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la modernisation de l'économie : égalité de traitement des travailleurs indépendants et salariés, meilleure prise en compte du secteur informel, aménagement du taux des cotisations sociales en fonction de l'activité des entreprises, suppression des contraintes qui encadrent l'exercice de certains métiers et en restreignent l'accès, augmentation de l'offre de locaux professionnels en favorisant l'aménagement de garages vacants.

Enfin, elle a observé que la moitié des créateurs d'entreprise sont des personnes ayant bénéficié du RMI, l'autre moitié sortant d'une période de chômage. 20 % d'entre eux ne maîtrisant ni la lecture, ni l'écriture ont cependant créé leur emploi et parfois même celui de leur conjoint. La plus belle réussite est celle d'une personne ayant créé près de 400 emplois grâce à un prêt initial de 4 000 euros.

Mme Annie David, convenant de l'intérêt incontestable du microcrédit, s'est toutefois inquiétée du risque de stigmatisation des publics les plus fragiles qui n'ont pas la possibilité de créer leur propre entreprise pour se réinsérer. Elle a constaté l'institutionnalisation d'un partenariat entre l'ADIE et les banques, qui peuvent s'acquitter de leurs obligations vis-à-vis des personnes les plus démunies.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souhaité obtenir des précisions sur l'organisation des partenariats, notamment dans la région Aquitaine. Elle s'est également demandé dans quelle mesure les municipalités pouvaient participer à ce type de projets.

Mme Maria Nowak s'est dite convaincue que la création d'entreprise était à la portée de tous, puisque 20 % des créateurs d'entreprise sont dépourvus de toute qualification. Le travail indépendant constitue une voie non négligeable d'insertion et de développement économique dans un contexte où plus de 10 000 emplois industriels sont supprimés chaque année. Regrettant que seuls 4 % des chômeurs créent leur propre entreprise, elle a estimé raisonnable de fixer un objectif de 10 à 15 % dans un avenir proche. Elle a par ailleurs indiqué que la diversité des activités relevant la création d'entreprise la rendait accessible à tous, y compris aux personnes ne maîtrisant pas notre langue.

Concernant le partenariat avec les banques, Mme Maria Nowak a rappelé que les conventions signées par l'ADIE permettaient d'octroyer aux personnes les plus démunies des prêts à des conditions privilégiées, le risque étant assumé à hauteur de 30 % par les banques et 70 % par l'ADIE au travers du fonds de garantie des structures d'insertion par l'économie (FGIE).

S'agissant de la participation des collectivités territoriales, elle a précisé qu'elle s'orientait principalement vers l'accompagnement des projets, mais qu'elle pouvait aussi se traduire par la mobilisation des services sociaux et la mise à disposition de locaux. Elle a déploré en revanche la diminution de la participation financière de l'Etat et de l'Union européenne.

Mme Brigitte Bout s'est demandé dans quelle mesure les communautés de communes pouvaient contribuer au développement du microcrédit.