Mardi 29 avril 2008

- Présidence de Mme Brigitte Bout, vice-présidente. -

Audition de Mme Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Ile-de-France, membre de la commission formation professionnelle et apprentissage de l'Association des régions de France (ARF)

La commission a d'abord procédé à l'audition de Mme Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Ile-de-France, membre de la commission formation professionnelle et apprentissage de l'Association des régions de France (ARF).

Mme Marie-Laure Meyer a mis en relief deux difficultés particulières dans les politiques locales de lutte contre l'exclusion :

- le problème de coordination entre les départements, responsables de la formation professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation adulte handicapé (AAH), et les régions, compétentes pour la formation professionnelle des demandeurs d'emploi ;

- l'accueil des personnes en difficulté, qui doit éviter leur stigmatisation.

A la question de Mme Esther Sittler relative aux améliorations à apporter à la politique de formation professionnelle, Mme Marie-Laure Meyer a répondu que depuis le transfert de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi aux régions par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il semblait nécessaire que leur pouvoir de coordination soit renforcé. En effet, certains départements ont des politiques de formation pour les Rmistes qui ne s'inscrivent dans aucune structure régionale, ce qui les confine dans un bassin d'emploi restreint et des formations moins diversifiées, et ce qui exclut les partenaires sociaux, et notamment les entreprises, de la réflexion sur la formation des personnes les plus en difficulté.

M. Guy Fischer a souligné que la généralisation des procédures d'appels d'offre pour le choix d'organismes de formation pouvait se faire au détriment des structures destinées aux publics les plus éloignés de l'emploi et s'est déclaré sceptique concernant le transfert trop rapide vers le revenu de solidarité active (RSA) des bénéficiaires de minimas sociaux.

Mme Marie-Laure Meyer a considéré que la France devait conserver une partie de l'offre de formation en dehors de la logique du marché, notamment celle consacrée à l'insertion des personnes en difficulté. S'agissant du RSA, elle a estimé que sa généralisation pourrait entraîner une augmentation de la pauvreté du fait du risque d'augmentation des temps partiels subis, et qu'il fallait donc conditionner sa mise en place à un système de bonus/malus pour les entreprises utilisant le temps partiel.

Mme Odette Herviaux a insisté sur la prise en compte individualisée des personnes en difficulté.

Se déclarant tout à fait favorable au renforcement de l'individualisation de l'accueil et du soutien aux personnes pauvres, Mme Marie-Laure Meyer a insisté sur le rôle des maisons de l'emploi dans ce domaine. Mises en place au niveau communal, elles sont très souples et souvent très efficaces, et disposent d'un avantage considérable lié à la territorialisation du service public avec une logique d'accueil de premier niveau. Toutefois, elles ne prennent que très peu en compte les problématiques de formation et d'insertion professionnelle, n'évaluent pas leurs pratiques, n'associent que très rarement les régions, les départements et les partenaires sociaux à leur action, et ne couvrent pas l'ensemble du territoire. Mme Marie-Laure Meyer a ainsi préconisé qu'elles améliorent leur accueil en direction des publics précaires, renforcent leurs liens avec les employeurs locaux, et nouent des partenariats avec les régions, dans la mesure où 80 % des mobilités professionnelles sont infrarégionales.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est interrogée sur la complexité des dispositifs d'insertion, les diagnostics établis par les maisons de l'emploi, la prise en charge des jeunes en difficulté, la formation des adultes en situation de précarité, et enfin sur la décentralisation de la formation des travailleurs sociaux.

Rappelant que le diagnostic territorial de la situation de l'emploi par les maisons de l'emploi était un préalable nécessaire à leur labellisation, Mme Marie-Laure Meyer a regretté que son utilisation reste très aléatoire et qu'il n'existe pas de consolidation au niveau départemental. Elle a en outre estimé que les maisons de l'emploi devraient toutes se doter d'un plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE), qui est un dispositif efficace pour les chômeurs de longue durée, les jeunes sans qualification, les bénéficiaires de minima sociaux (RMI, allocation spécifique de solidarité, allocation de parent isolé), les handicapés et toutes les personnes en difficulté d'accès au marché du travail.

Elle s'est par ailleurs déclarée opposée à la mise en place du contrat d'autonomie, considérant que les dispositifs existants devaient être privilégiés pour produire les résultats attendus alors que ce contrat ne favorise ni l'alternance ni l'apprentissage. Elle a ainsi proposé que l'Etat finance davantage des outils comme le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), le programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE), ou les écoles de la seconde chance.

Sur la question de la formation des adultes, Mme Marie-Laure Meyer a regretté qu'il n'existe pas de partenariat interrégional, et a estimé que le renforcement des systèmes d'alternance spécifiques en direction des adultes était une piste très intéressante.

Enfin, s'agissant de la formation des travailleurs sociaux, Mme Marie-Laure Meyer a tout d'abord signalé que les problèmes principaux résidaient dans l'état des locaux et la fixation des quotas de places, qui font l'objet d'un âpre débat entre l'Etat et les collectivités territoriales sur la question de la compensation. Elle a ensuite préconisé le développement des procédures de validation des acquis de l'expérience, qui constituent une incitation à la formation, permettent une reconnaissance de l'expérience et représentent une économie en termes de coût de formation. Sur le contenu de la formation des travailleurs sociaux, elle a souligné l'importance de la question de l'articulation entre les objectifs du ministère de la santé et les outils de la formation professionnelle mis en place par les régions : elle a ainsi remarqué que la formation des auxiliaires de vie devrait logiquement aboutir à la possibilité pour ces travailleurs de devenir ATSEN.

Mme Marie-Laure Meyer a conclu son propos sur la pertinence du niveau régional pour la définition et la mise en oeuvre de la politique de formation professionnelle. A ce titre, elle a regretté que les décisions de l'Etat en matière d'éducation et d'insertion ne laissent pas toujours le temps aux régions de s'adapter, d'autant qu'elles travaillent avec des marges financières restreintes. Elle a donc proposé que la contractualisation avec l'Etat soit considérablement renforcée dans le domaine de la formation professionnelle.

Audition de MM. Gilles Mirieu de Labarre, président, et Sylvain Cuzent, directeur général du Centre d'action sociale protestant (CASP)

La mission a ensuite procédé à l'audition de MM. Gilles Mirieu de Labarre, président, et Sylvain Cuzent, directeur général du Centre d'action sociale protestant (CASP).

M. Gilles Mirieu de Labarre a tout d'abord présenté le CASP, association d'utilité publique créée en 1905. Elle s'est fixé cinq missions : l'accueil, l'hébergement d'urgence, puisqu'il s'agit du plus gros opérateur parisien dans ce domaine avec Emmaüs, l'insertion et la stabilisation, le soutien à l'accès au droit et à la santé, et enfin la gestion de la Coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile (CAFDA) à Paris. Le projet associatif est quant à lui fondé sur les principes d'inconditionnalité de l'accueil, de prise en charge globale de la personne et de responsabilisation de l'individu. L'association compte 250 salariés, 100 bénévoles, dispose d'un budget de 30 millions d'euros issu de subventions publiques pour la plus large partie, et accueille 4.500 personnes dans ses centres d'hébergement principalement situés en Ile-de-France.

Il a ensuite expliqué que l'exclusion étant devenue un phénomène de fond touchant des populations très fragiles comme les jeunes femmes et les mères, la lutte contre l'exclusion ne devait pas seulement se traduire par des actions éphémères menées dans l'urgence mais par une politique volontariste conduite dans la durée, et dans plusieurs directions.

Il a indiqué que les enfants de la DDASS (direction départementale de l'action sanitaire et sociale) représentent 28 % des sans-abri, ce qui impose de traiter le problème de l'exclusion dès le début de la vie de l'individu.

Soulignant le mauvais état de santé des populations précaires, qui suppose une évolution du rôle des travailleurs sociaux et des associations, M. Gilles Mirieu de Labarre s'est ensuite félicité que le CASP ait mis en place une structure spécifique « Halte soins santé », afin d'assurer la continuité des soins des personnes précarisées sortant de l'hôpital.

S'agissant de la situation des travailleurs pauvres, il a principalement insisté sur le problème du logement.

M. Sylvain Cuzent a ensuite remarqué que les structures d'accueil gérées par le CASP étaient exploitées au maximum et que pour une place d'hébergement proposée, 80 demandes étaient formulées en moyenne. Il a regretté à ce titre que l'objectif du Plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri (PARSA) visant à la transformation de places d'hébergement d'urgence en places en Centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et en places d'hébergement de stabilisation, n'ait pas été atteint. Afin de maintenir le principe de continuité dans la prise en charge des personnes sans-abri, il a estimé que la priorité devait être le financement rapide de nouveaux « logements PLAI » (prêt locatif aidé d'intégration), qui pourrait entraîner un appel d'air permettant de vider les lieux d'hébergement d'urgence.

M. Gilles Mirieu de Labarre a estimé que la proposition du rapport de M. Etienne Pinte, relatif à la relance de la politique de l'hébergement et de l'accès au logement, de mettre en place 20 000 logements PLAI supplémentaires, était largement insuffisante et que l'effort devrait plutôt avoisiner les 80 000 logements si l'on voulait réduire réellement le nombre de personnes en CHRS. Il a rappelé à cet égard que la moitié des personnes logées dans ces centres étaient prêtes à en sortir.

Il a enfin proposé qu'un conseil national des migrations soit mis en place afin qu'un débat clair et argumenté puisse avoir lieu sur les cas des sans papiers ni expulsables ni régularisables présents dans les centres d'hébergement d'urgence, et celui des déboutés du droit d'asile accueillis notamment par la CAFDA et le Samu social.

Mme Annie David a souhaité savoir si la politique de l'association laissait une place à la logique d'assistance et a ensuite noté qu'elle partageait le constat des intervenants sur le manque de logements PLAI et l'incohérence de la politique menée en matière d'accueil des demandeurs d'asile.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souhaité connaître la durée moyenne de l'hébergement dans les centres gérés par la CASP et demandé des précisions sur les difficultés de sortie des CHRS.

M. Guy Fischer s'est quant à lui inquiété, d'une part, des risques d'institutionnalisation de la précarité, notamment par la substitution du revenu de solidarité active aux minimas sociaux et, d'autre part, de l'impasse actuelle en matière d'hébergement liée à l'insuffisance du nombre de logements.

MM. Gilles Mirieu de Labarre, président, et Sylvain Cuzent, directeur général du Centre d'action sociale protestant, ont répondu à ces questions en apportant les précisions suivantes :

- le rôle de responsabilisation des individus joué par l'association s'accompagne d'une assistance des individus les plus fragiles qui ne sont pas dans la possibilité d'être maîtres de leur projet de vie ;

- alors qu'un lit d'hôpital coûte très cher, l'effort financier est faible s'agissant des personnes en situation de précarité qui ont besoin de soins médicaux. Ainsi pour une personne accueillie dans le centre « halte soins santé » géré par le CASP, cent demandes sont enregistrées, alors même que l'absence de prise en charge des personnes sortant des hôpitaux peut avoir des conséquences graves et finalement onéreuses pour la société ;

- il est difficile pour une personne sans-papiers de quitter les centres d'urgence où l'accueil est inconditionnel ;

- la durée d'hébergement en CHRS est de deux ans et tend à augmenter ;

- une réflexion sur la politique de prévention des ruptures de vie doit absolument être menée, parce que celle-ci participe à la fois d'une vision humaniste de la société et qu'elle permet d'éviter des drames personnels finalement coûteux à la société ;

- la lutte contre l'exclusion doit être guidée par une double éthique de la fraternité et de l'hospitalité.

Audition de M. Jacques Attali

La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de M. Jacques Attali.

Précisant qu'il interviendrait à la fois pour livrer quelques éléments de théorie générale sur le sujet et comme président de l'organisation non gouvernementale (ONG) PlaNet Finance, M. Jacques Attali a estimé que l'exclusion s'aggravait et que la mobilité sociale s'affaiblissait. Attribuant cette évolution à des facteurs nombreux et complexes, au premier rang desquels il a placé la faiblesse de l'enseignement primaire, il a insisté sur l'importance d'investir dans les crèches et les écoles maternelles. Evoquant les conséquences dramatiques des ruptures familiales dans les milieux défavorisés, il a jugé que seule la pauvreté, et non la richesse en tant que telle, était condamnable. Rappelant l'impact des différences de culture religieuse en ce domaine, il a regretté une conception française tendant traditionnellement à suspecter la réussite individuelle et à considérer tout échec comme définitif. Relevant que la mentalité américaine était toute autre à cet égard, il a appelé à la création de passerelles tout au long de la vie et au développement du tutorat et du partenariat. Puis il a rapporté qu'il avait, dans un ouvrage intitulé « Fraternité », distingué deux types de sociétés quant à la conception du bonheur, l'une axée sur sa recherche individuelle, l'autre sur sa quête à travers celui des autres. Notant que l'altruisme émergeait aujourd'hui comme forme intéressée de comportement, il a appelé à considérer les dépenses sociales, non comme des charges, mais comme des primes d'assurance collectives propres à créer les conditions d'un enrichissement de la société dans son ensemble.

Jugeant très favorablement le projet de revenu de solidarité sociale (RSA), il a insisté sur l'importance de la création d'entreprise comme moyen de lutte contre l'exclusion et la pauvreté. Observant que la problématique du microcrédit se posait dans des conditions très dissemblables dans les pays en développement par rapport aux pays industrialisés, en raison des différences tant en matière de protection sociale que d'accès aux banques ou de création d'entreprises, il a chiffré à 300.000 le nombre de jeunes entrepreneurs potentiels qui, s'ils ne sont pas accompagnés dans cette voie, risquent de se trouver dans une situation d'exclusion engendrant passivité et violence.

Il a ensuite fait part de l'expérience menée dans le cadre de PlaNet Finance, où de petites équipes de quartiers financées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les entreprises et les collectivités locales contactent directement les populations victimes de l'exclusion pour discuter avec elles des entreprises qu'elles pourraient créer, mettre au point des études de marché et proposer des moyens de financement adaptés. Jugeant que les discriminations dans l'accès au crédit constituaient un obstacle d'importance, il a néanmoins mis en avant le succès de ces initiatives, qu'il a en partie attribué au fait que chaque chef d'équipe était lui-même un modèle de réussite individuelle.

Prônant également la constitution de fonds d'investissement récoltant des capitaux permettant de prendre des participations dans les entreprises ainsi créées, il a regretté l'absence de financements publics en la matière, la faible prise de conscience des autorités sur ce point et le manque de coordination avec le système de formation permanente.

Répondant à une interrogation de M. Paul Blanc sur le bénéfice d'une disposition de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite « loi TEPA »), prévoyant une réduction d'impôt sur la fortune (ISF) pour les contribuables qui investissent dans des PME non cotées ou des holdings ISF ou font des dons aux établissements publics et privés de recherche, aux fondations reconnues d'utilité publique et aux entreprises, associations, ateliers et chantiers d'insertion, M. Jacques Attali a proposé d'amender cette disposition de façon à favoriser la création de fonds d'investissement. Appelant également à un changement de mentalité en considérant que la lutte contre l'exclusion apportait autant à la personne aidée qu'à celle la soutenant, il a fait observer que le coût de création d'une entreprise s'élevait à 3.000 euros par an, contre 10.000 pour l'indemnisation d'un chômeur.

A M. Bernard Seillier, rapporteur, qui l'avait interrogé sur la vocation sociale des entreprises, M. Jacques Attali, soulignant l'importance de la question, a répondu que si leur objectif principal était de réaliser des profits, cela n'excluait pas que leurs activités aient des répercussions favorables pour l'ensemble de la société, et ceci par deux voies. D'une part, le développement des entreprises suppose que leurs salariés y demeurent, et donc s'y épanouissent, ce qui les encourage à développer leur dimension éthique. Par ailleurs, l'action sociale des entreprises rejoint parfois leurs intérêts marchands à long terme, celles-ci se ménageant indirectement une nouvelle clientèle lorsqu'elles favorisent matériellement ou financièrement leurs salariés. Si la première de ces deux voies est privilégiée par les entreprises à l'échelle nationale, la seconde l'est au niveau mondial, les pauvres étant de plus en plus appréhendés comme un marché à part entière.

M. Bernard Seillier, rapporteur, ayant évoqué la formule du président de Microsoft et créateur de la fondation portant son nom, Bill Gates, selon lequel le capitalisme devait devenir créatif, M. Jacques Attali a recommandé de responsabiliser davantage les entreprises et les banques sur le thème de la discrimination en leur imposant, non des quotas, mais la remise chaque année d'un rapport en la matière. Observant que la résorption des conséquences négatives du capitalisme pouvait passer par la création d'une fondation humanitaire grâce à des bénéfices sociaux mais aussi par la vente d'une entreprise à une ONG, il a regretté que la tendance soit aujourd'hui globalement inverse, le mutualisme disparaissant progressivement avec le rachat des parts des sociétaires sous forme d'actions.

A Mme Annie Jarraud-Vergnolle, qui l'interrogeait sur l'opportunité de fédérer les diverses expériences initiées en matière de financement de création d'entreprises, M. Jacques Attali a répondu par l'affirmative. Déplorant l'absence de recensement et de coordination des différentes initiatives, ainsi que le risque de double emploi des fonds publics mobilisés, il a recommandé la création d'une structure commune et la mise en oeuvre d'une évaluation rigoureuse des divers projets en cours et de ceux à venir, rapportant qu'aucune institution française de microcrédit n'avait accepté d'être notée par l'agence de notation créée par PlaNet Finance.

M. Paul Blanc a évoqué « Le mal français », ouvrage écrit par Alain Peyrefitte il y a une trentaine d'années et traitant déjà de l'hostilité traditionnelle des Français aux questions d'argent et de réussite individuelle.

Soulignant l'importance du discours des élus sur ce point, ainsi que la nécessité d'un changement d'approche dans les formations économiques prodiguées dans l'enseignement secondaire, M. Jacques Attali a recommandé de mettre davantage en avant des exemples de réussite parmi les publics a priori les plus défavorisés, citant à cet égard le prix Talent des cités organisé chaque année par le Sénat.

A Mme Brigitte Bout, présidente, qui sollicitait son point de vue face aux récentes émeutes de la faim à travers le monde, M. Jacques Attali, après avoir rappelé qu'il avait créé l'association Action contre la faim il y a une trentaine d'années, a souligné qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène nouveau, 850 millions de personnes souffrant aujourd'hui de malnutrition sur la planète. L'expliquant tout à la fois par le recours accru aux biocarburants, les épisodes de sécheresse, la crise des subprimes ou la soumission des politiques sociales des pays en développement aux grandes institutions financières internationales, il a précisé que la population mondiale s'accroîtrait de 2 milliards d'individus d'ici à vingt ans, fait sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Observant que l'augmentation de la demande alimentaire qu'elle provoquerait entraînerait une hausse du niveau des prix qui bénéficierait directement aux agriculteurs, il a toutefois appelé à des mutations structurelles en vue d'y répondre, telles qu'une augmentation des investissements en matériel agricole, une remise en cause de la production de biocarburants, ou encore l'arrêt de l'annulation de la dette des pays pauvres comme politique de développement et l'octroi direct aux paysans concernés des sommes correspondantes.