Mardi 27 mai 2008

- Présidence de M. Christian Demuynck, président. -

Audition de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi.

En guise d'introduction, M. Christian Demuynck, président, a rappelé que la mission s'était fixé trois axes de travail : évaluer les politiques publiques menées dans le domaine de l'emploi et de la pauvreté, recenser leurs faiblesses et proposer des voies de réforme.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a indiqué que le Conseil d'orientation pour l'emploi, créé il y a deux ans sur le modèle du Conseil d'orientation des retraites, visait à mettre en relation les partenaires sociaux, les administrations, des personnalités qualifiées, des représentants des collectivités territoriales et des parlementaires afin de favoriser l'émergence de consensus sur les problématiques relatives à l'emploi. Elle a précisé que les avis rendus par l'institution s'élaboraient en séance plénière au terme d'un dialogue constructif permettant d'intégrer les remarques des différents membres.

Après avoir noté que les avis du Conseil étaient reconnus pour leur qualité et leur pertinence, elle a rappelé que ce dernier avait été saisi par le gouvernement de la question du revenu de solidarité active (RSA) à l'issue de la conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat, présidée par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Reconnaissant que l'avis du Conseil sur le RSA portait essentiellement sur les conditions de réussite de ce nouveau mécanisme, Mme Marie-Claire Carrère-Gée a précisé que le Conseil s'était néanmoins penché sur la problématique de la pauvreté par le biais des effets de la substitution du RSA à la prime pour l'emploi (PPE).

Le Conseil ayant travaillé sur la question du RSA à partir du Livre vert contre la pauvreté rédigé par le Haut commissariat aux Solidarités actives, elle a souligné que l'avis portait une appréciation globalement positive sur un mécanisme susceptible de donner un nouveau souffle aux politiques d'insertion professionnelle.

Elle a toutefois ajouté qu'un certain nombre de conditions devaient être remplies pour que ce mécanisme ait des effets significativement positifs sur le marché de l'emploi :

- le RSA doit être traité en liaison avec les autres chantiers sociaux ouverts par le gouvernement tels que la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC ;

- si le RSA vise à réduire la pauvreté « monétaire », la pauvreté est loin de se réduire à cette seule dimension et doit être appréhendée globalement ;

- le RSA ne doit pas avoir pour effet de légitimer le développement du travail à temps partiel non choisi.

S'agissant des pistes explorées par le Conseil afin d'éviter que le RSA ne contribue à dégrader la qualité de l'emploi sur le marché du travail, elle a exposé le concept d'un RSA « coudé » permettant d'encourager l'augmentation de l'activité du bénéficiaire et celui d'un RSA « à deux étages » constitué d'un socle durable destiné à augmenter les revenus du travail ainsi que d'une partie temporaire liée à la reprise de l'emploi.

Elle a insisté, pour conclure, sur la nécessité de renforcer l'accompagnement professionnel des personnes éloignées de l'emploi. Dans la mesure où le RSA devrait bénéficier à des catégories de personnes hétérogènes, l'avis du Conseil a souligné la nécessité d'instaurer un diagnostic précis relatif à la situation personnelle de l'allocataire et de favoriser la mise en place d'un accompagnement en phase avec un projet de parcours professionnel individualisé.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité avoir des informations supplémentaires concernant le fonctionnement du Conseil d'orientation pour l'emploi. Il a voulu connaître la nature des problématiques sociales examinées actuellement par cet organisme.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a indiqué que le Conseil avait d'abord travaillé de son propre chef sur des sujets tels que le financement de la protection sociale ou la sécurisation des parcours professionnels.

Elle a toutefois précisé que le Conseil s'était récemment mobilisé pour répondre aux saisines gouvernementales concernant notamment les mécanismes d'allégement de charges sociales, la réforme de la formation professionnelle ou, récemment, la mise en place du RSA.

Après avoir précisé que les orientations approuvées unanimement par le Conseil concernant la formation professionnelle étaient discutées au sein d'un groupe de travail présidé par M. Ferracci, elle a affirmé que le Conseil souhaitait désormais se pencher sur des thèmes tels que la discrimination ou l'emploi des seniors.

Rappelant que le taux de chômage des handicapés avoisinait les 20 % et que les demandes des entreprises concernant l'emploi de cette catégorie de travailleurs se heurtaient au manque de formations adéquates, M. Paul Blanc a souhaité savoir si le Conseil envisageait de se saisir de ce sujet.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a reconnu que si la mise en place du RSA permettait effectivement le développement d'un accompagnement professionnel individualisé digne de ce nom, il fallait veiller tout particulièrement à en faire bénéficier les personnes handicapées.

Après avoir fait part de son scepticisme quant à la lisibilité de ce nouveau mécanisme et de ses inquiétudes quant à la possibilité de mettre à la disposition de chaque allocataire une personne chargée de son accompagnement professionnel, M. Guy Fischer s'est demandé si le RSA n'était pas susceptible d'institutionnaliser la précarité.

Il a par ailleurs rappelé que le service public de l'emploi pouvait également faire appel à des entreprises privées pour accompagner le retour à l'emploi des futurs allocataires du RSA.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a affirmé qu'en dépit de sa complexité, le mécanisme du RSA avait deux objectifs simples : favoriser la redistribution et lutter contre la pauvreté. Elle a souligné que le nombre de bénéficiaires de ce nouveau mécanisme dépendait étroitement des paramètres retenus, et notamment de sa « pente » déterminée par la part des revenus d'activités versée à la personne concernée. Avec une « pente » à 60 %, le nombre de ménages bénéficiaires du RSA est estimé à 1,7 million. Si cette pente est fixée à 70 %, le nombre de ménages bénéficiaires passerait à 3,7 millions.

Après avoir reconnu que la notion de « ménages bénéficiaires » du RSA manquait de précision et devait être, le cas échéant, affinée par la représentation nationale, elle a précisé que les études réalisées à partir d'exemples étrangers ne permettaient pas d'établir de liens entre la mise en place d'une allocation dégressive et l'« institutionnalisation » de la précarité. Ces études ont simplement permis de constater :

- des résultats positifs en matière d'accès au marché du travail ;

- un caractère peu incitatif pour les femmes actives mariées ;

- un impact sur la durée du travail non avéré aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ;

- un effet modérateur sur les salaires par le canal de l'offre de travail et par celui du partage des gains entre l'employeur et le salarié.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, a souhaité savoir si les bénéficiaires des minima sociaux seraient en mesure de conserver l'intégralité de leurs allocations après la fusion de celles-ci avec le RSA. Elle s'est également demandé quelles seraient les modalités de revalorisation du RSA.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a affirmé que le RSA avait vocation à se substituer à l'ensemble des minima sociaux. Elle a ajouté qu'il faudrait d'ailleurs distinguer le « RSA zéro », désignant le revenu minimum garanti, du « RSA chapeau » qui définit le complément de revenu versé au-delà du revenu minimum garanti.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a évoqué son intérêt pour l'élargissement de la définition du terme « emploi » aux activités caritatives ou humanitaires tendant à renforcer le lien social. Il a appelé certaines institutions à rompre avec une certaine orthodoxie en ce domaine conduisant à ne voir dans l'emploi que le contrat à durée déterminée à temps plein.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a fait remarquer que certains membres du Conseil étaient particulièrement impliqués dans ce type de réflexion. Elle a toutefois reconnu que le Conseil n'était pas allé aussi loin dans la reconnaissance de ce type d'activités.

M. Christian Demuynck, président, a demandé des précisions sur les systèmes étrangers les plus efficaces en matière de réforme du marché de l'emploi.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a rappelé que les comparaisons internationales dans ce domaine étaient délicates dans la mesure où la situation du marché du travail dans un pays donné dépend de données démographiques et économiques complexes. Elle a toutefois estimé que le fonctionnement du marché du travail français pouvait être amélioré si des progrès significatifs étaient réalisés en matière de formation initiale, d'orientation, ainsi que dans la mise en place d'un véritable service public de l'emploi. Elle a précisé par ailleurs que la création du RSA ne devait pas conduire les pouvoirs publics, pour des raisons budgétaires, à sacrifier d'autres leviers permettant d'agir sur le marché du travail tels que les contrats aidés.

Audition de M. Jacques Rastoul, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Jacques Rastoul, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

M. Jacques Rastoul a tout d'abord souligné l'utilité d'instances telles que le Conseil national de lutte contre l'exclusion, le Conseil économique et social et le Conseil national de l'insertion par l'activité économique, pour permettre aux parlementaires, aux syndicats, aux associations et aux fonctionnaires de se rencontrer afin d'aborder le problème de la pauvreté dans toutes ses dimensions.

Il a ensuite indiqué que la CFDT expérimentait actuellement dans sept bassins d'emploi, en collaboration avec des collectivités territoriales et des associations, de nouvelles pratiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Concernant le revenu de solidarité active (RSA), il s'agit, dans son principe, d'un bon dispositif, et la CFDT a voté l'avis du Conseil d'orientation pour l'emploi. Cependant, sa mise en oeuvre concrète présente certaines difficultés. En outre, la lutte contre la pauvreté ne doit pas reposer seulement sur des politiques de traitement, mais aussi sur la prévention, au sein de la famille et surtout au sein même de l'entreprise, les syndicats ayant évidemment un rôle important à jouer dans ce dernier domaine.

Les travaux du Grenelle de l'insertion ont mis en lumière la nécessité de ne plus enfermer les personnes en grande difficulté dans la notion d'handicap social. Ils ont également permis de réfléchir à l'extrême complexité du dispositif de l'insertion et d'aboutir à des propositions pour le simplifier, comme la mise en place de référents et de guichets uniques. Enfin, ils ont mis en exergue la nécessité d'améliorer l'accès à la formation professionnelle pour les personnes les plus exclues. M. Jacques Rastoul a par ailleurs regretté que l'éducation nationale n'ait pas participé à ces travaux alors que l'égalité des chances est une dimension essentielle de la lutte contre l'exclusion.

Enfin, autre avancée récente, l'accord de janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail prévoit que toute personne en situation de travailler puisse être inscrite comme demandeur d'emploi.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que, de manière paradoxale, l'État s'efforçait de résoudre des problèmes dont la solution relève en grande partie des partenaires sociaux, des entreprises et des associations. Il a ensuite interrogé M. Jacques Rastoul sur les initiatives concrètes qui peuvent être prises au sein de l'entreprise pour lutter contre l'exclusion, ainsi que sur les modalités d'une éventuelle représentation des usagers de l'insertion auprès des diverses instances du secteur. Il est en effet difficile de trouver un juste milieu entre les pratiques d'immersion dans la pauvreté qui sont celles de certaines associations comme ATD Quart Monde, et une représentation purement formelle.

M. Jacques Rastoul a souligné que les politiques de lutte contre l'exclusion devaient aussi bien traiter les causes profondes, comme les inégalités de revenus, que leurs conséquences, notamment dans les quartiers défavorisés. Les promoteurs de ces politiques doivent également s'efforcer d'en mettre davantage en exergue les réussites.

Concernant la prise en compte de la parole des usagers, la CFDT y est favorable. Le syndicat compte d'ailleurs des chômeurs parmi ses adhérents, et mène des discussions sur ce sujet avec des associations. Les conclusions du Grenelle étant quelque peu évasives sur ce point, les modalités de la participation des usagers restent largement à inventer.

Au sein des entreprises, la démarche des syndicats consiste essentiellement à demander à l'employeur d'embaucher des personnes en difficulté, puis à assurer un accompagnement suffisant pour que celles-ci puissent réellement s'intégrer. Il peut s'agir également d'aider l'entreprise, dans les secteurs en tension, à trouver de nouveaux collaborateurs parmi les exclus. Un dialogue entre les syndicats et les employeurs doit enfin s'établir lors du démarrage des maisons de l'emploi ou des groupes emploi-cadres (GEC).

En réponse à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, qui s'interrogeait sur la possibilité pour les syndicats de faire le lien entre les entreprises et le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), M. Jacques Rastoul a indiqué que les syndicats s'appuyaient sur les entreprises de l'IAE ou sur les missions locales, dont la légitimité et l'expertise sont rassurantes, pour rencontrer des personnes en difficulté et les rapprocher de l'entreprise. Il a également signalé que le MEDEF venait d'éditer un guide pour aider les entreprises à travailler avec le secteur IAE, et que la CFDT allait également publier prochainement quatre guides similaires.

M. Guy Fischer s'est inquiété du grand nombre de personnes potentiellement concernées par le RSA (bénéficiaires du RMI, de l'allocation parentale isolée (API), de la prime pour l'emploi (PPE)), ainsi que de la grande complexité de ce nouveau dispositif. Il a également exprimé sa crainte que cette mesure ne participe à l'institutionnalisation de la précarité. Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité d'individualiser le RSA département par département, en tenant compte des droits connexes déjà établis dans chacun d'entre eux.

M. Jacques Rastoul a confirmé qu'il convenait d'observer une grande prudence lors de la généralisation du RSA pour en éviter les éventuels effets pervers, et de compléter l'aspect purement financier de la mesure par un accompagnement des personnes. La CFDT souhaite aussi que la suppression de la prime pour l'emploi se fasse sans perdants. Par ailleurs, les partenaires du Grenelle de l'insertion ont fait le choix d'une allocation nationale, alors que les collectivités territoriales doivent pouvoir disposer de marges de manoeuvre dans sa mise en oeuvre. À cet égard, le Grenelle a eu la grande vertu de clarifier davantage le rôle de chaque niveau territorial dans l'insertion : État, conseil régional, conseil général, bassins d'emploi.

Audition de M. René Bagorski, conseiller confédéral de la Confédération générale du travail (CGT)

La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de M. René Bagorski, conseiller confédéral de la Confédération générale du travail (CGT).

M. René Bagorsky a d'abord souligné que, malgré la succession de textes législatifs (loi sur le RMI de 1988, loi contre l'exclusion de 1998, loi de cohésion sociale de 2005 etc.), les exclus sont toujours aussi nombreux. Bien que fondés sur les principes généreux affirmés par le préambule de la Constitution, ces textes n'aboutissent en effet qu'à classer les publics en différentes catégories afin d'administrer le phénomène de l'exclusion, sans véritablement le traiter.

La CGT a ainsi participé au Grenelle de l'insertion pour promouvoir une meilleure prise en compte de l'humain dans le développement durable. Le travail étant indispensable, dans la société actuelle, à la structuration de la personne, à la construction du lien social et au développement économique et culturel, la CGT souhaite lui redonner une place centrale en affirmant que chaque citoyen doit pouvoir exercer son droit de travailler en bénéficiant d'un emploi stable, qualifié, bien rémunéré, qui lui garantisse ainsi une vie digne et décente.

Afin de mettre en place un parcours d'insertion sociale et professionnelle à partir du « projet de vie » des personnes, la CGT propose d'instituer un « contrat personnalisé de parcours d'insertion sociale et professionnelle sécurisée » et d'élargir le périmètre de négociation des partenaires sociaux à la discussion de ce contrat. Celui-ci s'appuierait sur un diagnostic, effectué par le nouvel opérateur du service public de l'emploi, des besoins tant professionnels que sociaux (santé, logement, addictions) des personnes, permettant d'établir des objectifs réalistes. Un parcours pourrait alors être organisé, dont chaque étape serait validée pour éviter tout retour à la case départ. Ce contrat établirait les droits et devoirs de la personne en insertion mais aussi ceux du service public de l'emploi, celui-ci devant notamment proposer un « panier » de services susceptibles d'aider la personne en difficulté à reconquérir ses droits pour rejoindre finalement le droit commun. Au sein du service public de l'emploi, les personnes devront être accueillies par un référent unique entouré d'une équipe pluridisciplinaire.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'étant interrogé sur la réalité et les modalités d'une montée en puissance des syndicats au sein de la gouvernance de l'insertion, M. René Bagorsky a fait observer que, certains considèrent que la société est formée de quatre sous-ensembles (un noyau de personnes employées et bénéficiant de la plénitude de leurs droits, un cercle de personnes ayant eu un contrat de travail et bénéficiant du système assuranciel, des primo-demandeurs d'emploi, bénéficiant eux aussi de certains avantages, et enfin les personnes relevant de la solidarité), la négociation des partenaires sociaux ne devant concerner que les deux premières catégories.

Il convient au contraire de considérer que, chaque personne étant un salarié potentiel, toutes les catégories doivent relever de la négociation collective. Parallèlement, la notion d' « inemployabilité », que l'on retrouve ailleurs en Europe, par exemple aux Pays-Bas avec la catégorie des « handicapés », doit être fermement refusée.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souligné que le dispositif présenté par l'intervenant reprenait les termes mêmes de l'ancien programme PAQUE (parcours d'accès à la qualification et à l'emploi) destiné aux jeunes : contractualisation, droit à l'erreur, référent unique, parcours personnalisé. Ce programme, qui avait démontré son efficacité, a cependant été stoppé en raison de son coût. Elle a donc souhaité savoir si le dispositif proposé par la CGT avait été chiffré et s'il avait été présenté au Grenelle de l'insertion.

M. René Bagorsky a indiqué que le nouveau contrat proposé par la CGT avait été présenté lors du Grenelle à l'ensemble des autres partenaires. Le coût de ce dispositif ne serait pas forcément très élevé en comparaison du coût des exonérations de cotisations sociales, dont le système devrait d'ailleurs être remplacé par une prise en compte des efforts d'insertion de l'entreprise dans le calcul de sa contribution sociale. En outre, malgré le champ couvert par les partenaires sociaux, les conseils généraux, les conseils régionaux et les communes, il reste des domaines où le financement est insuffisant, tandis qu'il est excédentaire dans d'autres. Une réelle évaluation des politiques publiques est donc indispensable afin de maîtriser l'utilisation des crédits disponibles.

Un fonds d'insertion régionalisé pourrait en outre être créé et abondé par l'État, les collectivités territoriales, les crédits de la formation professionnelle et de l'emploi, ainsi que par des fonds d'entreprise. L'utilisation de ce fonds serait régulièrement évaluée en fonction d'objectifs partagés d'insertion.

M. Guy Fischer a souligné que la baisse du chômage, importante dans certains territoires, était peut-être un phénomène superficiel par rapport à l'institutionnalisation au niveau européen de la précarité. Dans ce cadre, il s'est inquiété des formes d'emploi dégradé que le RSA risque de favoriser.

M. René Bagorsky a reconnu qu'une grande partie des contrats de travail étaient actuellement des contrats à durée déterminée, peu favorables à une insertion durable dans la société. Un dispositif tel que le RSA peut effectivement favoriser ce genre de contrats précaires. Pour l'éviter, il est nécessaire que l'insertion devienne une politique et non plus un secteur, toute personne, étant par définition employable ayant vocation à sortir des dispositifs d'insertion. La CGT demande également que, dans le cadre du plan de formation des entreprises, des mesures soient prises pour garantir la sécurité de l'emploi futur des personnes.

Mercredi 28 mai 2008

- Présidence de M. Christian Demuynck, président, puis de Mme Annie Jarraud-Vergnolle, vice-présidente. -

Audition de M. Franck Riboud, président-directeur général du groupe Danone

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Franck Riboud, président-directeur général du groupe Danone.

M. Frank Riboud a rappelé que son groupe s'est investi, depuis les années 70, dans un double projet économique et social qui, à l'origine centré sur l'intéressement, s'est ensuite diffusé pour imprégner sa culture d'entreprise. Puis son internationalisation l'a amené à investir dans des pays émergents dont une majeure partie de la population vit avec des moyens très réduits, de l'ordre de moins de deux dollars par jour. Cette évolution a poussé l'entreprise à développer une stratégie d'accessibilité visant, dans une démarche économique et non humanitaire, à permettre au plus grand nombre de consommateurs de ces pays d'acquérir les produits du groupe, bénéfiques pour leur santé. De la rencontre avec le prix Nobel Muhammad Yunus et la Grameen bank qu'il a créée a ainsi résulté la mise en place, au Bangladesh, de la Grameen Danone Foods, laquelle a permis de commercialiser un yaourt à cinq centimes d'euros. Dans ce même pays a été créée une organisation non gouvernementale réalisant des actions de marketing sur les sujets concernant la nutrition, et développant des instruments de mesure permettant de déterminer en quoi une bonne alimentation contribue au recul de la pauvreté.

Des expériences mariant démarche caritative et recherche d'un profit ont ensuite été menées avec la création, à la quasi unanimité du conseil d'administration du groupe, de Danone communities, fonds d'investissement géré par le Crédit agricole et réservant 10 % de ses financements à des projets à risque. C'est ainsi qu'a été lancée l'opération 1001 fontaines au Cambodge.

Par ailleurs, le groupe Danone a mis en place en son sein un comité de responsabilité sociale intervenant dans les domaines éthiques et sociétaux. S'agissant du marché national, Danone tente, en vue de soutenir le pouvoir d'achat des populations françaises les plus démunies, de commercialiser des produits économiquement accessibles.

D'une façon plus générale, M. Frank Riboud a appelé à une nouvelle approche du système de formation en vue d'élargir au maximum la base de sélection et de prendre en compte la diversité des compétences. Estimant qu'une multitude d'actions sectorielles, et non un programme global d'action, était aujourd'hui nécessaire pour obtenir des résultats en matière de lutte contre l'exclusion et la pauvreté, il a préconisé une revalorisation de l'apprentissage et de la formation permanente auprès des jeunes et des salariés.

A cet égard, il a fait référence au programme de formation Evoluence mis en place par son groupe. Permettant à ses salariés de repasser des examens et d'obtenir de nouveaux diplômes, il élargit leur horizon professionnel et provoque un effet d'entraînement touchant également leurs enfants. Il a également rapporté avoir demandé à ce que les établissements scolaires ou supérieurs fréquentés par les jeunes postulants à un emploi au sein de son groupe ne soient pas mentionnés auprès des responsables du recrutement. Considérant que le règlement des problèmes de pouvoir d'achat en France résidait dans une révision des politiques salariales, il a relativisé l'incidence des dépenses alimentaires à cet égard, faisant observer qu'elles ne mobilisaient que 14 % du budget des ménages et que les prix des produits agroalimentaires dans notre pays étaient parmi les plus bas d'Europe, le léger écart avec l'Allemagne s'expliquant simplement par une différence dans les structures de distribution.

Estimant que les entreprises du CAC 40 étaient prêtes à participer au financement des universités, il a nuancé l'efficacité de l'aide à la création d'entreprise en matière d'insertion du fait de l'insuffisante formation des publics visés, appelant à ce que les bénéficiaires soient davantage accompagnés dans leurs démarches par des acteurs professionnels tels que comptables, notaires, banquiers ou entrepreneurs.

Jugeant que l'intéressement était une mesure dépourvue de tout effet socialement bénéfique et à laquelle les employés préféraient en tout état de cause une revalorisation de leurs salaires, dont il a souligné la relative faiblesse de la masse totale pour une entreprise comme la sienne, il a en revanche estimé indispensable de conserver un cadre règlementaire contraignant lors de restructurations afin d'obliger les partenaires sociaux à dialoguer.

A M. Bernard Seillier, rapporteur, qui l'interrogeait sur la capacité de son groupe à diffuser de bonnes pratiques, M. Franck Riboud a répondu que nombre d'entrepreneurs étaient à l'origine d'autres initiatives tout aussi fructueuses que les siennes. Soulignant qu'il se gardait de toute prise de position politique, mais qu'il se sentait socialement responsable, il a insisté sur le rôle central des décideurs politiques pour coordonner l'action des pouvoirs publics avec les contraintes des entreprises et simplifier la réglementation.

M. Bernard Seillier, rapporteur, l'ayant questionné sur la notion de responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, ainsi que sur le concept de « capitalisme créatif » défendu par le président de Microsoft, Bill Gates, M. Frank Riboud a fait remarquer que les moyens considérables dont disposait ce dernier, mais également des personnalités comme Warren Buffett ou François-Henri Pinault, leur permettaient de s'investir plus facilement dans ce type de projet. Rejetant l'idée de créer ex nihilo un club d'entrepreneurs agissant dans le domaine social, il a recommandé aux porteurs d'initiatives de s'adresser à de tels entrepreneurs une fois leur projet bien établi.

Disant partager les opinions de l'intervenant, M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné le rôle nécessaire d'une élite dès lors qu'elle trouvait son origine dans le seul mérite personnel de ses membres.

Abondant en son sens, M. Frank Riboud a jugé essentiel de faire une place plus importante, dans la sélection des futurs décideurs publics et privés, à d'autres compétences que celles de nature purement scolaire ou universitaire, qu'elles soient sportives, artistiques ou humanitaires.

A Mme Annie Jarraud-Vergnolle, qui l'avait questionné sur le modèle économique des projets mis en place avec Muhammad Yunus, ainsi que sur l'importance accordée en leur sein à la formation, M. Frank Riboud a précisé que Danone communities revêtait la forme, non d'une fondation, mais d'une société d'investissement à capital variable (SICAV) permettant d'associer de nombreux acteurs à la collecte et la redistribution de richesses. Jugeant que si la France possédait de nombreuses personnes aptes à initier des projets sociaux à titre privé, elle ne leur offrait pas en revanche d'instruments appropriés tels que les fondations, il a recommandé, comme c'est le cas aux Etats-Unis, de défiscaliser la création de telles structures dans le domaine social.

M. Guy Fischer ayant noté un phénomène d'institutionnalisation progressive de la précarité, M. Frank Riboud a plaidé pour une fluidification du cadre d'action des entreprises qui seule, selon lui, leur permettrait de jouer leur rôle social en développant leur activité économique.

Témoignant de l'épanouissement professionnel des salariés de l'usine Danone implantée sur sa commune, Mme Béatrice Descamps a interrogé l'intervenant sur les actions menées par son groupe pour diversifier son recrutement.

M. Frank Riboud a indiqué que ses efforts en ce domaine étaient contrariés par la propension de son personnel à conserver les postes au sein du groupe dans un même cercle familial. Ajoutant qu'il veillait à ce que les salariés embauchés aient un profil correspondant à la culture très spécifique de son groupe, notamment au niveau des postes de direction, il a plaidé pour un surcroît de formation à tous les degrés de la hiérarchie des entreprises et mis en exergue la complémentarité en France des petites et moyennes entreprises (PME) avec les grandes multinationales, dont il a souligné le rayonnement mondial dans chacun de leur secteur d'activité.

Orientations du rapport - Echange de vues

La mission a ensuite procédé à un échange de vues sur les orientations du rapport.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a d'abord souligné la richesse des enseignements que la mission pouvait tirer de l'ensemble des auditions réalisées.

Il a souhaité que le rapport aborde le délicat problème des blocages de la société et de l'économie françaises, une grande part de la pauvreté et de l'exclusion résultant du fonctionnement même du système économique, que ce soit au niveau international ou au niveau national. Il a également évoqué la grande responsabilité du système éducatif dans la lutte contre l'exclusion. Par ailleurs, il a estimé que rechercher des solutions techniques à des problèmes humains était insuffisant. Il est ainsi nécessaire de changer les mentalités, sinon en allant comme certaines associations jusqu'à partager le sort des exclus, du moins en les écoutant davantage.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a remarqué que de nombreuses personnes auditionnées par la mission s'étaient engagées personnellement et intimement dans la lutte contre la pauvreté, de sorte que leur action ne pouvait peut-être pas perdurer sans elles. Elle a ensuite souhaité que la mission dénonce le « millefeuille » de dispositifs qui, depuis 20 ans, se sont montrés inefficaces.

Par ailleurs, certaines expériences intéressantes seraient à encourager. En effet, les entreprises citoyennes, et notamment les entreprises d'insertion, qui forment de manière satisfaisante leurs salariés ou renforcent le tissu social local, sont la preuve que l'économique peut avoir un grand rôle pour lutter contre l'exclusion. Elle a également insisté sur la nécessité d'apporter davantage de sens à la société et à l'économie. Elle a enfin souligné que le revenu de solidarité active (RSA) serait insuffisant s'il n'offrait aux personnes que des emplois partiels sans formation permanente. Il est ainsi notamment indispensable de professionnaliser le secteur des services à la personne.

Mme Annie David a souligné que la lutte contre la pauvreté passait d'abord par le travail et qu'il convenait donc en priorité de s'interroger sur les mesures à prendre pour que tous puissent retrouver un emploi.

Mme Béatrice Descamps a mis en exergue la notion de suivi personnalisé par une personne unique, et insisté sur la nécessaire simplification des dossiers et des démarches, en s'interrogeant sur la capacité du RSA à apporter une telle simplification.

M. Guy Fischer s'est inquiété du fait que le problème contre lequel il s'agissait de lutter était en réalité très vaste, un chiffre de 11 millions, voire de 15 millions de personnes vivant dans une situation de précarité étant parfois évoqué.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a enfin souligné que le rapport aborderait tous ces thèmes sans exclusive et qu'il devrait être examiné par la mission lors de la dernière semaine du mois de juin avant sa présentation définitive début juillet.

Audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

La mission a enfin procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, présidente, a demandé au haut commissaire de présenter les conclusions du Grenelle de l'insertion et de mettre en évidence les complémentarités des propositions retenues avec la réflexion conduite par la mission.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a rappelé que la démarche engagée par le Grenelle de l'insertion repose sur trois grandes actions :

- il s'agit en premier lieu de définir de façon concertée les objectifs des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, assortis d'indicateurs qui permettront d'en évaluer l'efficacité chaque année. Une grille de dix à douze indicateurs généraux relatifs au logement, à la santé, à l'emploi et au niveau de revenus a été retenue par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) et a déjà permis de mettre en évidence une augmentation inquiétante du nombre de travailleurs pauvres et des ménages surendettés. Concernant le logement, M. Martin Hirsch est convenu de la nécessité pour les pouvoirs publics de réaliser des enquêtes statistiques sérieuses pour mesurer l'ampleur du phénomène de mal logement et évaluer le nombre de personnes sans domicile fixe. Il a également préconisé l'approfondissement des études relatives à l'offre disponible dans le domaine de l'hébergement, du logement de transition et du logement social ;

- le deuxième axe de réforme concerne le système des minima sociaux, insuffisamment incitatif à la reprise d'activité et trop complexe. Le revenu de solidarité active (RSA) répond, à bien des égards, aux objectifs que se sont fixé les participants au Grenelle de l'insertion, même s'il reste à prendre en compte les problèmes posés par la couverture maladie universelle (CMU) et l'ensemble des droits et aides connexes. L'objectif dans ce domaine est de garantir une égalité de traitement en fonction des situations sur l'ensemble du territoire ;

- enfin, l'ensemble des acteurs du secteur de l'insertion sont convenus de la nécessité de repenser les outils de l'insertion qui ne sont aujourd'hui plus adaptés à la réalité des situations. Il a notamment évoqué la simplification très attendue des contrats aidés et la grande réforme de la formation professionnelle. Il s'est félicité du consensus obtenu à l'issue du Grenelle sur la feuille de route définissant les politiques d'insertion dans les années à venir. Parmi les treize principes retenus, il a mentionné notamment celui du versement des aides et de la mise en oeuvre d'actions en fonction des besoins et non en fonction du statut. Il a évoqué également le principe fixé de la vocation universelle du service public de l'emploi qui devra accueillir tous les publics, y compris les jeunes et les bénéficiaires des minima sociaux, même lorsque les personnes concernées ne sont pas inscrites à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

Puis M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a fait valoir l'avancée que représente la simplification du système et le rôle d'orientation du référent en charge de l'accompagnement des personnes en insertion.

Outre le développement du contrat de professionnalisation dont le succès a été unanimement reconnu, il a annoncé la fusion de l'ensemble des contrats aidés en un contrat unique d'insertion, ouvert à tous publics et modulable en fonction des besoins du salarié et de l'employeur et permettant d'assurer une meilleure transition vers un emploi durable.

Il s'est dit également favorable au développement des structures d'insertion par l'activité économique (IAE) grâce à la mise en place d'un dispositif plus souple d'aide au poste.

Enfin, il a souligné l'évolution majeure que représente le passage d'une logique administrative à une logique contractuelle qui suppose l'adhésion de tous les acteurs à une stratégie d'insertion déclinant des objectifs, des moyens et les outils d'évaluation correspondants.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, présidente, a souhaité savoir quelles mesures étaient envisagées pour améliorer la situation des jeunes et faciliter leur insertion. Elle a également demandé des précisions concernant le chiffrage des propositions adoptées par le Grenelle de l'insertion.

Convenant de la situation préoccupante des jeunes, M. Martin Hirsch a indiqué qu'il était en premier lieu indispensable d'identifier ceux qui sortent sans qualification du système scolaire, afin qu'ils puissent être pris en charge par les missions locales ou orientés vers des formations ou des écoles de la deuxième chance. Il a indiqué qu'une étude serait engagée sur les sorties précoces des dispositifs d'apprentissage et s'est dit favorable au développement des écoles de la deuxième chance.

Concernant le chiffrage des mesures proposées par le Grenelle de l'insertion, M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a rappelé que les politiques d'insertion mobilisaient aujourd'hui 18,7 milliards d'euros auxquels s'ajouterait 1,5 milliard d'euros pour financer le RSA. Il s'agira de redéployer ces crédits vers les dispositifs qui auront prouvé leur efficacité et de réaliser des arbitrages budgétaires en fonction des besoins et de l'évaluation régulière des dispositifs mis en oeuvre.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est dit sensible à l'impulsion donnée par le Grenelle de l'insertion. Il s'est prononcé en faveur de la poursuite des politiques engagées pour favoriser l'insertion professionnelle, qui constitue un levier majeur de l'intégration sociale.

Il s'est interrogé sur la pertinence de l'organisation gouvernementale actuelle, suggérant notamment la création d'une autorité interministérielle couvrant l'ensemble du secteur social et placée auprès du Premier ministre.

Il s'est dit également intéressé par la création d'un statut adapté à la vie en communauté sur le modèle retenu par l'association Emmaüs pour les personnes qui ne souhaitent pas intégrer le monde de l'entreprise

M. Martin Hirsch a rappelé que la structure gouvernementale actuelle place le Haut commissariat aux côtés du Premier ministre, ce qui permet d'afficher les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion comme une priorité gouvernementale. Le statut de haut commissaire permet également d'adopter une approche transversale et de mobiliser l'ensemble des ministères concernés par ces politiques (emploi, affaires sociales, santé, logement). Il s'est dit également favorable à des changements profonds au sein des administrations sociales elles-mêmes afin que soient mieux associés les collectivités territoriales, les entreprises et les acteurs associatifs.

Concernant la création d'un statut pour les personnes vivant en communauté, il s'est dit réservé sur la création de droits spécifiques qui peuvent être facteur de relégation. Cependant il s'est dit ouvert à la recherche d'une solution pour donner une existence légale à ces statuts dans le respect de l'indépendance des communautés concernées et de leurs spécificités.

M. Guy Fischer s'est inquiété d'une généralisation trop hâtive du RSA avant même que son expérimentation soit conduite à son terme. Il a également souhaité obtenir des précisions concernant les publics visés par cette nouvelle prestation.

M. Paul Blanc, déplorant l'insuffisance des statistiques relatives aux personnes sans domicile fixe, a regretté que les initiatives des maires soient fortement contraintes dans ce domaine.

Evoquant le « travail gratuit », il a souhaité savoir si les compagnons d'Emmaüs, dont les revenus déclarés leur permettent d'être éligibles à la prime pour l'emploi (PPE), faisaient partie de cette catégorie.

Enfin, il s'est dit favorable au développement des contrats de professionnalisation, souhaitant également que les contrats aidés soient souscrits en priorité par les entreprises et non par les collectivités territoriales ou les associations qui ne sont souvent pas en mesure d'offrir un emploi pérenne.

Mme Gisèle Printz s'est inquiétée que le RSA n'encourage les personnes concernées à travailler à temps partiel durablement.

Mme Brigitte Bout, évoquant l'implication du préfet de la région Rhône-Alpes dans la réinsertion des jeunes, a estimé qu'il était possible d'éviter les ruptures précoces de contrats d'apprentissage.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a expliqué qu'on entend par « travail gratuit » toute activité professionnelle supplémentaire qui ne permet pas d'obtenir une rémunération supérieure à celle perçue initialement.

En réponse à M. Guy Fischer, il a fait valoir que la généralisation du RSA au cours de l'année 2009 avait été arbitrée par le Président de la République et qu'elle devrait favoriser l'insertion des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), réduisant ainsi à terme le coût qu'ils représentent pour les départements. Il a précisé qu'un premier bilan d'étape serait présenté au début du mois de juillet et qu'une enquête plus approfondie permettrait de préparer la généralisation du dispositif avant la fin de l'année. Les premiers résultats mettent en évidence une amélioration du taux d'activité dans les zones expérimentales, qui se traduit par le versement de la prestation à plus de 8 000 bénéficiaires ayant repris une activité. On observe une augmentation des revenus mensuels de 150 euros en moyenne et une faible proportion de retour à l'activité grâce aux emplois aidés (30 % environ). Après sa généralisation, le RSA devrait concerner 4 à 5 millions de personnes, incluant les 200 000 bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API), les 800 000 allocataires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), 1,2 million de prestataires du RMI et 2 à 3 millions de travailleurs pauvres.

Il s'est voulu rassurant concernant les risques d'une dégradation de la situation financière des départements après la généralisation du RSA, comme en témoignent les contacts permanents avec l'association des départements de France (ADF) sur les aspects juridiques et financiers du dispositif.

Enfin, il a mentionné les études en cours menées par M. Etienne Pinte en partenariat avec l'ONPES, concernant le décompte des personnes dépourvues de logement ou mal logées.

Mme Bernadette Dupont a souhaité savoir si les personnes accueillies de façon anonyme dans les communautés Emmaüs entraient dans le décompte des personnes sans domicile fixe.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a rappelé que les communautés d'Emmaüs accueillent 4 000 compagnons et leur assurent, outre le logement, les moyens de subsistance nécessaire à une vie décente.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a fait valoir le rôle intégrateur de ces communautés.

En réponse à M. Paul Blanc, M. Martin Hirsch s'est félicité de l'implication des entreprises qui se sont engagées à faire de l'insertion un élément nouveau du dialogue social. Cet engagement pourrait se traduire par la fixation d'objectifs concernant l'accueil des salariés sortant des structures de l'IAE dans les entreprises traditionnelles.

Il a confirmé que les contrats de professionnalisation seraient adaptés et ouverts plus largement aux adultes en difficulté et aux jeunes, ce qui permettra leur développement. Ces contrats constituent en effet un outil particulièrement adapté pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre dans certains secteurs où elle est insuffisante.

En réponse à Mme Brigitte Bout, il est convenu qu'une meilleure médiation entre l'apprenti et l'entreprise ainsi que l'assouplissement des conditions de déroulement des différentes phases de la formation devraient permettre d'éviter les ruptures précoces des contrats d'apprentissage. Sur ce sujet, il a fait référence à l'étude approfondie réalisée par M. Henri Lachmann.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, présidente, s'est inquiétée du coût supplémentaire qui pourrait résulter pour les départements de la généralisation du RSA. Elle a rappelé que certaines dépenses liées à la gestion du RMI n'avaient toujours pas été compensées par l'Etat.

Elle s'est par ailleurs prononcée en faveur d'un renforcement des clauses d'insertion dans les marchés publics et d'un soutien accru des créations de nouvelles structures dans le secteur de l'IAE.

M. Jean Dessesard a souhaité savoir quelle serait la situation des personnes n'exerçant aucune activité après la mise en place du RSA généralisé.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a indiqué que le RSA, qui a vocation à se substituer au RMI, à l'API et, vraisemblablement, à l'ASS, serait versé à toute personne, quelle que soit sa situation par rapport à l'emploi. Lorsqu'elles ne travailleront pas, les personnes recevront l'équivalent du RMI, de l'API ou de l'ASS. Dans le cas d'une reprise d'activité, il a fait valoir que le RSA permettait d'augmenter de façon significative les revenus perçus.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité obtenir des précisions sur le barème qui serait appliqué au RSA généralisé, et notamment sur les critères qui seront retenus pour en définir la progressivité.

En réponse à Mme Gisèle Printz, M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a rappelé que le RSA étant versé directement aux salariés et non à l'entreprise sous forme de subvention ou d'aide il ne comportait aucun risque d'effet d'aubaine du côté de l'employeur. S'agissant des salariés, il a reconnu qu'ils pourraient être incités à conserver un emploi à temps partiel grâce au complément de revenu apporté par le RSA.

Enfin, il a indiqué que, conformément à ses engagements, l'Etat avait compensé à l'euro près les dépenses engagées par les départements, sur la base des dispositions de la loi de 2003. Il a ajouté que l'Etat abonde actuellement à hauteur de 500 millions d'euros par an le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), qui complète la compensation des sommes effectivement dépensées par les départements. Il a d'ailleurs fait valoir qu'un tiers des départements avait accepté de participer à l'expérimentation du RSA à condition que les charges financières fassent l'objet d'une répartition équilibrée entre l'Etat et les départements.

En réponse à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Martin Hirsch a indiqué que tout marché public faisant appel à une forte proportion de main-d'oeuvre devrait réserver 5 à 10 % des emplois aux personnes en insertion, ce qui devrait permettre la création de 10 à 20 000 emplois. Il a ajouté que le site internet « Acheter-socialement-responsable », en cours d'élaboration, présenterait l'ensemble des clauses d'insertion ainsi que les différents acteurs et entreprises auprès desquels il sera possible de s'adresser.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, présidente, a redouté que la mise en place du RSA pénalise certains couples bénéficiaires de la PPE.

M. Martin Hirsch a fait observer que la PPE pouvait être intégrée dans le RSA de façon neutre mais il a fait valoir l'intérêt d'un redéploiement des sommes versées au profit des personnes les plus en difficulté. Cela permettra ainsi de corriger les dérives de la PPE dénoncées notamment par un récent rapport de la Cour des comptes.

M. Jean Desessard a demandé si le RSA serait versé comme le RMI en fonction des revenus du conjoint, s'inquiétant de la situation de dépendance que cela crée dans le couple.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a indiqué que le RSA, tout comme le RMI, relevait d'une approche familiale qui a l'avantage de tenir compte de la composition des ménages bénéficiaires. Il a en outre fait observer que les aides au logement, les allocations familiales et l'impôt sur le revenu étaient également appréhendés sous cette approche.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, présidente, a souhaité savoir quels enseignements on pouvait d'ores et déjà tirer des expérimentations du RSA dans les départements.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a précisé que les premiers résultats feraient l'objet d'une présentation au début du mois de juillet et qu'un bilan plus approfondi serait réalisé avant la fin de l'année.