Mardi 1er juillet 2008

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président.-

Désignation d'un rapporteur

L'Office a nommé M. Daniel Raoul, sénateur, rapporteur de l'étude sur « les effets sur la santé et l'environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension ».

Santé - Téléphonie mobile - Saisine de l'Office

M. Claude Birraux, député, président, a annoncé que l'Office avait été saisi, par le Bureau de l'Assemblée nationale, d'une étude sur « les conséquences éventuelles sur la santé de la téléphonie mobile ».

Compensation du handicap - Handicap - Apports de la science et de la technologie - Examen du rapport d'information

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a ensuite procédé à l'examen du rapport de Mme Bérengère Poletti, députée, sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap.

Après avoir exposé qu'en 2040, le vieillissement de la population conduira à une augmentation de moitié du nombre de personnes âgées dépendantes, et qu'aujourd'hui cinq millions de personnes utilisaient des aides pour compenser leur handicap, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné que l'Etat, les collectivités territoriales et l'assurance maladie, qui assurent en grande partie la solvabilité de ce marché, ne disposent pas des outils de pilotage leur permettant d'acquérir l'information nécessaire à la prise des décisions, en particulier dans le domaine essentiel de la détermination des tarifs de remboursement des appareillages par l'assurance maladie.

Cette situation est particulièrement préoccupante, alors que le développement de l'informatique et de la domotique, ainsi que l'émergence des nanotechnologies donnent le jour à des matériels innovants, capables de compenser des déficits moteurs, mais également sensoriels ou mentaux.

L'accès des personnes handicapées aux technologies destinées au grand public, tels les téléphones portables et les ordinateurs, qui constituent des outils essentiels pour permettre aux personnes handicapées de communiquer, s'orienter et s'insérer dans la société, doit par ailleurs être pris en considération.

Puis Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a dressé un état des recherches réalisées dans le domaine de la compensation du handicap.

La domotique et la robotique sont appelées à connaître un développement important.

Dans le domaine de la robotique, des projets ambitieux sont en cours. Les avancées considérables, accomplies dans le domaine de l'interface entre l'homme et la machine, ont ainsi conduit l'agence de recherche de l'armée américaine à engager un programme de 100 millions de dollars pour mettre au point, dans les deux ans, des bras artificiels commandés directement par le cerveau.

Des recherches prometteuses visent par ailleurs à mettre au point des exosquelettes, fixés sur les membres et actionnant ces derniers. Utilisés principalement en rééducation, ils pourraient constituer une voie d'avenir intéressante pour compenser certaines formes de paralysie.

L'électro-stimulation suscite également beaucoup d'espoirs. Des équipes françaises travaillent au rétablissement progressif de la marche chez les personnes atteintes de paraplégie par la stimulation électrique qui, d'ores et déjà, contribue à l'efficacité des traitements dispensés aux patients atteints de la maladie de Parkinson.

Les plus grands progrès réalisés concernent les deux principaux handicaps sensoriels : la surdité et la cécité. Il est, dès à présent, possible de compenser la surdité profonde et de nouveaux procédés permettent d'envisager de redonner la vue à certains aveugles. En effet, il est aujourd'hui raisonnable d'estimer qu'à un horizon d'une dizaine d'années, une partie significative des personnes ayant perdu la vue retrouvera une certaine autonomie, grâce à des prothèses fixées sur la rétine.

Les résultats spectaculaires des implants cochléaires dans la lutte contre la surdité profonde donnent à penser que la plupart des enfants qui naissent sourds aujourd'hui pourront entendre. L'efficacité de ces dispositifs est liée à un dépistage précoce de la surdité. Les prothèses acoustiques, grâce à l'amélioration des techniques numériques, connaissent par ailleurs des progrès remarquables.

Néanmoins, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteur, a observé que la diffusion de ces progrès techniques auprès des personnes handicapées était insuffisante, pour diverses raisons.

En premier lieu, il existe des freins culturels, qu'il ne faut pas sous-estimer, au développement des recherches et à la diffusion des innovations, comme, par exemple, l'image négative associée en France au fauteuil roulant ou la tentation identitaire de certaines associations.

Par ailleurs, l'appropriation et l'apprentissage par les personnes handicapées des aides techniques mises à leur disposition exigent souvent un accompagnement qui est rarement pris en compte par les politiques sociales.

En outre, les dispositifs de prise en charge des aides techniques présentent une série de défauts. Divers produits récents échappent à toute prise en charge collective, telles les aides à la communication qui se situent hors du champ de l'assurance maladie, et le système de prise en charge est complexe. La répartition des rôles entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et l'assurance maladie n'est pas toujours claire, tandis que les maisons départementales du handicap en sont à leur première année de fonctionnement, ce qui rend toute évaluation difficile.

Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné les faiblesses du système de recherche français dans le domaine de la compensation du handicap, qui s'expliquent, notamment, par le peu de place accordé aux problèmes du handicap dans l'enseignement, en particulier dans les domaines de la santé et des sciences médicales, par l'insuffisance des moyens mis en oeuvre et par le manque de coordination des projets.

Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné la nécessité de faire émerger en France un champ de recherches dédiées au problème du handicap, à l'instar des pays scandinaves, du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, en observant que la création, en avril 2007, d'un observatoire consacré aux aides techniques au handicap constituait à cet égard une première réponse qui devrait être considérablement amplifiée.

Abordant la question des relations existant entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les chercheurs, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a suggéré que la Caisse nationale se dote d'un institut de recherche orienté vers la recherche appliquée et l'industrialisation des produits, en observant qu'il était du devoir et de l'intérêt de la CNSA de peser sur le prix des produits mis en vente et les marges excessives de certains industriels et distributeurs.

Le marché des aides techniques au handicap, qui représente 19 milliards d'euros, soit 12% de la consommation des biens médicaux, et plus de 60 000 produits différents, présente plusieurs imperfections. A la faiblesse du nombre de constructeurs en France, s'ajoute l'étroitesse du marché qui interdit la mise en oeuvre d'une réelle concurrence. De ce fait, les prix sont très élevés, ce qui pèse sur le niveau réel du remboursement. Prenant des exemples précis, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné que, dans plusieurs secteurs importants du marché des aides techniques au handicap, les marges bénéficiaires constatées sont équivalentes à celles pratiquées dans le domaine des produits de luxe. Or, dès lors qu'une partie du financement de ces produits repose sur la solidarité nationale, cette situation n'est guère viable et justifierait un examen par le Conseil de la concurrence.

Le système de remboursement des produits, qui est déterminant pour les industriels, est complexe et disparate. Certaines aides sont correctement prises en charge par l'assurance maladie, tels les fauteuils roulants manuels, d'autres ne sont pas du tout remboursées, tels les dispositifs de lecture assistée par ordinateur, ou de manière insignifiante, comme les prothèses auditives.

L'articulation entre l'assurance maladie et la prestation de compensation du handicap est également une source de complications.

Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a insisté sur la nécessité de mener des actions vigoureuses pour améliorer l'information, développer la normalisation des matériels, et favoriser la location, afin de remédier aux déficiences du marché.

En conclusion, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, après avoir observé que les aides techniques constituaient certainement une manière de transformer le regard porté sur le handicap, et estimé que le principal défi à relever était de permettre au plus grand nombre d'accéder aux innovations, a présenté plusieurs recommandations.

A la suite de la présentation du rapport, un débat s'est engagé.

M. Claude Birraux, député, président, après avoir souligné la qualité du travail accompli par la rapporteure et suggéré que le rapport soit présenté à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale qui est à l'origine de la saisine de l'office , a formulé deux observations :

- La recherche pluridisciplinaire doit être stimulée et, à l'instar de l'institut de la vision, il serait peut-être opportun de créer un institut de la mobilité pour favoriser la coordination des travaux menés sur les aides techniques au déplacement.

- La domotique du futur offre des perspectives très prometteuses, qui présentent un intérêt essentiel pour les collectivités territoriales, impliquées notamment dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, a jugé l'approche retenue par la rapporteure très intéressante et originale, en donnant un éclairage nouveau aux questions éthiques posées par l'utilisation de nouvelles technologies, mais aussi en mettant en évidence les bénéfices que les individus peuvent en retirer, comme en témoignent les progrès liés au recours aux nanotechnologies.

Après que M. Claude Birraux, député, président, eut souligné l'intérêt d'introduire une recommandation sur la nécessité de mener une réflexion éthique, M. Jean-Yves Le Déaut, député, a abordé trois autres sujets sur :

- les implants cochléaires, en estimant que la détection précoce se justifiait pleinement, en particulier lorsque des moyens permettant de corriger un handicap existent, et en déclarant que la rapporteure avait raison d'exposer l'ensemble des éléments du débat sur les implants cochléaires et de prendre parti ;

- la nécessité de promouvoir les petites entreprises innovantes, en particulier les deux sociétés, présentes sur le marché français, qui conçoivent des boîtiers de guidage permettant aux personnes atteintes d'un handicap visuel de s'orienter dans les lieux publics tels que les mairies et les gares ;

- l'implication réelle des départements, que les propos tenus par Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité et cités dans le rapport semblent minimiser.

Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a répondu que l'instruction des dossiers par les maisons départementales des personnes handicapées aboutissait à de grandes disparités en matière de remboursement et de prise en charge, et que cette situation très déséquilibrée pouvait avoir des conséquences aggravées avec le vieillissement de la population.

M. Paul Blanc, sénateur, après avoir félicité la rapporteure pour la pertinence de son analyse a formulé plusieurs observations :

- les dispositions législatives adoptées ces dernières années pour améliorer le sort des personnes handicapées tardent à être appliquées ;

- le débat concernant les implants cochléaires aboutit à un regrettable blocage, mais on doit avoir conscience que d'autres associations intervenant dans le domaine du handicap peuvent freiner les évolutions souhaitables ;

- la gestion par les maisons départementales des personnes handicapées est source de grandes disparités entre les départements et le rôle de l'Etat est d'assurer l'égalité des Français devant la loi ;

- la situation financière de la sécurité sociale, comme le montre le dernier rapport de la Cour des comptes, ne permet pas d'envisager une prise en charge des frais liés à la compensation du handicap, l'allocation de compensation, dont le mode de gestion doit être amélioré pour la rendre plus équitable, semble plus adaptée à ce rôle ;

- l'accent devrait être plus fortement mis sur la vie citoyenne des personnes handicapées, le vote électronique pouvant offrir des facilités aux personnes aveugles ;

- la question du prix des matériels se pose depuis de nombreuses années, étant observé que les prix sont généralement élevés dans le domaine sanitaire, et le sont d'autant plus que les frais sont remboursés par la sécurité sociale ;

- il existe un réel déficit de personnes formées dans le secteur du handicap, et il faudrait envisager de donner aux jeunes accidentés de la route des formations en robotique et domotique, afin de disposer de techniciens et d'ingénieurs motivés ;

- le présent rapport constitue la suite logique de la loi de 2005, étant observé que la mise en oeuvre des mesures concernant l'accessibilité et l'adaptabilité des transports se heurte à diverses difficultés, notamment en matière d'homologation.

M. Claude Leteurtre, député, après avoir félicité la rapporteure pour l'exhaustivité et la justesse de son analyse, a abordé le sujet souvent tabou de l'incontinence qui peut être combattue par des technologies, tels les implants et l'électro-stimulation, et souligné l'intérêt de mener une réflexion approfondie sur les coûts et les prix de vente, lesquels doivent être raisonnables si l'on entend disposer d'un barème de financement satisfaisant.

Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a, sur ce point, indiqué que le système suédois reposait sur des principes tout à fait différents, fondés sur la demande, la prise en charge intervenant quel que soit le matériel pris en charge, dès lors que celui-ci permettait de compenser le handicap.

M. Claude Leteurtre, député, a évoqué ensuite les équipements pour personnes handicapées dans les transports publics, notamment les cars scolaires.

Après que M. Claude Birraux, député, président, eut suggéré diverses modifications relatives aux recommandations, l'Office a adopté le rapport d'information.

Mercredi 2 juillet 2008

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président. -

Sécurité - Barrages et des ouvrages hydrauliques - Examen du rapport d'information

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Christian Kert, député, rapporteur, sur la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques.

M. Claude Birraux, député, président, a rappelé que, lors de la présentation de son étude de faisabilité, le rapporteur avait souhaité étendre l'étude à la sécurité des ouvrages hydrauliques, alors que la saisine portait sur les seuls barrages.

Christian Kert, député, rapporteur, après avoir rappelé que la saisine de l'Office avait été consécutive à la publication d'un article de « Capital » en février 2007 stigmatisant certaines insuffisances du contrôle et de la maintenance des installations de sécurité dans les grands barrages hydrauliques français, a indiqué que, dès l'étude de faisabilité, il avait fait part de ses doutes quant à la nécessité d'entreprendre une étude sur ce sujet, tant les assurances apportées par EDF et l'annonce de la publication d'un décret sur la sécurité de l'ensemble des barrages en France apparaissaient de nature à apaiser les inquiétudes suscitées par cet article.

Cependant, le rapporteur a observé que, si les grands barrages hydroélectriques posaient moins de problèmes qu'il n'y paraissait, l'infinie variété de petits barrages présentait, elle, sous certains aspects, de véritables risques auxquels venaient s'ajouter ceux des digues dont la politique d'entretien, jusque là très hétérogène, suscitait bien des interrogations.

Après avoir souligné les améliorations introduites par le décret du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques, le rapporteur a rappelé qu'alors même qu'il s'intéressait au risque sismique, l'énorme séisme chinois dans la région du Sichuan a donné une actualité nouvelle au sujet.

M. Christian Kert, député, rapporteur, rappelant que la France était un pays à sismicité modérée, a souligné, toutefois, que la plupart des grands barrages de classe A se situait dans les zones les plus sismiques.

Enfin, dès les premières rencontres sur le terrain se sont dégagées de nouvelles thématiques : le statut de certaines digues et de certains barrages, les régimes de contrôle et de responsabilité y afférents, les relations entretenues entre l'administration et les élus locaux dans ce domaine et la faisabilité financière des opérations de mise aux normes de certains ouvrages, tels que certaines retenues d'eau surplombant des centres de vacances, des campings ou des zones d'habitat.

En définitive, qu'il s'agisse d'un « mastodonte » de 100 mètres de haut ou d'un ouvrage de 8 mètres, tout barrage peut être exposé à 4 types de risques :

- les défauts de maintenance et de contrôle de l'obsolescence des matériaux,

- les crues,

- les accidents de terrain, mouvements ou glissements,

- les séismes, celui de référence se situant à 3,5 sur l'échelle de Richter.

Selon le rapporteur, l'exposition au premier risque constituera toujours une circonstance aggravante pour les trois autres et à la question « Peut-on encore, depuis Malpasset et la mise en place d'une politique de sécurité des barrages, craindre la rupture d'un barrage ? », M. Christian Kert, député, rapporteur, a répondu que si cette probabilité était relativement faible, on ne pouvait l'exclure, au regard des conséquences potentielles d'un tel événement. Au cours du 20e siècle, 1% des barrages à travers le monde se sont rompus. Dans la seule période de 1959 à 1987, 30 accidents de rupture de barrages ont été recensés, faisant 18 000 victimes.

Après avoir examiné les différents stades de contrôle des barrages et ouvrages de toutes classes, le rapporteur a rendu compte de visites sur le terrain, où des situations parfois ubuesques lui ont été présentées. Il a aussi souligné la nécessité d'unifier les instances de contrôle et de poursuivre les études sur les maladies du béton.

A la suite de la présentation du rapport, un débat s'est engagé.

M. Claude Birraux, député, président, après avoir félicité le rapporteur pour la qualité de ses travaux et la présentation pédagogique de ceux-ci, a posé une question sur les compétences exercées par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) dans le domaine étudié.

M. Christian Kert, député, rapporteur, a indiqué que le champ d'intervention de cet organisme se limitait à l'examen des fondations des barrages et aux risques sismiques, l'essentiel des compétences en matière de sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques étant exercé par l'Institut de recherches pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement (CEMAGREF) et le Bureau d'études techniques et de contrôle des grands barrages (BETCGB), qui est un service ministériel.

M. François Goulard, député, a formulé plusieurs observations :

- des outils performants de surveillance à distance et d'investigation sont aujourd'hui utilisés, qui donnent des garanties en matière de sécurité ;

- les maladies du béton, pour lesquelles on manque de recul et qui affectent la résistance de l'ouvrage, sont un sujet de préoccupation à prendre au sérieux ;

- le rapprochement des Directions régionales de l'industrie de la Recherche et de l'environnement (DRIRE) et des Directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) risque d'affaiblir l'efficacité des contrôles, car on assiste à une raréfaction inquiétante des ingénieurs des services techniques extérieurs de l'Etat, qui pourrait aboutir au dépérissement d'une culture technique de bon niveau, qu'un rapprochement des corps ne pourra pas compenser ; celui-ci n'est pas une garantie de la compétence technique des personnels, dont les effectifs doivent être suffisants, eu égard à l'éparpillement des petits barrages ;

- le niveau de compétences des techniciens français est encore reconnu à l'étranger, mais il serait opportun de faire évaluer le système français de contrôle par des experts étrangers, notamment européens.

M. Christian Kert, député, rapporteur, a répondu que les recherches sur les maladies du béton devaient se poursuivre, que l'unicité des formations était souhaitable pour améliorer le niveau des compétences, et que chaque année, au sein de la commission internationale des grands barrages, des échanges fructueux avaient lieu sur les différentes méthodes utilisées, en observant que la Suisse faisait appel à des experts français..

M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, après avoir souligné le niveau de haute technicité requis pour assurer la sécurité des grands barrages d'EDF, a observé que la mise en conformité des petits barrages se heurtait à l'insolvabilité de certains propriétaires.

M. Christian Kert, député, rapporteur, a alors observé que le renouvellement des concessions actuellement dévolues à EDF était susceptible de poser la question de la sécurité des grands barrages en des termes nouveaux.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, a abordé plusieurs questions :

- en ce qui concerne la maladie du béton, qui a affecté les Etats qui furent placés sous l'autorité coloniale de la France, l'apparition de défauts dans les constructions, soumises aux attaques du climat tropical, est susceptible de susciter une forte demande d'aide auprès des services techniques français ;

- d'autres endroits que les digues peuvent constituer des refuges pour préserver la biodiversité, mais on peut se demander si la végétation présente réellement un risque pour la sécurité des petits ouvrages hydrauliques ;

- lors du Grenelle de l'environnement, des syndicats agricoles ayant réclamé la confection de retenues d'eau en milieu rural, on doit également s'interroger sur les conditions techniques pour de telles réalisations.

M. Christian Kert, député, rapporteur, a précisé que si la digue de protection devait être exempte de végétation, car les racines pouvaient constituer des points de faiblesse, les talus pouvaient sans risque être arborés.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, a estimé qu'il convenait de garder une approche critique des études réalisées sur les « maladies du béton », car la définition elle-même de ces maladies reste très imprécise et les traitements opérés, dont il conviendra de démontrer l'efficacité, semblent encore rudimentaires.

Après que M. Christian Kert, député, rapporteur, eut indiqué qu'une des recommandations proposait de poursuivre les recherches sur ces « maladies », l'Office a adopté le rapport d'information.

Sécurité - Déchets radioactifs - Audition des membres de la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE)

L'Office a ensuite procédé à l'audition des membres de la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE).

M. Claude Birraux, député, président de l'Office, a accueilli les membres de la CNE en observant qu'elle présentait son premier rapport d'évaluation sur une année pleine depuis son renouvellement en 2007.

Il a noté que le rapport comportait un chapitre faisant un bilan des expériences étrangères, comme la loi du 28 juin 2006 le prévoyait, et qu'un autre chapitre s'efforçait de structurer la problématique des études socio-économiques sur la gestion des déchets, conformément au souhait du législateur, qui avait, à cette fin, élargi le collège de la CNE à des membres nommés « sur proposition de l'Académie des sciences morales et politiques »

M. Bernard Tissot, président de la CNE, a indiqué que le rapport présenté était le résultat de 14 auditions d'une journée chacune, ayant permis au total d'entendre 96 personnes, de plusieurs missions sur site, dont une visite du laboratoire de Bure et d'un séminaire de travail d'une semaine.

Il a observé que les deux grands domaines de recherche concernés, d'un côté celui relatif au stockage, de l'autre celui relatif à la séparation / transmutation, présentaient des états d'avancement très différents.

Les recherches sur le stockage, pilotées par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), progressent selon le calendrier prévu par la loi, et doivent bientôt permettre de définir, en 2009, la zone d'intérêt pour une reconnaissance approfondie (ZIRA). Elles mettent en relief l'importance des questions d'ingénierie minière. Deux dimensions de ces recherches suscitent des interrogations. D'une part, le dispositif de conditionnement doit être optimisé, car il concerne divers types de colis assez différents, et mobilise une chaîne d'opérateurs qui doivent bien se coordonner. D'autre part, la préparation du stockage des déchets graphites et radifères est rendue complexe par la présence, dans les déchets graphites, de Chlore 36, radionucléide très mobile et à vie longue (plus de 300 000 ans), qui rend nécessaire le tampon d'une couche argileuse d'au moins 100 mètres d'épaisseur. Le dossier scientifique du stockage des déchets graphites mérite autant d'attention que celui constitué pour les déchets à haute activité.

Les recherches sur la séparation / transmutation sont prévues pour permettre d'arrêter des choix industriels en 2012 ; mais cette échéance sera difficile à respecter compte tenu de la disparition de moyens d'irradiation en France après l'arrêt du réacteur Phénix en 2009. La solution du réacteur rapide refroidi au sodium bénéficie d'une attention particulière, même si des études conséquentes restent à conduire sur les matériaux de structure. La poursuite des études nécessite un important capital humain qu'il va être difficile de trouver en situation de déclin des effectifs étudiants. En outre, les solutions de séparation / transmutation devront être plus systématiquement évaluées en considérant leur interaction avec la filière actuelle.

M. Jacques Percebois, membre de la CNE, faisant le point sur l'état des recherches de nature socio-économique, a mis en avant le besoin d'actualiser le calcul du coût de revient du kWh électronucléaire, dont M. Claude Birraux, député, président de l'Office, a rappelé qu'il avait été analysé dans le cadre du rapport de 1999 de MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, sur l'aval du cycle nucléaire. Il a souligné, par ailleurs, la nécessité de mettre en place un suivi épidémiologique à l'échelle nationale, et de parachever le dispositif de contrôle de constitution, par les producteurs de déchets nucléaires, des provisions de charges pour la gestion de ces déchets.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, revenant sur les recherches de l'ANDRA relatives au stockage, a confirmé qu'elles suivaient leur cours, s'agissant tant des atteintes à la roche par l'excavation, que de la désaturation en eau, des méthodes de scellements, des vitesses de diffusion et de migration, ou de l'évolution microbiologique. Il a évoqué le besoin d'avancer les réflexions sur les formes pratiques de la réversibilité, notamment quant à l'adaptation du dispositif de sûreté.

M. Emmanuel Ledoux, membre de la CNE, a expliqué que les études hydrogéologiques connaissaient un regain d'intensité grâce aux forages réalisés en vue d'identifier la ZIRA, en indiquant que ceux-ci permettraient notamment d'affiner le modèle de migration du sel, dont le forage profond à plus de 2 000 mètres atteignant la couche du Trias pourrait également éclairer l'origine.

M. Pierre Berest, membre de la CNE, évoquant le projet de stockage des déchets graphites et radifères, a détaillé les contraintes imposées, pour le stockage des 23 000 tonnes de déchets graphites, par la présence en leur sein d'atomes de Chlore 36, très radioactifs et très mobiles, ce qui impose l'encapsulation dans une couche d'argile d'au moins 100 mètres d'épaisseur et la protection contre l'érosion de cette couche d'argile par une autre couche de roche, dure de 100 mètres d'épaisseur également. Il a conclu en indiquant que les investigations scientifiques préalables à la définition des conditions de stockage pour ces déchets de faible activité, mais à vie longue, devraient être aussi poussées que celles en cours pour les déchets à haute activité.

M. Robert Guillaumont, vice-président de la CNE, a présenté les recherches sur la séparation / transmutation en insistant sur le besoin d'élaborer, d'ici environ 2012, des scénarii complets décrivant la manière dont l'élimination industrielle des actinides en réacteur s'intégrera au cycle du combustible, et l'impact qu'elle aura sur les besoins de stockage.

S'agissant de la séparation, il a estimé que les travaux progressaient bien, permettant de dégager des solutions scientifiques, mais qu'il restait encore un long chemin à parcourir pour envisager un dispositif de traitement industriel.

S'agissant de la transmutation, les études intègrent désormais une solution nouvelle consistant à placer les actinides en couverture, au niveau de l'enveloppe intérieure du coeur du réacteur, et non plus en les mêlant au combustible. Cette solution présente l'avantage de découpler l'opération de transmutation de la gestion du cycle du combustible, et aussi d'assurer une meilleure maîtrise des paramètres de performance de la transmutation. Néanmoins, dans le domaine de la transmutation, le passage à un procédé industriel dépend étroitement des progrès à réaliser sur les matériaux de structure.

M. Hubert Doubre, membre de la CNE, est revenu sur le handicap auquel va se heurter la poursuite des recherches sur la transmutation, du fait de la fermeture de Phénix. Il s'est félicité en revanche de la poursuite de l'effort belge conduit au Centre d'étude de l'énergie nucléaire de Mol, en Belgique, pour étudier la voie de la transmutation utilisant un accélérateur (ADS). Il a constaté que les opérateurs industriels ne participent aux programmes de recherche sur les réacteurs de quatrième génération qu'en laissant au second plan les questions de transmutation.

M. Claude Birraux, député, président de l'Office, a indiqué que le processus de mise en place de la « Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs », instituée par l'article 20 de la loi du 28 juin 2006, poursuivait son cours à l'initiative du Gouvernement, désormais au-delà du délai prévu pour la remise de son premier rapport.

Il a signalé qu'il avait déjà demandé à plusieurs reprises, dans ses rapports conduits au nom de l'OPECST depuis 1990, la mise en place d'un suivi épidémiologique de la population.

Il a rappelé la procédure devant permettre au Parlement, à la suite d'une évaluation par l'OPECST, de fixer les conditions de la réversibilité pour le stockage des déchets à haute activité.

Il s'est enfin interrogé sur l'impact en termes de délai supplémentaire que pourrait imposer le besoin d'analyse scientifique approfondie pour le stockage des déchets graphites, sachant que les diverses procédures administratives décalent d'ores et déjà à 2019 une mise en service prévue par la loi en 2013. En ce qui concerne la transmutation, il a demandé un bilan de programme européen MYRRHA (Multipurpose Accelerator Driven System for R&D applications).

M. Christian Bataille, député, s'est d'abord positionné en tant que rapporteur de la loi de 1991 sur les déchets nucléaires, et a rappelé le principe selon lequel, en ce domaine, les questions financières sont secondaires. Il a estimé qu'EDF notamment pouvait difficilement prétendre préserver un pécule qui ne lui appartenait pas. S'agissant de la réversibilité, il a souligné qu'il s'agissait d'un choix politique.

M. Christian Bataille, député, s'est ensuite exprimé en tant que président du CLIS (comité local d'information et de suivi du laboratoire souterrain) de Bure, et a signalé que les recherches conduites par l'ANDRA sur le site du laboratoire ne faisaient pas une place assez importante à l'optimisation, en termes de sûreté, du transit des déchets, depuis leur convoyage sur place jusqu'au dépôt dans les galeries ; la question des conditions d'un éventuel dépôt de relais en surface doit en particulier être examinée.

Il s'est élevé contre toute idée éventuelle d'utiliser le site de stockage des déchets de haute activité pour un éventuel stockage additionnel des déchets graphites, ou pour accueillir des combustibles usés non préalablement retraités et conditionnés. Il a enfin mis en garde contre la mise en avant d'analyses scientifiques d'ampleur géologique, dont l'échelle de temps ne risquerait pas d'être comprise par les populations concernées, lesquelles ont parfois le réflexe de considérer toute évolution évoquée comme pouvant se produire sur quelques années.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, évoquant son expérience d'ancien président de Champagne-Ardennes à l'époque des premiers débats sur le stockage souterrain, a appuyé le refus de M. Christian Bataille d'une éventuelle extension du site de Bure à d'autres catégories de déchets nucléaires. Il a défendu le besoin de conduire des études épidémiologiques de l'ensemble de la population, de manière à pouvoir disposer d'informations pour toutes sortes de sujets médicaux, puis a rappelé l'intangibilité du principe de réversibilité, qui serait fixé dans son contenu au terme d'un processus bien défini par la loi.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, a souscrit à son tour au besoin d'études épidémiologiques, en observant que la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique avait déjà prévu un « plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement », devant être élaboré tous les cinq ans, et concernant « les effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie » (article L. 1311-6 du code de la santé publique), mais que cette disposition n'était pas appliquée. Elle a estimé en revanche que les populations ne feraient pas de distinction entre les différents types de déchets nucléaires, et qu'un site de stockage de déchets graphites susciterait autant de préventions qu'un site de déchets à haute activité. Elle a insisté sur les précautions à prendre pour que les stockages souterrains ne perturbent pas l'exploitation des ressources géothermiques potentielles du sous-sol français.

M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président de l'Office, a souhaité savoir si les recherches sur la filière ADS des réacteurs de quatrième génération rencontraient des freins équivalents à la pénurie de sources d'irradiation évoquées pour les réacteurs de la filière à neutrons rapides (RNR).

M. Claude Birraux, député, président de l'Office, s'est interrogé sur les perspectives d'amélioration du conditionnement des effluents liquides que pourrait offrir le recours aux géopolymères mis au point par le professeur Davidovitz. Il a évoqué l'assainissement ainsi réalisé des mines d'uranium de la société Wismut en ancienne RDA, notamment à Aue, en Saxe.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, s'agissant du stockage des déchets graphites, a mentionné l'impossibilité d'estimer l'effet sur les délais qu'aurait l'étude scientifique préalable, notamment parce que celle-ci devrait comporter une étude sur site dans le cadre d'un laboratoire souterrain comme à Bure et que celle-ci dépendait de l'identification des sites d'accueil candidats. Il a marqué son attachement à respecter le souhait du législateur de garantir la réversibilité du stockage des déchets, soulignant seulement l'importance de l'intégrer au dispositif de sûreté. Il a expliqué que l'évocation de la configuration de Bure dans l'analyse des conditions de stockage des déchets graphites s'inscrivait dans le cadre d'un raisonnement analogique n'impliquant aucune suggestion pratique, seules les autorités compétentes pouvant se positionner à cet égard.

S'agissant des insuffisances quant aux réflexions sur la sûreté du dispositif de transit des déchets, il a rappelé qu'elles avaient fait déjà par le passé l'objet d'observations de la part de la CNE, très soucieuse elle aussi de cette dimension pratique du stockage, mais sans obtenir des réponses satisfaisantes.

Enfin, les interactions d'un éventuel stockage avec une activité géothermique sont étudiées, puisque le forage profond jusqu'à la couche du Trias devrait permettre de fournir des données complémentaires à cet égard.

M. Robert Guillaumont, vice-président de la CNE, a confirmé l'intérêt que pouvaient représenter les géopolymères, matériaux aux caractéristiques intermédiaires entre celles du verre et du ciment, pour le conditionnement des déchets.

Il a expliqué que les données de planification disponibles ne laissaient pas de doute sur un retraitement complet des combustibles usés et le conditionnement des déchets avant leur stockage souterrain, à l'exception de ceux, en faible quantité relative, provenant des vaisseaux à propulsion atomique.

S'agissant des recherches sur la filière ADS, elles s'inscrivent surtout dans le cadre du projet Eurotrans (European Research Programme for the Transmutation of High Level Nuclear Waste in an Accelerator Driven System). Celui-ci regroupe le CNRS, qui fournit l'accélérateur, le CEA, qui fournit le combustible, et le Centre d'étude de l'énergie nucléaire de Mol, qui fournit le réacteur. Jusque là, les recherches, portant sur les éléments séparés, ont plutôt été couronnées de succès, mais elles parviennent au stade critique de l'assemblage des divers éléments ; elles devraient prendre fin en 2009, et permettre d'ouvrir la voie à la construction d'un prototype industriel expérimental.

M. Frank Deconink, membre de la CNE, a expliqué que le projet MYRRHA était pris en charge par le Centre d'étude de l'énergie nucléaire de Mol, et visait à produire des neutrons rapides pour tester les matériaux indispensables à l'ingénierie des réacteurs de 4e génération. Le Gouvernement belge lui apporte un soutien déterminé, bien que les montants financiers à mobiliser, jusqu'à la fin du programme vers 2020, atteignent environ 750 millions d'euros.