Mardi 27 octobre 2009

- Présidence de M. Jean-Claude Etienne, sénateur, premier vice-président -

L'apport de la recherche en matière de prévention et de traitement de l'obésité - Etude de faisabilité

Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a présenté son étude de faisabilité sur l'apport de la recherche en matière de prévention et de traitement de l'obésité, dont l'Office parlementaire a été saisi le 28 mai 2009 par la commission des affaires sociales du Sénat.

Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a rappelé que l'Office avait organisé une matinée d'auditions publiques sur un sujet similaire le 4 mars 2009 et que, à l'issue des débats, le premier vice-président, M. Jean-Claude Etienne et elle-même avaient reconnu l'intérêt d'une éventuelle étude permettant d'approfondir les perspectives offertes par les recherches sur la prévention et le traitement de l'obésité.

Puis, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a insisté sur le fait que l'obésité était une maladie de plus en plus fréquente. Elle a précisé que l'obésité humaine était devenue un phénomène massif depuis trois décennies et avait été reconnue comme une maladie par l'Organisation Mondiale de la santé (OMS) en 1997. Elle l'a qualifiée d'alarmante dans la mesure où elle progresse très rapidement. Ainsi, la prévalence de l'obésité s'est fortement accrue aux Etats-Unis d'Amérique depuis 1980 et, aujourd'hui, le taux d'obèses atteint 34 %. En ajoutant le taux de personnes en surpoids (32,4 %), il apparaît que les deux tiers de la population aux Etats-Unis sont en surpoids ou obèses.

En ce qui concerne les pays de l'Union européenne, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a expliqué que 17,2 % des adultes étaient obèses (soit 68,5 millions) et 6,8 % des enfants (5,1 millions). Elle a ajouté que, en France, la corpulence avait fortement augmenté depuis 1981, avec une forte accélération depuis les années 1990. La prévalence de l'obésité est désormais de 16,9 % (soit environ 8 millions de personnes) et celle du surpoids de 32,4 %. Depuis 1990, la prévalence de l'obésité a quasiment triplé, alors que celle du surpoids est restée stable. Si le rythme de progression de l'obésité se poursuivait, la France pourrait compter 30 % d'obèses en 2020.

Par ailleurs, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a rappelé que le surpoids et l'obésité étaient de très importants facteurs de risque pour les principales maladies à forte prévalence telles que le diabète de type 2, l'hypertension artérielle ou encore certains cancers. Elle a constaté que l'obésité entraînait souvent une usure prématurée des articulations portantes (hanches, genoux, chevilles) et avait des répercussions psychologiques et sociales graves.

En outre, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, s'est inquiétée de la part croissante des dépenses de santé consacrées à cette maladie. Elle a cité le livre vert de la Commission européenne de 2005 intitulé « Promouvoir une alimentation saine et l'activité physique », dans lequel cette dernière estime que « l'obésité mobilise, dans l'Union européenne, jusqu'à 7 % des dépenses de santé publique - un chiffre qui continuera d'augmenter vu la tendance croissante à l'obésité. »

Ensuite, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a présenté les grandes lignes des deux plans nationaux nutrition santé mis en place par la France respectivement pour les périodes 2001-2005 puis 2006-2010. Elle a également évoqué les initiatives prises par le Royaume-Uni et l'Allemagne dans ce domaine. Néanmoins, elle a souligné les difficultés que rencontraient les dirigeants à adopter des mesures efficaces afin de prévenir l'obésité et de lutter contre elle, compte tenu de ses origines multifactorielles.

Puis, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a expliqué l'intérêt d'une étude dans ce domaine. Elle a insisté sur le fait qu'elle ne souhaitait pas réaliser un énième rapport de recommandations pour la prévention et la lutte contre l'obésité au regard du nombre considérable de publications sur ce sujet.

Elle a proposé une démarche complémentaire, focalisée sur la recherche dans la mesure où celle-ci est indispensable pour améliorer la prévention et le traitement de l'obésité. Elle a illustré ses propos en rappelant que l'obésité avait des causes multifactorielles et concernait de nombreuses disciplines telles que la génétique, les neurosciences, la pharmacologie, l'économie, la psychologie, les sciences sociales, l'anthropologie, la nutrition, les technologies alimentaires.

Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a également souligné que la recherche avait vocation à mieux étudier les liens entre l'obésité et les maladies qu'elle favorise, notamment dans le but de trouver des traitements efficaces pour éviter ces pathologies. Elle a alors rapporté les propos du professeur Pierre Rosenzweig qui, lors de l'audition publique du 4 mars 2009, avait estimé que le traitement pharmacologique de l'obésité constituait un besoin médical non satisfait dans la mesure où il existe seulement deux molécules pour traiter l'obésité, contre des dizaines pour traiter des conséquences de cette maladie (hypertension, diabète, etc.).

Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a ajouté que la recherche avait un rôle majeur à jouer en matière d'expérimentation. Après avoir rappelé que la prévention et le traitement de l'obésité s'accompagnaient de nombreux échecs, elle a estimé indispensable d'évaluer de manière scientifique les initiatives prises pour, si elles s'avèrent convaincantes, les étendre à d'autres populations ou, au contraire, mettre un terme aux expériences qui se révèlent de fausses bonnes idées.

Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a alors proposé deux axes d'étude avec, d'une part, un bilan de l'état des connaissances sur l'obésité et des pistes jugées prometteuses pour prévenir et traiter cette maladie et, d'autre part, une analyse de l'organisation de la recherche française en matière d'obésité dans le but d'améliorer encore sa qualité et sa performance.

Elle a précisé qu'elle souhaitait actualiser le rapport de l'Inserm sur l'obésité commandé par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé en 2005 et a cité certaines pistes de recherche prometteuses telles que les recherches sur le génome, le rôle du cerveau dans le développement de l'obésité ou encore l'épigénétique.

Puis, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a affirmé que, si la qualité de la recherche française en matière d'obésité était reconnue internationalement, elle jugeait important d'évaluer son organisation afin de vérifier que son mode de fonctionnement, notamment en ce qui concerne les transferts des résultats de la recherche fondamentale vers la recherche appliquée, mais également les moyens qui lui sont consacrés, lui assurent l'excellence et l'efficacité souhaitées. A cet égard, elle a cité les Etats-Unis qui, à travers le National Institute of Health (NIH), ont fait, dès 2003, de la recherche sur l'obésité une priorité à travers la création de la « NIH Obesity Research Task Force » visant à mobiliser l'ensemble des instituts du NIH dans une perspective interdisciplinaire.

En conclusion, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a considéré qu'une étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur ce sujet était pleinement justifiée. S'agissant des termes et du champ de la saisine, elle a proposé de modifier légèrement la formulation originale afin de tenir compte des deux axes d'étude proposés et a suggéré comme intitulé : « L'organisation de la recherche et ses perspectives en matière de prévention et de traitement de l'obésité ».

Un débat s'est alors ouvert.

M. Marcel-Pierre Cléach, sénateur, s'est interrogé sur les causes de l'échec relatif de tous les médicaments visant à prévenir la prise de poids.

M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président, a insisté sur l'importance de la prévention et la nécessité d'approfondir les connaissances dans ce domaine. Il a expliqué l'influence respective de la génétique et de l'épigénétique dans la compréhension du phénomène de l'obésité.

M. Jean-Louis Touraine, député, a proposé une classification de la recherche en trois catégories : la recherche fondamentale, qui regroupe la génétique, l'épigénétique, la métabolique et qui a vocation à produire des résultats à long terme ; la recherche sur les facteurs comportementaux et l'environnement, qui doit permettre de délivrer des messages pertinents auprès du public ; enfin, la recherche qui doit servir de base scientifique à toute action en direction des professionnels de l'alimentation. Il a ajouté que, s'il convenait de favoriser la concertation avec l'industrie agroalimentaire, il ne fallait pas exclure des mesures plus contraignantes telle une taxation des aliments denses en énergie afin de modifier les comportements alimentaires et d'encourager la consommation de fruits et légumes. A cet égard, il a insisté sur le fait que le prix relatif des aliments était le critère de choix décisif des ménages, et ce, quels que soient leurs revenus. Il a rappelé que les produits à haute densité énergétique étaient ceux dont le coût de production était le plus bas. Il a également plaidé pour une politique ciblée en direction des populations défavorisées et des jeunes, particulièrement concernés par le risque d'obésité.

M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président, a alors fait référence aux débats soulevés par la présence de distributeurs d'aliments et de boissons dans les écoles en rappelant que certains parlementaires avaient préconisé non pas leur suppression, mais une modification de leur contenu au profit d'aliments conformes aux recommandations nutritionnelles tels les fruits. Il a également prôné un étiquetage des produits adapté, qui permette aux consommateurs de distinguer facilement les produits « sains » des produits « nuisibles ». 

M. Jean-Louis Touraine, député, s'est également inquiété de la prolifération de formules de régimes qui, outre de conduire à une perte de poids seulement temporaire, peuvent également avoir des conséquences néfastes sur la santé. Il a défendu la nécessité d'inscrire les régimes alimentaires dans la durée et de les soumettre à un suivi par un professionnel de la santé.

M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président, a lui aussi fait part de son inquiétude devant l'émergence d'une certaine irrationnalité face à l'alimentation que l'industrie alimentaire utilise en proposant des produits plus chers sans que leur supériorité en termes de santé par rapport à des produits plus classsiques ne soit démontrée scientifiquement.

Puis, il a décrit brièvement l'initiative américaine évoquée par le rapporteur et a insisté sur l'importance de l'interdisciplinarité pour mieux comprendre les causes de l'obésité. Il a souligné l'influence de l'environnement et a rejeté l'idée répandue selon laquelle il y aurait une fatalité de l'obésité. Il a également insisté sur la nécessité d'une prise en charge psychologique des obèses.

En réponse, Mme Brigitte Bout, sénateur, rapporteur, a expliqué qu'elle avait rencontré des représentants de l'industrie agroalimentaire pour la réalisation de l'étude de faisabilité et que le subventionnement des aliments de faible densité énergétique lui paraissait une mesure plus adéquate que la taxation des produits à haute densité énergétique, notamment parce qu'une telle mesure pénalisait les ménages les plus modestes. Puis elle a souligné l'inégalité génétique des individus face à l'obésité dans la mesure où le même régime alimentaire aboutira à des prises de poids très différentes selon les personnes.

L'Office parlementaire a alors adopté à l'unanimité les conclusions de l'étude de faisabilité.