Mercredi 31 mars 2010

- Présidence de M. Claude Belot, président d'âge, puis de M. Bruno Retailleau, président -

Constitution du Bureau

La mission commune d'information a procédé à l'élection de son président et à un échange de vues avant de désigner les autres membres de son Bureau.

M. Claude Belot, président d'âge, a rappelé que les évènements survenus lors de la tempête Xynthia avaient été extrêmement graves, notamment dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime, et qu'ils avaient coûté la vie à 53 personnes. Il a relevé la réactivité des maires des communes sinistrées. Il a noté que la mission, mise en place à l'initiative du président du Sénat, disposerait d'une totale liberté d'investigation, ce qui lui permettrait de dégager et d'analyser les facteurs ayant contribué à alourdir le bilan de la tempête Xynthia. Il a ainsi estimé que beaucoup d'erreurs avaient été commises : des permis de construire avaient pu être délivrés pour des terrains ne donnant pas des garanties de sécurité suffisantes, des dysfonctionnements avaient empêché les services de secours d'être aussi performants qu'ils auraient pu l'être ; les bâtiments touchés, dont certains étaient construits en matière calcaire, présentaient parfois des caractéristiques peu compatibles avec leur localisation en bord de mer.

Puis, la mission a élu M. Bruno Retailleau à sa présidence.

Ayant déclaré que ce sujet était douloureux et qu'il dépassait les clivages géographiques et politiques, M. Bruno Retailleau, président, a remercié le président du Sénat d'avoir pris l'initiative de créer cette mission d'information. Il a jugé qu'il était dans le rôle du Sénat de mener une réflexion dans la sérénité sur les questions soulevées par la tempête. Il a fait valoir que les élus locaux avaient été lourdement critiqués et que, dans ce contexte, la mission devrait analyser objectivement les faits et formuler des propositions opérationnelles pour éviter le renouvellement de telles catastrophes.

Ayant rendu un hommage appuyé aux services de secours et aux associations caritatives, M. Bruno Retailleau, président, a annoncé que des déplacements en Vendée et en Charente-Maritime seraient organisés afin que les recommandations de la mission soient concrètes et pragmatiques. Il a observé que la situation ne s'était toujours pas normalisée dans les départements les plus affectés et que ces derniers étaient aujourd'hui confrontés aux enjeux de la reconstruction, tant pour les particuliers que pour les acteurs économiques et les collectivités territoriales.

M. Bruno Retailleau, président, a proposé à la mission de structurer ses travaux autour de trois thèmes :

- en premier lieu, elle devra se prononcer sur les systèmes de prévision et d'alerte. Sur ce point, il a estimé que les systèmes de prévision des submersions marines étaient insuffisamment performants, notamment en comparaison de systèmes attachés à d'autres types de risques, comme les crues ;

- en deuxième lieu, la mission sera amenée à examiner les dispositifs de prévention. Le président de la mission a fait valoir que les dispositions relatives au droit des sols, au droit de l'environnement ou encore aux plans de prévention des risques d'inondation devront être évaluées et que la mission devra prendre position sur un éventuel renforcement de la législation. Il a en outre jugé que ce travail sera complexifié par l'éparpillement des règles applicables entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme. Ayant précisé que la problématique de la prévention recouvrait partiellement celle de l'indemnisation, il a noté que les questions relatives à la « cartographie des zones mortelles », dont la création a été annoncée par le Gouvernement, devraient être traitées par la mission. À ce titre, il a souligné que les habitations situées dans ces zones devraient être démolies et que, en conséquence, les personnes qui en étaient propriétaires devraient être dédommagées ; or, le financement de ce dédommagement pourrait poser problème dans la mesure où le fonds « Barnier » ne prévoit pas d'indemnisation pour les cas de submersion marine ;

- enfin, la mission devra s'intéresser à la protection des populations et des biens face aux catastrophes naturelles. Il a constaté que le futur plan « Digues » soulevait de nombreuses questions : il s'est ainsi interrogé sur le financement de ce plan et, ayant rappelé que le coût de construction d'un kilomètre de digue était d'environ un million d'euros, il a estimé que les collectivités territoriales seraient incapables d'en assurer la réalisation à moins que le taux de participation de l'État ne soit supérieur à 50 %. De même, il a relevé que la mission devrait résoudre la question des digues privées et des modalités d'action des pouvoirs publics en cas d'inaction du propriétaire.

Ayant observé que la mission devra mener ses travaux dans un délai court puisqu'elle devra rendre un rapport d'étape à la mi-mai, M. Bruno Retailleau, président, a proposé que des auditions soient organisées dès le 7 avril.

Rappelant que des travaux similaires à ceux de la mission avaient été menés après la sécheresse de 2003 et les inondations qui avaient frappé la Somme en 2001, Mme Fabienne Keller a observé que la mobilisation du Sénat n'avait pas conduit à la mise en place de mesures opérationnelles et n'avait pas permis de répondre efficacement aux dysfonctionnements que ces drames avaient révélés. En conséquence, elle a estimé que la mission devrait mener une réflexion globale sur la gestion des catastrophes naturelles ; plus particulièrement, elle a estimé que le régime « CatNat » était trop complexe, si bien qu'il n'était que rarement déployé.

M. Bruno Retailleau, président, a considéré que les réflexions de la mission devraient servir de base à l'élaboration d'une proposition de loi. Il a proposé aux membres de la mission d'effectuer un déplacement dans les départements de Charente-Maritime et de Vendée les 14 et 15 avril. Il a indiqué que la mission pourrait se rendre ultérieurement à Bruxelles pour examiner les dispositifs communautaires d'indemnisation et de prévention ainsi qu'aux Pays-Bas qui possèdent une forte expérience dans la protection des populations et des territoires contre la montée des eaux.

M. Eric Doligé a regretté que les questions liées à la prévention des risques naturels ne suscitent que peu d'intérêt tant qu'une catastrophe de cette ampleur ne s'est pas produite. Il s'est félicité de la façon dont le Président de la République avait pris en charge le dossier. Il a toutefois jugé que la mise en oeuvre des mesures annoncées pourra s'avérer difficile. Estimant que la responsabilité de la situation actuelle incombait à une pluralité d'acteurs, à différents niveaux, il a stigmatisé la longueur des procédures d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, comme le montrait le précédent de la canicule de 2003. Il a enfin évoqué les travaux sur ce thème du Centre européen de prévention des risques d'inondation, dont il assure la présidence et qui réunit quelque 50 experts, et plus spécifiquement un rapport récent sur les digues.

Abondant dans le sens du précédent intervenant sur le désintérêt à l'égard de ces problématiques, M. Bruno Retailleau, président, a proposé qu'il soit auditionné par la mission, ainsi que Mme Fabienne Keller, auteure d'un récent rapport sur la sécheresse de 2003.

M. Daniel Laurent a dit attendre de la mission des propositions concrètes, notamment sur la propriété et l'entretien des digues, ainsi que sur la composition et les missions des commissions des sites.

M. Philippe Darniche a rappelé que, compte tenu de l'urgence des réponses à apporter aux sinistrés, la mission disposait d'un temps limité et qu'elle devait faire preuve d'efficacité. C'est pourquoi il a considéré qu'elle devait tirer profit de l'acquis des réflexions précédentes. En outre, il a jugé nécessaire de ne pas faire un amalgame entre différents problèmes. Il a souhaité que la mission ne perde pas de vue son principal objet, l'urgence étant de traiter le sinistre causé par cette tempête.

Estimant importante l'expérience acquise sur des sujets connexes, Mme Marie-France Beaufils a préconisé de s'intéresser à la culture du risque des populations littorales ainsi qu'aux motivations présidant à la construction de digues.

Désireux que des suites législatives soient données à la mission, M. Michel Doublet a considéré que les inondations marines constituaient un phénomène très spécifique.

M. Jean-Claude Merceron a également jugé nécessaire de prendre en compte la spécificité du phénomène de submersion marine. Il a par ailleurs insisté sur les délais de mise en oeuvre des préconisations que la mission pourra formuler.

En réponse aux intervenants, M. Bruno Retailleau, président, a indiqué que :

- les commissions des sites ont une marge d'interprétation assez large ;

- il conviendra de ne pas élargir excessivement le champ d'investigation de la mission ;

- l'absence de culture du risque constitue une vraie difficulté, une part importante des populations concernées n'habitant sur le littoral que depuis peu de temps ;

- les côtes du Marais poitevin, où la poldérisation était motivée historiquement par une volonté de gagner des terres sur la mer, ont été très sévèrement touchées ;

- la mission ne devra pas hésiter à affirmer ses positions sur un sujet aussi sensible ; le Gouvernement est pour sa part jusqu'à présent très impliqué dans ce dossier.

M. Eric Doligé a souligné la diversité et la complexité des questions, notamment en matière de droit des sols et d'assurance. Faisant par ailleurs remarquer qu'un tiers des permis de construire accordés en région parisienne l'étaient en zone inondable, il a regretté que le risque d'inondation soit insuffisamment pris en compte.

M. Bruno Retailleau, président, a souligné la variété des risques d'inondation et la nécessité d'y adapter le cadre législatif.

A l'issue de cet échange de vues, la mission a complété son bureau, qui est ainsi constitué :

- président : M. Bruno Retailleau ;

- rapporteur : M. Alain Anziani ;

- vice-présidents : MM. Eric Doligé, Michel Doublet, Ronan Kerdraon et Jean-Claude Merceron ;

- secrétaires : Mme Marie-France Beaufils et MM. François Fortassin et Daniel Laurent.