Mardi 1er mars 2011

- Présidence de M. Claude Jeannerot, président -

Composition du Bureau

M. Claude Jeannerot, président. - Le 8 février dernier, nous avions décidé de réserver, au sein du Bureau de la mission commune, un poste de secrétaire pour un sénateur non inscrit, mais M. Jean Louis Masson a décliné notre proposition. En conséquence, pour le respect des équilibres politiques, ce poste revient à un membre du groupe UMP. Mme Jacqueline Panis présente sa candidature, qui présente l'avantage de permettre à un membre de la commission de l'économie de siéger au sein du Bureau. Il n'y a pas d'opposition ? Je n'en vois pas.

Mme Jacqueline Panis est désignée secrétaire.

Audition de M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi

La mission commune d'information auditionne M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi.

M. Claude Jeannerot, président. - Nous vous accueillons, monsieur le directeur général, pour dresser un panorama de la situation actuelle à Pôle emploi. Notre rapporteur, M. Jean-Paul Alduy, vous a adressé un questionnaire pour préparer cette séance. Nous vous recevrons à nouveau à la fin de nos travaux, au titre d'un « droit de réplique » et pour connaître votre avis sur nos préconisations. Nous avons prévu des visites dans les agences et espérons que vous nous aiderez à les organiser.

M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi. - J'avais été auditionné par le Sénat lors de la création de Pôle emploi. Un bilan, deux ans plus tard, me paraît utile.

La fusion n'est pas totalement achevée : réunir 50 000 personnes venues de deux institutions si différentes que l'ANPE et les Assedic n'est pas chose aisée ! D'autant que la fusion est intervenue dans une conjoncture qui n'avait plus rien à voir avec celle qui prévalait à l'automne 2007, lorsque la loi organisant la fusion a été élaborée. A l'époque, le chômage était orienté à la baisse depuis trois ans et l'on craignait plutôt des difficultés de recrutement. La perspective d'un taux de chômage à 5 % semblait réaliste. Puis la crise financière, économique et sociale a submergé notre pays.

Et pourtant, nous avons été mieux à même de prendre en charge les demandeurs d'emploi que ce n'aurait été le cas avec deux institutions séparées. Ce matin, visitant un centre d'apprentissage, le Président de la République a rappelé les retards dans le traitement des dossiers à l'époque de l'ANPE et des Assedic. Aujourd'hui, on ne déplore plus aucun retard dans l'indemnisation ; et les services ont été rendus avec certaines difficultés mais avec efficacité.

Quelques mots du fonctionnement général de Pôle emploi. J'ai été nommé à la tête de l'instance de préfiguration en avril 2008. Nous avons très rapidement fixé les principes d'organisation des directions générales, régionales, territoriales ainsi que des équipes locales. Pôle emploi est un établissement public d'Etat mais qui présente nombre de particularités.

Son conseil d'administration tripartite est doté de pouvoirs importants. Il vote en toute liberté le budget de l'établissement, à une majorité des deux tiers qui impose de trouver un consensus entre les partenaires sociaux et l'Etat. L'accord n'a pas été toujours facile à obtenir, mais nous y sommes parvenus, y compris pour le budget 2011.

Le personnel est ensuite régi par une convention collective, négociée au printemps et à l'été 2009 et signée à l'automne. Les agents issus de l'ANPE étaient soumis à un statut de droit public ; 60 % d'entre eux ont opté pour la convention collective, si bien que 80 % du personnel en relèvent aujourd'hui.

Enfin, l'établissement établit une comptabilité privée, la continuité budgétaire et financière n'ayant pas souffert du basculement. Nos comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes - et ils l'ont été sans problème dès 2009.

La structure managériale a été compliquée à mettre en place car il y avait deux directions générales et deux réseaux. J'ai veillé à ce qu'aucune structure ne prenne le pas sur l'autre et, comme ancien dirigeant de l'ANPE, j'étais soucieux de ne pas donner le sentiment de vouloir « absorber » l'Unedic. Ce sont les compétences qui ont prévalu et le souci d'équilibre entre les deux origines.

La mise en place de l'offre de services a été plus compliquée. Initialement, en période de réduction du chômage, on avait annoncé que Pôle emploi renforcerait l'accompagnement, avec un objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis, en moyenne, par chaque conseiller, contre soixante-quinze auparavant. La crise a tout changé : il fallait recruter ou redéployer les équipes. Nous avons fait les deux, recrutant 3 500 personnes à périmètre d'action constant. Malgré cela, le nombre de demandeurs par conseiller est d'environ cent ou cent dix, avec de forts écarts régionaux ou infrarégionaux. Nous avons cependant mis en place des programmes spécifiques pour certains demandeurs d'emploi - licenciés économiques, en contrat de transition professionnelle (CTP) ou personnes très éloignées de l'emploi : on compte alors un conseiller pour cinquante à soixante demandeurs d'emploi, ce qui produit des résultats.

Point intéressant de la fusion, elle a mis un terme à la distinction entre chômeurs indemnisés, qui avaient droit à des formations rémunérées et à des aides à la mobilité géographique, et chômeurs non indemnisés, qui ne bénéficiaient pas de ces dispositifs. Aujourd'hui, tous les demandeurs d'emploi ont droit aux mêmes aides.

Nous avons également veillé à diversifier les modalités d'accès aux services de l'emploi, en maintenant la cotraitance avec les opérateurs tels que les missions locales et Cap Emploi et en faisant largement appel aux opérateurs privés de placement ; alors que nous avions prévu de leur sous-traiter les dossiers d'environ 80 000 demandeurs d'emploi, ce sont finalement 200 000 personnes qui ont été concernées. Certes, cette sous-traitance est coûteuse, mais il ne me semble pas mauvais d'organiser une sorte de concurrence interne et de pouvoir mieux gérer les flux de demandeurs d'emploi par ce biais.

Pôle emploi, davantage que les services publics de l'emploi britannique ou allemand, s'adresse également aux entreprises. En Grande-Bretagne, on s'occupe principalement de l'employabilité des chômeurs et les échanges avec les entreprises visent surtout à assurer la transparence du marché du travail, en recevant le plus d'informations possible sur les offres d'emploi. Pôle emploi, pour sa part, a deux catégories de « clients » : les entreprises et les demandeurs d'emploi. Pour chercher de nouveaux « clients » parmi les entreprises, nous avons créé des forces de prospection dans les directions régionales, ainsi qu'un numéro unique d'appel, le 39.95, pour le dépôt des offres d'emploi. Nous aidons les entreprises à recruter 50 000 à 60 000 demandeurs d'emploi chaque semaine.

Après la fusion, je voulais éviter que Pôle emploi devienne une institution désincarnée, dirigée depuis Paris, car l'emploi se trouve dans les territoires. J'ai donc décidé une territorialisation pour établir le diagnostic et la stratégie en matière de partenariats - avec les collectivités locales, les maisons de l'emploi, le monde associatif. Nous avons signé des conventions avec les départements, pour améliorer l'offre de services aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Et, dès lors que nous sommes prescripteur et financeur de formations, nous travaillons avec les conseils régionaux pour définir l'offre.

Deux réformes étaient nécessaires pour compléter la fusion. La mission d'information sénatoriale relative à la formation professionnelle, dont le rapporteur était M. Jean-Claude Carle, avait suggéré que les conseillers d'orientation de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) soient transférés à Pôle emploi afin d'assurer une meilleure cohérence entre accompagnement, orientation professionnelle et formation. La loi a été votée en novembre 2009 et le transfert a eu lieu en avril 2010 : un peu moins de 1 000 techniciens du travail et psychologues du travail ont rejoint, sans drames, notre institution.

Pour la collecte des cotisations d'assurance chômage, l'Unedic avait son propre réseau. La loi a prévu un transfert de cette tâche aux Urssaf au 1er janvier 2012. Nous avons avancé la date et le transfert a eu lieu le 1er janvier dernier. Ce ne fut pas si facile, car les mille trois cents salariés affectés au recouvrement des cotisations se sont retrouvés dépourvus de mission : nous avons élaboré pour eux un plan de reclassement. Il fallait aussi assurer la continuité du recouvrement des cotisations. En outre, la collecte nous permettait d'obtenir des informations précieuses sur la situation économique des entreprises et l'évolution de l'emploi : nous avons passé une convention avec l'Acoss afin de continuer à recevoir ces informations.

La naissance de Pôle emploi a été un peu agitée. Devant les commissions parlementaires, nous avons tenté d'expliquer ces difficultés. Il faut dire que chaque jour, des articles de presse parlaient de vaste désordre, d'inquiétude du personnel...

A l'initiative du ministre de l'emploi d'alors, M. Laurent Wauquiez, une enquête a été menée, en septembre et octobre 2010, pour évaluer comment nos clients perçoivent les services rendus par Pôle emploi. Sur 500 000 demandeurs d'emploi contactés par internet, 100 000 ont répondu, ce qui est un très bon résultat, et, contrairement aux idées reçues, 66 % se disent satisfaits. Toutefois, si 80 % sont satisfaits du fonctionnement de l'indemnisation, 52 % seulement le sont de l'accompagnement. Mais lorsque l'on est au chômage, peut-on être satisfait avant d'avoir retrouvé un emploi ? Ils souhaitent, en tout cas, des contacts plus réguliers avec leur conseiller. Et sur 100 000 entreprises interrogées, 23 000 ont répondu, les deux tiers exprimant leur satisfaction. Le reproche essentiel concerne une réactivité insuffisante sur les dossiers de recrutement difficiles.

Soumis au code du travail, Pôle emploi doit respecter les procédures d'information et de consultation des comités d'entreprise. Or cela n'a pas été simple, en particulier sur un point essentiel, la création des sites mixtes. Il a fallu négocier avec les partenaires sociaux en interne, alors que certains syndicats ont tenté jusqu'au dernier instant d'empêcher la fusion, par des recours en référé en Conseil d'Etat, et entendaient bloquer la concertation. Celle-ci a été compliquée, mais nous en sommes à peu près sortis maintenant.

Nous avons signé beaucoup d'accords avec les organisations syndicales : convention collective, accords sur le temps de travail, accord sur les seniors, accord sur l'égalité sociale et professionnelle qui sera signé dans les prochains jours, accord sur les conditions de reclassement du personnel de l'Afpa... Cela a eu bien sûr un coût, auquel votre mission d'information s'intéressera peut-être.

Le personnel a vécu la fusion avec intérêt, enthousiasme, mais en subissant une lourde charge de travail et un stress lié à la réorganisation et à différents problèmes techniques, par exemple la fusion des systèmes informatiques... A l'automne 2009, j'ai lancé auprès du personnel une enquête sur la perception des risques psychosociaux. Il en ressort une difficulté d'appréhension des nouveaux métiers. Les agents de l'ANPE ne s'occupaient que de recherche d'emploi, les salariés des Assedic que des questions d'indemnisation. Au moment de l'inscription, les trois quarts des questions concernent l'indemnisation et une grande part du personnel ne sait pas y répondre. Au départ, nous avions envisagé que le demandeur d'emploi ait un interlocuteur unique, compétent à la fois pour le placement et l'indemnisation. Mais la perspective de ce métier unique a provoqué un trouble énorme au sein du personnel, qui a ressenti une perte d'expertise professionnelle. Nous avons donc décidé de changer cela : à partir d'un socle commun de compétences, pour pouvoir répondre aux premières questions posées dès l'accueil, nous maintiendrons des expertises professionnelles propres, intermédiation auprès des entreprises, gestion des droits, orientation professionnelle. Environ 20 % ou 25 % des personnes exerceront une double compétence, ce qui permettra de s'adapter aux pics saisonniers, avril-mai pour la recherche d'emploi, septembre-octobre pour l'indemnisation... Cette réorientation est indispensable pour apaiser le climat social et améliorer le fonctionnement. Il y a eu ces deux dernières années trois ou quatre jours de grève, suivie par 30 % à 40 % des agents. Tant de bouleversements se sont produits en trois ans ! Néanmoins le dialogue social a été maintenu et personne n'imagine aujourd'hui un retour en arrière.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Vous avez déjà répondu à bon nombre de mes questions. Vous avez peu évoqué, cependant, les surcoûts entraînés par la fusion : formation, investissement immobilier, rapprochement des statuts... Vous avez peu parlé également des partenaires, collectivités locales ou maisons de l'emploi, qui doivent être distingués des missions locales ou de Cap emploi, qui sont des cotraitants. Vous n'avez guère abordé non plus les règles de fonctionnement interne, les parcours types. Enfin, les associations d'insertion se plaignent d'une reconnaissance insuffisante des publics spécifiques : comment ciblez-vous les demandeurs d'emploi ? Comment procédez-vous pour assurer des prestations différentes ?

M. Serge Dassault. - Bien que je sois rapporteur spécial sur le budget de l'emploi, je n'ai jamais pu connaître l'efficacité de Pôle emploi. Combien de jeunes avez-vous remis au travail ? Je n'en ai aucune idée ! Pourquoi une séparation entre les missions locales et Pôle emploi ? Les missions locales ont des budgets réduits, elles sont financées par les collectivités locales. Or elles pourraient être intégrées dans Pôle emploi. Les jeunes sont ceux qui ont le plus besoin d'accompagnement. A Corbeil, les résultats atteints par la mission locale sont connus. Pas ceux de Pôle emploi : c'est dommage.

Le Président de la République estime qu'il faut renforcer l'accompagnement ; cela impliquerait d'augmenter le budget de Pôle emploi, ce qui n'est sans doute pas inutile. Mais beaucoup de jeunes ne vont pas à Pôle emploi, soit qu'ils y soient mal reçus, soit qu'ils manquent d'information - ou qu'ils aient perdu espoir. Quelles sont vos relations avec les centres de formation des apprentis (CFA) ? Le développement de la formation en alternance exige la mobilisation des CFA mais aussi des entreprises, qui devraient embaucher plus d'apprentis. Le Président de la République vous a-t-il chargé aussi de cette opération ? Quid enfin de l'emploi intérimaire, qui offre une possibilité d'emploi rapide ?

M. Jean Desessard. - Vous parlez d'un taux de satisfaction important des demandeurs d'emploi : nous percevons au contraire une large insatisfaction. Nous pourrions vous rapporter de nombreuses histoires vécues : tel demandeur d'emploi demande un mi-temps dans l'est de Paris et se voit proposer un temps plein fort loin de chez lui, ce qui n'est ni écologique ni social. Vous procédez à de grandes enquêtes, mais disposez-vous d'un « contrôle qualité » ou d'une procédure qui offre à l'usager mécontent une voie de recours rapide ? Les radiations trop expéditives posent problème, en particulier aux collectivités locales appelées ensuite à verser une aide sociale aux intéressés.

M. Ronan Kerdraon. - M. Christian Charpy nous a offert une vision idyllique de Pôle emploi : pour connaître le terrain, nous en avons une vision plus nuancée et contrastée. Le but de la fusion était de redonner du sens à l'action du service public de l'emploi, en la concentrant sur l'essentiel, la recherche d'emploi, l'orientation professionnelle et la formation. C'est à cette aune qu'il faut évaluer les performances de Pôle emploi. La fusion devait aussi donner aux agents les moyens d'être de véritables conseillers, non de simples exécutants. L'objectif de soixante demandeurs par conseiller a été impossible à atteindre, du fait de la crise sans doute, mais nous connaissons tous des cas où le nombre de personnes suivies par un conseiller est de cent vingt ou cent cinquante !

Les anciens de l'ANPE ont dû apprendre le métier des anciens des Assedic, et réciproquement, avez-vous dit. Or ils ont reçu pour cela une formation... de cinq jours ! C'est irréaliste. Comment leur donner à tous une formation efficace ? Les agents souffrent d'une perte de sens de leur métier, d'autant que certains ont un statut précaire.

Ma vision est donc mitigée ; celle du médiateur de Pôle emploi aussi, qui avait formulé des observations - quelles améliorations ont été apportées suite à ses préconisations ? Il a démissionné faute de moyens suffisants. A l'évidence, la mission commune d'information se justifie pleinement.

Mme Annie David. - Présentation idyllique, c'est le mot qui convient ! Pour vous, la fusion est un succès, mais si les files d'attente ont disparu, c'est peut-être parce que pour obtenir un rendez-vous en appelant le 39-49, il faut s'armer d'une patience et d'un courage sans bornes ! Dans ces conditions, les jeunes sont découragés, d'autant que tous ne disposent pas d'une ligne fixe ; or, les appels sont surtaxés sur les téléphones portables comme sur les lignes fixes incluses dans un forfait internet.

Plus de retard d'indemnisation ? Mais combien de radiations ont-elles été prononcées ces derniers mois et pour quels motifs ? Quelles sont les conséquences de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) en janvier dernier ? Une partie des demandeurs d'emploi qui, auparavant, auraient perçu l'AER sont désormais privés d'indemnisation.

Vous avez mentionné votre collaboration avec Cap emploi, mais votre contribution est en baisse ! Les agents de Pôle emploi prendront-ils le relais de l'action auprès des handicapés ? Si non, que deviendront les intéressés ? Il faut une formation spéciale pour traiter ce genre de dossiers.

Les 3 500 recrutements que vous avez évoqués sont-ils des créations nettes ? Je rappelle en effet que 1 800 licenciements ont été décidés fin 2010... S'agit-il d'embauches en CDD ou en CDI ? Un mot de l'Afpa également : je connais un jeune qui a suivi une formation dans le domaine de la mise aux normes des ascenseurs, sans laquelle il n'aurait pas pu percevoir d'indemnisation. Or, à la sortie, il n'a pas trouvé d'emploi ! Une telle organisation est-elle efficace ?

Allez-vous mener des actions particulières concernant les seniors et les demandeurs d'emploi de longue durée ? Le Président de la République a demandé qu'ils soient tous reçus dans les prochains mois. Que comptez-vous faire à leur sujet ?

Enfin, vous êtes passé un peu vite sur la situation de certains de vos salariés : les risques psycho-sociaux ont été évoqués bien rapidement... Comment effectuer un travail de bonne qualité auprès des demandeurs d'emploi lorsque l'on souffre dans l'exercice de son activité professionnelle ?

M. Alain Gournac. - Après un démarrage difficile, les choses vont beaucoup mieux à Pôle emploi, et je rends hommage à votre travail. Qu'avez-vous fait pour apaiser les inquiétudes du personnel ? Certains agents appréhendaient l'évolution des postes et craignaient de ne pas pouvoir répondre efficacement aux besoins des usagers. Beaucoup dépend des dirigeants des agences : à Saint-Germain-en-Laye, le nouveau directeur est par exemple un homme de grande valeur. Mais il faut encore renforcer le dialogue avec les élus et les organisations locales, notamment les bureaux de l'emploi au sein des municipalités. Je m'interroge aussi sur la pertinence de la séparation entre cadres et non-cadres. Quoi qu'il en soit, les progrès récents me confirment dans mon approbation de la fusion entre l'ANPE et les Assedic.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Qu'est devenu le patrimoine immobilier des Assedic ?

Suite à la crise économique, vous avez embauché du personnel supplémentaire en CDD. Certains contrats ont été renouvelés. Qu'en est-il aujourd'hui ?

J'aimerais aussi vous interroger sur la sous-traitance et la cotraitance. Je m'intéresse de près, en particulier, au sort des travailleurs handicapés. Or le réseau Cap emploi m'a averti que Pôle emploi financerait, en 2011, 6 000 accompagnements de moins, à comparer à un total de 70 000 accompagnements réalisés en 2010. Il semble par ailleurs que le suivi du tiers des travailleurs handicapés soit assuré par Cap emploi, qui touche 80 % des aides versées par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Cela signifie-t-il que les deux tiers restants ne bénéficient que de 20 % des aides ?

Enfin, avez-vous comparé le coût de l'accompagnement d'un chômeur, selon qu'il est effectué dans le public ou dans le privé ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les relations des élus locaux avec l'ANPE n'étaient pas toujours excellentes, mais les choses vont beaucoup mieux depuis la création de Pôle emploi. Un effort important a été consenti pour améliorer l'accueil. Mais sur le placement, où en est-on ?

Je reviens sur vos relations avec les entreprises. Vous avez dit que sur 100 000 entreprises, 23 000 avaient répondu à votre enquête de satisfaction, les deux tiers s'étant déclarées satisfaites. Mais ces 100 000 entreprises faisaient-elles partie de vos clientes ? Je crois savoir que 18 % seulement des offres d'emplois sont transmises par les entreprises à Pôle emploi ; grâce à la collecte des annonces, Pôle emploi parvient à réunir 30 % des offres d'emploi. C'est donc que le service aux entreprises pourrait être amélioré !

Quant à l'accompagnement, on voulait au début s'aligner sur le modèle danois ou suédois, avec un conseiller pour soixante, voire pour quarante demandeurs d'emplois ; mais il y en a aujourd'hui deux ou trois fois plus. Or sans un véritable coaching, le retour à l'emploi est difficile, surtout pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Quelles sont vos relations avec vos cotraitants ? S'agissant des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), l'évolution qui se dessine ne m'apparaît pas clairement.

Enfin, il vous a fallu supprimer 1 800 postes. Comment, dans ces conditions, améliorer le service aux demandeurs d'emploi ?

Mme Christiane Demontès. - Que sont devenus précisément les conseillers d'orientation de l'Afpa ? Par ailleurs, quelle part des recrutements par les entreprises privées est-elle imputable à Pôle emploi ? On entend à ce sujet des chiffres très variés...

Dans la région Rhône-Alpes, les agences sont spécialisées selon les secteurs économiques. Quel bilan peut-on tirer de cette spécialisation ? Comment arbitrer entre spécialisation et souci de proximité ?

S'agissant des services rendus aux jeunes demandeurs d'emploi, que deviendront les espaces-emploi mis en place conjointement par l'ANPE et les missions locales ? Pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, comment collaborez-vous avec les responsables des PLIE et les réseaux d'insertion sociale ?

M. André Reichardt. - Combien d'offres d'emploi ne transitent pas par Pôle emploi ?

Malgré la crise, certains secteurs d'activité ont besoin de main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée - car c'est là que peut être notre avantage comparatif dans une économie mondialisée. Mais les demandeurs d'emploi ne correspondent pas toujours aux profils recherchés : d'où la nécessité de la formation et, en amont, de l'orientation. Quelles sont vos relations avec les régions, responsables de la formation ? Les moyens alloués sont-ils suffisants ? Travaillez-vous avec les organisations professionnelles ? Celles-ci, dans les bassins d'emploi, mettent parfois en place d'utiles programmes d'anticipation des évolutions sectorielles.

M. Claude Jeannerot, président. - La variété de ces interventions confirme l'opportunité de créer cette mission d'information.

M. Christian Charpy. - Une précision tout d'abord : je n'ai jamais voulu dire que la situation à Pôle emploi était idyllique. Nos salariés sont confrontés, chaque jour, à des situations difficiles, parfois dramatiques, sans qu'il soit toujours possible d'y remédier. Mais deux ans après la fusion de l'ANPE et des Assedic, les choses vont mieux, malgré une lourde charge de travail.

M. Jean-Paul Alduy m'a interrogé sur les surcoûts et les économies résultant de la fusion. Avant tout, il faut tenir compte du fait que les chômeurs sont aujourd'hui 30 % de plus qu'à la création de Pôle emploi : si nous n'avions fait aucun effort budgétaire, les coûts auraient augmenté de 30 % !

Les surcoûts sont d'abord imputables à la convention collective, puisqu'il a été admis que l'on retiendrait le meilleur des deux statuts des agents de l'ANPE et des Assedic. C'est ainsi que les salaires ont été alignés, ce qui s'est traduit pour les 60 % d'agents de l'ANPE qui ont souscrit à la convention collective par une hausse de salaire de l'ordre de 20 %.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - Quel montant financier cela représente-t-il ?

M. Christian Charpy. - Environ 100 millions d'euros, sur une masse salariale totale de 2 milliards. Les règles sur le temps de travail ont également été homogénéisées.

Au lieu des 650 agences des Assedic et des 900 agences de l'ANPE, nous avons mis en place 950 sites mixtes. Nous veillons à ce que 80 % des demandeurs d'emploi vivent à moins d'une demi-heure d'une agence et à ce qu'aucune agence ne soit supprimée en zone urbaine sensible. La superficie des locaux par agent - comprenant les bureaux, les espaces d'accueil, etc. - était de 47 mètres carrés, en moyenne, aux Assedic et de 20 mètres carrés à l'ANPE ; là on travaillait en bureaux individuels, ici en open space. Désormais la surface moyenne sera de 26 à 27 mètres carrés par agent. Le coût des réaménagements immobiliers devrait être compris entre 80 et 90 millions d'euros chacune des cinq prochaines années. S'agissant du patrimoine de l'Unedic, nous avons acquis environ quatre-vingts sites ; nous avons quitté les autres, ou les avons loués en attendant de les quitter. L'ANPE possédait 20 % de ses locaux et en louait 80 %, tandis qu'à l'Unedic la proportion était inverse ; aujourd'hui, nous sommes propriétaires de 30 % de nos locaux et en louons 70 %.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Avez-vous évalué le surcoût en frais de fonctionnement lié à la reprise des locaux de l'ANPE et des Assedic ?

M. Christian Charpy. - Je vous l'ai dit, nous prévoyons une dépense de 450 millions sur quatre ou cinq ans, qui couvrira à la fois les réaménagements immobiliers et les doubles loyers qu'il nous faut parfois payer. Après cela, nous paierons plutôt moins qu'avant.

La fusion a aussi permis de substantielles économies, d'abord sur les dépenses de fonctionnement : 40 millions de moins en 2009, puis une légère hausse en 2010 à cause de l'augmentation de nos effectifs, mais notre objectif sur trois ans est une diminution de 10 %. D'autres économies devraient découler d'une meilleure organisation. Un bilan sera dressé après trois ans.

Vous m'avez interrogé sur nos liens avec les missions locales, les maisons de l'emploi, Cap emploi, les PLIE... Pour nous, toutes ces institutions sont des partenaires car nous ne revendiquons aucun rôle dirigeant. Nous avons signé des conventions avec le Conseil national des missions locales, avec l'Agefiph, avec les PLIE. Avec les maisons de l'emploi, nous collaborons aujourd'hui efficacement, dès lors qu'il est admis qu'il n'entre pas dans leur mission d'accompagner les chômeurs vers l'emploi. Aux missions locales sont transférés, par convention, les dossiers de 120 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans, sur 500 000 jeunes inscrits au chômage. Nous coopérons plus étroitement avec les missions locales que par le passé ; j'ai demandé à tous les directeurs d'agence de tenir une réunion mensuelle ou bimestrielle avec les responsables des missions locales au sujet des jeunes transférés. Des agents de Pôle emploi travaillent d'ailleurs au sein des missions locales.

Quant à l'Agefiph, certaines de ses réactions m'ont un peu agacé, je le concède. En 2009, nous avions convenu de confier à Cap emploi l'accompagnement de 64 000 demandeurs d'emploi handicapés, mais nous avons été submergés de demandes ; lorsque j'ai demandé à l'Agefiph de revoir à la hausse le nombre de personnes suivies, je me suis heurté à un refus. En 2010, par convention, il a été porté à 70 000, et la rétribution versée à l'Agefiph augmentée de 11 %. Mais en 2011, compte tenu de nos contraintes budgétaires et de la stabilisation du nombre de demandeurs d'emploi handicapés, j'ai préféré revenir à 64 000 dossiers transférés. Je ne mets pas en cause les compétences des Cap emploi mais j'observe qu'ils sont parfois réticents à prendre en charge les cas les plus difficiles, parce que l'Agefiph les évalue en fonction de leurs résultats en matière de retour à l'emploi, alors qu'ils sont pourtant spécialistes de l'emploi des personnes handicapées. Quoi qu'il en soit, il y a au sein de Pôle emploi un référent travailleurs handicapés dans chaque bassin d'emploi.

Avec les départements, notre coopération dans la prise en charge des bénéficiaires du RSA m'a un peu déçu. Autrefois, une soixantaine de départements confiaient à l'ANPE le soin d'accompagner vers l'emploi les titulaires du RMI et finançaient, au sein de l'agence, 600 équivalent temps plein. Mais à la suite de la création du RSA, certains départements, qui connaissent par ailleurs des difficultés financières, ont considéré que le suivi individualisé des titulaires du RSA entrait dans nos compétences de droit commun et qu'il n'était pas besoin de nous subventionner à ce titre. Désormais, les départements ne financent plus que 400 équivalent temps plein à Pôle emploi et ils ne sont plus qu'une quarantaine à faire appel à nous. Je n'y verrais aucun inconvénient, s'ils faisaient appel à quelqu'un d'autre... Je crains que les moyens affectés à cette politique ne soient pas à la hauteur des besoins ; or l'encouragement au retour à l'emploi était l'un des objectifs essentiels de la création du RSA...

Avec les régions, notre action principale porte sur la formation. J'ai signé avec M. Alain Rousset, président de l'association des régions de France (ARF), une lettre commune pour appeler à une meilleure collaboration entre l'ARF et Pôle emploi. L'ANPE ne finançait pas de formation ; les Assedic le faisaient dans le cadre d'appels à projets, mais seulement pour les métiers en tension. Suite à la crise économique et à la création de Pôle emploi, et faute de support juridique, il a fallu relancer des marchés et redéfinir des accords-cadres : tout cela prend du temps. Fallait-il continuer à privilégier les métiers en tension ? Mais avec la crise, il n'y en avait plus ! Il fallait donc élargir notre champ d'intervention. En Rhône-Alpes, en Bourgogne, nous avons conclu des marchés groupés d'achats de formation ; ailleurs Pôle emploi et la région se répartissent la tâche en fonction du type de public ou de formation. Les choses progressent : nous travaillons à un accord-cadre avec l'ARF, qui ne devra pas interférer avec les contrats de plans régionaux de développement des formations (CPRDF).

Pour ce qui est de l'offre de services, j'assume le mot « clients » que j'ai employé dans mon exposé introductif. Les demandeurs d'emploi devaient autrefois se prêter à deux entretiens d'inscription, l'un devant les Assedic pour l'indemnisation, l'autre à l'ANPE pour définir leur projet professionnel. Pôle emploi a mis fin à cette redondance : depuis le début de l'année, au cours d'un entretien unique, un même conseiller procède à l'inscription, à la vérification des droits à indemnisation et au diagnostic professionnel. L'entretien a lieu dans un délai de quinze jours suivant l'appel au 39.49. A ce propos, je précise que l'appel n'est plus surtaxé depuis avril 2009, même depuis un portable.

Après l'inscription, le demandeur d'emploi entre dans un parcours de retour vers l'emploi. Ceux qui souhaitent créer une entreprise - moins d'un sur dix - sont affectés à un parcours dédié. Les autres sont orientés en fonction de leur distance à l'emploi. Ceux qui sont proches de l'emploi ont droit à un suivi mensuel personnalisé : à partir de leur quatrième mois d'inscription au chômage ils rencontrent chaque mois le même conseiller ; ils peuvent, dans l'intervalle, suivre des ateliers de recherche d'emploi, établir un bilan de compétences, etc. Ceux qui sont plus éloignés de l'emploi sont placés en accompagnement, interne ou externe, dès le premier jour d'inscription au chômage.

Depuis longtemps, nous nous demandons s'il faut segmenter davantage les catégories de demandeurs d'emploi. La question est délicate : le distributeur Carrefour, qui classifie ses consommateurs en fonction des dépenses réalisées avec la carte du magasin, veille à ce que ni les consommateurs, ni les salariés ne sachent à quelle catégorie chaque client appartient, car personne n'apprécie d'être mis dans une case. Les agents de Pôle emploi ne veulent pas non plus qu'un programme informatique leur impose de placer un demandeur d'emploi dans telle ou telle catégorie. Toute segmentation doit par ailleurs demeurer suffisamment simple pour ne pas devenir, en elle-même, une source de complication supplémentaire.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Il est cependant facile de savoir qui vient d'une entreprise d'insertion, par exemple.

M. Christian Charpy. - Certes. On peut aussi mettre à part les licenciés économiques. Mais un cadre licencié aura-t-il plus de difficulté à retrouver un emploi qu'une femme qui souhaite reprendre du travail après avoir élevé ses enfants pendant dix ans ? Est-il légitime que l'un bénéficie d'un soutien renforcé, l'autre non ? Nous souhaitons nous inspirer en ce domaine des pratiques des opérateurs étrangers.

L'efficacité de Pôle emploi est difficile à apprécier. On connaît le nombre d'offres d'emploi collectées - 3 millions en 2010 - et on sait que 85 % de ces offres d'emploi ont été satisfaites, dont 60 % grâce à un placement effectué par Pôle emploi. Mais il est plus malaisé d'évaluer le taux de retour à l'emploi. Chaque mois, 500 000 chômeurs sortent des listes de Pôle emploi ; pour 200 000 d'entre eux, c'est en raison d'un défaut d'actualisation de leur dossier ; pour 45 000 personnes, c'est à la suite d'une radiation administrative, motivée, dans 95 % des cas, par le défaut de recherche d'emploi et l'absence répétée aux entretiens. On compte un peu plus de 100 000 reprises d'emploi déclarées. Mais il ressort de l'enquête réalisée, tous les trois mois, avec la Dares que parmi les chômeurs exclus des listes pour défaut d'actualisation ou à la suite d'une radiation administrative, plus de la moitié ont retrouvé du travail et qu'ils ont négligé, pour cette raison, d'actualiser leur dossier ou de se rendre à leur entretien. Quant à l'impact de Pôle emploi dans la reprise du travail, il est difficile de l'évaluer. Une étude de 2008, portant sur trois cohortes de demandeurs d'emploi aux caractéristiques semblables, a montré que ceux qui bénéficiaient d'un suivi renforcé assuré par l'ANPE avaient plus de chances de retrouver du travail que ceux qui faisaient l'objet d'un suivi classique - l'écart constaté était de dix points ; le suivi renforcé de l'ANPE donnait également de meilleurs résultats que le suivi effectué par un opérateur privé. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les évaluations de l'efficacité du service public de l'emploi sont beaucoup plus précises.

Les missions locales sont financées conjointement par l'Etat, les collectivités territoriales et Pôle emploi. Je ne suis pas hostile à une simplification, mais il ne faudrait pas que l'Etat se défausse sur Pôle emploi sans lui accorder de moyens supplémentaires. Je suis un peu échaudé par le transfert du personnel de l'Afpa, qui ne s'est pas accompagné du transfert des ressources correspondantes.

Pôle emploi devrait-il embaucher davantage ? Il est vrai que le chômage ne baisse encore qu'irrégulièrement. Mais outre les contraintes budgétaires de l'Etat, la suppression de 1 800 postes peut se justifier. Tout d'abord, sur 1 500 CDD supprimés, 600 étaient affectés à la gestion des contrats de transition professionnelle (CTP) et des conventions de reclassement personnalisé (CRP) ; or ces dispositifs sont moins nombreux qu'il y a quelques mois. Il faut aussi tenir compte du transfert du recouvrement aux Urssaf ; sur les mille salariés concernés, trois cents resteront affectés à des tâches de recouvrement qui vont demeurer du ressort de Pôle emploi - par exemple pour les intermittents du spectacle - et les autres seront redéployés vers les activités classiques du réseau.

Pôle emploi est-il exemplaire dans la gestion de son personnel ? Il est vrai que nous avons parfois gardé des salariés trop longtemps en contrat aidé, au lieu de les réorienter vers un emploi pérenne. J'ai nommé une dizaine de conseillers interrégionaux chargés de l'accompagnement des salariés en contrat aidé pour les aider à trouver un emploi à l'extérieur - car nous ne pourrons pas tous les garder.

Quant aux voies de recours, outre le médiateur, nous disposons de correspondants régionaux et d'un système de gestion des réclamations ; je reçois moi-même beaucoup de messages électroniques. L'ancien médiateur a rendu un rapport très intéressant, où il formulait quatre propositions relatives à l'assurance-chômage, que j'ai transmises aux partenaires sociaux, et deux propositions portant spécifiquement sur Pôle emploi. L'une concernait les courriers : j'y travaille avec la direction de la communication, et de nouveaux courriers-types entreront en vigueur le 1er avril. L'autre portait sur les interruptions de versement de prestations en cas de fraude présumée. Le problème est le suivant : si l'on applique strictement la présomption d'innocence, on continue à verser les prestations, au risque d'accumuler les indus qui ne pourront jamais être récupérés ; mais si l'on interrompt immédiatement le versement, la procédure peut prendre plusieurs mois avant qu'il soit repris, si la fraude n'est pas avérée. J'ai donc défini le principe suivant : en cas de forte présomption de fraude, le versement des prestations est suspendu pendant quarante-cinq jours au maximum ; au-delà, si nous ne disposons pas d'éléments suffisants pour porter plainte, nous reprenons le versement. M. Benoît Genuini a démissionné trois semaines après avoir remis son rapport, mais comment, en un temps si court, aurais-je pu mettre en oeuvre des propositions aussi complexes ? Son remplaçant, M. Jean-Louis Walter, est un homme très pondéré.

Le 39.49 reçoit 500 000 appels par jour, dont les deux tiers transitent par un service vocal interactif, un tiers par un opérateur, le taux d'aboutement étant de 83 % ou 84 %. Ces chiffres sont considérables, et la gestion est d'autant plus difficile que l'on connaît des pics d'appels au cours de la semaine. L'appel est obligatoire pour s'inscrire à Pôle emploi, car seul le 39.49 permet d'accéder à l'agenda de l'ensemble des agents. Mais j'ai demandé que si quelqu'un se présente directement dans une agence pour s'inscrire, on l'aide à réaliser sa préinscription sur internet. J'ai exigé qu'on ne renvoie jamais les personnes venues à l'agence sans rendez-vous vers le téléphone, comme ce pouvait être le cas autrefois - c'était souvent un agent installé dans le bureau d'à côté qui répondait... Nous avons également mis en place un accueil « coordination » pour les questions simples, et, pour les questions complexes mais urgentes, un accueil « relation clients ».

Mme Annie David. - Je reviens sur la procédure d'actualisation par téléphone ou sur internet. Si une personne se trompe, elle n'est donc pas actualisée ?

M. Christian Charpy. - Elle reçoit trois jours à l'avance un appel de notre part. Et si elle se présente à l'agence après coup, elle est réinscrite à titre rétroactif. Environ 30 % des actualisations se font sur internet, 65 % par téléphone, et 1 % ou 2 % par courrier. Dans la demi-heure qui suit l'ouverture de l'actualisation, on compte 1 million de connexions sur le site internet, ce que le système supporte difficilement.

J'en viens à la question du personnel. Il n'est pas facile pour les agents de Pôle emploi d'être confrontés à tant de cas douloureux. Dès le lancement de la fusion, une ligne d'écoute fonctionnant 24 heures sur 24 a été mise en place ; elle reçoit environ quatre-vingts appels par mois, moins qu'au début. En cas d'agression dans une agence, comme c'est arrivé dans le Doubs en décembre 2009, nous envoyons une équipe de soutien psychologique. Nous avons procédé à une enquête auprès du personnel sur les risques psychosociaux puis négocié un accord sur ce thème, qui a cependant été invalidé, faute de signataires en nombre suffisant : les syndicats réclamaient des embauches que je n'étais pas en mesure de promettre. Un plan spécifique a cependant été mis en place, qui concerne la formation, l'accompagnement et l'écoute des managers. Je diffuserai un nouveau questionnaire cet automne. Mais j'ai le sentiment que la séparation des métiers et l'installation des sites mixtes ont amélioré le climat social. Les différences de management au sein des Assedic et de l'ANPE ont également pu créer des tensions : à l'ANPE, les directeurs d'agences locales disposaient d'une certaine marge de manoeuvre, aux Assedic étaient appliqués des référentiels nationaux stricts, d'où les difficultés constatées lorsque des cadres des deux anciennes structures ont dû travailler ensemble... Il y a eu des tentatives de suicide, et même un suicide dans une agence, vraisemblablement pour des raisons personnelles. Quoi qu'il en soit, les choses s'améliorent peu à peu.

Nous comptons entre 8 % et 9 % de CDD. La convention collective plafonne ce chiffre à 5 %, mais le périmètre considéré n'est pas tout à fait le même. D'ailleurs, le problème sera réglé cette année puisque 1 500 CDD seront supprimés - il est vrai que les syndicats attendaient autre chose... Les agents en CDD qui quittent Pôle emploi ont une priorité de réembauche pendant six mois. En outre, il existe au sein du réseau un turn over important, de sorte que les anciens salariés employés en CDD ont de bonnes chances d'être réembauchés en CDI, même si ce n'est pas immédiatement à l'issue de leur contrat. Pendant la crise, notre homologue britannique avait embauché 18 000 personnes ; il en débauche aujourd'hui autant. Note homologue allemand avait recruté 6 000 personnes, mais 20 % de ses salariés sont en CDD. L'activité de Pôle emploi est étroitement liée à la conjoncture économique, et il faut lui permettre d'y adapter ses effectifs.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le transfert du recouvrement à l'Urssaf s'accompagnera-t-il d'un transfert de personnel ?

M. Christian Charpy. - Non, à quelques exceptions près, mais je répète qu'il nous faudra reclasser un millier de salariés.

J'en viens à la formation. Pour former des agents parfaitement polyvalents, il faut vingt à vingt-cinq jours de formation ; cinq à sept jours ne suffisent qu'à acquérir des compétences de premier niveau dans tous les domaines. L'idée d'une polyvalence totale a été abandonnée ; l'objectif est que 20 % à 25 % des agents soient entièrement polyvalents à l'horizon 2013. En moyenne, à l'heure actuelle, chaque agent bénéficie de cinq jours de formation par an.

En ce qui concerne le service aux entreprises, la part de marché de Pôle emploi - c'est-à-dire le nombre d'offres d'emplois recueillies par Pôle emploi rapportée au total des déclarations uniques d'embauche - est de 16,5 %. Mais si on ne prend en compte que les offres d'emploi de plus d'un mois, cette proportion atteint 30 % ou 35 %. Rappelons que le marché ouvert de l'emploi ne représente que 25 % à 30 % du total ; les autres offres d'emplois ne donnent lieu à aucune publicité. Pôle emploi recueille donc un peu plus de la moitié des offres du marché ouvert. Note objectif est de porter notre part de marché de 16,5 % à 18,5 % cette année, et de progresser encore par la suite. Mais nous sommes plutôt en avance par rapport à nos voisins : nous recueillons 3 millions d'offres, quand les Britanniques et les Allemands n'en recueillent qu'1,6 million ; moins bien dotés en personnel pour l'inscription, l'indemnisation et l'accompagnement, nous sommes mieux dotés pour le service aux entreprises.

Un mot sur les seniors et les chômeurs de longue durée. Pour les seniors, il faut d'abord éviter qu'ils ne perdent leur travail, car il est ensuite très difficile de leur en faire retrouver un.

Mme Annie David. - Nous sommes bien d'accord !

M. Christian Charpy. - C'est pourquoi le Gouvernement a imposé une négociation sur l'emploi des seniors dans toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés. Quand aux chômeurs de longue durée, malgré la baisse inattendue du mois de janvier, ils devraient rester très nombreux cette année. Comme le Gouvernement l'a annoncé, Pôle emploi recevra, dans un délai de trois mois, les 680 000 chômeurs inscrits depuis plus d'un an sans avoir jamais quitté la catégorie A - c'est-à-dire sans avoir travaillé ne serait-ce que quelques heures - pour leur proposer un contrat, une formation ou un accompagnement. Il sera plus difficile de trouver une issue à leur situation : cela passe par l'augmentation du nombre de places de formation - 15 000 de plus à Pôle emploi, 15 000 dans les régions -, par 50 000 contrats aidés supplémentaires, par l'accompagnement interne ou externe.

M. André Reichardt a évoqué la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) : c'est une tâche indispensable, qui ne peut être menée à bien qu'au niveau des bassins d'emploi. J'ai été un peu déçu par les résultats d'une enquête menée auprès des entreprises l'an dernier : on leur demandait si les métiers où elles recrutaient évolueraient dans les trois ans à venir ; 49 % se sont déclarées incapables de répondre, 51 % ont répondu par la négative. Cela montre la difficulté, même pour les entreprises, à se projeter dans l'avenir ! Il faudra tirer le meilleur parti des crédits affectés par l'Etat à la GPEC.

M. Claude Jeannerot, président. - Nous aurions encore bien des questions à vous poser, mais nous vous reverrons, monsieur le directeur général, au terme de nos travaux, vers la fin du mois de juin.