Mercredi 8 juillet 2015

- Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut, député, président -

Audition, ouverte à la presse, de M. Étienne Crépon, président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB)

M. Jean-Yves Le Déaut, député, président. - Notre réunion comporte un ordre du jour un peu chargé, avec trois présentations de conclusions d'auditions publiques, dont deux concernent des auditions très récentes, celle sur la cuve de l'EPR et celle sur le Big Data dans l'agriculture.

Il me semblait, en effet, essentiel d'avancer vite sur ces sujets avant le 14 juillet, qui marque une coupure forte dans la vie publique.

De surcroît, la rentrée de septembre sera dominée, pour l'OPECST, par notre colloque européen du 24 septembre sur l'innovation face au changement climatique et la célébration du 30e anniversaire de l'OPECST.

J'ai ajouté aussi un point concernant les modalités d'organisation de nos auditions publiques, en réponse à un courrier récent de notre collègue Marie-Christine Blandin. Je présenterai, à ce propos, les décisions prises par le Bureau le 10 juin dernier.

Je remercie M. Étienne Crépon, président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), d'avoir accepté cette audition par l'OPECST et je remercie aussi de leur présence les quatre personnes qui l'accompagnent :

- Mme Sévérine Kirchner, directrice adjointe à la direction « Santé-Confort » et coordinatrice scientifique de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur, que j'avais rencontrée lors de ma visite à Champs-sur-Marne, le 10 juin 2014 ;

- M. Maxime Roger, directeur de la direction « Isolation et Revêtements », qui nous avait fait une présentation spécifique, ce même jour, concernant les produits d'isolation et notamment les produits minces réfléchissants dont le produit « Actis »  est un exemple;

- M. Jean-Christophe Visier, directeur de la direction « Énergie et Environnement », familier de nos auditions publiques depuis 2009 ;

- M. Christophe Morel, directeur adjoint aux partenariats techniques, qui nous a accompagnés jusqu'en Lorraine au cours de notre étude de 2014.

Cette audition anticipe sur le dispositif de rencontres régulières entre l'OPECST et le CSTB prévu par la loi sur la transition énergétique, à l'image des habitudes que nous avons déjà avec l'Autorité de sûreté nucléaire ou l'Agence de la biomédecine.

L'invocation de ce dispositif juridique serait superfétatoire en la circonstance mais son but est d'ancrer pour l'avenir, dans les missions de l'OPECST, le suivi régulier des activités du CSTB et, plus généralement, à cette occasion, celui des développements dans le domaine des économies d'énergie dans le bâtiment.

Vous connaissez bien, Monsieur Crépon, les lignes directrices de mon analyse dans ce domaine, qui structure mon rapport de juillet 2014, cosigné avec le sénateur Marcel Deneux. Les deux plus importantes me semblent être, d'une part, l'affirmation du besoin d'un nouvel élan dans notre pays en faveur de la physique du bâtiment et, d'autre part, la nécessité de promouvoir la mesure de la performance réelle, point de blocage culturel en France.

Je vous donne la parole pour une rapide présentation de votre rapport d'activité puis nous vous poserons quelques questions.

M. Étienne Crépon, président du CSTB. - Merci d'avoir invité le CSTB à venir présenter son rapport d'activité de l'année 2014. Le CSTB est un établissement public placé sous la tutelle des ministres en charge de la construction, c'est-à-dire, dans l'organisation gouvernementale actuelle, sous la tutelle des ministres du logement et de celui du développement durable. De par la loi, cet établissement assume quatre missions essentielles : la première concerne la recherche et l'expertise dans le domaine du bâtiment, qui fait du CSTB l'un des très rares organismes en Europe à couvrir l'ensemble des aspects scientifiques du secteur du bâtiment ; la deuxième concerne l'évaluation des produits innovants, mission que le CSTB assume au nom et pour le compte de l'État ; la troisième mission concerne l'activité de tiers de confiance en tant que certificateur au sens du code de la consommation ; la quatrième mission concerne la diffusion du savoir, ce qui recouvre une double activité d'édition à destination des professionnels du secteur et de formation.

Pour assumer l'ensemble de ces missions, le CSTB dispose d'environ 900 personnes, dont 200 chercheurs, auxquels s'ajoutent une cinquantaine de doctorants ou post doctorants ; environ 400 personnes travaillent aux activités technologiques; une cinquantaine aux activités de diffusion du savoir ; le reste des effectifs est affecté aux fonctions de support.

Le CSTB est établi sur quatre sites : le principal, que vous avez visité à Champs-sur-Marne, où se concentre l'essentiel des activités technologiques, qui accueille aussi une partie de nos activités de recherche, notamment celles concernant l'énergie, ainsi que celles relatives à l'habitabilité des bâtiments, notamment sous l'angle de la santé et du confort. Le site de Grenoble regroupe notamment nos activités sur l'acoustique. Celui de Nantes héberge nos souffleries, et accueille nos études sur l'aéraulique. À Sophia Antipolis sont installées nos équipes en charge des développements numériques, qui sont au coeur de la principale mutation du secteur du bâtiment au cours des prochaines décennies.

Après cette rapide présentation du CSTB, je suis à votre disposition pour des questions. D'après celles que vous nous avez soumises, je crois que vous souhaitez évoquer l'accompagnement des entreprises innovantes, et la mesure de la performance énergétique des bâtiments, en distinguant l'évaluation en situation réelle et l'évaluation par calcul théorique.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Ma première question est d'ordre général, et revient sur un point évoqué par mon rapport, qui observe que la partie de vos missions relevant du contrôle doit normalement être financée par le budget de l'État alors que, en pratique, une partie de ces activités est rémunérée par les entreprises, ce qui vous met en situation de « prescripteur prestataire ». Lors de nos précédents échanges sur ce sujet, vous m'aviez indiqué que vous établiriez une barrière déontologique très claire entre ces deux dimensions de prescription et de prestation. Où en êtes-vous aujourd'hui à cet égard ?

M. Etienne Crépon. - Pour ses activités de recherche, le CSTB reçoit une dotation budgétaire sur les crédits de la Mission de l'enseignement et de la recherche qui représente, en 2015, 15 millions d'euros. Cela recouvre 36 % du chiffre d'affaires effectif dans ce domaine, qui atteint 40 millions d'euros, lorsqu'on cumule les projets effectués à la demande des donneurs d'ordres publics (ministères, Ademe, Union européenne, Agence nationale de la recherche) avec les demandes (renseignements ou études) émanant du secteur privé. Cette part de subvention publique place le CSTB, de ce point de vue, dans une situation similaire à ses homologues européens.

S'agissant de l'éventuelle position de « prescripteur prestataire » du CSTB, elle est invoquée à propos de ses missions d'évaluation conduites au nom de l'État, qu'il assume à travers la prise en charge du secrétariat de la commission chargée de formuler les avis techniques sur les produits innovants. Cette commission, qui a pour objet d'assurer la confiance des différentes parties prenantes de la construction, prend ses décisions directement ou au travers de groupes d'experts réunis par le CSTB. Cette procédure implique la production de preuves, qui prennent généralement la forme d'essais.

À la suite de votre rapport, Monsieur le président, nous avons effectué une étude comparant la part des essais réalisés par le CSTB dans le cadre des évaluations techniques par rapport à la même part prise par lui dans l'ensemble des essais en général ; nous avons pris comme référence le domaine de la résistance au feu, car c'est un domaine fortement concurrentiel, dominé en France par un acteur privé, Efectis, le CSTB n'étant que numéro deux ; beaucoup d'autres prestataires potentiels existent en France et en Europe. Or la comparaison montre que les parts de marché du CSTB sont les mêmes pour les prestations générales dans ce domaine et pour les essais effectués dans le cadre particulier d'une demande d'évaluation technique. Je tiens, à ce propos, à redire que les demandeurs d'un avis technique ne sont aucunement obligés d'en passer par le CSTB pour effectuer les essais nécessaires à des fins de preuves.

Quant aux activités de certification, elles sont très fortement encadrées par le code de la consommation, qui prévoit l'obligation d'un audit annuel par les pairs sous l'égide du Comité français d'accréditation (COFRAC) ; cet audit vérifie la rigueur des procédures suivies pour délivrer, puis suivre les certifications. Le dernier audit date de la fin de l'année dernière et n'a relevé aucun écart par rapport aux exigences requises.

Enfin, à mon arrivée à la tête du CSTB, j'ai souhaité que les procédures internes de déontologie soient formalisées par écrit, et cela a conduit notamment à ce que tous les collaborateurs du CSTB remplissent une déclaration d'intérêts ; cela permettra à l'encadrement, le cas échéant, d'anticiper un risque de conflit d'intérêts. Une charte déontologique a été élaborée puis approuvée par le conseil d'administration en début d'année.

Par ailleurs, un comité de déontologie externe, c'est-à-dire constitué de personnalités extérieures au CSTB, a été constitué en début d'année pour examiner les questions de déontologie qui lui sont soumises par le CSTB ou pour alerter le président et la direction du CSTB de tout sujet lui paraissant pertinent. Il a ainsi notamment validé le projet de charte déontologique avant son examen par le conseil d'administration présidé par M. Pierre Graff, ancien président d'Aéroports de Paris.

M. Denis Baupin, député. - J'aurai une question plus globale concernant votre appréciation sur les avancées permises dans le domaine du bâtiment par le projet de loi sur la transition énergétique.

M. Etienne Crépon. - D'une façon générale, j'ai trop de respect pour la démocratie pour prendre une quelconque position, pour ou contre, sur un vote du Parlement. S'agissant de l'impact sur le CSTB de la loi de transition énergétique, il est d'une importance très réelle. En ce qui concerne les dispositions nouvelles pour le bâtiment, la loi introduit, pour la construction neuve, la prise en compte des émissions de CO2 dans la règlementation thermique  qui n'était pas possible au moment de l'élaboration de la dernière version de cette réglementation dite « RT 2012 » ; il va en résulter des travaux de recherche et développement important pour le CSTB.

La loi fixe également des objectifs très ambitieux, mais indispensables, en matière de rénovation énergétique des bâtiments. À la lumière des expériences des progrès réalisés antérieurement, comme ceux prévus par le Grenelle de l'environnement, cela va nécessiter des travaux de recherche pour évaluer l'impact des dispositifs de rénovation sur le comportement des bâtiments. À la faveur de l'impulsion donnée, ces dispositifs vont très certainement faire l'objet d'innovations que le CSTB aura à examiner dans le cadre de ses activités d'évaluation technique. De ce point de vue, la loi de transition énergétique aura probablement un impact majeur sur l'efficacité énergétique des bâtiments.

M. Jean-Yves Le Déaut. - La page 28 de votre rapport d'activité évoque les méthodes REPERE et ISABELE pour effectuer des mesures de performance réelle s'affranchissant des conditions d'occupation et de la météo. C'est une avancée importante à nos yeux, dont on vous félicite.

La méthode REPERE utilise les données d'un ensemble de capteurs, qui font l'objet ensuite d'un traitement logiciel ; cela apparaît comme une version numérisée, plus moderne, de la méthode de mesure intégrant des corrections à partir d'abaques, dont nous avons découvert l'utilisation en Suède.

La méthode ISABELE s'appuie sur une mesure de relaxation après un choc de chaleur, dont le directeur de la recherche de Saint-Gobain nous a fait découvrir l'existence en indiquant qu'il avait organisé des essais de calibrage en Grande-Bretagne, en utilisant les installations des universités de Leeds et de Salford.

Pourquoi le CSTB n'a-t-il évoqué ces travaux ni lors de l'audition publique du 22 mai 2014, qui avait pourtant pour sujet la mesure de la performance réelle ni lors de notre visite à Champs-sur-Marne un mois plus tard ? Pouvez-vous donner les premiers enseignements fournis par l'utilisation de ces méthodes ? Par ailleurs, les avez-vous mobilisées à l'occasion de l'évaluation des contrats de performance énergétique que vous avez conduite dans les lycées des régions Centre et Alsace ?

M. Etienne Crépon. - Les travaux du CSTB sur la performance réelle avaient été évoqués lors de l'audition publique du 22 mai 2014, mais probablement de façon trop subliminale. Nous aurions dû détailler davantage l'état de ces recherches, qui datent de plusieurs années ; une grosse avancée est intervenue justement au printemps 2014, notamment grâce au soutien d'un bailleur social qui a accepté d'accompagner un projet de rénovation énergétique avec un test de la méthode REPERE. Nous avons encore quelques soucis de modalité de transmission de données, en cours de résolution, ce qui devrait nous permettre de disposer bientôt des résultats de cette première application de la méthode REPERE, à la fin de la prochaine saison de chauffe, c'est-à-dire à la fin de l'automne ou plus probablement au début de l'année 2016.

Quant à la méthode ISABELE, elle reprend le principe d'une mesure de détente après une montée en température qui est décliné par d'autres méthodes en France et en Europe ; le CSTB conduit ses recherches sur sa mise en oeuvre en liaison avec « Immobilière 3F ».

M. Jean-Christophe Visier, directeur de la direction « Energie et Environnement » du CSTB. - Pour ce qui concerne la méthode ISABELE, le calibrage a commencé d'abord par des mesures dans des maisons non occupées ; puis, dans le cadre d'un projet européen, quelques tests ont été effectués dans des bâtiments en Angleterre, notamment dans une école. La méthode a ensuite été testée sur nos propres bureaux. Le partenariat avec « Immobilière 3F » devrait permettre une expérimentation dans des conditions plus proches de la réalité ; il s'agit d'étudier la mise en oeuvre sur plusieurs types de bâtiments car tous ne se comportent pas de la même manière. Les expérimentations auront lieu sur divers sites, notamment dans le Tarn. Des expériences ont été menées en liaison avec le CEA dans les maisons tests de l'Institut national de l'énergie solaire (INES).

Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, vice-présidente. - J'ai trois questions. En Europe du Nord, et j'y inclus l'Allemagne, on observe la multiplication de bâtiments qui consomment très peu d'énergie, notamment pour le chauffage, parmi eux figurent des immeubles d'habitation. Cela existe, d'ores et déjà, très concrètement et pas très loin de chez nous. Dès lors, on peut se demander pourquoi il est nécessaire de mener des travaux de recherche en France, puisque les questions afférentes à ce type de construction, y compris celles d'ordre économique et industriel, ont normalement été résolues dans d'autres pays. Ne peut-on pas partir de ce que d'autres ont fait et, apparemment, réussi ?

Ma deuxième question part du constat que la France dispose, pour orienter ses efforts de recherche, de climats très variés, non seulement en métropole, mais aussi à travers ses multiples territoires sur tous les continents. C'est donc un domaine où notre pays aurait pu avoir un avantage comparatif pour développer des constructions adaptées aussi bien aux froids intenses qu'aux ambiances chaudes et humides. Comment le CSTB se situe-t-il par rapport à cette opportunité ouverte de dynamiser l'offre française en matière de construction pour faire face à cette diversité des situations d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments à travers le monde ?

Ma troisième question concerne le lien du CSTB avec l'ensemble des laboratoires universitaires qui existent à travers la France, qui présentent l'avantage d'une proximité avec le terrain, mais aussi qui forment des jeunes pouvant avoir le souhait de se tourner vers les métiers de la rénovation énergétique des bâtiments.

M. Etienne Crépon. - Voici quelques éléments de réponse. Il est exact qu'il existe des bâtiments très performants énergétiquement dans le nord de l'Europe mais, en termes de degré d'exigence, le CSTB a montré que la réglementation thermique française RT 2012 était au premier rang en Europe. Les constructions neuves réalisées en France depuis l'entrée en vigueur de cette réglementation n'ont donc rien à envier aux exemples que vous mentionnez. Il n'empêche que, dans le cas de la rénovation énergétique, c'est-à-dire le cas des bâtiments anciens comme les maisons en meulière ou en pierres de taille, le comportement du bâti en présence d'un ajout de couches d'isolation soulève des interrogations complexes du point de vue de la physique du bâtiment, pour reprendre l'expression de M. Jean-Yves Le Déaut, et aucune modélisation disponible, ni en France, ni en Europe, ne permet d'y répondre. C'est pourquoi j'ai indiqué que les objectifs ambitieux en matière de rénovation thermique de la loi sur la transition énergétique nécessiteront des travaux de recherche complémentaires, même si, d'ores et déjà, beaucoup de savoirs ont été accumulés ces dernières années, notamment dans le cadre de l'élaboration de la réglementions thermique 2012.

Concernant nos liens avec les laboratoires universitaires, nous avons un partenariat très fort avec l'Université de La Rochelle, qui héberge le Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (LaSIE), unité mixte de recherche avec le CNRS ; nous travaillons avec le Laboratoire d'énergétique et de mécanique théorique et appliquée (LEMTA), qui est une unité mixte de recherche de l'université de Lorraine et du CNRS. Nous avons des relations rapprochées avec l'Université Paris Est pour la recherche et aussi pour la formation puisque nous avons mis en place une année complémentaire sur la rénovation énergétique pour des titulaires de baccalauréat professionnel dans le domaine du bâtiment ; la première promotion sortie en 2014 a connu un certain succès puisque, en septembre dernier, 95 % des élèves poursuivaient leurs études en licence professionnelle ou bien avaient trouvé un emploi en contrat à durée indéterminée. Le renforcement des partenariats avec les établissements de recherche français, et aussi étrangers, fait clairement partie des priorités stratégiques du CSTB ; nous ne procédons pas par appel à projets sur des prestations de recherche mais par échange de compétences et partage de nos moyens d'essais.

M. Jean Yves Le Déaut. - Ces partenariats répondent tout à fait au souhait que j'avais exprimé en conclusion de mon rapport que le CSTB devienne un véritable moteur de la recherche dans la physique du bâtiment en France ; mais il me semble néanmoins que tous les secteurs scientifiques ne sont pas suivis par le CSTB avec le même degré d'implication.

Lors de ma visite à Champs-sur-Marne, en juin 2014, j'avais été très impressionné par votre laboratoire sur la qualité de l'air intérieur, dont l'une des responsables, Mme Séverine Kirchner, vous accompagne aujourd'hui ; je me rappelle notamment ces investigations concernant la détection aérienne des spores de moisissures, qui me semble un sujet de préoccupation majeure. Le CSTB est également à la pointe en matière de sécurité contre les incendies. En revanche, la gestion active de l'énergie semble moins au coeur de ses préoccupations et mes contacts sur le terrain, en particulier avec les structures de Lorraine et d'Alsace qui se sont intégrées dans le pôle de compétitivité Fibres-Energivie, m'ont montré qu'il ne s'impliquait pas autant qu'il le faudrait dans des partenariats concernant les recherches sur les apports du bois dans la construction. Par ailleurs, j'aimerais savoir si le CSTB suit le domaine de la préfabrication des constructions et le rôle qu'il joue dans le développement des maquettes numériques permettant de suivre un bâtiment de sa conception à son exploitation, ainsi que les partenariats scientifiques qu'il gère dans ces domaines. Je pense, en effet, que le CSTB doit prendre sa part du renforcement de l'effort de recherche dans le secteur du bâtiment, dont on sait qu'il représente à peine plus d'un dixième de pourcent du chiffre d'affaires, alors que la pharmacie, par exemple, atteint des niveaux de l'ordre de 7 % à 8 %.

Je salue l'arrivée de nos collègues, MM. Jean-Pierre Leleux et Gérard Longuet.

M. Étienne Crépon. - Je vous remercie, Monsieur le président, pour vos appréciations positives concernant notre laboratoire sur la qualité de l'air intérieur. Concernant les recherches sur l'utilisation du bois, le CSTB a un partenariat très structuré avec l'Institut Technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA), centre technique industriel officiellement reconnu de la filière bois, qui bénéficie à ce titre d'une taxe affectée. Je suis ouvert à d'autres partenariats pour autant qu'ils permettent des vraies avancées en matière de recherche et de formation. S'agissant du pôle de compétitivité Fibres-Energivie, il est déjà en relation avec le CSTB pour l'accompagnement des PME innovantes ; je dois rencontrer prochainement ses responsables et j'examinerai avec eux s'il y a matière pour un partenariat étendu à des activités de recherche.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Je m'en réjouis, car je pense notamment qu'il serait dommage de ne pas mieux mettre en valeur le potentiel indéniable de l'École nationale supérieure des technologies et industries du bois située à Épinal, que j'avais constaté en me rendant sur place dans le cadre des investigations liées à mon rapport.

En ce qui concerne les recherches sur l'air intérieur, elles méritent vraiment un effort, car l'air intérieur est d'une qualité dix fois moindre que l'air extérieur.

Pour revenir sur l'accompagnement des PME innovantes, c'est une approche qui répond directement à la préoccupation centrale de mon rapport de l'OPECST et je constate avec satisfaction qu'elle est bien mise en valeur par votre rapport d'activité. Néanmoins, je reste sollicité encore aujourd'hui par des entreprises qui sont confrontées à des difficultés pour l'évaluation technique de leurs produits, peut-être parce qu'elles comprennent mal le dispositif ; je n'ai d'ailleurs pas manqué d'attirer votre attention sur ces difficultés.

Je souhaiterais, à cet égard, que vous puissiez nous faire un bilan des dossiers relatifs aux isolants minces réfléchissants, à la ouate de cellulose, ainsi qu'au cas d'une entreprise de Franche-Comté confrontée à l'obligation de changer de fournisseur pour un même sous-produit, à laquelle on demande de réengager une procédure complète d'évaluation technique.

J'aimerais aussi recueillir vos analyses sur le cas de l'entreprise vosgienne Techniwood, qui n'aurait toujours pas d'avis technique pour les éléments préfabriqués en bois et matériaux biosourcés qu'elle produit, à cause de la procédure de la résistance au feu, alors qu'elle aurait déjà engagé un million d'euros sur cette opération. Je vous saurais d'ailleurs gré de nous donner des indications sur les coûts d'obtention d'un avis technique pour les PME et PMI.

M. Étienne Crépon. - Quelques éléments de réponse, Monsieur le Président, sur la procédure de l'avis technique, avant de revenir à ces cas particuliers que vous évoquez, et que, effectivement, je connais.

Aujourd'hui, on compte 4 000 avis techniques valides en France. En regard de ce chiffre, le CSTB est engagé dans un contentieux avec une seule entreprise et se trouve en discussions importantes, que je suis de près, avec une autre. On peut donc dire que, globalement, la procédure de l'évaluation technique, qui était autrefois trop longue, il faut le reconnaître, fonctionne désormais correctement dans son ensemble - même si les débats, dans certains cas, sont plus serrés et si le domaine d'emploi finalement validé n'est pas toujours à la fin aussi large que l'entreprise l'a souhaité au départ. Je rappelle, en outre, que la procédure d'avis technique, en France, est volontaire ; on peut parfaitement mettre un produit sur le marché français sans avis technique.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Ce caractère volontaire est assez factice, car les assurances refusent de garantir un produit sans avis technique.

M. Étienne Crépon. - Il est vrai que, en ce cas, il sera difficile de trouver un assureur mais il n'y a pas d'obligation juridique. Pour les produits destinés aux professionnels, ce pourrait effectivement être compliqué. Pour le délai d'obtention d'un avis technique, le réaménagement de la procédure a permis de passer de deux ans à neuf mois, ce qui correspond à un alignement sur la situation au Royaume-Uni et à un temps réduit de moitié par rapport à la procédure allemande (267 jours en moyenne, selon le dernier pointage, contre plus de 500 jours en Allemagne).

S'agissant du tarif, un rabais de 30 % est accordé aux PME innovantes. Comme le mentionne notre rapport d'activité, le CSTB a mis en place le service ARIANE, équipe spécialisée d'évaluateurs très chevronnés, chargée d'accompagner les entreprises innovantes, de les aider à conduire le diagnostic de leurs produits, de définir avec elles, compte tenu de leurs objectifs économiques, les procédures d'évaluation technique les plus appropriées, de les guider dans les démarches à suivre et dans le recueil des éléments de preuves, pas nécessairement en faisant appel aux laboratoires du CSTB. C'est une prestation intégralement gratuite.

Enfin, parce que l'innovation se manifeste sur tout le territoire national et que le CSTB n'a pas les moyens d'apporter son concours partout, nous avons noué des partenariats avec des acteurs du développement régional compétents dans le domaine du bâtiment pour qu'ils jouent le rôle de relais sur le terrain et aident les entreprises à préparer leurs dossiers d'évaluation technique.

Nous avons ainsi passé un accord avec le pôle Fibres-Énergivie pour couvrir l'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne, avec la plateforme Constructions et Bioressources et l'École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM) de Cluny pour couvrir Bourgogne et Franche-Comté, avec le cluster Novabuild pour couvrir les Pays-de-Loire, avec le centre de ressources technologiques privé Nobatek en Aquitaine, avec l'université de la Rochelle pour couvrir la région Poitou-Charente et avec le CODEM, centre de transfert de technologie, pour couvrir la Picardie, le Pas-de-Calais et la Normandie. Il nous sera difficile de signer de nouveaux accords en 2015, mais la ministre en charge du logement nous a donné mission de compléter la couverture pour la totalité du territoire avant la fin de l'année 2016 ; ce sera compliqué dans certaines zones ; pour d'autres, j'ai bon espoir qu'on y parvienne.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Vous bénéficiez, pour certains programmes comme Efficacity (système énergétique urbain), BIM (maquette numérique) ou Amiante, d'une dotation spécifique de l'État d'un montant de dix à vingt millions d'euros. Pourquoi cette activité essentielle d'accompagnement sur le terrain des PME innovantes n'en reçoit-elle pas ?

M. Étienne Crépon. - Le président du CSTB est mal placé pour répondre à cette question d'ordre budgétaire sur laquelle il n'a pas la main, mais il est clair que cette activité d'accompagnement a été développée jusqu'à présent par le CSTB sur ses ressources propres.

Pour revenir sur les quatre dossiers que vous avez évoqués, s'agissant d'abord de la ouate de cellulose, les entreprises concernées disposent désormais toutes d'un avis technique, sur la base d'une utilisation du sel de bore, qui est valable jusqu'à l'été 2017 ; et nous venons de lancer avec elles un groupe de travail visant à mesurer la performance in situ de leur produit.

S'agissant des isolants minces, je ne pourrai guère m'exprimer puisqu'il y a contentieux avec l'entreprise concernée devant l'Autorité de la concurrence et que les règles interdisent en ce cas expressément de l'évoquer publiquement ; je puis simplement mentionner que l'entreprise en question a, par ailleurs, déposé deux demandes d'avis technique sur des produits qui ne sont pas des isolants minces et qu'elle les a obtenus.

S'agissant de l'entreprise qui a dû changer de fournisseur pour l'un de ses adjuvants et qui a été obligée, de ce fait, de se soumettre à des procédures complémentaires pour conserver sa certification - car, en ce cas, il était question d'une certification et non d'un avis technique -, nous avons veillé, bien évidemment, à ce qu'il n'y ait pas rupture de sa chaîne de production ; nous avons conduit les tests pour le respect de la procédure de certification avec le nouvel adjuvant, présenté comme rigoureusement identique à l'ancien, mais qui n'a néanmoins pas donné les mêmes résultats. En tout état de cause, l'entreprise a finalement conservé sa certification et ne doit pas en être mécontente, puisqu'elle vient d'annoncer dans la presse, voici quelques semaines, qu'elle rapatriait en France toute la partie de sa production qu'elle assurait jusque-là dans les pays du nord de l'Europe.

Concernant Techniwood, le problème vient d'une interprétation de la réglementation sur la sécurité contre l'incendie, précisément l'instruction technique 249, dont les deux ministères de l'intérieur et du logement, alertés par nos soins, ont annoncé la refonte avant la fin de l'année. Le problème ne vient pas des tests, car le CSTB a accompli un gros travail de développement à cet égard en collaboration avec l'entreprise, mais bien d'un besoin d'adaptation réglementaire, en raison de l'interprétation donnée aux textes actuels par les contrôleurs techniques.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Que répondez-vous à cette mise en cause, dans un rapport de Mme Corinne Lepage remis, voici quelques jours, en juin 2015, à la ministre en charge de l'écologie : « Les normes fixées par le CSTB n'ont cessé de rendre quasi impossible l'accès au marché de produits naturels pour préserver le marché des produits industriels artificiels » ? Il est fait mention, en particulier, des difficultés d'accès au marché du béton de chanvre.

M. Étienne Crépon. - Je réponds que le CSTB n'a pas compétence pour fixer les normes ; en France, cette compétence est dévolue à l'AFNOR. Le CSTB peut être amené à participer à la normalisation mais en tant que partie prenante d'un groupe d'experts ; lorsque les experts sont parvenus à un accord, le projet de norme est soumis à enquête publique. Accessoirement, concernant le béton de chanvre, il n'y a plus d'évaluation technique depuis neuf ans puisque c'est un produit considéré, depuis neuf ans, comme traditionnel.

M. Jean-Yves Le Déaut. - J'ai bien conscience que vous n'édictez pas les normes. Néanmoins, il apparaît que certaines entreprises ont connu des difficultés à cause des normes et qu'il manque une institution pour traiter ce genre de difficultés. Par comparaison, lorsque l'Autorité de la sûreté nucléaire est alertée de certains problèmes dans le domaine de la radioprotection, notamment lors de son contact annuel régulier avec l'OPECST, elle peut prendre des initiatives pour aménager le cadre règlementaire. Le CSTB, au-delà des efforts que vous accomplissez au cas par cas, à l'instar des dossiers que vous venez d'évoquer, ne pourrait-il pas se voir reconnaître une véritable légitimité pour jouer un rôle équivalent dans le domaine de la règlementation technique du bâtiment ?

M. Étienne Crépon. - Monsieur le président, fruit d'une initiative parlementaire, la loi sur la transition énergétique va mettre en place un Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, qui rassemblera toutes les parties prenantes du secteur et aura compétence pour se prononcer sur tous les projets de textes législatifs et réglementaires touchant aux questions du bâtiment, ce qui n'inclut d'ailleurs pas les normes. Le président du CSTB y participera en tant que personnalité qualifiée. Cette structure sera vraiment idoine pour pallier le manque que vous évoquez.

M. Jean-Yves Le Déaut. - L'amendement a, en effet, garanti que l'organisme couvre bien le champ de l'efficacité énergétique. Et votre remarque confirme la pertinence de l'initiative.

Je salue l'arrivée de M. Christian Bataille.

M. Étienne Crépon. - J'indique à nouveau que je me refuse à commenter les décisions du Parlement.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Avant de conclure cette audition, je souhaiterais que nous abordions le rôle des ATEX ou « appréciations techniques d'expérimentation ». Une des principales difficultés auxquelles se trouvent confrontés les porteurs d'innovation qui veulent développer leurs solutions tient à ce que j'appellerais une « souricière circulaire » : d'un côté, les assureurs refusent de couvrir l'utilisation en situation réelle d'un nouveau produit si celui-ci ne dispose pas d'une évaluation technique ; de l'autre, l'évaluation technique est impossible à obtenir si l'on ne peut pas démontrer les qualités du produit sur une base installée. Est-ce que l'ATEX constitue bien un moyen de sortir de cette souricière, notamment vis-à-vis des assureurs et des contrôleurs techniques ? En ce cas, pourquoi sont-elles en nombre aussi réduit : 100 en 2014, même si cela représente six fois plus qu'en 2011 ? Les assureurs et les contrôleurs techniques lèvent-ils à tout coup leur opposition lorsqu'une procédure d'ATEX est suivie ? Existe-t-il d'autres manières pour constituer une base installée, par exemple à travers la prise en charge de l'assurance par un tiers ?

M. Étienne Crépon. - L'ATEX constitue effectivement une procédure d'évaluation, que ce soit dans l'absolu ou pour une intégration à un ouvrage. Elle est beaucoup plus légère que l'avis technique mais elle peut résoudre le problème de confiance lié à l'intention d'utiliser dans un ouvrage un produit fortement innovant. À cet égard, elle peut constituer une première étape de l'évaluation avant de passer à une procédure plus complète comme celle de l'avis technique. L'ATEX est effectivement, à cet égard, une procédure efficace dont nous avons veillé également à réduire les délais pour tenir compte des contraintes des industriels et des maîtres d'ouvrage. Je n'ai pas connaissance qu'une ATEX ait jamais fait l'objet d'un blocage de la part d'un acteur de la chaîne technique de contrôle, contrôleur technique, assureur ou autre. Concernant le faible nombre des ATEX, il faut le resituer dans le contexte de la très forte crise que subit le secteur du bâtiment en général, contexte qui n'est pas le plus facile pour développer des innovations. En effet, les ATEX sont le plus souvent mises en oeuvre dans des constructions de très grands équipements publics dont le nombre s'est réduit ces dernières années.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Merci, Monsieur le président. Si mes collègues n'ont pas d'autres questions, nous avons fait un tour assez complet du sujet à l'occasion de cette première audition annuelle du CSTB, qui constitue même une avant-première puisque nous avons anticipé l'application de la loi sur la transition énergétique. À l'avenir, nous continuerons à faire un point annuel, avec beaucoup de franchise, sur ce qui fonctionne bien et sur ce qui mérite d'être amélioré.

M. Étienne Crépon. - C'est moi qui vous remercie, Monsieur le président, et j'ai pleine confiance dans votre franchise.

M. Jean-Yves Le Déaut. - En conclusion, j'observe des inflexions tout à fait heureuses par rapport à la situation que mon rapport de juillet 2014 m'avait amené à prendre en compte. Je crois que, à cet égard, nos contacts intervenus depuis sa publication ont été fructueux et que, de toute façon, il est bon que le Parlement développe des relations étroites avec le CSTB. Mon rapport était, certes, rugueux mais il faut savoir parfois se donner les moyens d'un nouveau départ. Et encore bravo pour le laboratoire sur la qualité de l'air, c'est une belle réussite.

Présentation des conclusions relatives à l'audition publique sur « La filière semencière française : état des lieux et perspectives » du 22 janvier 2015 par Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Nous avons travaillé sur la question des semences. Une semence est une graine. Dans le monde d'aujourd'hui, derrière les semences, il y a beaucoup de technicité, de technologie et de science.

L'audition publique a mis en lumière l'importance économique cruciale de la filière semencière française. Le dynamisme de la filière a permis à la France de se hisser au rang de premier producteur européen de semences et à celui de deuxième exportateur mondial, dans un environnement mondial pourtant très concurrentiel. Il s'agit d'un secteur stratégique, porté par l'innovation, et qui constitue une force économique pour la France. Il apparaît donc essentiel de contribuer à son développement, notamment grâce à une réglementation évolutive et adaptée à ses besoins.

En matière de protection de l'innovation, l'Union européenne a désormais opté pour le système du Certificat d'obtention végétale (COV) qui lui est apparu moins contraignant que le système du brevet, et plus compatible avec le maintien, la préservation et la valorisation de la biodiversité cultivée. En effet, le système du COV permet l'exemption du sélectionneur. Contrairement au brevet, le COV encourage donc l'innovation variétale. Par ailleurs, le COV prévoit une exemption de l'agriculteur, lequel est autorisé à reproduire ses propres semences sur son exploitation, pour sa propre utilisation, à condition de contribuer à l'investissement que représente la recherche par le paiement d'une redevance.

La capacité productive de la filière semences a été acquise de longue date grâce à ce cadre réglementaire adapté, avec des droits de propriété intellectuelle sur la création de nouvelles variétés végétales. Le système du COV - auquel la recherche publique se montre attachée - s'avère efficace car il permet d'assurer la pérennité des financements de la recherche variétale et du progrès génétique, et qu'il n'obère pas les évolutions futures en bloquant l'usage de tel ou tel « caractère d'intérêt » au bénéfice quasi-définitif d'un tiers. Enfin, il est important de prendre en considération les demandes de l'ensemble des acteurs de la filière et de parvenir à une solution équilibrée entre semences certifiées, telles qu'évoquées ci-dessus et semences dites « de ferme », afin que ces dernières puissent bénéficier d'une forme de reconnaissance scientifique et juridique des pratiques paysannes de production et d'échanges de semences et de plantes.

La France a son rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité en matière de semences. À cet égard, il serait souhaitable qu'elle se dote d'un conservatoire national des semences scientifiquement référencé, à l'instar de ce que pratiquent un certain nombre de pays, comme les États-Unis et le Japon. Ces banques de conservation permettent un accès simplifié au matériel végétal, indispensable à la sélection qui permet d'adapter les plantes cultivées aux besoins locaux, agricoles et alimentaires, aux réalités et aux évolutions environnementales et au développement des nouvelles maladies. Compte tenu de la place prépondérante de la France, tant pour la production que pour l'exportation de semences, la création d'un conservatoire national ne pourrait qu'avoir des retombées positives sur l'ensemble de la filière et conforterait sa notoriété et son indépendance.

Par ailleurs, afin de contribuer au dynamisme de la filière, il apparaît également nécessaire de renforcer la formation de personnels qualifiés dans le domaine de l'évaluation. En effet, les modalités d'inscription au catalogue reposent sur deux grands concepts, les critères DHS (distinction, homogénéité, stabilité) et VATE (valeur agronomique, technologique et environnementale). La vérification de la conformité aux critères DHS et VATE mobilise donc de nombreux personnels spécialisés. Il serait souhaitable de renforcer ce capital de compétence et d'expertise et de le développer avec le réseau professionnel, en ouvrant des formations correspondantes à ces besoins, notamment de type technicien (niveau licence ou licence pro), dans les établissements scolaires et universitaires.

Enfin, il convient de préciser que les filières horticoles et fruitières sont concernées par ces questions, tout autant que les filières céréalières, légumineuses ou fourragères. C'est la raison pour laquelle, dans le précédent texte, je parlais de semences et de plants, plutôt que de plantes.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Merci à notre collègue pour cette mise au point très intéressante. Je crois que le point est bien fait et que les conclusions rappellent ce qui s'est dit au cours de l'audition publique. Cela vient compléter l'audition publique par une discussion à l'Office.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Cette audition publique sur les semences, avec la notion de conservatoire, la technologie qui est derrière et la filière importante que cela représente, pose aussi la question de ce qu'on appelle les ressources génétiques : d'où viennent les semences, comment sont-elles construites, par où les prend-t-on ? Ces questions vont déboucher sur l'organisation d'une nouvelle audition publique au mois d'octobre 2015.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Sur la question des ressources génétiques, c'est envisagé pour début octobre, dans le cadre d'une audition publique que je présiderai moi-même.

M. Bruno Sido. - Je voudrais rendre hommage à la filière semencière car le progrès génétique a joué un rôle essentiel pour le progrès de l'agriculture, avec également l'utilisation des engrais, etc. Il fut un temps, il y a une trentaine, voire une quarantaine d'années, où on cherchait, par exemple, le blé le plus productif, sans se préoccuper de savoir s'il résistait aux rouilles, aux maladies en général, aux insectes, à la sécheresse, etc. Désormais, les semenciers travaillent à la fois à maintenir le potentiel de rendement et à introduire des capacités de résistance à un certain nombre de maladies pour utiliser le moins de produits phytosanitaires ou pesticides. On remarque quand même que, en ce qui concerne le blé, l'augmentation de la productivité plafonne et qu'il en va de même pour le colza. On ne constate plus de progrès génétique, on a l'impression de plafonner et j'aurais aimé pouvoir en demander la raison aux obtenteurs. On effectue la même observation au niveau national : au-delà des accidents climatiques, on n'observe plus d'augmentation des rendements similaire à celles constatées au cours des années 1960-1970, voire 1980.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - C'est une vraie question et elle est fondamentale. Cela provient peut-être aussi du fait que, pendant un certain temps, au cours des années qui viennent de s'écouler, peut-être une vingtaine d'années, il y a eu dans l'imaginaire du monde économique, surtout international, l'idée qu'une variété pouvait être omnipotente, partout, sous tous les climats, dans toutes les conditions et que la grande question de la productivité n'était pas un problème de semences mais d'intrants.

On atteint les limites de ce système et c'est pourquoi le fait de disposer, en France, d'une économie de semenciers avec beaucoup d'obtenteurs très formés permet de s'adapter à la réalité des climats, des populations, des situations locales et notamment de pouvoir s'adapter aux contraintes locales en termes d'eau, de sécheresse, de maladies et de besoins des populations. C'est une orientation nouvelle et c'est la raison pour laquelle, il était important que l'Union européenne accepte la notion de certificat d'obtention végétale parce que c'est une manière de concevoir la biologie et l'agriculture en articulation avec le territoire et les réalités, alors que le brevet correspond à quelque chose de beaucoup plus universel. On se trouve donc devant un changement de sens et je me réjouis qu'on ait travaillé sur le thème des semences. Je vous remercie d'avoir accepté que l'OPECST s'intéresse à quelque chose qui, apparemment, était extrêmement trivial et qui s'avère, en réalité, extrêmement scientifique.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Qui vote contre ces conclusions, qui s'abstient ? Ces conclusions sont adoptées à l'unanimité et il est pris acte du compte rendu de l'audition publique.

Présentation des conclusions relatives à l'audition publique sur « Le contrôle des équipements sous pression nucléaires : le cas de la cuve du réacteur EPR » du 25 juin 2015 par M. Christian Bataille, député

M. Jean-Yves Le Déaut. - Nous abordons maintenant la présentation des conclusions relatives à l'audition publique du 25 juin 2015 sur « Le contrôle des équipements sous pression nucléaires : le cas de la cuve du réacteur EPR » par M. Christian Bataille, député.

M. Christian Bataille, député, vice-président. - Le 15 avril 2015, l'Autorité de sûreté nucléaire présentait son rapport annuel devant notre Office. À cette occasion, son président, M. Pierre-Franck Chevet, a souligné que le défaut de fabrication de la cuve de l'EPR, officialisé une semaine auparavant, constituait une anomalie très sérieuse.

Il s'agit là d'une question d'ordre technologique et scientifique susceptible d'affecter l'une de nos plus importantes filières industrielles. La presse étrangère ne s'y est pas trompée, puisqu'elle a largement répercuté les propos du président de l'ASN. Il revenait donc à notre Office d'organiser une audition publique, destinée à informer plus complétement nos collègues parlementaires, et, à travers la presse, nos concitoyens, sur ce sujet. En la circonstance, il m'a semblé d'abord nécessaire que l'Office fasse preuve de réactivité. Cette audition publique s'est, de ce fait, tenue dès le 25 juin dernier.

J'ai aussi voulu assurer l'objectivité de cette audition, en réunissant l'ensemble des acteurs directement concernés : l'ASN, l'IRSN, la direction générale de la Prévention des risques, EDF et Areva. Étant donnée la nature du sujet examiné, j'ai jugé utile de nous adjoindre l'appui de scientifiques de haut niveau, en la personne de M. Thomas Pardoen, professeur à l'Université catholique de Louvain, et du Haut-commissaire à l'énergie atomique, M. Yves Bréchet, qui est aussi membre de l'Académie des sciences. Tous deux sont des physiciens spécialistes des métaux, de réputation internationale. Étaient également représentés à cette audition : l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Association française pour les règles de conception, de construction et de surveillance en exploitation des matériels des chaudières électronucléaires (AFCEN), l'Association pour la qualité des appareils à pression et le CEA.

Enfin, j'ai également eu le souci de l'exhaustivité, d'abord en réservant suffisamment de temps pour le débat et les questions - j'insiste sur ce point : toutes ont pu être posées - ensuite en n'éludant aucun aspect du problème.

Deux tables rondes étaient prévues. La première a été consacrée à la question du contrôle des équipements sous pression nucléaires et, en particulier, à la réglementation. En effet, l'ASN avait fait part d'éventuelles réserves, non exprimées, de certains acteurs de la filière, à l'encontre de la nouvelle réglementation sur les équipements sous pression nucléaires, plus exigeante, mise en place en 2005. Comme vous le savez, la démarche de sûreté française est fondée sur un renforcement continu des exigences, ce qui se traduit aussi par une réglementation plus rigoureuse.

Nous avons donc pu interroger publiquement à ce sujet l'ensemble des acteurs présents, ce qui nous a permis de constater qu'aucun d'entre eux ne voyait d'objection aux exigences de la nouvelle réglementation. Le problème de la cuve de l'EPR n'est donc pas une « anomalie réglementaire », terme que M. Pierre-Franck Chevet avait relevé et à propos duquel il a appelé des commentaires. Il était important que ce point puisse être publiquement établi. La sûreté repose sur le respect de l'autorité de l'ASN, par l'ensemble des acteurs de la filière, et sur l'acceptation des règles qu'elle a fixées.

La seconde table ronde a, quant à elle, permis de débattre sans ambages et avec toute la rigueur scientifique nécessaire des défauts signalés en avril 2015 sur la fabrication de la cuve de l'EPR. Ces échanges ont démontré qu'il ne s'agissait pas d'une « fissure », mais d'un problème de résilience et de ténacité du métal sur lequel les avis des spécialistes restent encore assez partagés. Il convient de distinguer le cas de la virole, d'un côté, de celui des calottes - couvercle et fond de cuve -, de l'autre. Si ces dernières sont soumises à des contraintes plus réduites en termes de chocs thermique et d'irradiation, il s'avère nécessaire d'évaluer l'impact des concentrations élevées en carbone, constatées par endroits, sur la démonstration de sûreté du réacteur. Il est clairement apparu que l'ensemble des acteurs serait mobilisé, encore pour de longs mois, sur l'approfondissement de l'étude de ces difficultés. L'ASN, au travers de sa Direction des équipements sous pressions, et de son appui scientifique, l'IRSN, ont pris en main ce processus d'analyse, qui devrait aboutir à une décision en 2016.

Par conséquent, je considère que l'organisation de cette audition a eu au moins deux vertus majeures : d'une part, celle de lever toute ambiguïté quant à la position des différents acteurs concernés sur la nature de l'anomalie, et, d'autre part, celle de démontrer qu'il s'agit d'un sujet complexe sur le plan scientifique qui est pris en charge et étudié de la façon la plus sérieuse. Ces enseignements pourraient à eux seuls suffire à justifier l'organisation de cette audition, mais je crois que nous pouvons aller plus loin, en tirant trois conclusions.

Ma première conclusion concerne la nécessité de relancer la recherche et l'enseignement en science des métaux. L'Académie des sciences avait alerté, dans un rapport de 2010, sur les risques pour nos industries d'un recul dans ce domaine. L'Académie des technologies l'a rejoint dans un avis qu'elle vient de publier. Pour sa part, l'Office avait déjà préconisé il y a quatre ans, en 2011, dans les conclusions d'une audition publique sur les métaux stratégiques, un renforcement des moyens consacrés à la formation et à la recherche en métallurgie, en s'inscrivant dans la logique des Alliances. Au vu des difficultés de l'EPR, cette recommandation semble plus que jamais d'actualité.

Ma deuxième conclusion est liée à la première : pour relancer durablement les études académiques et les recherches en métallurgie, il faut redéfinir une politique industrielle. C'est justement ce qui a manqué, depuis plus de vingt ans, pour la filière nucléaire. L'absence de décision n'est jamais sans effet. Elle a des conséquences, en termes de perte de savoir-faire industriel et de maîtrise scientifique. Comme l'a rappelé le président Jean-Yves Le Déaut en introduction de cette audition, notre Office a averti, dès 1991, des conséquences délétères d'une absence de visibilité sur la politique énergétique à long terme. À cet égard, j'ai proposé, avec le premier vice-président Bruno Sido, dans notre rapport de 2011 sur l'avenir de la filière nucléaire, un calendrier « raisonné », consistant à remplacer, avant le milieu du siècle, deux réacteurs de deuxième génération par un de troisième génération. Ce calendrier « raisonné » a été calibré pour prendre en compte le temps nécessaire à la mise au point des dispositifs de stockage d'énergie indispensables pour stabiliser la production intermittente d'électricité.

Ma troisième conclusion découle des deux précédentes. Elle concerne l'importance d'un lien permettant un échange permanent entre mondes scientifique et politique. Contrairement à d'autres pays, la France ne dispose pas d'autre instance que notre Office à même de maintenir cette relation. Par exemple, au Royaume-Uni, cette liaison est assurée par quatre instances : le Government Office for Science, les deux commissions pour la science et les technologies des deux chambres du parlement, et, enfin, le Parliamentary Office of Science and Technology (POST), membre de l'EPTA. Comme le montre l'exemple de la métallurgie, assurer ce lien entre science et politique est, dans le contexte de la mondialisation, plus que jamais vital, ce qui justifie pleinement le rôle de notre Office.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Je suggère de compléter la troisième partie de ces conclusions, en reprenant les propos de M. Yves Bréchet, haut-commissaire à l'énergie atomique, sur le phénomène de ségrégation, et ceux de M. Jacques Repussard, directeur général de l'IRSN, sur les sollicitation auxquelles sont soumis le couvercle et le fond de cuve, inférieures d'un facteur 1 000 à 10 000 auxquelles la virole est soumise.

M. Christian Bataille. - Je suis d'accord sur l'intérêt de ces compléments, mais mon objectif était de présenter une synthèse, en évitant les termes techniques trop poussés, de façon à ce que ce rapport puisse être consulté par l'ensemble des parlementaires et par le public.

Je viens de constater qu'une nouvelle campagne de presse contre le réacteur EPR vient de débuter aujourd'hui, par des articles parus dans un hebdomadaire et un quotidien reprenant des arguments à la fois simplistes et faux. Aussi, je pense que l'Office parlementaire doit également privilégier la simplicité. Peut-être l'Office devrait-il faire un effort en matière de communication ? Peu de journalistes étaient présents à l'audition du 25 juin, ce qui n'empêche pas de grands supports de presse, probablement informés par des personnes malveillantes vis-à-vis de l'industrie française, de publier des informations erronées à ce sujet.

M. Bruno Sido. - Je n'ai malheureusement pas pu rester jusqu'à la fin de cette audition qui était passionnante. Mais nous avons eu l'occasion d'entendre ce matin M. Yves Bréchet au Sénat. Il a formulé deux conclusions à la suite de ce débat. D'une part, en tant que scientifique, il ne s'exprimera pas sur le défaut identifié par l'ASN tant que les analyses en cours ne seront pas terminées. D'autre part, le fait de ne pas avoir, durant vingt-cinq ans, réalisé ce type de pièce en chaudronnerie a eu pour conséquence une perte de savoir-faire. Retrouver celui-ci nécessitera du temps et conduira nécessairement à des échecs. Pour l'avenir, il serait peut être possible d'en tirer une conclusion supplémentaire, à savoir qu'il faut régulièrement construire, en France ou à l'étranger, une centrale nucléaire, pour entretenir ce savoir-faire. De la même façon, la NASA avait indiqué qu'il lui serait probablement plus difficile aujourd'hui envoyer à nouveau des astronautes sur la lune. Peut-être serait-il intéressant de mettre l'accent sur ce point ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - La question de la perte de connaissance dans le domaine des sciences des métaux a été également évoquée tout à l'heure dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, à la suite de la fermeture d'une usine métallurgique.

M. Christian Bataille. - Cette perte de savoir-faire est patente dans tous les grands pays nucléaires, par exemple aux États-Unis d'Amérique. Un seul pays n'est pas confronté à cette difficulté : la Chine, qui construit les réacteurs en série, comme nous l'avions fait voici trente ans. C'est pour cela que je suggère de définir une perspective industrielle.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Je demande l'avis de nos collègues sur les conclusions présentées. Je rappelle que ceux qui le souhaitent pourront, dans le délai d'une semaine, annexer leur contribution à ces conclusions, dans la limite de deux pages dactylographiées.

L'OPECST a approuvé à l'unanimité les conclusions et a autorisé la publication du rapport.

Présentation des conclusions relatives à l'audition publique sur « La place du traitement massif des données (Big Data) dans l'agriculture : situation et perspectives » par M. Jean-Yves Le Déaut, député

M. Jean-Yves Le Déaut. - L'audition publique sur « La place du traitement massif des données (Big Data) dans l'agriculture : situation et perspectives » s'est tenue le 2 juillet à la demande conjointe du premier vice-président Bruno Sido et de moi-même.

Elle a été organisée pour répondre à une préoccupation manifestée par des responsables de l'INRA et de l'IRSTEA et par des représentants du monde agricole lors de la visite que nous avons effectuée ensemble au dernier salon de l'agriculture, en mars dernier.

Nous avons été alertés sur le fait que des constructeurs d'équipements (tracteurs et autres) placeraient des capteurs couplés à des systèmes de transmission de données (c'est-à-dire ce qu'on appelle des « objets connectés ») sur les machines qu'ils vendent, pour recueillir des informations et alimenter des traitements de type Big Data.

La sollicitation nous a paru très sérieuse, et nous sommes revenus du salon avec l'idée de creuser ce sujet dans le cadre d'une audition publique ouverte à la presse, suggestion que le bureau de l'OPECST a appuyée le 10 juin.

Ce sujet fait en effet typiquement appel aux compétences de l'OPECST telles qu'elles lui sont dévolues par la loi du 8 juillet 1983, c'est-à-dire explorer les questions relevant de l'évolution des sciences et des technologies pour détecter à l'avance les enjeux législatifs qui peuvent leur sont associés.

Cette audition a fourni l'occasion d'aborder, pour la première fois à l'OPECST, la problématique du Big Data et des objets connectés en tant que tel ; c'était l'objet de la première table ronde de l'audition, qui avait une vocation pédagogique pure.

Cette table ronde a retenu comme définition du Big Data la capacité à effectuer des traitements massifs de données et à offrir des services associés. Elle a mis en lumière les ruptures techniques à l'origine de la capacité d'accumulation d'un nombre considérable de données, multipliée par un milliard de 1950 à nos jours, le prix de stockage à l'unité diminuant lui-même parallèlement d'un facteur de l'ordre du milliard. Entre-temps, les progrès de la programmation ont conduit à la mise au point d'algorithmes adaptés au traitement de volumes considérables d'informations, qui s'attachent à découvrir, via ce qu'on appelle le Data Mining, des motifs récurrents dans les flux de données.

Cela a rendu possible des services d'un type nouveau permettant de mieux cibler les offres commerciales à partir d'une analyse plus fine des comportements de consommation, mais aussi de repérer des « signaux faibles » au-delà des phénomènes directement accessibles, ce qui est utile, par exemple, pour identifier la survenue imminente de pannes, et organiser en conséquence une maintenance prédictive.

S'agissant des conditions pratiques de la mise en oeuvre du Big Data en agriculture, qui faisait l'objet de la deuxième table ronde, les données proviennent d'objets connectés qui analysent, par exemple, l'hétérogénéité de l'état des parcelles, les paramètres d'ambiance au sein des bâtiments et des serres, ou renseignent sur la santé des animaux. Le traitement des données fournit des outils d'aide à la décision, par exemple concernant le moment optimal d'épandage d'un fertilisant, mais aussi pilote des systèmes entièrement automatisés comme les régulateurs de température ou d'hygrométrie, les robots de traite ou les doseurs d'engrais embarqués s'ajustant sur la productivité différenciée des parcelles. Ce traitement des données alimente aussi des systèmes de surveillance pouvant déclencher des alertes sanitaires. La précision de ces dispositifs est encore accrue par l'élargissement de la base du traitement à l'ensemble des exploitations, permettant de caler les analyses sur des références multiples.

À partir du constat que la diffusion des techniques du Big Data devient clairement un enjeu de compétitivité pour l'agriculture, la troisième table ronde avait pour objet d'envisager les démarches stratégiques possibles, sachant que la constitution d'une capacité d'offre performante suppose un minimum de souveraineté.

Il s'agissait notamment d'examiner le degré de maîtrise que les agriculteurs et les pouvoirs publics peuvent et doivent avoir sur l'installation de capteurs ou objets connectés, compte tenu des conséquences que le développement des services fondés sur le Big Data ont, ou auront, pour la souveraineté nationale ou européenne dans le domaine de l'agriculture.

Aujourd'hui, une partie des données produites par les objets connectés est récupérée directement par les fabricants d'équipements comme John Deere. Et comme l'a signalé M. Stéphane Grumbach de l'INRIA, le rapide succès, depuis 2006, de Climate Corporation illustre le risque pour l'Europe de tomber bientôt sous une nouvelle forme d'emprise américaine à l'image de celle déjà à l'oeuvre dans le numérique : à partir d'un retraitement de données météorologiques permettant de piloter l'arrosage en lien avec de capteurs installés dans les champs, l'activité de Climate Corporation s'est étendue à la fourniture d'assurances pour aujourd'hui près de la moitié des surfaces céréalières aux États-Unis ; en 2013, elle est passée sous le contrôle de Monsanto.

L'offre américaine occupe ainsi une position de force sur les services associés au Big Data, et l'emprise qui en résulte pourrait se traduire par une atteinte à l'indépendance de la production agricole française et européenne.

M. Pierrick Givone, directeur général délégué à la recherche et à l'innovation de l'Irstea, a rappelé que l'information sur l'état des récoltes avait une valeur stratégique au temps de la guerre froide, au point que les Américains avaient lancé les satellites Lansat pour surveiller l'agriculture soviétique, et que, d'ores et déjà, en l'absence d'alternative européenne, tant que Galiléo ne sera pas pleinement opérationnel, la moitié des tracteurs français équipés de GPS verront leur performance dépendre entièrement du bon vouloir des autorités américaines.

Vis-à-vis du risque de mainmise nord-américaine, il a été constaté que l'ensemble des participants rejetaient tout à la fois l'angélisme et le protectionnisme, et prônaient une reprise en main collective de la gestion des données par l'ensemble des acteurs du secteur ; cette démarche collective étant unanimement perçue comme plus efficace qu'une réaction en ordre dispersé. Cela passe par un soutien politique fort à la mise en place d'une plateforme commune de gestion des données, d'abord à l'échelle de la France ; mais cette démarche est conçue d'emblée comme ouverte, en mode Open Source, et ensuite comme annonciatrice d'une solution élargie au niveau européen.

À cet égard, M. Pierre-Philippe Mathieu, de l'ESA, a présenté l'apport potentiel des satellites Sentinel 1 et 2, qui prennent en charge la composante spatiale du programme européen Copernicus d'observation de la Terre et qui fournissent des images précises, à dix mètres près, des zones agricoles.

Ce dispositif n'a pas d'équivalent dans le monde. La transparence qu'il induit sur l'évolution des récoltes permettra de mieux préserver les habitants de la planète contre les tentatives de manipulation des cours.

Les données sont accessibles en mode Open Source. En lien avec la Banque mondiale notamment, des aides sont prévues pour les entrepreneurs qui participent à l'exploitation des données, afin de les transformer en informations directement utiles, par exemple pour envoyer un SMS à l'agriculteur lui signalant que c'est le bon moment pour effectuer la récolte.

Les pistes qui se dessinent ainsi s'agissant de la reprise en main de l'offre de services s'appuyant sur le Big Data renvoient finalement à des problématiques transversales dans le domaine du développement du numérique.

La première dimension transversale concerne l'encouragement à l'innovation pour développer une alternative à l'offre américaine qui a pris de l'avance : tous les mécanismes de soutien financier, et toutes les simplifications réglementaires prévues pour encourager l'innovation doivent évidemment jouer au profit des nouveaux services du Big Data.

La deuxième dimension transversale concerne la gestion des données, avec les conditions de prudence qui s'imposent pour éviter les risques d'atteinte à la vie privée ou aux intérêts économiques et, en même temps, les obligations d'ouvrir l'accès à ce gisement précieux qui doit jouer comme une ressource au service de l'humanité.

De là, notre soutien total à la démarche Open Source de l'Agence spatiale européenne, et la nécessité de prohiber toute tentative d'exploiter de façon exclusive des fonds de données.

En conclusion, cette audition publique a permis de bien comprendre ce qu'est le Big Data, la manière dont il est mis en oeuvre dans l'agriculture, les raisons pour lesquelles il s'agit d'une étape incontournable de l'évolution de l'agriculture. En effet, il présente à la fois un évident intérêt économique pour les utilisateurs, et un intérêt collectif dans le cadre de l'effort pour la préservation de l'environnement et la lutte contre le changement climatique, puisqu'il permet globalement la diminution des intrants sans pénaliser les rendements.

Cette audition a permis de vérifier que la communauté agricole et scientifique française n'avait pas tort de s'inquiéter des conditions dans lesquelles s'effectuait cette nouvelle révolution en cours de l'agriculture, car il y a bien, en arrière-plan, un enjeu de souveraineté face au dynamisme de certains pays et notamment des États-Unis.

Un maître mot résume les débats : la nécessité de maîtriser les données dans un monde ouvert, où les frontières n'existent plus. Les nouvelles technologies de la communication remettent en cause l'espace, le temps et la gouvernance. Les problèmes d'usage, de propriété et de contrôle des données doivent être précisés comme les questions liées à la revente de ces données, au risque d'atteinte à la vie privée ou à des intérêts économiques ou encore à la sauvegarde de renseignements sensibles.

Cette communauté agricole et scientifique est prête à se mobiliser pour défendre son propre modèle du Big Data à partir de la constitution d'une plateforme commune de gestion des données, à l'échelle de la France, en Open Source, conçue comme ouverte. Ce gisement précieux doit être exploité comme une ressource au service de l'humanité. Une convention internationale doit donc prohiber l'utilisation exclusive de ces données. C'est la principale proposition qui ressort de cette audition publique.

Une autre proposition consiste à entériner le besoin d'un soutien fort du Gouvernement, non pas pour mettre en place une protection mais pour disposer d'un cadre juridique clair pour la gestion de ces données et pour favoriser la création d'une offre de services innovants. Dans ce domaine comme dans d'autres, le soutien à l'innovation est essentiel et doit être une des priorités gouvernementales. C'est la seule manière de développer une alternative à l'offre nord-américaine qui a pris de l'avance. À cette fin, l'État doit mobiliser les mécanismes spécifiques de soutien financier et d'adaptation aux barrières réglementaires.

Il serait d'autant plus justifié que ce dossier fasse l'objet d'une implication politique forte - et l'OPECST va agir en ce sens - que la préservation de la souveraineté en matière d'agriculture a pour enjeu, en arrière-plan, la maîtrise encore plus cruciale du développement du territoire.

Un futur rapport de l'OPECST pourrait permettre de clarifier les liens entre les différents types d'objets connectés, le traitement massif des données et les services associés.

M. Bruno Sido. - Cela fait longtemps que, sur les moissonneuses-batteuses, des dispositifs assurent un calcul du rendement en temps réel et qu'une exportation de données sur une clef USB permet d'obtenir la carte des rendements. On peut ainsi éditer cette carte à partir d'un ordinateur ou insérer ensuite cette clef USB dans un pulvérisateur pour moduler automatiquement les doses, car c'est important d'ajuster les apports d'engrais aux besoins différenciés des différentes zones du sol. Au passage, on réalise des économies sur les quantités d'intrants. Mais tout cela s'est mis en place en l'absence de ce qu'on appelle les objets connectés, et je ne vois pas en quoi il faudrait forcément lier la récupération de données ou la constitution de nouveaux gisements de données, par satellite par exemple, au développement des objets connectés.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Un objet connecté est un capteur, qui a la capacité en plus de transférer les informations qu'il récupère.

M. Bruno Sido. - Mais quel est l'intérêt ? Qu'est-ce que cela apporte de nouveau ?

M. Jean-Yves Le Déaut. - Ce qu'il se passe, c'est que, à l'image de certaines stratégies liées au dépôt automatique de cookies sur les ordinateurs, l'accord implicite donné à une surveillance, par le fournisseur, de l'usage qu'on fait du service, conditionne la possibilité d'accéder à ce service. Cet accord est considéré comme donné implicitement du simple fait qu'on achète l'équipement.

M. Bruno Sido. - Si c'est de cela qu'il s'agit, je trouve légitime de s'insurger, car ce n'est pas normal que l'agriculteur livre ainsi ses secrets, sauf s'il le fait volontairement tout en ayant réellement la possibilité de ne pas le faire.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Tu rejoins là nos conclusions.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - J'aurai deux observations. D'abord, il faut se rendre compte que nombre de produits intégrant des dispositifs de gestion numérique des données ne sont pas nécessairement payés à leur coût réel, car leur prix inclut une décote correspondant à la rémunération des services que le fournisseur va construire par ailleurs sur la base des informations sur les profils de consommation qu'il recueille implicitement auprès des utilisateurs. En ce cas, les utilisateurs, pour ne pas faire partie de l'échantillon de recueil des données, doivent accepter de payer plus cher.

Ma seconde observation concerne l'approche américaine des données, qui sont considérées outre-Atlantique comme un matériau brut, ne prenant une véritable valeur économique que lorsqu'elles ont fait l'objet d'un traitement en vue de la fourniture d'un service. Cette approche conduit à promouvoir un régime d'accès ouvert aux données, pour favoriser l'apparition, à l'initiative du marché, des stratégies de retraitement (Data Mining) qui vont permettre d'en extraire des informations à valeur commerciale. C'est dans cette conversion des données en services que les Américains ont un temps d'avance.

M. Bruno Sido. - D'ores et déjà, s'agissant des moissonneuses-batteuses, les concessionnaires disposent d'un moyen, sur l'équipement lui-même, et à l'insu de son propriétaire, pour éditer à tout moment un état complet de son utilisation, y compris les moments où le moteur a tourné sans que les fonctions de moissonnage ou de battage aient été utilisées. Bien entendu, ces informations concernent aussi les performances en service, comme le nombre de quintaux réalisés à l'hectare. Je me suis rendu compte de cette possibilité en voyant faire le technicien lors du contrôle d'un matériel avant une vente d'occasion.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Il ne faut avoir aucun doute sur le fait que ces données sont remontées jusqu'au fabricant. À partir de là, pour les gestionnaires publics, il s'agit de savoir s'il faut lutter contre ces pratiques, en ce cas au niveau mondial, ou s'il faut, au contraire, s'y adapter pour conquérir des positions via une offre alternative.

M. Jean-Yves Le Déaut. - C'est le sens même des conclusions que je propose, qui soulignent la nécessité d'un meilleur contrôle des données et de leur usage. La récupération des données n'est pas qu'un enjeu commercial ; elle peut avoir aussi une dimension stratégique en repérant les années de mauvaises récoltes et, ainsi, les périodes de fragilité d'une société.

M. Bruno Sido. - C'était déjà l'objet d'un programme de surveillance par satellite des Américains pendant la guerre froide.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - L'enjeu commercial sera de savoir si les Européens sont capables de battre les Américains au jeu de la récupération et du traitement des données.

M. Bruno Sido. - Le président Obama a dit ouvertement que l'Internet était un instrument de domination américaine.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - L'Internet a été inventé par les Européens mais n'a pas trouvé tout de suite de relais d'intérêt dans les sociétés européennes, car celles-ci n'ont pas su s'approprier les potentialités de cette innovation.

L'OPECST a approuvé à l'unanimité les conclusions et a autorisé la publication du rapport.

Rapport de la réunion de bureau du 10 juin 2015 sur les modalités d'organisation des auditions publiques de l'OPECST

M. Jean-Yves Le Déaut. - Notre collègue du Sénat, Marie-Christine Blandin, m'a sollicité pour connaître les modalités de publicité des saisines et celles d'organisation des auditions publiques.

Son intérêt pour les saisines est lié à une commande que nous avons reçue, en date du 11 février 2015, de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale sur les enjeux économiques et environnementaux des biotechnologies.

Cette saisine a été discutée par le Bureau de l'Office le 10 mars 2015, qui avait acté mon intérêt d'être désigné co-rapporteur de cette étude, sachant qu'il s'agirait, pour moi, d'une continuité sur ce sujet après mon rapport de 1998, puis l'organisation de l'audition publique sur l'affaire Séralini, et celui de Mme Catherine Procaccia, qui s'est vue refuser déjà deux rapports au cours des derniers mois.

Mais le Gouvernement avait annoncé au même moment, le 20 février, le lancement d'un rapport confié aux dirigeants des grands organismes de recherche sur le thème « Agriculture - Innovation 2025 », et il avait été d'emblée décidé de différer le lancement de l'étude de l'Office jusqu' après la sortie de ce rapport, soit jusqu'à l'automne environ, afin que chacun reste dans son rôle.

La nomination officielle des rapporteurs a aussi été différée, pour éviter la mauvaise image d'un allongement apparent de l'étude du simple fait de cette période de latence, sachant que les statisticiens rétrospectifs, parfois enclins à dénigrer le rythme de nos travaux, mesureront sans se poser de question le délai s'écoulant entre la date officielle de nomination des rapporteurs et celle de publication du rapport.

Je propose, si vous en êtes d'accord, qu'on s'en tienne à ce schéma et qu'on ne procède à cette nomination qu'à notre première réunion de la rentrée.

S'agissant des modalités d'organisation des auditions publiques, elles ont été précisées lors de la réunion du Bureau du 10 juin dernier ; celui-ci a été organisé à l'initiative du premier vice-président Bruno Sido, qui constatait un emballement des activités de l'Office. Il est exact que des phénomènes de rattrapage ont conduit à une concentration trop intense d'activités sur les semaines de juin et de début juillet.

Voici la teneur des décisions prises par le Bureau à cet égard :

1) nous allons essayer de mieux maîtriser le rythme de nos réunions pour faciliter la présence de nos collègues. L'objectif sera de programmer à l'avance une réunion de l'Office par mois au plus, et d'organiser aussi, au plus, une audition publique par mois, hors auditions intervenant dans le cadre des études sur saisine, car les dates de celles-ci dépendent de façon autonome du seul agenda de leurs rapporteurs ;

2) nous avons validé le dispositif de conclusions présentées devant l'OPECST à la suite d'une audition publique car c'est une manière d'assurer des retombées pratiques à nos travaux, sous forme de préconisations de politique publique ou d'amendements à des textes en discussion. Il y aura vote en l'absence de consensus ; les opinions dissidentes pourront s'exprimer au moyen de contributions publiées dans les rapports. C'est justement ce que vient de me demander M. Denis Baupin voici quelques minutes, en s'excusant d'être obligé de devoir quitter la réunion, à propos des conclusions de M. Christian Bataille pour l'audition publique sur la cuve de l'EPR.

Je tiens à rappeler à partir de quels principes s'organise la rédaction des conclusions.

Tout d'abord, celle-ci constitue une manière de souligner l'apport de l'OPECST dans la fabrique de la loi en amont du processus législatif et dans le contrôle des activités publiques, troisième fonction du Parlement après le vote du budget et de la loi

Cette capacité de l'OPECST de prendre ainsi rapidement position sur des sujets faisant irruption dans l'actualité lui permet de valoriser son apport vis à vis des commissions permanentes, qui sont toujours compétentes pour investir, en tant que de besoin, le champ scientifique et technologique, l'OPECST ne bénéficiant d'aucun monopole sur ce plan.

L'effort de l'OPECST pour assurer des retombées à ses travaux, notamment via la formulation de conclusions à la suite des auditions publiques, constitue plutôt un facteur d'incitation pour les intervenants sollicités à répondre favorablement aux invitations à participer aux tables rondes.

Les auditions ont toujours un caractère public, sauf exception, par exemple dans le cas de l'audition confidentielle sur les drones de novembre 2014. Les intervenants doivent savoir d'emblée que leur contribution nourrira, en toute transparence, les travaux de l'OPECST. Il n'est donc pas nécessaire de les prévenir spécialement de la portée de leurs propos.

La discussion des conclusions devant l'OPECST peut conduire à faire apparaître des opinions divergentes ou minoritaires, qui ont toute leur place dans le rapport publié, sous la forme de contributions additionnelles aux conclusions.

Seules sont soumis au vote de l'OPECST les comptes rendus d'auditions assorties de conclusions et, le cas échéant, de contributions additionnelles.

Je rappelle que l'organisation de nos auditions publiques est un fait de coutume validé par des décisions successives du Bureau.

Voici, à cet égard, un extrait du compte-rendu de la réunion du 5 octobre 2010, qui informait sur les décisions d'un Bureau qui s'était tenu le 8 septembre 2010 :

« M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST (...) a recueilli un accord de principe sur une suggestion du bureau de l'OPECST consistant à autoriser que les actes des auditions publiques ouvertes à la presse puissent faire l'objet d'une publication incluant une « conclusion générale », qui permettrait au rapporteur de proposer une synthèse des informations recueillies et de dessiner des pistes de poursuite des réflexions, mais sans proposer de recommandations réservées au rapport. Cette « conclusion générale » devrait être présentée au cours d'une réunion de l'OPECST pour approbation. Il s'agit ainsi de donner à l'OPECST un moyen supplémentaire de communiquer, sans passer par l'appareil des saisines, qui n'est pas toujours compatible avec la réactivité souhaitable face aux événements. ».

Nous espérons que ces quelques règles de fonctionnement nouvelles permettront de renforcer la participation de nos collègues, qui se fait de plus en plus ciblée au cours des derniers mois, alors que c'est, au contraire, la cohésion de l'OPECST qui fait sa force, y compris lorsque chacun peut apporter un avis sur un sujet qu'il connaît mal, parce que son avis est éclairé par toute son expérience, au sein ou en dehors de l'Office.

M. Christian Bataille. - Je souhaiterais faire deux remarques qui iront dans le même sens. Il faudrait éviter de procéder à des auditions publiques un lundi matin, comme cela a été le cas pour la récente audition publique sur les terres rares, et les situer de préférence à un moment plus compatible avec l'agenda parlementaire, c'est-à-dire en milieu de semaine, le jeudi inclus.

Ma seconde remarque concerne les avis additionnels, placés à la suite des conclusions adoptées par l'Office. C'est une forme rédactionnelle que je connais bien pour en avoir fait usage à plusieurs reprises lors de commissions d'enquête. Il faut que la taille de ces avis restent raisonnable en proportion de celle du texte principal, car un député pourrait être tenté d'insérer par ce biais un contre-rapport. Ainsi, comme les conclusions représentent sept à huit pages de texte, il me semble que la longueur d'un avis additionnel ne devrait pas excéder une page.

M. Jean-Yves Le Déaut. - Quelques mots sur notre réunion du 1er juillet avec le président du Sénat, M. Gérard Larcher, Catherine Proccacia remplaçant pour l'occasion Bruno Sido. Nous sommes tombés d'accord sur les différents points évoqués. Ainsi, Gérard Larcher a confirmé qu'il acceptait d'accueillir dans les salons du Sénat nos invités parlementaires de l'Europe et nos collègues de l'EPTA, le soir de notre conférence de célébration du trentième anniversaire de l'OPECST, le 24 septembre. Lui-même se libérera plus tôt des Journées parlementaires de son groupe pour être présent.

Concernant les nouveaux horaires de réunion des délégations fixés par la modification récente du Règlement du Sénat, le président Gérard Larcher a entériné l'exception pour l'Office liée à la réserve interprétative du Conseil constitutionnel. Je lui ai indiqué qu'on conserverait nos horaires habituels pour nos réunions à l'Assemblée nationale, mais qu'on s'efforcerait de suivre les nouveaux horaires pour les réunions de l'OPECST au Sénat, qui s'y tiendraient donc quelquefois le jeudi matin.

S'agissant du déséquilibre des effectifs entre les secrétariats de l'Assemblée et du Sénat, le président Gérard Larcher a confirmé le remplacement des fonctionnaires partants et évoqué le recrutement de stagiaires, en confiant le suivi de cette question à un membre de son cabinet.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. - Je suis surprise de cette position car elle confirme, en fait, le statu quo et montre donc bien que cette réduction drastique des effectifs du secrétariat du Sénat est un choix délibéré. Cela signifierait-il que nos collègues du Sénat considèrent que les questions scientifiques et technologiques n'ont pas à être traitées par le Parlement ? Il y a là un problème de fond.

M. Jean-Yves Le Déaut. - C'est effectivement un problème de fond, mais le Sénat est une assemblée souveraine.

M. Bruno Sido. - Non, cela ne signifie pas que le Sénat se désintéresse de la science et de la technologie ; du reste, en 2007, le secrétariat du Sénat était plus étoffé que celui de l'Assemblée et les niveaux sont restés longtemps équilibrés. Simplement, le Sénat s'est désormais organisé autrement, en mutualisant les moyens des délégations, et a créé récemment une délégation supplémentaire sur les entreprises, qui a aspiré des ressources au détriment de l'OPECST.

Désignation de deux représentants au conseil d'administration de l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

M. Jean-Yves Le Déaut. - Le Premier ministre a sollicité séparément le président Larcher et le président Bartolone, par des courriers en date du 26 mai, pour la désignation de deux membres de l'OPECST au conseil d'administration de l'ANDRA, l'un député, l'autre sénateur.

Pour le Sénat, qui avait désigné antérieurement Mme Fabienne Keller, nous avons reçu la seule candidature de M. Christian Namy.

M. Christian Namy est donc désigné.

Pour l'Assemblée nationale, nous avons connaissance de la candidature de M. Christian Bataille, pour sa propre succession, et de celle de M. Denis Baupin.

Je propose qu'un vote les départage.

M. Christian Bataille est élu à l'unanimité.