Mardi 25 avril 2017

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 16 heures 05.

Suite de l'examen du projet de rapport

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, notre commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures se réunit aujourd'hui afin de poursuivre l'examen du rapport de notre collègue Ronan Dantec, commencé le 5 avril dernier.

Nous avons décidé, lors de notre dernière réunion, de repousser le vote final sur le rapport de trois semaines, afin de nous laisser le temps, d'une part, d'intégrer les remarques et observations qui ont été faites par les uns et les autres sur la première version du rapport, et, d'autre part, de consulter à nouveau le rapport pendant une semaine.

Comme nous en étions convenus, je vous ai fait parvenir deux jours après notre première réunion, la liste récapitulative des observations formulées au cours de la réunion du 5 avril afin de les prendre en compte dans le nouveau projet de rapport.

Aucune demande de modification ou d'ajout à cette liste ne m'est parvenue et ces modifications ont donc été intégrées au projet de rapport.

Cette nouvelle version du rapport a été mise en consultation à partir du 18 avril pendant toute une semaine. Un certain nombre d'entre vous sont venus consulter à nouveau le rapport.

J'ai également souhaité vous donner la possibilité de nous faire parvenir encore d'autres propositions de modification, propositions qui devaient être envoyées avant hier, lundi 24 avril, 17 heures. Trois propositions de modification de notre collègue Daniel Gremillet et quatre propositions de notre collègue Rémy Pointereau ont ainsi été déposées.

Mes chers collègues, nous allons passer à l'examen de ces propositions de modification. Puis je vous passerai la parole pour des explications de vote.

Je cède la parole au rapporteur.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président.

M. Jean-François Longeot, président. - La proposition n° 1 est présentée par Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. - Cette proposition consiste à préciser, à la page 59 du projet de rapport, que l'étude d'impact devrait également intégrer l'ensemble des effets de la compensation écologique, non seulement fonciers, mais également économiques, sur l'activité agricole locale, pour tous les acteurs susceptibles d'être impactés, qu'il s'agisse d'exploitation, de collecte ou de transformation.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Avis favorable. Ce libellé plus complet enrichit le rapport.

La proposition n° 1 de M. Daniel Gremillet est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président. - La proposition de modification n° 2 est présentée par M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. - Dans le cas de grands projets d'infrastructures, routiers ou ferroviaires, je souhaite insister sur le fait que la priorité doit être accordée à l'évitement ERC - éviter, réduire, compenser - pour les surfaces agricoles utiles, devant la priorité que l'on accorde trop souvent à l'évitement ERC dédié à la biodiversité.

Les terres agricoles sont de plus en plus rares chaque année - on en perd 23 mètres carrés par seconde. Il est donc temps de privilégier les scénarios consommant le moins de terres agricoles plutôt que les scénarios accordant la priorité à la biodiversité.

M. Jean-François Longeot, président. - Je veux être certain de bien comprendre : vous proposez qu'au moment de la conception d'un grand projet d'infrastructure, une même attention soit accordée à la réduction de la consommation de surfaces agricoles utiles qu'aux enjeux de biodiversité. C'est bien cela ?

Mes chers collègues, je vous propose d'insérer cette proposition de modification à la page 72 du projet de rapport, là où il est question de la définition de scénarios alternatifs.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - La proposition du président me paraît plus opportune. Il ne faudrait pas qu'on puisse penser qu'on privilégie dans un premier temps les terres agricoles, puis, dans un deuxième temps, la biodiversité, et, dans un troisième temps, les terres agricoles consommées pour les compensations de la biodiversité. Ce n'est pas ça l'idée : la préservation des terres agricoles est aussi importante que celle de la biodiversité.

M. Rémy Pointereau. - Pour moi, la préservation des terres agricoles est plus importante. Lors de l'élaboration d'un grand projet d'infrastructure, il se présente souvent deux ou trois scénarios possibles et l'on procède alors par élimination. Souvent, c'est le scénario conduisant à la plus forte consommation de terres agricoles qui est retenu, afin d'affecter le moins possible la biodiversité.

M. Jean-François Longeot, président. - Je propose d'écrire « un même souci doit être accordé ».

M. Rémy Pointereau. - Pour moi, la priorité doit être donnée à la préservation des terres agricoles.

M. Jérôme Bignon. - Il n'y a pas d'un côté les terres agricoles et d'un autre côté la biodiversité. Les terres agricoles forment un écosystème au même titre que la forêt ou les espaces en zone humide. On ne s'affranchit pas de la biodiversité sous prétexte que l'on se trouve sur une terre agricole. D'après ce que je crois comprendre, monsieur Pointereau, vous visez les terres qui n'auraient pas une fonction agronomique ; or un espace, quel qu'il soit, a nécessairement vocation à accueillir un écosystème et donc de la biodiversité, y compris les espaces pierreux.

Mme Sophie Primas. - Pour mettre tout le monde d'accord, on pourrait peut-être écrire ceci : « Dans le cadre d'un grand projet d'infrastructure, la priorité doit être donnée à l'évitement pour les surfaces agricoles utiles ».

M. Jean-François Longeot, président. - Cela me convient.

M. André Trillard. - J'ai eu le sentiment, au cours des auditions, que la manière d'appréhender le coefficient multiplicateur des surfaces était empreinte d'un certain amateurisme. J'entends souvent parler d'un coefficient multiplicateur de 10 ou de 15, ce qui se justifie. Je le répète, j'ai eu le sentiment d'une certaine légèreté dans ce choix-là, que je ne parviens pas à m'expliquer.

M. Jean-François Longeot, président. - C'est l'objet de la proposition n° 3.

J'en reviens à la proposition n° 2 : tout le monde est d'accord pour insérer cet ajout à la page 72 du projet de rapport ?

La proposition n° 2 de M. Rémy Pointereau, ainsi rectifiée, est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous en arrivons à la proposition de modification n° 3, présentée par Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. - Je reprends la proposition, avancée par André Trillard lors de notre précédente réunion, visant à faire état des désaccords au sein de la commission d'enquête sur l'obligation de résultats en matière de biodiversité.

M. Jean-François Longeot, président. - Cette proposition ne me paraît pas poser problème, mais elle implique que M. Trillard dépose une contribution qui serait annexée au rapport. Cette contribution serait intéressante, mais M. Trillard, qui a retiré sa proposition lors de notre dernière séance, a-t-il l'intention de la déposer ?

M. André Trillard. - J'avais retiré ma proposition pour des raisons évidentes, qui ne tiennent pas au sujet lui-même. Celle-ci pourrait l'être également.

M. Rémy Pointereau- Il me paraît en effet plus simple de la retirer.

La proposition de modification n° 3 de M. Rémy Pointereau est retirée.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons maintenant la proposition de modification n° 4, présentée par Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet- L'application de coefficients multiplicateurs n'a d'intérêt que si l'approche surfacique ne permet pas d'atteindre le résultat voulu. Si celui-ci est atteint, il n'est pas nécessaire de recourir à des coefficients.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Ce que vous proposez s'applique déjà pour certains projets. Avis favorable.

La proposition de modification n° 4 de M. Daniel Gremillet est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président. - Daniel Gremillet nous présente maintenant la proposition de modification n° 5.

M. Daniel Gremillet. - Le principe de différenciation que nous avons retenu pour les terres agricoles et le vignoble doit être appliqué aussi aux terrains boisés, car tous n'ont pas le même intérêt, ni sur le plan de la biodiversité ni sur celui de la valeur forestière.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Il est certain que tous les espaces boisés ne se valent pas. La précision est donc bienvenue.

M. Daniel Gremillet. - Elle est importante, car le coefficient multiplicateur qui s'applique aujourd'hui a des conséquences très lourdes sur les terres agricoles.

La proposition de modification n° 5 de M. Daniel Gremillet est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous en venons à la proposition de modification n° 6, présentée par Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. - Je suggère de supprimer, au chapitre IX des propositions, la proposition appelant à recourir plus systématiquement aux documents d'urbanisme pour identifier les zones admissibles à la compensation. Une telle approche déclencherait une vaste phase de révision des documents d'urbanisme au moment où une partie des communes viennent de finaliser la « grenellisation » de leur PLU ou d'adopter un PLUI.

Évitons de compliquer davantage les documents d'urbanisme et respectons les objectifs énoncés par la proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l'urbanisme, de la construction et de l'aménagement, que nous avons adoptée le 2 novembre dernier sur l'initiative de Marc Daunis et François Calvet, rapporteurs du groupe de travail « Simplification législative du droit de l'urbanisme, de la construction et des sols ».

M. Jean-François Longeot, président. - Mon cher collègue, votre proposition de modification vise la première version du rapport. La recommandation dont vous demandez la suppression a déjà été modifiée à la demande de Gérard Bailly pour ne faire peser aucune obligation sur les collectivités territoriales et ne créer aucune norme supplémentaire. Maintenez-vous néanmoins votre proposition de suppression ?

M. Ronan Dantec, rapporteur. - La formulation actuelle reprend exactement la proposition de M. Bailly.

M. Gérard Bailly. - J'ai tenu à tempérer la rédaction antérieure, qui poussait au systématisme. Là où une infrastructure de taille importante doit être réalisée, autant réfléchir à la compensation au moment où l'on établit les certificats d'urbanisme. Mais n'allons pas enquiquiner les gens là où aucun projet n'est prévu !

M. Ronan Dantec, rapporteur. - En outre, il ne s'agit que d'un encouragement.

M. Rémy Pointereau. - Les encouragements risquent de se transformer en obligations...

M. Gérard Bailly. - Monsieur Pointereau, il est tout de même un peu dommage, quand on sait qu'une infrastructure importante va être construite, de ne pas réfléchir aux mesures de compensation dans le cadre de l'élaboration du PLUI. Il n'y a guère plus de dix ou quinze zones qui seront concernées.

M. Jean-François Longeot, président. - La rédaction proposée par M. Bailly me paraît bonne.

Mme Sophie Primas. - J'appuie la position de M. Pointereau. Rien aujourd'hui n'interdit de prévoir des zones de compensation dans les documents d'urbanisme ; le département des Yvelines, par exemple, le fait dans son schéma directeur. Évitons une formule qui risquerait d'évoluer vers une obligation.

M. Jérôme Bignon. - Sophie Primas fait référence à la compensation par l'offre, mais, en l'occurrence, il s'agit de compensation en réponse à un projet d'infrastructure. S'il n'y a pas de projet, il n'y aura pas lieu de prévoir des compensations. À mon avis, il faut éviter d'anticiper la possibilité de compenser par l'offre.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - De nombreux projets d'infrastructure sont actuellement bloqués parce qu'on ne trouve pas de zones de compensation. Être plus prospectif en matière de compensation permettra d'éviter de tels blocages. La formulation de Gérard Bailly concerne uniquement les secteurs où un projet est prévu ; à ces endroits-là, il faut tout de même encourager les communes à identifier les zones où des mesures compensatoires pourront être prises. Tout caractère systématique ayant été abandonné, il me semble que nous devrions maintenir une proposition qui permet de rendre les projets faisables, une proposition on ne peut plus consensuelle !

M. André Trillard. - Dans certains territoires, l'impossibilité de trouver des terrains de compensation correspond à des consignes, voire à des pressions exercées sur les personnes. J'appuie la position de M. Pointereau, car il faut se souvenir que nos administrations lisent parfois les textes à l'envers.

M. Jean-François Longeot, président. - Il me paraît préférable de maintenir la proposition dans la rédaction suggérée par Gérard Bailly. Je vous propose de supprimer cette proposition mais de conserver, dans le corps du rapport, le développement relatif à cette possibilité pour les collectivités territoriales.

La proposition de modification n° 6 de M. Rémy Pointereau, ainsi rectifiée, est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président. - La proposition de modification n° 7 est présentée par M. Pointereau.

M. Rémy Pointereau. - Puisque notre commission d'enquête veut sa démarche apolitique et de bon sens, il paraît prudent de supprimer les annexes du rapport, dans la mesure où certains sujets ou grands projets qu'elles évoquent sont assujettis à des aléas politiques.

M. Jean-François Longeot, président. - Si je comprends bien, mon cher collègue, vous visez les fiches de synthèse des grands projets, c'est-à-dire les pages 149 à 180 ?

M. Rémy Pointereau. - En effet, monsieur le président.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Cela fait visiblement partie du compromis entre nous... Chacun repartira donc avec ses convictions sur les projets en question. Il me semblait pourtant que ces annexes, qui expliquaient les faits sans émettre de jugement, répondaient à des attentes. Leur suppression aura au moins cet avantage que, lors de la conférence de presse, nous mettrons l'accent sur les propositions du rapport.

Mme Sophie Primas. - Nous ne nions pas la qualité de ce qui a été fait, mais nous voulons éviter les polémiques politiques autour de ce rapport, qui est intéressant et dans lequel a été trouvé, grâce aux propositions de Rémy Pointereau et Daniel Gremillet, un équilibre entre l'économie et la biodiversité.

C'est dans cet esprit que je soutiens la proposition de modification de Rémy Pointereau.

M. André Trillard. - Les décisions politiques relèvent du politique. Nous ne demandons pas la suppression de toute trace des auditions. Ces dernières étaient publiques. Ce que nous voulons, c'est utiliser ce rapport pour un usage prospectif, et non rétroactif. Je rappelle que, en France, les lois ne sont pas rétroactives. Malgré le travail accompli, le Sénat est un lieu politique, où il peut se passer des événements de ce genre.

M. Rémy Pointereau. - Nous conservons l'étude de législation comparée, car elle n'a rien de politique. Elle permet de disposer d'éléments de comparaison. En retirant l'annexe sur les projets, le rapport sera axé sur les propositions, pour faire avancer les choses plus facilement.

M. Jérôme Bignon. - Il est toujours frustrant de supprimer des éléments qui relatent une histoire - un déplacement ou des problèmes locaux. Néanmoins, il serait bien plus gênant de ne pas publier l'important travail de qualité qui a été effectué. Nous devons apporter notre contribution sur ces sujets. Il aurait été intéressant de mener ce travail avant l'adoption de la loi biodiversité. Il faudra probablement un jour reprendre le flambeau pour compléter la législation à la marge en tenant compte de nos résultats.

Je suis très heureux que la raison et l'intelligence collective l'aient emporté sur des susceptibilités, même légitimes. Il est inutile de créer des frustrations s'il est possible de dégager un profit collectif important pour les agriculteurs, la biodiversité, les territoires.

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je m'abstiens !

La proposition de modification n° 7 de M. Rémy Pointereau est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous allons passer au vote du rapport et des annexes restantes. Le tome II reprend le procès-verbal de nos auditions publiques. Le titre proposé par le rapporteur est le suivant : « Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus ».

M. Ronan Dantec, rapporteur. - Le titre me semble correspondre à ce que nous avons essayé de faire.

Mme Sophie Primas. - Effectivement !

M. Daniel Gremillet. - Je veux remercier de nouveau le président et les services de la commission d'enquête, car il n'était pas évident de travailler sur ce rapport compte tenu du contexte parlementaire actuel.

Ce rapport doit être publié, même si le contexte politique est sensible. Il aurait été dommage que l'on ne partage pas le travail que nous avons effectué.

Je suis tout à fait d'accord avec le titre proposé, qui reflète bien l'ambiance de notre commission d'enquête.

M. Gérard César. - Je m'abstiens.

M. André Trillard. - Je m'abstiens également.

M. Rémy Pointereau. - Alain Vasselle, qui m'a confié une délégation de vote, s'abstient.

La commission adopte le rapport ainsi modifié, ainsi que les annexes.

Elle décide de publier, dans le tome I du rapport, le compte rendu de la réunion du 5 avril et de la présente réunion.

La date de la conférence de presse est fixée au jeudi 11 mai 2017, à 10 h 30.

M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens à remercier M. le rapporteur avec qui nous avons bien travaillé, et l'ensemble des membres de la commission. Je suis heureux que ce rapport ait été adopté à une quasi-unanimité.

La réunion est levée à 16 h 45.