Jeudi 12 juillet 2018

- Présidence de M. Cédric Villani, député, premier vice-président puis de Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 20.

Présidence de M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Mes chers collègues, je vous remercie pour votre présence ce matin à cette dernière réunion avant la suspension des travaux pour l'été et un repos bien mérité. Je vous présente les excuses du président Gérard Longuet, qui ne peut être présent parmi nous en raison de la contrainte d'une visite ministérielle. C'est un plaisir de retrouver à mes côtés le sénateur Bruno Sido, qui a tant fait pour cet office au cours des années écoulées, et encore actuellement. Je présiderai la séance en tant que premier vice-président.

Pour ceux qui seront disponibles, je proposerai de terminer par un bref passage dans les nouveaux locaux de l'Office à l'Assemblée nationale, au 93 rue de l'Université, qu'il a fallu près d'un an pour trouver et qu'on peut qualifier de provisoires, même si on ne sait jamais combien de temps dure le provisoire. Nous avons là une très belle installation, au bout du compte, et ce sera l'occasion d'y faire une petite réunion, en guise de pendaison de crémaillère.

Si vous en êtes d'accord, entrons dans le vif du sujet, en commençant par la note sur la rénovation énergétique des bâtiments. Ce thème est assez différent de ceux traités par ailleurs depuis le début de l'année, en particulier par la variété des angles selon lesquels il faut l'aborder. Je donne la parole au rapporteur, le député Jean-Luc Fugit, pour nous présenter ce projet de note, son co-rapporteur Loïc Prud'homme étant, pour sa part, pris par une audition qui a lieu au même moment.

Examen d'une note courte sur la rénovation énergétique des bâtiments - Rapporteurs : MM. Jean-Luc Fugit et Loïc Prud'homme, députés

M. Jean-Luc Fugit, député, rapporteur. - Je vous remercie d'avoir accepté de mettre cette présentation en début de l'ordre du jour puisque je vais ensuite devoir quitter cette réunion. En effet, je suis membre du Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui délibère ce matin. J'ai prévenu que j'y serai au plus tard à dix heures, afin de de pouvoir participer aux votes.

Tout d'abord, je tiens à transmettre les excuses de mon co-rapporteur, le député Loïc Prud'homme, qui préside ce matin une réunion de la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle, dont je suis moi-même membre, et à laquelle il ne pouvait naturellement, en tant que président, se soustraire. Je le représente donc, avec son accord, pour présenter notre note sur la rénovation énergétique des bâtiments.

Je le dis en toute clarté, nous avons eu quelques différences d'appréciation à la marge sur la manière de procéder puisque, comme vient de le rappeler notre président, cette note scientifique se démarque de celles publiées précédemment, en ce qu'elle ne concerne pas un sujet scientifique ou technologique particulier mais plutôt un domaine d'application très large, faisant appel à de nombreuses disciplines scientifiques, allant de la physique des matériaux à la sociologie. La rénovation énergétique recouvre, en effet, l'ensemble des travaux visant à diminuer la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment, ainsi que de ses habitants, ou utilisateurs dans le cas du tertiaire.

C'est un sujet que nos prédécesseurs au sein de l'Office ont déjà eu l'occasion d'aborder dans le cadre d'au moins deux rapports : l'un de 2009, conduit par les députés Christian Bataille et Claude Birraux, dans le contexte de la loi Grenelle, à l'occasion duquel ils avaient regardé comment mieux identifier les leviers réglementaires permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l'autre de 2014, du député Jean-Yves Le Déaut et du sénateur Marcel Deneux, qui ont analysé les mécanismes régissant l'accès au marché des produits destinés à la construction.

L'idée de cette note est venue à notre président Cédric Villani à la suite de la toute première audition du nouvel Office, voici un an, à l'occasion de laquelle nous avions entendu le président du Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB, ainsi que trois scientifiques de renom. Après un premier document plutôt orienté vers les questions réglementaires, nous avons décidé, avec Loïc Prud'homme, de nous recentrer sur des aspects scientifiques, pour mieux respecter le principe de ces notes et, surtout, parce que cette approche a été jusque-là insuffisamment prise en compte en matière de rénovation énergétique.

À cette fin, en complément de l'audition du 27 juillet 2017, nous avons entendu plusieurs autres chercheurs travaillant sur divers aspects de la rénovation énergétique, ce qui a induit quelques délais supplémentaires, pour renforcer les aspects scientifiques, comme je viens de l'indiquer, d'autant qu'avec Loïc Prud'homme nous étions également engagés dans la commission parlementaire précédemment mentionnée. Nous avons aussi sollicité l'Académie des technologies, qui nous a remis une note synthétisant les points de vue de ses membres.

Pour entrer maintenant dans le vif du sujet, comme vous le savez, notre pays s'est fixé des objectifs très ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation d'énergie. Le secteur du bâtiment représente entre un peu moins d'un cinquième et plus d'un tiers de ces émissions, suivant ce qui est pris en compte dans celles-ci, et pratiquement la moitié de la consommation d'énergie totale. De ce fait, l'atteinte des objectifs sectoriels est nécessaire à l'atteinte des objectifs globaux fixés pour et par notre pays.

Paradoxalement, depuis maintenant une dizaine d'années, les politiques publiques ont surtout mis l'accent sur le perfectionnement de la construction neuve, notamment par des réglementations thermiques de plus en plus contraignantes, bien connues, qui vont de la RT 1974 (réglementation thermique), en passant par tous les intermédiaires, jusqu'à la RT 2012. L'accent a donc été mis sur la construction neuve plutôt que sur la rénovation énergétique des bâtiments existants. Pourtant, du fait d'un rythme de renouvellement du parc de bâtiments de l'ordre de 1 % par an depuis trente ans, les progrès réalisés sur la performance des bâtiments neufs ne peuvent, de toute évidence, avoir un effet sur les performances globales du parc qu'à très long terme, sans même évoquer ici les inconvénients de la construction neuve en termes de consommation de matières premières, d'émissions initiales de gaz à effet de serre et d'utilisation de terres agricoles. Elle contribue significativement à l'artificialisation des sols, dont je rappelle au passage qu'elle représente aujourd'hui la perte d'une surface agricole utile équivalente à un département tous les sept ans environ sur notre sol.

L'idée était sans doute que les progrès réalisés dans le neuf allaient permettre de tirer la rénovation vers le haut. Mais, en réalité, il n'en a rien été car ces deux domaines sont très distincts, même si certains des produits utilisés peuvent être parfois identiques. La séparation entre ces deux domaines est l'un des points qui nous a frappés durant les auditions.

Alors que les progrès dans la construction neuve sont bien réels en matière de rénovation énergétique, malgré l'effort très conséquent réalisé depuis 2009 sous forme d'incitations financières, notamment fiscales, comme le taux de TVA réduit à 5,5 % et le crédit d'impôt pour la transition énergétique, plus communément appelé CITE, la consommation des bâtiments a baissé de seulement 1 % entre 2009 et 2016, en passant de 498 TWh à 493 TWh.

En juillet dernier, le CSTB avait été interrogé sur les causes de cet échec, sans pouvoir donner de réponse vraiment satisfaisante. C'est pourquoi nous pensons, avec Loïc Prud'homme, que l'atteinte des objectifs climatiques et énergétiques fixés implique une véritable rupture dans la démarche de rénovation énergétique, une rupture basée sur une approche plus scientifique et technologique du sujet.

De fait, quand on veut atteindre un objectif, il faut être capable de mesurer les résultats unitaires obtenus, de suivre en permanence l'évolution globale, de concentrer les efforts là où leur efficacité est avérée, d'identifier les obstacles de tous ordres et de les lever.

La mesure de performance de l'enveloppe et de la consommation réelle des bâtiments constitue un préalable indispensable au pilotage de la rénovation énergétique. C'est un peu le niveau T0 incontournable. De nouvelles techniques de mesure sont aujourd'hui développées, comme l'avait d'ailleurs mentionné le CSTB devant l'Office en juillet dernier. Il faut donc préparer la généralisation de la mesure de performance réelle, qui est un préalable à la mise en place d'un diagnostic de performance énergétique opposable, à l'introduction d'une garantie de performance énergétique, ainsi qu'à la simplification et à la lisibilité des aides à la rénovation, en remplaçant les aides ciblées, fonctions des caractéristiques des produits, par des aides fondées sur la performance globale d'une opération de rénovation. Cette démarche permettra, selon nous, de redonner confiance aux donneurs d'ordre et de généraliser la corrélation entre la valorisation d'un bien immobilier et sa performance énergétique. C'est l'un des points importants qui est ressorti des auditions.

Par ailleurs, nous appelons à la création d'un véritable observatoire du bâtiment, qui permettrait aux décideurs politiques et aux scientifiques de suivre en permanence la situation réelle du parc, au niveau national et local, ainsi que son évolution. Cet observatoire doit aussi permettre de cibler les bâtiments à rénover en priorité, pour envisager des opérations groupées et permettre aussi d'évaluer l'adéquation des actions engagées. Une mesure est prévue en ce sens dans le projet de loi d'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), issue d'un amendement parlementaire soutenu par notre premier vice-président.

Ensuite, pour des raisons d'efficacité, il faut donner la priorité aux 7,4 millions de « passoires » énergétiques, qui consomment plus de 330 kWh par mètre carré et par an. Naturellement, c'est sur ces passoires que les gains les plus rapides pourront être obtenus. 2,6 millions de celles-ci sont aujourd'hui habitées par des ménages à revenus modestes. Il s'agit donc à la fois d'un enjeu climatique et social, mais aussi de santé, car des logements vétustes représentent un risque pour la santé des habitants. Une étude reprise par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) indique ainsi qu'un euro investi dans la rénovation permet d'économiser 0,42 euro dans le domaine de la santé.

Même s'il faut la pondérer selon les pays, il faut aussi inverser la désaffection croissante des ménages vis-à-vis de la rénovation énergétique, en la rendant plus attractive, ce qui implique de développer de nouvelles offres de produits, proposant plus de fonctionnalités à un coût attractif.

Il faut également s'interroger sur les obstacles réglementaires à l'innovation dans la rénovation énergétique, comme l'avait fait le rapport de l'Office de 2014. La certification des produits reste trop chère et trop longue. Ce n'est pas la faute du CSTB, en charge de celle-ci, qui a déjà fait des efforts, mais de la complexité du dispositif réglementaire actuel, pour lequel il faudra sûrement envisager des pistes de simplification.

Enfin, il faut bien entendu trouver de nouvelles solutions en matière d'ingénierie financière. Il est possible d'en créer de nouvelles, comme le mécanisme hypothécaire inspiré du viager, proposé par l'Office dans le rapport de 2014.

Toutes ces évolutions nécessitent de développer les recherches suivant plusieurs axes. Nous avons essayé d'identifier et d'illustrer, par quelques exemples, les principaux : naturellement les technologies numériques, les nouveaux matériaux adaptés à la rénovation, notamment bio-sourcés, évidemment aussi la qualité de l'air et le confort intérieur, la production de chaleur ou la récupération de la chaleur fatale, sans oublier les sciences sociales.

Comme cela avait été dit en en juillet 2017, en regard des enjeux, nous pensons que l'effort de recherche publique et privée n'est pas, aujourd'hui, à la hauteur des défis scientifiques et technologiques à relever en matière de rénovation. La part du chiffre d'affaires consacrée à la recherche est très inférieure à ce qui se pratique dans d'autres secteurs, d'un facteur dix à vingt. Les causes en sont principalement structurelles. Même si ce manque est en partie compensé par la recherche issue d'entreprises extérieures au secteur, c'est une réalité qui devrait être compensée par la recherche publique.

Au contraire, dans les organismes de recherche publique, on constate, depuis quelques années, une désaffection croissante à l'égard du domaine de la performance énergétique des bâtiments. Ce domaine de recherche est probablement considéré comme trop concret, pas assez théorique pour être porteur.

Cela avait déjà été dit l'année dernière par M. Francis Allard, chercheur et professeur émérite au Laboratoire des sciences de l'environnement de l'université de La Rochelle, qui avait expliqué que les effectifs de la communauté de recherche française en matière de rénovation énergétique étaient en décroissance et que les budgets connaissaient, malheureusement, la même tendance à la baisse. Il faudrait inverser cette tendance et aussi pallier l'absence, en France, d'un grand pôle de recherche dédié à ce domaine, même s'il existe des équipes très compétentes au sein du CSTB, du CEA et dans certains centres universitaires. Pour conclure, nous pensons qu'il faut poursuivre l'effort de mise en réseau, voire de regroupement de ces équipes scientifiques avec, en ligne de mire, la création d'un institut de recherche dédié, qui permettrait à la fois de sécuriser ce domaine de recherche, de disposer d'infrastructures partagées, d'engager une montée en compétence et d'attirer de jeunes talents français et étrangers.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Ce diagnostic est, pour l'instant, plutôt en demi-teinte et, par certains côtés, très décevant, sur les questions d'économies d'énergie en particulier. Par ailleurs, on voit que des pistes sont sur la table pour changer les choses. Toutefois, il ne s'agit pas simplement de réajuster certaines incitations mais d'engager une transformation plus profonde. Si l'on résume, une des questions majeures est celle du diagnostic, permettant de bien vérifier si les transformations effectuées remplissent effectivement leur but. Par ailleurs, il y a la question économique. Dans la construction, les coûts sont inclus dans le modèle du constructeur mais, pour la rénovation, ce sont des coûts très importants à supporter par les ménages.

M. Jean-Luc Fugit, député, rapporteur. - C'est sans doute le point clef. Dans les auditions que nous avons conduites, nous avons relevé le problème de l'acceptation de la rénovation et de l'image insuffisamment valorisée du bâtiment rénové par rapport au bâtiment neuf. Nous pensons que le volet sociologique doit être pris en compte. Quand nous évoquons un institut de recherche dédié à la rénovation des bâtiments, nous pensons que le volet des sciences sociales doit y jouer un rôle essentiel, à côté de celui relatif aux aspects purement technologiques, pour parvenir à une meilleure acceptation sociale de la démarche, nécessaire pour inverser les tendances observées. Donc, c'est bien sur les deux volets qu'il faut jouer.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - La question de la diminution de nos forces de recherche en la matière est préoccupante, car elle va à contre-courant des besoins. Cette tendance s'observe-t-elle aussi à l'étranger ?

M. Jean-Luc Fugit, député, rapporteur. - Ce qui ressort des échanges que nous avons eus, à la fois avec des acteurs du secteur privé et du secteur public, c'est surtout la dispersion des forces qui fait que la recherche ne parvient pas à se structurer, et sans doute à justifier un besoin de croissance. Du coup, les acteurs ne travaillent pas suffisamment ensemble, alors qu'on sait très bien que, dans le milieu de la recherche, quand des acteurs, qu'ils soient publics ou privés, sont amenés à collaborer, cela génère de nouveaux projets et ouvre la possibilité de faire appel à des financements plus importants, notamment au niveau européen. Cela permet parfois de mieux se structurer et de se développer, voire de donner aux pouvoirs publics l'envie d'apporter plus de soutien. Ce qui nous a le plus marqué, c'est la dispersion des forces, et je crois que c'est là la clef sur laquelle il faut jouer. C'est la raison pour laquelle je disais qu'il faudrait, a minima, créer un réseau et peut-être se poser la question, au-delà d'un réseau, de la mise en relation, peut-être du regroupement de certaines de nos forces. Ce regroupement pourrait prendre différentes formes, mais il y a sûrement là un axe de travail à approfondir. Je pense d'ailleurs qu'il serait intéressant d'en discuter avec un certain nombre d'acteurs publics, notamment les ministères concernés.

Beaucoup de nos collègues, notamment autour de cette table, connaissent bien l'enseignement supérieur et la recherche. Il faut reconnaître que la recherche appliquée - puisque dans ce domaine, on fait plus de recherche appliquée que de recherche fondamentale - est souvent mieux valorisée dans un certain nombre de pays étrangers. Il s'agit là d'une problématique française plus générale, portant sur la valorisation de la recherche appliquée, mais encore plus marquée dans ce secteur.

M. Patrick Hetzel, député, vice-président de l'Office. - Tout d'abord, je voudrais remercier nos collègues pour le travail réalisé. Il s'agit réellement d'un sujet extrêmement important. On voit bien qu'il y a, aujourd'hui, comme cela a été largement souligné, une sorte de hiatus entre, d'un côté, les enjeux qui sont énormes et, de l'autre, le manque de coordination. J'aurais une question puis une remarque, qui pourrait déboucher sur une autre question.

Premier aspect, théoriquement au moins, dans ce secteur, il existe un organisme qui devrait très largement contribuer à coordonner les acteurs, y compris en matière de recherche, c'est le CSTB. La question que je me pose est la suivante : quid de l'action du CSTB ? CSTB étant l'acronyme de Centre scientifique et technique du bâtiment, la dimension scientifique doit y être bien réelle, y compris en matière de financement de projets de recherche débouchant, dans un second temps, sur des transferts technologiques.

Deuxième aspect, le précédent travail réalisé sur ce sujet de la rénovation énergétique, lors de la 14e législature, avait mentionné l'existence sur le territoire de pratiques satisfaisantes d'un point de vue opérationnel, notamment le concept de maisons passives. Je me permets de le signaler, parce qu'il se trouve que le siège national de la Fédération du bâtiment passif se trouve dans ma circonscription. Ce sont évidemment des concepts qui nous viennent du monde germanique. Nous avons, aujourd'hui, beaucoup de mal à les faire accepter parce qu'ils se réfèrent à des normes existant de l'autre côté de la frontière.

Fort heureusement, il existe cependant aujourd'hui un espace européen, avec des entreprises qui travaillent de part et d'autre de la frontière. Il y a là un véritable enjeu, à la fois opérationnel et économique, pour que, côté français, on puisse faire reconnaître une certification bâtiments passifs, qui permettrait à nos entreprises françaises de pouvoir travailler de l'autre côté du Rhin, ce qui est difficile sans certification. Par ailleurs, cela permettrait aussi, très concrètement, de faire bouger les choses en matière de rénovation des bâtiments, avec des concepts qui ont fait leurs preuves, du moins de l'autre côté du Rhin, en accordant des financements, notamment avec une fiscalité plus attractive. Est-ce que les choses ont évolué en la matière, ou sont susceptibles encore d'évoluer, en termes de normalisation, pour la maison passive ?

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Je complète la première partie de la question de Patrick Hetzel : est-ce que le CSTB, dans son fonctionnement actuel, opère sur un périmètre plus restreint que souhaitable ? L'observatoire mentionné ne pourrait-il se trouver au sein du CSTB, avec une ambition revue, conformément à l'idée générale de l'amendement précédemment évoqué dans le cadre du projet de loi ELAN ? Je crois que Jean-Luc Fugit fait partie du conseil d'administration de cet organisme ; peut-être peut-il nous éclairer aussi sur sa vision de l'avenir de celui-ci ?

M. Jean-Luc Fugit, député, rapporteur. - Effectivement, je fais partie du conseil d'administration du CSTB depuis l'année dernière. Le 26 juin dernier, en conseil d'administration, a été présentée la feuille de route du CSTB pour la recherche. Il faut reconnaître que le volet rénovation y était peu présent.

Pour répondre à vos interrogations, peut-être faut-il aller jusqu'à s'interroger sur la structuration du CSTB. Bien que je n'aie pas encore suffisamment d'expérience pour me faire une idée définitive, l'impression que j'ai, après quelques réunions du conseil d'administration, est que le volet certification est important pour le CSTB, qui en a besoin pour son financement. Peut-être que le volet recherche en pâtit quelque peu, notamment pour la rénovation. Ce constat pourrait poser la question de l'étanchéité entre ces deux volets. À cet égard, dans l'hypothèse d'un institut dédié, l'une des possibilités pourrait consister à faire évoluer l'une des deux moitiés du CSTB.

Aujourd'hui, l'impression, au vu de la feuille de route de la recherche du CSTB, pourtant doté d'un comité de scientifiques de très haut niveau et qui réalise des travaux très pointus, c'est que le volet spécifiquement rénovation est insuffisamment pris en compte. Peut-être une inflexion devrait-elle être recherchée, via les ministères de tutelle, puisqu'aujourd'hui le CSTB dépend à la fois des ministères de la cohésion des territoires, de la transition écologique et solidaire et de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce qui n'est pas toujours simple.

À ce sujet, je profite de l'occasion pour indiquer que j'ai été récemment contacté par un vice-président de l'Assemblée, qui m'a signalé qu'un amendement discuté au Sénat proposait de supprimer, au sein du conseil d'administration du CSTB, la représentation parlementaire, constituée d'un député et d'un sénateur. Malgré ma surprise, j'ai essayé de donner des arguments pour m'opposer à cette initiative, dont l'origine reste inconnue. Indépendamment des questions de personnes, je pense que ce n'est pas une bonne idée de supprimer cette représentation. Au contraire, il vaut mieux garder ce regard des parlementaires sur le fonctionnement interne d'un tel organisme, qui représente un moyen d'alerte et d'échange avec l'extérieur.

S'agissant du CSTB, je sens qu'il y aurait sûrement matière à le faire évoluer. Dans les auditions que nous avons conduites, certains interlocuteurs ont formulé d'eux-mêmes des remarques quant au rôle du CSTB et sa nécessaire évolution. Sur le deuxième point, Loïc Prud'homme a entendu la Fédération française de la construction passive. Je n'étais pas moi-même présent, compte tenu des contraintes d'agendas. Je n'ai pas de précision particulière à vous apporter sur le sujet, même s'il y a certainement matière à s'inspirer de ce qui se fait à l'étranger. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée que la Fédération française de la construction passive puisse être mise en avant sur ce volet.

Dans ce domaine, il existe certainement une marge de progression non négligeable. Je crois que l'on pourrait envisager, après cette note, une discussion assez poussée avec les ministères en charge de la rénovation énergétique des bâtiments, parce qu'il faut vraiment passer à la vitesse supérieure, d'autant que, pour beaucoup de logements, la rénovation conduirait à des économies d'énergie immédiates et substantielles, sans avoir à passer par un étalement urbain important, alors même que tous semblent d'accord sur la nécessité de limiter celui-ci. La rénovation peut aussi être l'une des clefs pour lutter contre l'artificialisation des sols.

Par rapport à cette problématique, j'ai encore en mémoire la façon désordonnée dont le débat s'est déroulé dans le cadre du dernier projet de loi de finances, sur les mesures de réduction d'impôt sur le revenu, à l'opposé d'une méthode visant l'efficacité.

M. Stéphane Piednoir, sénateur. - Je félicite à mon tour le rapporteur et son collègue pour le travail fourni, qui donne un éclairage intéressant, essentiellement sur l'aspect recherche, par exemple sur les matériaux. Il a été rappelé que la construction neuve ne représentait que 1 % par an du renouvellement du parc sur les trente dernières années. C'est donc bien sur l'ancien qu'il faut miser. Il y a quand même, de mon point de vue, un champ qui n'est pas suffisamment couvert dans cette note courte. Dans mes précédentes fonctions de vice-président d'une communauté urbaine et président d'une agence locale de l'énergie et du climat (ALEC), j'ai été frappé, puisqu'on a évoqué la dispersion en matière de recherche, de la dispersion des interlocuteurs pour un particulier qui voudrait se lancer dans la rénovation énergétique.

Indépendamment des solutions techniques, sans un guichet unique de la rénovation énergétique en France, le problème ne sera pas réglé. En France, on est capable de nous imposer des réformes, des transformations politiques, mais nous ne sommes pas capables d'instaurer un pilotage national sur une thématique essentielle. Ainsi, le crédit d'impôt est accessible par différents biais, y compris via des acteurs privés qui transforment la facilitation de l'accès des particuliers au crédit d'impôt en un nouveau marché.

Je sais que les plateformes de rénovation ont été mises en place voici quelques années. Sur le sujet, le rôle de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est tout de même assez flou. Il existe un soutien sur trois ans, après lequel on ne sait pas ce qui se passe. Il faut, je l'ai vécu, relancer plusieurs fois avant d'avoir un retour. Franchement, ce qui manque, c'est un pilotage national. Ces aides vont peut-être se trouver renforcées, mais il va falloir qu'elles passent par un acteur public de la rénovation énergétique, quitte à mutualiser certaines forces, car il existe une dispersion : syndicats départementaux, syndicats intercommunaux, etc. Il faut regrouper, sinon on n'y arrivera jamais.

Mme Valéria Faure-Muntian, députée. - Je félicite les rapporteurs pour ce travail. J'ai plusieurs remarques et questions. La Fédération française du bâtiment a fait énormément de recherches, et un bond en avant sur les méthodes BIM (Building information modelling) et sur le lean management dans la construction. Ces méthodes sont-elles applicables à la rénovation ? La rénovation étant un sujet d'intérêt général et public, ne faut-il pas généraliser l'analyse thermique des bâtiments ? Je sais qu'une commune l'a réalisé sur toute la ville, même si cela a pris du temps et a eu un coût. Cette démarche a incité les administrés à se pencher sur la question de la rénovation. À l'heure où le pays est devenu très consommateur d'électricité, parce que les consommateurs allument tous en même temps le chauffage électrique ou d'autres équipements, RTE a du mal à réguler l'intensité électrique, au point de débrancher, dans le cadre de contrats de deux ans, des entreprises, pour subvenir aux besoins des foyers. Ce sujet ne doit-il pas aussi être pris en compte dans le cadre de la rénovation, compte tenu de l'importance des enjeux ? Par ailleurs, comment peut-on généraliser la rénovation sans pour autant tomber systématiquement dans les subventions et la dépense d'argent public, dans la mesure où l'on constate que des entreprises se créent uniquement pour surfer sur les crédits d'impôt et autres aides, voire abusent parfois des personnes âgées ? On a ainsi remplacé beaucoup de fenêtres, alors qu'on sait que c'est le plancher et le toit qu'il faut isoler en priorité. Enfin, est-ce qu'il n'existe pas une logique d'intérêt général en faveur de l'analyse de l'existant, par exemple avec des images thermiques, telles que celle illustrant votre note, très révélatrices des fuites de chaleur ?

M. Bruno Sido, sénateur. - Je voudrais d'abord féliciter les rapporteurs pour le travail considérable réalisé, qui aboutit à un constat accablant. En tant que rapporteur de la loi Grenelle I et de la moitié de la loi Grenelle II, je suis resté de longues semaines dans l'hémicycle. Le déroulement des débats était parfois ubuesque, un peu comme si l'on décidait simplement, sans savoir comment faire, qu'en 2020, la consommation énergétique diminuerait de 20 % puis de 30 % en 2030 et de 50 % en 2050. Ma question est simple : est-ce qu'au-delà de ce constat d'échec, on sait finalement si on a une idée scientifique de la situation, avec les moyens que nous avons et au vu de l'état de la recherche, et du niveau d'économies auquel on peut arriver? Tout ce qui est neuf doit être aux normes, bien entendu. Mais est ce qu'on a une idée sur la question, au mieux du mieux pour l'existant ? Une autre question subsidiaire : quelles sont ces passoires énergétiques ? De quel type de logements s'agit-il ?

M. Jean-Luc Fugit, député, rapporteur. - Je suis élu du Rhône, non de la Loire, mais ayant travaillé pendant vingt-et-un ans sur Saint-Étienne Métropole, j'ai été membre du conseil développement de cette agglomération pendant un certain nombre d'années. Pour faire un constat très simple sur la production de CO2 induite par la consommation d'énergie dans les habitations de cette métropole, les maisons individuelles d'avant 1980 génèrent deux fois plus d'émission de CO2 que les maisons construites après cette date. Bien entendu, plus les maisons sont récentes et plus les émissions sont faibles. Cela peut paraître assez évident, mais il est toujours utile de le rappeler. Énormément de maisons individuelles font partie des « passoires énergétiques ». Le problème, c'est qu'il n'est pas toujours évident pour les propriétaires de réaliser des travaux coûteux. On disait tout à l'heure qu'il y a eu une mode en faveur du changement des fenêtres et aussi des portes, alors qu'on sait que c'est l'ensemble du bâtiment qu'il faut revoir. Mais ce sont souvent des travaux lourds, qui ne bénéficient pas nécessairement pleinement des aides fiscales. En la matière, en prenant le temps d'expliquer, des résultats importants pourraient être obtenus.

Les ALEC (Agences locales de l'énergie et du climat) ne prennent pas toujours la même forme, suivant leur localisation. Il y a quelques années, j'ai été membre du conseil d'administration de l'équivalent d'une ALEC, dans la Loire. Nous avions rencontré d'autres ALEC ou organismes équivalents d'autres départements, ce qui nous avait permis de constater des approches très différentes. L'un des rôles des ALEC est d'accompagner, d'expliquer et de rassurer. Comme la rénovation reste un sujet assez nouveau, beaucoup de personnes, parfois déjà victimes d'entreprises peu scrupuleuses, sont méfiantes à l'égard de tout démarchage, qu'elles assimilent à une publicité. Elles pensent qu'à partir du moment où on va leur donner des conseils, ceux-ci seront facturés, alors que nombre d'ALEC fonctionnent sur crédits publics et ont simplement pour mission de renseigner et d'accompagner. Je me souviens d'une ALEC où des jeunes en service civique venaient ainsi en soutien des personnels pour réaliser des diagnostics ; mais dès qu'on commence à parler de diagnostic gratuit, cela inquiète les gens. Je crois qu'il existe vraiment une barrière psychologique à la rénovation, on l'a ressenti en discutant avec les chercheurs.

D'un côté, il y a la facture énergétique à payer, de l'autre, le manque de visibilité sur la réduction possible de cette facture ainsi que sur la qualité de confort possible, complément nécessaire. Il faut faire beaucoup de démonstrations pour convaincre et il faudrait sans doute se poser la question du fameux niveau T0, c'est-à-dire de la mesure, du diagnostic à porter sur le bâtiment par un organisme distinct de l'entreprise locale. Il ne faut pas laisser penser au citoyen que lorsqu'une entreprise vient le voir, elle a nécessairement quelque chose à lui vendre ensuite. Si celui qui fait la mesure, prescrit la solution, cela risque d'inquiéter, à juste titre. Je pense que beaucoup de personnes hésitent à aller vers la rénovation tout simplement parce qu'elles n'ont pas cette mesure du T0. Elles ne savent pas où aller chercher de bons conseils et quand elles s'adressent aux ALEC, elles sont confrontées à une grande complexité. Le sénateur Stéphane Piednoir a parfaitement raison sur ce point. Il faudrait clarifier la situation et disposer d'une sorte de service public, ou d'information publique, totalement indépendante des entreprises de rénovation et, surtout, très accessible et pédagogique. Pour ce qui est du BIM, il concerne plus le neuf que la rénovation.

Ce qui est certain, c'est qu'il y a des marges de progression dans ce domaine de la rénovation énergétique. S'il fallait retenir une seule chose, c'est que si l'on veut vraiment diminuer la consommation énergétique des bâtiments, il faut faire porter l'effort non sur la construction - même si on fait des bâtiments neufs extraordinaires, des maisons passives, etc. - mais sur la rénovation. Je crois qu'il faut que nous gardions cette idée en tête, notamment en vue de la discussion du prochain projet de loi de finances ou d'autres projets de loi, tels que le projet ELAN précité, en cours de navette.

En conclusion, il importe surtout de mieux structurer ce domaine, d'essayer d'inciter nos concitoyens à se poser clairement la question de la rénovation énergétique, à ne pas la voir comme une menace, comme une source de dérives possibles des coûts, avec des interlocuteurs qui ne sont pas toujours de confiance. Les citoyens ont besoin d'être rassurés à ce sujet, et pour rassurer, il faut faire des mesures. Ces mesures ne sont pas triviales, tout comme elles ne le sont pas plus pour la qualité de l'air dans une pièce. Si la quantité de CO2 est trop importante, cela ne se voit pas, ne se perçoit pas, tout comme pour l'énergie.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Je suis admiratif de la qualité du travail fourni, visible non seulement au travers de la note en elle-même mais aussi au fil de cet échange de questions et de réponses. J'ai noté que le sénateur Stéphane Piednoir considérait qu'une mention sur la possibilité d'un pilotage ou d'une vision centralisée n'empêchant pas des actions décentralisées pourrait être intéressante. Estimez-vous qu'il y a lieu d'ajouter sur ce point une ou deux phrases dans la note ?

M. Jean-Luc Fugit, député, rapporteur. - Ces remarques qui peuvent enrichir la note sont les bienvenues. Celle-ci sera ainsi le fruit d'un travail collectif. Ce sera très bien ainsi.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Je vous propose de faire confiance à notre collègue Jean-Luc Fugit pour effectuer ces quelques modifications à la marge et de lui donner notre feu vert pour la publication de ce qui fera une très belle sixième note, venant compléter de façon notable notre répertoire des premières notes courtes de l'Office de ce premier semestre.

Le deuxième point de l'ordre du jour concerne l'examen des conclusions de l'Office sur l'audition publique du 31 mai dernier, relative à l'hyper-électrosensibilité. Un projet vous a été communiqué hier après-midi, pour que vous puissiez en prendre connaissance et proposer des compléments ou observations.

Je suis moi-même le rapporteur de ces conclusions, bien que nous ayons été plusieurs à nous succéder au cours des débats. Je vous propose de laisser la présidence de séance à notre vice-présidente, la députée Huguette Tiegna, ce qui me permettra d'intervenir en qualité de rapporteur.

Présidence de Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente de l'Office.

Présentation des conclusions relatives à l'audition publique du 31 mai 2018 sur l'électro-hypersensibilité - Rapporteur : M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office

Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente de l'Office. - Je donne la parole à notre premier vice-président pour la présentation des conclusions de l'audition publique qui s'est tenue le 31 mai dernier sur l'hyper-électrosensibilité.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Le projet de conclusions ayant été transmis hier aux membres de l'Office, je vais le relire uniquement en partie, pour en rappeler les éléments les plus importants.

Tout d'abord, cette audition du 31 mai dernier sur le thème de la prise en compte de l'hypersensibilité électromagnétique ou électro-hypersensibilité s'inscrit pleinement dans l'actualité, du fait de la publication au mois de mars du rapport de l'ANSES, mais aussi de l'existence d'un débat extrêmement vif, avec des éléments de controverse, dont l'intensité n'a fait que croître au cours des dernières années.

Cette audition s'inscrit aussi dans le contexte de divers travaux de notre Office tels que les auditions sur les compteurs communicants, avec des points d'intersection évidents avec cette thématique et des préoccupations d'un nombre croissant de nos concitoyens, et par conséquent, bien évidemment, de certains de nos collègues parlementaires, concernant les effets des champs électromagnétiques sur la santé. Plusieurs rapports de l'Office s'étaient déjà penchés sur ce problème, au travers parfois de la question de la téléphonie mobile, parfois de celle des lignes à haute tension, sans jamais aboutir à des conclusions définitives.

Comme on le verra tout à l'heure, on peut toujours dire aujourd'hui qu'on n'a pas de conclusions définitives. Mais il y a un élément nouveau important : la publication d'un rapport très attendu de l'ANSES, sur cette hypersensibilité. Le travail de l'ANSES a permis, pour la première fois me semble-t-il, de parvenir à un véritable consensus, non sur les causes, non sur les conclusions, mais sur l'état de l'art et sur ce qu'il convient de regarder avec précision, sur les pistes et sur un constat. Ce rapport de l'ANSES, dont tous les intervenants ont souligné la qualité, peut être considéré comme une base solide pour la suite de la réflexion.

L'audition comprenait deux tables rondes, la première consacrée au rapport lui-même, la seconde à la question des valeurs limites en matière d'exposition aux champs électromagnétiques, l'un des aspects de régulation sur lesquels la puissance publique doit agir et influer.

Le rapport de l'ANSES a été publié fin mars 2018, suite à un travail de plus de trois années impliquant une quarantaine d'experts se réunissant régulièrement, puis un grand nombre d'auditions de médecins, de chercheurs, d'associations, l'examen de plus de 500 publications scientifiques, dont 70 ont été versées au dossier, à la suite d'une consultation publique qui a duré de juillet à novembre 2016. C'est donc vraiment un travail de grande ampleur.

La première difficulté, non des moindres, est la définition de l'hypersensibilité électromagnétique, avec plus d'une centaine de symptômes fonctionnels non spécifiques, c'est-à-dire qu'on retrouve dans d'autres pathologies : troubles du sommeil, fatigue, maux de tête, douleurs diverses, etc. Leur nombre et leur intensité sont variables d'une personne affectée à l'autre, ce qui rend l'identification de la population concernée très difficile. Le taux de prévalence, qui revient parfois dans certaines études à l'étranger, est celui de 5 % de la population totale affectée, avec de grandes difficultés pour en définir le périmètre. Naturellement, quand on change la définition, les 5 % peuvent devenir 1 % ou 2 %. Ces 5 % constituent donc une estimation large. Par ailleurs, certaines personnes se déclarent hypersensibles aux champs électromagnétiques basses fréquences, par exemple ceux émis par les lignes à haute tension, alors que, pour d'autres, ce sont des champs radiofréquences ou hautes fréquences, par exemple de téléphonie mobile ou des communications hertziennes.

Autre enseignement majeur, malgré une quarantaine d'études de provocation - dans lesquelles on teste la sensibilité des sujets à des champs électromagnétiques qui sont activés ou pas, sans que les intéressés le sachent - menées spécifiquement à cette fin sur les dix dernières années, il n'existe toujours pas de preuve expérimentale solide permettant ni d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes, ni de l'exclure.

Un clair effet nocebo est mis en évidence par une quinzaine d'études, cet effet correspondant au fait que, si vous pensez être sujet à ce qui provoque la pathologie, vous allez la ressentir. Le ressenti va être réel et se traduira par une certaine souffrance. Cependant, même si une partie de celle-ci peut s'expliquer par l'effet nocebo, il n'est, en l'état actuel, pas possible de dire que c'en est la composante essentielle. L'ensemble de la pathologie et les études ne permettent pas d'affirmer que l'effet nocebo en lui-même en est à l'origine. Les causes de l'apparition des symptômes restent inconnues. Malgré les tentatives pour définir des critères de diagnostic, l'auto-déclaration constitue la seule possibilité, en tout cas l'un des éléments indispensables, pour identifier une hypersensibilité électromagnétique.

Pour autant, l'ANSES souligne, et c'est un point qui a été salué par les associations présentes à l'audition, que les symptômes et les souffrances des électro-hypersensibles sont réels et nécessitent une prise en charge adaptée. L'hyper-électrosensibilité induit fréquemment des changements importants dans les modes de vie, parfois un isolement social. L'ANSES a formulé une série de recommandations relatives à une meilleure prise en charge des personnes affectées et aux recherches complémentaires. L'ensemble des participants ont salué ces recommandations.

La Direction générale de la santé (DGS) s'est rapidement saisie des recommandations de l'ANSES, par exemple sur la formation et l'information des médecins, l'élaboration de bonnes pratiques, en lien avec la Haute autorité de santé (HAS), que nous avons en revanche ressentie, au cours de l'audition, peu enthousiaste à se saisir de façon énergique du sujet. Sur la question des prestations liées au handicap, la Direction générale de la santé s'est aussi rapprochée de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

L'ANSES a aussi travaillé sur le volet clinique et la question des causes possibles, avec un groupe de travail qui a systématiquement recensé toutes les causes envisageables et a montré qu'aucune d'entre elles n'était pleinement satisfaisante et convaincante. L'ANSES s'est, par ailleurs, intéressée à la question de la prise en charge.

Du fait de l'implication du ministère, un nouveau point sur l'avancement de ces sujets pourra être fait avant la fin 2018, à l'occasion de la remise du rapport du Gouvernement au Parlement sur l'hypersensibilité électromagnétique, rapport prévu à l'article 8 de la loi du 9 février 2015, dite loi Abeille.

Pour la partie recherche, la situation apparaît plus confuse, malgré des pistes prometteuses. Il existe, depuis quelques années, une source de financement particulière récurrente pour les recherches sur l'électro-hypersensibilité : la contribution additionnelle à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, dite IFER, qui porte sur les antennes relais des opérateurs de téléphonie mobile. Depuis 2011, cette contribution a permis de financer 45 projets, pour un écosystème de 133 équipes de recherche et un total de 9 millions d'euros.

À cet égard, il faut souligner que, d'une part, la remise en cause de cette contribution constituerait un très mauvais signal pour la recherche, ce mode de financement permettant de garantir son indépendance, et que d'autre part, on est frappé par le décalage entre l'importance des moyens mobilisés dans le passé et la minceur des résultats apparemment obtenus. Avant de se lancer dans une bataille pour la pérennisation des moyens de la recherche, il est important de vérifier que celle-ci part sur des bases plus prometteuses pour l'avenir et de comprendre ce qui a pu pêcher dans les protocoles précédents. Ce sera notre deuxième conclusion majeure : avant de continuer la recherche, il faut faire un bilan et se demander comment repartir d'un meilleur pied.

Au cours de la table ronde, une intervention particulièrement constructive et intéressante a été faite par M. Yves Lévy, président-directeur général de l'INSERM et président de l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVISAN). Il a ainsi proposé des éléments de méthodologie alternative et a évoqué le fait que les études réalisées jusqu'à présent étaient incomplètes, soit parce qu'au niveau du protocole toutes les possibilités n'étaient pas bien envisagées, soit parce que la puissance statistique n'était pas au rendez-vous.

En particulier, le président Lévy a insisté sur l'importance de travailler sur des cohortes, pas seulement sur la situation des personnes recensées actuellement mais sur le suivi dans le temps, et d'arriver à une meilleure identification du moment où les personnes se déclarent hypersensibles et de ce qui fait que des personnes qui, à un moment de leur vie, disent n'avoir aucun problème de ce type, se déclarent à un autre moment hypersensibles. Il faut donc un suivi sur la durée, avec une étude de type épidémiologique, plutôt que juste une étude des symptômes.

Les associations présentes à l'audition ont toutes salué la qualité du rapport de l'ANSES, la pertinence des recommandations et, c'est important, ont souligné leur souhait de participer à leur mise en oeuvre. On sait bien que cette participation va être essentielle, aussi bien sur les questions réglementaires que sur les questions de recherche. Plus on associe les patients ou les associations de patients au protocole, et plus on a de chance, d'une part, d'être pertinent dans les conclusions, d'autre part, d'avoir une adhésion à ces conclusions. Les associations approuvent l'approfondissement des recherches et appellent à une intensification des échanges entre chercheurs et associations. Elles s'accordent aussi sur la priorité à donner, d'une part, à la prise en charge, d'autre part, à la prévention.

Pour la prévention, les associations continuent d'insister sur une réduction de l'exposition de la population aux champs électromagnétiques, alors que le déploiement de technologies telles que la téléphonie mobile 5G ou les objets connectés les conduisent à anticiper son accroissement dans les années à venir. Cependant il faut nuancer cette appréhension. Ainsi, les résultats du programme de recherche européen Lexnet, lancé en 2012, qui se fixait comme cible une réduction d'au moins 50 % de l'exposition du public aux champs électromagnétiques, permettent de constater que les évolutions technologiques, même quand elles visent de meilleures performances, ne sont pas nécessairement un facteur d'aggravation de l'exposition des populations. En clair, avec une utilisation plus efficace, on peut obtenir une qualité équivalente ou supérieure, avec une exposition moindre. Un téléphone mobile émet cinquante fois moins en technologie UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) qu'en GSM (Global System for Mobile Communications). La voix sur IP (Internet protocol) devrait encore réduire la puissance émise d'un facteur dix. Il en va de même pour la densification des réseaux, qui n'induit pas forcément une exposition plus grande, pour peu qu'elle permette des communications plus ciblées. Tous ces éléments sont importants dans la stratégie de téléphonie mobile 5G.

Comme ces progrès potentiels, allant dans le sens de la diminution de l'exposition, s'accompagnent d'un accroissement du nombre et de la durée des usages individuels, il n'est pas clair, à cette heure, dans quel sens évoluera l'exposition globale du public. Mais cela fait partie de l'ensemble de la réflexion.

Les mesures réalisées par l'Agence nationale des fréquences (ANFR), en charge du contrôle de l'exposition due aux installations radioélectriques, confirment que l'arrivée de nouvelles technologies de téléphonie plus efficaces s'accompagnerait plutôt d'une baisse que d'une hausse de l'exposition. En effet, elles utilisent moins de puissance, mais un plus ou moins grand nombre de bandes de fréquence suivant les besoins. Cette fluctuation des émissions rend la mesure plus délicate mais, globalement, l'exposition moyenne baisserait, même si, localement, elle pourrait augmenter. Évidemment, si l'on va vers plus d'hétérogénéité, cela rendra d'autant plus délicat le suivi de l'exposition réelle de la population, peut-être la discussion sur les normes et la façon de mesurer les expositions : en moyenne, en maximum, etc.

D'autres technologies, telles que le Wifi et les objets connectés, ne connaissent pas, pour l'instant, les mêmes évolutions. Certaines sont déjà commercialisées, d'autres sont en préparation. Certaines technologies sont à la fois prometteuses technologiquement et irréprochables du point de vue de l'exposition électromagnétique. On pense en particulier à la technologie de communication sans fil basée sur les LED, dite Lifi, dont le déploiement pourrait permettre de limiter l'exposition ou l'accroissement de l'exposition du public aux champs électromagnétiques. Nous avions invité son inventeur pour parler de cette technologie, qui représente un exemple parmi d'autres, mais un exemple intéressant dans lequel on allie les exigences de progrès et d'efficacité avec une sobriété dans l'usage des champs électromagnétiques.

Indépendamment de ces questions d'évolutions technologiques, dont certaines sont difficiles à prévoir, il y a toujours la brûlante question de la limitation des valeurs normatives des champs. À l'international, la plupart des pays appuient leur réglementation sur les limites d'exposition uniquement indicatives de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP, ou International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection). Les conditions d'élaboration de ces limites ne semblent pas en cause. Un représentant de l'ICNIRP étant intervenu en visioconférence, on a bien vu, d'une part, que l'ICNIRP était extrêmement sûre de sa méthodologie, avec des moyens de calcul transparents et les dispositions nécessaires, d'autre part, que comme l'ICNIRP se fonde uniquement sur les effets étayés par la science de façon indubitable, en pratique, les seuls effets limitant pris en compte étaient les effets thermiques. De ce fait, nous avons un peu assisté à un dialogue de sourds, d'ailleurs intéressant, avec, d'un côté, les associations, affirmant que seuls les effets thermiques étaient pris en compte, de l'autre côté, le représentant de l'ICNIRP, répondant que tous les effets étaient pris en compte. Mais quand on va au fond des choses, on voit que, comme l'ICNIRP reconnaît certains effets, dont les plus limitants sont les effets thermiques, cela revient exactement au même que si elle ne prenait en compte que ces derniers. Quant aux autres effets évoqués par les associations, l'ICNIRP considère qu'ils font partie de ce qui n'est pas encore étayé par la science, donc n'en tient simplement pas compte.

Comme cela a été relevé par l'ANSES lors de l'audition, se pose la question de la transposition au champ réglementaire de ces valeurs limites définies par les données de la science dans le domaine de la santé, de la sensation et de la perception. Si la question de la révision de la réglementation - le décret date de 2002 - venait à se poser, le débat comporterait de multiples dimensions sur ce qu'il convient de prendre en compte : les données de la science, le niveau de certitude, l'implication de la société, etc.

Une démarche éventuellement complémentaire a été mentionnée à plusieurs reprises lors de l'audition, en premier lieu par le président Gérard Longuet. Elle concerne l'application du principe de sobriété introduit par la loi Abeille, proche du principe dit ALARA ou « As Low As Reasonably Achievable » ou « Aussi bas que raisonnablement possible », avec des débats sur le sens de l'adverbe « raisonnablement ».

Dans certains cas, il s'agit de faire preuve de bon sens et d'utiliser le niveau de puissance requis pour atteindre l'objectif visé. Évidemment, le niveau de puissance du signal Wifi d'une borne Internet ne devrait pas être le même dans un appartement de petite taille ou dans une grande maison, et dans la plupart des cas, le signal pourrait-être éteint, ou pas, en fonction des besoins. On voit qu'il n'y a pas seulement la question du pouvoir réglementaire en jeu mais aussi, bien sûr, celle des usages des consommateurs, qui ouvrent un débat délicat.

Celui-ci, comme je vous le disais en introduction, vient en résonance avec les discussions, nombreuses et passionnées, qu'on a pu avoir sur la question du compteur Linky. Il ne fait pas de doute que nous aurons encore l'occasion de revenir sur ces questions dans les années qui viennent.

Je résume, encore une fois, les enseignements majeurs de cette audition : premièrement, le rapport de l'ANSES constitue une base sur laquelle tout le monde s'accorde pour la suite, deuxièmement, nous avons vu que sur les protocoles de recherche, il y a encore des choses à faire, et que des acteurs comme l'INSERM sont partants pour reconstruire une méthodologie, en lien avec les associations, qui soit aussi pertinente et potentiellement conclusive que possible.

M. Jean-François Eliaou, député. - Je rends hommage à ce rapport, sur une question qui est extrêmement délicate, parce que, sur les plans médical et clinique, elle est complexe et indéfinie. Elle pose en effet le problème du tableau syndromique, c'est-à-dire de la définition des différents symptômes constituant un syndrome - pas une maladie mais un syndrome - c'est-à-dire de la base clinique, sémiologique, sur laquelle on peut s'appuyer pour essayer de distinguer ceux qui sont atteints de ceux qui ne le sont pas. C'est là la véritable question, parce que lorsque l'on fait, comme l'a dit Cédric Villani, des études de cohorte ou de suivi, même si ce n'est pas le cas actuellement, on est obligé de définir deux groupes d'individus : ceux qui présentent ce tableau syndromique et ceux qui ne le présentent pas. C'est assez simple, c'est l'enfance de l'art si je puis dire, mais souvent très compliqué en médecine. C'est encore plus compliqué ici, parce qu'encore une fois, la définition des symptômes, c'est-à-dire le tableau syndromique, est extrêmement complexe à mettre en évidence. C'est ce qu'a d'ailleurs rappelé M. Yves Lévy quand il était venu à cette audition à laquelle j'ai assisté. Bien entendu, les études de cohorte devraient prendre en compte ce tableau syndromique, ou en tout cas les symptômes retrouvés majoritairement dans les études de la littérature.

Mais il faudrait également, c'est un point sur lequel notre collègue Cédric Villani a insisté, une cartographie des puissances électromagnétiques, parce qu'évidemment, on peut s'attendre à ce que le tableau syndromique soit différent en fonction des régions géographiques et de l'intensité des rayonnements non ionisants. C'est un premier point.

Un deuxième point concerne une question, posée à M. Yves Lévy, mais dont je ne me rappelle pas la réponse. Lorsque l'on veut faire une étude scientifique approfondie, on a, à côté du suivi des individus, deux autres moyens : le premier, ce sont les études in vitro, le deuxième, les modèles animaux. Donc, quid des projets de recherche montrant un effet ou une absence d'effet sur les modèles in vitro, sur les cellules ou les neurones ? Je ne sais pas du tout si cela a été fait ou non, si cela reste à faire, si l'on n'a rien trouvé, si c'est possible. Et, deuxièmement, pour les modèles animaux, est ce que, par exemple, il en existe de fiables ? Un modèle animal, ce peut être une souris que l'on soumet à une stimulation électromagnétique pour examiner quelles sont les conséquences cliniques, électro-encéphalographiques ou autres.

Une dernière chose qui me semble importante : bien entendu, si l'on trouve quelque chose, ce sera l'assaut des demandes de dédommagements, avec des conséquences financières considérables pour les opérateurs. Donc, il faut être sûr mais, ça, c'est le côté paranoïaque du chercheur, que la recherche - je crois que notre collègue Cédric Villani l'a dit, mais j'insiste sur ce point - soit véritablement totalement indépendante et non pas liée à des intérêts.

Je veux juste mentionner une petite anecdote : depuis hier ou avant-hier, dans des journaux scientifiques, on signale que le port de la cravate entraînerait une baisse de 7 % du flux sanguin cérébral. Est-ce que cela a des conséquences sur nous ? Sur les hommes, il y a vraisemblablement des conséquences. Si, effectivement, il y avait des conséquences cérébrales du port de la cravate, les députés et les sénateurs pourraient se retourner contre l'Assemblée nationale ou le Sénat, pour dire qu'ils supportent des conséquences liées à l'obligation, ou la quasi-obligation, du port de la cravate, en tout cas dans l'hémicycle. C'est une anecdote, mais je crois qu'il est important d'insister sur le fait que si des recherches sont menées, il faut que celles-ci soient totalement indépendantes, dans des organismes, je dirais d'État, pour ce qui concerne la France, sinon, on risque une mauvaise interprétation et nos concitoyens pourraient juger que les résultats des études ne sont pas forcément en phase avec la réalité.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Sur la question de la cartographie, l'ANFR dispose effectivement déjà d'un ensemble de mesures assez complet, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers, sur le territoire. Bien entendu se pose ensuite la question de leur granularité, au fur et à mesure de l'évolution des technologies, de leur échelle, etc. Nous nous trouvons dans une situation intermédiaire, entre une méconnaissance complète et une connaissance parfaitement fiable.

Sur la question des expériences, des modèles in vitro, ce point a été abordé. Quelques expériences de ce type ont été réalisées. Elles demandent à être revisitées. L'une des difficultés concerne l'impossibilité de reproduire exactement les conditions d'un phénomène intermittent.

Sur la question des cravates, Il me semblait bien qu'au fur et à mesure que l'année avançait, nos collègues insoumis, qui n'en portent pas sont de plus en plus énergiques et pleins de vitalité !

Mme Valéria Faure-Muntian, députée. - Je n'ai malheureusement pas pu assister à ces auditions. En tout cas, le travail effectué est considérable et extrêmement intéressant. Je rejoins notre collègue qui dit qu'il faut avoir une extrême vigilance sur les conclusions et ne pas, surtout pour un sujet sensible, être radical. L'Office garde dans son travail une certaine indépendance, car rattaché aux deux chambres du Parlement et de par son caractère transpartisan. Nous ne sommes pas non plus liés à une commission plutôt qu'à une autre. En tout cas, j'ai le sentiment que nous subissons moins de lobbying qu'une commission classique.

Je ne peux pas m'empêcher, mais c'est peut-être mon côté rationnel, de me poser la question de la dimension psychologique, en lien avec les dimensions physiques. Je ne nie pas que la souffrance soit réelle, cela a été prouvé. Est-ce que, comme pour d'autres syndromes, nous ne serions pas à cheval entre les deux, ce qui engendre forcément des difficultés, en termes de recherche ?

Par ailleurs, je voudrais faire une incise sur les zones blanches. Ce mot est utilisé de manière négative pour désigner des zones non couvertes. Est-ce que donner l'occasion à des gens d'y séjourner pour avoir la paix, un peu comme lorsqu'on va en cure, ne pourrait pas constituer l'une des solutions ? Est-ce que ces périodes où ces personnes seraient mises à l'écart ne pourraient pas être bénéfiques, à leur retour chez elles ? Leur niveau de tolérance ne va-t-il pas devenir plus grand, en alternant ces périodes où elles peuvent être éloignées suffisamment pour reposer leur corps et leur esprit, avec leur vie normale, là où elles ont leur habitation, leur famille, où elles ont besoin d'être présentes?

M. Jean-François Eliaou, député. - C'est une idée extrêmement intéressante. Un moyen d'étude clinique consiste justement à essayer de mettre les personnes à l'abri du stimulus qui a déclenché la pathologie ou le tableau syndromique. Effectivement, si ces personnes sont mises à l'abri dans une zone blanche, on peut s'attendre à une diminution de leur symptomatologie. Mais j'ignore s'il a été observé que des personnes ayant un tableau syndromique pouvant faire penser à une hypersensibilité voient diminuer leur symptomatologie quand elles sont mises dans une autre situation.

L'absence de ce type d'observation ne constituerait pas forcément un bon signe pour dire que le syndrome d'hypersensibilité existe mais n'impliquerait pas non plus qu'il n'existe pas. Cela signifierait qu'il existe une chronicisation de la pathologie ou du syndrome, une fois celui-ci déclenché, mais sans régression. S'il n'y a pas de régression, ce n'est pas la peine de mettre les personnes à l'abri parce que, de toute façon, leur symptomatologie ne diminuera pas.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Des études montrent que le facteur psychologique joue chez les patients pour lesquels le syndrome a été déclaré, même si ce n'est pas un syndrome au sens habituel du terme. Évidemment, il semble naturel qu'il y ait une part psychologique. Si vous êtes réellement sensible, au sens physique, à un certain environnement indécelable de façon objective et qu'on vous dit que vous y êtes exposé, il est très clair que vous allez ressentir de la nervosité, de l'angoisse, ou que l'aggravation des symptômes sera imaginée et ressentie par la suite. C'est pour cela que, dans les études, les suivis de cohortes, il va être important de comparer les différentes situations à divers moments. Ce sera d'autant plus complexe qu'on n'a pas de définition claire de la séparation entre les deux.

Pour ce qui est de l'isolement, en tout cas de de la zone protégée, le rapport de l'ANSES n'exclut pas du tout cette évolution, en disant qu'il faut veiller, avant de se précipiter dans cette voie, à vérifier que ce dispositif va être utile et répondre à la question posée. Là encore, les questions psychologiques peuvent aussi jouer. Le simple fait de se sentir dans une situation protégée peut aider certains, mais si l'on vous dit que vous êtes dans une situation protégée et que vous ne constatez pas d'amélioration, vous pouvez alors développer un sentiment de panique. Il est tout à fait possible qu'on évolue par la suite vers des situations dans lesquelles on réserve, par exemple, un wagon préférentiel dans des rames de métro ou des salles dans certains bâtiments.

Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente de l'Office. - Si vous n'avez pas d'autre question, je vous propose de valider ces conclusions sur l'hypersensibilité électromagnétique.

La publication du rapport d'information présentant les conclusions de l'audition publique sur l'hypersensibilité électromagnétique est autorisée.

Examen d'une note courte sur le transport à hypergrande vitesse (hyperloop) - Rapporteur : M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Il existe depuis fort longtemps des projets de trains à hypergrande vitesse, en particulier à sustentation magnétique, avec des projets français, allemands, suisses ou japonais. Certains ont été abandonnées pour des raisons techniques ou économiques, d'autres sont en cours de construction. Le Transrapid Maglev chinois, en particulier, qui est en activité commerciale sur une courte distance, permet des vitesses de l'ordre de 600 km/h en pointe et 300 à 450 km/h en exploitation.

Il se pourrait que la cartographie des transports à vitesse rapide soit radicalement transformée par l'arrivée des transports à hypergrande vitesse sous vide, auquel correspond l'acronyme THV, sous la dénomination commerciale Hyperloop.

Dès le XIXe siècle se sont développées des idées de transport dans des tubes sous une atmosphère raréfiée, mais cela a été remis au goût du jour de façon spectaculaire par le célèbre et très médiatique entrepreneur Elon Musk en 2013, dans un livre blanc dans lequel il présentait un projet de liaison très rapide entre Los Angeles et San Francisco, avec une promesse de transport à plus de 1 000 km/h, mais aussi avec un coût qui aurait été beaucoup plus faible que celui d'une ligne de train à grande vitesse sur le même trajet.

Compte tenu de la personnalité d'Elon Musk, le débat a alors été vigoureusement relancé, sur la comparaison avec les TGV et avec les lignes aériennes court et moyen-courriers : devons-nous anticiper une révolution des transports, qui aurait des incidences sur nos habitudes mais aussi sur l'aménagement du territoire à l'échelle, par exemple, des plus grands pays européens, voire d'un continent entier ?

A contrario, de fortes réserves ont été émises par certains acteurs techniques, aussi bien des experts individuels que des institutions ou des entreprises parties prenantes, par rapport aux prédictions d'Elon Musk. Certains ont même pu parler de « chimères » : il nous a donc semblé intéressant de nous saisir de ce dossier et d'arriver à identifier ce qu'il peut être important de porter à la connaissance des pouvoirs publics en la matière, en ce qui concerne l'investissement, la recherche, la préparation économique, l'anticipation, etc. Imaginez, par exemple, que l'on puisse disposer dans quelque temps d'une ligne hyperrapide entre Paris et Berlin, à la vitesse de l'avion et pour un coût écologique et une simplicité d'usage qui seraient ceux du train...

Pour évaluer ce dossier, nous avons fait appel à divers experts et organismes, dont la liste est donnée dans la feuille additionnelle aux quatre pages de la note. Ces experts étaient issus du domaine de la physique, de l'économie des transports, d'autres encore plus impliqués dans le développement économique des projets ; nous avons également fait un travail avec l'Académie des technologies, ainsi qu'avec le service pour la science et la technologie et le service économique régional de l'ambassade de France aux États-Unis. Cela a révélé des appréciations parfois très différentes et nous avons ainsi pu construire un dialogue entre les questionnements de l'Académie des technologies et certains tenants des projets en cours. Nous n'avons pas été en mesure de tout analyser, notamment en raison de limites de confidentialité, de concurrence et de protection de la propriété intellectuelle, mais avons pu constater que ce qui permettrait de faire la différence entre les projets en lice faisait, aujourd'hui, l'objet d'un véritable secret économique.

Elon Musk ne participe lui-même à aucun de la demi-douzaine de projets sérieux qui sont actuellement en cours de développement : le plus important, en termes de déploiement de capitaux, est le projet porté par Virgin Hyperloop One, entreprise basée en Californie et qui a réussi à mobiliser presque 300 millions de dollars, avec l'entrée spectaculaire récente à son capital d'un autre homme d'affaires extrêmement médiatique, Richard Branson. Il est intéressant de noter que, parmi d'autres acteurs, la SNCF a investi dedans.

Un autre grand projet s'est développé, basé en Californie, dénommé Hyperloop Transportation Technologies : c'est le projet le plus ancien, il a démarré avec le livre blanc d'Elon Musk et fonctionne selon un modèle très original de production participative, ou crowdsourcing, qui est un peu au développement technologique ce que le modèle du logiciel ouvert ou libre est au développement logiciel en général. Beaucoup des participants à ce projet sont rémunérés non pas en salaires mais en prise de participation dans les bénéfices futurs de l'entreprise, avec une communauté de chercheurs et d'ingénieurs dans le monde entier qui participent à ce projet avec des responsables du développement économique et du développement scientifique du projet. Si le projet est basé en Californie, ses forces vives sont, pour une large part, en Europe pour ce qui concerne le développement scientifique et l'innovation ; en particulier, un important centre se situant à Toulouse, nous avons pu échanger longuement, avec l'appui du secrétariat de l'Office, avec le responsable scientifique du projet, qui est espagnol. Pour le projet canadien Transpod, sensiblement plus petit en termes de levées de fonds, nous avons pu obtenir des informations par le Français Sébastien Gendron, cofondateur ; ce projet bénéficie d'un apport de capitaux italiens, notamment, mais aussi provenant d'autres pays européens : Pays-Bas, Espagne, Pologne, etc.

Les autres projets sont de taille plus petite mais reposent, eux aussi, sur les mêmes grands fondamentaux : deux tubes parallèles sous vide posés sur des pylônes. Les deux tubes sont nécessaires pour permettre des liaisons dans les deux sens. Le transport se ferait dans des capsules pressurisées qui, dans les projets actuels, sont prévues pour 20 à 40 passagers, ou pour des marchandises.

Les projets initiaux avec coussin d'air se sont avérés trop complexes à mettre en oeuvre, et c'est vraiment sur la sustentation magnétique, certes avec des variantes, que se sont orientés tous les acteurs, avec une propulsion par moteurs linéaires à impulsion. Il faut s'imaginer que, peut-être à chaque minute aurait lieu un démarrage de capsules, allant toutes à la même vitesse, avec un système d'aiguillage dans les gares au départ et à l'arrivée, qui peut être assez complexe pour réaliser les embranchements.

Les défis sont considérables : on l'a vu aussi à l'importance des remarques que l'Académie des technologies a pu émettre sur le Livre blanc d'Elon Musk, soulevant de nombreux problèmes : nous avons cependant pu acquérir la conviction, en discutant avec les entreprises, que ces défis technologiques étaient en passe d'être résolus pour certains, déjà résolus pour d'autres, notamment la dissipation de l'énergie en cas de freinage brutal ou les perturbations à l'approche de la vitesse du son, la définition des trajectoires, la stabilisation de la capsule, les bons alliages de métal pour construire les tubes en tenant compte de la dilatation thermique, la bonne gestion du vide à l'intérieur du tube, la réalisation d'infrastructures antisismiques et les questions de sécurité et de sûreté, etc.

Il y a des avantages écologiques indéniables à ce nouveau mode de transport : faible consommation d'énergie, voire autosuffisance éventuelle par pose de panneaux solaires sur la surface disponible ; faibles émissions de CO2, sous réserve de la nature de la source à partir de laquelle l'électricité est produite ; niveau sonore attendu très limité ; décongestion possible des routes et autoroutes ; absorption d'une partie du trafic aérien, etc.

Cependant, il a fallu « mettre de l'eau dans le vin » initial, par rapport au projet d'Elon Musk, pour ce qui est de la vitesse : nous serions en effet plutôt autour de 600 km/h, que de 1 000 ou a fortiori plus.

Pour ce qui est du coût de construction, plus personne n'imagine qu'il se limiterait à 10 % de celui d'une ligne à grande vitesse, mais plutôt aux alentours de 60 à 100 %.

S'agissant de la géographie des trajets, elle dépendra beaucoup du relief des terrains à traverser : c'est précisément ce qui va parfois limiter la vitesse.

Néanmoins, il demeure que, même si on prend en compte toutes les incertitudes, de grandes promesses sont encore sur la table.

Des incertitudes difficiles à démêler en termes économiques pèsent également sur le montant des billets : sera-t-il effectivement aussi bas que ce qui a été promis ? Cela dépendra d'un grand nombre de facteurs, qui ont été analysés en détail par les opérateurs, mais pour lesquels il est impossible de se faire un avis étayé aujourd'hui à notre niveau, car les données ne sont pas accessibles. Il faut tenir compte de la possible sous-évaluation des coûts d'exploitation, du rythme d'usure', du débit maximal compatible avec l'ensemble des contraintes, de comment cela contribuera à alléger d'autres modes 'de transport, étant entendu que l'hyperloop exigera une interconnexion avec d'autres modes de transport, la gamme de distances privilégiées par les opérateurs étant de l'ordre de 500 à 1 000 km. L'interconnexion posera d'autres questions telles que celle de savoir où aménager les gares à interconnecter, ce qui demandera encore beaucoup de travail au stade du développement.

L'ensemble des défis technologiques pèsent sur la rentabilité économique, avec une concurrence vive vis-à-vis des investisseurs. On constate, à cet égard, une grande vigueur des pilotes des projets en lice pour susciter de premières commandes et, aussi, naturellement, construire des démonstrateurs.

Les entreprises ont des calendriers variables en termes de réalisation : certaines annoncent des mises en service de ligne dès 2020, d'autres évoquent plutôt l'horizon 2025, voire 2030. Des démonstrateurs sont en cours de construction en France, avec un démonstrateur près de Toulouse, et un autre près de Limoges : cela peut être décisif. Une première ligne qui pourrait être annoncé dans les Émirats arabes unis avec, en ligne de mire, la perspective d'une démonstration à l'Exposition universelle qui arrive bientôt.

Face à tout cela, il faut demeurer prudents, faire preuve d'abord de bon sens, regarder attentivement ce qui se passera dans les toutes prochaines années, mais avec une grande incertitude pour l'instant.

Comment la France et l'Europe peuvent-elles se positionner sur ce sujet ? Notre pays est fier d'être pionnier dans le domaine des transports, et notamment pour les lignes à grande vitesse : il importe de demeurer actifs dans la recherche et développement.

Tant l'implantation toulousaine, même émanant d'un projet californien, que le développement en France du projet canadien Transpod nous incitent à suivre ce dossier de près, à rester au plus près du savoir-faire et à investir, avec prudence.

Il est également opportun de réfléchir à une évolution du cadre réglementaire européen pour s'adapter à ce nouveau mode de transport à haute vitesse, pour anticiper l'analyse de risques et les exigences de certification : l'Europe est forte en matière de normes de réglementation et de certification et ce sera important aussi, si l'exploitation commerciale se développe dans le futur, d'être prêts, pour profiter des opportunités de développement en Europe comme sur d'autres continents.

L'analyse que je viens de vous présenter me semble en conclusion, pour l'Office, une première manière d'alimenter les travaux préparatoires au futur projet de loi d'orientation sur les mobilités, de se positionner avant les débats budgétaires qui auront lieu en la matière. En tout état de cause, ce projet a été aussi une manière de « réveiller » certains de nos acteurs et de défendre l'expertise de notre pays sur le sujet.

Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente de l'Office. - Merci pour cette excellente note. Les assises de la mobilité se sont tenues l'an dernier. Il faut réfléchir aujourd'hui aux mobilités du futur : quels transports aurons-nous d'ici 2040 ? Nous avons la perspective d'arrêter les moteurs thermiques et de mettre l'accent sur les énergies renouvelables. La note qui nous a été présentée apporte beaucoup d'informations sur cette nouvelle technologie. Les enjeux à court terme pour nous sont notamment relatifs aux réglementations française et européenne. Un autre sujet, dont on ne maîtrise pas la portée aujourd'hui, concerne le consommateur ou l'utilisateur de cette technologie. Avez-vous une idée des comportements humains dans l'utilisation de cette technologie à haute vitesse ? Nous sommes habitués à l'avion, certains, qui ont eu de la chance, ont pu voyager dans des vaisseaux spatiaux. Ce nouveau moyen de transport terrestre va relier très vite de grandes villes. À quelle vitesse maximum pourra-t-on aller sans perturber l'humain ?

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Beaucoup de facteurs peuvent être impactants. Il y a d'abord le ressenti par rapport à la vitesse. Dans les phases d'accélération et de décélération normales, qui sont clés, nous avons des limitations importantes, de l'ordre de 0,1 g à 0,3 g, donc très en-dessous des possibilités physiques. Les capsules aveugles circulant à grande vitesse auront-elles un impact sur le confort, avec une possible claustrophobie ? Dans un avion, les paysages sont visibles par les hublots. Certaines entreprises envisagent très sérieusement de projeter le paysage externe sur des écrans en réalité virtuelle reconstituée, sous forme de hublots virtuels.

Un autre élément d'appréciation serait le coût du billet. Sa détermination sera très complexe, elle dépendra de la concurrence des autres modes de transport, de l'ensemble des coûts de construction, une partie des coûts d'investissement et d'opération étant reportée sur le billet. Cela déterminera aussi le segment de voyageurs concernés. Si on s'achemine vers un transport de haut de gamme destiné à une clientèle de luxe, ce nouveau mode de transport pourra connaître le même sort que le Concorde, avion très efficace mais qui s'est arrêté, notamment faute de marché. Si le billet est bon marché, il pourra au contraire être attractif. Cela dépendra aussi de la discussion mondiale sur le prix de la tonne de carbone. Selon le devenir du marché du carbone, l'avion sera plus ou moins compétitif à l'avenir.

M. Bruno Sido, sénateur. - Autant en 2013, je trouvais cela sympathique de proposer pour dix fois moins cher de voyager quatre fois plus vite qu'un TGV, autant aujourd'hui où l'on propose seulement 50 % plus rapide pour des coûts similaires, cela semble moins intéressant...

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - C'est là que le débat s'est déplacé. Pour faire simple, certaines entreprises disent que l'ordre de grandeur des coûts de construction sera le même que ceux d'un TGV, mais toutes disent que les coûts d'exploitation seront nettement moindres. Les raisons majeures sont que l'usure mécanique et les dépenses énergétiques seront plus faibles, parce qu'il y a moins de frottements dans le vide et sans rail. Cela pose indirectement la question de la rentabilité des LGV. En France, à l'exception de la ligne Lyon-Paris, les LGV ne sont pas rentables. Le retour sur investissement des LGV prend 50, voire 100 ans, alors que, selon ses concepteurs, celui du THV prendrait de l'ordre d'une dizaine d'années, grâce à des coûts d'exploitation faibles. On voit que le débat s'est paradoxalement déplacé du champ technologique au champ économique.

M. Jean-François Eliaou, député. - L'auteur de la note a rappelé, à juste titre, que les principes de cette technologie sont en réalité anciens. C'est ainsi qu'il y a plus de 20 ans, lors de la construction de l'hôpital de Montpellier, on avait mis en place ce qu'on appelait le « tube », c'est-à-dire des sortes de canettes se déplaçant sous vide et dans lesquelles on mettait les objets à transporter, comme des tubes de sang. Il existait l'équivalent aux Galeries Lafayette. Le problème est qu'on a arrêté à l'hôpital de Montpellier parce que les tubes arrivaient fracassés et que le sang se répandait par terre... Cette installation avait pourtant nécessité des infrastructures coûteuses.

Plus sérieusement, quid de la pollution visuelle 'de ce moyen de transport ? Il y aura des pylônes qui traverseront le paysage, a priori sans coude, avec des virages très allongés, et il faudra procéder à des expropriations pour pouvoir poser ces pylônes. À propos de la perspective de l'exposition universelle des Émirats arabes unis, je me souviens qu'à l'exposition universelle de Lausanne en 1964, lorsque j'étais jeune enfant, un démonstrateur de monorail sur coussin d'air constituait le clou du spectacle. Par un retour de l'histoire, ce serait amusant qu'il y ait un démonstrateur à l'exposition universelle de 2020 aux Émirats arabes unis...

Enfin, quid du rôle des régions françaises qui veulent s'approprier ces sujets ? Nous avons pu lire une note de la présidente de la région Occitanie, qui montre la volonté des régions de travailler avec l'État, dans une prise en charge plus spécifique des transports de demain. Sur ces distances relativement courtes, allant de 500 km à 1 000 km - ce qui peut être infrarégional - les régions ne seraient-elles pas des interlocuteurs pertinents, en particulier pour savoir si elles souhaitent investir aussi dans cette technologie du futur ?

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Sur la question de la pollution visuelle, nous sommes dans un domaine subjectif où les goûts peuvent changer. On sait tous, les uns et les autres, quand on voit des réalisations architecturales des années 1970, dont certaines liées aux moyens de transport, que, quelquefois, on ne comprend plus comment cela a été possible en son temps. Les déploiements que nous évoquons pouvant se dérouler sur de longues périodes, il se peut que les goûts évoluent d'ici la mise en l'oeuvre. En outre, l'acceptabilité ne sera pas la même aux Émirats arabes unis, en Europe ou en Amérique : dans le désert, il y aura beaucoup moins de problèmes... C'est cependant une vraie question, que l'on retrouve, par exemple, avec les aménagements du Grand Paris Express, avec ponts, viaducs ou souterrains. Les ingénieurs des Ponts considèrent qu'un pont, c'est un bel ouvrage d'art, quand les agriculteurs expliquent qu'ils n'accepteront jamais un tel passage dans leurs champs. La sensibilité publique devra s'exprimer autant que les considérations technologiques et économiques.

Sur l'exposition universelle, les fondamentaux technologiques sont en effet déjà anciens. Un certain nombre d'innovations récentes se sont rajoutées et, à la fin, nous nous trouvons face à une problématique d'intégration technologique et économique. Même si les différents éléments étaient « dans l'air » depuis longtemps, le fait de les présenter ensemble est une autre affaire. Les progrès rapides et les innovations des cinq dernières années nous ont frappés au fil des auditions, sous la pression de la médiatisation et de l'émergence rapides de deux ou trois projets industriels en très forte concurrence, avec une course pour être le premier démonstrateur, pour avoir les premiers grands contrats, etc. L'investissement majeur de Virgin, qui a accolé son nom à l'entreprise, représente une étape importante, avec une forte exposition médiatique. On ne peut séparer médiatisation et développement scientifique et technologique. À la fin des fins, même s'il s'avère que ces projets ne sont pas économiquement viables, qu'ils ne sont susceptibles de s'appliquer que dans certaines régions du monde, il en sera ressorti quelques innovations technologiques qui, sûrement, seront utiles dans d'autres domaines.

Sur le rôle des régions, c'est effectivement déjà le cas. Un intérêt a déjà été manifesté par les régions : les deux centres de recherche et pistes d'essai ont été construits, près de Toulouse et de Limoges, avec l'aide des collectivités publiques. Les acteurs régionaux entendent ne pas être oubliés, surtout si les lignes peuvent être limitées à quelques centaines de kilomètres, mais surtout en raison du développement économique et industriel qui serait induit.

M. Stéphane Piednoir, sénateur. - Pour compléter sur ce sujet, qui relevait encore il y a quelques années de la science-fiction, je rejoins Bruno Sido : on nous parlait d'une liaison Los Angeles-San Francisco en 30 minutes, à plus de 1 000 km/h, maintenant les choses semblent plus mesurées. Cela diminue un peu l'attrait de ce dispositif, en comparaison des TGV dont on dispose en France. Néanmoins, je crois qu'il s'agit d'une technologie qui mérite d'être expérimentée. J'ai deux questions. Cette technologie n'est-elle pas réservée à des grands espaces, ainsi le désert des Émirats arabes unis ou les espaces américains, qui peuvent permettre de grands rayons de courbure ? Notre densité de population en France et en Europe se prête-t-elle à ces projets ? Je n'en suis pas convaincu. Sur les trois projets industriels ciblés, on voit que deux ont développé un centre de recherche et une piste d'essai en France, mais que la SNCF investit dans le troisième. Où est la cohérence ? Est-ce une question d'échéancier ? Je trouve surprenant que la SNCF n'ait pas soutenu un projet qui ait une piste d'essai sur le territoire français.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - La question du territoire est importante. J'insiste sur la question écologique. Pour l'instant, pour des raisons économiques, sur des milliers de kilomètres, rien ne « bat » l'avion. Mais cela est lié au fait que le prix du carburant fossile est honteusement bas, du moins bien sûr en termes d'impact écologique. Mais si on évolue vers un marché carbone différent, ou si les États considèrent la réduction des émissions de carbone comme un objectif prioritaire, le THV deviendrait compétitif même sur de très longues distances. Certes ce n'est pas la tendance actuelle aux États-Unis d'Amérique. Mais il s'agit de problèmes globaux. La façon dont les régulateurs gèreront ce problème au niveau mondial aura aussi un impact sur le choix du mode de transport sur le territoire européen, avion versus THV. Sur la question de la cohérence, les développements ont été rapides et il y a eu confusion au démarrage. Le Livre blanc d'Elon Musk date de 2013 et nous sommes en 2018. Tout cela s'est fait très rapidement dans un contexte de force de conviction. La SNCF n'a pas eu le temps de faire une analyse détaillée stratégique, économique, technologique : les discussions ont tout simplement eu lieu plus tôt avec VH1. Le fait d'investir dans un seul projet industriel permet à la SNCF de rester en phase avec le développement. Il serait également légitime qu'il y ait aussi un investissement d'origine française, pas nécessairement par la SNCF, sur les deux autres projets. Comment se positionnent les constructeurs ? Nous avons interrogé Alstom et avons bien vu qu'ils ne sont pas pressés de s'y impliquer. Ils considèrent que leur rôle est de travailler à l'amélioration et au perfectionnement des LGV, pour lesquelles existent des pistes assez importantes. Ils estiment qu'entre la promesse de vitesse initiale du THV, qui est en train de diminuer petit à petit, et les progrès qu'on peut faire sur les LGV, on arrivera à un point où l'avantage de l'un sur l'autre sera de moins en moins clair. La phase actuelle est suffisamment incertaine pour qu'il n'y ait pas de politique, de stratégie cohérente décidée, que ce soit au niveau de l'État, des entreprises françaises ou de l'Union européenne.

M. Stéphane Piednoir, sénateur. - On voit bien que le coût de construction du THV se rapproche du coût de construction des LGV. Sur la maintenance, j'entends bien qu'il n'y a pas d'usure sur les rails, mais il s'agit de tubes sous quasi-vide, j'imagine qu'il ne faut pas la moindre faille. On parlait tout à l'heure de capsules qui arrivaient écrasées, mais ce n'est pas la même chose pour des capsules de matériaux et des capsules de passagers... Qu'en est-il de la sécurité autour de ces tubes ? Il y a malheureusement aussi des actes de malveillance sur les réseaux ferrés actuels.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Ces questions ont été pointées par l'Académie des technologies en des termes précis. Globalement, les différentes entreprises sont en accord et assez convaincantes sur le fait que ces problèmes sont plus faciles à résoudre qu'il n'y paraissait en 2013. Nous avons maintenant des technologies de pompage qui sont optimisées, nous savons contrôler l'étanchéité. Si un problème survient, l'arrêt simultané des capsules dans l'ensemble du tube est automatique, sans mise en danger des passagers. Les entreprises interrogées ont travaillé à la fois sur le risque de malveillance et le risque de défaillance. Globalement, pour résumer, les problèmes techniques sont résolus ou en passe de l'être. Sans enfreindre la confidentialité des auditions, c'est l'impression que l'on peut retenir. Le vrai défi est maintenant économique.

Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente de l'Office. - Après avoir remercié notre premier vice-président Cédric Villani et le secrétariat qui l'a accompagné, je vous propose d'autoriser la publication de la note scientifique.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office, rapporteur. - Je salue moi aussi le travail remarquable du secrétariat, qui a élaboré le projet de note avec une grande réactivité, avec des auditions en anglais, avec des visioconférences, le tout d'excellente qualité malgré les difficultés et le délai très court.

La publication de la note scientifique n° 5 sur le transport à hypergrande vitesse sous vide- (hyperloop) est autorisée.

Présidence de M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office.

Désignation de rapporteurs pour l'évaluation du rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur les États généraux de la bioéthique (article 46 de la loi de bioéthique)

La loi de bioéthique de 2011 prescrit que l'Office doit évaluer le rapport du CCNE, le Comité consultatif national d'éthique, sur les États généraux de la bioéthique que le CCNE a été chargé, par la même loi, d'organiser dans la perspective de la révision de la loi de bioéthique.

Le rapport du CCNE nous a d'abord été remis par son président, M. Jean-François Delfraissy, le 5 juin dernier dans un cadre non public à l'Assemblée, puis présenté deux jours plus tard, lors d'une audition publique au Sénat. Nous l'avons donc déjà en partie examiné, analysé, d'autant que lors de cette présentation étaient présents plusieurs représentants du CCNE et des membres du comité citoyen mis en place par le CCNE. Ces derniers nous ont fait part de leurs observations, commentaires et critiques sur le débat public tel qu'il s'est déroulé.

Dans le même temps, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale a décidé de créer une mission d'information transversale sur la révision de la loi de bioéthique, ce qui répondait au souhait de notre collègue Jean-François Eliaou. Cette mission d'information vient de se constituer cette semaine : Jean-François Eliaou en est membre et son rapporteur sera Jean-Louis Touraine. La mission a décidé, mardi, d'ouvrir ses futures auditions à tous les députés et, dans la mesure du possible, de coordonner ses travaux avec ceux de l'Office, ce qui est tout à fait louable.

Enfin, les commissions compétentes (lois et affaires sociales), ont organisé à l'Assemblée nationale un cycle de trois matinées de tables rondes à finalité pédagogique sur les grands sujets de la révision de la loi de bioéthique : enjeux juridiques, aspects scientifiques et procréation assistée. Nous avons assisté à certaines d'entre elles avec Jean-François Eliaou et y avons pris la parole au nom de l'Office.

La commission des affaires sociales du Sénat a également commencé un cycle d'auditions et organisé plusieurs tables rondes, ouvertes à l'ensemble des sénateurs, sur les différents volets de la loi de bioéthique.

Le CCNE a annoncé qu'il produira, à la mi-septembre, un avis portant cette fois sur le fond de la révision et qui sera donc clairement distinct de son rapport précité, qui est, pour sa part, prévu par la loi sur le débat public.

Enfin, le Conseil d'État a travaillé sur le sujet. Il a rendu public hier un rapport qui influera très probablement sur le contenu du projet de loi qui, in fine, incombera au Gouvernement, les grands choix étant sans doute du niveau du Président de la République.

Il y a donc une multiplicité de travaux parallèles sur ce sujet complexe.

La question se pose donc de savoir quel rôle l'Office peut et doit jouer à stade dans cet ensemble déjà très riche. Lors de la précédente révision, l'Office avait choisi d'organiser des tables rondes publiques sur les aspects scientifiques de la révision et produit in fine un rapport présentant les comptes rendus de ces tables rondes et les conclusions de l'Office, comme nous l'avons fait tout à l'heure pour un autre sujet.

En tout état de cause, il me semble qu'il serait logique que, si nous désignons des rapporteurs et qu'ils procèdent à des auditions, notamment au-delà du strict sujet du rapport du CCNE sur le débat public, ces auditions soient ouvertes aux membres de la mission information de l'Assemblée nationale, ce qui permettrait sans doute d'éviter des doublons.

Annie Delmont-Koropoulis et Jean-François Eliaou, que nous avons désignés, au début de l'année, rapporteurs sur l'évaluation de la loi de bioéthique de 2011 en application de son article 47, m'ont fait savoir qu'ils étaient également candidats au rapport sur l'organisation des États généraux de la bioéthique par le CCNE.

Par ailleurs, notre collègue Michel Amiel s'est aussi manifesté pour ce rapport et je l'en remercie.

M. Jean-François Eliaou, député. - Le sujet de la révision de la loi de bioéthique est très suivi, avec d'ailleurs une couverture médiatique plutôt qualitative.

Je remercie notre premier vice-président de m'attribuer la paternité de cette mission d'information, ce qui traduit sans doute le fait que j'ai beaucoup oeuvré en ce sens, mais j'entends dire que c'est son président qui en serait officiellement à l'origine. J'en ai effectivement été désigné membre et fais partie de son bureau. Ses thèmes ont été élargis à l'ouverture de la procréation médicalement assistée et à la fin de vie, ce qui me semble sortir du champ de la révision de la loi de bioéthique et n'augure pas forcément d'un travail dans les conditions les plus sereines sur les sujets plus scientifiques. À cet égard, je rappelle que le rapport du Conseil d'État présente des scénarios possibles, sans faire de préconisations. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la loi de bioéthique comprend une clause de revoyure après une évaluation, clause inscrite à la suite d'un débat entre les opposants à celle-ci - notamment le rapporteur de l'Assemblée, Jean Léonetti, ainsi que le Conseil d'État - et leurs tenants, notamment les sénateurs qui 'l'avaient obtenue dans le cadre de la CMP finale. Cette clause s'applique à toutes les dispositions de la loi, et, si l'on inclut la PMA dans ce texte, l'évaluation et la clause de revoyure, si leur principe est maintenu dans le texte futur malgré des réticences qui ne sont pas rares, s'appliqueraient aussi à la PMA. Personnellement, je suis favorable à cette clause de revoyure, mais selon le périmètre de la loi, elle peut poser des difficultés.

Les tables rondes organisées par les commissions des lois et des affaires sociales de l'Assemblée étaient intéressantes, mais avec des finalités surtout pédagogiques. Je remercie les présidentes de ces deux commissions de nous avoir permis, à Cédric Villani et à moi-même, d'y intervenir de manière spécifique en tant que représentants de l'Office.

En conclusion, il me semble qu'un espace se dégage pour un travail scientifique sérieux confié à l'Office, que nous avons d'ailleurs déjà en grande partie réalisé.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - D'échanges récents avec les représentants du Conseil d'État, j'ai compris que celui-ci considérait que l'ouverture à toutes les femmes de la PMA était possible sans difficulté juridique particulière, mais pas la gestation pour autrui. Le Président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, vient d'annoncer sa position sur la PMA sur une radio d'information continue, ce qui pose la question d'une éventuelle proposition de loi spécifique sur ce sujet, distincte du projet de loi de bioéthique à venir. Cependant, le précédent du glyphosate montre la difficulté du passage de l'annonce à l'inscription dans la loi.

En accord avec Gérard Longuet et compte tenu du nombre des auditions déjà effectuées par Annie Delmont-Koropoulis et Jean-François Eliaou, je vous propose que, dans un souci d'efficacité, nous les désignions rapporteurs sur le rapport du CCNE et que nous demandions à Michel Amiel de se pencher rapidement, dans le cadre d'une future note courte, sur un sujet en lien avec la thématique très vaste de la bioéthique, mais non encore traité par la loi de 1991.

Annie Delmont-Koropoulis et Jean-François Eliaou sont désignés co-rapporteurs de l'évaluation du rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur le débat public sur la révision de la loi de bioéthique de 2011, prévue par l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique.

Examen d'une demande de saisine des présidents des commissions des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale sur les scénarios technologiques à envisager pour atteindre l'objectif d'un arrêt des ventes de véhicules thermiques en 2040, et désignation de rapporteurs

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Nous avons reçu une lettre de saisine commune par la présidente de la commission du développement durable et le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les scénarios technologiques à envisager pour atteindre l'objectif d'un arrêt des ventes de véhicules thermiques en 2040, annoncé par le Gouvernement en juillet 2017.

Il s'agit d'un exercice de prospective important pour la crédibilité de la parole politique dans la perspective de la transition énergétique, qui permettra d'éviter les difficultés rencontrées pour atteindre l'objectif, fixé dans la loi, de diminution du taux d'énergie nucléaire à 50 %. L'Office sera pleinement dans son rôle en étudiant les conditions et cheminements nécessaires pour parvenir à l'objectif ambitieux annoncé. Je signale que la Commission de régulation de l'énergie a récemment publié des rapports préparés par ses trois groupes de travail au sein de son groupe Prospective, dont je suis membre, et qui pourront être intéressants pour cette étude.

Nous avons reçu la candidature d'Huguette Tiegna, qui est intéressée par ce sujet depuis très longtemps et attendait patiemment que nous puissions le traiter. Son expérience professionnelle en recherche et développement sur les moteurs électriques plaide pour elle, elle est également notre membre députée référente pour les questions d'énergie et de mobilité.

Jean-Luc Fugit était également intéressé, mais est d'accord pour se charger d'une note courte sur un sujet technologique hypersensible : les lanceurs spatiaux réutilisables. Étant donné qu'il a accepté d'être notre référent à l'Assemblée sur l'espace et que ce sujet est très sensible pour le CNES, l'ASE et les acteurs privés, son choix est tout naturel et je le remercie de se charger de ce sujet.

Enfin, pour le Sénat, notre collègue Stéphane Piednoir pourrait être co-rapporteur d'Huguette Tiegna, ce qui constituerait une triple parité : députée-sénateur, majorité-opposition et femme-homme.

Il sera sans doute nécessaire de commencer rapidement, en septembre, par un travail préparatoire et l'élaboration d'une note de méthodologie, car le sujet est complexe. J'insisterai particulièrement sur l'aspect calendrier : pour que ces travaux soient vraiment utiles au débat parlementaire, il faudrait qu'ils puissent se conclure avant le débat du futur projet de loi d'orientation sur les mobilités, sans doute en janvier 2019. Il faudra donc faire vite, mais c'est une caractéristique de la quasi-totalité de nos travaux depuis notre renouvellement.

Huguette Tiegna et Stéphane Piednoir sont désignés co-rapporteurs sur les scénarios technologiques à envisager pour atteindre l'objectif d'arrêt de vente de véhicules thermiques à l'horizon 2040.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Je vous propose également d'officialiser la désignation de rapporteurs pour présenter deux notes courtes sur les sujets spatiaux, l'une sur les lanceurs spéciaux réutilisables et l'autre sur l'exploration de la planète Mars. Nous avions déjà évoqué ces hypothèses, mais il conviendrait de les acter aujourd'hui.

Jean-Luc Fugit est désigné rapporteur pour présenter une note courte sur les lanceurs spéciaux réutilisables et Catherine Procaccia pour présenter une note courte sur l'exploration de la planète Mars.

Examen d'une éventuelle demande de saisine par la commission des affaires économiques du Sénat

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Nous aurons également sans doute, à la rentrée, une saisine de la commission des affaires économiques du Sénat sur un sujet lié à l'optimisation de l'utilisation des terres agricoles dans un but de production énergétique. Les termes restent cependant à préciser.

Questions diverses : bilan de la première session de l'Office depuis son renouvellement en juillet 2017

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - La dernière réunion avant la suspension permet de dresser un court bilan de notre première session de travail : publication de six notes courtes, en sus des deux études longues en cours et d'un rapport sur saisine sur les blockchains, déjà paru; tenue de 21 réunions, dont la plupart sous la forme d'auditions publiques, thématiques ou individuelles, dont 4 réunions conjointes avec d'autres structures comme la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et les délégations aux droits des femmes des deux chambres, ou encore une audition de la Cour des comptes ; collecte de questions des internautes ; séquences vidéos présentant les notes courtes, et prévues aussi pour les rapports à venir ; recrutement en cours de deux jeunes conseillers scientifiques - postes pour lesquels nous avons reçu plusieurs dizaines de candidatures de qualité ; renouvellement de nos liens efficaces avec les Académies, etc. Ce bilan atteste d'un réel changement dans la continuité. Il demeure que l'activité de notre Office repose sur un petit nombre de membres actifs et que les autres sont trop peu présents, pour des raisons qu'il reste à analyser plus finement pour y remédier.

La réunion est close à 11 h 50.