COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mercredi 17 février 2021

- Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, présidente -

La réunion est ouverte à 12 h 5.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 17 février 2021.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, ainsi constitué de Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, présidente, de M. Alain Milon, sénateur, vice-président ; de Mme Coralie Dubost, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de Mme Muriel Jourda, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, présidente. - Chers collègues, je souhaite la bienvenue à nos collègues sénateurs et je vous indique que M. Jean-Louis Touraine sera suppléé par Mme Laëtitia Romeiro Dias.

À l'issue de la première lecture du projet de loi par les deux assemblées, trois articles avaient été adoptés dans les mêmes termes et quarante-sept articles restaient en discussion. La deuxième lecture a permis de rapprocher les positions. En effet, l'Assemblée nationale a exprimé des votes conformes sur six articles puis le Sénat a exprimé des votes conformes sur quinze articles. Notre commission mixte paritaire est donc saisie des vingt-six articles restant en discussion.

Comme cela est d'usage, je donnerai d'abord la parole au vice-président de la commission mixte paritaire, puis aux rapporteurs en commençant par celle de la dernière assemblée saisie.

M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - Je souhaite faire tout d'abord un constat : il est devenu rare pour nos assemblées de se réunir en commission mixte paritaire après l'examen d'un texte important en deuxième lecture. C'est même devenu exceptionnel.

Malgré le désaccord que nous ne manquerons pas de constater sur ce texte dans quelques minutes, je suis convaincu que les deux lectures ont été utiles. Vous l'avez dit, Madame la présidente, elles ont permis à la navette parlementaire de faire son office et de dégager progressivement les consensus qui pouvaient l'être.

Dans les domaines qui nous occupent aujourd'hui, les avancées sont telles que les assemblées auront certainement à poursuivre leurs travaux sur une éthique biomédicale adaptée au fait des techniques les plus innovantes, dans le respect de nos principes fondamentaux.

Je sais que nous partageons ces objectifs même si nous ne pourrons que constater l'impossibilité de parvenir à un texte commun sur les dispositions du projet de loi qui restent en discussion.

Mme Muriel Jourda, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Comme l'a dit le vice-président Alain Milon, il est improbable que nous arrivions à un accord aujourd'hui et que notre commission mixte paritaire soit conclusive. Je crois cependant que nous aurions sans doute pu aboutir à un texte commun, ou en tout cas rapprocher nos points de vue, à l'issue de la première lecture. En effet, alors qu'aujourd'hui ce sujet nous oppose fortement, nous avions en commun à ce stade de la navette d'avoir accepté le principe de l'extension de l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes seules. Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Mais nous aurions peut-être pu continuer à avancer, si la navette parlementaire avait joué son rôle, l'Assemblée nationale constatant ce point d'accord et tendant la main au Sénat sur un certain nombre de dispositions qui n'en changeaient pas le principe mais uniquement le régime.

Sans avoir besoin de revenir sur l'ensemble des articles, les modifications introduites par le Sénat n'ont quasiment pas été retenues, si ce n'est de manière anecdotique. Cela révèle une difficulté de dialogue entre les deux assemblées que la deuxième lecture à l'Assemblée nationale a confirmée.

Nous sommes face à un texte bien différent, qui n'admet plus l'extension de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules et qui n'en tire donc pas les conséquences en matière de filiation. Nous ne pouvons effectivement plus trouver d'accord. Je le déplore, au-delà de ce que peut être mon opinion sur le fond, parce que le projet de loi dont nous discutons est un texte de société. Ces textes ne font jamais avancer la société mais prennent acte des évolutions qui sont en cours. Or, les États généraux de la bioéthique l'ont bien montré : il n'y a pas d'unanimité sur les sujets qui séparent nos deux assemblées.

Les États généraux de la bioéthique faisaient état de divergences profondes dans la société. Il fallait que ce texte prenne en compte ces divergences, ne cherche pas à asséner de solution unique mais à apporter quelques amodiations à l'existant. Cela n'a pas été fait. C'est dommage car le texte qui sortira du processus parlementaire ne correspond pas à l'opinion de tous les Français, loin de là.

Au-delà des quelques avancées qui ont été énoncées numériquement par Madame la présidente et Monsieur le vice-président, la commission mixte paritaire ne peut qu'en rester là. Quand nous aurions pu avancer, nous ne l'avons pas fait.

Mme Coralie Dubost, députée, rapporteure. - Je me réjouis d'entendre que le Sénat eut aimé que nous puissions avancer ensemble. Cependant, ce n'est pas ce que montrent les dispositions que vous avez adoptées.

Vous n'avez pas modifié de façon anecdotique le texte de l'Assemblée nationale et les propositions qui étaient sur la table. Je conçois qu'il n'y ait pas d'unanimité sur les sujets de bioéthique. Mais il y a une majorité. Cette majorité avait proposé des évolutions porteuses de progrès pour la société, et elle n'a pas du tout été entendue.

Je constate que dès l'article premier vous avez maintenu le critère d'infertilité pour l'accès à l'AMP, alors que la suppression que proposait le projet était une avancée, y compris pour les couples hétérosexuels qui ont déjà recours à une AMP. C'était un point fondamental, et vous êtes revenus sur ce progrès. Il serait effectivement très ambitieux - et un peu naïf - d'imaginer que notre commission mixte paritaire puisse être conclusive.

Je le regrette, parce que l'Assemblée nationale avait fait beaucoup d'efforts, notamment en deuxième lecture, en matière de filiation. Nous avions repris certaines de vos propositions, par exemple sur la mère qui accouche. Nous avions fait ce pas, nous étions allés dans le sens des vues du Sénat. L'Assemblée nationale avait donc tendu la main et s'était exprimée dans sa diversité au sein des différents groupes politiques. Au Sénat aussi, les opinions sont très diverses au sein même des groupes politiques. Pour autant, votre majorité a choisi de ne pas s'inscrire dans ces progrès de société. Nous le déplorons. Nous ne pourrons donc pas aller plus loin.

M. Patrick Hetzel, député. - J'avoue être surpris par l'organisation du calendrier parlementaire. Le Gouvernement a reporté à la fin de l'état d'urgence sanitaire l'examen de textes tels que le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, la réforme des retraites et bien d'autres. Pour les sujets de fond, il apparaît donc que les conditions d'examen ne doivent pas être dégradées, ce qui conduit à reporter les débats. Mais pour la bioéthique, on va à marche forcée, comme le prouve la convocation de cette commission mixte paritaire.

Nous comprenons bien que cette commission ne sera pas conclusive, et c'est heureux. En effet, le groupe Les Républicains salue le travail qui a été réalisé par le Sénat. C'est un travail sérieux qui reflète l'absence de consensus sur ces questions au sein de la société française. Mme Dubost nous rappelle qu'il y a un courant majoritaire à l'Assemblée nationale, mais les oppositions ont aussi des choses à dire, notamment sur l'apaisement dont a besoin notre société.

La première mesure d'apaisement consisterait justement à faire en sorte que des débats aussi importants, qui touchent aussi profondément l'éthique, se tiennent dans un contexte parlementaire normalisé. Si cette commission mixte paritaire échoue, il serait donc souhaitable que les débats ultérieurs n'aient pas lieu tant que durera l'état d'urgence sanitaire. Un débat serein, où l'ensemble des points de vue peut s'exprimer, est d'autant plus nécessaire que ce projet de loi engage une modification anthropologique profonde de notre société. Or, débattre quasiment dans la torpeur de l'été, comme cela a été fait à l'Assemblée nationale il y a quelques mois, est indigne d'un sujet qui appelle, au contraire, à s'élever. Hélas, nous en sommes très souvent loin.

M. Bernard Jomier, sénateur - Un accord sur la révision des lois de bioéthique était impossible dès lors qu'avait été fait le choix d'y inclure la révision sociétale de l'AMP. Aucune évidence n'imposait que cette réforme sociétale soit mêlée à la révision générale des lois de bioéthique. En faisant ce choix, le Gouvernement l'avait déjà quasiment condamnée à l'échec compte tenu de la configuration politique de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Toutefois, si cet échec ne nous surprend pas, nous le regrettons d'autant plus vivement que le groupe socialiste aurait voté en commission mixte paritaire un texte reprenant les positions de l'Assemblée nationale. C'est regrettable, tant les enjeux bioéthiques sont importants. Le Sénat a d'ailleurs adopté certains articles conformes et sur plusieurs d'entre eux, en ma qualité de rapporteur de la commission spéciale, j'ai observé que le travail entre les deux assemblées avait été fructueux et avait permis de nombreuses améliorations. Sur les articles restant en discussion, peut-être n'aurait-il pas été possible d'arriver à un accord, mais ce n'était pas totalement exclu. Il est donc regrettable de s'être condamné à l'échec en mêlant la réforme de l'AMP - que je soutiens - à la révision des lois de bioéthique.

Les responsabilités sont largement partagées. Mais on ne peut pas reprocher au Sénat de ne pas s'en être tenu à des modifications anecdotiques, pour reprendre vos termes. Ce n'est pas l'objet d'une chambre du Parlement que de procéder à des modifications anecdotiques. Il ne fallait pas mêler le désaccord politique, que vous avez raison de signaler, à la révision des lois de bioéthique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Je rejoins le propos de Bernard Jomier sur l'ajout de l'AMP à la réforme des lois de bioéthique et comme lui, je pense que cette commission mixte paritaire est une occasion manquée car, au fond, il était possible, dans cette salle, d'obtenir une majorité et de s'entendre sur un texte. Ce qui a été délibéré à l'Assemblée nationale, y compris certains apports du Sénat, aurait pu être pris en compte. C'est d'ailleurs tout le sens et l'objet des commissions mixtes paritaires.

Aboutir à un accord sur ce texte aurait présenté l'intérêt de faire reposer cette réforme sur un socle plus large et plus solide que celui sur lequel reposera le texte qui sera in fine voté par l'Assemblée nationale. Le groupe majoritaire de l'Assemblée n'a pas souhaité adopter cette approche plus large et je le regrette.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, présidente. - Chers collègues, les divergences qui ont été exposées témoignent de la vitalité de notre débat démocratique. Elles sont cependant très profondes et nous empêchent de parvenir à un accord.

Je propose donc que notre commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.

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La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi du projet de loi relatif à la bioéthique.

La réunion est close à 12 h 20.