Mercredi 5 octobre 2022

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Forces de souveraineté - Contrôle budgétaire - Communication

M. Claude Raynal, président. - Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense » a mené un contrôle sur les forces de souveraineté, dont il va nous présenter les conclusions.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - En m'intéressant à nos forces de souveraineté prépositionnées outre-mer j'ai souhaité répondre plus particulièrement à deux questions : disposons-nous de la capacité à protéger et à faire respecter nos zones d'exclusivité économique ? Quel rôle assignons-nous à nos forces armées prépositionnées dans les trois grandes zones où nous sommes présents : océan indien avec la Réunion et Mayotte, les Antilles avec la Guadeloupe et la Martinique auxquelles on associe la Guyane et enfin le Pacifique avec la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ?

Nous pouvons nous enorgueillir de disposer de la deuxième plus grande zone économique exclusive du monde après celle des États-Unis, avec environ 10 millions de kilomètres carrés représentant 8 % de la surface de toutes les zones économiques exclusives (ZEE) tandis que la République française ne représente que 0,45 % de la superficie des terres émergées. Pour autant, savons-nous exploiter cette situation, tant sur le plan économique que géopolitique, les deux étant intimement liés ?

Les forces de souveraineté exercent chacune leurs missions au sein de leur zone dite « de responsabilité permanente », qui englobe les pays alentour. Si les contextes et les enjeux diffèrent, ces missions peuvent se résumer autour de trois axes permanents : premièrement, contribuer à la protection du territoire national, de nos concitoyens et d'installations stratégiques ; deuxièmement, affirmer la présence de la France dans les zones considérées et contribuer à la stabilité ;  troisièmement, collecter du renseignement.

S'ajoutent également deux types de mission dites « de crise » : des opérations de secours aux biens et personnes ;  des opérations de participation et de soutien à des opérations militaires.

Un premier constat s'impose. Pour mener à bien l'ensemble de ces missions, les forces de souveraineté doivent compter sur des effectifs limités à 8 473 ETP en 2021 et les crédits budgétaires qui leur sont alloués représentent un total inférieur à 1 milliard d'euros.

Le choix a été fait en 2008, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de « tailler au plus juste » les moyens déployés sur la base - je cite - « d'une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes ». Il s'ensuit que « les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ».

Le résultat est là : - 20 % d'effectifs entre 2008 et 2021. Et une baisse des crédits d'investissement de plus de 10 %.

Au regard des enjeux de trafics ou environnementaux - et l'on pense en particulier au canal du Mozambique - ou bien géo-politico-militaires - et l'on pense en particulier aux velléités de la Chine - le moins que l'on puisse dire est que l'on peut se poser sérieusement la question de savoir si les moyens alloués sont à la hauteur des ambitions affichées. Si la remontée des effectifs prévue par l'actuelle loi de programmation militaire (LPM) tranche avec la période qui précède, elle reste insuffisante et devra encore être renforcée. C'est le sens de ma recommandation n° 1.

Ainsi ai-je été étonné de découvrir sur place que les moyens alloués aux Forces armées pour la zone sud de l'Océan indien (FAZSOI) pour la surveillance n'étaient pas vraiment adaptés, à plus forte raison dans le contexte actuel de fortes tensions internationales dans l'Indopacifique. Elles disposent deux fois deux semaines par an de l'allocation d'un Falcon 50. La relève des équipes chargées de surveiller la zone depuis les îles éparses est assurée de façon tellement régulière que les contrevenants en connaissent les dates. C'est le sens de ma recommandation n° 2.

S'agissant du choix de concentrer les moyens sur le territoire national, si l'on peut en comprendre certains aspects bénéfiques en termes de gestion et d'optimisation des matériels, il ne faudrait pas que ce principe soit un alibi pour justifier un relâchement des efforts. Si je note avec satisfaction l'arrivée de nouveaux moyens maritimes avec six patrouilleurs Outre-mer (POM) je ne puis que déplorer l'état général des casernements.

Dans l'immédiat il y a urgence à repenser les moyens de transport logistique - à titre d'exemple, les Forces armées en Polynésie française (FAPF) ne disposent que de deux avions Casa dont les capacités d'emport sont faibles -, à disposer de moyens de remorquage et à intégrer à la LPM des moyens pour assurer un casernement digne pour nos militaires. C'est le sens de mes recommandations n° 3, 4, 5 et 6.

La présence française dans les territoires ultramarins gagnerait en « acceptation » et efficacité si elle était mieux coordonnée avec la politique d'aide au développement. En effet les relations avec les pays voisins de nos zones selon les périodes et sujets peuvent être plus ou moins fluides et les nécessaires coopérations peuvent s'en trouver altérées. Un rapprochement avec l'Agence française de développement (AFD) paraît souhaitable. C'est l'objet de ma recommandation n° 7.

Enfin, tout en connaissant la sensibilité du sujet, votre rapporteur s'interroge sur une évolution de l'octroi de mer. Est-il pertinent que les armées et d'une façon plus générale les ministères acquittent une taxe sur des équipements alloués à des missions régaliennes et qui ne peuvent être produits en l'état sur place ? Une contrepartie devrait alors être trouvée pour les territoires concernés mais serait neutre pour le budget de l'Etat. D'où ma recommandation n° 8.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour cette excellente synthèse.

La parole est à M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. - Je félicite Dominique de Legge pour sa clairvoyance. Il y a pour nous des sujets d'inquiétude majeure, notamment s'agissant de la présence de la France dans cette zone d'ampleur considérable. Les Américains ont l'habitude de dire qu'elle va d'Hollywood à Bollywood et couvre quasiment la moitié de la planète.

Je me trouvais il y a trois semaines en Nouvelle-Calédonie, puis en Indonésie. On mesure sur place la distance qui nous sépare de cette zone, mais on se rend surtout compte de la surface qu'il nous appartient de couvrir aujourd'hui.

Dominique de Legge évoquait la zone économique exclusive à « défendre » si je puis dire, qui est immense - 11 millions de kilomètres carrés -, face à une Chine toujours plus agressive et conquérante dans cette partie du mode, avec des besoins en matériels importants. Nous aurons l'occasion, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire, qui doit intervenir au printemps prochain, de défendre un certain nombre de positions. Ce sujet de la présence française dans ce secteur est fondamental.

Je rejoins le rapporteur sur la nécessité de travailler avec l'AFD et de lui confier des missions de soutien plus concrètes, en lien avec notre action dans cette zone du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie.

Quant aux Casa, je précise que nous n'en avons que deux, dont l'un, situé en Australie, est en révision depuis très longtemps et risque d'y rester un moment.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - J'aurais en effet pu vous donner d'autres exemples, mais je n'ai pas voulu être trop long.

M. Claude Raynal, président. - La parole est au rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie Dominique de Legge pour la précision et la concision de son propos. Il est vrai que la RGPP est allée très loin s'agissant du budget de la défense. Aujourd'hui, il est nécessaire, dans le cadre de la LPM, de réaffecter, suivant une trajectoire pour le moment respectée, des moyens supplémentaires plus importants que par le passé, à plus forte raison dans le contexte actuel.

Je souscris donc à l'ensemble des recommandations du rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, président. - Tel que je comprends les choses, la situation est celle d'un territoire immense sous juridiction française, et d'une présence militaire limitée. Quelle est notre vision en la matière ? Et que propose-t-on en réalité ? S'agit-il seulement d'équipes de surveillance large, mais limitées dans leurs moyens avec, en cas d'accident, des forces d'intervention en soutien venues de l'hexagone ?

D'autre part, dans l'Indopacifique, le risque principal, pour faire simple, demeure la Chine. Que met-on en face ?

M. Vincent Delahaye. - Je note que le rapporteur spécial propose une augmentation significative des moyens pour renforcer notre présence dans ces territoires extrêmement vastes. Comment une telle hausse devrait-elle être financée ? Pense-t-il le faire par redéploiement ou avec des moyens supplémentaires ? Tous les secteurs cherchent à se renforcer, et il ne faudrait pas que cela se traduise par de la dette supplémentaire...

M. Jérôme Bascher. - La France a-t-elle encore les moyens de mener des opérations extérieures et de défendre son territoire ?

Notre présence maritime dans les départements d'outre-mer est limitée. C'est un peu court pour contenir la « vague » chinoise.

Par ailleurs, quelles sont les stratégies d'alliances locales qui nous permettraient de déterminer notre rôle ? Défend-on simplement notre territoire ou fait-on de l'observation ? Il faudrait, dans ce cas, évoquer les travaux de la direction du renseignement militaire (DRM) et de nos satellites. Pour couvrir le Pacifique, c'est un peu plus sûr qu'un Casa sur cale !

M. Philippe Dominati. - Le rapporteur a-t-il pu se concerter avec les élus de ces territoires pour savoir si le budget militaire est en adéquation avec le budget civil attendu par les populations ? Si l'effort militaire est, toutes choses égales par ailleurs, supérieur à l'effort civil, par exemple pour permettre le transport en hélicoptère des militaires blessés dans un hôpital alors que, dans le même temps, les moyens civils ne sont pas à la hauteur, cela ne risque-t-il pas de poser un problème d'acceptabilité politique pour les populations ?

M. Jean-Claude Requier. - Monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur la manière de coordonner les actions de coopération régionale dans le cadre des politiques d'aide au développement, en particulier avec l'AFD ?

M. Jean-François Rapin. - Ma question va dans le sens de celle de Jérôme Bascher s'agissant des missions.

On a appris ce matin que les Américains ont lancé leur onzième porte-avions, une « bête » énorme qui va renforcer la puissance États-Unis sur l'ensemble des mers.

On entend souvent dire que nous sommes la première puissance maritime du monde, ce qui est une erreur magistrale.... Le décalage entre la superficie de notre ZEE et les moyens dont on dispose pour la défendre constitue véritablement un des nombreux paradoxes français !

La question porte notamment aujourd'hui sur les moyens attribués à la marine nationale et aux douanes. En effet, les narcotrafiquants mobilisent beaucoup de personnels, notamment dans les Antilles. Cibler les missions est donc essentiel.

M. Christian Bilhac. - Vous proposez d'exonérer les fournitures militaires d'octroi de mer, sans préjudice du financement des collectivités territoriales d'outre-mer. Cela va représenter un manque à gagner pour ces collectivités, qui vont demander une dotation en loi de finances en contrepartie. C'est un jeu d'écriture, mais finalement une dépense supplémentaire pour le budget de l'État.

M. Claude Raynal, président. - La parole est au rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Beaucoup de questions se recoupant, je les résumerai autour d'un premier thème : avons-nous les moyens de nos ambitions ?

Le discours politique affirme souvent que la France est un grand pays. Cela nous fait plaisir de le dire, de l'entendre, et surtout de le croire. On l'illustre en disant que nous sommes présents dans le monde entier grâce à nos territoires d'outre-mer.

Il me semble qu'il faudrait se poser la question de savoir à quoi servent ces zones d'exclusivité économique. Est-on capable de les valoriser ?

Nos collègues d'outre-mer nous rappellent les atouts, mais aussi les contraintes, que représente la présence de l'administration française dans ces territoires qui font partie de la République. Les personnes qui y vivent doivent être administrées comme le reste des Français.

Par ailleurs, ces territoires sont aussi, pour nous Français le moyen d'être présents dans le débat international, que ce soit sur le plan militaire, géopolitique ou environnemental.

J'ai le sentiment que nous ne nous donnons pas les moyens de répondre à ces deux problématiques. Pour les militaires, les forces sont prépositionnées. Tout cela fonctionne théoriquement bien s'il ne se passe rien ! C'est un peu comme la SNCF, qui rêve de trains sans gare ni voyageur : dans de telles conditions, il va de soi qu'il serait plus facile de les faire circuler !

C'est pourquoi, en 2008, nous avons décidé de « tailler au plus juste », en décidant, en cas de problèmes, de faire appel aux services centralisés, c'est-à-dire aux moyens dont disposent nos armées.

En conséquence, les capacités sont moindres et, lorsque des crises éclatent, elles n'ont pas forcément été suffisamment anticipées. Nous avons tous en tête un certain nombre d'exemples où il a fallu attendre des renforts administratifs, sinon militaires, pour maintenir l'ordre.

Je réaffirme qu'il est important, à la faveur de la LPM, même si ce pas le vecteur le plus adapté pour ce faire, de dire ce que nous voulons faire de ces territoires. Nous le devons aux populations qui s'y trouvent ainsi qu'à nos partenaires, dans le concert international.

Enfin, je crois répondre au travers de ces propos à l'excellente question posée par le président Raynal, qui a parlé de « présence limitée ». J'entends bien ce que dit Vincent Delahaye, qui demande comment financer davantage de moyens. C'est la question générale de la France et de notre budget. Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Si tel n'est pas le cas, il faut avoir le courage de dire ce que nous abandonnons. C'est cette question qui est posée pour nos territoires.

Il me semble que notre position vis-à-vis des territoires d'outre-mer n'est pas claire. Le discours est ambitieux, mais je n'ai pas vu que les moyens attribués sont à la hauteur de celui-ci. Or cela participe sans doute d'un certain malaise.

Je crois avoir répondu ainsi à Jérôme Bascher.

Philippe Dominati pose à juste titre la question des moyens civils. Les moyens civils sont là : à Mayotte, où j'ai eu l'occasion de me rendre, j'ai pu constater une densité de sous-préfets très importante au kilomètre carré. Je n'ai pas vu que ce territoire est mieux administré que l'Ille-et-Vilaine. Sachez que, pour faire fonctionner l'éducation nationale, on fait appel à des contractuels, chèrement payés pour venir passer trois mois. On enregistre 30 naissances par jour, ce qui correspond à la nécessité d'ouvrir une classe tous les jours, ce que nous sommes incapables de faire. On peut continuer à croire que ces territoires sont administrés. Je rends hommage à tous nos compatriotes, notamment aux fonctionnaires sur place, mais il faut peut-être se rendre compte qu'on ne fait que remplir le tonneau des Danaïdes.

M. Requier pose la question du lien avec l'AFD. J'insiste sur un point : lorsque nous faisons de la surveillance maritime, nous avons besoin de nous entendre avec les pays riverains. Ils sont heureux de nous trouver quand ils ont besoin d'un secours qui les concerne directement. Lorsqu'il s'agit de trafics, opérations par lesquelles ils ne sont peut-être pas concernés ou à propos desquelles ils préfèrent fermer les yeux, nous ne recevons pas forcément le soutien ou l'écoute que nous pourrions espérer.

Il me semble qu'une relation resserrée avec l'AFD serait de nature à fluidifier les choses.

M. Bilhac pose la question de l'octroi de mer. Je vais mettre les pieds dans le plat et vous dire ce que j'en pense sincèrement : l'octroi de mer a été créé pour inciter la production sur place de ce qui était nécessaire aux populations locales et éviter d'importer de tels produits depuis l'hexagone, notamment un certain nombre de produits alimentaires ou manufacturés.

Lorsque ces produits arrivent, ils sont taxés. Certains territoires d'outre-mer ont fait le choix d'exonérer de cette taxation des produits qui ne peuvent être produits localement et qui participent de la défense nationale et des missions régaliennes de l'État.

Je pense que si nous reconnaissons que ces territoires font partie de la République, les moyens qu'on envoie pour faire assumer nos droits régaliens ne doivent pas être taxés. On peut s'interroger sur le bien-fondé de la taxation sur les munitions, les avions ou les bateaux destinés à assurer la sécurité publique et celle des populations.

C'est une opération neutre, car cette taxation constitue bien un produit pour les territoires concernés, mais représente déjà une dépense pour le budget de l'État. Il faudrait peut-être trouver un autre mécanisme.

Je pense que, politiquement, philosophiquement et économiquement, la question de l'octroi de mer mérite d'être posée.

La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) - Contrôle budgétaire - Communication

M. Claude Raynal, président. - Notre collègue Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial des crédits du programme « Expertise, information géographique et météorologie », nous présente maintenant les conclusions de son contrôle sur l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Nous vivons dans un « monde de la donnée ». Les données géolocalisées sont au coeur de nos vies, des usages personnels et professionnels mais aussi, c'est moins connu, elles sont bien souvent indispensables à la prise de décision politique, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de nos politiques publiques, parfois les plus régaliennes. Elles permettent aux services de secours d'intervenir de façon rapide et efficace, elles décrivent les évolutions du territoire, une dimension fondamentale de la mise en oeuvre de nos politiques publiques, elles nous aident à mieux nous prémunir des risques naturels, elles sont indispensables aux activités opérationnelles de nos forces armées, au guidage des systèmes d'armes, etc. - et je pourrais poursuivre encore longtemps cette énumération.

Sans une maîtrise indépendante des données géolocalisées, c'est tout un pan de notre souveraineté qui s'en trouverait menacé. Toutefois, cet enjeu stratégique n'est pas visible, on n'en prend réellement conscience que lorsqu'une crise survient mais il est alors déjà trop tard.

L'IGN - et vous comprenez que c'est pour moi sa principale légitimité -, est notre meilleur outil pour garantir la maîtrise indépendante de nos données géolocalisées souveraines.

Mais désormais, une seconde source de légitimité doit également nous conduire à être attentifs à cet opérateur : son rôle grandissant et indispensable d'appui à notre stratégie environnementale, ainsi qu'aux politiques de prévention des risques, notamment inondation et submersion, dans un contexte de périls accrus par les dérèglements climatiques. S'agissant de l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), c'est l'IGN qui va produire un outil pour nous aider à mesurer les effets de l'urbanisation.

Or, il y a de cela encore quelques années, l'IGN a été confronté à une crise existentielle, remis en cause dans son identité, contesté dans sa légitimité, concurrencé par de nouveaux acteurs publics comme privés, sa pérennité a pu être mise en doute. En parallèle, la politique d'ouverture et de gratuité des données publiques imposait à l'IGN de développer un nouveau modèle économique. Dans ce contexte, un risque d'obsolescence guettait l'opérateur. Il devait absolument se réformer.

À partir de 2019, il a entamé une profonde transformation. Elle se traduit par une refondation totale de son modèle économique. Si cette transition va dans le bon sens, la viabilité financière de ce nouveau modèle présente d'incontestables fragilités et repose encore sur de nombreuses incertitudes.

En préambule, il est d'abord nécessaire de préciser que l'IGN est bien loin d'être le seul acteur public à produire de l'information géographique. Les collectivités locales sont de plus en plus investies dans ce domaine. Or, un déficit de coordination notoire perdure. Le paysage atomisé de la production de données géolocalisées au sein de la sphère publique conduit à des redondances et à un usage sous-optimal des deniers publics.

Malgré une récente prise de conscience, il reste encore beaucoup à faire pour rationaliser un système encore trop peu structuré. La transformation de l'IGN doit contribuer à cet effort d'optimisation en repositionnant l'opérateur davantage dans un rôle d'expert référent ayant vocation à fédérer l'écosystème de la géodonnée publique.

Je l'ai évoqué en introduction, dans les années 2010, le modèle de l'IGN n'était plus en phase avec l'évolution du monde des données géolocalisées. Sa politique commerciale lui avait fait perdre la confiance de ses partenaires, et en premier lieu, des collectivités locales. Cette situation empêchait d'avancer sur la voie d'une meilleure collaboration entre l'opérateur et le secteur local.

Dans le même temps, l'émergence des GAFAM bouleversait la production d'information géographique, en particulier parce que leur modèle même est fondé sur les données, et notamment les données géolocalisées. La nouvelle concurrence qu'elles ont instaurée menaçait notre capacité à maîtriser nos données souveraines.

Dans ce contexte, et poussé par la politique d'ouverture et de gratuité des données publiques, l'IGN a entrepris de réformer en profondeur son modèle.

Cette transformation consiste d'abord à concentrer ses activités de production sur les données socles souveraines. Par données socles on entend les références géographiques de bases, dites « primaires », qui constituent une forme de matière première pour concevoir des produits et des services d'informations géographiques dits « secondaires ».

La transformation du modèle de l'IGN passe aussi par le quasi abandon de sa politique commerciale et des multiples petites prestations sur mesure qu'il produisait pour divers clients. L'IGN se concentre désormais sur le pilotage de projets nationaux d'accompagnement de grandes politiques publiques. Réalisés dans le cadre de marchés en quasi régie, ces projets sont financés par leurs commanditaires institutionnels.

Le nouveau modèle de l'IGN a aussi vocation à repositionner l'opérateur au coeur de l'écosystème des données géolocalisées pour en faire un expert, coordinateur, fédérateur, agrégateur, plutôt qu'un simple producteur d'information géographique.

Il est apparu que la trajectoire budgétaire rigoureuse imposée à l'IGN, notamment s'agissant de ses emplois, était manifestement incompatible avec sa transformation, en particulier car cette dernière implique un repyramidage des effectifs et des besoins de nouvelles compétences dans des domaines où le marché de l'emploi est tendu.

Aussi, le PLF 2022 a-t-il proposé une première inflexion portant sur la trajectoire du schéma d'emploi. Cette inflexion a été confirmée par un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) signé avec la direction du budget qui stabilise la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'IGN jusqu'en 2024 et assouplit encore un peu plus son schéma d'emploi. Cette inflexion était nécessaire pour que l'établissement mette en oeuvre un vaste programme de recrutement et de formation afin de pourvoir, d'ici 2024, 150 postes sur des compétences émergentes.

La situation financière de l'IGN est déjà marquée par son nouveau modèle. À ce titre, 2021 constitue une vraie année charnière. C'est la première fois que les ressources propres de l'établissement, principalement issues des grands projets, dépassent le volume de la SCSP. Le développement du recours à la sous-traitance, en particulier pour les grands projets, produit un effet de levier qui dilate l'activité et le budget de l'IGN qui va passer de 160 à environ 180 millions d'euros. 2022 va quant à elle acter une légère progression de la masse salariale, du fait du plan de recrutement et de mesures d'attractivité.

J'ai pu le constater tout au long de mes travaux, le nouveau modèle de l'IGN est plébiscité par ses partenaires auprès desquels l'opérateur retrouve tout son crédit et sa légitimité. Cependant, j'ai aussi le sentiment qu'il demeure de vraies incertitudes quant à sa viabilité économique. À court terme, jusqu'en 2024, le financement des marchés en cours ainsi que la visibilité et l'assouplissement budgétaire que lui donne son engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM), garantissent son équilibre financier. Cependant, à partir de 2025, le modèle sera mis à l'épreuve. À ce stade, l'analyse prospective de sa viabilité repose sur plusieurs hypothèses fortes qui resteront à démontrer : notamment la stabilité de la SCSP et des effectifs, boucler le financement d'un grand projet pour lequel il manque toujours 15 millions d'euros ou encore trouver de nouveaux marchés pour un montant de 100 millions d'euros entre 2024 et 2027.

Aussi intéressant soit-il, le nouveau modèle de l'IGN présente des fragilités que l'on ne peut ignorer. Pour être viable économiquement, il suppose que l'opérateur conclut avec les ministères un volume suffisant de grands projets.

On ne peut exclure le risque d'un « trou d'air », d'autant que de nombreux ministères ont une connaissance très imparfaite des capacités de l'IGN et que l'opérateur est actuellement très dépendant de ces deux principaux « clients », les ministères des armées et de l'agriculture qui lui apportent 25 % du total de ses ressources. Inversement, l'établissement s'expose aussi au risque de « surchauffe » en cas d'afflux de demandes.

Ce modèle suppose une grande agilité d'organisation et dans la gestion des ressources humaines. L'IGN doit y parvenir dans le cadre contraint qui est celui d'un établissement public administratif (EPA), ce qui n'est pas loin de relever de la gageure. Qui plus est, des failles organisationnelles ont perturbé la bonne mise en oeuvre de la transition. Jusqu'ici, la priorité qui a été donnée aux grands projets s'est faite de façon artisanale, sans réel pilotage et sans s'assurer que des moyens suffisants étaient préservés pour produire les données socles souveraines, pourtant le coeur de la mission de service public de l'opérateur. Afin de maintenir la cohésion du corps social et de susciter l'adhésion autour d'une vision partagée de la nouvelle stratégie de l'institut, la direction doit rapidement remédier à ce problème.

Enfin, le nouveau modèle de l'IGN n'a une chance de prospérer qu'à condition que l'opérateur développe ses partenariats de façon très volontariste, avec les collectivités locales comme avec le secteur privé.

Aussi, afin de mieux baliser le nouveau chemin emprunté par l'IGN et d'en éviter les embûches, je vous propose une série de recommandations structurées autour de quatre axes : un IGN qui réussit sa mutation ; un IGN plus performant ; un IGN qui collabore mieux avec ses partenaires ; un IGN placé au coeur d'un écosystème public de l'information géographique rationalisé.

L'IGN doit faire partager son projet à l'extérieur comme à l'intérieur. C'est une phase toujours compliquée lorsqu'on refonde un tel établissement, qui était en grand risque jusqu'alors et qui tente une voie qui reste à baliser.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie. Je note que vous avez pris l'habitude de diriger vos contrôles sur des établissements ou organismes publics complexes, où les questions financières sont toujours à peu près de la même nature : ils manquent de moyens et, globalement, il serait nécessaire qu'ils se réforment pour aller chercher des « clients ». Ce n'est pas toujours encourageant.

On a l'impression qu'on a remplacé un financement d'État par une participation de l'État et forfaitisée, avec des financements de ministères quasi obligatoires. Si on ne veut pas voir le système s'écrouler, il faut que les ministères de l'agriculture et des armées cotisent. Leur liberté est faible. Il est également nécessaire de trouver de nouveaux projets. S'il n'y en a pas, il va falloir les construire, toujours sur financement d'État.

On peine, comme vous le dites en conclusion, à se rassurer totalement sur l'équilibre du modèle lorsque l'on constate qu'il suppose de trouver 100 millions d'euros de nouveaux marchés dans les prochaines années.

Merci de nous avoir dit les choses telles qu'elles sont. Vous nous faites ressentir l'importance de certains secteurs en termes de souveraineté mais, en même temps, le modèle économique ne paraît pas stabilisé à ce jour - c'est le moins que l'on puisse dire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vincent Capo-Canellas a l'art de se saisir de dossiers d'analyse concernant des opérateurs publics dont le fonctionnement global est questionné. Je me souviens des alertes au sujet de Météo-France, l'an passé. Ce rapport est devenu d'une actualité brûlante ! Je crois qu'il en est de même pour l'IGN.

Vincent Capo-Canellas va pouvoir offrir ce rapport au Gouvernement, qui a souvent recours, pour des coûts non négligeables, à des cabinets de conseils privés venant en accompagnement de l'État. Ce travail est approfondi, avec des questions sur les données, mais aussi sur l'articulation et la coordination des moyens entre opérateurs.

Je partage l'opinion de Vincent Capo-Canellas sur le fait de conserver une véritable capacité d'expertise au sein de l'IGN, mais tout cela doit être mieux intégré et consolidé entre les opérateurs - et peut être les collectivités - qui, aujourd'hui, ont à travailler sur la donnée, notamment publique.

En matière de prévention des risques, en particulier au regard des enjeux environnementaux et écologiques, je crois que l'on doit arriver à faire que l'IGN soit un outil de pointe. C'est une question de moyens, d'effectifs, de commandes publiques et privées. Tout n'est pas acquis, mais ce rapport, qui constitue une évaluation presque en temps réel, sera particulièrement utile et nous aidera à nous pencher sur les moyens accordés à cet organisme dans le cadre des prochaines discussions budgétaires.

M. Vincent Delahaye. - La situation est assez complexe. La subvention pour charges de service public baisse de 10 % en dix ans, et les effectifs de 21 % en dix ans. J'en déduis que la subvention par emploi augmente. J'aurais aimé en connaître le chiffre, car elle a crû selon moi de 20 % en dix ans. Ce n'est pas négligeable.

Par ailleurs, j'aurais aimé connaître la décomposition entre commandes publiques et commandes privées. On a en effet l'impression que les ressources propres prennent de plus en plus d'importance.

Je n'ai pas d'idée précise de la situation financière de l'IGN, mais le rapporteur spécial s'est-il demandé s'il ne fallait pas supprimer l'IGN ?

M. Marc Laménie. - Je m'interroge sur les moyens humains, qui ont baissé de façon significative. L'IGN est-il entièrement basé en région parisienne ou existe-t-il des emplois répartis sur les territoires ? Par ailleurs, quel est le devenir des cartes en papier de l'IGN ? Enfin, quel est le lien qu'entretient l'IGN avec les collectivités locales ? L'IGN a notamment un rôle à jouer en matière d'aléas climatiques.

M. Pascal Savoldelli. - Qu'est-ce qui permet de dire que la sous-traitance a constitué un effet de levier pour le nouveau modèle économique de l'IGN ? Je trouve que cette affirmation demande à être étayée par des données.

Ces trois dernières années, peut-être du fait de la pandémie, on a constaté un nouvel élan en faveur des cartes. Il y a là des éléments de rentabilité à prendre en compte.

M. Michel Canévet. - Comme Vincent Delahaye, j'éprouve quelques préoccupations quant au budget de l'IGN. La subvention pour charges de service public couvre-t-elle la masse salariale ou des dépenses supplémentaires ?

Je présume que l'IGN doit réaliser un effort d'investissement dans les nouvelles technologies, de façon que l'institution soit opérante, à défaut de quoi elle sera totalement dépassée. Au regard de ces enjeux, le statut d'établissement public est-il le plus adapté à ce qu'on attend de l'IGN ?

D'autre part, comme Vincent Delahaye, j'observe que les financements publics constituent l'essentiel du financement de l'IGN. On note même que la part des financements privés est en baisse de 50 % depuis 2017, ce qui est très préoccupant.

Enfin, l'IGN postule-t-il également à des programmes européens en matière de recherche géographique ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Monsieur le rapporteur spécial, vous avez brièvement évoqué l'idée que l'IGN pourrait aider les collectivités locales en matière de travaux sur le zéro artificialisation nette (ZAN). Est-ce pour mieux définir le type d'artificialisation ?

Par ailleurs, l'IGN peut-il venir en aide aux services du cadastre ? On sait en effet que nombre de certificats d'urbanisme sont refusés à des communes encore sous règlement national d'urbanisme (RNU), au motif que l'implantation d'une maison serait en discontinuité territoriale, alors que ce sont les registres du cadastre qui ne sont pas à jour. L'IGN serait-il capable d'agir en temps réel, ou au fur et à mesure de la mise à jour des données, afin de transmettre plus rapidement celles-ci au cadastre et éviter les refus ?

M. Jean-Baptiste Blanc. - Ma question va dans le même sens : le rapporteur spécial peut-il nous en dire plus sur l'artificialisation du point de vue de l'IGN ? On nous parle de beaucoup d'outils mobilisés autour de ce sujet - Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), et autres. Peut-on savoir qui fait quoi ? Par ailleurs, cela va-t-il générer de nouvelles recettes ? Enfin, l'IGN aura-t-il les moyens d'appréhender le ZAN ?

M. Christian Bilhac. - Je félicite le rapporteur spécial pour la qualité de son rapport.

Sur le plan stratégique, la souveraineté stratégique et militaire a un coût qu'il faut assumer. Quelle est la part de ce coût, et n'y a-t-il pas surtout, pour le contribuable, une double dépense ? Quand les collectivités locales font appel à d'autres sociétés que l'IGN, c'est l'impôt qui paye. Il ne faut jamais le perdre de vue.

Je crois que l'on doit conserver l'IGN pour des raisons stratégiques mais favoriser le partage de compétences entre l'État et les collectivités locales, afin d'éviter une double dépense pour le contribuable. On joue sur les mots : l'IGN va moins encaisser, mais ce qui compte, c'est ce qui sort de la poche du citoyen !

M. Jean-Marie Mizzon. - Ma question rejoint celle de Sylvie Vermeillet et Jean-Baptiste Blanc.

Il me semble que le ZAN constitue une opportunité en termes d'activité pour l'IGN, dès lors qu'on aura une définition, à partir des décrets qui sont contestés, de ce qui est artificialisé et de ce qui ne l'est pas vraiment.

Il y a là un chantier qui couvre plusieurs décennies, au moins jusqu'en 2050, sans parler par la suite de la surveillance de ce qui est « naturé », « renaturé » ou artificialisé.

M. Jean Pierre Vogel. - J'adresse tous mes remerciements au rapporteur spécial pour son excellent travail.

Existe-t-il un partenariat entre l'IGN, le nouveau système d'alerte des populations, FR-Alert, qui a remplacé le désastreux système d'alerte et d'information des populations (SAIP), et le système Cell Broadcast en cas de submersion marine, de gros incendies, d'attentats, etc. ? Cela me semblerait opportun.

M. Jean-Michel Arnaud. - Merci à Vincent Capo-Canellas pour le travail de qualité qu'il a fourni, comme toujours.

J'observe que, dans les territoires, les collectivités locales s'organisent en développant leur propre système de gestion des données locales, avec intervention de propositions privées.

Comment se fait-il que l'IGN ne mette pas à la disposition des collectivités locales une proposition opérationnelle mutualisée à moindre coût ? Les collectivités locales connaissent peu l'offre commerciale de l'IGN, alors que le rapporteur spécial a évoqué le devoir de l'IGN de développer d'autres sources de revenus. Je ne comprends pas comment un établissement public comme celui-ci soit aussi peu mobilisé par les collectivités locales pour la gestion des données de proximité.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Le sujet est ardu. L'IGN est une sorte de maquis, dont le langage est particulier. C'est celui des géographes, des géodonnées, avec un écosystème extrêmement compliqué.

C'est une maison d'ingénieurs, dotée d'un véritable acquis scientifique, mais qui est confrontée à des attaques tous azimuts et à des choix difficiles que doit effectuer le Gouvernement.

J'ai insisté sur le fait que, les différentes lois, comme la loi NOTRe, ont confié des compétences aux collectivités, qui commencent à travailler avant de se tourner vers l'IGN. Chaque région ou métropole réalise un travail de cartographie, et l'IGN doit être capable de jouer un rôle d'ensemblier, sans référentiel commun. Ce n'est donc pas extrêmement simple. On a tendance à beaucoup demander à l'IGN, mais les moyens sont peu nombreux et les choix ne sont pas très clairs.

Merci au président qui a souligné que j'avais tenté de m'attaquer à des sujets difficiles. En tant que rapporteur spécial des crédits de Météo-France, j'ai essayé de vous livrer des éléments sur la stratégie de cet organisme. J'ai fait le même travail sur la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et ses grands programmes de modernisation de la navigation aérienne. Je me penche à présent sur l'IGN pour en étudier les crédits.

Le président a insisté sur la question des moyens, qui constitue un point central. Que demande-t-on à ce type d'opérateur ? On a fait évoluer la subvention pour charges de service public à la baisse. Désormais, le financement des grands projets qui viennent pour l'essentiel des ministères est plus important que cette subvention. Il existe donc bien une fragilité financière inhérente à ce modèle.

L'IGN allait vraisemblablement mourir. Le choix a été fait de tenter une autre aventure, la seule possible peut-être, mais les risques sont là. J'insiste sur le fait qu'il y aura un problème si on ne trouve pas de grands projets à hauteur de 100 millions d'euros dans trois à quatre ans.

Cela fait partie des interrogations. La démarche conduite par le directeur général et par l'équipe de l'IGN va dans le bon sens, mais présente des risques.

Je précise que je ne crois pas aux clients privés pour fournir un volume d'affaires à l'IGN. L'État diminue sa subvention pour charges de service public. Il finance par ailleurs de grands projets. Tout est question de rythme. Si on veut stabiliser les choses, il faut donner de la visibilité à l'IGN.

Merci au rapporteur général au sujet de Météo-France. On va voir ce qu'il advient à la suite de ce que nous avons dit l'année dernière. Il y a aura, du fait notamment des événements tragiques qui ont eu lieu dernièrement, six postes de plus pour Météo-France.

Le ministre m'a dit l'autre jour qu'il lisait les bons auteurs. J'ai cru comprendre que notre alerte a permis au ministre, qui connaît bien le Sénat, de dire à ses équipes que cela ne pouvait se passer comme prévu. Souhaitons que cela ait des effets. On le verra ensemble dans quelques semaines.

Il faut effectivement travailler sur la prévention des risques. Plusieurs d'entre vous ont abordé ce sujet. L'IGN a plusieurs rôles en la matière. Il collabore avec les services d'intervention pour leur fournir des outils de navigation fiables et souverains. Il joue un rôle déterminant dans la prévention des risques inondation et submersion marine, notamment en mettant à jour les données altimétriques, la cartographie du réseau hydrographique ou encore en déterminant l'évolution du trait de côte. Après des catastrophes naturelles, notamment des inondations, l'IGN est aussi sollicité pour réaliser en urgence des prises de vues aériennes des zones sinistrées afin de mieux organiser les secours.  L'IGN n'est cependant pas dans l'opérationnel direct, contrairement aux préfectures ou à la sécurité civile.

Le rapporteur général l'a dit : nous sommes au milieu du gué financier, avec un certain nombre de risques majeurs.

Vincent Delahaye pose la question de savoir si l'on a toujours besoin de l'IGN. C'est le sujet qui m'a guidé au départ. On peut se poser intellectuellement la question mais, en matière de souveraineté militaire et de sécurité civile, ce serait folie de se priver d'un institut de référence qui fournit à la France une cartographie souveraine et les évolutions de celle-ci. A défaut nous risquerions de nous retrouver entre les mains des GAFAM. Nous avons donc besoin de l'IGN. C'est un élément stratégique pour l'avenir. Certains, dans l'administration, m'ont dit que nous n'y mettions pas assez d'argent, car la donnée est souveraine, même si on a ouvert la voie à la politique des données publiques gratuites. Il convient de faire attention.

S'agissant de la subvention par emploi, question posée par Vincent Delahaye, l'IGN a en effet subi une double peine : on a baissé la subvention pour charges de service public et réduit encore plus le nombre d'effectifs. Cela a permis de financer certains projets et des mesures d'attractivité, mais il y a également eu un effet « sous-traitance », comme le dit Pascal Savoldelli.

L'IGN a à la fois fait appel à la sous-traitance pour abaisser ses coûts et parce qu'il est parfois confronté à un trop grand volume d'affaires.

Le directeur général a eu une excellente analyse en disant qu'il fallait conserver la compétence des métiers de base. Il y a des compétences stratégiques qu'il ne sous-traitera pas. Il faut que l'IGN puisse parfois faire appel au secteur privé lorsqu'il en a besoin, mais sache exercer tous ses métiers stratégiques. C'est subtil, mais assez habile. Cela a temporairement gonflé le budget de 20 millions d'euros. Cependant, il faut demeurer très vigilant et ne pas perdre les métiers et les compétences essentiels.

Pour répondre à Marc Laménie, il existe cinq directions territoriales, une école, des activités de recherche.

Vous êtes plusieurs à avoir évoqué le ZAN. Une demande a été adressée par des ministères à l'IGN pour fournir un outil d'évaluation. Ce sera un sujet compliqué. Le financement de cet outil se situe à hauteur de 18,6 millions d'euros jusqu'en 2024. Il faudra ensuite 2 millions d'euros tous les ans pour réaliser l'actualisation. Cette somme n'est pas garantie à ce stade.

Quant aux cartes papier, il faut bien évidemment les maintenir. Leur impression va être rationalisée. L'IGN a entrepris de moderniser et d'optimiser cette activité qui sera décentralisée dans le Cher. Après une analyse économique, l'IGN a prévu d'externaliser les gros tirages mais de conserver en régie les tirages inférieurs à 500 exemplaires.

Plusieurs d'entre vous ont posé la question des relations avec les collectivités. L'IGN leur fournissait, il fut un temps, des services payants, et c'était mal vu. L'IGN peut apporter des compétences, mais peu de moins en moins le faire sur sa subvention pour charges de service public. Il y a donc un moment où il faut se tourner vers un partenariat, notamment à propos de certains projets. C'est un équilibre à trouver, qui devient malheureusement nécessaire.

Michel Canévet a posé la question de la masse salariale. Celle-ci a baissé et la subvention également, mais non de manière proportionnelle, pour les raisons que j'ai indiquées. Il faut financer l'investissement et des mesures d'attractivité.

S'agissant du statut d'EPA, j'ai écrit dans le rapport que ce n'est pas un tabou, mais qu'il faut d'abord retrouver un modèle financier qui se tienne. Est-on dans une fuite en avant ? Ce n'est pas impossible. On était auparavant dans une logique récessive, qui était pire que tout. Une fois que l'on aura une vue bien claire de ce modèle financier, en 2025, il faudra se poser la question de savoir si cela tient. Je propose une évaluation extérieure et que l'on se pose à ce moment-là des questions sur l'évolution du statut.

Poser la question du statut pourrait soulever celle du maintien de cet établissement. Cela fait sens de le conserver dans le domaine public. Je n'ai aucun doute à ce sujet. Si l'on réfléchit au statut, il faut le faire avec beaucoup de prudence et un cadre très clair, dans l'optique de lui donner davantage d'agilité.

Sylvie Vermeillet a évoqué le ZAN. Je pense lui avoir répondu, de même qu'à Jean-Baptiste Blanc et Jean-Marie Mizzon qui en ont aussi parlé.

Elle a soulevé la question du cadastre. Il faut effectivement que la direction générale des finances publiques et l'IGN avancent sur la question de la fiabilisation du plan cadastral et le projet de représentation parcellaire cadastrale unique afin de répondre aux très fortes attentes des collectivités sur le sujet.

Certes, chacun a sa façon de travailler. Il faut trouver le bon modus vivendi. Ce n'est pas optimal aujourd'hui.

Christian Bilhac a dit qu'il fallait assumer le coût de la souveraineté. C'est en effet essentiel. On ne peut être absent, sans quoi c'est le secteur privé qui se chargera de tout, et on se retrouvera entre ses mains et celles de pays étrangers. Quels moyens avons-nous ? Soit ce nouveau modèle tourne convenablement et tout va bien, soit il faudra se poser des questions et majorer la subvention pour charges de service public, au moins temporairement.

Jean-Pierre Vogel évoquait la question des systèmes d'alerte. J'ai répondu au rapporteur général sur ce point.

Jean-Michel Arnaud a lui aussi posé la question des collectivités locales et du développement des partenariats équilibrés. L'ouverture gratuite des données a paradoxalement amélioré les relations entre l'IGN et les collectivités locales. Nous avons beaucoup de doutes - et il y a lieu d'en avoir -, mais l'IGN se transforme et ses partenaires trouvent cela formidable. Tout le monde estime qu'on a besoin d'un référentiel d'informations géolocalisées de base qui ne peut être que celui de l'IGN.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie.

La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

Entreprises adaptées - Contrôle budgétaire - Communication

M. Claude Raynal, président. - Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », nous présente maintenant les conclusions de son contrôle sur les entreprises adaptées.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Les entreprises adaptées ont été instituées par la grande loi « Handicap » du 11 février 2005, en lieu et place des anciens ateliers protégés. Leur mission est de promouvoir un environnement économique favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap. Elles sont à ce titre tenues d'employer une proportion minimale de salariés reconnus travailleurs handicapés, fixée à 55 %.

Il est important de garder à l'esprit que les entreprises adaptées sont des entreprises à part entière, qui s'inscrivent dans le champ concurrentiel. Elles permettent de proposer une « voie moyenne » entre l'hébergement en ESAT, qui s'accompagne d'un suivi médico-social permanent, et l'emploi dans les entreprises « classiques ».

Le soutien apporté à ces structures participe ainsi pleinement de la réponse de l'État aux difficultés d'accès à l'emploi des travailleurs handicapés, qui constituent l'un des publics prioritaires de la politique de l'emploi. Pour mémoire en effet, le taux de chômage des personnes en situation de handicap s'élevait en 2020 à 14 %, contre 8 % pour l'ensemble des actifs. L'ancienneté moyenne de leur inscription sur les listes de Pôle emploi, qui atteint presque deux ans et demi, est également préoccupante.

Le soutien financier apporté par l'État à ces structures qui passe principalement par le financement d'aides au poste, représentait un total de 411,4 millions d'euros en exécution 2021, pour un total de 37 325 salariés éligibles à ces aides. Entre 2016 et 2021, on constate même une progression de 15 % de ces crédits alors même que le nombre de salariés éligibles a stagné et que la mission « Travail et emploi » a fait l'objet d'importantes mesures d'économies sur la période.

Depuis 2019, les entreprises adaptées ont été l'objet de réformes de grande ampleur.

Avant de faire un état des lieux de leur avancement et de leurs réalisations, un mot sur le sentiment général que je retire de mes travaux et en particulier des auditions que j'ai conduites. De manière générale, le dispositif « entreprises adaptées » donne satisfaction, aussi bien du côté du ministère du travail que de celui des associations représentant les personnes en situation de handicap. Bien sûr, tout n'est pas parfait et des améliorations sont nécessaires, j'en proposerai quelques-unes. Mais, dans l'ensemble, l'action des entreprises adaptées en faveur de l'insertion des travailleurs handicapés est saluée par l'ensemble des acteurs, et les orientations données à la politique de soutien de ces structures vont selon moi dans le bon sens.

Cela ayant été dit, force est de constater que les réformes engagées depuis maintenant près de quatre ans sont à ce jour inabouties.

L'engagement dit « Cap vers l'entreprise inclusive », signé entre l'État, l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) et plusieurs associations en 2018 avait posé trois ambitions structurantes. Sur le plan législatif, une bonne partie d'entre elles ont trouvé une traduction dans la loi dite « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018.

La première de ces ambitions était de transformer le modèle des entreprises adaptées, en posant le double objectif d'accroître la mixité dans leurs effectifs, selon une logique d'inclusion, et de réduire leur dépendance aux financements publics, selon une logique de performance.

Elle s'est d'abord traduite par une réforme de l'agrément des entreprises adaptées, avec un seuil plancher de salariés reconnus travailleurs handicapés passé de 80 % des effectifs de production à 55 % des effectifs totaux à compter de 2019.

Les modalités de financement des entreprises adaptées ont également été revues, afin de s'aligner sur les objectifs posés par cette ambition de transformation. Cette réforme complexe, est encore à ce jour difficilement appréhendée par les entreprises adaptées. Ce constat plaide pour une meilleure structuration de la coopération, aujourd'hui insuffisante, entre l'Agence des services et de paiement (ASP), la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'UNEA, pour assurer le pilotage du système de paiement des aides. Il faudra bien sûr également évaluer l'impact de ces réformes sur la composition des entreprises adaptées et sur leur financement. C'est le sens de mes recommandations n°1 et 2.

Certaines tendances à l'oeuvre témoignent cependant du fait que les entreprises adaptées sont bel et bien engagées dans cette logique de transformation, avec de nettes augmentations de la part des entreprises adaptées constituées sous un statut de société commerciale ainsi que de la part des salariés « valides » en leur sein.

La seconde ambition est celle de moderniser l'offre d'accompagnement, en proposant notamment une série d'expérimentations innovantes. Deux expérimentations ont été lancées à ce jour.

En premier lieu, les « CDD Tremplin », qui consistent en la signature de contrat de deux ans maximum en entreprises adaptées et permettent de bénéficier en parallèle d'un accompagnement, dans le but de s'insérer plus facilement par la suite dans le milieu « ordinaire ».

En second lieu les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT), qui seraient spécialisées dans l'intérim.

Si des premiers résultats encourageants remontent s'agissant du déploiement CDD Tremplin, globalement, les deux dispositifs peinent fortement à monter en puissance. La crise sanitaire est passée par là, bien sûr, mais l'écart entre les cibles fixées et les réalisations est tel qu'elle ne peut pas tout expliquer. La capacité des entreprises à s'engager si rapidement dans des dispositifs demandant des transformations organisationnelles importantes a été surestimée.

Le troisième projet d'expérimentation, les entreprises adaptées « pro inclusives », qui devaient employer une proportion de travailleurs handicapés comprise entre 40 et 50 %, n'a tout simplement pas vu le jour.

La priorité est selon moi de donner leur chance aux expérimentations engagées en les prolongeant d'un an, comme le propose d'ailleurs le PLF 2023 et de les évaluer, avant de décider de l'opportunité de relancer ou non ce projet d'expérimentation. C'est ma recommandation n°3.

Le déploiement du PIC dans les entreprises adaptées n'a pas non plus rencontré son public, avec seulement 5 millions d'euros engagés sur une enveloppe de 50 millions d'euros pour soutenir des actions de formations dans les entreprises engagées dans les expérimentations. Je considère que si l'effort en faveur de la formation dans les entreprises adaptées doit être maintenu, il convient d'ajuster le dispositif d'aide. Cela passe notamment par une meilleure connaissance du recours à la formation dans ces entreprises. C'est ma recommandation n°4.

La troisième et dernière ambition de l'engagement « Cap vers l'entreprise inclusive » est celle du « changement d'échelle », des entreprises adaptées. Il était prévu de doubler le nombre de salariés éligibles aux aides au poste, pour les porter à 80 000 à l'horizon de la fin de 2022.

De ce point de vue, il faut admettre que le résultat n'est pas là, puisque le nombre de salariés visés est resté stable sur la période - voire a légèrement fléchi. La cible a certes été révisée à 53 000 en cours de route, mais elle n'a guère plus de chance d'être atteinte.

Les causes de cet échec sont multiples, et la crise prend là encore sa part. Dans ce débat, la problématique des difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises adaptées a été portée avec force par l'UNEA. En 2021, 75 % d'entre elles déclaraient rencontrer de fortes difficultés de recrutement, et elles étaient 51 % à avoir déposé une offre sur les plateformes du service public de l'emploi sans jamais avoir été recontactées. Ce constat plaide pour une intensification des relations entre l'UNEA et l'ensemble des opérateurs du service public de l'emploi : Pôle emploi, Cap emploi, mais aussi les missions locales, encore trop peu mobilisées. C'est le sens de ma recommandation n°5.

Manifestement, les entreprises adaptées étaient dans les faits loin d'être prêtes pour un tel changement d'échelle, à plus forte raison dans un contexte de transformation de leur modèle.

Quand de tels objectifs sont posés, encore faut-il d'ailleurs que les réalisations puissent être connues et transparentes. J'ai été étonné de la faiblesse de la donnée publique disponible quant à la politique de soutien aux entreprises adaptées et à l'évolution des effectifs éligibles aux aides au poste. Leur publication transparente se justifierait pourtant pleinement eu égard à l'enveloppe budgétaire conséquente consacrée à cette politique, qui représente je le rappelle plus de 400 millions d'euros par an. C'est le sens de ma sixième et dernière recommandation.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci à Emmanuel Capus de braquer les projecteurs sur un secteur d'activité qui me paraît particulièrement important.

Je note que les objectifs quantitatifs ont, dans un premier temps, été revus à la baisse et que les dispositifs mis en place peinent à atteindre leur vitesse de croisière... Le rapporteur spécial pourrait-il donner davantage de précisions sur les causes identifiées de ces retards ?

Ne devrions-nous pas nous efforcer de trouver l'instance ou le cadre adéquat pour poser un diagnostic qui soit à la fois partagé et le plus précis possible sur la problématique des tensions de recrutement et des offres d'emploi non pourvues ? Il semblerait que les travailleurs handicapés pâtissent encore davantage de cette situation que le reste des salariés. C'est, pour nos politiques de l'emploi, une forme de constat d'échec.

Mme Christine Lavarde. - On connaît tous les ESAT, et on arrive à les faire travailler dans nos collectivités, mais on voit rarement des entreprises adaptées répondre à des marchés publics.

Qu'est-ce qui explique cette différence, alors que même que, conformément au code de la commande publique, les collectivités doivent favoriser l'accès du travail aux personnes en situation de handicap ? Ces entreprises interviennent-elles dans des champs de nature très différente de ceux des ESAT ? Sont-elles de ce fait moins susceptibles de répondre aux besoins ?

Par ailleurs, pourquoi n'arrive-t-on pas à atteindre 80 000 personnes ? Dans quelle mesure est-on considéré comme un travailleur en situation de handicap ?

M. Marc Laménie. - Merci pour ce travail de qualité, portant sur une politique qui mobilise 411 millions d'euros pour le budget de l'État et touche 37 325 salariés.

Dispose-t-on une analyse géographique de la répartition de l'ensemble des travailleurs handicapés ? Quelle est la gouvernance des structures d'accueil ? Il s'agit souvent d'associations loi de 1901, avec des bénévoles au conseil d'administration et au sein des encadrants, qui jouent un rôle important dans l'aide qu'ils apportent à l'ensemble des travailleurs concernés.

Par ailleurs, le département des Ardennes est frontalier de la Belgique, qui a souvent plus d'avance que nous dans ce domaine. Un rattrapage est-il possible par rapport à nos voisins belges ?

M. Jérôme Bascher. - Qu'en est-il du transport vers les ESAT, qui peut constituer une source majeure de difficultés, tout le monde n'habitant pas une métropole desservie par le métro ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Monsieur le rapporteur spécial, avez-vous examiné la piste d'une possible dynamisation de ces entreprises adaptées via les budgets RSE des grands groupes ?

Cela pourrait dynamiser l'activité et favoriser les entreprises vis-à-vis des publics qu'elles accompagnent.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je vous remercie de ces questions.

Monsieur le rapporteur général m'a interrogé sur les raisons pour lesquelles les réformes peinaient à monter en puissance.

Je le rappelle dans le rapport, l'hétérogénéité des différentes entreprises adaptées a manifestement été sous-estimée. Il en existe 747 en France, qui ont toutes des particularités. Ce sont soit des associations, soit des sociétés commerciales - c'est même de plus en plus le cas puisque leur proportion est passée, de mémoire, de 23 à 45 %. Elles interviennent dans des secteurs économiques extrêmement variés et, en tant qu'entreprises privées, sont pleinement souveraines dans leurs décisions commerciales.

Elles ont surtout dû faire face à beaucoup de changements en même temps. On a modifié les règles régissant leur conventionnement, leur recrutement, passant le nombre de salariés qui doivent être en situation de handicap de 80 % à 55 %, et leur financement.

Si on y ajoute les expérimentations à mettre en oeuvre dans le même temps, cela représente beaucoup de transformations à mener parallèlement, à plus forte raison dans le contexte de la crise sanitaire. Je rappelle que la réforme date de 2019. Tout est arrivé en même temps.

Il faut également relever l'absence de visibilité des offres de Pôle emploi. Il semble que les agents du service public de l'emploi méconnaissent trop souvent la spécificité des entreprises adaptées.

Pour faire toute la lumière sur les changements qu'ont connus les entreprises adaptées, je propose que les réformes des modalités d'agrément et de financement soient évaluées. L'évaluation prévue à ce stade ne porte actuellement que sur les CDD Tremplin et sur les entreprises adaptées de travail temporaire.

Christine Lavarde m'a interrogé sur ce qui peut expliquer la faible notoriété des entreprises adaptées, et demande si leurs champs d'intervention sont les mêmes que ceux des ESAT. L'échelle n'est pas tout à fait la même. Les entreprises adaptées sont bien plus confidentielles. 50 000 salariés environ sont employés dans les entreprises adaptées, dont environ 37 000 éligibles aux aides, alors qu'on compte environ 125 000 personnes accueillies en ESAT, soit plus du double.

Les entreprises adaptées participent également aux appels d'offres, opérant dans de nombreux secteurs d'activité, qui vont de l'industrie au domaine sanitaire et social.

Quant à la définition du handicap, elle consiste en la reconnaissance administrative par les commissions départementales des personnes handicapées, qui relèvent de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Cela concerne 2,7 millions de personnes.

S'agissant de la question posée par Marc Laménie, je n'ai pas d'éléments particuliers de comparaison entre les systèmes belges et français en la matière.

Quant à la répartition territoriale, celle-ci connaît en effet quelques disparités. On compte 108 entreprises adaptées en Auvergne-Rhône-Alpes, 80 en Île-de-France, contre par exemple 22 en Bourgogne-Franche-Comté. Ces disparités sont cependant à relativiser si on les rapporte à la situation socio-économique des différentes régions.

Jérôme Bascher, la mobilité constitue effectivement un sujet de préoccupation essentiel pour les politiques de l'emploi, à plus forte raison s'agissant des travailleurs handicapés. Je précise que les publics concernés sont les travailleurs handicapés dans leur ensemble et pas uniquement des personnes à mobilité réduite.

S'agissant de la question de Vanina Paoli-Gagin, je souligne justement dans le rapport le fait que les organisations patronales ont sans doute été trop peu consultées pour la conception des différentes réformes des entreprises adaptées. Elles n'ont notamment pas été associées à l'engagement « Cap vers l'entreprise inclusive ». L'UNEA était présente, mais non les organisations patronales. On pourrait évidemment les impliquer davantage. Sans doute pourrait-on, à travers ce biais, prendre mieux en compte la dynamique RSE des potentielles entreprises « clientes » des entreprises adaptées.

La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Jean-François Husson rapporteur sur le projet de loi (procédure accélérée) (A.N., XVIe législature, n° 272) de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Proposition de nomination aux fonctions de président de l'Autorité des marchés financiers - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Albéric de Montgolfier rapporteur sur la proposition de nomination aux fonctions de président de l'Autorité des marchés financiers en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010 838 du 23 juillet 2010, relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

La réunion est close à 11 h 55.