Mercredi 31 janvier 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal - Audition pour suite à donner à la Cour des comptes

M. Claude Raynal, président. - Nous procédons ce matin à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de notre commission en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), sur l'action de la direction générale des finances publiques (DGFiP) auprès du bloc communal.

C'est un sujet qui intéresse tout particulièrement le Sénat dans la mesure où la DGFiP est un acteur majeur du fonctionnement financier des communes et de leurs établissements publics. Le recouvrement des recettes, la mise à disposition des ressources financières qui en découlent, le paiement des dépenses, la tenue des comptes et la gestion des bases cadastrales font notamment partie de ses missions. Il est impossible de ne pas mentionner non plus la capacité d'adaptation dont la DGFiP a fait preuve pendant la crise de la covid-19: elle a continué à recouvrer les impôts tout en organisant la distribution des aides du fonds de solidarité, ce dans des conditions remarquables.

Depuis plusieurs années, la DGFiP s'est engagée dans la restructuration de son réseau, avec des impératifs contradictoires. Le projet de « nouveau réseau de proximité » (NRP) doit à la fois conduire à une réduction du nombre de services déconcentrés et se traduire par une augmentation du nombre de communes dans lesquelles la DGFiP est présente. Ce double impératif s'accompagne par ailleurs de la mise en place de nouveaux interlocuteurs pour les élus locaux, comme les conseillers aux décideurs locaux (CDL). Ces évolutions, sources d'inquiétudes pour de nombreux élus, nous ont conduits à demander à la Cour des comptes une évaluation de l'action de la DGFiP auprès des collectivités territoriales, et en particulier auprès du bloc communal.

C'est dans ce contexte que nous recevons ce matin Mme Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes, qui nous présentera les principales conclusions de cette enquête.

Le rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », Claude Nougein, nous indiquera ensuite les principaux enseignements qu'il en tire.

Pour nous éclairer sur le sujet, mais aussi répondre aux observations de la Cour et aux remarques du rapporteur spécial, je céderai ensuite la parole successivement à MM. Antoine Magnant, directeur général par intérim de la DGFiP, Jacques Oberti, président de la communauté d'agglomération du Sud-Est toulousain, dit Sicoval, maire d'Ayguesvives et administrateur d'Intercommunalités de France, et Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés et membre du conseil d'administration de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

À l'issue des débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.

Je rappelle enfin que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

Mme Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes. - Le présent rapport répond à la saisine du premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici, qui en a approuvé la réalisation le 27 février dernier. Des échanges ont alors eu lieu entre le rapporteur spécial, M. Claude Nougein, et l'équipe de la première chambre, afin d'arrêter le cadre général et la liste des thématiques du rapport.

Je commencerai par évoquer un point de méthode. Parmi les raisons qui ont motivé le président Raynal à saisir la Cour des comptes figurait sans doute une inquiétude sur le devenir du service rendu par la DGFiP aux collectivités. Cette inquiétude se comprend aisément : la DGFiP était alors en train de conduire le resserrement de son réseau déconcentré, résultant en la fermeture d'un certain nombre de petites trésoreries.

Il convenait donc d'établir les effets de ce resserrement en répondant à diverses questions, les premières ayant trait à la mise en oeuvre du projet : combien de fermetures de trésorerie ou de services ont été effectuées par la DGFiP ? Comment cela s'est-il passé ? Quelle organisation nouvelle a été mise en place ?

Une autre interrogation concernait les missions mêmes de la DGFiP auprès du bloc communal : ces changements structurels ont-ils eu un impact sur la qualité du service rendu aux communes, notamment celles qui sont situées en zone rurale ?

Pour répondre à ces interrogations, notre équipe de travail a collecté des informations chiffrées et non chiffrées, mené des entretiens et effectué des déplacements. Nous avons aussi tenu à consulter les communes et leurs groupements au moyen d'un sondage, qui a permis de recueillir l'avis des collectivités sur la qualité du service rendu par la DGFiP. Nous avons constitué un échantillon selon les règles en usage sur le plan statistique, de sorte que le résultat, inséré en annexe du rapport, peut être considéré comme représentatif.

J'en viens au fond du sujet. Je présenterai d'abord l'action de la DGFiP auprès du bloc communal et la qualité perçue de cette action ; j'évoquerai ensuite l'impact du resserrement du réseau déconcentré de la DGFiP au travers du projet NRP ; enfin, je déclinerai les recommandations permettant de consolider l'action de la DGFiP, en particulier du point de vue de la relation avec les collectivités du bloc communal.

Commençons par les actions menées par la DGFiP auprès du bloc communal, comme d'ailleurs auprès des autres collectivités locales. À cette occasion, je vous présenterai les indicateurs dont nous disposons pour mesurer l'efficacité de cette action et la manière dont les communes et leurs groupements perçoivent la qualité des services rendus par la DGFiP.

Cette dernière exerce à la fois des missions fiscales - assiette et recouvrement des impôts, des taxes et des autres recettes publiques - et des missions de gestion publique - contrôle et paiement de dépenses de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux, tenue des compatibilités.

En 2019, le réseau déconcentré de la DGFiP comprenait exactement 3 499 services implantés sur le territoire national. Leur nombre devait être réduit à 1 761 à l'issue du projet NRP, soit une baisse de près de la moitié à l'horizon 2025. À l'échelle nationale, cette administration compte environ 93 000 agents, dont 85 % travaillent au sein du réseau déconcentré.

La DGFiP est un acteur majeur du fonctionnement financier des collectivités et de leurs établissements publics en ce qu'elle recouvre les recettes des collectivités, met à disposition les ressources financières qui en découlent, paye leurs dépenses, tient leurs comptes et gère les bases cadastrales.

Ces missions prennent d'autant plus d'importance auprès du bloc communal, et singulièrement auprès des communes rurales, la grande majorité d'entre elles ne disposant pas toujours de ressources humaines bien formées dans ces domaines techniques.

Concernant les recettes fiscales que l'État recouvre pour le compte des collectivités, le montant des avances de fiscalité directe locale versées en 2022 aux communes, syndicats et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) s'est élevé à plus de 69 milliards d'euros.

Les impôts directs locaux sur rôles - taxe foncière, taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et cotisation foncière des entreprises (CFE) -, sont la principale ressource du bloc communal en 2022, s'élevant à 45,8 milliards d'euros. S'y ajoutent les fractions de TVA leur étant affectées ou les impôts auto-liquidés, tels que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en cours de suppression.

Le sondage effectué par la Cour des comptes à l'occasion de cette enquête confirme une bonne perception par les collectivités du respect du calendrier de versement. Les communes regrettent cependant de ne pas toujours disposer, lors de l'élaboration de leur budget, du montant des dotations qui leur seront attribuées, ces informations pouvant leur être communiquées assez tardivement, alors que le budget est déjà élaboré. De ce point de vue, les modifications des indicateurs financiers servant à la répartition des dotations et des fonds de péréquation, dont on doit l'introduction aux lois de finances initiales pour 2021 et pour 2022, suscitent des demandes d'explication de la part des collectivités.

Enfin, s'agissant du recouvrement des recettes non fiscales et des amendes, l'une des associations d'élus consultées par la Cour a fait part d'un besoin accru d'échanges d'informations entre les collectivités et les services de la DGFiP, bien en amont de la demande d'admission en non-valeur des créances devenues irrécouvrables.

Ce besoin d'information s'exprime aussi à l'égard d'un autre aspect majeur de l'action de la DGFiP auprès du bloc communal, celui du paiement de leurs dépenses et de la tenue de leurs comptes. Si les délais de paiement des dépenses par le comptable n'appellent pas de commentaires particuliers, la tenue des comptes fait actuellement l'objet de projets de modernisation très structurants, tels que le compte financier unique, le passage à l'instruction budgétaire et comptable M57 ou l'expérimentation de la certification des comptes locaux, qui a révélé des marges de fiabilisation des comptes assez importantes. Plus des deux tiers des communes interrogées expriment une attente forte d'accompagnement par la DGFiP sur le passage à l'instruction M57.

La tenue des bases cadastrales et leur fiabilisation constituent également une mission centrale des services fonciers des directions départementales des finances publiques (DDFiP). La DGFiP a mis en place le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers ». Depuis 2023, les particuliers doivent ainsi mettre à jour leur situation concernant l'occupation de ces biens. D'après la DGFiP, la première mise en oeuvre de cette obligation s'est traduite par un ressaut important des bases de taxe d'habitation (TH), notamment sur les résidences secondaires, et, dans une moindre mesure, de taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV). Ce ressaut a été notifié sans explication suffisante à l'automne 2023 aux collectivités locales ; il relève, dans une proportion qui reste à déterminer, soit d'une régularisation des bases, avec un effet pérenne, soit de déclarations erronées.

Le Gouvernement s'est engagé à identifier et à corriger rapidement les erreurs qui seront à la charge de l'État. Une information rapide des collectivités est cependant nécessaire pour identifier le caractère pérenne ou non de ces recettes supplémentaires. Sur ce sujet, les collectivités interrogées par la Cour attendent encore une amélioration des services proposés par l'administration fiscale en matière foncière et cadastrale, notamment en termes de délais de réponse et d'échanges d'informations. Dans les petites communes, les maires ont souvent une meilleure connaissance que la DGFiP du tissu bâti et peuvent contribuer, eux aussi, à une fiabilisation des bases.

J'en viens maintenant au resserrement en cours du réseau territorial de la DGFiP à l'occasion du projet NRP. Le 6 juin 2019, le ministre chargé des comptes publics a annoncé la mise en oeuvre d'une « géographie revisitée » - selon ses propres mots - des implantations de la DGFiP. Ce nouveau projet a été renommé « nouveau réseau de proximité ».

Il répondait à un double constat. Premièrement, l'accueil des usagers, notamment des particuliers, devait être modernisé, compte tenu du développement des outils numériques. Deuxièmement, les réorganisations précédentes du réseau de la DGFiP, marquées chaque année par la fermeture de petites trésoreries locales, ne se situaient ni dans un plan ni dans calendrier d'ensemble. On ne disposait donc d'aucune visibilité sur les résultats souhaités dans ce domaine.

Conformément au contrat d'objectifs et de moyens (COM) de la DGFiP, le nombre total de communes comportant des points assurant une présence physique de la DGFiP, même de façon temporaire, devait initialement être porté de 2 000 à 2 570 à la fin de l'année 2023, soit une augmentation de 30 %. Aujourd'hui, cet objectif est largement dépassé : à la fin de l'année 2022, 2 975 communes comportaient une présence de la DGFiP ; ce nombre devait même passer à environ 3 000 fin 2023.

Parallèlement, le nombre de postes comptables devait diminuer de moitié, passant de 3 500 à 1 761 à l'issue des opérations de réorganisation prévues de façon échelonnée jusqu'en 2025. Cet objectif a presque été atteint. De nouvelles structures, les services de gestion comptable (SGC), regroupent désormais les anciennes trésoreries locales. De plus, un nouveau métier a été créé, celui de conseiller aux décideurs locaux, pour apporter aux élus un soutien dans les domaines financier, fiscal, budgétaire et comptable.

Cette apparente contradiction entre le resserrement du réseau comptable et l'augmentation du nombre de communes comportant une présence de la DGFiP tient au développement de 2 600 points de proximité dans les espaces France Services et de 400 permanences dans les mairies. Les usagers ont également désormais la possibilité de régler leurs dettes fiscales dans le réseau des buralistes, grâce à 15 000 points comptabilisés à la mi-octobre 2023.

La démarche engagée par la DGFiP dans la préparation et la mise en oeuvre de ce projet repose sur trois points essentiels. Tout d'abord, cette démarche est à la fois globale, pluriannuelle et concertée. Elle s'appuie sur des cibles chiffrées d'implantation de nouveaux services jusqu'en 2026. Cependant, l'essentiel des réorganisations est intervenu entre 2020 et 2023 ; seules quelques opérations immobilières encore complexes restent à mener en région.

Ces cibles ont fait l'objet d'une large concertation avec les élus locaux, les organisations syndicales et l'ensemble des agents de la DGFiP, sur la base de cartes des implantations projetées. Les organisations syndicales désapprouvaient initialement la réforme dans la mesure où elle entraînait des suppressions d'emploi. Reste que la concertation, conduite par les directeurs locaux de la DGFiP en lien avec les préfets, a été menée à bien.

Les schémas cibles ont ensuite pu être formalisés dans des chartes départementales, préparées par le directeur départemental des finances publiques et présentées aux élus. Ces chartes n'ont pas été signées dans tous les départements, mais la concertation a néanmoins permis de faire évoluer assez significativement les projets initiaux, avec la création de 180 accueils de proximité supplémentaires et une réévaluation de 15 % du nombre de services propres de la DGFiP, si l'on tient compte des antennes créées.

Le déploiement du nouveau réseau de proximité est donc en passe d'être achevé et respecte globalement les objectifs de la réforme et le calendrier prévu. Le taux de resserrement du réseau visait initialement la suppression de la moitié des structures par rapport à 2019. Aujourd'hui, on se situe un peu en deçà de cet objectif, la diminution n'étant que de 42 %. La concertation avec les élus a permis de maintenir des services dans des territoires peu densément peuplés et de créer 53 antennes provisoires et 263 antennes pérennes.

Ces réorganisations ont également permis de regrouper les effectifs dans des structures plus grandes. Symétriquement, le nombre de toutes petites structures a diminué, renforçant la capacité de la DGFiP à garantir, sur l'ensemble du territoire, une qualité de service plus homogène. Sur les 600 services de moins de 5 agents qu'on comptait en 2016, seule une centaine subsistera après la réforme, dont 60 % seront des antennes de services plus importants.

En parallèle, la participation de la DGFiP au réseau France Services s'est révélée conforme aux prévisions : à la fin de l'année 2023, sa présence devrait être effective dans plus de 2 600 maisons labellisées. Ces espaces couvrent majoritairement les zones rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Ces résultats chiffrés, globalement conformes avec les objectifs, doivent être lus en regard de la perception qu'en ont les collectivités. D'après notre sondage, les communes rurales interrogées expriment de fortes réticences à l'égard de cette nouvelle carte des implantations : 31 % d'entre elles seulement considèrent qu'elle est tout à fait ou plutôt pertinente. La fermeture des petites trésoreries locales a été perçue comme un symptôme du retrait de l'État sur les territoires, dans un contexte de tensions sur le recrutement et la formation des secrétaires de mairie. Dès lors, le resserrement du réseau doit être mis en perspective avec la qualité du service rendu et sa perception par les collectivités locales, point qui ne pourra être pleinement évalué qu'au terme du déploiement des CDL et des services de gestion locale.

Les nominations des CDL ont progressé à un rythme soutenu ces trois dernières années : sur l'ensemble du territoire national, 917 des 993 agents prévus étaient en poste en décembre 2023. Toutes les collectivités du bloc communal devraient, à terme, disposer d'un CDL référent, celui-ci pouvant cependant être l'interlocuteur de plusieurs EPCI. Notre sondage indique que les CDL sont bien identifiés par 90 % des collectivités, notamment en milieu rural où ils jouent un rôle crucial auprès des secrétaires de mairie. Leur action de conseil en matière budgétaire, fiscale et comptable est également appréciée par 90 % des collectivités interrogées.

J'en viens au troisième point de ma présentation. Il ressort de notre enquête que la DGFiP a engagé une transformation profonde de son réseau et que plusieurs points méritent une attention particulière. S'il est encore prématuré de dresser le bilan définitif des opérations de restructuration, l'ambition de la réforme, son calendrier, la démarche de concertation et l'ampleur des transformations menées méritent d'être relevés.

Les collectivités interrogées par la Cour appellent à une certaine vigilance sur la qualité du service rendu par la DGFiP dans le cadre de ce réseau resserré. Les attentes sont particulièrement importantes dans les communes rurales, surtout dans celles de moins de 3 500 habitants : les équipes sont restreintes et connaissent d'importantes difficultés de recrutement. Les besoins en formation des secrétaires de mairie sur les sujets budgétaires, fiscaux et financiers sont grands, dans un contexte d'importantes difficultés de recrutement.

Nous adressons trois recommandations au ministère de l'économie et des finances.

Premièrement, il conviendrait de réaliser, dès 2024, un bilan du déploiement des CDL et de leur articulation avec les SGC au regard des attentes des élus et de leur relation avec eux. La nouvelle organisation peut parfois donner lieu à des malentendus ou des incompréhensions sans doute temporaires du côté des collectivités : qui est le bon interlocuteur ? Est-ce le conseiller auprès des communes ou bien le nouveau SGC ? Quel est le rôle exact de chacun ? Ces ambiguïtés tiennent naturellement au caractère encore récent de la réforme, mais les pratiques sont variables d'un territoire à l'autre. En dresser le bilan permettra donc de mieux cadrer l'action de chacun et donnera aux élus une vision plus claire du rôle de leurs interlocuteurs.

Deuxièmement, il y a lieu de conforter la participation de la DGFiP aux espaces France Services, notamment grâce à leur accueil dans les locaux des DDFiP - pour l'instant inexistant -, à l'affectation de plus d'agents de la DGFiP comme animateurs et au réexamen des niveaux d'engagement en fonction des besoins exprimés.

Troisièmement, il serait bon de compléter les outils de recensement de la satisfaction des usagers par des enquêtes permettant de mesurer les difficultés d'accès des populations qui, dans les territoires ruraux comme ailleurs, peinent à utiliser les outils dématérialisés dont dispose la DGFiP. Or, il se trouve que ce sont les usagers sondés qui sont les plus à l'aise dans l'utilisation des outils numériques et dans leurs relations avec l'administration. Il est donc essentiel de renforcer l'« aller vers » au bénéfice des populations les plus éloignées des outils numériques. D'ailleurs, une campagne de communication spécifique permettrait à ces publics de savoir où se trouvent les nouveaux guichets d'accueil de proximité.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Je remercie la Cour des comptes pour ses travaux, qui nous permettent d'apprécier l'action de la DGFiP auprès de nos communes et de nos intercommunalités. C'est un sujet du quotidien, les sénateurs des provinces « profondes » le savent, mais cela concerne en réalité l'ensemble des maires, qu'ils soient élus de zones rurales ou de zones urbaines.

L'enquête menée par la Cour des comptes, qui s'est en partie appuyée sur un sondage effectué auprès d'un échantillon représentatif du bloc communal, procède d'une méthode de travail inédite, gagnant à être généralisée. Dans l'évaluation de nos politiques et de nos services publics, il est encore trop rare de demander leur avis aux premiers concernés.

Deux éléments ont rendu ce sondage d'autant plus nécessaire.

D'une part, nous ne disposons aujourd'hui que des évaluations conduites par la DGFiP elle-même sur la qualité des services rendus aux collectivités territoriales. Nous ne doutons pas de l'impartialité de ces évaluations, mais il est toujours utile de pouvoir disposer d'une autre source d'informations. En l'espèce, les résultats de la DGFiP et de la Cour des comptes sont cohérents et très positifs, à une ou deux exceptions près - j'y reviendrai.

D'autre part, ce sondage intervient à un moment opportun : la DGFiP, qui accomplit des missions essentielles pour les communes et les intercommunalités, est en pleine transformation. On a parfois l'impression que c'est le cas depuis sa création et qu'il n'y a jamais eu de véritable stabilisation. Mais, entre la restructuration du réseau et la mise en place de nouveaux interlocuteurs pour les élus locaux, ce sont des changements qui prennent du temps.

Fait rare, la Cour des comptes porte un regard globalement positif non seulement sur la restructuration engagée par la DGFiP, mais aussi sur la méthode employée et sa mise en oeuvre.

Je commencerai par parler de la restructuration. La DGFiP, c'est près de 79 000 agents travaillant dans les services déconcentrés, environ 1 800 postes comptables et une présence assurée dans près de 3 000 communes. Ainsi, la diminution prévue du nombre de services déconcentrés de plus de 50 %, entre 2019 et 2026, s'accompagne d'une augmentation du nombre de points de contact, via les permanences dans les mairies ou les espaces France Services.

Si ces deux évolutions peuvent apparaître contradictoires, elles me semblent de bonne politique. En effet, les usagers doivent pouvoir disposer d'un point de contact près de chez eux, mais il n'est pas forcément nécessaire de tenir une trésorerie par intercommunalité ; c'est d'ailleurs ce qu'avait proposé le ministre du budget par le passé.

Ce principe apparaît en effet un peu trop rigide, alors que les intercommunalités ont des tailles très différentes. Dans mon département, par exemple, il existe une trésorerie pour une agglomération de 110 000 habitants et une autre pour une intercommunalité de 5 000 personnes. Augmenter le nombre moyen d'agents par service, c'est aussi s'assurer que les départs en retraite ne remettront pas en cause la pérennité des postes comptables.

Quelques mots sur la méthode. Chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) et des crédits alloués à la DGFiP, nous parlons de son « nouveau réseau de proximité ». Cette expression marketing devait refléter le changement de méthode intervenu en 2019 : finies les restructurations à l'aveugle et au coup par coup ; place à la concertation avec les élus locaux, les agents et les organisations professionnelles.

Les résultats de l'enquête de la Cour des comptes montrent que le changement de méthode, annoncé à grand renfort de communication par le Gouvernement de l'époque, a bien eu lieu. Pour une fois, la concertation n'est pas restée un vain mot : la signature des chartes avec les départements et les intercommunalités s'est traduite par la création de 180 accueils de proximité supplémentaires, par rapport au schéma initial. La Cour cite les exemples du Finistère et des Pyrénées-Atlantiques. MM. Oberti et Hauchecorne pourront nous donner l'appréciation d'Intercommunalités de France et de l'AMRF sur cette coopération.

J'en viens enfin à la mise en oeuvre du NRP. Les résultats du sondage sont à cet égard très révélateurs. Alors que les communes se montrent globalement satisfaites des services rendus par la DGFiP, les résultats s'inversent lorsqu'elles sont interrogées sur la nouvelle cartographie du réseau de la DGFiP. En effet, 32 % des communes rurales et 53 % des communes non rurales sont satisfaites de la nouvelle carte des implantations des services de gestion comptable.

L'AMRF fera peut-être écho à l'explication qui me semble devoir être faite de ce résultat. Pour les petites communes en particulier, la fermeture d'une trésorerie, c'est un nouveau service de l'État qui s'en va, un nouveau signe de son retrait ; quelquefois, c'est même ressenti comme un drame. Pour les communes rurales, qui ne disposent pas de services entiers consacrés à la gestion administrative et financière, beaucoup repose sur les secrétaires de mairie. Ils ont ainsi l'impression de perdre un expert de proximité.

L'installation des CDL doit permettre de répondre pour partie à ces préoccupations et de contrebalancer ce sentiment d'abandon. Les CDL ont vocation à devenir les interlocuteurs privilégiés des ordonnateurs des collectivités territoriales : chaque commune disposerait d'un conseiller référent, un conseiller pouvant être l'interlocuteur de plusieurs communes et intercommunalités.

À la fin de l'année 2023, 917 CDL étaient en poste ; on en attend 993 à l'issue du déploiement de ce nouveau réseau. Le sondage mené par la Cour des comptes illustre le haut niveau de satisfaction des communes à l'égard des CDL, qui pourraient toutefois être encore plus présents auprès des secrétaires de mairie, notamment pour l'élaboration du budget. Le Gouvernement nous avait promis 1 200 CDL lors de l'annonce du projet NRP. Je souhaiterais que M. Magnant puisse nous expliquer l'écart entre cet objectif initial et la cible actuelle, désormais fixée à un peu moins de 1 000 CDL. Comment l'expliquer ? Par ailleurs, la Cour des comptes souligne de fortes disparités en termes de charges de travail entre conseillers, suivant leur affectation. La DGFiP partage-t-elle ce constat ?

Je veux enfin évoquer les services rendus par la DGFiP aux communes et aux intercommunalités, en m'attardant sur deux points de vigilance.

Le premier concerne la gestion des bases cadastrales - c'est un marronnier, comme on dit dans la presse. Les communes ne sont pas pleinement satisfaites des services rendus par la DGFiP en matière cadastrale et foncière. L'AMRF et Intercommunalités de France pourront le confirmer : l'actualisation des bases cadastrales n'est pas un problème nouveau pour le bloc communal ; c'est un sujet ancien, sur lequel on ne progresse que très lentement. La DGFiP envisage-t-elle de proposer de nouveaux services aux communes dans ce domaine ? Quel bilan provisoire tirez-vous du projet Foncier innovant, notamment après les difficultés rencontrées cet été autour de l'interface en ligne « Gérer mes biens immobiliers » ?

Le second point de vigilance porte sur la satisfaction des usagers, au-delà des maires et des communes. La troisième recommandation de la Cour des comptes reprend un propos que nous énonçons chaque année dans nos rapports budgétaires : la dématérialisation ne doit pas conduire à laisser de côté les publics les plus éloignés du numérique - en ce domaine, n'allons pas trop vite. Monsieur Magnant, qu'avez-vous mis en place au sein de la DGFiP pour répondre à ces préoccupations ?

M. Antoine Magnant, directeur par intérim de la direction générale des finances publiques. - Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de saisir la Cour des comptes sur ce sujet, qui nous semble naturellement très important et met en exergue la proximité et la densité des relations quotidiennes entre la DGFiP et l'ensemble des collectivités territoriales, à commencer par les communes et les intercommunalités, sans oublier les autres collectivités locales auxquelles nous nous efforçons de rendre un service identique.

Comme l'a indiqué M. Nougein, le rapport de la Cour des comptes met en lumière un bilan que je qualifierais pour ma part de positif, étant donné l'échelle de valeurs de la Cour des comptes.

En 2019, nous avons changé de cap dans la manière d'organiser notre réseau et nos évolutions territoriales, ce pour plusieurs raisons. Nous avons fait le constat d'un modèle à bout de souffle : les diminutions d'emploi considérables, telles que votées en loi de finances, se sont caractérisées par une diminution de nos effectifs de près de 40 % en un peu plus de vingt ans. Ce n'est pas sans conséquence sur la qualité du service public rendu et la capacité à mobiliser des équipes. En effet, celles-ci avaient du mal à se projeter dans le cours, le moyen et même le long terme, tant en ce qui concerne la finalité de leurs missions que l'endroit où ils devaient les exercer.

Nous avons réussi à nous placer dans une logique pluriannuelle, que nous n'étions pas parvenus à mettre en oeuvre jusqu'alors. Nous raisonnions suivant un principe de stricte annualité, nous conduisant à identifier un certain nombre de trésoreries qui pouvaient être fermées. C'était l'une des sources d'économies d'emploi que nous avions l'obligation de mettre en oeuvre.

Nous avons changé de cap dans les missions que la DGFiP réalise au profit des collectivités territoriales en modifiant largement notre organisation. Les missions d'exécution comptable, en recettes et en dépenses, sont concentrées dans des équipes densifiées, ce qui garantit d'assurer le service public dans la durée, sans que les éventuels rabots successifs ne viennent mettre en cause la pérennité des implantations et des équipes.

Nous avons également créé un nouveau métier, celui de conseiller aux décideurs locaux, destiné à garantir la qualité et la proximité du conseil financier aux collectivités, aux élus et aux secrétaires de mairie et, dans le meilleur des cas, à les améliorer. C'est un métier fondamentalement nouveau visant à affecter des agents à cette seule mission, alors qu'elle n'était auparavant pas exécutée à plein temps par les trésoriers de la DGFiP. On compte aujourd'hui environ 1 000 agents. Autrement dit, l'État a investi des emplois dans une administration en réduction, au bénéfice de ses interlocuteurs du quotidien et, plus généralement, des Français.

Comme l'a indiqué le rapporteur spécial, l'objectif initial de 1 200 CDL a été revu à la baisse. Néanmoins, je n'exclus pas que nous continuions à augmenter le nombre d'agents. Le rapport de la Cour des comptes et les interventions des uns et des autres peuvent mettre en lumière le besoin de faire évoluer les effectifs, généralement à la hausse, dans la mesure des moyens que la représentation nationale nous donnera. Il y a également lieu d'améliorer la disponibilité des agents dans tel ou tel endroit. Voilà où nous en sommes, mais sachez que nous pouvons aller plus loin si nous identifions un besoin réel ou une insuffisance de qualité et de disponibilité des CDL, et si nous arrivons à recruter les ressources nécessaires. Il vaut mieux disposer d'un tout petit peu moins d'agents avec un degré d'expertise et de disponibilité supérieur que davantage d'agents n'étant pas capables d'apporter un conseil au niveau que vous êtes en droit d'attendre.

La présidente Camby l'a indiqué, la méthodologie dans la projection à long terme et la conduite de la concertation, tant à l'échelle nationale que locale, sont nouvelles. Les premières semaines ont été quelque peu mouvementées ; on doutait en effet de notre capacité à rendre crédible cette ambition, ainsi que dans la capacité de conviction sur place de chacun des élus. Mais l'ambition était forte et la réorganisation a bel et bien été réalisée - cela n'allait pas de soi, d'autant que nous avons dû traverser la crise du covid.

Mme Camby a évoqué à plusieurs reprises les sondages réalisés. Monsieur le rapporteur spécial, depuis la mise en place de cette réforme, nous interrogeons de manière systématique l'ensemble des maires sur la qualité perçue du conseil aux décideurs locaux - 85 % sont satisfaits - et du service de gestion comptable - le taux de satisfaction est de 80 %.

D'un point de vue technique, nous procédons non pas à un sondage, qui repose sur un échantillon, mais à une interrogation générale. C'est la délégation interministérielle de la transformation publique (DITP) qui, sur la base d'un dispositif existant depuis une quinzaine d'années, recueille les avis : chaque année, on interroge un panel de Français sur les relations entretenues avec les services publics de l'État - il s'agit du baromètre Delouvrier, rendu public chaque début d'année. Ces sondages couvrent une durée très longue, ce qui permet de mesurer les évolutions. Ainsi, depuis l'origine, notamment ces cinq dernières années, la DGFiP est désignée comme l'administration préférée des Français, partageant sa place sur le podium avec la police nationale.

Bref, cette pratique du sondage est systématique et structurante. Elle est essentielle pour nous. Se fonder sur un miroir déformant, c'est la garantie de biais de réflexion et de décisions qui, par principe, sont très mal orientées.

Les tenants de cette profonde évolution organisationnelle des métiers méthodologiques et de nos interrelations avec les élus ont bien été mis en oeuvre dans les délais, en dépit du covid.

Quelle suite donner à cette réforme ? Cette année, pour la première fois depuis le début du millénaire, les effectifs de la DGFiP connaîtront une évolution positive, quoique légère. Nous pourrons nous satisfaire de la même situation en 2025. Notre objectif pour les deux années à venir est très clair. Nous devons consolider les organisations, les méthodologies de travail et les résultats. Consolider, c'est non seulement mieux mesurer et mieux former, mais c'est aussi améliorer les éléments et les situations pouvant poser des difficultés.

Nous allons continuer, chaque année, à faire le bilan du déploiement des CDL, non pour nous en glorifier, mais pour mesurer les éventuelles alertes et ainsi peaufiner les cartes locales. Il s'agit aussi de veiller à l'appropriation effective de notre organisation par les interlocuteurs pour lesquels nous travaillons.

Ainsi, à chaque fois que je me rends sur le terrain, je vérifie que le maire, l'adjoint aux finances et le secrétaire de mairie disposent bien du numéro d'un CDL. C'est là l'indicateur de vérité sur l'existence et la fluidité de la relation, au-delà de tout ce que l'on dit sur les conventions, les partenariats et les points de rencontre réguliers. La possibilité d'appeler un CDL est un gage de confiance.

Certaines de vos questions portaient sur les bases cadastrales et les avancées du projet Foncier innovant. Nous avons présenté les premiers résultats de ce dispositif qui, via des outils d'intelligence artificielle (IA) internalisés, vise à mesurer les écarts entre la photographie aérienne des communes, faite par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), et la réalité du plan cadastral. C'est ainsi que nous avons découvert plus de 200 000 piscines. La réévaluation des bases de taxes foncières qui découle de ce simple élément assure aux collectivités concernées un gain annuel d'environ 50 millions d'euros.

Nous commençons désormais à également identifier des bâtis isolés. En Haute-Savoie et dans le Var, deux départements qui servent d'expérimentation, nous en avons trouvé très peu. C'est une bonne nouvelle, car cela signifie que peu de constructions importantes de cette nature-là ont été réalisées sans permis de construire. Nous allons généraliser ce dispositif, mais le gain à en attendre reste faible : le cadastre est quand même bien tenu et les permis de construire sont délivrés opportunément.

Les agrandissements de bâtis - ajout d'une véranda, d'un étage ou d'une pièce supplémentaire - réalisés sans permis de construire doivent aussi appeler notre vigilance, car ils devraient tomber sous le coup de la taxe foncière. En ce domaine, il faut rester prudent, car nous ne saurions susciter des rejets en raison d'interventions intempestives. Bien entendu, nous n'allons pas intervenir pour quelques demi-mètres carrés, nous devons être sûrs de nous. Nous devons donc prendre le temps de peaufiner nos modèles, de mener des expérimentations pour nous assurer de la cohérence et de la pertinence de nos résultats et de nous assurer qu'ils mettent en exergue un réel manque à gagner pour des collectivités.

Les collectivités sont contentes du rehaussement des bases cadastrales mais pas de la survenance de faits divers fâcheux pour leurs habitants. Notre objectif, c'est de faire ce qui est positif tout en évitant le négatif.

Enfin, que fait-on au bénéfice des usagers, notamment des contribuables, en difficulté ou exclus du numérique ? Deux éléments caractérisent l'administration fiscale dans sa relation avec ses usagers et la distinguent d'autres services publics.

Premièrement, le recours aux procédures dématérialisées pour les opérations grand public n'est jamais obligatoire, la déclaration de revenus peut être faite sur papier - seuls 10 % des foyers fiscaux recourant à ce dispositif. Deuxièmement, l'organisation de l'accueil du public par nos guichets est particulière : ainsi, deux demi-journées sont consacrées à l'accueil de tous les usagers ; le reste du temps est voué à l'accueil sur rendez-vous. L'an dernier, nous avons reçu 7 millions de personnes à nos guichets. C'est un chiffre considérable, d'autant que le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance télévisuelle ont réduit le volume des questions qui nous sont adressées et des demandes de délai de paiement.

Nous poursuivrons cette politique d'ouverture aussi longtemps que nous en aurons les moyens, et nous les avons pour ces prochaines années. En plus d'accueillir 7 millions de personnes chaque année, nous recevons 9 millions d'appels téléphoniques. Vous le voyez, la DGFiP n'est pas une administration qui dématérialise la totalité de ses relations avec ses usagers : c'est normal, et cela va continuer.

M. Jacques Oberti, président de la communauté d'agglomération du Sud-Est toulousain, maire d'Ayguesvives, administrateur d'Intercommunalités de France. - Je suis maire d'une commune de 2 800 habitants du Lauragais, en Haute-Garonne, président d'une communauté d'agglomération du Sud-est toulousain, dit Sicoval, de 85 000 habitants, et vice-président d'Intercommunalités de France, en charge du numérique.

J'apporterai d'abord quelques nuances concernant la mise en oeuvre du nouveau réseau de proximité. Je salue le fort investissement des équipes des directions régionales des finances publiques (DRFiP), qui ont dû vivre cette période de manière très intense, les obstacles n'ayant pas manqué. Elles ont sans doute travaillé davantage sur l'héritage du réseau précédent que sur une nouvelle organisation territoriale des services, même si çà et là elles ont eu les moyens de positionner de nouveaux points de contact. Il faut toutefois parfaire le dispositif. Certes, les retours qui nous parviennent proviennent naturellement des intercommunalités où le dispositif reste à améliorer, notamment en ce qui concerne le positionnement des conseillers aux décideurs locaux.

Ce nouveau positionnement est censé devoir couvrir l'ensemble du territoire. Cet engagement doit être tenu à l'égard des collectivités, qui y sont très attentives, notamment lorsque les moyens manquent. Il faut trouver des solutions convenant à l'ensemble des territoires et remplir le contrat, car la défiance ou la méfiance est certaine : nous avons été habitués à des désengagements de l'État de la part des directions départementales de l'équipement (DDE), en particulier concernant l'instruction scolaire, et il faut apaiser le sentiment d'abandon particulièrement présent dans les territoires ruraux.

La question des CDL est essentielle, car leur création crée une nouvelle dépendance. Cette dépendance doit nécessairement conduire à ce qu'une réponse soit apportée à toutes les questions que se posent les décideurs locaux, bien au-delà peut-être des missions qui leur ont été fixées initialement, notamment concernant l'aide à réaliser les budgets ou le calcul des valeurs cadastrales. La révision des valeurs locatives des locaux professionnels a provoqué quelques déceptions, et l'attente est très forte concernant les locaux d'habitation. Il faut également davantage de pédagogie concernant le calcul des coefficients de localisation, ou, plus généralement, de toutes les recettes. Nous restons frustrés au sujet de la CVAE ; heureusement que certains EPCI avaient réalisé des travaux pour s'adapter à la réforme, avant même la bascule de ces recettes vers la TVA, mais les territoires qui ne l'avaient pas fait, comptant peut-être sur les conseillers, sont aujourd'hui extrêmement déçus.

Concernant la taxe d'aménagement majorée, là encore le dispositif est à parfaire. Le changement des flux pouvait être intéressant, mais le fait de devoir suivre les travaux avec acuité jusqu'à leur déclaration d'achèvement impose une grande technicité, particulièrement dans les communes qui ne disposent pas des moyens pour la mettre en oeuvre.

Les attentes sont donc fortes. Il faut des partenariats bien plus étroits, d'autant plus du fait des effets de la loi Climat et résilience, avec la réduction de la croissance des valeurs locatives. Le conseiller doit être, pour les intercommunalités et les communes, un interlocuteur susceptible d'amener un plus dans un pacte financier et fiscal. Au-delà des conventions, signées presque pour faire plaisir aux DRFiP, ces collaborations doivent être confortées.

Les maires sont aussi les interlocuteurs des propriétaires, et subissent les conséquences des déclarations de gestion des biens immobiliers. Le règlement des problèmes rencontre parfois de très forts retards. Les maires, en première ligne, attendent des progrès de la part des DRFiP et de la DGFiP. Dans bien des territoires, ils n'ont aujourd'hui pas de réponses à fournir à leurs administrés quant à cette gestion, ce qui est dommage.

Malgré tout, nous confirmons qu'il existe un lien très fort entre les conseillers et les décideurs locaux, ce qui va dans le bon sens, avec des exigences toutefois croissantes.

Il est vrai qu'il faut absolument progresser sur la perception des recettes. Nous avons parlé du numérique. Pourquoi ne pas développer un système d'information partagé qui permettrait aux collectivités d'avoir accès aux mêmes données que les finances publiques, à condition naturellement de bien déterminer les droits d'accès ? Il faut améliorer la gestion des recettes pour multiplier les investissements locaux, d'autant plus qu'on connait les attentes placées dans les collectivités territoriales en matière de transition énergétique par exemple.

Concernant la mise en place de la réforme « zéro cash », il n'y a pas vraiment d'égalité territoriale. Pourquoi ne pas imaginer d'autres partenaires locaux que les buralistes qui permettraient le paiement dématérialisé de l'impôt ? Un meilleur ancrage territorial pourrait permettre de régler bien des problèmes en zone rurale, en vue d'une simplification des paiements.

En complément, l'accompagnement de l'instruction budgétaire et comptable M57 et le compte financier unique (CFU) vont dans le bon sens, celui d'une simplification. Si certaines collectivités se sentent encore isolées dans leur gestion de trésorerie, il faut continuer à accompagner ces expérimentations positives.

Concernant le fait de calquer les interventions de la DGFiP sur la base du réseau des maisons France Services, je demande d'abord que la capacité de ces dernières à bien couvrir le territoire soit évaluée. L'approbation des usagers est forte, mais je ne suis pas sûr que les maisons France Services rendent partout les services escomptés. L'objectif retenu, c'est un déplacement n'excédant pas trente minutes pour s'y rendre, mais, en milieu rural, nous sommes loin du compte. Il faut de plus être méfiant à ce sujet, notamment en raison de l'importance prise par le numérique.

Je formulerai deux suggestions à cet égard : d'une part, le déploiement de la feuille de route France Numérique Ensemble pourrait constituer une magnifique opportunité, pour voir dans quelle mesure le maillage territorial est opérationnel par rapport au cadre des gouvernances locales. Ces feuilles de route seront remises à la mi-2024. D'autre part, monsieur le directeur, vous avez parlé de l'apport de l'intelligence artificielle (IA) pour le calcul des valeurs cadastrales, mais je voudrais vous interroger sur les conséquences de l'intelligence artificielle pour les agents. Stanislas Guerini, ancien ministre de la transformation et de la fonction publiques, avait lancé une expérimentation autour d'une IA générative. Il serait intéressant d'anticiper cette question, sans tomber toutefois dans les travers du tout numérique, et en favorisant également les politiques du « aller-vers ».

M. Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-Aux-Prés, membre du conseil d'administration de l'Association des maires ruraux de France. - Je vous remercie de nous avoir invités à cet échange fondamental pour nos communes, et je remercie la Cour des comptes de s'être emparée de ce sujet. Sans répéter les propos de M. Oberti, qui a de très bonnes idées sur le numérique, je souhaite faire quelques remarques.

Le paiement de nos dotations par la DGFiP est plutôt bien réalisé, mais il y a parfois des retards dans la transmission des informations : les états de notification 1259 des bases fiscales prévisionnelles nous parviennent souvent à la fin du mois de mars, alors que nous avons jusqu'à la mi-avril pour boucler nos budgets. Plusieurs de nos collègues ont donc de grandes difficultés à anticiper leurs recettes. J'appartiens au comité des finances locales, et j'ai accès à des informations que beaucoup de mes collègues n'ont pas. Or, lorsque l'on ne connaît pas les montants de l'augmentation de la dotation de solidarité rurale (DSR) ou de la dotation de solidarité urbaine (DSU), cela pose un problème.

Je vous parlerai de ce qui fonctionne bien, et des dispositifs qui ne fonctionnent pas bien. Je serai très concret, en me fondant sur mon expérience et sur celle de mes collègues. Ce qui fonctionne bien, c'est l'automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Jusqu'ici, j'avais plusieurs échanges par an avec la préfecture à ce sujet, et nous étions bien contents lorsque nous recevions enfin notre dû en novembre. En 2023, le versement est arrivé en février, ce qui change tout. Interrogé hier sur ce sujet par un sénateur membre de la commission des lois, j'ai souligné que, selon moi, le plus gênant, c'était l'application progressive de la réforme et le maintien de versements en n+1 et en n+2 pour les communes. L'idée de ce sénateur de tout ramener en n, comme pour les intercommunalités, semble peut-être utopique, mais je pense qu'il serait pertinent de travailler sur ce sujet.

Les choses sont en revanche moins claires au niveau de la commission communale des impôts directs. Je suis maire depuis un bon moment ; à une seule reprise, l'année du covid, une personne de la DGFiP est venue nous expliquer que faire lorsque l'on reçoit ces papiers totalement abscons. Une année plus tard, je me suis aperçu qu'on nous envoyait le fichier par voie numérique, sans nous prévenir. Nous avons tellement de choses à faire que nous ne nous en sommes pas vraiment aperçus. Cela étant, les fichiers sont très peu clairs. Les quelques fois où nous avons tenté de changer quelque chose, on nous a répondu que l'on n'avait rien compris et qu'on ne changeait rien. Peut-être qu'une fois par mandat, un agent de la DGFiP pourrait indiquer aux maires comment fonctionnent les impôts au niveau cadastral et quels sont leurs droits.

Nombre de mes collègues et moi-même avions augmenté les taux de la taxe d'habitation en 2018 ou en 2019 - Mme Faure nous avait alors appelés de vilains petits canards. Tout à coup, en août 2023, on nous a réclamé de l'argent sans que cela ne soit prévu dans nos comptes. Il paraît que la mesure avait été votée en loi de finances pour 2020, ce que je veux bien croire, mais nous aurions pu être prévenus dès le début de la réforme qu'on nous réclamerait la ristourne que l'État avait donnée aux particuliers. En 2020, la taxe d'habitation n'avait pas encore été supprimée, et certains devaient encore payer un reliquat. Avec l'annonce de la fin de la taxe d'habitation, il était difficile de demander aux particuliers de payer ce reliquat, que l'on a fait payer aux communes en 2023. Peut-être que des gens très avertis étaient au courant, mais la plupart de mes collègues en étaient furieux.

Concernant la taxe d'aménagement et le changement de méthode, cela semblait allait dans le bon sens, celui d'une rationalisation de la procédure. Mais le fait que le produit de cette taxe soit perçu après la fin des travaux suscite des inquiétudes : le budget du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) dont je suis trésorier repose à 94 % sur les recettes de la taxe d'aménagement. Nous avons des inquiétudes... J'en ai parlé à Guillaume Robert, chef du service des gestions publiques locales, des activités bancaires et économiques à la DGFiP, en lui faisant remarquer qu'entre l'acceptation d'un permis de construire et la déclaration d'achèvement des travaux, il y avait un délai moyen de 17 mois, et donc un trou de six mois dans la trésorerie d'un CAUE. On nous a indiqué que ces calculs étaient faux parce que les choses iraient plus vite, mais nous avons besoin de davantage de précisions sur ce point. Six mois de trésorerie, c'est très difficile à couvrir pour un CAUE. Nous pouvons espérer que les choses aillent plus vite, et nous faisons confiance à la DGFiP sur ce point.

L'ADN de la DGFiP n'est naturellement pas de faire de la pédagogie, je le comprends, mais un gros effort est demandé à nos collègues maires. Lors du dernier comité des finances locales (CFL), l'une de nos collègues a fait remarquer que l'on ne comprend rien aux dotations, sauf leur montant. Tout ne relève pas de la responsabilité de la DGFiP, qui ne fait que les appliquer, mais les règles sont complexes, et nous devrions être plus clairement informés, dans des termes plus simples ; nos collègues, surtout dans les petites communes, n'ont pas autant de temps à consacrer à ces questions.

Nous ne reviendrons pas en arrière concernant la raréfaction des trésoreries. Lorsque je suis devenu maire, un trésorier travaillait pour cinq communes, assistait à nos commissions des finances, et nous avions des échanges permanents. C'est grâce à lui que j'ai appris à manier les finances de ma commune. C'est un passé lointain désormais : aujourd'hui, un trésorier a la charge de vingt-cinq ou de trente communes, plus quelques syndicats et une grosse communauté de communes. Autant dire qu'il n'est pas autant joignable... J'ai le numéro de téléphone de ma conseillère de la DGFiP, qui m'a répondu de manière remarquable à deux reprises. Mais j'ai mis du temps à savoir qu'elle existait : ce n'est pas une critique personnelle, mais il serait utile que les conseillers viennent se présenter dans les communes dont ils ont la charge.

Pour les particuliers, les choses sont également complexes. Entre 60 % et 80 % des habitants de notre commune manient bien le numérique, mais entre 10 % et 15 % d'entre eux éprouvent de grandes difficultés et remplissent toujours leur déclaration d'imposition en version papier. Une dame de 90 ans de ma commune était ainsi complètement paniquée parce qu'elle devait déclarer sa maison avant le 30 juin, mais qu'elle n'avait pas son numéro de télédéclarant qui figurait sur sa déclaration papier qu'elle avait envoyée pour payer ses impôts. Ces personnes doivent être mieux aidées.

J'appuie les propos de mon collègue au sujet des maisons France Services. Je ne sais pas quel cahier des charges leur a été confié, mais beaucoup des personnels ne sont pas non plus allés se présenter aux communes. Le premier kilomètre est important, comme le dit Michel Fournier, président de l'Association des maires ruraux de France. J'encourage les personnels des maisons France Services à faire davantage de relationnel afin que, dans les mairies, nous puissions par exemple indiquer les horaires des permanences de la DGFiP.

Nous avons parlé de la formation des secrétaires de mairie. Très souvent, ils sont un peu perdus dans ces domaines, et du travail reste à faire. Des documents très simples, où les choses seraient clairement expliquées, seraient appréciables. La plupart des gens ne regardent pas ces documents dans le détail. Un gros effort reste à faire. Dans les communes rurales, nous avons du mal à regarder cela de près et à gérer les budgets.

M. Claude Raynal, président. - Puisque vous êtes rentrés dans des détails précis et en évoquant les communes rurales, j'en profite pour vous indiquer que le rapporteur général et moi-même envoyons à l'ensemble des sénateurs la liste des communes concernées dans leur département par le nouveau zonage France Ruralités Revitalisation (FRR).

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis assez partagé, mais mon point de vue est plutôt positif. Dans les débats sur la réorganisation de la DGFiP, je suis plutôt enclin à soutenir la démarche d'adaptation, de modernisation et de redéploiement du réseau, qui vise à d'avantage d'efficacité et à une meilleure répartition territoriale. J'ai le sentiment que c'est ce qui se passe globalement. Je le dis avec prudence : ces dernières années, il est tellement rare de voir une démarche annoncée, concertée et mise en oeuvre atteindre à peu près sa cible que je le signale.

Je suis assez sensible au sujet des trente minutes de trajet pour atteindre une maison France Services, même si cette durée est indicative. Il faut par ailleurs adapter nos réflexions et nos projets, éventuellement à l'aide de l'intelligence artificielle. Pour ma part, je reste aussi très attaché à ce qu'il y a encore très peu de temps on appelait l'intelligence collective : il faut des temps de rencontre pour comprendre et lever les doutes qui peuvent subsister. Une réclamation bien traitée aboutit à une fidélisation pour dix ans : c'est un vieux principe du commerce, qui vaut également en la matière.

La Cour des comptes indique dans son rapport que presque 3 000 communes bénéficient de cette réorganisation des services de la DGFiP. Mais, alors que cela excède l'objectif initialement fixé, vous recommandez de renforcer encore cette présence, notamment dans les maisons France Services. Pensez-vous qu'il faut être présent dans davantage de communes, ou augmenter le temps de présence des agents dans les maisons existantes, en fonction des besoins de services notamment ?

Par ailleurs, avez-vous pu apprécier le ressenti réel à l'égard de cette réorganisation, par un sondage ou par un questionnaire évaluant le niveau de satisfaction ? Dans certains territoires, il peut y avoir des dissonances. Nous sortons de campagne électorale, et nous avons bien senti que lorsqu'il y avait des difficultés, c'était malheureusement parfois du fait d'une personne : quand le contact passe bien, cela fonctionne, mais quand il ne passe pas, cela peut bloquer les échanges.

Enfin, accorder au réseau des buralistes la possibilité de réaliser des prestations d'encaissements pour toutes les créances publiques me semble une bonne idée : d'une présence famélique, on passe à une amplitude horaire importante, et la qualité du service en est consolidée. En revanche, son coût est élevé, chaque paiement étant facturé entre 4 euros et 5 euros à l'État, quel que soit le montant encaissé, en plus du marché public conclu avec les buralistes pour 10 millions à 12 millions d'euros par an. Même si l'unité de valeur est plutôt le milliard, les petites économies sont importantes, surtout si l'on se projette dans la réforme « zéro cash », qui, à mon avis, ira moins vite que ce qui est annoncé. En Suède, présentée comme un modèle à ce sujet, encore 13 % des échanges ont lieu en liquide : cela semble constituer un seuil minimal.

M. Hervé Maurey. - J'ai entendu certains parler du bilan globalement positif de cette réorganisation, mais cela ne correspond pas au ressenti que j'en ai du terrain. Au contraire, et cela a été dit, la réorganisation des trésoreries est vécue comme un recul supplémentaire des services publics en milieu rural. Dans mon département rural, onze trésoreries ont été fermées. Cela pose le problème de l'éloignement, de la disponibilité des agents pour assister aux réunions, ou des difficultés de transport pour se rendre à la trésorerie.

J'observe surtout des dysfonctionnements qui ne me remontaient pas jusqu'à présent : en particulier, les délais de paiement des entreprises sont parfois très longs, ce qui pose de grands problèmes - j'ai même dû intervenir personnellement auprès des services de la trésorerie pour que des entreprises soient payées, car un risque pesait sur leur existence même. Des demandes ubuesques sont faites aux maires, qui ont parfois l'impression que l'on requiert des pièces justificatives supplémentaires uniquement dans le but de ne pas traiter leurs dossiers.

Certes, il ne peut pas y avoir une trésorerie par intercommunalité. Mais lorsqu'il n'y a pas de trésorerie dans de très grosses intercommunalités, alors que dans une plus petite ville voisine il y a une trésorerie couvrant cette intercommunalité, cela peut sembler bizarre, sans même parler de raison politique...

À cela s'ajoute le fait que les élus se plaignent de rencontrer de plus en plus de difficultés dans le recouvrement de leurs créances, ou même pour s'informer de la situation de ces créances. Certains maires n'arrivent même pas à savoir si les locataires des logements communaux sont ou non à jour de leur paiement. Avant, les loyers étaient payés par chèque à la mairie, et le maire pouvait bien plus facilement suivre ces affaires.

Le constat de la Cour est tout à fait pertinent, mais ses recommandations me semblent décevantes. Comment se fait-il que les services de la DGFiP aient aussi mal évalué le nombre de communes pouvant bénéficier du filet de sécurité ? Dans mon département, 152 communes ont dû reverser l'acompte touché au titre du filet de sécurité, parfois au prix de grandes difficultés, alors que seuls vingt-sept acomptes ont été confirmés. Comment cela est-il possible ?

M. Antoine Lefèvre. - Je partage également ce ressenti : le bilan n'est pas totalement positif. Dans l'Aisne, la réforme a parfois été difficile à mettre en oeuvre. Ce réseau de proximité a-t-il permis de réduire le nombre de contentieux fiscaux ou budgétaires avec les collectivités ? Concernant les ressources humaines et la territorialisation des services fiscaux, la DGFiP dispose-t-elle d'assez de personnels pour irriguer l'ensemble des territoires, notamment les territoires ruraux ? Les postes sont-ils pourvus assez facilement ?

M. Stéphane Sautarel. - Le bilan de cette réorganisation est sans doute plus contrasté que ce qui est présenté dans le rapport de la Cour des comptes. Dans le Cantal, les services de gestion comptable, en charge des paiements, présentent des retards considérables, ce qui met en difficulté l'économie du territoire et ses entreprises.

Je partage pleinement la première recommandation de la Cour : l'articulation des conseillers et des services de gestion comptable pose encore certaines difficultés, notamment sur les questions d'imputation ou d'affectation des dépenses. Ces phénomènes sont malheureusement assez répandus. Au sujet des dépôts des régies des services publics, on ne peut que constater l'éloignement de ces derniers et le fait qu'un tiers des communes ne sont pas satisfaites des partenariats noués avec La Banque postale. Que répond la DGFiP aux communes concernant les bons d'urgence en espèces accordés aux administrés les plus fragiles, et qui s'inquiètent de la réforme « zéro cash », qui semble un peu loin des réalités en milieu rural ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Je souligne la qualité du rapport sur la réorganisation des implantations territoriales de la DGFiP dans le cadre de ce nouveau réseau de proximité. Toutefois, dans les communes, on considère que ce projet est mal nommé : le regroupement des trésoreries s'est traduit par un éloignement, du point de vue des élus. Le rapport l'indique, la cartographie des services de la DGFiP ne semble pas pertinente pour 67 % des communes rurales, et les secrétaires de mairie ne se sentent pas suffisamment formés par la DGFiP. Globalement, dans le département de l'Ain, les services de gestion comptable sont perçus comme sous-dimensionnés, ces manques d'effectifs ayant un impact sur le travail des secrétaires de mairie, qui éprouvent des difficultés à obtenir des réponses rapides, alors que, dans le même temps, la DGFiP donne l'injonction de traiter rapidement les dossiers.

Un tableau présent dans le rapport indique que la baisse des effectifs dans les trésoreries des mairies a été de 24 % ; il me semble que nous sommes arrivés à la limite de l'exercice. Dans mon département, j'ai également des exemples de délais de paiement très longs, certaines entreprises indiquant aux mairies qu'elles auront du mal à travailler avec elles dans ces conditions. La question des effectifs est essentielle, car leur réduction dégrade la qualité du service auprès des collectivités.

M. Bernard Delcros. - Globalement, la réforme des trésoreries a été plutôt bien perçue par les élus locaux, mais on avait tellement dépouillé les trésoreries de proximité de leurs personnels et de leurs compétences que ces dernières ne parvenaient plus à accompagner les élus. La nomination des conseillers aux décideurs locaux, notamment, a donc été bien perçue.

Toutefois, des disparités très importantes demeurent selon les territoires, parfois à l'intérieur même d'un département. En fonction des personnes, comme l'indiquait le rapporteur général, les choses se passent plus ou moins bien. Il faudrait améliorer la réactivité des services comptables dans les secteurs où les choses ne se passent pas bien, tant pour les retards de paiement, qui sont inacceptables, que pour l'accompagnement des secrétaires de mairie et des élus. Il faut parvenir à résoudre rapidement les difficultés lorsqu'elles se posent, que cela soit par un changement de personne ou par le fait de compléter les effectifs. Il n'est pas possible que les mêmes difficultés perdurent pendent des mois et se répètent d'année en année.

Le nombre de points de présence de la DGFiP a certes augmenté, mais les inégalités dans les départements sont fortes. La DGFiP fait partie des partenaires des maisons France Services. Un cadre national fixe-t-il les conditions de présence, qu'elles soient ponctuelles, régulières, renforcées à certains moments de l'année, physique ou en visioconférence, prise de rendez-vous possible ou non ? Il me semble que des disparités très grandes existent selon les départements. Les DDFiP ont-elles toute latitude pour gérer ces questions, ou un cahier des charges national existe-t-il ? Il serait intéressant de créer un tel cadre pour garantir qu'un vrai service de proximité soit apporté aux usagers.

M. Jean-Marie Mizzon. - J'ai l'impression de mieux mesurer la différence entre le réel et le ressenti ! La différence est forte entre la réalité vécue par les élus locaux et ce que montre ce rapport. Peut-être la réalité s'est-elle trompée, mais, hélas, je crains que non...

Les élus attendent souvent des renseignements et des informations contextualisés. Or le regroupement et la suppression des trésoreries locales n'a pas conduit à une telle amélioration. La structure budgétaire d'une commune dépend aussi de l'avenir : elle peut intégrer des éléments de progression parce qu'elle a connaissance de tel ou tel facteur pouvant expliquer ou justifier une évolution de sa structure budgétaire. Mais cela n'est pas possible, et je ne connais pas d'élus ayant le numéro de téléphone de leurs conseillers aux décideurs locaux. Je suis toujours président de l'association des maires ruraux de Moselle. À chacune de nos assemblées générales, le DDFiP est placé sur le grill. Je tombe de haut, monsieur le directeur général par intérim, lorsque vous nous indiquez que l'administration des finances publiques est l'administration préférée des Français.

Certains agents font peut-être du zèle : on demande systématiquement, même pour des paiements mineurs, de joindre des contrats, même pour un bouquet de fleurs offert à la doyenne du village ! Certaines trésoreries ont également du mal à conserver leurs personnels, car elles sont éloignées des centres urbains, et le turnover y est important.

Ce nouveau réseau de proximité a-t-il permis de réduire les délais de paiement ? Dans mon département, les délais sont trop importants. Mais peut-être est-ce en raison de sa situation frontalière, et parce qu'il fait partie des départements qui ont perdu nombre de leurs services publics et qui n'ont pas été suffisamment bien traités par « l'administration préférée des Français ».

M. Christian Bilhac. - Il faut tenir compte de la remarque du rapporteur général : souvent, c'est une question de personne. Les maires sont parfois contents, mais parfois beaucoup moins, s'ils ont affaire à une personne moins compétente, moins disponible ou moins ouverte. Dans certains territoires, haro sur la DGFiP ! Dans d'autres, cela fonctionne bien.

J'ai connu l'époque où, tous les ans, tous les litiges fonciers dans la commune étaient réglés en une heure à la suite de la venue d'un agent du cadastre dans les mairies. Aujourd'hui, au lieu de cet échange, on doit envoyer des dizaines de courriers, ce qui provoque des incompréhensions et des mécontentements.

On a fait une usine à gaz pour la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, et c'est encore ce que nous allons faire pour la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Mais attention : il y a beaucoup plus de locaux d'habitation. Je réitère ma proposition, à savoir que les maires et les commissions communales des impôts directs fixent les valeurs locatives. Arrêtons avec les coefficients, les secteurs, les sous-secteurs, qui font qu'à la fin le maire découvre un chiffre sorti d'un ordinateur, qui ne correspond à rien, et surtout pas à la volonté des commissions communales. J'ai entendu le Président de la République et le Premier ministre parler de simplification ; simplifions ainsi la manière dont les valeurs locatives sont fixées.

J'avais alerté non sur le transfert de la gestion de la taxe d'aménagement à la DGFiP, mais sur le fait que son encaissement ait lieu à la fin des travaux. Cela entraîne des ruptures de trésorerie pour les collectivités, et la situation est parfois dramatique pour les particuliers, qui n'ont souvent plus d'argent pour terminer la construction de leur pavillon, mais doivent payer cette taxe à la fin des travaux. Par un amendement, j'avais proposé que la taxe soit payée au début des travaux, une fois l'emprunt encaissé. En trente-cinq ans de mandat, je n'ai reçu que deux déclarations d'achèvement de travaux, personne ne les dépose. Où en est-on sur cette question ?

M. Didier Rambaud. -La révolution de l'intelligence artificielle est sûrement la plus radicale depuis celle de Gutenberg. Elle va affecter toutes les politiques publiques, et pour la première fois les « cols blancs » seront concernés. Comment la DGFiP anticipe-t-elle cette révolution ? Trouverons-nous des réponses à tous nos questionnements et à ceux des élus locaux, ou doit-on au contraire éprouver une certaine crainte envers cette révolution ?

M. Olivier Paccaud. - Je partage les propos de mes collègues au sujet de la satisfaction relative des maires quant à la réorganisation du réseau de la DGFiP et la qualité du service rendu. En effet, tout dépend des hommes ou des femmes, mais tout dépend aussi des cadres qu'on leur donne. Certains trésoriers semblent en effet avoir l'art de faire preuve d'un zèle mal placé. Les DDFiP ne pourraient-elles pas donner des consignes aux trésoriers ou aux conseillers aux décideurs locaux  pour qu'ils fassent preuve de davantage de souplesse ?

Ma question sera peut-être cavalière, dans le sens législatif du terme. Nous n'avons pas du tout mentionné le parc immobilier de l'administration. Le nombre de sites d'accueil a fondu, malgré les travaux coûteux que nous avons parfois réalisés dans des sites qui appartenaient à la DDFiP ou à la DGFiP, mais qui sont désormais inutilisés. Avez-vous dressé une typologie de l'utilisation de votre parc immobilier ? Dans l'Oise, certains de vos bâtiments sont vides, ce qui est bien dommage.

M. Claude Raynal, président. - Madame Camby, monsieur Magnant, ne vous étonnez pas que les sénateurs se fassent d'abord l'écho de ceux qui se plaignent. Ceux qui sont plutôt satisfaits de la réforme, ou qui vivent avec, s'expriment peu, et il faut nuancer ces propos.

Il y a quelques fois une confusion entre l'amélioration ou le maintien de la qualité du service public, et la demande d'une fonction publique moins chère. En réalité, cela se traduit par un recul du nombre d'agents du service public dans les communes. Dans les villages, où l'activité économique est faible, le retrait de services publics conduit aussi au départ de familles. Cette réforme est parfois refusée non en raison de sa modernité ou de la place qu'y occupe le numérique, mais en raison de ses retombées concrètes dans les villages, où fermer une trésorerie ou une poste conduit aussi à fermer des classes. La perception de la réorganisation du réseau de la DGFiP est également due à cet enchaînement mal vécu, au moins autant que la question de savoir si le service est bien rendu ou non. Lorsque j'étais maire, jamais personne ne m'a demandé de conserver une trésorerie, cela n'était pas perçu comme un service public essentiel pour les citoyens. Cela n'enlève rien à la réalité des problèmes vécus, qui en réalité sont souvent dus aux personnes en fonction - comme dans tous les domaines d'ailleurs.

M. Jacques Oberti. - Je souhaite rebondir sur un point : nos concitoyens, de même que les collectivités et les EPCI, ont besoin du service de trésorerie. Qu'il y ait ou non une localisation physique du service, peu importe. Dans le passé, la possibilité d'obtenir au moment de la déclaration d'imposition un rendez-vous en mairie avec l'inspecteur des impôts était appréciée. Il faut redonner cette qualité de proximité du service : c'est fondamental.

M. Bertrand Hauchecorne. - J'ai été heureux de percevoir dans les questions des sénateurs le même ressenti que nous éprouvons sur le terrain, c'est-à-dire le mal-être de nombreux maires, en particulier en milieu rural. Il faut un meilleur accompagnement sur le terrain, en particulier dans le domaine des finances, qui reste tout de même le nerf de la guerre. Il faut davantage de pédagogie, des documents plus clairs, et améliorer les contacts, même s'ils ne sont pas très fréquents. Tant mieux si cette audition peut contribuer à améliorer l'accompagnement des maires sur le terrain.

M. Antoine Magnant. - Quelques minutes pour répondre à autant de questions, c'est un grand défi... Je présente par avance mes excuses à ceux qui considéreront que mes réponses seront trop expéditives.

Nous ne perdons jamais à écouter le retour du terrain. Je vous remercie donc pour vos appréciations. Plusieurs d'entre vous ont parlé des ressources humaines. Un responsable administratif auditionné devant la représentation nationale ne peut pas confortablement donner une réponse sur la question des moyens, qui sont ceux que vous nous accordez. Nous essayons de faire au mieux avec ces moyens, qui ont été réduits de 40 % en vingt-cinq ans, sans que les résultats globaux de notre maison n'aient été diminués d'autant durant la même période, grâce à l'engagement quotidien de nos agents.

Les agents se rendent-ils dans les endroits les plus ruraux ? Oui, mais certes pas assez. Les difficultés des secrétaires de mairie, dont la sociologie est très voisine, sont identiques. Nous avons du mal à convaincre les agents d'aller dans des endroits où ils ne veulent pas être affectés, et nous n'avons pas les moyens de les y forcer. Il n'y a pas d'obligation de résidence dans les lieux d'affectation. Les postes des petites trésoreries, dans les endroits les plus éloignés des centres urbains, sont généralement les moins attractifs pour nos agents. Nous avions du mal à affecter des agents, à les maintenir en poste, et à assurer une présence ainsi qu'un service de qualité dans la durée, avec des interlocuteurs stabilisés. Il me semble que c'est un sujet que l'on rencontre directement aussi, selon vos retours, avec les secrétaires de mairie.

Créer des services plus densifiés qui assurent le back-office financier et comptable permet d'assurer un service financier de qualité dans la durée, que des équipes trop petites ne pouvaient garantir.

Plusieurs d'entre vous m'ont interpellé au sujet des délais de paiement. Avant la covid, la durée de paiement moyenne était de vingt-cinq jours entre le moment où le prestataire adressait sa facture à la collectivité et celui où il était payé. Aujourd'hui, elle est de vingt-six jours. Certes, il s'agit de moyennes nationales, qui cachent des disparités locales. Il ne faut également pas perdre de vue que les délais de paiement publics restent très inférieurs aux délais de paiement interentreprises. Consigne est donnée aux directeurs départementaux des finances publiques de veiller à ce qu'en cas de dérapage, des prises de contact aient lieu avec les élus locaux afin de déterminer la nature des problèmes. Si cette prise de contact n'est pas intervenue dans les cas que vous avez mentionnés, portez-le à la connaissance du directeur départemental des finances publiques ou à la mienne.

Vous avez parlé de cas d'exigences démesurées, de demandes absurdes ou de pointillisme. Je l'entends, elles existent, mais elles ne correspondent pas à ce qui est demandé aux agents. Néanmoins, si l'on fait l'effort collectif de regarder l'ensemble de la situation, je ne suis pas certain que la totalité des exigences subies soit démesurée. Il faut aussi prendre en compte la qualité variable de la manière dont les comptes sont tenus dans les collectivités, et les variations concernant l'imputation comptable des dépenses publiques, la présence de pièces justificatives ou encore le respect des standards minimaux de la commande publique. Tout autant que la formation des secrétaires de mairie, les différentiels de pratiques en sont la cause.

Il a été beaucoup question de l'implantation des maisons France Services. J'entends les critiques, mais je pense qu'il s'agit de l'un des grands succès de ces dernières années quant à notre capacité à assurer et développer les services publics dans les territoires. J'ai été auditionné par une mission parlementaire composée d'un sénateur et d'une députée à ce sujet, qui a tiré un bilan très positif du dispositif. La DGFiP est membre du dispositif depuis le début. Nous y croyons, cela permet une plus grande finesse de contact avec les contribuables.

Je vous l'indique pour que vous transmettiez le message aux maires : nous sommes prêts à mettre en place des points de contact avec la population en dehors des maisons France Services et des services de la DGFiP, en particulier dans les mairies. Mais notre interaction avec le grand public est fondamentalement saisonnière, pendant la période de déclaration des revenus, et il n'est pas la peine de demander l'affectation d'agents en dehors des périodes d'activité forte. Nous priorisons également l'envoi d'agents dans les points de rendez-vous où l'on reçoit entre 100 et 200 personnes par heure, et non dans les zones où il y a une demande de rendez-vous par matinée. Il y a un sujet d'allocation de moyens à prendre en compte.

Au sujet du filet de sécurité, « la prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l'avenir ». Nous avons figé les dates pour l'entrée des collectivités dans le dispositif alors que l'année n'était pas terminée et que les volumes de consommation électrique et les montants payés étaient encore inconnus. Nous avions prévu 416 millions d'euros de filet de sécurité, et nous avons payé 400 millions d'euros. L'ordre de grandeur est donc de 4 % d'erreur. Certes, c'est beaucoup, mais d'autres sujets ont subi des variations bien plus fortes.

Les buralistes sont ouverts plus longtemps que nos services, notamment tard l'après-midi, le samedi ou le dimanche. Les mobiliser constitue un grand succès pour démultiplier l'offre et permettre aux contribuables d'aller dans des endroits connus. M. Oberti a proposé de réfléchir à d'autres partenaires locaux, en plus des buralistes, mais n'oublions pas qu'à chaque fois c'est l'argent des collectivités et des particuliers qui est concerné par ces dépenses. La commission des finances du Sénat ne pardonnerait pas que ces dépenses ne soient pas efficaces, mais s'il est possible d'être plus intelligent sur ce point, nous l'envisagerons avec plaisir.

Nous préparons nos renégociations avec La Banque postale. Le bilan est globalement positif, mais il peut être amélioré. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises en France capables d'assurer un service uniformisé dans le territoire de gestion de flux financiers, et prêtes à s'y engager. Nous devons faire avec ce que l'on nous donne, et avec ce que l'État paie pour ce service rendu aux collectivités locales. Nous essayons de faire au mieux avec ces contraintes. Le dispositif en place présente certes des points d'amélioration, mais aussi des garanties de solidité et de pérennité qu'il faut mesurer avant de trop fortement le critiquer.

La révision des valeurs locatives des locaux commerciaux a en effet été compliquée. Celle des locaux d'habitation, qui n'a jamais été véritablement engagée depuis 1970, on procède par revalorisation annuelle des bases cadastrales et cela s'est traduit par une augmentation automatique des bases de 7 % l'an dernier. Ce mécanisme semble de plus en plus daté dans ses effets, notamment du fait de ses effets de redistribution assez improbables. L'évolution de son montant risque de soulever dans un avenir pas nécessairement lointain un sujet au niveau de la compréhension et de l'acceptation de l'impôt et de ses modalités de calcul. Je parle non de la libre décision des collectivités d'augmenter les taux de cet impôt, mais de l'évolution extrêmement importante de ses bases entre 2023 et 2024.

Mme Carine Camby. - Je souhaiterais revenir sur les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport. Concernant les CDL, les questions et témoignages que nous venons d'entendre révèlent la nécessité de réaliser un bilan très fin et territorialisé. Le risque serait de mener une évaluation globale reposant sur de simples moyennes : en effet, d'un endroit à l'autre, les besoins et les avis diffèrent.

Même si le dispositif a été salué dans son principe, il faut veiller à le déployer dans les meilleures conditions possibles. À l'avenir, il faudra pouvoir continuer à assurer le renouvellement des CDL et garantir la même qualité de service, d'autant que les attentes des élus sont très vastes. La pérennisation du dispositif supposera sans doute de redéployer davantage de CDL dans certains endroits.

Concernant la participation aux maisons France Services, nous devons veiller aux besoins et à la saisonnalité. C'est un dispositif qui monte en puissance ; la Cour des comptes conduit d'ailleurs une évaluation à ce sujet et en présentera les résultats ultérieurement. Là aussi, il faut améliorer le niveau de réponse et pérenniser la qualité du service, en revoyant sans doute la carte des implantations. Dans la mesure où le dispositif est plutôt réussi, les attentes sont très fortes et soulèvent forcément de nouvelles questions.

Quant à l'illectronisme, il ne faisait pas partie des missions initiales des maisons France Services. D'après la Défenseure des droits, en France, 10 millions de personnes connaissent des difficultés d'accès aux services numériques. C'est une question que nous ne pouvons pas contourner, et la DGFiP ne pourra pas y répondre toute seule. C'est néanmoins un besoin qui se cristallise dans les maisons France services.

Enfin, notre recommandation sur la satisfaction des usagers est importante, mais n'oublions pas la satisfaction des élus, que nous avons pu mesurer ponctuellement au cours de l'enquête.

M. Claude Raynal, président. - Je vous indique qu'une note de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), qui comporte quelques éléments d'appréciation sur ce rapport de la Cour des comptes, sera jointe au rapport d'information qui contiendra aussi l'enquête et le compte rendu de la présente réunion.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Pour conclure, je formulerai trois observations. Tout d'abord, j'ai moi aussi entendu les craintes des maires lorsque le nouveau réseau de proximité a été annoncé. Ils s'inquiétaient surtout pour leur budget puisqu'on envisageait de fermer leur trésorerie. Depuis cette annonce, les choses ont évolué : les craintes ont été dissipées et le dispositif est globalement jugé positif. Toutefois, le prisme des sénateurs est aussi celui de notre corps électoral ; les habitants des communes n'ont pas forcément le même ressenti. Un maire de mon département m'a expliqué que lorsqu'un jeune couple avait voulu s'installer dans sa commune, il l'avait interrogé sur la proximité des écoles et des médecins, pas d'une trésorerie.

Ma deuxième remarque concerne les bases cadastrales. On déplore un certain retard en la matière : dans certaines communes, le cadastre est parfois erroné depuis plus de quarante ans. Je pense que la DGFiP est suffisamment puissante et compétente pour pouvoir régler ce problème une bonne fois pour toutes - il y a un travail de titan, mais il faut bien le faire !

Enfin, je note que les constats sur la dématérialisation sont partagés. Les personnes en « précarité numérique » - qualificatif au demeurant pudique - sont souvent des personnes âgées. Mais il faut que la DGFiP comprenne que ce ne sont pas pour autant des « sous-citoyens » et qu'ils méritent autant de respect que les autres. Elle doit donc s'adapter.

Je remercie enfin le président de notre commission d'avoir appuyé notre demande d'enquête sur ce sujet auprès de la Cour des comptes.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie de votre participation.

La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes, ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de M. Claude Nougein.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Dominique de Legge rapporteur sur la proposition de loi n° 191 (2023-2024) relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Jean-Marie Mizzon rapporteur sur le projet de loi n° 255 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Michel Canévet rapporteur sur le projet de loi n° 283 (2023-2024) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.

La réunion est close à 11 h 50.