Mercredi 20 mars 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Mission d'information sur l'évaluation de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement - Audition de Mme Sylvie Gustave dit Duflo, présidente du conseil d'administration de l'OFB, vice-présidente de la région Guadeloupe, et M. Olivier Thibault, directeur général de l'OFB

M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens en premier lieu à saluer les auditeurs de la septième session de l'Institut du Sénat qui assisteront, ce matin, à un temps fort des travaux de la mission d'information relative à l'évaluation de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), conduite par notre commission.

Nous sommes réunis pour une audition consacrée à un établissement public devenu, en quelques années, un acteur incontournable de la mise en oeuvre et de l'accompagnement des politiques publiques en faveur de la biodiversité : l'Office français de la biodiversité.

Cet organisme, notre commission le connaît particulièrement bien, puisqu'elle a contribué à en dessiner les contours, à délimiter le champ de ses missions, à élaborer sa gouvernance et à fixer les priorités de son intervention en tant qu'opérateur de l'État. Le projet de loi ayant consacré sa création a, en effet, été examiné au fond par notre commission, notamment grâce à l'implication de notre ancien collègue Jean-Claude Luche et d'autres sénateurs ici présents. En outre, l'audition préalable à la désignation du directeur général de l'OFB, en application de l'article 13 de la Constitution, est organisée au sein de notre commission : lors de la première audition, en 2019, la nomination de Pierre Dubreuil a été approuvée, la seconde audition s'est déroulée le 24 mai dernier sous la conduite du rapporteur Guillaume Chevrollier, préalablement à la désignation d'Olivier Thibault.

Au titre de son expertise en matière de biodiversité et de sa mission de suivi au long cours des politiques publiques environnementales, le président Larcher a souhaité confier à notre commission le soin de mener une mission d'évaluation de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'OFB. Depuis le début du mois de mars, le rapporteur, notre collègue Jean Bacci, a commencé un cycle d'auditions dans le but d'établir un bilan de la création de l'OFB, intervenue le 1er janvier 2020.

À cette fin, il procédera notamment à l'évaluation de la manière dont l'OFB s'acquitte des missions que lui a confiées le législateur et à l'examen des modalités de mise en oeuvre de ses pouvoirs de police. Il questionnera également l'adéquation entre ses moyens, budgétaires et humains, et ses missions. Il envisagera aussi les améliorations à mettre en oeuvre afin que l'établissement approfondisse sa vocation d'appui, de sensibilisation et d'accompagnement des collectivités et des acteurs privés. Je sais le rapporteur animé de la volonté d'entendre l'ensemble des parties prenantes, afin que tous les acteurs de l'écosystème OFB et ceux ayant vocation à interagir avec lui puissent s'exprimer.

De façon non anticipée, dans la mesure où la proposition du président Larcher date de l'automne dernier, l'OFB s'est entre-temps retrouvé sur le devant de la scène médiatique, dans le contexte de mécontentement agricole que nous traversons, notamment lié à l'exercice de ses missions de police environnementale. La mission d'information s'inscrit ainsi opportunément dans ce contexte et permettra d'objectiver la situation ainsi que les ressentis des uns et des autres. En tant que président de la commission, je vous l'affirme solennellement : nous sommes attachés à cet établissement public et à ses missions qui me paraissent fondamentales. Je salue le travail quotidien de ses agents sur le terrain, qui sont chargés de faire respecter la police de l'environnement, qui n'a pas toujours bonne presse, et de constater les infractions, ce qui est par nature une mission ingrate.

Pour autant, cela ne signifie pas qu'il ne faille pas imaginer des solutions et des évolutions pour améliorer la légitimité de l'établissement et travailler sur les perceptions des acteurs afin d'éviter que l'OFB ne se retrouve dans la situation de bouc émissaire d'une crise sociétale. J'ai pu entendre, ici ou là, que l'impartialité de cette mission était contestée : je tiens à m'élever contre ces insinuations et j'exprime ma pleine confiance et mon soutien au rapporteur quant à sa méthode de travail.

Ceci étant posé, j'ai le plaisir d'accueillir ce matin Sylvie Gustave dit Duflo, présidente du conseil d'administration de l'OFB et vice-présidente du conseil régional de Guadeloupe, et Olivier Thibault, directeur général de l'OFB.

Avant de vous laisser la parole, j'aimerais que vous dressiez, depuis vos positions respectives, un bilan de la création de l'OFB, notamment en rappelant la manière dont s'est opérée la fusion de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et comment a pu émerger une culture d'établissement partagée dans le contexte sanitaire compliqué que nous avons traversé. Je souhaiterais également que vous décriviez les enjeux de formation du personnel à des missions plus transverses, la mise en oeuvre des instances de gouvernance, la façon dont vous développez des réseaux locaux de partenaires et vos efforts d'implantation territoriale déployés en lien avec les collectivités locales et les acteurs privés. Nous nous intéressons également aux défis qui doivent encore être relevés par l'établissement : quelles sont les priorités que vous identifiez pour répondre au mieux à ses missions et à sa raison d'être ?

Je ne serai pas plus long, car de nombreux sénateurs souhaiteront vous interroger dans le cadre des traditionnelles séries de questions et de réponses. Je vous informe enfin que la présidence de cette audition sera par la suite assurée par Didier Mandelli.

M. Jean Bacci, rapporteur. - Comme le président l'a rappelé, j'ai l'honneur d'avoir été nommé rapporteur de la mission d'information relative à l'évaluation de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'OFB. J'ai commencé mes travaux début mars et j'ai déjà conduit une quinzaine d'auditions, qui m'ont permis d'entendre plusieurs acteurs, liés d'une façon ou d'une autre à l'OFB : les syndicats agricoles, les chambres d'agriculture, des élus locaux, des associations de protection de l'environnement, des gestionnaires forestiers, les fédérations des chasseurs et des pêcheurs, des syndicats du personnel de l'OFB et des chercheurs.

Je poursuivrai ce travail durant les semaines à venir, à travers d'autres tables rondes et auditions, et me déplacerai également dans le Var et dans un autre territoire, afin de recueillir l'information la plus large et exhaustive possible. Je tiens à être à l'écoute de l'ensemble des parties prenantes, car j'estime qu'un travail d'évaluation de l'OFB ne saurait être utile s'il faisait l'impasse sur la contribution d'une catégorie d'acteurs interagissant avec cet établissement public. À ce titre, je me réjouis que nous puissions entendre ce matin les instances dirigeantes de l'OFB, représentées par sa présidente et son directeur général.

Ces premières auditions m'ont déjà permis d'établir trois constats principaux.

En premier lieu, l'OFB est un établissement public à forte notoriété, bien identifié par le public, mais dont les missions ne sont pas toujours bien appréhendées par les acteurs économiques en raison d'une image trop fortement associée au volet répressif. Les syndicats agricoles ont aussi pointé une méconnaissance des réalités et des contraintes propres à leur activité lors des contrôles et un manque de pédagogie pour expliquer les normes environnementales qui peuvent être complexes à saisir, voire contradictoires, selon qu'elles relèvent du code de l'environnement, du code rural et de la pêche maritime ou du code forestier. Cela n'est bien évidemment pas imputable à l'OFB, qui ne fait qu'appliquer la règle, mais il est du devoir de l'État, et du nôtre, de veiller à la cohérence des législations. De nombreuses difficultés observées ces dernières semaines s'expliquent notamment par la multiplication des obligations, parfois antinomiques, pesant sur chacun.

En second lieu, la création de l'OFB a engendré d'importantes attentes en termes d'accompagnement, de sensibilisation et de pédagogie, auxquelles l'établissement ne répond encore qu'imparfaitement. Plusieurs élus locaux m'ont ainsi indiqué n'avoir jamais eu de contact avec les agents de l'OFB sur leur territoire et ne pas obtenir de réponse à leurs sollicitations dans des délais satisfaisants. Ces éléments m'ont souvent été présentés lors des auditions : les agents de l'OFB sont trop peu présents sur le terrain et le dialogue ne s'instaure pas avec les acteurs locaux, ce qui entraîne une forme de méconnaissance des problématiques des uns et des autres. Je relève que le chapeau introductif du projet de convention entre l'OFB et les chambres d'agriculture est intitulé, de manière significative, « Mieux se connaître, mieux se parler, se respecter ».

Cela conduit logiquement, en troisième lieu, à la question des moyens et des priorités de l'établissement. Au lieu d'apporter un maximum de réponses sur l'application des règles, d'aller au-devant des attentes des territoires, de nouer des liens pédagogiques et de sensibilisation avec les acteurs, les relations se réduisent trop souvent aux interactions entre le contrôleur et le contrôlé, ce qui nourrit l'image d'un établissement répressif, qui n'est qu'un des versants de son action - je tiens à le rappeler. Ce phénomène est notamment amplifié par le fait que certains agents adopteraient, sur le terrain, des postures militantes et ne se conformeraient qu'imparfaitement aux obligations d'impartialité et de neutralité qui incombent aux agents publics.

Outre les missions de police administrative et judiciaire de l'OFB, l'article L. 131-9 du code de l'environnement lui confie, entre autres, un rôle d'appui aux collectivités territoriales en matière de gestion de l'eau, de la biodiversité et des espaces naturels, de communication et de sensibilisation du public, de développement de la connaissance. À mon sens, ces aspects mériteraient d'être mieux pris en compte afin de renforcer la vocation des agents de l'OFB à être des acteurs de terrain et du quotidien, bien identifiés, vers qui se tourner pour obtenir des conseils ou connaître l'interprétation d'une réglementation, sur le modèle de la gendarmerie en milieu rural. Cela me paraîtrait de nature à favoriser la réduction de certaines tensions observées ces derniers temps.

Toutefois, j'ai bien conscience, pour l'avoir entendu de nombreuses fois, que les effectifs sont sans doute insuffisants pour assurer cette meilleure présence territoriale et nouer des relations plus étroites avec les acteurs. Le renforcement des missions d'un acteur doit aller de pair avec l'octroi de nouveaux moyens dédiés, sinon les priorités d'actions se heurtent à la contrainte budgétaire et les ambitions du législateur resteront lettre morte.

Ce ne sont, bien entendu, que des constats provisoires, que les auditions ultérieures corroboreront ou, au contraire, nuanceront.

J'en viens désormais aux questions. La formation est un enjeu central afin de créer une culture d'établissement commune pour des agents qui ont des parcours divers, du fait de leur appartenance aux différents opérateurs existants avant la fusion. Les agents doivent notamment être formés au port d'arme, aux techniques de contrôle, aux enjeux de la chasse, à la reconnaissance des espèces, au caractère foisonnant du code de l'environnement... Comment l'OFB définit-il les priorités pour harmoniser les pratiques d'un territoire à l'autre et pour former des inspecteurs de l'environnement, à la fois généralistes et suffisamment au fait des réglementations très diverses, qui nécessitent un grand nombre de connaissances et de savoirs ?

Ma seconde question porte sur la chasse. La Fédération nationale des chasseurs et la Cour des comptes soulignent que l'OFB a en partie abandonné la police de la chasse et que le temps consacré aux contrôles s'est réduit comme une peau de chagrin. Aujourd'hui, le braconnage progresse de manière inquiétante, l'OFB se désengage des réseaux d'observation des espèces qui peuvent être chassées et les contrôles sont trop peu nombreux pour assurer l'effectivité de cette police. Un bon mot circule dans certaines fédérations, selon lequel on a plus de chances de gagner au loto que d'être contrôlé... Que comptez-vous mettre en oeuvre pour réinvestir cette police régalienne indispensable et récupérer une partie des connaissances et du savoir-faire perdus depuis l'absorption de l'ONCFS ?

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis des crédits budgétaires relatifs à la biodiversité. - Je salue à mon tour l'initiative de la commission d'avoir créé une mission d'évaluation sur l'OFB, pilotée par notre collègue Jean Bacci.

Cet établissement public récent dispose de capacités d'intervention humaines et budgétaires significatives en faveur de la biodiversité, moyens budgétaires que j'examine lors de chaque projet de loi de finances en tant que rapporteur pour avis des crédits du programme 113.

Je le rappelle, l'OFB agit auprès des collectivités territoriales en faveur de l'environnement et de la transition écologique. Ces derniers mois, le contexte agricole a mis davantage en lumière ses actions en matière de police de l'environnement.

Je reviens sur le coeur des missions de l'OFB.

Ma première question porte sur l'accompagnement des élus locaux par l'OFB. En vertu de l'article L. 131-9 du code de l'environnement, l'OFB apporte un appui aux collectivités « chargé[e]s de la gestion de l'eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s'exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d'amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ».

Certains outils, comme les atlas de biodiversité communale, sont appréciés des élus locaux, car ils leur permettent de mieux connaître, de préserver et de valoriser leur patrimoine naturel. L'initiative « Territoires engagés pour la nature » vise, quant à elle, à faire émerger, à reconnaître et à valoriser des plans d'action en faveur de la biodiversité développés par des collectivités locales, au travers d'un accompagnement et d'un soutien de l'OFB. Les agences régionales de la biodiversité ont, quant à elles, vocation à venir en appui aux territoires, selon une logique de proximité.

Malgré tout, les besoins d'accompagnement sont immenses et nombre d'élus ont trop peu de contacts ou de possibilités d'échanger avec l'OFB sur des sujets concrets et pragmatiques. Quelles actions comptez-vous déployer afin que l'OFB joue mieux son rôle de tête de réseau et de guichet unique de la biodiversité au profit de nos territoires ? L'OFB gagnerait également à s'inscrire plus nettement dans une logique d'accompagnement, afin que son action ne soit pas réduite à ses seuls aspects répressifs : un meilleur équilibre de ses missions contribuerait à améliorer l'image et la perception de cet établissement public et à faire en sorte que la préservation de la biodiversité ne soit pas perçue comme une contrainte.

Cela me conduit logiquement à aborder la question des contrôles et de l'exercice de la police de l'environnement : à mes yeux, le discernement et l'attitude des inspecteurs jouent un rôle fondamental. Les élus et les agriculteurs nous interpellent : des procès-verbaux sont instruits, les procédures sont parfois trop longues et leur issue est bien trop incertaine.

L'OFB est issu de la fusion de plusieurs organismes, avec des personnels ayant des cultures et des missions différentes. Les relations des agents de l'OFB avec les acteurs du territoire dépendent bien souvent de leur parcours administratif antérieur : comment envisagez-vous de parachever la création d'une culture d'établissement partagée par tous les agents pour agréger et unifier des sensibilités différentes au sein de cet organisme unique ?

Enfin, j'en viens à un sujet important pour l'ensemble de nos territoires et particulièrement pour celui dont je suis l'élu, la Mayenne, qui est un territoire de bocages : les haies. Les dispositions législatives et réglementaires en faveur de la protection des haies sont disséminées dans plusieurs codes - rien moins que quatorze ! - et l'action publique ne se caractérise pas toujours par une grande cohérence. Les haies disparaissent - les chiffres sont connus -, alors qu'elles jouent un rôle écosystémique fondamental. En la matière, l'OFB assure notamment le contrôle de la taille des haies, de l'élagage des arbres et constate un certain nombre d'infractions.

Ma question est simple : comment l'OFB joue-t-il son rôle de réduction de la complexité pour les acteurs du monde rural et comment accompagne-t-il les projets de préservation et d'entretien des haies ? L'OFB a-t-il élaboré un plan cohérent et lisible pour les acteurs afin d'assurer leur protection, en lien avec le pacte en faveur de la haie, dont l'objectif fixé par le Gouvernement est un gain net de 50 000 kilomètres de linéaire de haies d'ici à 2030 ?

M. Pascal Martin. - La mission d'information sur l'application de la loi portant création de l'OFB me semble une initiative tout à fait opportune en ce qu'elle permettra de faire la lumière sur le déploiement de l'action territoriale de cet établissement public et les difficultés qui s'attachent à l'exercice de la police de l'environnement.

La protection des milieux naturels, assurée par un pouvoir de police spécifique, ne va pas de soi. La norme environnementale, parfois contestée, est loin de faire l'unanimité, au même titre par exemple que la sûreté des personnes et des biens. J'en veux pour preuve les débats que nous avons eus lors de l'examen de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », sur la définition du délit d'écocide et la délimitation de son périmètre - ma collègue Marta de Cidrac en sait quelque chose.

Ces dernières années, le législateur a été animé d'une volonté d'accroître la protection réglementaire et judiciaire de la nature, eu égard aux facteurs de pression et des menaces qui pèsent sur l'environnement et la biodiversité.

Dans le cadre du contrôle de l'application des lois, qui est l'une des marques de fabrique du Sénat, il est de bonne pratique que nous nous intéressions à la réception de ces normes par le corps social et que nous évaluions leur acceptabilité. Cette démarche doit à mon sens irriguer en permanence les modalités du contrôle parlementaire.

L'OFB a notamment pour mission de faire respecter la loi et de constater les infractions environnementales. Ma question est donc simple : quelles actions mettez-vous en oeuvre pour former et sensibiliser les inspecteurs de l'environnement aux différents contextes dans lesquels ils interviennent ?

La posture et l'attitude des agents pendant les contrôles sont d'une grande importance. En effet, on ne contrôle pas de la même manière un braconnier, un exploitant agricole ou un élu local. En ce domaine, le ressenti des acteurs est fondamental : la visibilité de l'arme de service, la familiarité avec les contraintes des acteurs et la connaissance des spécificités d'un territoire sont autant de facteurs qui influencent la manière dont se déroule le contrôle, indépendamment de la règle de droit à faire respecter.

La direction générale de l'OFB formalise-t-elle les procédures de contrôle par voie d'instruction ? Quelles actions de formation sont mises en oeuvre pour harmoniser le déroulé des contrôles d'un point à l'autre du territoire ?

Je terminerai sur une note plus légère, concernant le bilan du jeu de grattage « Mission nature », aussi dénommé « loto de la biodiversité ». Pourriez-vous présenter la contribution de cette opération au budget de l'OFB, de même que les projets soutenus par les fonds ainsi collectés ?

M. Rémy Pointereau. - On sait que la police de l'eau est une mission ingrate. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait préférer la prévention à la répression et faire preuve de discernement sur tous ces sujets, qui s'avèrent souvent critiques pour les élus et les agriculteurs ?

Le financement de l'OFB par des prélèvements sur les recettes des agences de l'eau pose problème. Les agences sont de plus en plus exsangues alors que leurs missions ne font que croître, dans un contexte où l'eau devient un enjeu majeur, tant en qualité qu'en quantité. Cela n'empêche pas l'État de prélever leurs réserves pour combler des besoins de trésorerie. Il y a des difficultés à financer des mesures environnementales via l'OFB, dont les missions ont un certain coût. Dans ce contexte, comment envisagez-vous le financement futur de vos activités ?

Mme Sylvie Gustave dit Duflo, présidente du conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité, vice-présidente de la région Guadeloupe. - Selon le Président de la République, l'écologie est le « combat du siècle ». Il inclut simultanément la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité.

La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), parfois dénommée « Giec de la biodiversité », fait état d'un déclin de la biodiversité qui s'accélère à un rythme sans précédent. En conséquence, elle préconise d'opérer des changements transformateurs « aÌ l'échelle d'un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux, y compris en termes de paradigmes, objectifs et valeurs ».

À l'échelle mondiale, la biodiversité fait face à cinq facteurs principaux d'érosion : la destruction et la fragmentation des milieux naturels, essentiellement dues à l'étalement urbain, à l'agriculture intensive et à l'artificialisation des sols ; la surexploitation des ressources, notamment halieutiques ; le changement climatique ; les pollutions aériennes, terrestres ou marines, qui affectent souvent la continuité terre-mer ; l'introduction d'espèces exotiques envahissantes.

Pour répondre à ces défis environnementaux, la France a signé plusieurs conventions et traités internationaux. Dans l'Union européenne, les grandes orientations politiques en faveur de la biodiversité d'ici à 2030 sont issues de la stratégie Europe 2020, laquelle s'accompagne de diverses directives-cadres : la directive Habitats-Faune-Flore (DHFF), la directive Oiseaux, la directive-cadre sur l'eau (DCE) et la directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM).

Quant à l'évaluation environnementale, l'Union européenne invite les États à désigner des zones spéciales de conservation constituant leurs réseaux Natura 2000, dont la France est la deuxième nation européenne en termes de surface.

D'autres dispositifs aident à financer la protection de la biodiversité, comme la politique agricole commune (PAC), dont les quatrième, cinquième et sixième objectifs consistent respectivement à agir contre le changement climatique, à protéger l'environnement et à préserver les paysages et la biodiversité. L'Union européenne agit aussi au travers du fonds européen de développement régional (Feder).

La convention sur la diversité biologique (CDB), adoptée en 1992 au sommet de Rio, a posé le principe de programmes nationaux de suivi de l'évolution de la biodiversité, grâce à des analyses régulières, et de mise en place des zones protégées. En 2010, le protocole de Nagoya et les objectifs d'Aichi sont venus compléter ce dispositif. Quant au cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en 2022, il a fixé l'objectif de protéger 30 % des terres et des mers d'ici 2030.

En matière de biodiversité, on peut aussi citer d'autres engagements plus anciens ratifiés par la France. Ainsi, la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, adoptée à Berne en 1979 dans le cadre du Conseil de l'Europe, a fixé une liste d'espèces protégées, dont le loup et l'ours.

Afin de répondre à ces grands défis planétaires, qui se posent aussi sur notre territoire, notre pays s'est doté de l'OFB, qui résulte en réalité d'une fusion entre l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Le législateur a confié cinq grandes missions à l'établissement : des missions de police de l'environnement et de police sanitaire de la faune sauvage ; des missions de connaissance, d'expertise et de recherche sur les espèces, les milieux et les usages ; des missions d'appui à la mise en oeuvre des politiques publiques ; des missions de gestion et d'appui aux gestionnaires d'espaces naturels ; des missions de mobilisation des acteurs et des citoyens.

Si l'on tient compte du rapport conjoint de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), publié en janvier 2023, l'OFB est aujourd'hui le troisième opérateur en matière de financement de la protection de la biodiversité. Les élus, au travers des collectivités territoriales, sont le premier financeur, et l'État arrive en deuxième position.

L'OFB est un établissement public à caractère administratif. Le conseil d'administration règle les affaires de l'établissement et le directeur général assure la mise en oeuvre des orientations et veille à ce que l'établissement remplisse les missions définies par la loi.

Aux termes de l'article R. 131-28 du code de l'environnement, le conseil d'administration est constitué de 43 membres ayant voix délibérative, répartis au sein de cinq collèges. Le tout premier conseil d'administration s'est réuni le 3 mars 2020, soit quinze jours avant le premier confinement imposé dans le cadre de la pandémie, ce qui n'a pas manqué d'avoir des conséquences sur le bon fonctionnement de l'établissement.

En 2024, le conseil d'administration est arrivé à échéance. Le 5 mars, j'ai été réélue présidente, aux côtés de trois vice-présidents. La représentation des outre-mer au sein du conseil d'administration est de l'ordre de 16,28 %. La composition du conseil est très importante, car elle reflète le fait que chaque acteur agissant pour la préservation et la valorisation de la biodiversité puisse être associé et coconstruire les actions à mener pour infléchir le déclin de la biodiversité.

Toutes les strates de la société française sont impliquées dans la gestion de notre établissement, dont l'État et les établissements publics, bien sûr, mais aussi les chasseurs, les agriculteurs, les ONG, les marins-pêcheurs, les collectivités et les agences de l'eau. Les administrateurs qui agissent pour le compte de l'OFB sont aussi bien hexagonaux qu'ultramarins.

Le contexte actuel de la crise agricole montre à quel point les enjeux de dialogue entre l'OFB et les différentes catégories socioprofessionnelles sont cruciaux pour l'acceptation de l'établissement au sein de la société et pour une meilleure compréhension de ses actions, aussi bien dans le domaine de l'acquisition des connaissances que dans celui de la police de l'environnement.

Ce dialogue, qui se déroule également au sein du conseil d'administration, doit se poursuivre, s'amplifier et se diffuser dans les territoires, surtout ruraux. Nous disposons là d'un outil de démocratie participative incluant la société civile sur des enjeux environnementaux qui appellent un profond changement de paradigmes sociétaux.

Notre établissement est également accompagné d'un conseil scientifique : composé d'experts nommés en fonction de diverses thématiques, il émet des avis sur les sujets environnementaux.

Il existe enfin un comité d'orientation, constitué de trente membres et de dix citoyens - il s'agit d'étudiants tirés au sort. Ce comité, qui se réunit trois fois par an, a pour vocation d'éclairer l'action de l'établissement par une réflexion prospective, en particulier pour tenir compte des attentes de la société et de leur évolution. Les sujets abordés peuvent être liés soit à l'une des missions de l'OFB, soit à une thématique transverse ou à un focus territorial que l'établissement aborde au travers de ses différentes missions.

Cette gouvernance originale contribue à la légitimité de l'OFB. Celui-ci associe toutes les parties prenantes autour de la conception et de la mise en oeuvre des politiques publiques en faveur de la protection et de la reconquête de la biodiversité. En outre, il accompagne les acteurs et les partenaires et organise le dialogue, ce que traduisent d'ailleurs la composition et le fonctionnement des instances de gouvernance - conseil d'administration, conseil scientifique et comité d'orientation.

À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter du succès des Espaces générations nature du Congrès mondial de la nature, du Forum biodiversité et économie qui s'est tenu en 2022 et des Rencontres biodiversité et territoires (RBT), organisées en décembre 2023. De même, nous saluons la montée en puissance des « engagés pour la nature » et des Atlas de la biodiversité communale (ABC).

Notre établissement s'est doté de trois documents stratégiques qui encadrent les décisions des instances de gouvernance. Tout d'abord, le contrat d'objectifs et de performance (COP), signé en janvier 2022, soutient la montée en puissance des nouvelles missions et établit des lignes directrices pour le déploiement des actions de l'OFB. Ensuite, le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) dresse un inventaire des 310 sites de l'OFB, que nous souhaitons ramener à 245 l'année prochaine. Enfin, le programme d'intervention définit les principes et les priorités stratégiques d'intervention financière de l'OFB sur la période 2023-2025.

Il faut ajouter à ces documents stratégiques et structurants les instructions socles en matière de police et le cadrage des activités des services départementaux.

Les implantations que nous possédons partout sur le territoire hexagonal et ultramarin sont un autre élément qui fait la force de notre établissement. L'OFB compte plusieurs délégations territoriales en outre-mer - aux Antilles, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie, à Mayotte et à La Réunion - ; ce sont plus de 160 agents qui sont déployés au sein de ces implantations.

Sachez que l'OFB est le bras opérationnel du plan Eau DOM (PEDOM), assurant la mise à niveau et la sécurisation des infrastructures d'eau et d'assainissement dans les territoires ultramarins. Cette mission est essentielle dans mon territoire, la Guadeloupe, qui est frappée par une crise structurelle en ce domaine.

Vous n'ignorez naturellement pas la crise hydrique à Mayotte. Celle-ci est due à la fois au réchauffement climatique, qui accentue la déviation de la route des pluies, et à un sous-investissement dans les infrastructures. L'OFB a montré toute son agilité en intervenant sur des travaux d'urgence à Mayotte, avec un taux d'aide de l'ordre de 80 %.

Le PEDOM, à travers sa mesure 40, vient abonder le financement de la solidarité interbassin de 15 millions d'euros supplémentaires en 2024, puis de 35 millions d'euros à partir de 2025, grâce à un financement complémentaire des agences de l'eau. Ainsi, le financement des infrastructures d'eau et d'assainissement sera porté à 55 millions d'euros par an.

Ces financements, révisés par le conseil d'administration le 30 novembre dernier, montrent toute l'étendue du rôle joué par l'OFB. Celui-ci doit être toujours plus incitatif, sans gaspiller l'argent public ni donner de bonus aux « mauvais élèves » via ses programmes d'intervention.

Quelques mots de l'animation et des réseaux d'accompagnement. Je l'ai dit, nous venons d'organiser notre première RBT à Montpellier. Elle témoigne de notre ambition d'être aux côtés des territoires, des élus et des acteurs concernés pour déployer toutes les missions de l'OFB.

À cette fin, nous avons organisé des séminaires à l'intention des élus, des ingénieurs et de techniciens territoriaux d'outre-mer, afin qu'ils puissent s'approprier l'ensemble de nos dispositifs.

Depuis ma récente réélection à la présidence de l'OFB, deux conseils d'administration ont été tenus : le 5 mars dernier, pour renouveler la composition du conseil, et le 14 mars, pour clôturer les comptes de l'exercice précédent. Les tensions ont été assez fortes : certaines catégories socioprofessionnelles, notamment les agriculteurs, et les représentants syndicaux nous ont fait part de leur sentiment d'humiliation profonde face à la non-reconnaissance de leurs actions.

Lors de ces réunions, nous avons également évoqué le désarmement de la police de l'environnement qui, pour l'ensemble des agents et des administrateurs concernés, constitue une ligne rouge à ne pas franchir : une police, même environnementale, reste une police.

Au-delà du contrôle des exploitations agricoles, la police de l'environnement participe à lutte contre le braconnage, en surveillant notamment les exportations illégales de toute espèce listée dans la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites).

La police de l'environnement intervient aussi dans toutes les missions d'accompagnement de la police de l'eau. J'en sais quelque chose : sur mon territoire, 80 % des stations d'épuration dysfonctionnent.

Voilà, présentée de manière synthétique, la manière dont fonctionne l'OFB et son conseil d'administration, dont les réunions, qui durent parfois près de quatre heures, garantissent de larges débats.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président -

M. Olivier Thibault, directeur général de l'Office français de la biodiversité. - Avant tout, je tiens à vous remercier d'avoir lancé cette mission d'information qui, au-delà des seuls contrôles de la profession agricole, nous permet de parler des actions menées depuis quatre ans par l'OFB.

L'OFB est un établissement public de l'État, placé sous la double tutelle du ministère de l'environnement et du ministère de l'agriculture - j'insiste sur ce point. Il dénombre 3 000 agents, dont 2 000 dans les territoires et environ 1 700 inspecteurs de l'environnement, ces agents en tenue et armés dont on parle beaucoup.

Cet établissement est très territorialisé : à cet égard, il est même sans équivalent parmi les établissements publics nationaux de l'État. À sa création, l'OFB dénombrait 310 implantations dans les territoires. Il en totalise aujourd'hui 270 et nous visons 245, dans une logique de rationalisation, soit, en moyenne, plus de deux implantations par département.

Si nous sommes bien identifiés, c'est parce que nous avons des agents dans les territoires, notamment ruraux, au contact des populations, sur des sujets potentiellement délicats.

Notre budget, de près de 650 millions d'euros par an, a largement augmenté. Un peu moins de 400 millions d'euros viennent des agences de l'eau, mais l'augmentation consentie depuis quatre ans n'a pas été opérée aux dépens de ces dernières : elle vient de crédits de l'État - en particulier, la subvention pour charges de service public a beaucoup augmenté - et de financements européens, dont les programmes Life. S'y sont ajoutés les crédits du plan de relance et, désormais, ceux de la stratégie nationale biodiversité (SNB).

Notre établissement compte quatre sites nationaux, deux centres de formation à temps plein - le centre du Bouchet, près d'Orléans, et celui du Paraclet, dans la Somme, auxquels s'ajoute un troisième site à Pérols, près de Montpellier.

Nous insistons tout particulièrement sur la formation de nos agents, quels qu'ils soient. Pour devenir inspecteur de l'environnement, il faut suivre neuf semaines de formation spécifiquement dédiées aux enjeux de police. De plus, quatre formations sont obligatoires chaque année au minimum pour les gestes techniques d'intervention de police et le maniement des armes, pistolet et bâton télescopique, pour tous les inspecteurs de l'environnement - à titre de comparaison, ces formations annuelles obligatoires sont au nombre de deux dans la police nationale et de trois dans la gendarmerie. Nos agents doivent compter sept jours de formation par an en moyenne, entre dix et vingt dans les services départementaux.

L'élargissement des missions des agents - c'est ce que l'on appelle l' « OFB + » - nous a imposé de former les anciens agents de l'ONCFS à la police de l'eau et les anciens agents de l'AFB à la police de la chasse et de la nature. Nous avons déployé un effort très important ; on peut toujours faire plus, mais il faut aussi que nos agents soient sur le terrain, au contact du public.

On insiste beaucoup sur notre mission de police ; nos agents sont chargés de contrôler l'application des normes en vigueur, en particulier le code de l'environnement, notamment dans les territoires ruraux. Il faut bien que quelqu'un joue ce rôle, et nous l'assumons.

S'y ajoute une mission de connaissance au sens large, comprenant l'expertise et la recherche : au sein de l'OFB, une centaine de chercheurs travaillent à la connaissance des espèces et des milieux, via les systèmes d'information, la centralisation des données et le suivi de divers indicateurs environnementaux, qui, aujourd'hui, sont globalement dans le rouge. La biodiversité se dégrade à bien des égards, sous l'effet du changement climatique.

L'OFB a été créé après moins d'un an de préfiguration : nous nous sommes efforcés d'aller vite. Nous avons dû composer avec les grandes différences de cultures professionnelles existant entre nos différents agents et faire face à la crise sanitaire : ce fut un véritable défi.

Nous avons mené de nombreux chantiers dont nous sommes très fiers. Nous avons organisé de grands événements de mobilisation : les rencontres biodiversité et territoires (RBT) ont réuni 1 000 personnes à Montpellier cette année ; les rencontres de la bioéconomie ont mobilisé 600 entreprises l'année dernière.

Monsieur Chevrollier, au total, 3 500 communes sont couvertes par des atlas de biodiversité communale, lesquels permettent un véritable changement de regard.

En parallèle, on dénombre 536 territoires engagés pour la nature, menant un travail d'aménagement et de planification, 257 entreprises engagées pour la nature et 1 200 aires éducatives - ce sont des dispositifs fondamentaux pour sensibiliser les jeunes.

Quant au jeu « Mission nature », il n'a pas pour but de remplacer des crédits de l'État, mais de sensibiliser le grand public, au-delà des personnes que nous touchons par nos actions habituelles. La Française des jeux nous a finalement versé 7 millions d'euros, soit 1 million d'euros de plus que nous ne l'espérions. Avec ces fonds, nous avons à la fois mené des actions de sensibilisation et quelques très beaux projets de restauration dans les territoires. La réintroduction de la tortue d'Hermann a été accélérée ; la reforestation des monts d'Arrée, victimes d'incendies, a pu être poursuivie ; diverses zones humides ont été restaurées dans la Somme, ainsi que des pelouses calcaires à Verdun.

M. Didier Mandelli, président. - J'ai eu l'occasion de dire tout le mal que je pensais de « Mission nature », qui constitue une forme d'abandon de la puissance publique. Le jeu est l'une des addictions les plus répandues : en incitant les jeunes à jouer au nom de la biodiversité, on leur envoie un très mauvais signal.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Très bien !

M. Didier Mandelli, président. - Sur les 3 euros que coûte le ticket à l'acheteur, 43 centimes reviennent à l'OFB : c'est somme toute assez peu. Mieux vaut soutenir les associations par le biais de déductions fiscales.

M. Olivier Thibault. - Certes, monsieur le président, mais nous avons besoin d'expliquer, d'informer et de sensibiliser quant à l'état de la biodiversité, en mettant en avant des histoires positives de restauration...

M. Didier Mandelli, président. - On peut le faire sans les jeux.

M. Olivier Thibault. - Probablement, mais on a aujourd'hui beaucoup de difficultés à toucher un certain nombre de publics et l'on ne peut pas se contenter de mesures répressives pour atteindre nos objectifs de restauration de la nature. Il faut trouver d'autres moyens.

J'insiste sur notre fort ancrage territorial, qui constitue un véritable enjeu de management. Nous devons renforcer nos liens avec l'autorité préfectorale, en particulier pour l'organisation de la police. Nous devons organiser et hiérarchiser, sous l'égide du préfet, les enjeux environnementaux de chaque département : ils ne sont pas les mêmes dans le sud ou dans le nord, en montagne ou en plaine. Nos actions de contrôle s'en trouveront confortées.

De même, nous devons améliorer l'accompagnement technique des acteurs. Nous disposons de nombreux outils à cette fin, parmi lesquels des centres de ressource et des cours en ligne - notre mooc relatif aux pollinisateurs a été consulté 12 000 fois et notre portail technique a reçu 300 000 visites. Des outils d'accompagnement et de mise à disposition de données permettent de répondre à diverses demandes.

Enfin, il est impératif de concilier les différentes politiques publiques, qu'il s'agisse de la protection de la biodiversité - c'est notre raison d'être -, de l'agriculture et de l'alimentation, de la santé - je pense aux enjeux liés à l'eau potable -, des risques naturels, du changement climatique ou encore des énergies renouvelables : nous y consacrons beaucoup de temps et d'énergie.

Mme Nicole Bonnefoy. - Avant toute chose, je tiens à saluer le travail de l'OFB. Ses agents ont été la cible de violentes attaques et le manque de soutien de l'État les a plongés dans un profond désarroi. Lors de la crise agricole, le Premier ministre lui-même les a pointés du doigt : ce n'est pas acceptable.

Les contrôles menés par l'OFB sont bien souvent déclenchés à la suite de signalements, effectués pour certains par des communes et des départements. Or, au-delà de l'OFB, certaines analyses simplistes tentent de discréditer toute volonté d'adaptation au changement climatique. Les pratiques anciennes ont assurément la vie dure et la nature, tout comme les territoires, ont besoin de l'OFB. Il ne faut pas se hâter de désarmer l'État en la matière.

Une nouvelle convention entre l'OFB et les chambres d'agriculture serait sur la table : elle doit encore être arbitrée au sommet. On prévoirait la création d'un droit à l'erreur, sauf en cas de récidive, la création de peines de substitution à l'instar de l'obligation de suivre une formation, une expérimentation de la caméra d'intervention ou encore le port discret de l'arme de service.

Comment l'OFB accueille-t-il ce projet de refonte de ses missions ? S'agit-il d'un désarmement à bas bruit ? Ces modifications sont-elles de nature à améliorer le dialogue avec les agriculteurs et à favoriser la diffusion de bonnes pratiques environnementales ?

La ministre Pannier-Runacher entend finaliser la dernière version du plan Écophyto 2030 : l'expertise de l'OFB est-elle sollicitée quant à l'impact des produits phytosanitaires sur les espèces vivantes ?

Je vous pose une dernière question au nom de ma collègue Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion. Les outre-mer représentent 80 % de la biodiversité de notre pays. Selon un rapport publié par l'UICN en décembre 2023, la part d'espèces florales menacées a bondi de 30 % en 2010 à 41 % aujourd'hui. Or, dans les outre-mer, les agences régionales de la biodiversité (ARB) n'ont pas davantage de moyens qu'en France métropolitaine : le taux de financement des projets à hauteur de 80 % par le fonds vert vous semble-t-il suffisant ? Ne faut-il pas aller plus loin dans ces territoires ?

M. Stéphane Demilly. - Monsieur le directeur général, vous insistez avec raison sur la double tutelle de l'OFB, dont les missions de contrôle sont souvent dénoncées - c'est un doux euphémisme -, du moins sur la forme, par le monde agricole, ce qui peut provoquer de vives tensions.

Nous en avons parlé lors de votre venue dans la Somme : le renforcement de l'acceptabilité de l'OFB passera par la fixation d'objectifs clairs et transparents, en prévoyant des séquences de prévention et de sensibilisation. Les agents de l'OFB doivent privilégier une logique de souplesse et de médiation, non une logique répressive et de culpabilisation.

L'objectif est le même pour tous : préserver l'environnement et la biodiversité. L'agriculture française est engagée dans une transition verte, mais cet effort exige du temps et des moyens financiers. Dans cet esprit, le ministre Christophe Béchu a fait une proposition très intéressante : l'organisation de journées de contrôle à blanc. Les agents de l'OFB et les agriculteurs se rencontreraient sur une exploitation pour examiner, ensemble, les points qui nécessitent un contrôle et l'enjeu des contrôles menés.

Comment envisagez-vous de développer ces mesures de médiation et de sensibilisation en amont ? Et que pensez-vous de la proposition de désarmement des agents de l'OFB ?

M. Sébastien Fagnen. - De nombreuses collectivités territoriales s'engagent pour adapter les littoraux au changement climatique, qui entraîne notamment le recul du trait de côte. Elles se penchent en particulier sur les relocalisations de diverses activités et de l'habitat et sur le traitement d'espaces voués à être renaturés après avoir été façonnés pendant des décennies par des activités anthropiques. Quel rôle l'OFB entend-il jouer dans ce travail de renaturation, notamment pour favoriser le retour de la faune et de la flore ?

M. Didier Mandelli, président. - Il s'agit là du sujet central du groupe d'études Mer et littoral pour les trois prochaines années. L'OFB a certainement un rôle à jouer dans le cadre du Comité national du trait de côte, constitué l'année dernière.

M. Olivier Thibault. - Madame la sénatrice Bonnefoy, nos agents ont effectivement vécu des moments difficiles pendant la crise agricole. Ils se sont sentis attaqués, humiliés et remis en cause. Nous devons les accompagner.

Nous devons oeuvrer à la sortie de crise avec l'ensemble des acteurs : au-delà de l'OFB et des agriculteurs, le sujet relève des territoires dans leur ensemble. Le préfet a un rôle majeur à jouer pour coordonner l'action des services de l'État, identifier les enjeux territoriaux et apporter des solutions. L'OFB travaillera évidemment dans ce sens.

On ne sortira pas de la crise en cherchant à humilier l'une des parties. Il faut commencer par se connaître, se parler et se respecter. Il faut en premier lieu identifier les problèmes ressentis de part et d'autre et les sujets sur lesquels il faut travailler.

Quand les agents de l'OFB opèrent des contrôles, ce n'est pas pour le plaisir d'appliquer le code de l'environnement ou le code rural ; c'est pour mettre en oeuvre des politiques publiques. Aujourd'hui, 16 % de la population française boit de l'eau qui, régulièrement, n'est pas conforme, notamment à cause des pesticides, et cette part est en augmentation. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de problème.

Mme Nicole Bonnefoy. - Bien sûr !

M. Olivier Thibault. - Il ne faut pas opposer les politiques publiques, il faut les concilier. Si l'on veut aider nos agriculteurs à produire et à transmettre à leurs enfants des territoires où ils pourront eux aussi produire, il faut prendre les problèmes à bras-le-corps, notamment pour garantir la qualité de l'eau.

On ne peut pas prétendre que l'agriculture de demain sera la même que celle d'hier : le ministre Béchu ne cesse de le répéter, nous nous dirigeons vers une France à + 4 degrés Celsius. Nous n'aurons plus la même quantité d'eau disponible et les céréales ne pousseront plus de la même manière. Nous devons y travailler dès aujourd'hui. Le maître-mot, c'est l'accompagnement des transitions énergétique et agricole - il faut moins d'intrants : c'est difficile, mais c'est possible.

Il faut donc de la coordination et l'OFB est là pour accompagner. Il propose d'ores et déjà des guides de procédure et des centres de ressources, pour réduire l'usage des produits phytosanitaires, transformer et baisser les consommations d'eau, faire face à l'augmentation du gros gibier, qui entraîne divers dégâts, tout en protégeant le petit gibier, dont les effectifs, eux, déclinent.

Quand les élus de la République votent des lois, il faut pouvoir assurer le respect des règles, par exemple pour ce qui concerne la répartition de l'eau. C'est tout le sens des nombreux contrôles que nous avons menés à Mayotte comme en Guadeloupe : nous devons aussi dissuader ceux qui volent l'eau à la collectivité.

Les postures représentent un véritable sujet au sein de l'OFB. Nos agents étaient habitués à contrôler des activités de loisirs, comme la chasse ou la pêche. Or, il est encore plus délicat de contrôler des personnes qui travaillent. Si le droit, si la loi sont les mêmes pour tous - nous disposons d'instructions de police extrêmement précises, de vingt-cinq à soixante-dix pages chacune -, nous devons adapter la manière de nous adresser à nos différents interlocuteurs. Nous y travaillons dès maintenant car nous devons évoluer. Nous formons nos agents aux enjeux agricoles. En outre, quand un élu est convoqué parce qu'un de ses agents communaux est en tort, il faut s'adresser à lui de manière appropriée.

Pour nous, le désarmement de l'OFB est une ligne rouge, et ce pour plusieurs raisons.

Par définition, une arme est dangereuse : soit on la range dans un coffre-fort, soit on la porte sur soi. On ne peut pas laisser l'arme dans la boîte à gants du véhicule. J'ajoute que les agents de l'OFB sont ceux qui contrôlent le plus de personnes armées en France. L'an dernier, ils ont contrôlé plus de 45 000 chasseurs ; ils assurent la lutte contre le braconnage, que subissent par exemple les chardonnerets et les civelles. Ces opérations, généralement menées avec la gendarmerie, exigent de nombreuses précautions. Des minorités ethniques non sédentaires ont notamment l'habitude de chasser le petit gibier ; en pareil cas, il faut intervenir avec discernement.

Bref, nos agents sont régulièrement exposés à de vrais risques. Vous pouvez voir, sur le site du Bouchet, la stèle devant laquelle a lieu, une fois par an, la cérémonie d'hommage aux agents morts en service depuis 1945 : on y lit 85 noms. Une quinzaine de ces personnes ont été tuées par balle.

Je précise que, depuis la création de l'OFB, nos inspecteurs n'ont jamais sorti une arme devant un agriculteur. Bien sûr, s'il s'avérait qu'un agent était en tort, nous prendrions les mesures qui s'imposent.

L'enjeu n'est pas de savoir si les agents doivent cacher leur arme dans tel ou tel cas, mais si notre pays dispose d'une véritable police de l'environnement, à même de mener les interventions souhaitées. Nous avons une ou deux implantations par département : nos agents sortent à la journée et ne peuvent pas revenir au bureau pour mettre leur arme dans le coffre-fort au milieu de leur tournée.

Le véritable problème, c'est la complexité administrative liée au droit de l'environnement ; c'est la conciliation des politiques publiques.

Nous allons travailler au port discret de l'arme, qui, effectivement, ne doit pas être ostentatoire. Mais, j'y insiste, le vrai sujet c'est l'acceptation générale de la règle et sa mise en oeuvre : le but, in fine, c'est d'avoir de l'eau potable, de l'air respirable et un environnement de qualité, tout en produisant de l'eau et de l'électricité et en préservant l'agriculture.

Mme Sylvie Gustave dit Duflo. - Je confirme que, pour nous, le désarmement est une ligne rouge : je l'avais écrit dans ma profession de foi et je précise que j'ai été réélue à l'unanimité.

Créées en vertu de la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, les agences régionales de la biodiversité sont un bras opérationnel de l'OFB et des régions. Aujourd'hui, elles sont au nombre de douze, dont seulement deux outre-mer, la première en Guadeloupe, la seconde à La Réunion. Ces structures sont encore récentes et l'on a souvent tendance à les oublier : on aurait pu s'attendre à ce que les crédits du fonds vert soient fléchés à 100 % vers elles, contre 80 % dans les faits.

Les ARB sont des établissements publics de coopération environnementale. Elles sont appelées à travailler avec l'ensemble des collectivités territoriales, notamment celles du bloc communal. Les dotations de fonctionnement dont disposent ces agences sont de l'ordre de 600 000 à 650 000 euros, en France métropolitaine comme dans les outre-mer : ces enveloppes ne tiennent pas compte de la compensation de vie chère, laquelle est de 40 % en Guadeloupe et de 55 % à La Réunion.

Mme Marie-Claude Varaillas. - La biodiversité et l'agriculture sont interdépendantes depuis toujours. De fait, les milieux agricoles sont des écosystèmes à part entière et les insectes pollinisateurs sont indispensables à l'agriculture : sans eux, 65 % à 80 % des fruits et légumes que nous mangeons n'existeraient pas. Aujourd'hui, 75 % des milieux terrestres et 40 % des écosystèmes marins sont fortement dégradés. Des millions d'espèces sont menacées d'extinction.

Agriculture et biodiversité doivent donc avancer ensemble. L'OFB doit exercer sa mission de veille, de préservation et de restauration des milieux ; quant aux agriculteurs, ils doivent aller vers des modèles de culture plus vertueux, moins dépendants des produits phytosanitaires, pour préserver nos sols et nos ressources naturelles. Dès lors, nous devons tout faire pour instaurer un partenariat constructif entre les deux parties, ce qui suppose dialogue et pédagogie.

Or, sur le terrain, le terme même de « police » et le port de l'arme par les agents de l'OFB ne sont pas de nature à favoriser le dialogue. Face à la colère agricole, ces agents sont - hélas ! - devenus des cibles privilégiées, alors même que leurs missions vont bien au-delà du seul contrôle des agriculteurs.

Le monde paysan est aujourd'hui en perte de repères. Les agriculteurs doivent certes respecter les normes environnementales, mais ils ont aussi besoin d'être accompagnés et conseillés. Ils doivent pouvoir vivre de leur métier. En parallèle, l'OFB doit être défendu et disposer des moyens humains et financiers nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Un délégué syndical de l'OFB déclarait récemment : « Nous ne sommes pas de méchants cow-boys, pas plus que les agriculteurs ne sont de méchants délinquants. » L'OFB ne saurait devenir le bouc émissaire de la crise agricole : que pensez-vous de la convention proposée par le ministre Béchu entre l'OFB et les chambres d'agriculture ? Selon vous, cette démarche va-t-elle dans le bon sens, à l'instar des inspections blanches suggérées par le Gouvernement ?

M. Daniel Gueret. - L'organisation de l'OFB est certes participative, mais elle reste fondamentalement verticale, ce qui n'est pas de nature à me rassurer. En effet, l'Office doit être au plus près des acteurs et de la population. Monsieur le directeur général, vous rappelez à juste titre que l'OFB est une agence de l'État ; mais, sur le terrain, on a parfois le sentiment, sans doute faux, qu'elle constitue un « État dans l'État ».

Personne ne peut vous reprocher de faire respecter des règles qui ont été votées par le législateur : le problème n'est pas là. Il réside dans la forme et dans la nature des interventions menées sur le terrain.

Face au braconnage, l'armement de vos agents est parfois le bienvenu - venant de la Beauce, je suis sensibilisé depuis trente ans aux problèmes posés par le contrôle de la chasse, notamment pour ce qui concerne les gens du voyage. Mais, aujourd'hui, ces mêmes agents interviennent dans les communes et, parfois, semblent considérer les maires comme des délinquants. Or les maires sont déjà agressés en permanence dans l'exercice de leurs fonctions. J'ajoute que vous devriez, au contraire, vous appuyer sur eux.

Vous insistez sur les efforts de pédagogie menés en ce sens : je m'en réjouis, mais je suis loin de les constater en Eure-et-Loir. Le combat pour la biodiversité ne justifie aucunement cette façon d'interagir avec les élus locaux.

Si vous n'assurez pas l'acceptabilité de votre mission, vous n'atteindrez jamais vos objectifs. Les changements ne se feront pas contre, mais avec les populations, et tous vos efforts de pédagogie seront naturellement salués. Dans cet esprit, il serait bon qu'une fois par an les parlementaires puissent rencontrer vos agents à l'échelle des départements, sous l'égide des préfets, pour faire le point.

Je ne vous propose pas d'organiser des grand-messes - je me méfie toujours de ce genre de rendez-vous. Nous sommes d'accord quant aux objectifs : il faut maintenant se donner les moyens de les mettre en oeuvre sur le terrain, en faisant en sorte que tout se passe au mieux.

Enfin, prenons garde : il ne faudrait pas qu'à force de normes, la France ne soit plus en mesure de nourrir les Français. Nos assiettes seraient alors envahies de produits étrangers ne respectant pas nos propres règles de protection de la biodiversité. Associons l'ensemble des acteurs, dont les élus locaux. Ne dressons pas les uns contre les autres : sinon, vous n'arriverez à rien.

M. Didier Mandelli, président. - J'ajoute que les maires sont eux aussi agents de l'État et officiers de police judiciaire (OPJ).

Mme Marie-Claude Varaillas. - Eh oui !

M. Hervé Gillé. - À l'évidence, l'acceptabilité des normes est un sujet éminemment politique, qui dépasse bien sûr l'OFB. Elle concerne toutes les interventions, par exemple celles des agences de l'eau.

Il faut définir de nouvelles procédures avec l'ensemble des parties prenantes, dans un souci d'apaisement. Nous avons besoin d'un cadre plus serein pour déployer nos politiques publiques : sinon, nous nous exposons à une régression, qui s'esquisse déjà et qui serait particulièrement préjudiciable. Il me semble urgent d'engager ce travail, avec le Gouvernement et sous l'égide des préfets.

Madame la présidente, les collectivités territoriales et les autres parties prenantes ont besoin d'une plus grande clarté en matière de contractualisation et de conventionnement. Je pense notamment aux observatoires régionaux de la biodiversité (ORB). Jusqu'à présent, je n'ai d'ailleurs pas reçu de document de synthèse détaillant l'action menée par l'OFB à cet égard.

En parallèle, la place de l'OFB dans la planification écologique semble remise en question. De même, la qualité des compensations environnementales fait débat : quel regard portez-vous sur ces sujets ? Ne peut-on pas améliorer les processus d'évaluation et d'analyse de ces compensations ?

M. Michaël Weber. - Nous devrions avant tout témoigner notre soutien aux agents de l'OFB, qui subissent nombre d'agressions, en particulier dans le cadre de la gestion des aires protégées. Ils agissent au nom du droit, plus précisément du droit de l'environnement. Demanderait-on à d'autres représentants de l'ordre public de laisser dans leur voiture l'arme dont ils disposent ? Je ne le crois pas. Les agents doivent faire respecter le droit à l'aide des moyens qui leur sont confiés.

L'interaction avec les territoires est absolument indispensable. À ce titre, combien de communes bénéficient-elles à ce jour d'un atlas de la biodiversité communale ? Quels sont les moyens financiers dédiés à la réalisation de ces documents ? Quels sont les liens noués, à cet égard, avec les intercommunalités ? Beaucoup de communes et d'intercommunalités souhaitent être accompagnées pour mieux connaître leur biodiversité : pour elles, les atlas constituent une aide extrêmement précieuse.

Au-delà des moyens financiers attribués à la plantation des haies, combien de haies sont-elles plantées, aujourd'hui, en mètres linéaires ? Dans le même temps, combien de haies sont-elles détruites ? Nous avons besoin de chiffres à l'échelle de la France.

Enfin, quel traitement les tribunaux réservent-ils aux actes délictueux constatés par les agents de l'OFB ? En matière de contrôles exercés, nous attendons également des chiffres.

M. Jacques Fernique. - L'OFB exerce une mission de police administrative et une mission de police judiciaire de l'environnement : ceux qui, ce matin, insistent sur la prévention, la médiation et la souplesse n'ont pas pour habitude de dénoncer la fermeté de la police en général... Dans ce débat, nous sommes en quelque sorte à front renversé.

En 2023, l'OFB a mené 3 000 contrôles sur 400 000 exploitations agricoles. En d'autres termes, 0,75 % des exploitations ont été contrôlées : on est loin de la répression massive ! Ces chiffres traduisent plutôt le cruel manque de moyens dont souffre l'OFB.

À l'évidence, la légitimité de nos politiques publiques de biodiversité n'est pas encore pleinement reconnue : c'est avant tout ce que prouvent les crispations et les colères que suscitent les agents de l'OFB. Nous avons encore un travail politique et citoyen à mener pour que la reconquête de la biodiversité soit effectivement reconnue comme une priorité nationale, pour que les règles soient comprises, partagées et admises.

M. Pierre Jean Rochette. - Je souhaite moi aussi connaître un chiffre : combien de fois, au cours de l'année, les agents de l'OFB sortent-ils leur arme ? Si j'ai bien compris, ils s'entraînent autant que les policiers et les gendarmes.

M. Philippe Tabarot. - Plus !

M. Pierre Jean Rochette. - Personnellement, cela me surprend.

Dans mon département de la Loire, le maire d'une petite commune a commis le « crime » d'arroser par inadvertance le stade de football en plein été : il a été appréhendé immédiatement, dans des conditions dignes d'une série policière américaine. Je trouve cette situation totalement déplacée.

La relation entre les agents de l'OFB et les élus doit être recréée. Vous insistez sur les nombreuses formations que suivent vos agents : les formez-vous à l'empathie envers les élus ? Ces derniers doivent être respectés, ne serait-ce qu'au nom du droit à l'erreur. J'ajoute que, pour faire face aux situations difficiles, on sollicite souvent le maire en invoquant ses pouvoirs de police : c'est un peu facile.

Certaines interventions sont évidemment compliquées - l'action des agents de l'OFB est sans doute plus délicate en Guyane que dans la Loire -, mais les agents de l'OFB ont-ils toujours besoin d'être équipés d'une arme létale, voire d'une arme tout court ? Aujourd'hui, dans la gendarmerie, l'arme la plus utilisée est le Taser.

M. Gueret propose d'instituer une rencontre annuelle entre parlementaires et agents de l'OFB, sous l'égide du préfet de département : il s'agit, à mon sens, d'une très bonne idée.

Mme Kristina Pluchet. - Assez unanimement, les agriculteurs ont le sentiment de faire l'objet de contrôles à charge de la part des agents de l'OFB. Ils se sentent traités comme des pollueurs, comme des voyous, alors qu'ils ne font qu'exercer leur profession - il s'agit, rappelons-le, de nourrir les Français...

Premièrement, le port de l'arme est-il justifié pour contrôler l'état d'une haie ou la qualité de l'eau ? Il devrait être réservé aux cas où il est réellement nécessaire : en ce sens, il faut s'efforcer de hiérarchiser les situations. Vous invoquez la sécurité des agents. Bien sûr, on ne peut que dénoncer les agressions que ces derniers subissent, mais je pourrais aussi vous parler d'agriculteurs qui ont mis fin à leurs jours la veille d'une convocation à la gendarmerie, adressée à la suite d'un contrôle de l'OFB.

Deuxièmement, avez-vous connaissance aujourd'hui, au sein de vos services, de l'existence de réseaux militants extrémistes ?

M. Clément Pernot. - Selon moi, vous devriez prendre exemple sur les forces de gendarmerie. Dans nos territoires ruraux, les gendarmes connaissent tous les maires de leur ressort. Ils les rencontrent régulièrement et tout se passe bien - évidemment, si un maire commet un délit, il n'en est pas moins sanctionné.

En tant que président du conseil départemental du Jura, je n'ai jamais rencontré le responsable local de l'OFB. Contrairement aux représentants des autres forces départementales, qu'il s'agisse de la gendarmerie ou des douanes, il ne s'est jamais présenté.

L'OFB ne fait aucun effort pour créer des liens et, dans bien des cas, on déplore un manque de discernement. Une rivière de mon département a été endommagée à la suite d'un comice agricole. Je ne dis pas qu'il ne faut pas prendre de sanction : s'il y a eu faute, tout le monde l'admettra volontiers, mais il faut réfléchir à vos modes de fonctionnement. Personne ici ne remet en cause la nécessité de défendre l'environnement et la biodiversité, mais il y a l'art et la manière.

Pour ma part, je me méfie beaucoup des agences, quelles qu'elles soient : je ne fais pas de fixation sur l'OFB. Je crois avant tout aux relations nouées avec les élus. Il faut insister sur ce point lors de la formation des agents : c'est indispensable pour nouer des relations apaisées, ce qui contribue à la défense de votre cause.

M. Ronan Dantec. - Le débat relatif au port d'armes nous éloigne des principaux enjeux que nous sommes censés examiner ce matin. Certains veulent priver d'armes les agents de l'OFB : selon la même logique, la police municipale devrait, elle aussi, être désarmée. De même, les gendarmes auraient parfois intérêt à laisser leur arme dans la boîte à gants. Je salue cet élan humaniste et pacifiste - c'est toute ma jeunesse !

M. Fabien Genet. - Rien que votre jeunesse, mon cher collègue ?

M. Ronan Dantec. - La victoire, non pas du monde agricole, mais de certaines organisations agricoles et, avant tout, des gros agriculteurs, aux dépens du plan Écophyto annonce une judiciarisation dont on ne prend pas encore la mesure. Les plaintes vont se multiplier tous azimuts. Ce qui devait être résolu sur le terrain sera systématiquement traité par la justice.

Cette judiciarisation, qui n'en est qu'à ses débuts, se fera aux dépens du monde agricole, de l'industrie agroalimentaire et des collectivités territoriales. Il est indispensable de renforcer l'OFB, en le plaçant de nouveau au coeur de la régulation et en sortant des faux débats. Sinon, la régulation se fera ailleurs, et elle se fera d'une manière de plus en plus dure.

Sur l'initiative du Sénat, la loi pour la reconquête de la biodiversité a rendu obligatoires les plans nationaux d'actions (PNA) relatifs aux espèces menacées. Où en sont ces plans, qui relèvent d'abord de l'État et des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) ? Avez-vous les moyens de vérifier leur bonne application, notamment outre-mer ? Il y va de notre biodiversité remarquable.

On n'a jamais tant perdu d'abeilles qu'en 2022 : ce constat est particulièrement alarmant. La disparition des pollinisateurs représente aussi une perte de recettes pour le monde agricole.

M. Jean-Claude Anglars. - Avant tout, je tiens à saluer l'action de mon prédécesseur, le sénateur de l'Aveyron Jean-Claude Luche, qui a porté sur les fonts baptismaux la loi créant l'OFB.

Je veux insister sur les situations de prédation auxquelles doivent faire face les éleveurs de montagne - je pense en particulier au loup. Ces attaques sont de vrais traumatismes ; par définition, les éleveurs ont un rapport tout à fait singulier au vivant.

Je suis, comme beaucoup d'autres, attaché à la différenciation territoriale des politiques publiques. À vous entendre, ce travail doit être confié aux préfets. Ma question est simple : quand va-t-il commencer ?

M. Fabien Genet. - En tant que maire, j'ai moi-même eu le malheur de « trop » arroser le stade de football de ma commune et j'ai aussitôt reçu la visite d'un agent de l'OFB, armé comme il se doit. Mais, en tant que maire, j'ai aussi réarmé ma police municipale. Face à la montée des tensions et des violences que connaît notre société, il faut faire preuve de cohérence et, pour ma part, je ne souhaite pas le désarmement des agents de l'OFB. Je mesure la pression qu'ils subissent.

J'ai également eu affaire à l'OFB quand une entreprise de ma commune a pollué un cours d'eau. Cette pollution a provoqué d'importants dégâts dans une exploitation située en aval : un certain nombre de bêtes sont mortes. N'oublions pas que les agriculteurs sont souvent les premiers défenseurs de l'environnement et qu'ils peuvent être victimes des atteintes portées à ce dernier.

Je ne suis pas devenu complètement écologiste...

M. Jacques Fernique. - Encore un effort !

M. Fabien Genet. - ... mais, face à des changements qui posent de graves problèmes d'acceptabilité, les contrôles sont manifestement nécessaires.

L'effort de proximité est essentiel et, à ce titre, l'exemple de la gendarmerie peut constituer une très bonne source d'inspiration. Les gendarmes sont armés, ils représentent l'autorité, ils opèrent un certain nombre de contrôles, mais ils ont aussi l'habitude de s'entretenir avec les maires. Pour ce qui concerne les élus, il faut sortir d'un rapport fondé sur la sanction.

Le préfet est parfois le délégué départemental des agences de l'État : c'est le cas pour l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Or derrière le préfet il y a l'État, et derrière l'État il y a la société, donc, dans un pays démocratique, la population : cette formule ne pourrait-elle pas avoir du sens pour l'OFB, afin d'incarner la très grande autorité qui vous est confiée ?

Enfin, les précédents plans d'actions ont permis d'atteindre le seuil de viabilité démographique du loup en France. Les fronts de colonisation s'étendent à plusieurs départements qui n'étaient pas habitués à la présence du loup, laquelle en vient à compromettre l'avenir de certaines exploitations d'élevage, notamment ovin. On l'observe en Saône-et-Loire. La disparition de ces éleveurs entraînerait, à terme, une perte de biodiversité : sans éleveur, qui entretiendra les haies ? Le statut d'espèce strictement protégée fait aujourd'hui l'objet d'interrogations à l'échelle européenne et le plan d'actions 2024-2027 relatif au loup est en cours de mise en oeuvre. Un certain nombre de textes vont en découler, notamment un arrêté cadre sur les tirs, sur les indemnisations et une instruction technique sur la gestion de la réponse à la prédation : comment l'OFB envisage-t-il ces changements d'appréciation ?

M. Damien Michallet. - Pendant mes vingt-trois années de mandat local, j'ai croisé chaque mois le chef de brigade de la gendarmerie ou son adjoint. Chaque trimestre, nous faisions le point de manière précise. En revanche, je n'ai jamais croisé les agents chargés de la police de l'environnement.

Or ma commune a été victime d'un véritable écocide, commis par de véritables écoterroristes : les brûleurs de cuivre, qui ont dévasté une zone verte tout entière. Nous avons tenté de la défendre, avec les chasseurs et les agriculteurs - en vain. On m'a répondu que cette question relevait de la responsabilité du maire, au titre du pouvoir de police qu'il détient.

Existe-t-il une hiérarchie entre les crimes environnementaux ? Compte tenu des moyens dont vous disposez, privilégiez-vous la lutte contre certains d'entre eux ? Travaillez-vous avec les chasseurs pour appréhender l'avenir de la régulation des espèces ?

M. Didier Mandelli, président. - Je relève à mon tour l'importance du dialogue, de la médiation et du discernement, qui plus est dans le contexte que nous connaissons. En tant que parlementaires, nous soutenons évidemment tous ceux qui se chargent de faire appliquer et respecter la loi. Mais j'ai moi aussi été maire et, à l'évidence, il faut oeuvrer dans le sens d'une compréhension mutuelle.

Mme Sylvie Gustave dit Duflo. - L'OFB regroupe 1 700 inspecteurs de l'environnement : la gendarmerie nationale et la police nationale disposent, pour leur part, de plus de 100 000 agents chacune. Ces différences d'effectifs doivent être prises en compte quand on parle de la proximité, enjeu sur lequel vous insistez tant.

Notre budget annuel est d'environ 650 millions d'euros : nous sommes loin du milliard d'euros dont disposent nos homologues espagnols ou des 940 millions d'euros que l'Allemagne dédie aux questions de biodiversité. Dans ce domaine aussi, il faut garder à l'esprit les différences d'échelle.

Madame Pluchet, je le répète : pour nous, le port d'arme est une ligne rouge. La police de l'environnement est une police à part entière - le directeur général reviendra sur ce point.

L'OFB travaille évidemment en partenariat avec les collectivités territoriales. Je suis moi-même vice-présidente de la région de Guadeloupe et j'ai été nommé au sein du conseil d'administration par Régions de France. Notre programme d'intervention a été élaboré, entre autres, avec les régions et les départements. L'OFB, les ARB et les régions se chargent de décliner la stratégie nationale biodiversité : c'est un travail de concertation et de co-construction.

Les ARB sont encore jeunes : elles doivent monter en puissance. L'OFB a pris l'initiative de mener, au moins une fois par an, un travail de concertation avec les ARB et Régions de France. En outre, les agences régionales mènent des contractualisations annuelles, sur la base des stratégies et des orientations politiques déployées dans les collectivités territoriales.

Enfin, je tiens à insister sur une réalité qui, à mes yeux, a une importance considérable. La Guadeloupe a été polluée pour cinq cents ans par un pesticide nommé le chlordécone, qu'il s'agisse de nos terres, de nos eaux de surface, de nos nappes phréatiques ou du milieu marin. Si le récent mouvement agricole est resté très limité dans les Antilles, c'est parce que les habitants de nos territoires ont été marqués dans leur chair. Certains cancers, notamment le cancer de la prostate, sont bien plus fréquents aux Antilles que dans le reste du pays.

Je vis moi-même dans un milieu rural, mes oncles sont éleveurs et je suis petite-fille d'agriculteurs - mon grand-père était planteur de bananes. Je vis plus précisément dans ce territoire pollué par le chlordécone que l'on appelle le croissant bananier.

L'OFB travaille avec les agriculteurs pour défendre des pratiques plus vertueuses, notamment pour que la population ait, demain, de l'eau en qualité et en quantité.

M. Olivier Thibault. - Vos questions permettent d'aborder le coeur du sujet, à savoir la manière dont l'OFB doit se positionner dans les territoires pour réussir à y travailler avec l'ensemble des acteurs.

Je vous l'assure, l'OFB ne travaille pas contre les agriculteurs : au contraire, nous ne cessons de chercher des voies de conciliation. La conciliation des politiques publiques est l'un de nos maîtres-mots. Nous avons le devoir de faire mieux : la biodiversité continue de s'effondrer et le changement climatique est de plus en plus flagrant.

Lors de notre dernier conseil d'administration, nous avons évidemment abordé les contrôles agricoles, mais nous avons aussi consacré du temps à la définition de nos lignes directrices pour travailler avec les agriculteurs, et ces discussions se sont très bien passées. Notre travail avec le monde agricole ne se limite évidemment pas aux opérations de contrôle.

Derrière le plan Écophyto, il y a 41 millions d'euros pour le monde agricole : les agriculteurs souhaitent vivement la poursuite de ce dispositif. En outre, le bulletin de santé du végétal, qui leur permet de savoir s'il faut traiter ou non en fonction des ravageurs qui arrivent, est jusqu'à présent financé par ce plan : il n'est pas question de l'arrêter.

Le plan Écophyto finance également la transition agroécologique, les fermes Dephy et la valorisation de pratiques permettant de réduire l'emploi de produits phytosanitaires sans changer de modèle : tout cela fonctionne très bien. Il ne s'agit plus de prouver l'utilité de ces initiatives, mais de les massifier par d'autres voies.

L'OFB s'efforce de déployer la marque « Végétal local », ainsi que la marque « Esprit parc national », valorisant les agriculteurs qui, dans les parcs nationaux, proposent une production de qualité grâce à des pratiques assurant une forte protection de la biodiversité. En parallèle, nous avons mis en oeuvre des centres de ressources. Nos différentes actions sont résumées dans un document intitulé « Lignes directrices agricoles ». La politique de contrôle n'en représente qu'une petite partie, même si l'on en parle énormément.

À ce stade, j'ignore si l'on signera une convention avec les chambres d'agriculture : à mon sens, ce n'est pas si grave si l'on parvient à mettre en oeuvre par ailleurs les mesures annoncées à ce titre.

Nous nous accorderons tous sur ce point : pour chasser les incompréhensions, il faut commencer par sortir des postures. Vous insistez avec raison sur la nécessité de dialoguer, puis d'agir pragmatiquement dans chaque territoire pour résoudre un à un les problèmes.

Ce projet de convention se structure en trois grandes parties.

Premièrement, il faut se connaître et se parler en dressant, à l'occasion de réunions régulières, un bilan des contrôles menés et des irritants respectifs. Dans certains domaines, comme l'arboriculture, nous sommes confrontés à de vrais problèmes d'application de la loi.

Deuxièmement, il faut se former, à un double niveau. Nous avons entrepris de former nos agents aux enjeux agricoles. Un premier plan de formation de 500 personnes est engagé, et il sera généralisé aux 1 700 inspecteurs de l'environnement. En parallèle, les chambres d'agriculture doivent former leurs agents à la complexité du droit de l'environnement : c'est indispensable pour qu'elles soient à même d'animer leurs réseaux.

Troisièmement et enfin, pour ce qui concerne l'organisation des contrôles, nous proposons une solution issue de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ». En vertu de ce texte, promulgué en février 2022, le préfet est le délégué territorial de l'OFB pour les contrôles administratifs. Par une convention conclue avec le ministère de l'intérieur au début de 2023, nous avons organisé les partages d'information entre préfets et agents de l'OFB. Puis un décret de septembre 2023 a consolidé et explicité les rôles respectifs des missions interservices de l'eau et de la nature (Misen), pilotées par les préfets, et des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden), pilotés par les procureurs.

Ces structures doivent piloter la stratégie environnementale. Quant à la stratégie nationale de contrôles, elle a été signée par cinq membres du Gouvernement - le ministre de l'intérieur, le ministre de l'écologie, le ministre de l'agriculture, le garde des sceaux et la secrétaire d'État à la biodiversité - pour répartir ce qui relève de la stratégie nationale et de l'organisation territoriale, reposant sur les Misen et les Colden.

Je suis persuadé du rôle stratégique majeur des préfets pour hiérarchiser les enjeux à l'échelle locale, assurer un pilotage stratégique à l'échelle départementale et organiser une politique de contrôle interservices. C'est dans ce cadre que la question du contrôle unique pour les agriculteurs doit être examinée ; mais, j'y insiste, ces derniers sont loin d'être seuls concernés.

Il faut communiquer sur cette politique de contrôle et la mettre en oeuvre ; aujourd'hui, un tiers des préfets ne se sont encore jamais rendu auprès des Misen et deux tiers d'entre eux n'ont pas communiqué au sujet des politiques de contrôle locales. Cette situation complexifie beaucoup l'action des inspecteurs de l'environnement. Elle les prive notamment d'une forme de légitimité.

J'en viens à la question des convocations. Nous le répétons sans cesse : nos agents ne sont pas des justiciers de l'environnement, mais des policiers de l'environnement. Ils sont là, non pour juger, mais pour constater le respect ou le non-respect de la réglementation. C'est un point fondamental, précisément car il faut éviter les comportements militants.

Nous avons donc besoin de visibilité quant au traitement des cas de non-conformité, et c'est là qu'intervient le droit à l'erreur. C'est au procureur de la République et au préfet d'expliciter la manière dont les agents doivent procéder. Les agents doivent mettre en oeuvre concrètement le droit à l'erreur. Ils doivent prononcer des rappels à la loi ou encore des avertissements dans des domaines spécifiques, mais ils doivent aussi relever les cas de non-respect des normes en vigueur en vue d'une éventuelle sanction en cas de récidive.

C'est en ce sens que nous insistons sur le contradictoire, assuré lors de réunions qui ne sont en aucun cas des gardes à vue : les personnes sont convoquées pour éclaircir une situation qui, selon nos agents, pose potentiellement problème. Puis, que ce soit devant le procureur de la République ou dans la sphère administrative, les agents examinent les éléments à charge et à décharge.

La convocation a certainement un caractère impressionnant, mais les personnes convoquées ne sont pas appelées à se présenter devant un juge. Nous devons le dire et le répéter. Quand il s'agit d'un maire, convoqué pour la première fois pour un fait commis par un agent de sa commune, nous demandons à nos inspecteurs de passer un appel téléphonique, non d'envoyer un courrier. C'est une question de savoir-être et de tels réflexes sont indispensables.

Dans ce domaine, j'appelle votre attention sur une véritable difficulté. Quand un de nos agents constate une éventuelle atteinte portée à la biodiversité, il est tenu d'indiquer en préambule la peine maximale encourue. Or, en matière d'environnement, les peines sont souvent de nature pénale : au maximum, on risque facilement trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. On conçoit aisément que de telles annonces soient traumatisantes, bien que des peines si lourdes soient réservées à des cas d'une particulière gravité. À mon sens, il faut réfléchir politiquement à la question des quantums de peines. À ce jour, si nos agents n'indiquent pas la peine maximale, la procédure risque d'être frappée de nullité.

De surcroît, il faut distinguer clairement le champ judiciaire du champ administratif. Au passage, si nos agents étaient désarmés à titre administratif, ils resteraient armés à titre judiciaire, par exemple quand il s'agit de contrôler l'état des haies, qui relève du judiciaire... Même si les revendications actuelles des agriculteurs étaient appliquées à la lettre, ces derniers continueraient à interagir avec des agents armés. Je précise que nos inspecteurs interviennent en général sur dénonciation ou sur signalement, souvent à la demande de collectivités territoriales.

Notre objectif actuel, c'est d'agir moins sur le terrain judiciaire et plus sur le terrain administratif.

Je confirme l'intuition du sénateur Dantec : nous allons vers une judiciarisation croissante. Les procureurs souhaitent d'ailleurs traiter davantage d'affaires d'atteinte à l'environnement : ils considèrent que nous n'en portons pas suffisamment devant les tribunaux.

À ce titre, je reprends l'exemple des haies. La France en dénombre à peu près 700 000 kilomètres. Au total, quatorze réglementations interdisent de les arracher, et pourtant 20 000 kilomètres de haies disparaissent chaque année. Le système actuel est manifestement inefficace et nous sommes perdants sur tous les plans : ceux qui veulent planter des haies se heurtent à de nombreux problèmes, ceux qui les arrachent en rencontrent beaucoup moins, alors que nous avons collectivement besoin de haies. Ces dernières jouent un grand rôle, non seulement pour l'élevage, mais aussi pour les cultures. Elles permettent de fixer les sols et de lutter contre les inondations.

Voilà pourquoi nous devons réfléchir aux règles que nous voulons retenir. Dans le même temps, nous devons mieux organiser le contrôle administratif. En général, la procédure administrative a vocation à assurer une remise en état. Si l'on persiste à opposer l'administratif et le judiciaire, on ira vers une inflation du judiciaire, ce qui n'est dans l'intérêt de personne.

Plusieurs d'entre vous insistent sur l'urgence d'adopter de nouvelles procédures ; mais, par définition, il est extrêmement compliqué de simplifier... En général, quand on cherche une simplification, on finit par compliquer les choses, car on confond simplification et adaptation au cas par cas. On le voit très bien en agriculture. Chacun veut un maximum de dispositions couvrant son cas particulier, si bien que l'on aboutit à des usines à gaz.

Nous sommes clairement face à un enjeu de lisibilité et de hiérarchisation de la règle, d'autant que les agriculteurs sont aussi des aménageurs du territoire. À force de réglementer les différents domaines isolément, on a le plus grand mal à traiter les sujets de façon transversale.

Les agriculteurs demandent le traitement des sujets agricoles, uniquement via les aides de la politique agricole commune (PAC), un point c'est tout ; mais ce n'est pas une solution. En procédant ainsi, nous serons vite placés face à des problèmes de potabilité de l'eau, de partage de la ressource en eau et à des risques d'inondation. De même, chaque administration se concentre sur son domaine : ce réflexe est compréhensible, mais il pose problème. Nos agents font face à un empilement de réglementations qu'ils se demandent bien comment conjuguer. Méfions-nous des fausses simplifications. L'environnement étant au carrefour de nombreuses politiques, il devient facilement un sujet de tensions.

Existe-t-il des réseaux de militants extrémistes au sein de l'OFB ? Nous faisons en sorte que la réponse soit non.

Avoir une arme, c'est une vraie responsabilité, et tous les agents qui dérogent aux règles établies s'exposent à des procédures disciplinaires. À l'heure actuelle, l'un d'eux est suspendu pour avoir laissé son arme, visible, dans la voiture. Par le passé, nous avons prononcé des sanctions allant jusqu'au licenciement. Nous avons en outre une charte de déontologie, qui est en cours de révision, pour rappeler les droits et devoirs des fonctionnaires.

Notre credo, c'est l'application de la loi : dès lors qu'un projet est légalement autorisé, nous ne remettons pas en cause sa légitimité. Dans le même temps, nous nous efforçons de vérifier la véracité des dénonciations qui nous sont adressées en travaillant sur cette base.

Nous nous inspirons au maximum de ce que fait la gendarmerie, même si nous n'avons évidemment pas les mêmes effectifs qu'elle. Je rêverais que le Parlement nous accorde quelques centaines ou milliers d'agents en plus dans les territoires pour développer l'accompagnement !

Nous demandons à nos agents de ne pas axer davantage leur action sur le judiciaire ; au contraire, ils doivent aller davantage vers l'accompagnement, en expliquant le contenu et la finalité de la loi. Comment la faire respecter si elle n'est pas comprise ?

Je précise qu'en cas de délit, la condamnation suppose un élément moral. Il faut donc vérifier si la réglementation est connue, si elle est bien mise en oeuvre, s'il y a ou non volonté de nuire.

À mon sens, la pression de contrôle est faible, notamment dans le monde agricole. En moyenne, treize procès-verbaux sont dressés chaque année par département. Nous passons une fois tous les 130 ans dans une exploitation agricole pour des contrôles administratifs... Mais la pression ressentie est très forte et - il faut dire ce qui est - les agents de l'OFB prennent pour tous les autres agents chargés de contrôle.

J'ai entendu, à ce titre, énormément de contre-vérités. « Les inspecteurs de l'environnement ont droit de vie ou de mort sur les aides des agriculteurs » : c'est tout simplement faux ! « Les agents de l'OFB prennent des photos satellites pour savoir si l'on touche à un arbre » : ils n'ont pas accès à ces images. En revanche, l'Agence de services et de paiement (ASP) et la Mutualité sociale agricole (MSA) vérifient les aides agricoles.

Au sujet de l'armement, je pensais avoir été clair. Nous n'avons pas sorti une arme devant un agriculteur pendant les quatre années d'existence de l'OFB. Au cours de cette même période, les dispositifs d'armement ont été utilisés 85 fois.

Le protocole d'intervention est très hiérarchisé. Nos agents sont équipés d'une matraque télescopique, qu'ils doivent utiliser préalablement. Avant de brandir leur arme, ils sont en outre tenus de la dégrafer. En général, ce simple geste suffit à ramener l'interlocuteur au calme.

Le seul cas où nos agents ont vraiment sorti leurs armes et tiré, en quatre ans, s'est produit à Mayotte. L'un des deux agents en question était en train d'être passé à tabac. Sans arme, il n'est pas sûr que ces agents en auraient réchappé. Ils ont sorti leur arme et tiré en l'air pour éloigner des personnes qui les menaçaient - les leaders ont récemment été condamnés à sept et dix ans de prison ferme.

Dans dix à quinze cas par an, nos agents sortent leur bâton télescopique. En général, ce n'est pas face à des agriculteurs, mais en cas d'activités illicites, notamment face à des braconniers. Ce dispositif de dissuasion fait partie de la panoplie de défense de nos agents, qui sont ceux qui contrôlent le plus de personnes armées chaque année.

Enfin, nous consacrons beaucoup de temps et d'énergie au suivi des plans nationaux d'actions (PNA). Certains sont très connus, d'autres beaucoup plus confidentiels.

On parle beaucoup des PNA dédiés aux grands prédateurs, comme le loup, l'ours ou le lynx boréal, plans qui réclament une énergie considérable de la part de nos agents. À ce titre, le constat déclaratif permettrait de gagner beaucoup en efficience et d'accentuer les efforts d'accompagnement - à ce jour, il faut dresser un constat pour chaque brebis égorgée...

Dans ce domaine également, nous nous efforçons de concilier différentes politiques ; il faut protéger les espèces et parfois restaurer les milieux, tout en minimisant les impacts sur les différentes activités.

On pourrait citer les cas du grand hamster commun, de l'albatros, du vautour et de l'esturgeon. Je n'oublie pas non plus les tortues de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique. Certains PNA fonctionnent très bien, d'autres concernent des espèces plus difficiles à défendre, par exemple pour ce qui concerne les mousses ou les champignons. Mais, grâce à ces plans, l'OFB peut mettre l'accent sur les espèces menacées. À ce jour, on dénombre plus de 70 PNA, financés par le programme 113 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Leur mise en oeuvre doit être prochainement facilitée par un décret d'application.

M. Didier Mandelli, président. - Il nous reste à vous remercier de votre présence et de vos réponses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 00.