Répression du terrorisme

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - La France, qui peut se prévaloir d'un dispositif complet en matière de prévention et de répression du terrorisme, principalement articulé autour des lois de 1986, 1996 et de la loi du 23 janvier 2006, a toujours voulu compléter son action nationale par une coopération bilatérale, européenne et multilatérale, constante et résolue. C'est dans cet esprit que notre pays est partie à la Convention pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977, que vient amender le protocole dont je vous demande d'autoriser la ratification.

Ce texte élargit le champ d'application de la convention initiale en y incluant les infractions établies dans les conventions universelles et protocoles additionnels adoptés depuis cette date par l'Organisation des Nations Unies. La convention de 1977 visait à faciliter la répression du terrorisme en complétant et modifiant les accords d'extradition et d'entraide en vigueur entre les États du Conseil de l'Europe. L'une des difficultés majeures dans l'application de ces accords tenait à la possibilité pour les États de refuser l'extradition ou l'entraide en matière judiciaire sur la base de la nature politique de l'infraction ou des mobiles de son auteur. Afin de lever cet obstacle, la convention initiale prévoyait un mécanisme original de dépolitisation des infractions incriminées, de sorte que les infractions considérées comme des actes de terrorisme ne puissent être qualifiées d'infractions politiques.

Le protocole amendant cette convention élargit le champ d'application de la dépolitisation prévue par cette dernière, afin d'inclure l'ensemble des infractions établies par les conventions des Nations Unies ratifiées par la France. Il étend par ailleurs son champ d'application à la tentative et à la complicité des infractions de cette nature. Il prévoit une procédure simplifiée permettant d'ajouter de nouvelles infractions à la liste de celles pouvant entrer dans le champ de la dépolitisation. Cette procédure accélérée, qui permettra aux futures révisions de la Convention de ne pas nécessairement prendre la forme d'un protocole, est inspirée des conventions onusiennes en vigueur en matière de terrorisme. Ce texte prévoit également l'ouverture de la convention aux États observateurs auprès du Conseil de l'Europe et à d'autres États dès lors qu'il sera entré en vigueur. Enfin, il encadre plus étroitement la possibilité pour les États d'émettre et de faire usage de réserves à la dépolitisation des infractions énumérées, la possibilité de réserve n'étant, en tout état de cause, pas applicable en matière d'entraide pénale : de la sorte, chaque État doit précisément indiquer les infractions pour lesquelles il souhaiterait émettre une réserve et cette dernière doit être renouvelée tous les trois ans, de façon dûment motivée. Il instaure en outre la règle « extrader ou punir » et l'obligation de faire part des décisions prises à l'État requérant et au Coster, comité conventionnel chargé du suivi du protocole et susceptible d'émettre un avis en cas d'absence de décision formelle ou de refus d'extradition.

Si, en 1987, la France avait assorti le dépôt de son instrument de ratification de la Convention de 1977 de déclarations visant à garantir le respect du droit d'asile et à empêcher l'usage de la convention à des fins de répression politique ou idéologique, le protocole que je vous présente aujourd'hui n'appelle pas les mêmes réserves. En effet, la convention ainsi révisée garantit indirectement le droit d'asile en empêchant son utilisation à des fins de répression politique ou idéologique.

Ce protocole s'inscrit dans la logique des conventions des Nations Unies en matière de terrorisme que la France a soutenues et qu'elle a, pour l'une d'entre elle, la Convention sur la répression du financement du terrorisme, initiée. Il marque par ailleurs une nouvelle étape dans la mise en cohérence des normes internationales en vigueur en matière de lutte contre un phénomène qui ne peut être combattu que par un effort commun (Applaudissements à droite).

M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Ce protocole est important puisqu'il répond à plusieurs exigences de la lutte contre le terrorisme. D'abord, il répond à l'obligation d'adapter notre arsenal législatif aux évolutions du terrorisme, qui s'invente en permanence : la situation est insatisfaisante, qui nous donne l'impression de courir sans fin après un dangereux caméléon ...Ensuite, ce texte contribue à harmoniser des législations des pays signataires, ce qui est indispensable car le terrorisme se joue des frontières, morales ou géographiques : la mobilisation des États du Conseil de l'Europe - et au-delà- est une nécessité. Enfin, ce protocole s'efforce de concilier efficacité et respect des droits de l'homme puisqu'il prévoit la possibilité, pour les États signataires, de formuler des réserves, par exemple garantissant le droit d'asile ou le refus d'extrader vers des pays pratiquant la peine de mort ou la torture.

Ce texte, qui n'est donc pas liberticide, élargit la notion d'infraction dépolitisée pour permettre de poursuivre, outre l'exécutant, ceux qui ont conçu, ordonné, financé ou aidé l'acte terroriste. Ce protocole simplifie également les adaptations futures.

Ce texte est bon et la majorité de la commission des affaires étrangères vous propose de l'adopter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le terrorisme est là. Après le 11 septembre, il continue de plus belle. Mais le monde devrait s'interroger sur ses causes profondes. Nous continuons à ne pas le faire. Au contraire, nous tentons de le juguler par une législation de plus en complexe. Le terrorisme est souvent instrumentalisé au service d'un nouvel ordre international répressif et régressif, au service d'une Europe et d'une France de plus en plus sécuritaires, nourrissant les peurs et les suspicions. Le monde est de plus en plus pensé à travers le prisme de la lutte contre le terrorisme, aux dépens de tout autre impératif. Des pays, les États-Unis en tête, théorisent sur la nécessité de subordonner les droits et les libertés à la lutte contre le terrorisme. Conséquences : le Patriot Act, les tribunaux militaires d'exception, les libertés civiles limitées, les garanties contre les atteintes aux droits fondamentaux réduites. L'état d'exception devient la règle. En agissant de la sorte, en faisant de la lutte contre le terrorisme une croisade du Bien contre le Mal, les règles du droit international et des droits fondamentaux se trouvent inéluctablement bafoués.

L'Europe n'est pas en reste. Je pense aux « sites noirs » et aux avions de la CIA, à l'accord récent des 27 sur les fichiers PNR. Quant à la France, elle a accumulé ces cinq dernières années toute une série de dispositions et de pratiques qui n'ont rien à voir avec le terrorisme : diminution des droits de la défense, facilitation des perquisitions, fichage généralisé....

Il ne serait pas acceptable que le protocole s'inscrive dans ce mouvement pernicieux. Compléter le mécanisme mis en place par la convention, nous n'y sommes pas opposés, pourvu que l'on sache de quoi l'on parle : la définition du terrorisme reste trop floue. Le droit d'asile pourrait être menacé. Et qu'entend-on par infraction politique ? Au regard de la violence de la répression qu'ils ont subie, les manifestants altermondialistes de Gênes pourraient être menacés. Je pense aussi à certains détenus de Guantanamo. Tout cela n'est pas très clair... Et comment admettre que la Convention soit ouverte à des États qui n'ont pas signé la charte du Conseil de l'Europe ? Rien, en outre, ne garantit le droit à un recours judiciaire.

Il faudrait au moins une harmonisation préalable des droits pénaux des différents pays concernés, sans quoi le concept flou de terrorisme justifiera un élargissement vraiment pas satisfaisant de l'arsenal répressif.

Bref, tenant beaucoup à ce que l'on ne perde jamais de vue le respect des droits élémentaires, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Je voudrais vous rassurer. La Convention renvoie à des textes qui définissent précisément le terrorisme. Quant aux manifestants contre le G8 ils ne tombent pas sous le coup de ces dispositions puisque les conventions nous obligent à incriminer précisément les actes poursuivis.

Le projet de loi est adopté.