Sécurité civile

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile ».

Orateurs inscrits

M. Claude Haut, rapporteur de la commission des finances.  - La sécurité civile est la politique menée par l'Etat pour protéger nos concitoyens contre toutes les formes de risques, naturels ou d'origine criminelle, qui se multiplient actuellement.

Je tiens à saluer le travail remarquable des personnels - sapeurs-pompiers, militaires, secouristes, démineurs- sur tous les types d'interventions. Je voudrais également signaler la qualité du document de politique transversale qui nous montre que la politique de sécurité civile implique d'autres missions de l'Etat, et surtout les collectivités territoriales. La question de la mise en place d'une mission interministérielle se pose toujours, même si j'estime qu'un rapprochement avec la prévention des risques serait plus adapté.

Les crédits de cette mission sont une source de préoccupation. Ma première remarque porte sur l'articulation entre les responsabilités de l'Etat et celles des collectivités territoriales dans l'organisation de cette politique.

Le budget primitif des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) dépasse 5 milliards d'euros pour 2007, à comparer aux 418 millions d'euros de la mission « Sécurité civile » et aux 900 millions de la politique transversale de sécurité civile. L'augmentation est de presque 20 % par rapport à 2006 et de près de 40 % comparée au même compte pour 2004. Or, les départements seuls sont chargés des dépenses nouvelles. Cette augmentation doit être mise en parallèle avec la diminution de 2,2 % des crédits de la mission. De nombreuses décisions, qui pèsent sur le budget des SDIS, sont prises au niveau national (retraites, régimes indemnitaires, etc.). De plus, 64 % de l'activité des sapeurs-pompiers concerne les secours à la personne, hors cas d'incendie. L'activité des SDIS recoupe donc celle des services médicaux d'urgence, service public national à la charge de l'Etat qui n'a pas à s'en désengager.

Enfin, l'Etat est censé participer, au travers du Fonds d'aide à l'investissement (FAI), aux dépenses des SDIS. Or, l'avenir du FAI est lui aussi préoccupant. Ses crédits diminuent encore : de 65,85 millions d'euros en 2006, ils sont passés à 38 millions en 2007 et 28 millions cette année. La réforme du FAI ne doit pas conduire au désengagement de l'Etat du financement des investissements des SDIS et plus largement de la politique de sécurité civile.

Ma deuxième remarque concerne l'évolution des crédits. Pour le programme « intervention des services opérationnels », la hausse exceptionnelle des autorisations d'engagement résulte exclusivement du renouvellement d'un contrat de maintenance des avions de la sécurité civile. Après avoir attiré l'attention de votre commission sur les sur-budgétisations récurrentes des dépenses de personnel du programme, je signale l'effort de rationalisation qui les fait davantage correspondre, cette année, aux besoins réels.

En revanche, je souhaiterais attirer votre attention sur deux sous-budgétisations patentes dans le programme « coordination des moyens de secours ». D'une part, la prévision de crédits pour les colonnes de renfort est de 1,7 million d'euros, soit plus de cinq fois moins que leur coût moyen durant les cinq dernières années. Plus flagrante encore est la sous-budgétisation des secours d'extrême urgence, puisque seuls 100 000 euros sont prévus alors que la moyenne des cinq dernières années s'établit à 26 millions d'euros par an. Ces dépenses sont par nature imprévisibles, mais cela ne devrait pas conduire à autant les sous-estimer.

Enfin, la performance de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers d'Aix-en-Provence semble bien éloignée des ambitions affichées lors de son installation.

Si je réserve ma position personnelle dans l'attente des réponses du ministre, la commission des finances vous propose d'adopter ces crédits.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - (Applaudissements sur les bancs UMP). Tout d'abord, je veux rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile qui risquent leur vie pour sauver celles des autres. Je pense tout particulièrement à ceux qui ont été blessés ou sont décédés, comme les deux jeunes sapeurs-pompiers qui ont trouvé la mort dans l'effondrement d'un immeuble parisien, et aux victimes des tremblements de terre en Martinique et en Guadeloupe.

D'abord, un motif de satisfaction : je salue la parution des décrets d'application des articles 6 et 7 de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004. Quid désormais d'un décret listant les projets d'intérêt commun susceptibles d'être financés par le FAI ?

A présent, un souhait, d'ailleurs largement partagé : celui d'une mission budgétaire interministérielle de la sécurité civile.

M. Paul Girod.  - Très bien !

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis.  - M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, en reconnaissait la nécessité, pour avoir une vision cohérente des crédits que l'État consacre à la sécurité civile.

Les problèmes dans l'organisation du secours à la personne, dus à une mésentente ou une collaboration insuffisante entre le SAMU, les SDIS et les ambulanciers, sont aggravés par la carence de la permanence des soins par les médecins de ville : la demande de soins augmente tandis que la démographie médicale s'effondre.

Les acteurs privés empiètent sur les missions d'urgence et la coordination entre les ministères de la santé et de l'intérieur est insuffisante. Il faut rendre plus complémentaires les schémas régionaux d'organisation sanitaire et les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques. Madame le ministre, sous quelle forme et à quelle échéance sera menée la réflexion interministérielle indispensable sur ce sujet, en associant les élus ? La question de la permanence des soins des médecins de ville y sera-t-elle intégrée ?

La loi de modernisation de la sécurité civile s'est fixé comme objectif une meilleure sensibilisation de la population aux risques et un apprentissage de la conduite à tenir en cas de crise. Si je me félicite du développement des réserves communales, l'obligation de formation scolaire n'est toujours pas effective, le dispositif prévu par le ministère de l'éducation nationale étant particulièrement complexe.

Je vous invite, madame le ministre, à vous inspirer de l'opération « collégiens, citoyens de demain », instituée dans le Haut-Rhin en 2006 à l'initiative des sapeurs-pompiers, qui consiste en des interventions dans les collèges et des exercices interactifs, et dont le succès a entraîné la pérennisation.

Enfin, si la protection civile n'est pas une matière communautaire, la mutualisation des moyens est particulièrement utile face à des catastrophes de grande ampleur : en 2005, la France a proposé la création de la Force d'Intervention Rapide Européenne (FIRE) ; à l'été 2006, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la France ont décidé de travailler ensemble en cas d'inondations, de feux, de tremblements de terre ; la Grèce envisage de les rejoindre.

La France veut développer cette force d'intervention européenne lors de sa présidence de l'Union. Quels moyens seront mis en oeuvre ? La France pourra-t-elle faire des propositions concrètes en temps utiles ?

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Éliane Assassi.  - Le budget de la sécurité civile reste bien modique : les effectifs tombent à 2 563 équivalents temps plein travaillés pour 2008, contre 2 598 en 2007, et les crédits de paiement reculent de 2,2 %. Cette baisse est à comparer avec les dépenses des SDIS, dont le budget pour 2007 dépasse 5 milliards, soit une hausse de 20 % par rapport à 2006 et une hausse cumulée de près de 40 % par rapport à 2004, alors que les effectifs des sapeurs-pompiers n'ont augmenté que de 0,8 % en 2005 et 2,6 % en 2006.

Ce budget occulte le rôle financier des collectivités territoriales, alors que la contribution des départements au financement des SDIS augmente chaque année : 48,7 % en 2005, 51,1 % en 2006 et 52,1 % en 2007 ; celle des communes et des EPCI s'élève quant à elle à 44,1 % en 2007. Quant à la suppression des contributions communales, initialement prévue pour le 1er janvier 2006, puis pour le 1er janvier 2008, elle est désormais reportée au 1er janvier 2010...

L'État se décharge de ses compétences sur les collectivités territoriales, sans compensation adéquate, conséquence de la loi de 1996 que nous n'avions pas votée, estimant que l'État doit assurer ses missions régaliennes de sécurité civile sur tout le territoire : c'est une question d'égalité des citoyens devant le service public. Il est temps de mettre un terme à la situation où l'État décide et les collectivités payent.

Alors que l'État devait participer, au travers du FAI, aux dépenses des SDIS, les autorisations de paiement prévues pour ce fonds n'ont cessé de diminuer : 67 millions pour 2006, 37,5 pour 2007 et 28 pour 2008 !

Les actions des SDIS concernent pour 64 % les secours à la personne, hors incendie, proportion à mettre en relation avec l'insuffisance de la présence médicale dans certains territoires, notamment en milieu rural. Les services médicaux d'urgence sont de la responsabilité de l'État ; on ne saurait faire supporter aux SDIS des missions qui relèvent de l'assurance-maladie. Il faut répondre au problème de la démographie médicale sans remettre en cause le principe de la gratuité des secours

Les propos de M. Ginesta, rapporteur spécial pour l'Assemblée nationale, qui font écho au discours de Nicolas Sarkozy le 29 septembre dernier au Congrès national des sapeurs-pompiers...

M. Éric Doligé.  - Le Président de la République !

Mme Éliane Assassi.  - ...ne présagent rien de bon : maîtrise des coûts, pause dans les dépenses avec un regroupement des casernes -comme pour les tribunaux- et baisse des recrutements. Le Gouvernement donne beaucoup de leçons, alors que notre politique de sécurité civile est essentiellement prise en charge par les collectivités.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a minoré en seconde délibération de 200 000 euros les dépenses de personnel du programme « coordination des moyens de secours », pour gager les ouvertures de crédits au profit de la dotation « Présidence de la République » de la mission « Pouvoirs publics », et de 3,2 millions les programmes « intervention des services opérationnels » et « coordination des moyens de secours ».

Les crédits de la présente mission étaient déjà bien modiques ; après son passage à l'Assemblée, il n'en reste pas grand-chose. Le groupe CRC votera contre.

M. Georges Othily. - Les phénomènes naturels, notamment du fait du réchauffement climatique, constituent des menaces qui ne cesseront de croître pour les populations civiles au cours des années à venir. Comment prévenir et combattre ces nouveaux risques ? La baisse, même minime, des crédits de la mission «Sécurité civile» doit être rapportée à l'augmentation bien supérieure des dépenses des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Si ces dépenses n'entrent pas strictement dans le champ de la mission « Sécurité civile », leur montant très élevé fait des Sdis les acteurs principaux de la lutte contre les incendies. La part la plus importante des crédits de la mission concerne la modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels, technologiques et terroristes, et je m'en réjouis. Ce budget prévoit des crédits pour renforcer ceux des Sdis dans leur lutte contre les catastrophes naturelles et le secours aux personnes, tout en améliorant la sécurité des sapeurs-pompiers grâce à l'acquisition de nouvelles tenues de protection et de robots d'intervention sur site suspect.

Cependant, les efforts financiers les plus importants sont effectués par les collectivités territoriales car les Sdis assurent l'essentiel des missions de secours. Le coût de ces services a été de 4,2 milliards en 2006 et de plus de 5 milliards cette année. La participation financière des départements représente 53 % du total, contre 47 % pour celle des communes et des EPCI. Ces efforts considérables pèsent lourdement sur les budgets de certaines collectivités. C'est le cas notamment pour les communes de Guyane qui peinent à verser leur contribution au budget du Sdis. Malgré les efforts et la bonne volonté des conseils municipaux concernés, le Sdis connait d'importants problèmes de trésorerie et cette situation ne pourra qu'empirer dans les années à venir. En effet, la loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile prévoit qu'à compter du 1er janvier 2010, les contributions obligatoires des communes seront remplacées par un dégrèvement à due concurrence de la dotation forfaitaire versée par l'État aux communes, d'où un prélèvement annuel sur les ressources fiscales de plus de 4 000 communes. Non seulement cette évolution fera disparaître le lien de proximité entre les maires et les sapeurs-pompiers de leurs communes, mais elle entraînera de grandes difficultés financières pour de nombreuses communes et donc pour les Sdis qu'elles financent en partie.

Ces communes n'entendent pas se soustraire à leurs obligations mais la plupart d'entre elles ne parviennent déjà pas à s'y soumettre. Il faudra donc clarifier le financement des Sdis afin d'assainir leurs budgets.

Le fonds d'aide à l'investissement spécifique (FAI), créé par la loi de finances pour 2003, était destiné à accompagner le financement d'opérations prioritaires ou d'intérêt commun des Sdis. Aujourd'hui, ses crédits baissent de près de 10 millions. Cette diminution, constante depuis plusieurs années, ne doit pas conduire l'État à se désengager des investissements des Sdis, établissements publics autonomes qui sont les premiers acteurs de la lutte contre les incendies. À l'heure où de dramatiques incendies ont embrasé le Péloponnèse, le Portugal et la Californie, provoquant l'évacuation de centaines de milliers d'habitants, il est impératif de renforcer notre sécurité civile, qui devra affronter les conséquences encore inconnues des bouleversements climatiques.

Si, conformément au principe de subsidiarité, la protection civile relève de la compétence des États, l'Union européenne s'est néanmoins préoccupée de les coordonner. Je me réjouis qu'un inventaire complet des moyens en hommes et en matériels dont dispose chaque pays, comprenant notamment l'identification des moyens exportables, soit lancé au printemps. Les systèmes seront plus rapidement opérationnels. Nous répondrons ainsi à la résolution du Parlement européen du 4 septembre 2007 demandant la « création d'une force européenne qui sera en mesure de réagir immédiatement en cas d'urgence ».

A l'heure où la France va prendre la présidence de l'Union européenne, pouvez-vous nous confirmer cette dimension européenne de la sécurité civile ? La mission « Sécurité civile » est essentielle, car prévenir les dangers, secourir, protéger et sauver les victimes, font partie des fondements de notre société. Grâce à des efforts budgétaires importants et continus, la sécurité civile de notre pays s'est considérablement modernisée. Mais la route est encore longue. L'État doit protéger la population. C'est dans cet espoir, que la majorité du groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - A l'égard des sapeurs-pompiers, comme dans beaucoup d'autres domaines, il y a les discours et les actes.

Les discours, ce sont les bonnes paroles adressées aux pompiers à l'occasion de leurs congrès, ce sont les annonces d'amélioration de la situation trop souvent financée par d'autres, ce sont les discours émouvants aux obsèques de tel ou tel d'entre eux tombés dans l'exercice d'une mission dangereuse et auxquels, bien sûr, nous nous associons.

Et puis, il y a la réalité, en particulier financière. Ce budget n'est pas bon. Les crédits d'État baissent de 2,5 %. Chaque sapeur-pompier devra prendre conscience de cet écart entre les bonnes paroles et les faits, ou plutôt, comprendre que les bonnes paroles se traduisent surtout par une charge toujours croissante sur les collectivités : il y a ceux qui les prononcent et qui imposent des mesures pour améliorer la situation et ceux qui payent, c'est-à-dire les collectivités au premier rang desquelles les départements.

Un sujet irrite les pompiers et les collectivités : le secours à personnes, qui a fait l'objet du débat central au Congrès des sapeurs pompiers de Clermont-Ferrand. Les dysfonctionnements opérationnels entre les Sdis, le Samu, le Smur et les ambulances privées ont été au coeur des discussions. Et le sujet est d'importance, car ce qui est en cause, c'est la sécurité sanitaire de nos concitoyens, en particulier en zone rurale, soit la majeure partie du territoire.

Va-t-on enfin reconnaître que les secours de sécurité civile font partie de la chaîne sanitaire ? Il faut résoudre ce problème au plus vite car la situation s'est dégradée et la sécurité des personnes n'est plus assurée dans les meilleures conditions sur certaines parties du territoire. Oui, les services d'incendie et de secours font partie intégrantes de la chaîne sanitaire, leur défaillance serait catastrophique. Ils sont compétents, bien équipés, harmonieusement répartis sur tous les départements, ce qui est un gage de l'efficacité. Il est grand temps de concrétiser cette reconnaissance par des conventions claires entre les Sdis et les hôpitaux.

Parallèlement à cet aspect fonctionnel, se pose une question financière. Les Sdis ne refusent pas d'intervenir au delà de leur mission, y compris à domicile, mais ils veulent que ces actions qu'ils peuvent seuls effectuer dans de bonnes conditions, soient rémunérées de façon raisonnable. Actuellement en cas de carence, les Sdis perçoivent 105 euros pour un coût réel de 500 euros. II faut commencer par doubler le remboursement. Plus grave encore, les autres interventions à domicile par appel direct ne sont pas du tout rémunérées. Zéro, pas un sou ! II est scandaleux que l'action sanitaire, partie intégrante de la politique nationale de santé, soit ainsi financée par le contribuable local.

Le Gouvernement a mis en place, la semaine dernière, le comité tripartite sur le secours à personnes et pour la première fois on s'interroge sur « la rémunération des interventions réalisées par les Sdis à la demande des Samu et en dehors de leur mission ».

C'est bien ! Mais nous attendons tous des solutions rapides, faute de quoi les Sdis enverront les factures aux hôpitaux et ce sont les tribunaux qui trancheront. (Applaudissements à gauche. M. Haut applaudit aussi)

M. Paul Girod. - Le groupe UMP votera cette mission, tout en faisant sienne les observations de nos rapporteurs, notamment en ce qui concerne les rémunérations et les retraites des sapeurs pompiers et les grilles d'encadrement qui laissent les présidents de conseils généraux perplexes.

Je déplore que le budget de la sécurité et de la sécurité civile ait été scindé en deux missions. Ce matin, nous avons examiné la mission « Sécurité » et ce soir, nous voila devant la mission « Sécurité civile ». Nous aurions pu enchaîner les deux car elles sont complémentaires.

Les périls sont globaux et mettent en cause les services de secours, de sécurité et les hôpitaux : il convient donc de dépasser le cadre un peu étroit de ces deux missions.

Un livre blanc sur la défense et la sécurité est en cours de rédaction. Je voudrais que les dimensions de la sécurité civile et de la défense civile soient suffisamment prises en compte. Or, j'ai le sentiment que ce livre est beaucoup plus axé sur la défense militaire.

Notre rapporteur pour avis a parlé de l'implication de la population dans cette affaire. La loi de modernisation de la sécurité civile prévoyait que l'éducation nationale se préoccuperait de cette question. Je puis vous assurer que c'est encore loin d'être perceptible sur le terrain !

Où en est cette collaboration interministérielle qui devait animer la réflexion sur la défense de notre pays ?

A ma connaissance, un seul grand exercice à été conduit : le plan contre la pandémie grippale. Or, les collectivités territoriales n'ont pas participé à l'élaboration de ce plan et elles ont été assez largement tenues à l'écart. Il faudra donc renforcer l'implication de tous les acteurs.

Je souhaiterais aussi que l'on revoie le système d'alerte de la population. Il existe dans certaines grandes villes des sirènes, mais qui en connaît le langage ? Si elles se mettaient à sonner en pleine nuit, il y a fort à parier que nos concitoyens croiraient qu'une rave party commence. En matière de sécurité civile, il y a donc beaucoup à faire pour que la population réagisse correctement. Trop souvent, les exercices ne réunissent pas tous les professionnels concernés.

Les exercices ne sont pas assez interprofessionnels, j'entends avec les gendarmes, les policiers, les hospitaliers, les pompiers, et ce qui est intéressant, c'est d'étudier ce qui ne marche pas et d'en tirer les leçons.

La recherche ? Dans beaucoup de domaines, recherche de sécurité civile et recherche de défense sont complémentaires. Il faudra de plus en plus en tenir compte.

Je conclurai sur une question : qu'envisage-t-on pendant la présidence française pour faire prospérer le rapport Barnier ? La sécurité civile est une mission essentielle qui doit se développer avec la collaboration de tous. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yvon Collin. - Ce budget a la particularité de ne pas regrouper l'ensemble des concours publics affectés à la sécurité civile. Plus de 50 % des crédits de l'État ne sont en effet pas compris dans le périmètre de cette mission. C'est pourquoi Mme la ministre me pardonnera de faire un hors-sujet, somme toute relatif, en évoquant essentiellement les Sdis.

De la lutte contre les incendies à la lutte contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, mission plus récente et devenue tout aussi prioritaire depuis la menace du terrorisme, la sécurité civile est un enjeu capital qui nécessite des moyens importants. Ce projet de loi de finances est-il en mesure de les procurer ? Avec 418 millions pour 2008 contre 427 ouverts en loi de finances pour 2007, ce budget est en baisse de 2,2 %, ce que je regrette alors que les charges vont continuer de croître, en raison notamment du changement climatique. Il est vrai que ce budget ne reflète pas toute la politique de sécurité qui coûte globalement à l'État 900 millions.

Depuis plusieurs années, les parlementaires souhaitent que soit donnée une dimension interministérielle à la sécurité civile pour rendre plus cohérente l'intervention de l'État. Nous aurions ainsi une meilleure visibilité au plan budgétaire, grâce à laquelle on éviterait des dysfonctionnements comme ceux que l'on a remarqués dans les secours à la personne. Comme le répète le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le secours à la personne se trouve dans une situation alarmante. Le vieillissement de la population conjugué à la désertification médicale accroît la demande de secours, alors que l'offre souffre d'un manque de coordination entre les différents acteurs du secours. Nous avons tous eu l'écho d'une concurrence entre le Samu, les sapeurs-pompiers et les ambulanciers privés. Une redéfinition interministérielle de la mission améliorerait la synergie des différentes compétences.

En attendant, les Sdis mobilisent d'importants moyens financiers, avec 5 milliards pour 2007, soit une hausse de 40 % par rapport à 2004. Ce n'est pas sans conséquence sur les finances départementales et donc sur nos concitoyens, dont la contribution à la sécurité est de 82 euros par personne et par an. Cette évolution traduit un désengagement de l'État : ce qu'il ne fait pas est fait par les départements, qui doivent de plus en plus assumer le financement du développement et de la modernisation des Sdis.

L'évolution du Fonds d'aide à l'investissement, institué par la loi de finances pour 2003, en témoigne. Ce fonds a reçu 65 millions dans la loi de finances initiales pour 2006. En 2008, il sera doté de 28 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Si l'on ajoute 10 millions de reports de crédits et 10 millions pour le programme Antarès, on arrive à 48 millions, soit une baisse de 25 % depuis deux ans. Si nous comprenons la nécessité de réagir aux remarques formulées par la Cour des comptes, nous sommes nombreux à déplorer le désengagement de l'État des dépenses d'investissement. Plutôt que baisser les crédits au prétexte de leur sous-consommation, il faudrait simplifier les procédures. En attendant, les collectivités locales se retrouvent au pied du mur. Ce qui est regrettable, d'autant qu'elles doivent conserver des marges de manoeuvre afin de poursuivre l'amélioration du statut des sapeurs-pompiers.

Les efforts engagés ces dernières années doivent continuer. Il faut mieux reconnaître la dangerosité et la pénibilité de la profession, et mieux gérer les fins de carrière. Par leur dévouement, leur courage, leur sang-froid et leur professionnalisme, les sapeurs-pompiers sont exemplaires. C'est pourquoi l'État doit donner l'exemple avec un budget qui donne réellement aux soldats du feu les moyens d'exercer leurs missions. C'est le message qu'ils avaient fait passer lors des manifestations de 2006. Je me fais leur modeste porte-parole en 2007. (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Votre présence à cette heure tardive est révélatrice de l'attention que vous portez aux pompiers et à la sécurité civile.

Mon premier objectif en la matière est de renforcer les moyens de l'État pour assumer ses obligations de protection de nos concitoyens. Il convient de marquer la reconnaissance que nous devons à ceux et celles qui servent dans les différents corps de pompiers. Pour avoir assisté toute la nuit, il y a quinze jours, au drame du XIXe arrondissement, lors duquel j'ai vu les pompiers lutter pour arracher leurs camarades au garage incendié, je sais ce que cette mission exige de compétence, de dévouement et de courage. Nous leur rendons hommage.

En matière de sécurité civile, l'État n'est pas le seul acteur mais son rôle, direct ou indirect, est majeur. Vous avez raison, monsieur Girod, d'insister sur le lien avec la sécurité et la défense. Mais si certaines préoccupations sont reprises dans le Livre blanc sur la sécurité en préparation, nous devons nous projeter dans l'avenir. C'est la fonction de la direction de la prospective et des affaires stratégiques, à qui j'ai confié la rédaction d'un Livre blanc spécifique sur la sécurité civile.

Ce budget comporte plusieurs avancées : le déploiement du réseau Antarès en trois ans, avec un financement lissé sur neuf ; la modernisation du matériel d'intervention, avec une troisième chaîne de décontamination ; les investissements immobiliers, centrés sur des sites opérationnels, à Lyon, Metz et Chalons en Champagne.

L'État n'oublie pas le Fonds d'aide à l'investissement des SDIS mais regardons la réalité en face ! Les crédits ont beaucoup fluctué depuis 2003, mais leur consommation est insuffisante. À quoi sert d'inscrire des crédits qui ne seront pas consommés ? Aux 28 millions, il faut ajouter les 10 affectés à Antarès et les 10 reportés. On approche ainsi les 50 millions pour les SDIS, monsieur Collin ! Il faut adapter les moyens aux besoins et aux capacités de consommation. À ce jour, 76 % seulement des crédits délégués ont été consommés ; on compte 35 millions d'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement !

Le Fonds est en cours de réforme, et il en a grand besoin. Le projet de décret est en cours d'élaboration et, au terme de la concertation interministérielle il devrait être publié au premier semestre après avis formel du Conseil national.

Sur l'alerte, qu'il faut moderniser, M. Girod a raison, un rapport a été rendu par l'inspection générale de l'administration dans l'été 2005. Des expérimentations ont été décidées dans le Haut-Rhin.

J'attends un dossier complet à la mi-décembre : votre intervention, monsieur Girod, est donc particulièrement heureuse.

Pour coordonner les acteurs de la sécurité civile, l'État doit mettre au service des élus locaux des outils de pilotage qui soient de nature à réduire les disparités entre départements. Je m'y emploie avec la Conférence nationale des SDIS.

M. Othily a parlé du cas particulier de l'outre-mer ; nous le prenons en compte et le Président de la République m'a donné jusqu'à fin 2008 pour faire aboutir une concertation sur la contribution aux Sdis, les contingents communaux et le prélèvement sur la DGF. Cette concertation s'appuie sur des études techniques mettant en particulier en évidence la spécificité guyanaise. La Conférence nationale des Sdis a acté les grandes lignes de la réforme du FAI et le décret en cours de finalisation répondra à cette préoccupation. Afin d'aider les collectivités guyanaises, je m'apprête à les autoriser à financer leurs investissements par des recettes de fonctionnement. (M. le président de la commission manifeste de l'étonnement.)

Pour légitime que soit la prise en compte du coût des interventions, l'État doit aussi et d'abord en assurer la bonne coordination. Le 29 septembre, le Président de la République m'a demandé d'y veiller et, pour rapprocher les « rouges » et les « blancs », nous avons avec Mme Bachelot installé un comité quadripartite car l'hétérogénéité des situations et des moyens des services d'urgence appelait un véritable travail. La tâche principale de ce comité est de définir un référentiel qui assure un partage clair des compétences, améliore l'efficacité de la prise en charge et optimise l'échelon central comme le niveau régional. Une recommandation relative aux interconnexions sera également formulée.

La prise en charge sera graduée dans un esprit de qualité des soins grâce au référentiel dont nous disposerons en février 2008. Le remboursement des interventions des Sdis à la demande des Samu en dehors de leurs missions propres sera étudié. Le rapport d'étape sera rendu en février et le climat de la réunion m'a semblé de bon augure. Vous le voyez, monsieur Peyronnet, je n'en reste ni aux intentions, ni aux bonnes paroles, j'agis, vite, et je suis persuadée que nous aurons des solutions rapides grâce à la bonne volonté de chacun.

L'enjeu des années à venir est de pérenniser l'engagement des volontaires, qui représentent 84 % des effectifs des Sdis, en partenariat avec leurs employeurs. Le plan d'action signé en 2006 y encourage. J'ai signé le premier engagement ministériel autorisant tous les agents de mon ministère -curieusement, cela n'avait pas encore été fait- de poursuivre leur volontariat dans le respect de leur vie professionnelle.

Il faut aussi conforter le rôle européen et international de la France en matière de sécurité, Mme Troendle a raison. L'Union européenne est un acteur majeur à l'échelle mondiale dans le domaine de la sécurité et de la protection civiles. Elle est intervenue cet été en Italie et en Grèce, elle pourrait intervenir ailleurs, monsieur Othily.

Le renforcement de l'organisation des moyens sera l'un des objectifs de la présidence française. J'ai déjà obtenu un consensus pour que, dans les prochains mois, nous ayons un recollement des capacités de chacun, un état des personnels et des matériels que l'Union est susceptible de projeter à l'extérieur. L'été 2007 a constitué un véritable test. A partir de ce recensement, je noterai les lacunes à l'échelle européenne et déterminerai les modalités pour les combler et pour planifier des opérations rapidement en cas de besoin. Nous pourrons ainsi améliorer de manière considérable les capacités d'action de l'Europe et son image.

Répondre à l'exigence de lisibilité, c'est aussi poursuivre une logique de coproduction de la sécurité civile avec les collectivités locales, conformément à la loi de 2004. Nous pouvons aller plus loin dans l'association de tous. C'est le plan Opale, monsieur Girod.

Ce budget porte bien la marque de la volonté concrète de l'État d'assurer, face aux risques, une configuration optimale de tous les intervenants. C'est son devoir et celui de chacun d'entre nous, c'est aussi ce que les Français attendent. (Applaudissements à droite et au centre)

Examen des crédits

Article 33

Les crédits de la mission sont adoptés.

Articles rattachés

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°II-111, présenté par M. Doligé.

Après l'article 48 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le conseil d'administration de l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers est renouvelé dans les six mois suivant le renouvellement triennal des conseils généraux. Un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du conseil d'administration.

II. - Le mandat des membres du conseil d'administration de l'École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers en cours au moment de la publication de la présente loi est prorogé jusqu'au 16 septembre 2008.

M. Éric Doligé.  - Une petite difficulté m'amènera sans doute à retirer cet amendement, mais auparavant, je voudrai, monsieur le Président, madame la Ministre, dire que, par respect, je n'appelle pas plus le Président de la République Nicolas Sarkozy que je ne m'adresse au président de séance en le nommant Guy Fischer.

Madame la ministre, donc, les patrons et les financeurs des Sdis sont les conseils généraux, les collectivités locales. Je ne voudrais donc pas qu'à travers le comité sur les urgences médicales, les pompiers décident de ce qui est bon sans que les présidents de conseils généraux aient été associés. Il convient aussi de revoir le financement des Sdis car on ne peut pas continuer à rechercher de petits arrangements. Des sources de financement sont là -la santé, les assurances, les sociétés d'autoroute-, qui nous éviteraient de longs et délicats débats.

J'ai cru comprendre que mon amendement risquait de rencontrer des blocages au Conseil constitutionnel. Je le retire, tout en regrettant que nous ne puissions jamais aller au fond des choses !

L'amendement n°II-111 est retiré.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 6 décembre 2007, à 10 heures.

La séance est levée à 1 heure.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 6 décembre 2007

Séance publique

À 10 HEURES, À 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

Développement et régulation économiques (+ articles 42 et 43)

M. Éric Doligé, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 9) ;

MM. Pierre Hérisson et Gérard Cornu, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome II).

Pilotage de l'économie française

M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 19) ;

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome IX).

Écologie, développement et aménagement durables (+ article 44)

Budget annexe : contrôle et exploitation aériens

Compte spécial : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route

MM. Alain Lambert, Jean-Pierre Masseret, Gérard Miquel et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux (rapport n° 91, annexe n° 11) ;

M. Yvon Collin, rapporteur spécial (Contrôle et exploitation aériens - rapport n° 91, annexe n° 11) ;

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome IV) ;

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome III) ;

MM. Charles Revet, Roland Courteau et Jean-François Le Grand, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (Contrôle et exploitation aériens - avis n° 93, tome III) ;

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route - avis n° 93, tome III).

Politique des territoires

M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 20) ;

MM. Jean-Paul Alduy et Dominique Mortemousque, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome V).

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- MM. Joël Bourdin et Yvon Collin, un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur la coordination des politiques économiques en Europe ;

- M. Philippe Marini, un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (n° 97, 2007-2008) ;

- M. Gérard Cornu, un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (n° 109, 2007-2008).