Nationalité des équipages de navires (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la nationalité des équipages de navires.

Discussion générale

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Un peu d'histoire : ce projet de loi a été adopté en première lecture par votre assemblée le 18 septembre 2007, puis le 30 janvier par l'Assemblée nationale : il ouvre à tout ressortissant communautaire les fonctions de capitaine et de suppléant des navires immatriculés au premier registre ou au registre international français. Avec ce texte, le secteur de la marine marchande pourra se moderniser et s'adapter aux enjeux de la mondialisation.

Nous devons, en premier lieu, adapter notre droit aux évolutions du droit communautaire car, la semaine dernière, la Cour de justice des communautés européennes a condamné la France pour manquement aux obligations définies par l'article 39 du traité de la communauté européenne : la législation française ne peut désormais plus exiger que le capitaine et l'officier suppléant soient de nationalité française. Nous avons expliqué à la Cour qu'un projet de loi était en cours de navette, mais elle nous a condamnés. Alors que notre pays va présider dans quelques mois l'Union européenne et mener une politique forte dans le domaine du transport et de la sécurité maritimes, il est donc impératif de mettre notre législation en conformité avec le droit communautaire.

Au-delà de ces aspects juridiques, cette modernisation concerne aussi nos ports, notre pavillon et notre système de formation. Dans un environnement mondialisé et concurrentiel, l'emploi, la formation et la qualification des marins français constituent en effet des enjeux majeurs pour nos armements, dont le développement est freiné par une pénurie de main-d'oeuvre. J'ai donc souhaité qu'une réflexion de fond soit conduite sur notre système d'enseignement supérieur maritime. C'est pourquoi j'ai présidé, le 31 janvier, une table ronde sur l'avenir de l'enseignement maritime supérieur réunissant les représentants des armateurs, des élèves, des enseignants et des administrations. Sur la base des conclusions qui ont été tirées, je fixerai prochainement la feuille de route pour mener les réformes attendues.

Une première décision concrète a déjà été prise. Deux classes supplémentaires d'élèves-officiers vont être ouvertes en septembre : une classe expérimentale d'officiers chefs de quart-passerelle sera ainsi créée à l'école de la marine marchande de Marseille, en partenariat avec Armateurs de France, et une seconde classe, en filière académique, sera ouverte à l'école du Havre. Cette mesure permettra d'accroître de près de 30 % le nombre des futurs officiers.

J'en viens au plan de réforme de l'enseignement maritime supérieur : en premier lieu, il est essentiel que les armateurs participent à la définition des politiques publiques touchant à l'enseignement maritime supérieur. Un observatoire de l'emploi maritime et une commission consultative participative seront donc créés.

Je souhaite aussi prendre l'attache du président d'Armateurs de France pour que soit conclu un contrat d'études prospectives pour la navigation de commerce afin de préciser les besoins des armateurs en termes quantitatif et qualitatif.

Parallèlement, les métiers de la marine marchande devront être plus attractifs. La délivrance du titre d'ingénieur serait un facteur d'attractivité déterminant pour le recrutement d'élèves-officiers. Le directeur des affaires maritimes va donc étudier cette réforme du diplôme. La cinquième année de la formation académique sera modifiée dans cette perspective. Il conviendra aussi de mieux prendre en compte les fonctions managériales que les futurs officiers auront de plus en plus à exercer à bord des navires.

Les intervenants de la table ronde se sont également exprimés sur le nombre et le statut des écoles de la marine marchande et ils ont marqué leur préférence pour un établissement à direction unique, implanté sur plusieurs sites, et doté d'un statut d'établissement public national. Quel que soit le statut retenu, il devra permettre une certaine souplesse d'organisation, plus d'autonomie financière, et une ouverture accrue des établissements d'enseignement supérieur et des collectivités territoriale à l'égard des armements. Cette école, dont l'objectif est de former des officiers de la marine marchande, s'ouvrira également aux autres domaines maritimes et para-maritimes.

Un effort financier significatif permettra la modernisation des locaux et des outils de formation. Cette année, les subventions aux écoles seront augmentées de plus de 10 % et des moyens supplémentaires devront être programmés dans le cadre de la préparation budgétaire pluriannuelle 2009-2011.

Les participants à la table ronde ont souhaité, à juste titre, une simplification de l'organisation des filières de formation. Nous avons donc là un ensemble cohérent de mesures à même de renforcer toute notre filière maritime.

M. Charles Revet, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - L'Assemblée nationale a quelque peu modifié le contenu de ce projet de loi, sans toutefois remettre en cause l'équilibre général du texte. II est notamment prévu d'organiser une vérification approfondie des compétences juridiques et linguistiques des candidats. Il s'agit là d'un élément essentiel du dispositif, auquel vous avez été attentifs.

M. Charles Revet, rapporteur.  - C'est essentiel !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je détaillerai tout à l'heure le dispositif réglementaire que le Gouvernement mettra en oeuvre pour assurer un contrôle efficace et rigoureux des connaissances des capitaines communautaires.

Au terme de cette présentation, je souhaite remercier la Haute assemblée et notamment M. le rapporteur pour la grande qualité de leurs travaux. Nous avons maintenant un texte équilibré qui correspond aux attentes exprimées par les assemblées. (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet, rapporteur.  - Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce projet de loi, que le ministre a déjà présenté. Il est clair que le contexte a évolué depuis l'examen de ce texte par le Sénat en première lecture en septembre, puisque la France a été condamnée, le 11 mars dernier, par la Cour de justice des communautés européennes qui a jugé que le fait de réserver aux Français les postes de capitaine et de suppléant à bord des navires battant pavillon français était contraire à l'article 39 du traité d'Amsterdam, qui fixe le principe de libre circulation des personnes au sein de la Communauté. Il devient donc urgent d'adopter ce texte, ne serait-ce que pour éviter que la France ne soit condamnée à payer une astreinte.

S'agissant du contenu, l'Assemblée nationale a validé, pour une grande part, le texte modifié par le Sénat. Ainsi, afin d'assurer le respect des conditions de sécurité, nous avions estimé indispensable d'exiger des futurs capitaines, outre une bonne maîtrise de la langue française, des connaissances juridiques solides, puisque les capitaines disposent de pouvoirs importants en matière civile et pénale. Ce point a été conservé, ce dont je me félicite.

Nous avions également voulu pérenniser les obligations des armateurs en matière d'embarquement d'élèves officiers afin de soutenir une filière nationale de formation maritime. Cette disposition a également été maintenue.

La principale modification concerne les modalités de vérification du niveau de maîtrise de la langue et du droit français par les candidats au poste de capitaine. Estimant qu'une censure communautaire était probable, le Gouvernement a remplacé la notion de diplôme adoptée au Sénat par celle de vérification. Le projet de décret prévoit que cette vérification serait confiée à une commission composée de professionnels chargée d'évaluer le niveau des candidats. Je regrette que, pour des raisons liées au droit communautaire, la notion de diplôme n'ait pu être conservée, et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez vous engager sur deux points du décret qui me paraissent très importants.

Je souhaite tout d'abord que la commission qui jugera du niveau des capitaines européens leur délivre une attestation de capacité et ensuite qu'elle soit impérativement composée de capitaines en exercice et de représentants des professeurs ou des directeurs d'écoles de la marine marchande. Monsieur le ministre, nous confirmez-vous ces deux points ?

Notre commission a insisté en première lecture sur la nécessité d'accompagner ce projet de loi de mesures fortes pour relancer la filière maritime française. La France, grande puissance maritime historique, n'occupe pas le rang qui devrait être le sien. Au quatrième rang mondial dans les années 1960, le pavillon français n'occupe plus que la 29e place et la France connaît une grave pénurie de capitaines. Or l'existence d'un nombre suffisant d'officiers navigants est une condition impérative de la sécurité maritime car, après une carrière en mer, les personnels navigants deviennent fréquemment experts maritimes, pilotes maritimes, hauturiers, ou inspecteurs des affaires maritimes. Le savoir-faire français est le gage d'une grande exigence en matière de sécurité maritime !

Le 31 janvier dernier, une rencontre des acteurs concernés a réuni 250 représentants et personnalités du monde maritime. Les discussions ont abordé la formation maritime et l'organisation des études, l'amélioration de l'attractivité des métiers maritimes et le statut des écoles de marine marchande. A l'issue de cette table ronde, il a semblé impératif de prendre rapidement des mesures fortes.

Monsieur le ministre, vous venez de nous informer des premières mesures prises : je vous en remercie.

Nous devons augmenter substantiellement -comme vous nous l'avez également indiqué- les moyens des écoles de la marine marchande, et réfléchir à une simplification des implantations des écoles. Il faut également renforcer les partenariats avec les armements et envisager que les élèves, par contrat, s'engagent à rester dans la marine plusieurs d'années. Enfin, il faut améliorer les débouchés offerts aux élèves à la sortie des écoles, par exemple grâce à une équivalence avec le diplôme d'ingénieur : vous venez aussi, monsieur le ministre, de nous en parler. J'espère que nous avancerons sur ces sujets dans les semaines à venir.

Enfin, vous avez annoncé le lancement d'une mission de médiation sur la question du registre international français, dont l'intersyndicale des marins et officiers de la marine marchande a obtenu le classement en pavillon de complaisance. Monsieur le ministre, où en est cette mission ? Ce point est particulièrement important pour relancer la flotte de commerce française.

Sous réserve de ces observations, la commission vous propose d'adopter le projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Robert Bret.  - « Le travail des hommes en mer, bien que la technologie puisse beaucoup en atténuer la pénibilité et la dangerosité, garde une spécificité liée au milieu. Il demeure chargé de nombreuses et fortes contraintes très souvent mal acceptées par l'individu moderne et considérées comme pénalisantes au regard d'une vie sociale normale et intégrée (...). Il semblerait donc que le manque de vocation en France, mais aussi dans d'autres nations développées traditionnellement maritimes, puisse s'étendre peu à peu aux pays émergents où les contraintes du métier deviennent insupportables pour les nouvelles générations à bon niveau de formation par rapport aux offres faites dans d'autres domaines de l'économie ».

Tel est le constat du groupe d'étude du Conseil supérieur de la marine marchande. Il pose clairement le problème du peu d'attractivité des professions de la mer. Or, le Gouvernement refuse de s'y atteler ! En effet, que propose-t-il ? D'adopter une loi qui revient sur la réserve de nationalité du capitaine et de son second, et qui diminue la garantie qu'apportent les règles de sécurité sur les navires.

Les artifices juridiques ne peuvent masquer l'incapacité de la majorité à répondre à la crise du secteur. Seules l'amélioration des conditions de travail et la revalorisation des rémunérations résoudront les déficits en personnel qualifié. Lors de leur grève, les officiers de la SeaFrance vous l'ont clairement fait savoir !

La table ronde qui s'est tenue le 31 janvier dernier a débouché sur des pistes intéressantes. Monsieur le ministre, vous venez également de nous annoncer l'ouverture de deux classes : voilà qui est positif ! Mais d'autres mesures n'auront d'effet que sur le long terme, et la découverte par le ministère des transports de la nécessité de renforcer les moyens des écoles et de la formation est bien tardive ! En bref, ces mesures sont nécessaires mais insuffisantes étant donné le climat dégradé.

Je ne dispose que de très peu de temps pour examiner le détail du projet de loi. Heureusement, les sénateurs de la majorité eux-mêmes ont défendu le maintien de la nationalité française du capitaine et de son second sur les navires battant pavillon français. Je citerai M. de Richemont, qui a justifié la réserve de nationalité en ces termes : « Le capitaine et son substitué sont en effet investis de prérogatives de puissance publique : le code civil et le code disciplinaire et pénal de la marine marchande leur confèrent tantôt l'exercice de fonctions d'officier d'état civil, tantôt de véritables pouvoirs de police qui les font directement participer au service public de la justice ».

Vider artificiellement les compétences susvisées ne saurait suffire à écarter l'obstacle légal, car dans la pratique les problèmes demeurent. On ne peut en effet exclure que le capitaine soit amené à faire usage de ses pouvoirs en matière civile. C'est pourquoi nous restons persuadés que le droit communautaire tolère cette réserve de nationalité !

Monsieur le rapporteur, vous avez cité, pour nous convaincre ou vous convaincre vous-même le passage du rapport de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 11 mars dernier qui affirme que l'exercice de prérogative de puissance publique n'est qu'une part réduite des activités des officiers. Mais la Cour de justice déclare aussi qu'« en maintenant dans sa législation l'exigence de la nationalité française pour l'accès aux emplois de capitaine et d'officier à bord de tous les navires » -j'insiste sur ce « tous »- « la République française a manqué aux obligations qui lui incombent ». Ainsi, la législation française aurait pu prévoir des solutions différentes suivant la durée et les distances du déplacement en mer.

Or, dans ce projet de loi, les navires armés au long cours et au cabotage international ne font pas l'objet d'une exception. Imaginez la situation d'un capitaine de nationalité étrangère au large de Singapour qui devra entrer en contact avec les autorités françaises pour exercer ses prérogatives d'officier de police judiciaire... Il appellera au préalable sa compagnie, ce qui empêchera toute réaction d'urgence.

Les débats à l'Assemblée nationale ont révélé l'artifice de ce système. Ainsi, devant les difficultés pratiques, certaines compétences relevant de la procédure pénale ont été rendues au capitaine. Enfin, j'ajouterai que la multiplication des langues sur un navire ralentit la réaction de l'équipage dans les situations dangereuses.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

M. Charles Josselin.  - A l'occasion de cette seconde lecture, j'ai été tenté de vous infliger la relecture de ma précédente intervention sur ce sujet, le 18 septembre dernier.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Nous vous aurions écouté avec plaisir !

M. Charles Josselin.  - J'aurais eu plusieurs raisons de le faire. D'abord, la qualité de cette intervention (sourires), mais aussi la situation préoccupante de la marine marchande et le caractère marginal des modifications apportées par l'Assemblée nationale aux trois articles que nous examinons.

Ces modifications sont marginales, mais non insignifiantes ! A été instaurée l'obligation de présenter un diplôme attestant de la maîtrise du français et de la possession de connaissances juridiques, notamment pour exercer les prérogatives de puissance publique dont le capitaine est investi. Comme monsieur le rapporteur, je regrette ces modifications. Malheureusement, la volonté du Sénat de lutter contre le laxisme n'a pas été écoutée par l'Assemblée nationale ! Il appartiendra au décret d'application d'y remédier en donnant à la commission nationale chargée de la vérification des connaissances les moyens de respecter les intentions du législateur, et singulièrement des sénateurs.

Comme le rapporteur, nous approuvons la modification de l'article 4, propre à consolider le dispositif. Reste qu'il convient, M. Bret a eu raison d'y insister, de ne pas sous-estimer les difficultés d'application de la procédure. Les déclarations du président de l'Association française des capitaines de navire sont à cet égard éloquentes. Il rappelle que les risques nombreux auxquels ont à faire face les capitaines de navire -émeute à bord, cas de folie, agression, décès, sauvetage de boat people, actes de piraterie, autant d'aléas hélas fréquents dans les courses lointaines- exigent une capacité de réaction rapide. Or, ajoute-t-il, le capitaine européen, sans obligation de parler français ni de connaître un minimum de droit français, devra pourtant obtenir par téléphone l'autorisation du juge d'instruction français avant toute action destinée à préserver le navire, son équipage et ses éventuels passagers ! Même s'il respecte le code international (ISPS), l'International Ship and Port Facilities Security Code, le risque d'erreur de procédure grave au regard du droit français ne peut être écarté. Les prérogatives dévolues aux capitaines de navires, observe-t-il encore, ne sont pas faites pour servir son ego mais l'intérêt de la République, avant de conclure que l'on peut s'attendre à bien des problèmes pour les juges et pour l'État.

S'agissant du fond, les mêmes difficultés demeurent. Comment remédier à la pénurie de capitaines et défendre la filière française ? M. Revet fait longuement état, dans son rapport, de la table ronde qui s'est tenue le 31 janvier sur la question de la formation, et qui a permis d'identifier quelques solutions pour améliorer le recrutement -expérimentation d'une filière monovalente, augmentation du nombre de places au concours de la filière polyvalente, amélioration du statut et de l'organisation des écoles, développement des partenariats avec les autres acteurs que sont les armateurs et les collectivités locales. Vous nous assurez, monsieur le ministre, que vous faites vôtres ces conclusions. Elles ont cependant braqué les projecteurs sur la lancinante question des moyens. Certes, le rapporteur se réjouit que la subvention allouée aux écoles, de 2 millions en 2008, progresse de 10 %. Mais il nous rappelle aussi le coût d'un seul simulateur, supérieur à 1 million, et celui de la remise aux normes, de 5 millions par an sur trois ans. Nous sommes donc loin du compte ! Je n'ignore pas ce que sont les contraintes budgétaires de l'État, mais avouez qu'entre les intentions affichées et la réalité, l'écart est considérable !

Nous sommes loin du compte, aussi, pour ce qui concerne le statut social des capitaines et des marins. Seule une négociation entre armateurs et syndicats permettra d'assurer une défense, mieux, une contre-attaque efficace pour protéger notre marine marchande dans un cadre européen.

En première lecture, j'avais déploré l'autisme des autorités françaises, au regard de la réalité européenne, qui nous valait de traiter de la question de la nationalité des équipages sous injonction -aujourd'hui sous condamnation- européenne, alors que la loi de 2005 aurait dû nous être l'occasion d'apporter des solutions. Je disais alors que la condition première pour garantir la pérennité de la filière française était de rendre confiance et espoir à notre flotte marchande en garantissant et en protégeant par un authentique registre européen ses conditions d'emploi, de sécurité, de rémunération, de formation, y compris quant à la responsabilité des capitaines. Je ne mésestime pas les difficultés à convaincre nos partenaires, dont certains estiment leur problème résolu -et il est vrai que quelques-uns ont su prendre les devants. Mais la présidence française de l'Union ne pourrait-elle être l'occasion d'inscrire cette question à l'ordre du jour de l'agenda européen ? Vous aviez, en première lecture, acquiescé, monsieur le ministre, à cette proposition, le compte rendu analytique en fait foi. Or, l'agenda de la présidence française s'est aujourd'hui précisé. Qu'en est-il de cette question ? Alors que l'Europe, avec l'adoption du nouveau traité de Lisbonne, est peut-être sortie de l'ornière, la France doit retrouver un pouvoir d'impulsion. Notre collègue Gaubert, député des Côtes d'Armor, vous interpellait récemment à l'Assemblée nationale : « Vous avez porté la loi d'orientation agricole, à quand une loi d'orientation sur la mer ? », vous demandait-il en substance. À quand un vrai cap, et de vrais moyens, monsieur le ministre, qui mettront fin au désespoir de nos territoires maritimes, y compris à celui d'un département qui vous a porté à la présidence de son conseil général ? À quand une véritable volonté, sans laquelle le refrain de Michel Sardou « Ne m'appelez plus jamais France, la France, elle m'a laissé tomber » pourrait bien revenir au goût du jour ?

Le groupe socialiste, qui s'était abstenu en première lecture, estime aujourd'hui que l'économie du texte n'est pas profondément changée, ce qu'aurait pourtant justifié un contexte maritime quant à lui inchangé -les naufrages et les violentes tempêtes qui ont endeuillé ces dernières semaines le secteur de la pêche ont mis en évidence l'actualité de la question de la sécurité des marins et des riverains. Il s'abstiendra de nouveau sur ce texte.

M. Charles Revet, rapporteur.  - MM. Bret et Josselin ont évoqué les conditions de recrutement des officiers européens. Je les suis quant à la nécessité de développer notre pavillon et de maintenir un maximum d'officiers français. Mais la condamnation de la France, il y a quelques jours, s'impose à nous. À quoi s'ajoute le constat, incontournable, du manque d'effectifs.

Partant, de deux choses l'une : ou l'on maintient les mêmes exigences, au risque de voir disparaître, à terme, le pavillon français, ou l'on prend les mesures propres à le maintenir, tout en accentuant l'effort d'information et de recrutement.

J'avais proposé la délivrance d'un diplôme pour les officiers, avant de comprendre les risques de recours juridictionnels qu'une telle disposition pouvait entraîner. Je propose à présent une « attestation de capacité », en ayant pesé chacun des termes à sa juste valeur. On a évoqué le spectre du capitaine qui doit affronter des événements graves au large de Singapour. Mais la double exigence demeure d'une très bonne connaissance linguistique et juridique. J'ai demandé que la commission compétente comporte deux officiers français en exercice et deux représentants de l'administration pris parmi les directeurs ou enseignants des écoles, et donc au fait des réalités.

Au-delà, il nous reviendra de mettre en place un système de formation attractif, doté des moyens ad hoc, et capable de former de nouveaux officiers.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Le registre européen, monsieur Josselin, n'est pas oublié. Deux conseils des ministres des transports sont prévus par la présidence française, qui débutera le 1er juillet, tandis que les rencontres informelles de La Rochelle, permettront, dès les 1er et 2 septembre -après l'université d'été du parti socialiste (sourires)-, de conduire une réflexion sur le registre européen et la politique de sécurité maritime, dont les accidents récents, que vous avez eu raison d'évoquer, ont rappelé combien elle devait nous être une priorité. Votre préoccupation, je puis en attester alors que je reviens d'une rencontre à laquelle m'avait convié le Premier ministre avec l'ex-présidente portugaise de l'Union, sera donc au coeur de la présidence française.

La mission de conciliation et de médiation confiée au président du Conseil supérieur de la marine marchande, monsieur le rapporteur, a recueilli les positions des syndicats d'officiers et des armateurs : il n'est pas admissible que le RIF, alors qu'il est classé parmi les tout premiers pavillons en matière de sécurité et que nous annonçons un plan de modernisation de notre enseignement, soit considéré encore comme un pavillon de complaisance.

J'ai donc récemment fait venir, pour en discuter, le président d'Armateurs de France et je lui ai demandé d'engager le dialogue avec les syndicats pour trouver un terrain d'entente, et je ne désespère pas qu'ils y parviennent.

D'une manière générale, je tiens à ce que les rapporteurs et les deux assemblées aient connaissance des projets de décret d'application. Celui qui concerne ce texte prévoit la création d'une commission nationale chargée de se prononcer sur les compétences juridiques et linguistiques des capitaines communautaires. Conformément à vos souhaits, monsieur le rapporteur, elle sera présidée par un inspecteur général de l'enseignement maritime, que je désignerai, et elle comprendra deux représentants de cet enseignement et deux capitaines en activité, choisis sur une liste réactualisée tous les ans. Cette commission, qui sera donc capable d'apprécier valablement les compétences des candidats, délivrera une attestation de capacité permettant d'exercer les fonctions de capitaine ou de suppléant. Le décret précisera les critères de vérification des compétences juridiques et linguistiques : une épreuve écrite et un entretien oral avec la commission sur des thèmes comme la tenue des documents de bord ou l'exercice des prérogatives de puissance publique des capitaines.

Je présenterai ce projet de décret aux instances consultatives, au Conseil supérieur de la marine marchande puis au Conseil d'État. Il pourra donc paraître très rapidement après le vote de cette loi.

M. Charles Revet.  - Merci de ces précisions qui nous rassurent tous, y compris Charles Josselin qui, ayant obtenu réponse à toutes ses demandes, va pouvoir voter ce texte avec nous.

La discussion générale est close.

Les articles premier, 2 et 4 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

M. Jacques Gautier.  - Le groupe UMP se range totalement à l'avis du rapporteur d'adopter ce projet de loi conforme. Déjà en première lecture, nous disions que ce texte était indispensable pour mettre notre droit en conformité avec la jurisprudence communautaire. C'est encore plus nécessaire après la condamnation de la France, le 11 mars, par la Cour de justice des communautés européennes. Il faut donc voter ce texte et souhaiter sa rapide promulgation. Même si, comme les sénateurs ici présents, je regrette la disparition du terme « diplôme », je pense que ce projet de loi demeure équilibré. Les professionnels de la marine marchande attendent beaucoup de la représentativité de la commission ad hoc, ainsi que des dispositions relatives aux cas de crimes commis à bord.

Au-delà, les questions-clés demeurent celles de l'attractivité de la profession et de la compétitivité du registre français. Je salue la détermination de la commission des affaires économiques et remercie le ministre d'avoir organisé une série de tables rondes sur la modernisation et la réforme de cette filière. Nous espérons que des mesures concrètes seront mises en place et, dans cette attente, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Charles Josselin.  - Je suis sensible à l'invitation du rapporteur mais c'est pour ce qu'il ne contient pas, autant que pour ce qu'il contient, que nous avions choisi de nous abstenir. Nous resterons attentifs aux orientations que donnera le Gouvernement à la filière maritime. Aujourd'hui, le compte n'y est pas. Nous maintenons notre abstention.

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 15 heures.