SÉANCE

du jeudi 10 juillet 2008

8e séance de la session extraordinaire 2007-2008

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Responsabilité environnementale (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.

Discussion générale

M. Jean Bizet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Je remercie le président Émorine qui m'a épaulé au long de ce processus et je salue également le travail effectué en commun avec notre collègue député M. Alain Gest, qui a grandement facilité la bonne marche de nos travaux en CMP.

L'essentiel de nos débats en commission mixte a porté sur deux points absents du projet de loi initial. Il s'agit d'abord de l'article 4 bis, adopté par le Sénat à l'unanimité à l'initiative de notre collègue Bruno Retailleau. Il prévoyait que les collectivités territoriales pouvaient se constituer partie civile pour des faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel elles exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions relatives à la protection de l'environnement. L'Assemblée nationale avait, à l'initiative du Gouvernement, restreint ce dispositif aux seuls cas où l'action publique est lancée par le ministère public ou la partie lésée. Représentants des collectivités territoriales, les sénateurs ne pouvaient qu'être sensibles sur ce point, et nous avons donc souhaité, en commission mixte paritaire, supprimer cette restriction qui apparaît, à l'heure de la décentralisation, peu justifiable, d'autant plus que les associations ne sont pas soumises à cette restriction. L'amendement que j'ai présenté en ce sens a été adopté à l'unanimité par la commission mixte paritaire, et je m'en félicite au nom des élus locaux que nous représentons.

En second lieu figurait l'article 13, introduit par le Gouvernement au Sénat, relatif à Natura 2000. Notre assemblée avait estimé en première analyse et, il faut bien le dire, faute d'avoir eu le temps nécessaire à l'examen d'un tel dispositif, que les activités humaines ne pouvaient pas être intégrées dans l'obligation d'évaluation d'incidences. Après un débat nourri à l'Assemblée nationale, sa commission des affaires économiques est revenue sur ses réticences et a accepté l'intégration des manifestations et interventions humaines.

J'ai entre-temps organisé une table ronde sur ce sujet le 2 juillet, à laquelle tous les groupes politiques du Sénat étaient invités, et qui réunissait l'ensemble des professionnels et des représentants du ministère. J'ai entendu, à cette occasion, les préoccupations de ses acteurs, et je souhaite en conséquence souligner quelques points et vous interroger, monsieur le ministre, sur d'autres. Il faut bien avoir en tête que seules les interventions énumérées dans une liste nationale et reprises dans une liste locale seront soumises à évaluation d'incidences. En conséquence, le rôle du préfet sera essentiel, pour prendre en compte toutes les spécificités locales, en concertation avec tous les acteurs concernés. C'est pourquoi nous avons souhaité, avec mon collègue Alain Gest, renforcer cette concertation, en présentant à la commission mixte un amendement précisant explicitement que seront associés à l'élaboration des listes locales les représentants d'organisations professionnelles et d'établissements publics exerçant leurs activités dans les domaines agricole, sylvicole, les cultures marines, la pêche, la chasse et l'extraction. Nous avons ajouté, à la demande de notre collègue Thierry Repentin, le domaine touristique, qui peut effectivement jouer un rôle dans ces sites, notamment en zone de montagne.

Je souhaite que le ministre nous confirme qu'une modification réglementaire créera, au sein de la commission des sites, une formation Natura 2000 dans laquelle les organismes, notamment les chambres d'agriculture, auront voix délibérante.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la chasse ne sera pas concernée par ce dispositif et n'a pas vocation à apparaître dans la liste nationale ? Pouvez-vous préciser que seuls les documents de planification dont l'élaboration ou la révision auront été prescrites après l'entrée en vigueur de la loi seront concernés par le dispositif ? Enfin, pour apaiser les craintes du monde de la pêche, qui sont très vives, notamment sur la question de la charge de l'évaluation des études, pouvez-vous nous garantir que celle-ci ne reposera pas sur les pêcheurs individuellement mais sur l'État ou, éventuellement, sur les organisations professionnelles volontaires ?

Ainsi, avec l'amendement adopté par la CMP et les assurances que vous voudrez bien nous donner, monsieur le ministre, le dispositif est encadré et nous met en conformité avec la directive communautaire, sans nous exposer aux foudres de la Cour de justice des Communautés européennes.

Enfin, la commission mixte paritaire a adopté un amendement de notre collègue Odette Herviaux, augmentant le montant des amendes pour les rejets en mer de substances nuisibles, afin d'achever la refonte de l'échelle de sanctions des pollutions marines.

Sur l'ensemble des autres points, la CMP a retenu le texte issu de l'Assemblée nationale, qui avait conservé l'équilibre global du texte adopté par le Sénat.

Nous nous félicitons que la directive de 2004 soit enfin transposée et que soit ainsi introduite dans notre droit une nouvelle exigence en matière de réparation des dommages causés aux biens inappropriables. Nous nous félicitons également que la France se soit mise en conformité avec les directives européennes sur nombre de sujets relatifs à la protection de l'environnement. C'est pourquoi, je vous invite à voter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Ce texte résulte d'un travail considérable, réalisé pour une bonne part dans des conditions d'urgence mais qui n'ont en rien affecté la qualité des propositions des deux assemblées. Je félicite particulièrement votre commission des affaires économiques et son rapporteur, ainsi que ceux qui ont présenté des amendements souvent majeurs et, bien sûr, vos représentants à la commission mixte paritaire.

Ce texte représente une avancée considérable du droit de l'environnement. Vous avez ainsi introduit un dispositif complet de police administrative afin d'assurer l'effectivité du principe de responsabilité environnementale, nouveau dans notre droit ; vous avez renforcé considérablement la répression des pollutions marines ainsi que notre dispositif de protection de la qualité de l'air ; vous avez, enfin, apporté des compléments utiles à la lutte contre l'effet de serre, au contrôle des produits biocides et à la législation relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques. Vous avez bien voulu aussi habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à plusieurs règlements communautaires, notamment dans le domaine des transferts de déchets et surtout dans celui des produits chimiques et des produits biocides. Vous avez aussi comblé une lacune dans notre législation de protection de la faune et de la flore, en élargissant le champ des contrôles possibles sur certaines activités susceptibles de porter atteinte aux sites Natura 2000. De même, pourront être inscrites dans la loi, d'une part, des modalités d'intervention plus souples des collectivités territoriales pour faire valoir en justice leurs intérêts environnementaux et, d'autre part, la possibilité de mieux protéger certains espaces naturels situés dans les circonscriptions des ports autonomes. Enfin, le débat parlementaire a été l'occasion de nous conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant le dispositif législatif et réglementaire relatif aux organismes génétiquement modifiés, récemment conforté par le Parlement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous remercie à l'avance d'adopter ce projet de loi qui mettra en conformité notre législation avec les textes communautaires et complètera notre législation nationale sur la protection de l'environnement et de la santé humaine. (Applaudissements à droite)

Mme Évelyne Didier.  - A l'issue de débats très intéressants, nous notons de réelles avancées mais disons aussi notre grande déception.

Les dommages à l'environnement sont enfin reconnus et traités comme tels. Les collectivités territoriales pourront se porter partie civile ; le Sénat ne pouvait pas faire moins lorsqu'on sait les dégâts provoqués par des catastrophes comme celle de l'Erika. (M. Bruno Retailleau le confirme)

Pour le reste, nous sommes déçus et nous attendons avec impatience les textes qui donneront suite au Grenelle de l'environnement. Nous restons au milieu du gué. La majorité est toujours réticente à intégrer réellement les trois dimensions indissociables du développement durable, l'économie, le social et l'environnement. Nous voterons contre le texte.

M. Roger Madec.  - Nos échanges ont été constructifs et les parlementaires de la majorité, après les hardiesses libérales de la première lecture, ont manifesté davantage de retenue et de sens des responsabilités. La transposition des directives s'est cependant faite a minima. Constructifs, exigeants et vigilants, les parlementaires socialistes ont confirmé qu'ils étaient les seuls véritables défenseurs de l'esprit du Grenelle de l'environnement, dont nous attendons toujours qu'il trouve sa traduction concrète.

Nous avons oeuvré pour que les collectivités locales aient toute leur place dans l'activation du mécanisme pollueur-payeur ; elles pourront désormais saisir la justice en cas de dommage causé à l'environnement sur leur territoire. C'est la condition d'une république écologique décentralisée, dynamisée par des collectivités locales responsables.

Nous avons plaidé pour l'augmentation des amendes pour rejet de substances nuisibles et d'ordures en mer ; cette forme de pollution n'est pas moins importante que d'autres et ce comportement moins répréhensible au regard de la protection de l'environnement.

Nous restons très vigilants sur la mise en place rapide du dispositif des lanceurs d'alerte, qui donnera corps à cette démocratie écologique que nous appelons tous de nos voeux. Mme la secrétaire d'État s'est engagée, lors de la première lecture dans notre assemblée, à reprendre notre proposition en ce sens.

Nous déplorons en revanche l'opposition de la majorité à l'un de nos amendements visant à maintenir la place du Conservatoire du littoral et des associations de protection de la nature dans la gestion des espaces sensibles des grands ports. Il aurait fallu préserver les situations existantes quand elles permettent la cohabitation sereine de tous les acteurs. Nous regrettons également que l'occasion n'ait pas été saisie de mieux articuler les différentes polices spéciales en matière d'environnement, notamment en ce qui concerne l'eau, les déchets ou les OGM.

Les débats ont montré que nous avions eu raison de demander le renvoi en commission. La précipitation a entraîné des embrouillaminis et un recours aussi massif que condamnable aux ordonnances. A l'heure où la majorité semble trouver des vertus à la revalorisation du travail parlementaire, où chacun attend la traduction concrète du Grenelle de l'environnement, nous ne pouvons plus accepter de travailler dans de telles conditions. Nous avons cependant conscience du retard de transposition pris par la France. Alors que notre pays préside l'Union, il lui faut au moins éviter d'être parmi les derniers de la classe.

Tout en prenant acte de timides progrès sur le fond, nous condamnons la méthode de travail et une interprétation encore trop restrictive du principe pollueur-payeur. Nous nous abstiendrons.

La discussion générale est close.

Mme la présidente.  - En application de l'article 42-12 de notre Règlement, lorsqu'il est saisi avant l'Assemblée nationale, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte. Je n'ai été saisie d'aucun amendement ni d'aucune prise de parole sur les articles restant en discussion. Je mets aux voix les conclusions de la CMP.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je remercie le Sénat de son vote. Notre dialogue se poursuivra lors de la rédaction des textes d'application et de notre prochain grand rendez-vous législatif, l'examen des textes traduisant les conclusions du Grenelle de l'environnement. Le moment est venu de vous remettre les réponses écrites à vos interrogations.

La séance, suspendue à 11 h 25, reprend à 11 h 30.